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502. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Ce fut un de ces heureux esprits qui passent leur vie à penser, à converser avec leurs amis, à songer dans la solitude, à méditer quelque grand ouvrage qu’ils n’accompliront jamais et qui ne nous arrive qu’en fragments. […] Joubert rendait encore à Diderot cette justice qu’il y a bien plus de folies de style que de folies d’idées dans ses ouvrages. […] La meilleure, la plus fine critique à faire sur les premiers et grands ouvrages littéraires de M. de Chateaubriand, se trouverait encore dans les Lettres et les Pensées de M.  […] Les beaux ouvrages, selon lui, n’enivrent pas, mais ils enchantent. […] Puis, j’ai pris La Bruyère au chapitre des « Ouvrages de l’esprit ».

503. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Quoique la publication des dernières parties continue encore en feuilletons, on peut dire que ces Mémoires sont jugés sous cette première forme, et que l’impression du public est faite ; mais, comme ouvrage, ils ne sont pas encore jugés définitivement. […] Mais aujourd’hui, après seize années révolues, lorsque nous relisons l’ouvrage imprimé dans toute sa suite, en nous dégageant de tout souvenir complaisant et en nous interrogeant en toute liberté, que pensons-nous ? […] Il faut se rappeler que Mme de Staël avait publié, en 1800, un ouvrage sur La Littérature considérée dans ses rapports avec la société. […] Ainsi un autre talent supérieur a évité mon nom dans un ouvrage sur la littérature. […] C’est un ouvrage sans moralité.

504. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Le Lys dans la vallée est le plus célèbre, le plus accrédité de ces ouvrages. […] C’est, nous le répétons, l’inspiration originale et féconde de cet ouvrage. […] Qu’on lise, dans l’ouvrage de M.  […] Albert de Broglie, et de son ouvrage : il a dépassé notre attente. […] Parlerai-je du style de ces ouvrages ?

505. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

L’idée qui a présidé à l’ouvrage est celle-ci ; La poésie tire son premier charme des images qu’elle emprunte à la nature ; dans nos tièdes contrées, au sein d’une civilisation toute-puissante, cette nature a peine à se faire jour et n’est pas à l’aise pour se déployer : là seulement où un climat de feu la féconde sans relâche, et où le voisinage de l’homme ne la met point à la gêne, pleine de vie et de jeunesse, elle éclate dans toute sa solennité. […] C’est de moi qu’elles ont appris les malheurs de leur ancienne patrie ; leurs yeux ont exprimé la douleur lorsque je leur ai parlé de mon aïeul ; mais le plaisir les entraînait, elles ont fini par m’inviter à leurs danses… » Le reste de l’ouvrage n’est qu’à louer. […] Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns. […] Denis et de la littérature portugaise, et des ouvrages du poète, il devait oser se passer des combinaisons du roman, et ne chercher l’intérêt que dans la simple réalité.

506. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Descartes, Corneille, Montesquieu, les deux Rousseau, Crébillon, Maupertuis, M. le Franc, seroient déchus depuis long-temps de leur célébrité, si on eût souscrit à cette formule qui lui est si familiere : un homme qui s’exprime ainsi, mérite-t-il…. formule qui ne vient jamais qu’après l’exposition de quelques fautes légeres contre la Langue, & presque inévitables dans les Ouvrages de génie. […] Nous ajouterons que ces mêmes fautes, incapables de diminuer le mérite des bons Ouvrages, seroient des titres de condamnation contre les siens, parce qu’il s’en appuie pour décrier ceux des autres. […] Fouquet, ses Discours à Madame de Montespan, à Madame de la Sabliere, & quelques autres de ses Ouvrages, seront la réfutation de cette injustice, & la preuve qu’il étoit capable de réussir & même d’exceller dans plus d’un genre. […] Une seule de ses Fables renferme plus de vraie Philosophie, qu’ils n’en ont répandu dans tous les Ouvrages dont ils fatiguent le Public.

507. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Nous avons, sur le simple titre de l’ouvrage, ressenti une forte et involontaire sympathie pour un homme qui, par ce temps de civilisation économique, écrit un livre sur les vieux iarls scandinaves, les pères oubliés des éleveurs de la vallée d’Auge et des herbagers du Cotentin. […] Henri Martin a mis une préface fort bienveillante à la tête de l’ouvrage en question. […] Telles sont les raisons qui font de cet ouvrage sur les ducs de Normandie un livre sans valeur d’aucune sorte. […] À ce compte, la médiocrité d’un ouvrage serait un sauf conduit contre la critique.

508. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Nous trouvons cependant un historien à Rome, qui a prodigué, avec la plus grande pompe, les plus lâches éloges à Tibère : c’est Velleius Paterculus, auteur qui a de la rapidité et de la force, qui quelquefois pense et s’exprime comme Montesquieu, et peint les grands hommes par de grands traits, mais qui n’en a pas moins gâté son ouvrage, par le ton qui y règne. […] Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières. Le panégyriste de Tibère devait l’être de Séjan ; aussi, dans le même ouvrage, Séjan est-il peint comme un grand homme ; on nous apprend qu’il fut choisi pour seconder Tibère, parce que c’est la règle que les hommes supérieurs emploient des hommes de génie21 ; enfin, dans les dernières lignes, la servitude à genoux implore hautement tous les dieux de Rome, pour demander, au nom de l’univers, la conservation de qui ? […] Qui croirait que nous avons du stoïcien Sénèque un ouvrage plus lâche encore que celui-là ?

509. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Jusqu’ici l’on a examiné ce que l’écrivain doit mettre dans son ouvrage, et quelle nature il doit imiter. […] Boileau relevait vivement, dans une lettre de Huet, cette méprise qui dans la beauté des ouvrages donnait tout au sujet, rien à l’art et à l’auteur. […] Cependant parmi les règles et les observations relatives à l’expression de la nature, qui se rencontrent dans tous les ouvrages de Boileau, qu’il s’agisse de littérature générale, ou d’un genre spécial, ou d’un ouvrage particulier, il se rencontre certaines formules, certains termes qui semblent dénoter une tendance fâcheuse et des partis-pris contestables. […] Il ne doit y avoir rien d’inutile dans l’ouvrage : mais chaque pièce doit être si bien tournée et ajustée, qu’une grâce libre enveloppe la nécessité, et que ce qui soutient l’édifice ait l’air d’être mis seulement pour réjouir les yeux. […] Alors l’ouvrage n’est plus élégant, il n’est plus noble, qualités qui dirigent notre gratitude vers une intelligence : il est sublime, et nous emplit tout entiers de son objet.

510. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Tel ouvrage où l’auteur y est resté fidèle, sans rien créer, n’a réussi qu’à montrer ce qu’il était incapable de faire. […] Vingt ans auparavant, Boileau n’eût pas voulu des louanges à cause des vers ; mais plus vieux et plus faible pour ses propres ouvrages, s’il n’approuva pas Lamotte, il le regarda faire. […] Ainsi assuré contre toutes les censures, l’ouvrage parut. […] Lui qui ne savait rien de mieux à dire d’une chose d’esprit, sinon que « Cela est vu », n’estimait dans les ouvrages que les vues. […] Mais ces ouvrages sont de ceux qu’on goûte et qu’on n’admire pas.

511. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Olivier de Serres publie aussitôt un ouvrage qui a pour titre : Le théâtre de l’agriculture et mesnage des champs. Et, pendant que les éditions s’en multiplient, paraît un autre ouvrage dont la vogue durera (chose curieuse) à peu près aussi longtemps que celle du livre précédent. […] 2° Ceux dont les ouvrages s’écoulaient de 1.000 à 1.200 exemplaires et s’achetaient de 1.000 à 1.200 francs le volume. […] 3° Ceux dont les ouvrages se vendaient de 600 à 900 exemplaires, et s’achetaient de 500 à 800 francs le volume. […] 4° Ceux dont les ouvrages se débitaient au-dessous de 500 exemplaires et s’achetaient de 10 à 300 francs le volume.

512. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Au xiiie  siècle, ces deux sortes d’ouvrages se multiplient prodigieusement. […] C’est ce qui lui a mérité l’honneur d’être le premier inscrit sur la liste des ouvrages en vers qui ont eu le privilège de durer. […] Mais cet excellent critique n’a-t-il pas manqué de pénétration en attribuant le succès de l’ouvrage aux censures qu’il a essuyées ? […] L’autre reproche qu’on fait au poëme de Jean de Meung, c’est d’être un ouvrage de décadence. […] Pour moi, qui, sur la foi de tant d’excellents esprits, reconnais au xviie  siècle le point de maturité de la littérature et de la langue françaises, tout ouvrage qui a rapproché de ce point l’esprit de la nation me paraît être un ouvrage original et un progrès.

513. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

De 1818 à 1829, il publia plusieurs ouvrages qui semblent les tributs que les hommes destinés à la renommée doivent payer à l’oubli pour s’en racheter. […] La seconde édition de cet ouvrage eut lieu en 1829. […] La première édition de Luther donna mieux que les autres ouvrages l’idée de la notion intrépide qu’Audin — cet esprit si délicat pourtant  — avait de l’histoire. […] Ces deux ouvrages n’ont pas dépassé le seuil de la méditation. […] Mais le compagnon qu’il s’était choisi n’ayant pu venir, Audin partit seul avec son neveu, et seul il entreprit son ouvrage.

514. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Les ouvrages de M.  […] Enfin, les beaux ouvrages de M.  […] Les ouvrages conçus dans un but moral sont-ils, comme on le dit, en danger de rester au-dessous de la réputation des ouvrages de l’école indépendante ? […] Si les ouvrages modifient les mœurs, les mœurs, à leur tour, déterminent les ouvrages, et c’est en améliorant les uns qu’on épurera les autres. […] On s’impose par ces ouvrages une optique que la vie renverse.

515. (1887) Essais sur l’école romantique

Outre que nous avons été de ceux qui ont applaudi aux premiers ouvrages de M.  […] L’histoire des ouvrages de M.  […] Le plus considérable de tous les ouvrages de M.  […] Victor Hugo a fait quelques ouvrages qui resteront. […] Or. dans les ouvrages poétiques de M. 

516. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Il est certain que le charme de Paul et Virginie consiste en une certaine morale mélancolique, qui brille dans l’ouvrage, et qu’on pourrait comparer à cet éclat uniforme que la lune répand sur une solitude parée de fleurs. […] Son églogue n’est si touchante que parce qu’elle représente deux familles chrétiennes exilées, vivant sous les yeux du Seigneur, entre sa parole dans la Bible, et ses ouvrages dans le désert. […] La messe, les prières, les sacrements, les cérémonies de l’Église, que l’auteur rappelle à tous moments, augmentent aussi les beautés religieuses de l’ouvrage.

517. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Lorsque le peintre a presque achevé son ouvrage, il le glace. […] Un sculpteur un peu jaloux de la durée d’un ouvrage qui lui coûte tant de peines, devrait toujours en appuyer les parties délicates et fragiles sur des parties solides ; et le peintre, préparer et broyer lui-même ses couleurs, et exclure de sa palette toutes celles qui peuvent réagir les unes sur les autres, se décomposer, se revivifier, ou souffrir, comme les sels, par l’acide de l’air. […] Le mérite de ressembler est passager ; c’est celui du pinceau qui émerveille dans le moment, et qui éternise l’ouvrage.

518. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

S’il pensait ce qu’il affirme, il faudrait conclure qu’il tient mon livre pour absurde et ridicule, et je n’y verrais pas d’inconvénient chacun étant libre de ses opinions ; mais si mon volume est absurde et ridicule, comment peut-il écrire, dans le même article, à propos du même ouvrage : « Hélas ! […] Voici exactement ce que j’ai dit dans le passage auquel vous faites allusion : « J’ai tâché d’écrire simplement et sèchement cet ouvrage qui n’est qu’une tentative de démonstration, réservant mon effort d’écrire pour des ouvrages d’imagination ou de critique proprement dite. »‌ Loin d’être immodeste, je m’excusais d’avoir trop négligemment écrit ; je demandais l’indulgence, je promettais de mieux faire une autre fois, de réserver mes efforts pour d’autres œuvres.

519. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Sa version des Odes anacréontiques est un ouvrage de sa jeunesse. […] Jodelle a énormément écrit, et il est certain que la plupart de ses ouvrages ont été perdus. […] L’ouvrage parut en format in-4º, sur beau papier, et exécuté avec un soin extrême. […] Il voulait pour son ouvrage un titre battant neuf, et il finit par l’appeler Idylle héroïque. […] Quel plaisir il eût goûté à exercer sa tyrannie sur leurs ouvrages !

520. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Il est clair que dans les grands ouvrages on doit l’employer avec sobriété, par cela même qu’il est un ornement. […] Les ouvrages didactiques reprouvent ce style. […] L’éternel est son nom, le monde est son ouvrage. […] Un ouvrage peut donc être sans graces, sans que cet ouvrage ait le moindre desagrement. […] Cet ajustement, cet ouvrage, cette femme, a de la grace.

521. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Charles Maurras se préoccupe plutôt de l’aspect plastique d’un ouvrage, M.  […] J’ai précisément sur ma table différents ouvrages de jeunes et je me propose d’en parler aujourd’hui. […] Bérenger, dès le début de son ouvrage. […] Charles Maurras, et, dans la suivante, de plusieurs ouvrages récents de poésie. […] Il a fait là du bel ouvrage.

522. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

On m’a dit que cet ouvrage réussirait. […] J’ai fait imprimer l’année passée un ouvrage en 3 volumes, intitulé : Études de la nature. […] Ainsi vous voyez bien que Dieu a béni mon ouvrage, puisqu’il en a fait la source de ma fortune. […] Aimé Martin (page 435 du Mémoire sur la vie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre, 1826). […] Aimé Martin (page 440 du Mémoire sur la vie et les ouvrages de Bernardin de Saint-Pierre, 1826).

523. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il ne me semble pas beaucoup plus nécessaire de prouver que la littérature réagit à son tour sur les mœurs : on sait assez que les personnages créés par les poètes ou les romanciers servent fréquemment de modèles aux jeunes gens ; que les sentiments ou les idées exprimés dans des ouvrages qui réussissent peuvent devenir ainsi des motifs d’action. […] Il advient même qu’à force de répudier tout souci de la morale certains auteurs se plaisent à la heurter dans leurs ouvrages ; qu’ils prennent un goût dépravé pour les pourritures élégantes, pour les paradoxes effarouchants, pour les crudités répugnantes ; et alors, dénoncés par les moralistes comme des corrupteurs de parti pris et des malfaiteurs publics, ils compromettent et avilissent avec eux la littérature. […] Mais ailleurs117 Rousseau qualifie les personnages qu’il a créés de « bonnes gens », de « belles âmes » ; il s’applaudit de leur avoir donné l’existence et l’on a pu soutenir, sans paradoxe, que l’ouvrage condamné en Suisse comme corrupteur fut en France le symptôme et l’auxiliaire d’une véritable renaissance morale. — Jugements contradictoires et parfaitement conciliables ! […] Quiconque lit avec attention les Confessions de Jean-Jacques y découvre sans peine qu’en son enfance la Bible, Plutarque et les romans de Mlle de Scudéry sont les ouvrages qui ont eu la part prépondérante dans la formation de son caractère. […] Puis on peut dire aussi que de tout ouvrage, à moins qu’il ne soit d’une rare insignifiance, se dégage une conception particulière du monde, un jugement sur la vie.

524. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Guizot raconte qu’il a passé par trois sentiments successifs au sujet de l’ouvrage de Gibbon. […] Guizot déclare en être demeuré à apprécier, dans ce vaste et habile ouvrage, « l’immensité des recherches, la variété des connaissances, l’étendue des lumières, et surtout cette justesse vraiment philosophique d’un esprit qui juge le passé comme il jugerait le présent », et qui, à travers la forme extraordinaire et imprévue des mœurs, des coutumes et des événements, a l’art de retrouver dans tous les temps les mêmes hommes. […] L’ouvrage se soutint jusqu’à la fin dans l’estime et dans la faveur du public ; mais le premier volume eut un succès de vogue et de mode. […] Dans les portraits des chrétiens, même des plus grands durant ces âges, Gibbon se contente de n’être jamais bien net ; il ne les présente point par leurs grands côtés, et, comme l’a remarqué un savant ecclésiastique de nos jours81, « son ouvrage fourmille de portraits équivoques ». […] Je vous dis à l’oreille que je ne suis point contente de l’ouvrage de M. 

525. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

M. de Courchamps était un singulier homme : quand il signait de son nom quelque ouvrage, on lui démontrait qu’il le prenait à d’autres, qu’il était plagiaire et n’avait pas le droit d’y mettre son nom. […] Il demeurera prouvé pour nous, et pour tous ceux qui examineront désormais l’ouvrage, que les prétendus Souvenirs de la marquise de Créqui ne sont d’elle, à aucun degré, ni pour les faits, ni pour les sentiments, ni pour le ton. […] Dans le Tacite traduit par d’Alembert, elle goûtait surtout les sentences. « S’il y a quelques maximes dignes de moi, envoyez-les, écrivait-elle à M. de Meilhan ; j’aime le genre, quoique très avili par la quantité d’ignares qui s’en mêlent. » Les ouvrages de ce dernier lui plaisent par le fond des sujets autant que par le tour. […] À propos de je ne sais quel ouvrage de l’avocat Target, qu’on disait excellent : « Je le crois, mais je ne le saurais lire, disait-elle : je suis si frivole que j’aime le style, et si bête que j’aime la justesse. […] Son goût en littérature, en ouvrages d’agrément, est juste ; son jugement sur les ouvrages sérieux est solide ; son esprit a de l’étendue et de la sagacité, il voit promptement et loin.

526. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

L’Empire écroulé, l’autour d’Oberman ne fit rien pour se remettre en évidence et attirer l’attention des autres sur des ouvrages déjà loin de lui. […] Il revient longuement là-dessus en tête des Libres Méditations, et suppose que le  manuscrit de ce dernier ouvrage a été trouvé dans l’espèce de grotte où vécut cet ouvrier, nommé Lallemant, et qu’il a été écrit par un autre solitaire plus lettré, son successeur. […] Il ne les donne que comme des fragments d’un grand ouvrage qu’il médite et auquel il doit avoir renoncé depuis. […] Il en résulte que dans sa manière, particulièrement dans celle de ses derniers ouvrages, il devient en plusieurs endroits obscur et d’une lecture difficile, parce qu’il évite de spécialiser sa pensée en la revêtant d’exemples vifs, de citations ostensibles, en l’illustrant de détails et de rapprochements historiques. […] Dans la seconde partie de l’ouvrage, qui semble séparée de la première par un intervalle de plusieurs années, Oberman, âgé de vingt-sept ans, traverse la crise antérieure à toute maturité, et double, pour ainsi dire, le cap périlleux de la vie.

527. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Les Mémoires de Mme d’Épinay ne sont pas un ouvrage, ils sont une époque. […] Grimm en fut charmé, et, bien qu’amoureux, il ne l’était pas assez pour que son sens critique en fût troublé : « En vérité, disait-il de cet ouvrage, il est charmant. J’étais bien las lorsqu’on me l’a remis ; j’y ai jeté les yeux, je n’ai jamais pu le quitter ; à deux heures du matin je lisais encore : si vous continuez de même, vous ferez très sûrement un ouvrage unique. » Grimm avait raison, et l’ouvrage de Mme d’Épinay est réellement unique en son genre. […] Dans l’état actuel de l’ouvrage, la forme de roman est à peine sensible. […] « Continuez vos ouvrages, lui écrivait l’abbé Galiani ; c’est une preuve d’attachement à la vie que de composer des livres. » Avec un corps détruit et une santé en ruine, elle eut l’art de vivre ainsi jusqu’à la fin, de disputer pied à pied les restes de sa pénible existence, et d’en tirer parti pour ce qui l’entourait, avec affection et avec grâce.

528. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Le premier ouvrage qui appela sur lui avec éclat l’attention publique fut l’Éloge de Colbert, couronné par l’Académie française en 1773. […] Necker se formera au style en avançant ; il écrira mieux ; il trouvera sa forme, et ses derniers ouvrages seront véritablement très distingués. […] Necker, qui eut du succès malgré le choix du sujet ou plutôt à cause du sujet qui était alors de mode, fut son ouvrage Sur la législation et le commerce des grains, qui parut en 1775 ; c’était une attaque contre les théories absolues du ministère de Turgot et contre les économistes qui voulaient une entière liberté d’exportation. […] L’ouvrage, tel qu’il était, habilement combiné, à demi entendu, à demi lu, et où il y avait de l’oratoire et du sensible entremêlés à la théorie obscure, fit la plus grande impression dans l’état des esprits, et hâta l’avènement de M.  […] Necker ne ressemblent ni aux Maximes de La Rochefoucauld ni aux Pensées de Vauvenargues ; elles n’ont ni la généralité ni la grandeur, excepté quelques-unes qui semblent plutôt des chapitres détachés et qui iraient aussi bien dans un ouvrage de morale ou de religion.

529. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Boileau, à ce sujet, a dit de Saint-Amant : Ce poète avait assez de génie pour les ouvrages de débauche et de satire outrée, et il a même quelquefois des boutades assez heureuses dans le sérieux : mais il gâte tout par les basses circonstances qu’il y mêle. C’est ce qu’on peut voir dans son ode intitulée La Solitude, qui est son meilleur ouvrage, où parmi un fort grand nombre d’images très agréables, il vient présenter mal à propos aux yeux les choses du monde les plus affreuses, des crapauds et des limaçons qui bavent, le squelette d’un pendu, etc. […] Vous trouverez bon que je ne vous exprime pas tout le dégoût que j’ai pour de pareils ouvrages. » Voilà bien un mépris tranquille, et tel que les natures hautes et nobles en conçoivent pour la difformité qui s’ingénie et qui s’évertue. […] Malgré ces prédilections grotesques et bachiques auxquelles il s’abandonnait sans mesure, Saint-Amant n’avait pas entièrement renoncé à la poésie sérieuse ; il avait sur le chantier, comme on dit, plus d’un de ces longs et nobles ouvrages desquels on se promet beaucoup d’honneur, dont on ne finit jamais, et qui, avant d’ennuyer le lecteur, ennuient l’auteur tout le premier. Un de ces ouvrages, le poème ou idylle héroïque de Moïse, parut à la fin, dédié à la reine de Pologne (1653).

530. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

On peut dire que Bossuet médita de tout temps cet ouvrage, pour lequel il amassait bien des réflexions et des pensées dès les années de son séjour à Metz, lorsqu’il avait sous les yeux le spectacle des Juifs nombreux en ce pays, et qu’il conférait avec les plus savants de leurs rabbins. Le titre complet de l’ouvrage, et qui en exprime l’idée, est celui-ci : Discours sur l’Histoire universelle à Monseigneur le Dauphin, pour expliquer la suite de la Religion et les changements des Empires. […] Si cette première partie était tout l’ouvrage, il y aurait certes un regret à exprimer pour une sévérité si grande et si rigoureusement observée. […] C’est la seconde partie qui est la principale et qui fait le corps de l’ouvrage ; c’est celle-là seule qui, avec la troisième, offre de véritables et grandes beautés. Que si l’on prenait, en effet, le genre de littérature auquel se rapporte cette première partie en la détachant et en l’isolant, en ne la considérant qu’à titre d’abrégé chronologique ou de résumé et en la comparant à quelques-uns des ouvrages qu’on range communément sous ce titre, on la trouverait inférieure à quelques égards.

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