/ 1792
445. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Autour de lui, le poète a groupé une innombrable foule de figures poétiques ou pittoresques, angéliques ou grimaçantes, amusantes ou horribles : la psychologie est courte, souvent nulle ; mais ici encore les profils sont puissamment dessinés, les costumes curieusement coloriés. […] Ce n’est pas la réalité : mais c’est une vision poétique qui transfigure la réalité sans la déformer. […] Elle s’unit à la nature par une sympathie profonde, elle aime partout la vie, elle mêle son âme aux choses : sa description, pittoresque et poétique tout à la fois, emplit l’œil et le cœur, nous livre à la fois l’objet et le sujet, le peintre ajouté et comme fondu dans son modèle. […] Cela lui rend impossible les notations délicates de sentiments poétiques, les fines analyses de passions tendres, d’exaltations idéalistes : là Balzac s’enfonce dans le pire pathos, étale un pâteux galimatias ; lisez, si vous pouvez, le Lys dans la vallée. […] Il a été effrénément romantique : mais comme il manquait de sens artistique, de génie poétique et de style, les romans et les scènes d’inspiration romantique sont justement aujourd’hui les parties mortes, ayant été toujours les parties manquées de son œuvre.

446. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

  Tel est, dans sa simplicité poignante, ce drame musical, et nous n’avons pas même tenté — connaissant l’insuffisance de notre parole — d’exprimer les beautés poétiques et musicales dont il abonde, il est enveloppé tout entier de ténèbres et de tempêtes ; il est lui-même comme un grand vaisseau battu sans fin par l’orage ; tous les vents de l’abîme soufflent, toutes les voix des profondeurs mugissent dans ses sauvages harmonies, et l’âme du spectateur se sent entraînée, roulée, dispersée dans les noires vagues de la mer. […] De son temps il n’y avait pas d’art national allemand, pas de formes poétiques qui répondissent à ses idées hautement artistiques : il n’avait pas en lui-même la force d’en créer : de là cette lutte funeste. Quoique il ne fût jamais satisfait et cherchât toujours, tout le monde reconnaît pourtant que Platen a été comme aucun poète allemand, maître de la forme poétique, de la métrique et de la construction des vers. […] Mais cette forme étrangère ne pouvait s’acclimater, puisque, pour les appliquer, il fallait forcer la langue outre mesure et se priver d’autres formes poétiques plus belles et plus variées. […] Mais, lui et son contemporain Klopstock, ils étaient arrivés à la limite de ce que les paroles peuvent exprimer ; et, comme leurs formes poétiques ne s’adaptaient pas bien à la musique, ils sont tous deux restés impopulaires ; Platen avoue lui-même que « le poète lyrique qui n’est plus un avec le musicien, a besoin du compositeur pour devenir populaire. » Mais Platen ne connaissait guère la musique comme art, il n’en saisissait que le côté formel et extérieur, et, n’ayant pas en lui-même l’esprit de de la musique, il ne pouvait créer une lyrique qui, malgré les perfections de sa forme, devînt immédiatement compréhensible et vraiment populaire.

447. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

depuis, beaucoup de vie encore dans ce vieux chêne de poète, mais, franchement, lorsque lis en cette Légende des Siècles, où je trouve des pièces comme L’Abîme, Le Ver de terre, L’Élégie des fléaux, À l’Homme, et bien d’autres qui rappellent les plus purs amphigouris des premières Légendes, et pas une pièce comme Booz, Éviradnus et Le Petit Roi de Galice, il m’est impossible de ne pas voir dans le Victor Hugo de ces secondes Légendes une diminution de la vitalité poétique. […] … Si on me défiait, je pourrais multiplier des citations pareilles, — qui montreraient ce que devient Hugo quand il se livre à ses visions par trop cornues, et combien ce visionarisme dont on lui a fait un mérite poétique décompose son regard, sa pensée et sa langue. […] Victor Hugo est le génie de l’arabesque poétique. […] Dans son poème, sous, une forme poétique, attendrissante, larmoyante, apostolique, car l’archevêque de Cousin sait au besoin faire l’apôtre, il résout la question posée pendant tant de siècles : à savoir que le Pape doit être décapité de sa couronne, en attendant qu’il le soit de sa tête ; — car, pour messieurs les démocrates autant que pour nous, les monarchistes, la couronne et la tête ne font jamais qu’un. […] Cela mérite-t-il de s’appeler une œuvre, cet almanach poétique de cent vingt-neuf pages, sans compter les blancs ?

448. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il est de l’opinion de Victor Hugo, ce fort porcher poétique, qui n’a pas craint d’écrire : J’ai nommé par son nom le cochon, — pourquoi pas ? […] voilà le crapaud, voilà le dessous de la signification de cette courte églogue, jetée à travers les détails les plus prosaïques, les plus mesquins, les plus aplatis de la vie d’un pauvre curé de campagne, qui pourrait être si poétique dans sa pauvreté. […] Et, d’ailleurs, ni les fleurs peintes, ni les phrases de son églogue, dans lesquelles il s’efforce de se montrer poétique, ne font un poète de M.  […] Zola pût refaire un autre livre comme L’Assommoir… Quand on a épuisé la poétique du Laid de Hugo et la poétique du Dégoûtant de M. 

449. (1925) Proses datées

Ces lettres arrivaient toujours, prétendait Mallarmé, et étaient une preuve évidente du sens poétique des facteurs. […] J’ai entendu souvent José-Maria de Heredia lui reconnaître un don souverain d’évocation poétique. […] La place tenue par Moréas dans le mouvement poétique de son temps nous apparaît plus nettement. […] Les siennes se réduisaient à celles qui se prêtaient le mieux à l’expression poétique. […] Cette œuvre poétique d’Hugo, que nous offre-t-elle ?

450. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Selon nous, et d’après des renseignements puisés aux sources, Éléonore était MlleTr…….le174, un nom assez peu poétique vraiment. […] Il est à croire que le succès de ses vers éclaira l’auteur lui-même ; l’intérêt que le public se mit aussitôt à prendre à Eléonore, et que vinrent entretenir d’autres pièces à elle adressées dans les Opuscules poétiques de l’année suivante (1779), acheva de décider le choix du poëteamant, et lui indiqua le parti qu’il lui restait à tirer de sa passion : dans les éditions qui succédèrent, les Aglaé, les Euphrosine, furent sacrifiées ; l’inconstance devint un crime, tandis qu’auparavant on ne voyait que l’ennui de criminel ; en un mot, Parny s’attacha à mettre de l’unité dans ses élégies et à pousser au roman plus qu’il n’avait songé d’abord. […] Oui, Parny était bien cela, il l’était dans son genre à meilleur titre que Delille ; mais le malheur c’est que l’époque de Louis XVI n’avait rien de ce qui constitue un siècle ; ce n’était qu’un règne d’un goût passager et d’un jargon poétique aimable. […] On a remarqué que certaines natures poétiques, voluptueuses et sensibles, se flétrissent vite ; la première fleur passée, elles ne donnent qu’un fruit peu abondant, après quoi ce n’est plus qu’une écorce mince et sèche, à laquelle, s’il se peut, s’attache un reste de l’ancien parfum. […] N’était-ce là, de sa part, qu’une pure combinaison poétique ?

451. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Ce passage éloquent et tout semé d’images poétiques a enlevé les suffrages du jury : qu’il enlève aussi les vôtres, messieurs ; car la pièce entière ne pouvant vous être lu, comme va l’être tout à l’heure la première, je demande au moins à vous en dire le plus bel endroit :     Cherchez l’or, dit l’enfant qui souffre ;     Au travail, joug prématuré,     Je meurs ; — ni le beau ciel doré Ni le bel arbre vert ne viennent, à ce gouffre. […] L’accessit a été obtenu par une pièce qui a des mérites à elle et qui porte aussi sa marque poétique. […] Je signalerai seulement deux pièces dignes de mention parmi celles qui ont succombé : l’une, un dialogue extrêmement spirituel, et parfois poétique aussi, entre deux anciens camarades de collège, un poète et un banquier ; le sujet du concours y est traité un peu trop sans gêne toutefois.

452. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

On sortait de là, la mémoire involontairement remplie de mille semences poétiques, de mille charmantes réminiscences qui avaient leur réveil à toute heure. […] Il s’est fait remarquer au théâtre par des pièces en vers, qui étaient plutôt des anecdotes poétiques et romanesques que des comédies, mais qui avaient leur cachet toujours de distinction et d’élégance. […] Pour nous tous, qui sommes déjà d’autrefois, pour ceux qui, comme nous, ont été nourris des lettres dès l’enfance et qui sont plus volontiers critiques qu’artistes, plus des hommes de livres que des curieux de marbres et de statues, ce sont nos figures préférées, nos formes à nous, toutes poétiques et littéraires, lesquelles aussi, comme les trois ou quatre beaux groupes antiques conservés, nous apparaissent toutes les fois que nous regardons en arrière et décorent nos fonds de lectures et de souvenirs.

453. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Les nouvelles lettres n’ajouteront rien d’essentiel à l’idée qu’on avait pu se faire d’elle, mais elles contribueront à développer l’aimable portrait, ce modèle de belle âme religieuse et poétique, et à le mettre de plus en plus dans tout son jour. […] Nous avons là une catholique de vieille souche, douce, pieuse, fervente, résignée, tendre, poétique, aimant la nature et adorant Dieu dans la nature, y trouvant à chaque pas les plus charmants emblèmes, moralisant avec grâce et sourire au sein même de la douleur : nous avons, d’autre part, et en regard d’elle, un caractère énergique de calviniste à demi émancipée, poétique aussi, très-croyante toujours, fervente, même prêcheuse, mais ouverte à toutes les impressions, ayant sa palette à elle, près de sa Bible, poussant ardemment ses aspirations vers le monde extérieur et absorbant la création par tous ses pores : — deux types.

454. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ses deux philosophies sont l’effet de deux facultés diverses : l’une, qui est l’imagination poétique, aidée par la jeunesse, l’emporte vers la philosophie pure et vers les idées allemandes ; l’autre, qui est l’éloquence, chaque jour plus puissante, soutenue par l’âge, finit par devenir maîtresse, et l’entraîne vers le spiritualisme oratoire, dans lequel il s’est assis et endormi. […] La nouveauté des doctrines, le courant de l’opinion publique, la naissance d’une littérature poétique, la grandeur mystique des théories sur l’infini et sur la raison éternelle, il n’en fallait pas tant pour pousser M.  […] Cousin invente peu ou point ; mais il a besoin d’éprouver des émotions métaphysiques ; il ressent le plus vif et le plus poétique plaisir, lorsqu’il voit un système se former dans son cerveau, se développer et embrasser l’univers dans ses conséquences.

455. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

C’est que la valeur représentative et la valeur poétique d’une œuvre dramatique ne se composent pas des mêmes éléments, et par conséquent n’ont pas de commune mesure. […] Toute œuvre dramatique possède par elle-même une valeur poétique et une valeur représentative. […] Ce fond s’harmonise merveilleusement avec le texte poétique. […] C’est donc la façon dont les auteurs modernes comprennent la mise en scène de ce nouveau et poétique personnage qu’il nous faut éclaircir autant que possible par des exemples. […] On voit donc combien l’effet général du décor répond mieux à l’idée poétique que les effets particuliers d’une mise en scène plus naturaliste.

456. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Lorsqu’un mouvement poétique véritable, dû à des causes générales, lorsqu’un vrai printemps poétique nouveau se prépare dans une société, il s’annonce à l’avance par bien des signes ; il y a de jolis matins de février.

457. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Les noms des amies chantées par André Chénier dans ses Élégies sont maintenant connus, du moins presque tous : il n’était pas de ceux qui se choisissent des « maîtresses poétiques », et qui font des élégies en l’air. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes.

458. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

De certaines beautés d’images et d’harmonie sont transportées successivement dans la plupart des langues nouvelles et perfectionnées ; mais quand le talent poétique d’une nation se développe comme à Rome, au milieu d’un siècle éclairé, il s’enrichit des lumières de ce siècle. […] Ils ont emprunté des Grecs beaucoup d’inventions poétiques, que les modernes ont imitées à leur tour, et qui semblent devoir être à jamais les éléments de l’art.

459. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

I Certes, il y a eu, selon les poétiques désormais périmées, de beaux poèmes, imprégnés d’émotion, savamment rythmés, mais peut-être n’en existe-t-il pas un seul qui ne contienne des vers faibles et des chevilles. […] Or, la seule unité rationnelle est la strophe et le seul guide pour le poète est le rythme, non pas un rythme appris, garrotté par mille règles que d’autres inventèrent, mais un rythme personnel, qu’il doit trouver en lui-même, après avoir écarté les préjugés métaphysiques et culbuté les barrières que lui opposaient les Dictionnaires de Rimes et les Traités de Versification, les Arts poétiques et l’Autorité des Maîtres.

460. (1762) Réflexions sur l’ode

Despréaux dans son art poétique a donné le précepte, et n’a pas donné l’exemple dans son ode sur Namur. […] Vous en trouverez de cette espèce (et ce sont peut-être les meilleures) ou il n’y a ni fureur poétique, ni invocation, ni que vois-je, ni que sens-je, ni prétendu beau désordre.

461. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère. […] Et encore l’envers des choses les retourne, mais ne les brise pas, tandis que le masque de prose appliqué par les mains bourgeoises de Labutte sur le poétique et gigantesque facies du xe  siècle fait bien plus que de le défigurer, il le diminue, et diminuer, en histoire, c’est la pire manière de travestir.

462. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui. […] — Les Hirondelles, Les Dieux scandinaves, La Reine de Madagascar, voilà le bagage poétique de Louis Wihl, auquel il faut ajouter le poème intitulé Le Mendiant pour la Pologne 36, et quelques poésies comme celle, par exemple, adressée à Victor Hugo… Ce n’est pas là un bagage immense dans ce temps de ballots et de quintaux littéraires, où nous sommes tous plus ou moins les portefaix de nos œuvres.

463. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Le Bonaparte au mont Saint-Bernard est peut-être, — avec celui de Gros, dans la Bataille d’Eylau, — le seul Bonaparte poétique et grandiose que possède la France. […] Nous eussions aimé voir à l’exposition Bonne-Nouvelle quelques compositions de Girodet, qui eussent bien exprimé le côté essentiellement poétique de son talent.

464. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Un érudit considérable, Jules-César Scaliger, fait un pas de plus dans sa Poétique, où il proclame ouvertement la supériorité des Latins sur les Grecs. […] C’est ce que les Français de la Renaissance ont compris, et peut-être n’eussent-ils pas su les dire, mais ce sont bien là les raisons pour lesquelles, après la courte et poétique ivresse dont le grec les avait un temps transportés, ils retournent en foule à la tradition latine. […] Et enfin cette littérature ne pourra manquer d’attacher une grande importance aux agréments de la forme, en premier lieu parce qu’il faudra qu’elle plaise pour persuader ; en second lieu, parce que la forme seule est capable de sauver les généralités du « lieu commun », qui en est l’écueil ; et en troisième lieu, parce qu’elle a déjà refait sa « Poétique » et sa « Rhétorique » sur le modèle du latin. […] 3º Les Œuvres. — La Défense et Illustration de la langue française ; — Du Bellay, Le Poète courtisan ; — Pontus de Tyard, Solitaire premier, Solitaire second ; — Ronsard, Abrégé de l’Art poétique, à M.  […] La tragédie l’emporte, grâce à la Poétique de Scaliger, 1561 ; — grâce à la popularité des tragédies de Sénèque ; — et grâce enfin au succès du Plutarque d’Amyot.

