Il est homme de lettres aussi, celui que le feu de son imagination porte sans cesse vers des sujets nouveaux ; qui, doué de verve et de fécondité naturelle, n’a pas plus tôt fini d’une œuvre qu’il en recommence une autre ; qui se sent jeune encore pour la production à soixante ans comme à trente, qui veut jouir tant qu’il le peut de cette noble sensation créatrice et mener la vie active de l’intelligence dans toutes les saisons. […] Ces portraits et caractères composés si savamment, mais composés et concertés, auraient pris plus de naturel et de vie ; les originaux vrais auraient apparu, se seraient développés avec ampleur, abandon, et je ne sais quel charme qui leur manque ; je le suppose toujours à l’abri du trop de facilité et du laisser-aller. […] La nouvelle qui a obtenu le second prix, et qui a pour titre Le Chant des Hellènes, est une confession, ou du moins une confidence, celle d’une femme à une jeune amie qu’elle veut prémunir contre un travers dont elle n’a pas pu se garder elle-même. « Préserver son imagination de tout écart n’est qu’un simple calcul de bonheur pour une femme vertueuse » : cette épigraphe, empruntée à Mme Necker de Saussure, se trouve justifiée par le récit ; mais ce récit est facile, naturel, coulant, et n’a rien d’une prédication.
Non, il n’est pas jaloux de Byron, quoiqu’il ait dit de lui un jour, faisant remarquer que ce grand révolté n’observait de règle que celle des unités dans ses tragédies : « Cette limite qu’il se posait en observant les trois unités convenait d’ailleurs à son naturel, qui tendait toujours à franchir toutes limites. […] « Je ne connais aucun livre plus riche en leçons que ces Mémoires ; par eux notre regard pénètre profondément dans les recoins les plus cachés de l’époque, et Mirabeau, ce miracle, devient un être naturel ; mais le héros ne perd rien cependant de sa grandeur. […] De ces jugements de Gœthe sur Hugo, je ne donnerai que celui-ci, tiré d’une lettre à Zelter du 28 juin 1831 : « Notre-Dame de Paris de Victor Hugo éblouit par les qualités que lui donne une étude attentive et bien mise à profit des mœurs, de la physionomie locale, des événements du passé ; mais, dans les personnages, il n’y a absolument aucune apparence de vie naturelle.
Et ainsi, lorsque la prédication de Jésus commençait, lorsque après l’avoir vu, au retour du désert et de sa tentation triomphante, quitter de nouveau sa mère, Marie triste et résignée, on le suivait le long de la mer de Galilée allant recruter des pêcheurs pour disciples ; lorsque dans des scènes très plates et d’un langage délayé, mais assez naïves, on assistait à ces conversations, puis à ces conversions de pêcheurs, de gens de métier, chacun ayant sa physionomie et gardant assez bien son caractère ; lorsque le cortège des Douze se complétait ainsi à vue d’œil, avec sa variété, — parmi eux un seul noble, Barthélemy « en habit de prince », les autres dans leurs habits mécaniques ou de travail, saint Thomas en habit de charpentier, ayant jeté seulement ses outils, et Matthieu le publicain, à son tour, assis d’abord devant sa table, avec ses sacs d’argent rangés dessus, et cependant offrant dans sa maison un repas à Jésus qui l’accepte, — il y avait certainement, à cette suite de scènes familières, un intérêt que l’on conçoit encore très-bien aujourd’hui, et qui consistait dans l’extrême détail, dans le naturel minutieux du développement, dans l’imitation et la copie de la vie. […] Figurons-nous bien, car c’est le devoir de la critique de se déplacer ainsi à tout moment et de mettre chaque fois sa lorgnette au point, — figurons-nous donc, non pas seulement dans la salle de l’hôpital de la Trinité à Paris (cette salle me semble trop étroite), mais dans une des places publiques d’une de ces villes considérables, Angers ou Valenciennes, devant la cathédrale ou quelque autre église, un échafaud dressé, recouvert et orné