Une phrase de la Notice de La Grange, en tête de l’édition de 1682, autorise l’hypothèse de M. […] C’est avoir eu la main malheureuse que de choisir pour cela quelques phrases de Molière, très nettes et très claires d’ailleurs, mais chargées d’incidences, de relatifs, et de conjonctions. […] Si c’étaient de telles phrases qu’eussent blâmées les juges de Molière, ils se seraient trop évidemment condamnés avec lui. […] Dépouiller phrase par phrase leur longue correspondance, relever impitoyablement, à cent ans de distance, avec un soin jaloux, tant d’expressions qui blesseraient l’amour-propre national même le moins susceptible, exploiter enfin contre Voltaire, à grand renfort de mots injurieux, l’irritation de récents et douloureux souvenirs, on peut le faire, on l’a fait ; la besogne est aisée ; mais la tactique est peu généreuse et l’accusation déloyale. […] ou plutôt quels cris n’a-t-on pas poussés pour avoir rencontré dans la correspondance de Mme de Sévigné telle phrase que l’on sait sur les « pendaisons » de Bretagne !
Mais son latin a cela de particulier qu’il est farci de grec, dont l’auteur était tout rempli également ; et il y a même çà et là des pointes d’hébreu : de sorte qu’une seule et même phrase, commencée dans une langue, continuée dans une autre, peut s’achever dans une troisième. […] Le latin de Casaubon est en général aisé, naturel, et le grec de son journal se compose en grande partie de locutions proverbiales, de centons de morale, ou de phrases du Nouveau Testament. […] Une phrase a dû nous frapper dans le passage de Casaubon que j’ai donné : il se plaint que les lettres, les muses trouvent à peine quelque part un asile, un coin où se caser ; et ce n’est pas là une plainte banale.
« S’il est un homme tourmenté, dit-il, par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c’est moi. » Sa méthode est de toujours rendre une pensée dans une image ; la pensée et l’image pour lui ne font qu’un, et il ne croit tenir l’une que quand il a trouvé l’autre. « Ce n’est pas ma phrase que je polis, mais mon idée.
Car, disons-le à sa louange, M. de Chateaubriand, avec cette facilité qui tient à une forte et féconde nature toujours prête à récidiver, ne s’acharnait pas du tout à ses phrases quand un ami sûr y relevait des défauts. […] Une famille de Renés poètes et de Renés prosateurs a pullulé ; on n’a plus entendu que des phrases lamentables et décousues… » Évidemment René ne voulait pas avoir d’enfants, et, s’il avait pu, il aurait voulu (en littérature) ne pas avoir de père. […] à un endroit, par exemple, où il vient de parler admirablement de la Grèce et de Fénelon, il dira : « Si Napoléon en avait fini avec les rois, il n’en avait pas fini avec moi. » Tout au sortir d’un mot digne de Sophocle, on a tiré phrase à la Cyrano.
Daunou, dans son analyse des mérites de Rulhière, est allé jusqu’à remarquer que, dans les phrases courtes comme dans les plus longues, l’auteur varie sans cesse le ton, le rythme, les constructions, les mouvements : Il y a des livres, ajoute-t-il ingénieusement et en rhéteur consommé, où la plupart des phrases ressemblent plus ou moins, si l’on me permet cette comparaison, à une suite de couplets sur le même air ; et ce n’est pas sans quelque effort qu’un écrivain se tient en garde contre ce défaut ; car l’esprit ne s’habitue que trop aisément à un même genre de procédés, le style aux mêmes formes, l’oreille aux mêmes nombres. […] Après cela, j’avouerai que son style est ordinairement périodique (on avait reproché à Rulhière d’avoir la phrase trop longue), c’est-à-dire tel qu’il devait être pour représenter par l’enchaînement des expressions la liaison des idées, pour rapprocher et développer les circonstances des grands événements, et pour conserver à l’histoire sa magnificence et sa dignité.
