Quand on a bien présente à l’esprit la théorie de Buffon, on comprend dans le même sens qu’elle ces paroles d’abord un peu obscures de Valéry. […] « Je ressens, dit-il, chaque parole dans toute sa force pour l’avoir indéfiniment attendue. » Chaque parole participe de mon être profond, imprévisible, le lointain de son origine fait la force vive avec laquelle elle m’arrive. […] Cette parole, ainsi délestée de nécessité, dira-t-on qu’elle n’atteste que le hasard ? […] Pour Valéry la parole est presque un ennemi de la pensée. […] … Je renouvelle en moi mes énigmes, mes dieux, Mes pas interrompus de paroles aux cieux.
L’heure était grave et délicieuse, nos paroles devenaient solennelles. […] Henry Bérenger, pour qui sait lire entre les lignes de cet écrivain si tempéré, coutumier de l’euphémisme, ces paroles, vraiment, sont significatives. […] J’ai dit en quelques brèves paroles selon quel, esprit il fut conçu. […] » Voilà de singulières paroles, et qui prouvent de la légèreté sinon de la mauvaise foi. […] Il faudra qu’ils trouvent, ces jeunes apôtres, des mots sans sanglots et des paroles d’extase.
Je tressaillis involontairement ; cette parole vivante ébranla joyeusement tout mon être. […] Il en avait emprunté les paroles à un psaume et y avait ajouté quelques vers de sa composition. […] Et il tint parole. […] En parlant de Lise, il semblait prononcer les paroles plus lentement. […] Un cri amical répondit à ces paroles.
Et d’abord, il s’est présenté lui-même, tel qu’il est, avec son propre accent, avec ses sentiments et ses doctrines ; il n’a pas emprunté aux traditions académiques les exordes tant de fois renouvelés : il a parlé à sa manière, modestement, honnêtement, traçant de l’homme de lettres et du poète le caractère et le rôle qu’il conçoit, et s’y peignant lui-même avec cette sincérité élevée qui vient du cœur : on a senti dès ses premières paroles quelqu’un qui ne se mettait ni au-dessus ni au-dessous de ce qu’il devait être. […] La discussion sur la tragédie, y compris la règle des trois unités (ce qui est peut-être de trop), a tenu une grande place aussi dans les paroles du directeur.
Lacordaire a d’ordinaire de l’éclat, de l’imagination, du talent, mais un esprit peu judicieux, des rapprochements historiques forcés qui seraient plutôt saint-simoniens que chrétiens, toute l’emphase du jour : sa parole lui échappe souvent, et il ne la gouverne pas. […] Même procédé, même idée inachevée, même ampleur et opulence de paroles qui ne se comptent plus.
Chaque parole de ses personnages nous trahit, nous arrache des aveux, nous accuse quelquefois. […] On ne les voit pas poursuivre une grande pensée, ni combiner, pour l’exécution de cette pensée, leurs actions et leurs paroles. […] La vérité au théâtre se manifeste toujours à nous par un retour sur nous-mêmes, pénible ou agréable, selon que la parole de l’acteur éveille en nous un écho de douleur ou de joie. […] Pourquoi Dieu, dans la Genèse, prend-il la parole, si ce n’est pour nous parler de nous ? […] Encore tout frémissant des paroles d’anathème dont il a accablé son ennemi, il prophétise.
C’est curieux comme les expansions du jeune romancier versent, de suite en des paroles mélancoliques. […] Je lui adresse la parole, il sort comme des aboiements, et rien que des espèces d’aboiements du vieil homme mourant, et qui n’a gardé un reste de vie, que pour la jouissance furieuse de sa manie. […] Les idées et les paroles affluent un peu chez lui, comme les liquides dans le goulot trop étroit d’une bouteille, mais il a un certain tour pasquinant dans le dire, assez amusant. […] Refus de Louis Blanc qui prend la parole au nom des deux frères. […] Quelquefois les maris le savent si bien, que pour punir leurs épouses, ils les privent de leurs faveurs, et les font ainsi, — et cela sans un reproche, sans une parole — venir à résipiscence.