de tapisseries et de tentures magnifiques, et tout alentour une foule avide et béante ; des centaines d’acteurs de la connaissance des spectateurs, jouant la plupart au vrai dans des rôles de leur métier ou de leur profession : des prêtres faisant ou Dieu le Père ou les Saints ; des charpentiers faisant saint Joseph ou saint Thomas ; des fils de famille dans les rôles plus distingués, et quelques-uns de ces acteurs sans nul doute décelant des qualités naturelles pour le théâtre ; figurons-nous dans ce sujet émouvant et populaire, cru et vénéré de tous, une suite de scènes comme celles que je ne puis qu’indiquer : — le dîner de saint Matthieu le financier, qui fait les honneurs de son hôtel à Jésus et à ses apôtres, dîner copieux et fin, où l’on ne s’assoit qu’après avoir dit tout haut le bénédicité, où les gais propos n’en circulent pas moins à la ronde, où l’un des apôtres loue la chère, et l’autre le vin ; — pendant ce temps-là, les murmures des Juifs et des Pharisiens dans la rue et à la porte ; — puis les noces de Cana chez Architriclin, espèce de traiteur en vogue, faisant noces et festins, une vraie noce du xve siècle ; — oh ! […] Quicherat, le collecteur définitif de tout le dossier restant, et le greffier le plus fidèle de tous les actes et témoignages. — Et quant au vieux Mystère, qui n’est guère qu’une chronique, il est bien prolixe ; mais il a du naturel, et, en plus d’un endroit, il a sa couleur vraie et qu’on sent voisine du temps.
» — Pour le bien expliquer, il faut, dit le père, reprendre les choses dès l’origine. » Et ici commence tout un récit fort admiré des Anciens, proposé comme un modèle de narration aux orateurs eux-mêmes par Cicéron, qui y fait remarquer le développement approprié, le mouvement dramatique, le parfait naturel des personnages introduits et des paroles qu’on leur prête, et, par instants, mais par instants seulement, la brièveté excellente, qui à toute cette abondance persuasive ajoute une grâce. […] Mais ce Dave lui-même, qui va éventer le stratagème du père, n’est coquin qu’à demi ; ce sont volontiers de braves gens chez Térence, même les femmes, les courtisanes ou demi-courtisanes qui se trouvent, à la fin, de naissance libre et d’un naturel ingénu. Et quel naturel plus ingénu, plus fait pour exciter la sympathie, que celui de cette jeune fille éplorée, oublieuse de la foule et se renversant dans le sein d’un ami : flens quam familiariter ?
Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau. […] Or, Mme la comtesse Agénor de Gasparin, — c’est elle en toutes lettres, — femme d’un homme de cœur et d’un homme de bien, Genevoise de famille et de naissance, de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie de cette république (c’est tout un), passant certaines saisons à Paris, mais établie et vivant plus ordinairement en son château ou manoir au pied du Jura suisse, dans le canton de Vaud, dans le pays de Glaire d’Orbe, a publié, en ces dernières années surtout, une série d’esquisses, d’impressions morales ou pittoresques, de tableaux paysanesques ou alpestres avec intention et inspiration chrétienne très-marquée46, toute une œuvre qu’il est naturel de rapprocher des Lettres et Journaux d’Eugénie de Guérin. […] J’ai dit autrefois dans un précédent article, j’ai redit ici même tout à l’heure que la sœur de Maurice avait un génie égal, sinon supérieur à celui de son frère : prenez génie dans le sens le plus naturel et le plus simple.
Cette blague se résout en une sorte de rhétorique spéciale qui est la forme, moitié naturelle, moitié acquise, de l’esprit de M. […] Notez que le genre de plaisanterie qui lui est naturel implique, même quand il est inoffensif, une attitude d’insurrection, et qu’il contient en puissance, si j’ose dire, tout un infini de révolte. […] Il s’adresse moins aux appétits des malheureux qu’à leurs instincts de révolte, et cela par goût naturel.