465. (1927) Des romantiques à nous

Au tome premier de la Gaule poétique, Marchangy raconte l’installation de la colonie phocéenne à Marseille. […] La Gaule poétique a paru en 1813, quatre ans après les Martyrs, en huit volumes. […] Pour caractériser une inspiration poétique qui traverse les âges et se pose fraîche et brillante encore comme au premier jour dans l’âme vierge d’un lointain descendant, la comparaison convient à ravir. […] L’intelligence, la pensée n’auraient aucune part dans une inspiration poétique vraie, laquelle serait pur frisson instinctif. […] Notamment, je suis très net sur ce point que, dans une interprétation morale ou poétique vraie de notre héroïne et de son destin, la considération de la femme, au point de vue sensuel, ne mérite aucune part.

466. (1940) Quatre études pp. -154

Que nous le voulions ou non, nos plus grandes réussites poétiques ont une solide armature ; mens divinior. […] Il constatait qu’aux yeux de la plupart des Anglais, le génie français continuait de n’être pas poétique. […] Mais même Matthew Arnold, si prêt par ailleurs à reconnaître la valeur de notre civilisation, nous dénie le don poétique. […] La poétique romantique française a eu, au contraire, un immense retentissement dans toute l’Amérique latine. […] Gustave Lanson, Introduction à l’édition des Méditations poétiques, Paris, Hachette, 1915.

467. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Feuillet et de son procédé poétique éclate dans tout son jour. […] Mérimée me paraît à la fois la plus poétique et la plus probable. […] Joseph Autran, et sur l’ensemble de sa carrière poétique. […] , ne peut rester insensible à cette œuvre qui vient de combler une lacune et de rompre la prescription poétique. […] — Nos rois poétiques sont morts, ou, ce qui est pire, ils se survivent.

468. (1901) Figures et caractères

Donc séparer la vie politique de la vie poétique. […] De l’édifice poétique qu’habitait cette imagination, il ne nous resterait que la ruine disjointe. […] C’est lui qui nous donna l’instrument poétique actuel. […] Quand il périt, il était presque inconnu des lettres poétiques de son temps. […] Il montra un très louable souci du métier poétique.

469. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Le libertinage est poétique quand c’est un emportement du principe passionné en nous, quand c’est philosophie audacieuse, mais non quand il n’est qu’un égarement furtif, une confession honteuse. […] Mais, si la foule lui est insupportable, le vaste espace l’accable encore, ce qui est moins poétique. […] « Cette amitié n’est ni morale ni poétique… » Vous l’avouez vous-même, il avait raison. […] Auguste Le Prévost, un ami de l’auteur, peint admirablement l’impression du dimanche, aussi poétique à force de verve que les sonores épanchements de la cloche de village dans la nature agreste de Bretagne par Chateaubriand. […] saluons avec Virgile ces noms plus poétiques pour nous que politiques, et ne recherchons pas de trop près quels étaient les hommes mêmes.

470. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Je suis donc très libre aujourd’hui de parler de son talent poétique dans la mesure juste de mon estime et de mon admiration, sans ajouter et sans retrancher un gramme au poids vrai de ses œuvres dans la balance de l’avenir. […] Ce peuple rabelaisien n’est pas encore arrivé à son âge poétique dans ses couches profondes, et peut-être n’y arrivera-t-il jamais. Son origine gauloise, son goût excessif pour la raillerie, son père spirituel Rabelais, son trop d’esprit, faculté si nuisible au génie poétique d’une race humaine, l’empêcheront peut-être toujours d’être un peuple épique, et encore plus un peuple lyrique. […] Il composa le plan et les premiers chants d’un poème épique intitulé Clovis ; puis il écrivit dans les intervalles des Méditations poétiques ; enfin il pensa à chercher dans la tragédie une de ces renommées soudaines et éclatantes qui grandissent comme l’aloès en un soir, aux rayons du lustre, sur une scène à dix mille échos. […] Fournier, nous a restauré hier une de ces ébauches dans le Courrier de Paris ; nous ne la connaissions pas ; elle gisait enfouie dans les éphémérides poétiques des premières années de l’Empire.

471. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Les peuples ont leurs saisons comme la terre ; le peuple romain, peu littéraire et peu poétique de sa nature, a eu une saison productive très courte, mais dans cette saison très courte ce peuple semble avoir concentré en quelques années la vie et les œuvres des trois plus beaux génies de la latinité, Cicéron, Horace et Virgile. […] Il y distingua ce fils d’affranchi déjà célèbre par son talent poétique, il l’enflamma aisément pour sa cause, qui était aux yeux d’Horace la cause même de la gloire, du patriotisme, de la philosophie, de la vertu stoïque. […] C’est à ces rancunes politiques du jeune tribun des soldats de Brutus contre ses vainqueurs qu’il faut attribuer le goût d’Horace pour la satire personnelle au début de sa vie poétique, car la nature de son tempérament, de son âge et de son génie, le portait plutôt à la poésie gracieuse et anacréontique. […] XXIV C’est là qu’Horace se prêta aux désirs de ses amis lettrés, les Pisons, en écrivant ces épîtres, plus didactiques qu’agréables, qu’on a appelées son Art poétique. […] Boileau, quoique copiste d’Horace, a traité le même sujet dans son Art poétique avec une grande supériorité sur le poète romain, bien que Boileau fût infiniment moins poète que l’ami de Mécène ; mais Horace ne prétendait qu’à faire une ébauche, Boileau faisait un poème.

472. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Si, au contraire, la conception générale à laquelle la représentation aboutit est une création poétique et figurative, un symbole vivant, comme chez les races aryennes, la langue devient une sorte d’épopée nuancée et colorée où chaque mot est un personnage, la poésie et la religion prennent une ampleur magnifique et inépuisable, la métaphysique se développe largement et subtilement, sans souci des applications positives ; l’esprit tout entier, à travers les déviations et les défaillances inévitables de son effort, s’éprend du beau et du sublime et conçoit un modèle idéal capable, par sa noblesse et son harmonie, de rallier autour de soi les tendresses et les enthousiasmes du genre humain. Si maintenant la conception générale à laquelle la représentation aboutit est poétique, mais non ménagée, si l’homme y atteint, non par une gradation continue, mais par une intuition brusque, si l’opération originelle n’est pas le développement régulier, mais l’explosion violente, alors, comme chez les races sémitiques, la métaphysique manque, la religion ne conçoit que le Dieu roi, dévorateur et solitaire, la science ne peut se former, l’esprit se trouve trop roide et trop entier pour reproduire l’ordonnance délicate de la nature, la poésie ne sait enfanter qu’une suite d’exclamations véhémentes et grandioses, la langue ne peut exprimer l’enchevêtrement du raisonnement et de l’éloquence, l’homme se réduit à l’enthousiasme lyrique, à la passion irréfrénable, à l’action fanatique et bornée. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations. […] Tout ce qui développe la crédulité en même temps que les vues poétiques d’ensemble engendre la religion.

473. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Tu retrouvas la Muse antique Sous la poussière poétique Et de Solime et d’Ilion. […] « Allez aux cérémonies de nos Pères et croyez ce qui vous paraîtra le plus poétique. » C’était toute sa morale ; l’empire l’adopta ; Chateaubriand en devint le grand prêtre. […] L’ouvrage se compose de quatre parties, divisées elles-mêmes en livres : La première partie traite des Dogmes et de la doctrine ; La seconde développe la Poétique du Christianisme ; La troisième continue l’examen des Beaux-Arts et de la Littérature dans leur rapport avec la Religion ; La quatrième traite du Culte, c’est-à-dire de tout ce qui concerne les cérémonies de l’Église et de tout ce qui regarde le Clergé séculier et régulier. […] » XXX C’est ainsi que, de descriptions en descriptions magnifiques, l’auteur arrive à la fin de son livre où la poésie occupe plus d’espace que la religion, et dont le vrai titre serait le Christianisme poétique. […] Jeune, je cultivais les muses ; il n’y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de seize années.

/ 1792