« Vous êtes inquiet, dirait mademoiselle de Belle-Isle au chevalier ; allons donc ; sachez (mais ne le dites pas) que je n’ai point passé la nuit ici ; j’ai promis de ne pas dire où je suis allée ; j’ai donné ma parole à a madame de Prie ; ne me pressez pas trop, car je vous dirai tout. — Vous insistez, vous paraissez douter : Raoul, je suis allée, cette nuit, à la Bastille… Faites que je ne vous ai rien dit. » Mais toute la force du serment s’est réfugiée de nos jours à la scène. […] ce moment et cette parole achèvent le caractère. […] Leduc accourt à temps pour relever le chevalier de sa parole ; celui-ci ne dément pas son caractère solennel et achève de se poser dans ce dernier mot : « Mademoiselle de Belle-Isle, ma femme !
Et sur la scène, derrière un voile de gaze, tels de véritables personnages de songe, s’agitaient des fantoccini, mimant les paroles prononcées par les acteurs, représentations allégoriques des entités verbales. […] On se reporte, en le lisant, à l’exclamation d’Ovide : quidquid scribere conabar versus erat , tant il semble que le simple délice d’écrire et la facilité inconsciente à modeler les courbes de la Parole ont suffi, dans une âme attirée vers le songe, pour tracer ces strophes aux lignes justes. […] De toute la génération qui vient, il est peut-être à ce point de vue celui qui a le plus approche du définitif ; ses vers s’arrêtent lorsqu’il sied, chaque parole comme chaque strophe s’incline vers ses limites naturelles, et le poème s’érige par ses propres forces.
Il était déjà question, au temps du roi Théodoric, de ces histrions « qui donnaient autant de soufflets et de coups de bâton qu’ils débitaient de paroles, et qui faisaient plus rire par les grotesques mouvements de leur corps que par les saillies plus ou moins heureuses de leur esprit ». […] Voulant donner la définition de ce qu’on entendait par ce mot, qui, étymologiquement, veut dire liens (lazzi, parole lombarde, au lieu de lacci, parole toscane), Riccoboni se sert de l’exemple suivant : « Dans la pièce d’Arlequin dévaliseur de maisons, Arlequin et Scapin sont valets de Flaminia, qui est une pauvre fille éloignée de ses parents et qui est réduite à la dernière misère.
C'est-à-dire du style ; car si l’action peut, dans beaucoup de cas, s’exprimer par l’action même, les passions et les caractères, à très-peu d’exceptions près, ne s’expriment que par la parole. Or, la parole au théâtre, la parole fixée et non flottante, c’est le style.
Mais c’est, surtout, quand il s’agit de l’homme redoutable envers lequel il était si facile à un écrivain comme Prescott d’être injuste, que ses paroles deviennent, à force d’impartialité, d’un grand poids : « Nous frémissons, — (je ne crois pas qu’il frémisse beaucoup, cet homme de race anglo-saxonne, fils de boucanier et de flibustier, mais passons-lui ce petit sacrifice à la rhétorique), — nous frémissons en regardant un tel caractère, — (il s’agit du monstrueux duc d’Albe), — mais, nous devons l’avouer, il y a quelque chose qui provoque notre admiration dans cette rigueur, dans cette inflexibilité, dans ce mépris de toute crainte et de toute faveur avec lesquels cette nature indomptable exécute ses plans !!! […] Démocrate qui n’agite pas l’Histoire, c’est un de ces indifférents de la terre dont parle Shakespeare ; mais l’indifférence qui reçoit tout, c’est le papier blanc sur lequel on peut écrire des paroles de vérité. Et on en trouve souvent, de ces paroles sur l’indifférence, de Prescott… Or, voilà ce que je tenais à dire !
Puis lorsqu’il y eut un langage articulé, les contractants s’assurèrent de la volonté l’un de l’autre en joignant au nœud des paroles solennelles qui exprimassent d’une manière certaine et précise les stipulations du contrat. […] Toutes les fictions de l’ancienne jurisprudence furent donc des vérités sous le masque, et les formules dans lesquelles s’exprimaient les lois, furent appelées carmina, à cause de la mesure précise de leurs paroles auxquelles on ne pouvait ni ajouter, ni retrancher111. […] Sous les gouvernements aristocratiques, la cause (c’est-à-dire la forme extérieure) des obligations consistait dans une formule où l’on cherchait une garantie dans la précision des paroles et la propriété des termes113.