Son excès de travail intellectuel l’avait de bonne heure rendu sujet à une maladie nerveuse singulière qui développa encore sa sensibilité naturelle si vive. […] Leur premier chapitre est de prouver la Divinité par les ouvrages de la nature. » Et continuant de développer sa pensée, il prétend que ces discours, qui tendent à démontrer Dieu dans ses œuvres naturelles, n’ont véritablement leur effet que sur les fidèles et ceux qui adorent déjà. […] Sans être évêque ni prêtre, il est lui-même sûr de son fait, il sait à l’avance son but, et laisse assez voir sa certitude, ses dédains, son impatience ; il gourmande, il raille, il malmène celui qui résiste et qui n’entend pas : mais tout d’un coup la charité ou le franc naturel l’emportent ; ses airs despotiques ont cessé ; il parle en son nom et au nom de tous, et il s’associe à l’âme en peine qui n’est plus que sa vive image et la nôtre aussi.
D’ailleurs c’est une chose assez naturelle que, sur la limite de deux ères, l’une qui commence et l’autre qui finit, il se trouve des hommes pourvus, comme le Janus de la fable, de deux faces, l’une pour regarder ce qui a été, et en tirer les derniers enseignements, l’autre pour considérer ce qui s’avance, et en prévoir les résultats. […] Peut-être serons-nous conduits à croire que, contre le cours ordinaire des choses, il faut laisser l’opinion suivre sa pente naturelle, indépendamment des mœurs. […] Cette erreur était trop naturelle pour qu’on n’y tombât pas : elle ne peut donc point être reprochée avec quelque justice à ceux qui l’ont partagée.
Ici, la forteresse de la foi médiévale surgit isolée de l’univers, surnaturelle, divine, solitaire ; là, elle apparaît liée à l’univers, naturelle, terrestre, solidaire. […] L’humanité s’élevant à la conscience de l’Univers, par une adhésion plus complète aux normes naturelles dont la connaissance lui est peu a peu révélée par son cerveau, telle est la principale conséquence de la nouvelle conception. […] Mais si la pierre n’est plus pénétrée de vie céleste, la vie naturelle l’anime aussi intensément que par le passé. « La merveille de la sensation de Monet, dit encore M.
Une transmission problématique de facultés d’ailleurs indéterminées et dont la genèse reste inconnue, voilà tout ce que l’anthropologie peut nous offrir pour l’explication du succès de l’égalitarisme ; n’est-il pas naturel que nous en cherchions autre part des raisons moins obscures et moins incertaines ? […] Elle se présente à l’esprit comme la plus naturelle et la plus simple. […] Les sciences physiques et naturelles ont prouvé mille fois qu’elles savaient suppléer à la première par la seconde ; plus que toutes les autres, les sciences sociales devront user de cette faculté.
Rien de plus naturel que cette première passion. […] Hégel trouve une méthode de construction, et conçoit une nouvelle idée de l’univers ; il applique cette méthode aux mathématiques, aux sciences physiques, à toutes les parties de l’histoire naturelle, à la psychologie, à l’histoire, à toutes les sciences morales, à toutes les sciences humaines, et meurt en contruisant. […] On la reconnaît en ce qu’elle est « l’alliée naturelle de toutes les bonnes causes.
« Lorsqu’une société religieuse et politique, détournée de la constitution naturelle des sociétés a comblé la mesure de l’erreur et de la licence, les fonctions naturelles du corps social se troublent, et les rapports naturels des personnes sociales entre elles font place à des rapports arbitraires ; le pouvoir conservateur de la société se change en une tyrannie faible ou violente, la subordination et le service du ministre en une servitude aveugle ou intéressée ; l’obéissance du sujet en un esclavage vil ou séditieux. » C’est le tableau de la France révolutionnaire. […] La soif des jouissances physiques, une aspiration égoïste vers le bien-être, l’idolâtrie du moi, si haïssable selon Pascal, voilà quelles sont les tendances naturelles d’une société où le scepticisme, professé dans les plus hautes sphères intellectuelles, finit par être pratiqué dans toutes, sous la forme du sensualisme, son résultat naturel. […] La religion naturelle passait, dans les enseignements de M. […] Il put, pendant le cours de 1808, développer les grands principes de la religion naturelle. […] La première rencontrait, dans un des écrivains les plus aimés du public français et les plus heureusement doués, un introducteur naturel.