Je crois que dès ce moment, et à ce moment (surtout), mes efforts porteront surtout sur la construction de la strophe, et Laforgue s’en écartait délibérément, volontairement, vers une liberté idéologique plus grande qui le devait conduire à cette phrase mobile et transparente, poétique certes, des poignantes Fleurs de bonne volonté. […] Il est un des chaînons qui nous rattachent à Baudelaire, car Baudelaire fut un précurseur, non seulement par les enluminures qui parent les Fleurs du Mal, mais aussi surtout pour sa recherche d’une forme intermédiaire entre la poésie et la prose qu’il ne réussit parfaitement qu’une fois, mais admirablement, dans les Bienfaits de la Lune (Mendès a aussi, au moins une fois, retrouvé avec bonheur cette formule composée) ; et de comparer les parties rythmiques des Fleurs du Mal et des Poèmes en prose nous avait donné l’idée d’un livre mixte où les deux formes de phrases chantées eussent logiquement alterné. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite.
Plus tard vous avez « la sensibilité, qui se contracte, se concentre et repousse. » Toutes ces phrases ne me donnent que l’idée d’un muscle, d’un ressort élastique ou d’un morceau de caoutchouc. […] La phrase vague de M. […] Cette pierre est pesante, la matière est étendue, cette plante végète, le soleil est brillant : dans toutes ces phrases, l’attribut est un membre séparé du sujet.
Ce ne sont que des phrases incohérentes, que des élans dont il ne reste aucune trace. […] Celui qui tient la plume, y doit faire attention, ainsi qu’à la nature des phrases. […] Une pensée se perdoit dans une multitude de phrases. […] Or le fait est constant ; d’ailleurs faut-il avoir lu un ouvrage phrase à phrase, pour savoir s’il est bon où mauvais ? […] Il n’y a que des monosyllabes ou quelques phrases alambiquées de celui qui prime, & qui paroît régenter les esprits.
Toujours « l’Âme Étrangère », à laquelle on peut appliquer trop justement la phrase du plus lucide, à mon avis, de ces conteurs slaves, Tourgueneff : « L’Âme d’autrui, c’est une forêt obscure ! […] Redressons les murs de ce moulin de Lemuy, en Franche-Comté, où fut établi, en 1716, le contrat de mariage de l’arrière-grand-père du génial chimiste dont je citais plus haut de si fortes phrases, Claude Pasteur. […] Haeckel avait aussi le don des phrases scandalisantes. […] Les maîtres de l’Institut catholique ont tenu à justifier leur verdict en définissant, par quelques phrases très nettes et très fortes, ce qu’il faut appeler le droit chrétien de la guerre. […] On prête à Lénine cette phrase, en réponse à une objection contre son programme, tirée de la réalité : « Tant pis pour la réalité !
Libri est cet ami ; il se donne le plaisir de citer une jolie phrase sur Cousin.
Cette maniere d’écrire par phrases, en prétendant donner une pensée, ne plaît qu’autant que ceux qui l’adoptent savent fixer quelque temps l’attention du Lecteur sur un même objet, c’est-à-dire, qu’il faut que, de pensée en pensée, ils développent un sujet, afin que les traits de lumiere suppléent au défaut de liaison dans le style.
Voici quelques phrases de cet Auteur, prises au hasard dans ses Œuvres mêlées.
Qu'on lise l'Ode qu'il a composée sur ce sujet, & qui passe pour son chef-d'œuvre : on verra que ce n'est qu'une déclamation vague, un tissu de phrases détachées, d'expressions boursoufflées, qui ne disent rien, fumum ex fulgore, non ex fumo dare lucem, cogitat.
Il fera son article de demain avec des phrases mal entendues, pendant vingt minutes, — mal entendues dans la préoccupation du ver rongeur qui l’attend à la porte, et de son déjeuner en retard, au moins d’une heure. […] Aujourd’hui, elle vient me lire sa notice, et la biographie de Flaubert est vraiment toute charmante dans son intimité, avec les détails de l’influence d’une vieille bonne, du conteur d’histoires Mignot, avec l’intérieur un peu sinistre de l’habitation à l’hôpital de Rouen, avec l’existence à Croisset, avec les soirées dans le pavillon du fond du jardin, se terminant par cette phrase de Flaubert : « C’est le moment de retourner à Bovary ! » phrase qui faisait naître dans l’esprit de l’enfant, l’idée d’une localité, où son oncle se rendait la nuit. […] Et ce n’était pas commode à gagner sa vie dans ce temps-là, où l’on payait si peu, et où « il ne consentit jamais — s’écrie-t-il avec fierté — à supprimer une phrase dans un article : ce que sachant les rédacteurs en chef des journaux, ils en profitaient pour ne lui faire passer que deux articles, sur les quatre qui étaient stipulés dans le traité. » Et il avait dû faire des dettes… avec des créanciers dont il dit le plus grand bien. […] Il conte les choses les plus stupéfiantes sur les élections de son pays, parlant d’un maire de la montagne, qui fait d’avance son travail de recensement des votes, et qui est venu s’excuser auprès de lui, d’avoir donné neuf voix à M***, qui est de la localité, par cette phrase : « Ça ne vous contrarie pas ?