Imprudent qui s’amuse à déplacer des idées, c’est l’expression même qu’il faut déplacer, l’idée arrive ensuite, obéissante à la parole nouvelle. […] » Ce sont là d’encourageantes et consolantes paroles ! […] elle voulait que l’on eût foi, en sa beauté, non moins qu’en sa parole, en revanche, elle avait le courage de ces hommes généreux qui s’arracheraient le cœur, plutôt que de s’avouer vaincus, en public. […] — Elle avait donné à la critique un peu de sa vie et de son accent, un peu de son vif regard et de sa parole au beau timbre. […] J’étais d’avis que l’on écrivît cette parole de Roscius sur la tombe de mademoiselle Mars.
Vous nous dites, chantres naïfs des vertus du grand homme, que la violence lui fut toujours étrangère, que sa haine contre les Réformés demeura purement dogmatique, et sa parole même vous dément. […] L’esprit obstinément fermé à toutes les voix humaines, il ne connaît que la « parole divine », orgueilleusement campé sur le Dogme, dont il claironne la doctrine à tous les échos. […] C’est un acte de loyauté et de sincérité, c’est l’horreur du mensonge, c’est le respect de la parole. […] Cela suffira pour nous faire comprendre cette parole de Michelet : « La Révocation n’est nullement une affaire de parole. […] Bossuet par la parole et de Moltke par l’épée, ont collaboré au désastre français.
On dira tout ce qu’on voudra de M. de Falloux comme homme de parti politique et religieux, mais il est de sa personne le plus gracieux des catholiques et le plus avenant des légitimistes : il semble né pour les fusions, pour les commissions mixtes, pour faire vivre ensemble à l’aise, dans le lien flexible de sa parole, un protestant et un jésuite, un universitaire et un ultramontain, un ligueur et un gallican. […] Aucuns des grands sujets n’y sont interdits, mais la liberté sur tous est entière, car si une fois la conclusion était commandée, s’il y avait d’avance une orthodoxie politique ou religieuse, un Credo ou un veto, un nec plus ultra, c’en serait fait de la libre et charmante variété de la parole, qui va comme elle peut et qui trouve dans le feu de la contradiction ses plus vives saillies, son ivresse involontaire. […] Peut-être cependant, sans que je veuilleôter à son mérite, que si elle avait aimé une seule fois, leur nombre à tous en aurait été considérablement diminué… » Quelques semaines après, une liaison était nouée entre elles, et Mme Swetchine se mettait elle-même au ton de l’inévitable enchanteresse, elle feignait même d’être sous le charme, lorsqu’elle lui envoyait de Naples tes cajolantes paroles : « Je me suis sentie liée avant de songer à m’en défendre ; j’ai cédé à ce charme pénétrant, indéfinissable, qui vous assujettit même ceux dont vous ne vous souciez pas. […] Ballanche, le plus grave et le plus doux d’entre les familiers de l’Abbaye-au-Bois, était le messager ordinaire qu’on dépêchait à la rue Saint-Dominique dans la prima sera, et qui en rapportait des nouvelles ; il était le chargé de bonnes paroles et de petits soins entre les deux puissances. […] Celui-ci avait coutume de dire : « Je hais la paresse ; j’ai toujours dans ma tente un coq prêt à meréveiller, et, quand je veux dormir plus à mon aise, j’ôte un de mes éperons. » — « Paroles souvent répétées en Russie, ajoute M. de Falloux, et que Mme Swetchine devait bientôt transporter de l’héroïsme guerrier dans l’héroïsme chrétien. » — C’est égal, la comparaison reste bizarre et excessive.
On va voir qu’elle eut envie, d’après quelques paroles que je lui en avais dites, de se faire présenter Jouffroy. […] Nous sommes tristes, malheureux, souffrants ; l’amertume nous vient de tous côtés ; nous donnerions le reste des jours qui nous sont comptés pour voir, ne fût-ce qu’une heure, un visage ami, pour presser une main sincère, pour entendre des paroles d’encouragement et de bonté. […] Vos paroles valent bien mieux et me sont bien plus utiles que les coups d’épée de mes autres amis. […] Vous connaissez Béranger, vous savez s’il y a en dessous de ses paroles ces petites ruses de politesse auxquelles je n’entends rien, et si ses excuses sont des prétextes. […] Apportez-moi quelques bonnes paroles de consolation et d’amitié.
