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2179. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Tous ces Grands Hommes, qui avoient bien acquis le droit d’être difficiles, ne pouvoient tolérer que l’on mît au rang des chef-d’œuvres, des Poëmes ordinairement dépourvus de vraisemblance, libres des trois unités, & dans lesquels presque toutes les regles de l’Art sont nécessairement violées. […] Comment peut-on mettre treize Vers, nous ne disons pas au dessus, mais en comparaison de trois Pieces, dont une est restée au Théatre, où elle fait plaisir, & dont les deux autres annoncent plus de talens pour la Poésie en général que le meilleur Opéra de Quinault ?

2180. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de conventions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, manquant « d’idées générales » vénèrent encore, et nul n’ignore qu’il y a une tendance chez ces grands penseurs, à voir, en cette heure, dans la religion de la Patrie, une chose presque aussi démodée que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie, une tendance à mettre l’Humanité au-dessus de la France : des idées qui ne sont pas encore les miennes, mais qui sont incontestablement dans l’ordre philosophique et humanitaire, des idées supérieures à mes idées bourgeoises. Et c’est tout ce que mettent au jour mes conversations.

2181. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Croyez-moi, ne lui mettez pas de jambe de bois. […] Il y a, depuis quelques jours, un échafaudage sur la tour de Saint-Jacques-de-la-Boucherie ; et un de ces matins la pioche s’y mettra.

2182. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Virgile a mis la même vérité dans ses peintures. […] Il y a dans l’homme un instinct qui le met en rapport avec les scènes de la nature.

2183. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

Lucien dans l’écrit qu’il a composé sur l’art de la danse, tel que l’avoient les anciens, dit en parlant des personnages tragiques, qu’on leur entend prononcer de temps en temps quelques vers iambes, et qu’en les prononçant ils n’ont attention qu’à bien faire sortir leur voix, car les artisans ou les poëtes qui ont mis les pieces au théatre ont pourvû au reste. […] Les comédiens, dit-il, en parlant des pieces de Térence, prononçoient eux-mêmes les dialogues, mais les cantiques étoient mis en modulation non point par le poëte, mais par un habile musicien.

2184. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Rien n’est amusant comme de mettre un sophiste aux prises avec un fait qui contredit ses paradoxes. […] Il y a, notamment, une histoire de Taine, qui met en nage notre farouche contradicteur.

2185. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Non, il mettra un rapport entre l’action et le genre de beauté. […] Quand un chanteur met la main sur son cœur, cela veut dire d’ordinaire : je l’aimerai toujours ! […] Ainsi les douteurs varient à l’infini, et je suis obligé de mettre en paquet plusieurs individus qui n’ont de commun que l’absence d’une individualité bien constituée. […] Joyant attire les yeux plus qu’une autre, c’est sans doute à cause de la perfection monotone qu’il y met, et qui est toujours due aux mêmes moyens. […] Je mets pestiférés au lieu de massacre, pour expliquer aux critiques étourdis les tons des chairs si souvent reprochés.

2186. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Les obus des Prussiens avaient mis en feu la ville d’Iéna, et, des plateaux où l’on avait combattu, on voyait des colonnes de flammes s’élever du sein de l’obscurité. […] Aussitôt il se mit à visiter la retraite du grand capitaine, du grand roi, qui s’appelait le philosophe de Sans-Souci, et avec quelque raison, car il sembla porter le poids de l’épée et du sceptre avec une indifférence railleuse, se moquant de toutes les cours de l’Europe, on oserait même ajouter de ses peuples, s’il n’avait mis tant de soin à les bien gouverner. […] Ce brave officier, renversé sous son cheval, se relève, se met à la tête de sa seconde brigade, et réussit à disperser les groupes de cavaliers qui précédaient l’infanterie russe. […] On l’avait pressé plusieurs fois de mettre à l’abri une vie de laquelle dépendait la vie de tous. […] Ce petit bras était devenu lui-même une grande rivière, et des moulins lancés par l’ennemi avaient plusieurs fois mis en péril le pont qui servait à le traverser.