Combien de temps peut durer un sourire dans sa grâce naturelle ? […] Ce jaune n’est pas naturel, on serait tenté de soupçonner qu’il y a de la symbolique là-dedans. […] On veut l’astreindre à reproduire le plus exactement possible la coloration naturelle des objets ? […] La figure est donc naturelle d’attitude, simplifiée comme contour, stylisée dans le détail. […] Par une pente naturelle, en suivant simplement la loi de moindre effort, le merveilleux tombe dans l’absurde.
Ce n’est pas un accord préconçu de nuances qui s’impose au tableau et remplace les teintes naturelles. […] Celle de Claudel saisit de deux termes différents la conjonction naturelle, la juxtaposition spontanée. […] Chaque instrument entre à sa place, appelé par tous les autres, et son apparition émeut tant elle est naturelle. […] Je sens soudain naturelle la pitié ; elle déborde de mon cœur sans effort et sans honte. […] Que ses hésitations sont peu naturelles !
Entre ces deux romans si dissemblables, si comparables en plus d’un trait, qui marquent les deux extrémités du siècle, Manon Lescaut, Paul et Virginie, Mlle Aïssé et son passionné chevalier tiennent leur place, et par le vrai, par le naturel attachant de leur affection et de leur langage, ils se peuvent lire dans l’intervalle. […] L’esprit d’Aïssé ne fut pas lent à s’orner de tout ce qui pouvait relever ses grâces naturelles sans leur ôter rien de leur légèreté, et la jeune Circassienne, la jeune Grecque, comme chacun l’appelait autour d’elle, continua d’être une créature ravissante, en même temps qu’elle devint une personne accomplie. […] Ce qui fait le charme de ces lettres, c’est qu’elles sont toutes simples et naturelles, écrites avec abandon et une sincérité parfaite. […] Ennemie naturelle du chevalier, par cela même qu’elle l’est de sa noble amie, elle leur invente des torts, ils n’en ont d’autre que de la pénétrer et de la juger. […] C’est un mouvement naturel chez les hommes de se prévaloir de la faiblesse des autres : je ne saurais me servir de cette sorte d’art ; je ne connais que celui de rendre la vie si douce à ce que j’aime, qu’il ne trouve rien de préférable ; je veux le retenir à moi par la seule douceur de vivre avec moi.
Si deux fois la chute de son parti semble abattre ou retarder sa fortune, il se tient debout sans beaucoup d’effort, par réflexion et sang-froid, préparé aux événements, acceptant la médiocrité, assis dans une tranquillité naturelle et acquise, s’accommodant aux hommes sans leur céder, respectueux envers les grands sans s’abaisser, exempt de révolte secrète et de souffrance intérieure. […] Le rhythme régulier mutile l’élan de l’invention naturelle ; les nuances de la vision intérieure disparaissent ; nous ne voyons plus une âme qui pense ou sent, mais des doigts qui scandent : la période continue ressemble aux ciseaux de La Quintinie, qui tondent tous les arbres en boule, sous prétexte de les orner. […] Il ne remonte pas à la source du beau du premier coup, comme les vrais artistes, par la violence et la lucidité de l’inspiration naturelle ; il s’arrête dans les régions moyennes, parmi les préceptes, sous la conduite du goût et du sens commun. […] Addison, pour louer Milton, établit que, selon la règle du poëme épique, l’action du Paradis est une, complète et grande ; que les caractères y sont variés et d’un intérêt universel, que les sentiments y sont naturels, appropriés et élevés ; que le style y est clair, diversifié et sublime : maintenant, vous pouvez admirer Milton ; il a un certificat d’Aristote. […] Il est curieux de le voir, le compas à la main, bridé par Bossu, empêtré de raisonnements infinis et de phrases académiques, atteindre tout à coup, par la force de l’émotion naturelle, les hautes régions inexplorées où Milton est soulevé par l’inspiration de la foi et du génie.