IV À l’exception de l’extrême douleur qui brise les cordes de l’instrument et qui leur arrache un cri inarticulé, cri qui n’est ni prose, ni vers, ni chant, ni parole, mais un déchirement convulsif du cœur qui éclate, quand l’émotion de l’homme est modérée et habituelle, l’homme se sert pour l’exprimer d’un langage simple, tempéré et habituel comme son émotion. […] Il n’avait que vingt-sept ans, il gouverna cet ordre de femmes de son administration et de sa parole, avec une sagesse prématurée. […] Les parties du royaume, où le protestantisme avait laissé le plus de racines, n’étaient qu’un vaste champ de bataille après la victoire, où des commissions ecclésiastiques ambulantes armées à la fois de la parole et du glaive, ramenaient tout par le zèle, par la séduction ou par la terreur, à l’unité de la foi. […] Celui-ci, qu’il présenta pour la première fois à Louis XIV, ne demanda pour toute grâce au roi que de désarmer la religion de toute force coercitive, d’éloigner les troupes des provinces qu’il allait visiter, et de laisser la parole, la charité et la grâce opérer seules sur les convictions qu’il voulait éclairer et non dompter. […] — Continuez à faire venir des blés, écrit-il ailleurs aux ministres du roi, c’est la controverse la plus persuasive pour eux… Les peuples ne se gagnent que par la parole.
Le petit ouvrage qu’il publia en 1845, intitulé : l’Esprit des institutions militaires, et dont le maréchal Bugeaud disait que tout officier en devait avoir un exemplaire dans son porte-manteau, me le montra tel que ses amis me l’avaient fait entrevoir, mais avec une supériorité de vues et de lumières, une netteté d’exposition, une imagination même et une couleur de parole, tout un ensemble de qualités auxquelles bien peu certes auraient atteint parmi les maréchaux de l’Empire. […] Puis, se remettant à une parole encourageante du grand géomètre, il passa un bon examen, et fut reçu en même temps que Foy et Duroc. […] Avec l’homme d’honneur, avec celui qui tient purement et simplement sa parole et ses engagements, on sait sur quoi compter, tandis qu’avec l’autre, avec l’homme de conscience qui fait ce qu’il croit être le mieux, on dépend de ses lumières et de son jugement. […] — Ces paroles, continue Marmont avec une émotion bien explicable, prononcées par Napoléon et adressées à moi le 11 octobre 1813, ne portaient-elles pas l’empreinte d’un caractère tout à fait extraordinaire ? […] On verra plus tard comment à Vienne, après 1830, dans une conversation familière qu’eut le maréchal avec le duc de Reichstadt, avec le fils de Napoléon, ce jeune homme de mystérieuse et pathétique mémoire saisit l’occasion de reprendre, de rectifier en quelque sorte la parole de son père, et de porter une consolation délicate dans l’âme du noble guerrier.
Il a très bien montré comment, du côté de la France, l’écho répétait et doublait en quelque sorte des paroles familières dites à huis clos à Berlin ou à Potsdam, et que l’Allemagne, en son temps, n’entendait pas. […] Wolff alors était là, Wolff et ses cahiers, commentés surtout et vivifiés par la parole de M. de Suhm. […] La conversation de M. de Suhm avait un charme particulier qui nous arrive jusque dans ses lettres, quelque chose d’affectif et de pénétrant : Frédéric y était sensible autant qu’esprit peut l’être : « Si désormais vous alliez vous résoudre à ne parler et à n’écrire qu’en chinois, lui disait-il, je serais homme à l’apprendre pour profiter de votre conversation. » Quant à M. de Suhm, il a, dès les premiers instants, deviné et senti la grandeur de Frédéric ; il lui a voué une admiration tendre, ardente, perspicace, qui lui révèle à l’avance la gloire du prochain règne, et qui déborde prophétiquement en toutes ses paroles. […] Le 13 avril, c’est-à-dire six semaines auparavant, Frédéric écrivait à M. de Suhm ces belles paroles : Vous pouvez bien juger que je suis assez tracassé dans la situation où je me trouve. […] Il attendait son ami ; il comptait sur lui chaque jour ; il apprit sa mort avant d’avoir pu lui répondre une parole émue.