2187. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Mais Anaxarque, qui, dès le commencement, avait suivi dans la philosophie une route toute particulière, et qui avait la réputation de dédaigner et de mépriser tous ses compagnons, se mit à crier dès l’entrée : « Quoi ! […] Quinte-Curce dit la même chose ; mais il ajoute plusieurs circonstances et ne manque pas de saisir cette occasion pour mettre dans la bouche d’Hermolaüs et dans celle d’Alexandre des discours où il cherche à faire briller son éloquence. […] En ce genre, tout, on peut le dire, a été imaginé ; mais telles idées n’ont pas pu prendre, et telles autres ne sont pas mises en usage, bien qu’on les connaisse. […] Ceci même répond à une objection que l’on met en avant et qu’on répète souvent comme fort grave : on demande si, dans le cas que nous avons supposé, le législateur qui veut établir des lois parfaitement justes doit avoir en vue l’intérêt de la multitude ou celui des citoyens distingués. […] Ce sera leur faire injure que de les réduire à l’égalité commune, quand leur mérite et leur importance politiques les mettent si complètement hors de comparaison ; de tels personnages sont, on peut dire, des dieux parmi les hommes.

2188. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Sur une horloge placée au point O, il lit le temps t qu’a mis le rayon à aller de O en B et à revenir de B en O. […] Sur une horloge placée en O′ il note le temps que met le rayon de lumière à aller de O′ à B′ et à en revenir. […] Il commencera, sans doute, par se mettre en règle avec elle. […] S’il se met par la pensée à la place de Pierre, il comptera à Pierre le temps que Pierre se compte à lui-même, c’est-à-dire le temps réellement vécu par Pierre, et à Paul le temps que Pierre lui prête. […] Ce retard me fera toujours croire que le temps mis par la lumière à parcourir l’intervalle est celui qui correspond à une vitesse constamment la même.

2189. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Je n’y avais pas mis mon nom. […] Cette poésie qui marche à pied, qui ne se drape pas à l’antique, qui ne se met ni blanc ni rouge sur la joue, qui ne porte ni masque tragique ni masque comique à la main, mais qui a le visage véridique de ses sentiments, et qui parle la langue familière du foyer, cette poésie qui semble une nouveauté parce qu’elle est la nature retrouvée de nos jours sous les oripeaux de la déclamation et de la rhétorique en vers, sera la poésie de ce nouveau venu dans la famille qui chante. […] Mais, je le répète, mettez un autre nom à la place du mien : Washington dans la détresse, relégué à Mont-Vernon, par exemple, ou Jefferson, second président des États-Unis, forcé par la misère domestique à mettre en loterie le toit et le champ de ses pères, et mourant sans avoir pu placer ses lots parmi ses concitoyens ; et alors qu’on lise le petit poème lyrique intitulé les Vendanges : Saint-Point, octobre 185... […] Je mis pied à terre, et j’attachai mon cheval à un noisetier, pour m’asseoir sur la mousse avec mes convives. […] Ces vers semblaient avoir été pensés par Tacite et écrits par André Chénier ; quoique composés par elle dans une langue étrangère (le français), ils n’avaient ni l’embarras de construction d’une main novice à nos rythmes, ni la mollesse, ni la chair flasque des essais poétiques de l’enfance ou de l’imitation sous une jeune main ; ils étaient tout nerfs, tout émotion, tout concert de fibres humaines ; ils jaillissaient du cœur et des lèvres comme des flèches de l’arc intérieur allant au but d’un seul jet, et portant un coup droit au cœur sans se balancer sur un éther artificiellement sonore : Je sonne en tombant, non parce qu’on m’a mis une cloche aux ailes, mais parce que je suis d’or.