Quand nous parlons à haute voix, la parole intérieure n’est pas pour cela absente ; elle ne se tait qu’à demi, et par intervalles ; quand nous reprenons haleine, quand nous marquons par de courts silences les points et les virgules de nos phrases, nous l’entendons : elle nous rappelle la trame de notre discours, elle nous dicte les mots qui vont suivre ; elle sert de guide, ou, pour mieux dire, de souffleur à la parole extérieure. […] A traduire littéralement une phrase souvent citée de Analytiques, il semblerait pourtant qu’Aristote ait connu la parole intérieure ; nous croyons que, dans ce passage le logos esô ou logos entèi psukhèi, qu’Aristote oppose au logos exô2 n’est pas la parole intérieure, mais une certaine détermination de la pensée8. […] La parole intérieure n’est pas encore considérée comme une succession dans cette phrase de la Logique de Port-Royal, l’ouvrage le plus ancien (par la date de sa publication) où nous la trouvions mentionnée : « L’esprit a coutume de lier si étroitement (les mots aux idées) que l’idée de la chose excite l’idée du son, et l’idée du son celle de la chose. […] Deux phrases de J. […] » La phrase citée par Egger clôt la troisième objection initiale : « La prière doit être présentée à Dieu dans le secret, dit le Seigneur (Mt 6,6) : ‘Lorsque tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père dans le secret.’
Dans les sermons de Bossuet et de Bourdaloue, le pathétique sort pour ainsi dire de toutes les mailles d’une argumentation serrée, poussé dehors par la chaude conviction et l’inépuisable charité de l’orateur, sans qu’une seule phrase tende par soi-même à autre chose qu’à prouver.
L’écriture en est d’une originalité exquise, ne se rattachant à aucune vieille ou récente « école », la phrase est quelquefois hachée, pittoresque, imprévue, les assonances bien en relief, le rythme déconcertant ; souvent, la noble envolée lyrique s’impose en sa débordante poésie.
Des déclamations redondantes ou plates, exprimant la médiocre philosophie d’un mauvais élève des derniers romantiques ; des phrases d’un français déplorable, construites sans art, avec la plus absolue méconnaissance du sens des mots ; des tropes ridicules ; des comparaisons d’une désespérante banalité.
Si les villes grecques se disputèrent l’honneur d’avoir produit Homère, c’est que chacune reconnaissait dans l’Iliade et l’Odyssée ses mots, ses phrases et son dialecte vulgaires.
Pour celles qui ont été averties, les avocats, procureurs et notaires des petites villes voisines ont fait leurs doléances de leur chef, sans assembler la communauté… Sur un seul brouillon, ils faisaient pour toutes des copies pareilles qu’ils vendaient bien cher, aux conseils de chaque paroisse de campagne. » — Symptôme alarmant et qui marque d’avance la voie que va suivre la Révolution : l’homme du peuple est endoctriné par l’avocat, l’homme à pique se laisse mener par l’homme à phrases. […] (Pourtant) aucun gentilhomme n’a autant fait pour les habitants de ses terres que M. le marquis de Marnezia… Les excès en tout genre augmentent ; j’ai des plaintes perpétuelles sur l’abus que les milices nationales font de leurs armes, et je ne puis y remédier. » D’après une phrase prononcée à l’Assemblée nationale, la maréchaussée croit qu’elle va être dissoute et ne veut pas se faire d’ennemis. « Les bailliages sont aussi timides que la maréchaussée ; je leur renvoie sans cesse des affaires, et aucun coupable n’est puni… » — « Aucune nation ne jouit d’une liberté si indéfinie et si funeste aux honnêtes gens ; il est absolument contraire aux droits de l’homme de se voir perpétuellement dans le cas d’être égorgé par des scélérats qui confondent toute la journée la liberté et la licence. » — En d’autres termes, les passions, pour s’autoriser, ont recours à la théorie, et la théorie, pour s’appliquer, a recours aux passions.