Mais le critique, qui croit le moins possible sur parole, et que cet excès même de précaution met sur ses gardes, ne considère que les dates publiques et constatées par l’impression. […] Etienne, et les bonnes paroles dites en faveur de M. de Vigny se réalisaient ; il se voyait nommé (1845) par le concours de M. […] L’auditoire se mit à respirer, à sourire, à applaudir, à donner à chaque parole, depuis le commencement jusqu’à la fin, une intention et une portée qu’elle n’avait pas eues, et que personne n’aurait soupçonnées à la lecture devant la Commission. […] Samson se plaît à bercer la belle esclave et lui chante en hébreu une chanson funèbre dont elle ne saisit pas le sens : Elle ne comprend pas la parole étrangère, Mais le chant verse un somme en sa tête légère. […] Littré commençât sa Vie d’Auguste Comte par une belle parole empruntée de lui : « Qu’est-ce qu’une grande vie ?
On rougit de la logique, de la parole et du talent en voyant employer la logique, la parole et le talent à professer de tels suicides. […] La plus jeune, voyant que ses sœurs ne se pressaient pas de répondre, prit elle-même la parole et dit : “Je vous obéirai, mon cher père, et j’épouserai le vieillard que vous nous proposez. […] C’est ainsi que Pythagore, Zoroastre, Socrate, Platon, avant d’avoir une doctrine publique, eurent un auditoire de disciples bien-aimés qui répercutait leur parole à l’univers. […] Voici les paroles de Confucius sur les cérémonies instituées pour le culte national, dont l’empereur était le pontife à titre de représentant du peuple tout entier. […] » Que dites-vous de ces paroles ?
Cet ensemble de scènes, les plus importantes que nous avons citées, les moins notables qui forment la contexture même de l’œuvre, sont faites, non d’indications descriptives, de traits anecdotiques, de considérations exposées par l’auteur, en son nom personnel, mais des actes mêmes, des paroles et des manifestations de la foule des personnages dont on admire et la variété, et la vérité, et l’étonnante vie fictive. […] La démonstration par situations, actes et paroles des dramaturges, les monologues à la Stendhal, l’intervention personnelle et discursive à la façon des romanciers idéalistes, tout lui est bon pour vivifier entières les créatures ainsi déduites. […] Que ce soit une rougeur fébrile de Natacha, une parole douteuse d’Anna Karénine, une mine de dédain du prince André, ou le prince Nicolas frémissant et attendant l’occasion de lancer un régiment à la charge, le lecteur attiré, contraint et pénétrant se sent devenir peu à peu ces êtres et il est devant les mouvements de leurs esprits, comme face à face avec lui-même en ces instants où dans un sourire on sent et on découvre soudain tout le détail de sa nature, et comme elle est familière, unique, connue, surprenante et retorse. […] L’irréparable mort de sa femme, l’impossibilité d’expier ses duretés envers cet être frivole, le replongent dans son amertume et ses agitations, et c’est encore par un calme soir de givre et de ciel clair qu’il entend et accepte presque des paroles du prince Pierre, la promesse d’une vie future, l’existence d’un dieu personnel qui réveillent en lui la force de vivre et d’espérer. […] Que l’on rapproche ce salut par la simplification de l’esprit et par l’innocence de la vie, de la conversion do Lévine, à ces pauvres paroles d’un paysan, qu’il faut vivre pour autrui ; que l’on relise la série de récits moraux, publiés sous le titre : La Recherche du Bonheur, Les Trois Morts, La Mort d’Ivan Iliitch, La Puissance des Ténèbres, Ivan l’Imbécile, ce sera encore l’humilité d’esprit, la pureté de cœur, la frugalité et la pauvreté que les œuvres de Tolstoï paraîtront recommander et suggérer avec une onction communicative et une insistance ouverte qui sont le fait, non plus d’un artiste, mais d’un prédicant.
Jamais, depuis son enfance, depuis sa mère, depuis sa sœur, jamais il n’avait rencontré une parole amie, un regard bienveillant. […] « Cependant le visage du président s’était empreint de sympathie et de tristesse ; il avait échangé un signe rapide avec l’avocat général et quelques paroles à voix basse avec les conseillers assesseurs. […] « L’avocat général prit la parole : « Messieurs les jurés, l’incident si étrange et si inattendu qui trouble l’audience ne nous inspire, ainsi qu’à vous, qu’un sentiment que nous n’avons pas besoin d’exprimer. […] « Rien ne pourrait rendre ce qu’il y avait de mélancolie bienveillante et sombre dans l’accent qui accompagnait ces paroles. […] Cette parole du dédain titanique, Cambronne ne la jette pas seulement à l’Europe au nom de l’empire, ce serait peu ; il la jette au passé au nom de la révolution.