2190. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

XLII Quelle que soit, au reste, la peine que puisse éprouver M. de Lamartine de voir ses intentions si amèrement inculpées, il doit peut-être de la reconnaissance aux auteurs des différents articles où on l’accuse, puisqu’ils le mettent dans la nécessité d’expliquer sa pensée méconnue, et de désavouer hautement les sentiments aussi absurdes qu’injurieux qu’on s’est plu à lui prêter. […] XLVIII Le marquis de la Maisonfort m’avait invité à venir à Lucques, où il voulait me présenter au duc de Lucques, fils de la reine d’Étrurie, que Napoléon avait mise sur le trône de Toscane, puis détrônée et reléguée à Lucques. […] Mets, ô divine clémence, Mets ton poids dans la balance, Si tu pèses le néant ! […] Mais, avant de la lui porter chez son père, j’y mettrai un clou plus fort que les autres, un baiser sous la semelle de ma fiancée ! « J’y mettrai une paillette plus brillante que toutes les autres, un baiser sous le soulier de mon amour !

2191. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Dans un temps où le progrès de la langue était l’ambition de tous les écrivains, où beaucoup s’égaraient à le chercher dans une augmentation matérielle des mots, rien n’était plus pressant que de la mettre aux prises en quelque sorte avec ce qui avait été pensé et exprimé de plus excellent par l’écho le plus intelligent de la raison antique, et de faire parler l’antiquité elle-même dans notre langue. […] Dans cette traduction célèbre, la seule qui ait eu la gloire des ouvrages originaux, il mit l’esprit français en présence de l’esprit ancien, et notre langue en regard de la plus riche des deux langues de l’antiquité. […] Montaigne pense pour son compte ce que l’antiquité a pensé ; il met l’esprit français de pair avec l’esprit ancien. […] C’est ce coing qu’il s’était fait en son âme, et qu’il essayait de soustraire aux passions, à l’instar de sa maison de Montaigne, autre coing qu’il tâchait de mettre à l’abri de la tempête publique147. […] Elle a l’exactitude de celle de Calvin, avec plus de variété ; elle contient toute celle d’Amyot, aux richesses de laquelle Montaigne ajoute ses propres inventions ; enfin elle réunit tout ce que le xvie  siècle a mis de science et de génie dans la formation de notre langue littéraire, désormais la langue de l’esprit moderne, langue maternelle pour nous, langue adoptive pour quiconque en Europe, dans les lettres, les sciences l’art du gouvernement, dans les travaux de l’esprit ou de la politique, a laissé ou laissera un nom durable.

2192. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Après qu’Orphée, ayant perdu son idéal, eût été mis en pièces par les ménades, sa lyre ne savait toujours dire que « Eurydice ! […] Ce qui mettait le comble à mes préoccupations était un endroit de la Vie de je ne sais quel saint personnage du xviie  siècle, lequel comparait les femmes à des armes à feu qui blessent de loin. […] Quand on le mettait le soir dans un berceau à côté d’elle, elle restait tranquille jusqu’au lendemain. […] La servante du vicaire, pour pouvoir assister à la messe, avait mis le couvert d’avance. […] Il allait à l’église, mais il ne se mettait pas à son banc.

2193. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Pour nous informer que les rédacteurs des Déclarations des Droits de l’Homme se sont contredits, il déclare qu’ils « ont mis dans leurs textes un Ceci tuera Cela !  […] Où diable ça peut-il aller mettre le nez, un professeur ? […] Par exemple, dès que M. le docteur se met à résumer les livres de Cyrano, il convient de fermer sa thèse ; seul un mathématicien pourrait trouver l’abrégé plus court que les œuvres analysées. […] Il nous déclame en solennité, avec, autour de la Parole, beaucoup de miousic, de symbole et de mise en scène : « Les Hindous sont des Aryas comme les Européens. […] Si vous ne pouvez encore l’aider qu’un peu, il vous dédiera — promesse qui doit vous mettre l’eau à la bouche — les éloges zézayés sur un autre.