Au contraire, n’ayez qu’un souci, celui d’être exact ; étudiez bien un temps, les personnages qui le remplissent, leurs qualités, leurs vices, leurs altercations, les causes qui les divisent, et puis appliquez-vous à les rendre simplement… Si, pour systématiser vos récits, vous n’avez pas cherché à les grouper arbitrairement, si vous avez bien saisi leur enchaînement naturel, ils auront un entraînement irrésistible, celui d’un fleuve qui coule à travers les campagnes. […] Et pourtant, regardez à toutes les heures du jour, et dites si tout fleuve, rivière ou ruisseau ne coule pas avec une certaine grâce naturelle ; si, à tel moment, en rencontrant tel coteau, en s’enfonçant à l’horizon derrière tel bouquet de bois, il n’a pas son effet heureux et saisissant ? […] On a dit de Buffon qu’il écrivait l’histoire naturelle avec des manchettes ; on dirait presque de M. […] Le monde ne pouvait échapper à une telle supériorité, servie par la fortune et par l’infériorité de tous les hommes avec lesquels il avait à se mesurer ; car il faut remarquer que Bonaparte, à l’intérieur, n’avait à se mesurer qu’avec des hommes généralement médiocres, lassés et usés par la Révolution ; l’échafaud, la mort naturelle, les proscriptions avaient fauché la France. […] Toutes ces qualités naturelles ou acquises, M.
Tel est donc le rôle, telle est la signification de la religion que nous avons appelée statique ou naturelle. […] Il prouvera ainsi qu’il y a une religion statique, naturelle à l’homme, et que la nature humaine est invariable. […] Ils se rattachaient à la religion établie, qui trouvait tout naturel de les avoir à côté d’elle. […] Il est chargé de philosophie grecque, et il a conservé bien des rites, des cérémonies, des croyances même de la religion que nous appelions statique ou naturelle. […] Mais, pour des raisons que nous exposions jadis, l’illusion est naturelle ; elle a sa source dans les profondeurs de l’entendement.
Ce droit, naturel en toute circonstance, est ici sacré. […] Nul ne décrivit jamais comme lui les grands phénomènes naturels, la marée, le vent, les nues. […] Le défaut des meilleures biographies est que tout y paraît naturel, aisé, facile. […] Cette grâce naturelle lui est aussi héréditaire. […] Sa disposition naturelle est effrénée en tout.
Mais avec un peu de réflexion, l’on verra que le héros de la pièce italienne, en passant en France, a pris cette grâce, cette amabilité, cette galanterie si naturelles à sa nouvelle patrie. […] Plaisant, oui, mais naturel, non. […] Pline, dans son Histoire naturelle, cite cette épitaphe : Turbâ se medicorum, periisse. […] Cela est vrai ; mais la scène est si naturelle qu’elle conserve toutes les grâces de la nouveauté. […] L’inimitable mademoiselle Dangeville, remplie de grâces, d’esprit et de naturel, en débitait les tirades de manière à faire oublier qu’à force de justesse, de raison, de philosophie, elles sortent un peu du genre des soubrettes.
Ainsi armé d’indifférence, de dureté et de cynisme, il marche dans la vie, n’attendant rien que de lui-même, convaincu que l’homme est l’ennemi naturel de l’homme. […] Feuillet qu’il y a certaines preuves de passion qui ont pour effet naturel non d’augmenter, mais de refroidir l’amour. […] Le cheval barbe, qui est le plus intelligent des chevaux, devait être la monture naturelle du plus intelligent des peuples. […] Augier n’a plus parlé qu’exceptionnellement la langue du vers, qu’on aurait pu croire au contraire sa langue naturelle. […] Le goût naturel à M.