Les plus notables, Chapelain et Patru, ont plus d’une fois tenu la plume ou pris la parole au nom de l’Académie. […] On n’eût pas osé donner des rangs, désigner les premiers et les derniers, après la parole du Christ, qui laisse cette question de rang dans une incertitude redoutable. […] à chaque instant, nous en pourrions faire l’application, les préceptes se rapportant surtout aux disputes de paroles, si fréquentes entre les hommes, et à la part qu’y prend l’amour-propre. […] Il avait été témoin du ravage que fait la dispute parmi les hommes, des violences de parole et de plume, des excès où s’emportent les plus gens de bien, dans la chaleur des querelles. […] Il n’est pas d’ouvrages où l’on ait mieux traité, ni plus à fond, de ce qui fait le plus beau privilège de l’homme parmi tous les êtres créés, la parole et la pensée.
Cette tradition est si loin d’avoir été épuisée par les évangiles que les Actes des apôtres et les Pères les plus anciens citent plusieurs paroles de Jésus qui paraissent authentiques et qui ne se trouvent pas dans les évangiles que nous possédons. […] Une espèce d’éclat à la fois doux et terrible, une force divine, si j’ose le dire, souligne ces paroles, les détache du contexte et les rend pour le critique facilement reconnaissables. […] Les contradictions sur les temps, les lieux, les personnes étaient regardées comme insignifiantes ; car, autant on prêtait à la parole de Jésus un haut degré d’inspiration, autant on était loin d’accorder cette inspiration aux rédacteurs. […] Y avait-il des sténographes pour fixer ces paroles rapides ? […] Sprenger d’avoir, en écrivant la vie de Mahomet, tenu grand compte des hadith ou traditions orales sur le prophète, et d’avoir souvent prêté textuellement à son héros des paroles qui ne sont connues que par cette source.
» IV Ces paroles redoublent les larmes et les sanglots du père, de la mère et de la jeune fille. […] Si un fils vient à naître de notre union, engage ta parole royale de lui donner le titre de jeune roi, et à le faire reconnaître par tes peuples comme ton légitime successeur ! […] Tiens ta parole, ô toi chef et modèle des hommes ! […] Es-tu plus digne de ce nom gracieux de Preyamvada, toi dont les paroles sont remplies de tant de douceur ? […] Il n’en est pas besoin ; le charme de vos paroles est pour moi la plus agréable offrande.
Jamais l’art de la parole n’a été plus avili qu’alors. […] La miséricorde de Dieu, dit-il, est comme la partie du visage, & sa justice celle de derriere, suivant ces paroles : misericordiam & judicium cantabo tibi Domine. […] S’il nourrit les fidéles du pain de la parole de Dieu, il les remplit de la bonne odeur de ses vertus. […] Ce digne Ministre de la parole n’est pas le seul de la Congrégation de l’Oratoire, qui ait fait briller ses talens à la Cour. […] Il joignoit à ces dons précieux de la nature, le talent de la parole, une éloquence mâle, la beauté de l’organe & les graces de la représentation.
On devine en un mot dans ce portrait du jeune avocat un homme qui est né pour persuader par la parole, pour insinuer les raisons, les déduire, les étendre, les faire prévaloir avec un mélange de force, d’adresse et de politesse, encore plus que pour pérorer et plaider. […] Mais le collègue en députation de Jeannin, chargé de porter la parole au nom de tout le tiers état du royaume, faussa le vœu de la majorité et parla traîtreusement en sens contraire : Prévarication infâme et indigne d’un homme de sa qualité ! […] Lui et moi avions été nommés pour porter cette parole ; mais il me surmonta en voix, en ayant obtenu sept, et moi cinq seulement : si le sort fût tombé sur moi, je me fusse bien gardé d’user de cette perfidie, et je m’en fusse acquitté en homme de bien34. […] Mais, à travers ces peines stériles et ces paroles perdues en tous sens, le président se donna la satisfaction de faire un acte patriotique en passant à Marseille, au moment de s’embarquer pour l’Espagne (mars 1591).