Pour alléger la phrase, on la débarrassa de l’échafaudage logique qui l’étayait ; les idées se lièrent par elles-mêmes, se subordonnèrent par leur ordre de présentation ; et l’on rebuta des termes de liaison, conjonctions et locutions conjonctives. […] Un dernier caractère de la langue des précieux est à remarquer : ils parlent comme les livres, en belles phrases littéraires.
Jules Lemaître, certes, s’amuse et nous amuse, mais entre deux grâces il sait glisser une phrase profondément pensée, sans l’alourdir par des insistances, comme l’on doit faire dans le dernier salon où l’on cause, si, comme je l’espère, on y sait bien causer. […] Demain j’y retournerai. » La phrase a trop servi, et maintenant la jeune femme répond à son seigneur inquiet de ses yeux fatigués : « Je n’ai pas cessé de courir de Faguet à la Sorbonne, à du Bled chez la duchesse, et à Vanor chez Bodinier, sans trouver la nuance d’âme que je cherchais ; je recommencerai demain. » Je remercie les auditrices, loyales celles-là ou momentanément inoccupées, qui aujourd’hui sont venues en personne entendre moquer leur prétendu passe-temps favori.
Si le musicien donne quelque chose à l’expression d’un mot qui n’est que la partie d’une phrase, il faut que ce soit sans perdre de vûë le sens general de la phrase qu’il met en chant.
Faguet concluait ceci : « Fénelon avait pour idéal le style uni, très simple, le style de tout le monde, ou, du moins, le style de la bonne compagnie, et il en résulte qu’en se corrigeant il tend au banal, à la phrase toute faite, et il y parvient… M. Albalat a raison : Fénelon aspire au banal, à la phrase toute faite.
Évidemment, c’est une femme qui cultive la phrase. […] Dans sa lettre sur le Retour du Christ, on trouve une phrase d’une crudité scientifique, immonde et sacrilège, dont les fronts catholiques ne seront pas les seuls à rougir.
C’est parfaitement en vue du succès sur place et de l’effet à produire sur l’opinion, tout de suite, qu’Alexandre Weill a choisi pour titre de son ouvrage cette phrase, où s’étale si rondement l’abdomen de ce Je que Pascal ne pouvait pas souffrir. […] qu’un être qui l’a formé, qui l’a nourri de son sang, sa mère, ou bien qu’un être né de ses entrailles, sa fille, lui soit inférieur. » On pourrait peut-être rétorquer à Weill le sang et les entrailles de sa phrase, et lui demander de quoi donc il est infatué, lui qui reproche à l’homme l’infatuation de son sexe ?
Villemain est, dans l’ordre des orateurs, un parleur très arrangé, qui épile des phrases, sceptique à tout, si ce n’est à la rhétorique et à l’orthographe, tandis que M. de Montalembert est un homme convaincu toujours, souvent passionné, lourd habituellement, mais brusque et vrai en somme, quoique de temps en temps déclamateur. […] Sans le geste de la phrase, qui d’ailleurs ne varie pas et qui remue toutes ces idées assez communes, débitées partout sur la chute de l’empire romain, sur les Barbares, sur les premières grandeurs morales du christianisme, vous n’avez plus là, sous le nom de M. de Montalembert, que le style et les aperçus du Correspondant, c’est-à-dire de la Revue des Deux-Mondes, en soutane.
; excepté une phrase superbe du Poète déchu (un roman détruit), — mais Alfred de Musset n’est pas à cela près d’une belle phrase !
De là tous ces arrangements symétriques dans les jardins, dans les palais, dans les discours, dans les poèmes, dans les phrases même. […] Je le vois qui arrange méthodiquement une phrase, et en arrondit les sons.