Mais, sous peine de se pervertir, elle ne saurait passer au delà : l’aurea mediocritas, entendue aussi largement qu’on le voudra, est son domaine naturel. Autrement comment pouvoir exprimer en toute sincérité certains sentiments, certaines vérités nobles, désintéressées, naturelles, qui sont l’âme même de toute généreuse poésie ?
Il ose dire, par exemple, que la tragédie classique est morte et de sa belle mort « de mort naturelle » ; que le drame est désormais la seule forme possible. […] Paul Albert est une date ; c’est le premier d’une série, le premier jalon d’une route, d’une œuvre collective nouvelle que je définirai ainsi : la vulgarisation élégante et élevée des notions acquises par la critique littéraire la plus saine et la plus avancée ; le renversement ou plutôt l’annulation des vieilles rhétoriques ; une méthode vivante et naturelle substituée aux formules didactiques, — je dis une méthode et non pas de simples séances d’Athénée agréables et décousues, mais tout un mode d’enseignement suivi, et cela à l’usage spécial d’un sexe qu’on avait trop accoutumé jusqu’ici au décousu et à l’amusant.
À vrai dire, certains climats sont meilleurs que d’autres pour certaines productions, soit physiques, soit intellectuelles ; à vrai dire aussi, il y a des époques de recul, où les circonstances (guerres, etc.) étouffent les semences naturelles du génie : il naît une foule de Cicérons qui ne viennent pas à maturité. […] Ceux-ci pourtant avaient leur revanche : après avoir entendu le Siècle de Louis le Grand, La Fontaine rimait sa charmante Epître à Huet, où il faisait hommage de la perfection de son œuvre aux anciens, où il les proclamait ses maîtres, où il disait nettement leur mérite essentiel, le naturel, et le péché mignon des modernes, l’esprit.
Comment, en cédant à l’officier brun, elle obéit à une volonté plus forte que la sienne ; comment cette première aventure et son cruel abandon éveillent en elle, par la douleur, la faculté d’aimer ; comment sa faute même la jette dans les bras de Louiset comme dans son refuge naturel ; comment le courage lui manque pour le détromper, justement parce qu’elle l’aime ; comment le ressouvenir même de sa souillure exaspère cet amour ; sa honte, ses terreurs, ses souffrances, son désespoir en sentant approcher l’instant inévitable où éclatera sa trahison… M. […] Il sortirait d’eux toute une race, et c’était la vie vraie, naturelle, la vie simple et grande.
La perception étant un rapport, rien d’étonnant qu’elle varie avec les deux termes et comme eux : c’est là un fait tout naturel, et il n’y a pas ombre de scepticisme à le soutenir. […] On donne, en Angleterre, le nom de théorie Berkeleyenne de la vision à celle qui distingue les perceptions naturelles de la vue (lumière, couleurs) des perceptions acquises (distance, mouvement, etc.), ces dernières étant induites et non perçues directement.
Ce sont de ces verbes que les grammairiens appellent impersonnels, parce que personne n’agit par eux ; mais La Fontaine a si bien préparé ces deux expressions, par ce mot tranche de roi des airs ; ces mots, pleut, vente, semblent en cette occasion si naturels et si nécessaires, qu’il y aurait de la pédanterie à les critiquer. […] Le Prologue est plein de finesse, de naturel et de grâce.
L’explosion faite, il retombe dans son état naturel, le silence. L’artiste triste ou né avec un organe faible produira une fois un tableau vigoureux de couleur ; mais il ne tardera pas à revenir à son coloris naturel.
Les opera qu’un cardinal illustre se plaisoit à faire executer de cette maniere-là, quand il étoit encore jeune, plaisoient même beaucoup, parce que les marionnettes qui avoient près de quatre pieds de hauteur approchoient du naturel. […] Lorsque les romains se déterminerent pour le genre de la déclamation, où le geste et la prononciation s’executoient souvent par des acteurs differens, ils connoissoient depuis plus de six vingt ans la maniere de réciter naturelle, qui est la nôtre.