2194. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Ce passage de l’abstrait au tangible, et de l’obscur au saisissant est marqué avec la plus noble énergie, dans la pièce En plantant le Chêne des États-Unis d’Europe, où le poète, dans un des plus larges déploiements lyriques qui soient, adjure les éléments, les cieux et la mer, de corroborer le jeune plant mis en terre : Vents, vous travaillerez à ce travail sublime, Ô vents sourds qui jamais ne dites : c’est assez. […] et la communauté de faute qui en résulte, ainsi : Reste, elle est là, le flanc percé de leur couteau Gisante ; et sur sa bière Ils ont mis une dalle ; un pan de ton manteau Est pris sous cette pierre. […] Dans les Châtiments, le poème Nox met en regard des splendeurs du couronnement, l’aspect du cimetière Montmartre, fosse des fusillés. […] Dans la préface de Rayons et Ombres il se promet, de montrer les hommes tels qu’ils devraient et pourraient être ; dans les Quatre vents de l’Esprit, il déclare sa croyance en l’homme entité, égal en tous ses exemplaires et s’applaudit d’abolir les différences qui mettent pourtant l’intervalle d’une espèce zoologique entre deux classes sociales. […] Toute cette foule, partagée en classes diverses, agit, vit et meurt d’une façon rectiligne, répète les mêmes actes et les mêmes paroles, fait les mêmes gestes et porte les mêmes mines du berceau au cercueil, sans que le poète se soucie de mettre au nombre de leurs composants un grain de la complexité, des contradictions et de l’instabilité que montrent tous les êtres vivants.

2195. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Je le polirai, je l’ennoblirai ; il deviendra net et fleuri ; ce sera un grand mérite de difficulté vaincue”, et l’estimable traducteur s’est mis à l’œuvre incontinent. […] D’ailleurs il était si modeste avec son humble volume ; il se montrait si docile aux conseils, si assidu auprès des personnes capables ; enfin il demandait si peu, qu’il obtint tout ; les journaux le louèrent à l’unisson ; c’était sans conséquence ; lui s’insinuait toujours, saluant, visitant, offrant son volume ; un jour, il frappa un petit coup à la porte de l’Académie ; on ne répondît pas ; il se dit : Je repasserai ; mit sa carte dans la serrure, et descendit l’escalier en rougissant. […] Mais du moment que les amis maladroits de M. de Pongerville l’ont ridiculement élevé pour l’opposer à des hommes d’originalité et d’invention, du moment qu’il s’est laissé mettre comme obstacle dans le chemin des autres, sa position a changé.

2196. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il y a un an environ, abreuvé de tous les dégoûts, renonçant par convenance et soumission au journal dont il avait cru l’action salutaire, voyant se disperser et se détacher même entièrement de lui des disciples si regrettables, il se mit, un matin d’été à la campagne, à vouloir déposer quelque part, pour lui seul, sa secrète pensée, son jugement amer sur le présent, son vœu et son coup d’œil d’apôtre touchant l’avenir. […] Il s’est mis, dès le premier jour, à vouloir ressusciter moralement et spiritualiser de nouveau ce grand corps. […] Quelques droites paroles mettent au défi tous les sophismes des législateurs : « Les oiseaux du ciel et les insectes mêmes s’assemblent pour faire en commun ce qu’aucun d’eux ne pourrait faire seul.

2197. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Cette étude, qui nous a servi d’ailleurs à vérifier nos précédentes vues sur le roman, est inappréciable pour faire suivre à la trace et mettre à nu le travail intérieur qui s’est opéré dans l’esprit du poëte. […] Puis, lorsque plus tard encore il vit sans doute qu’illusions pour illusions il ne fallait pas être trop dédaigneux des premières, il revint à Bug, le remania, conserva le cadre, mais le redora en mille manières, enrichit le paysage de ces couleurs où la Muse lui avait récemment appris à puiser, compliqua les événements, introduisit entre ses personnages le seul sentiment qui ait un attrait souverain pour la jeunesse, et d’où sortent les rivalités, les perfidies, les sacrifices, les incurables blessures ; il mit l’amour, il montra la douce Marie. […] L’amour d’Éthel et d’Ordener, l’invincible union du noble couple, le dévouement fabuleux du héros, composent le fond essentiel, l’âme de l’action : le chapitre xxiie, qui est le point central et culminant du livre, ne nous montre pas autre chose ; on y trouve le canevas exactement tracé, le motif d’un des plus touchants souvenirs d’amour des Feuilles d’Automne ; mais la crudité du dessin, l’impitoyable précision que l’auteur a mise à décrire les portions hideuses, cruelles, et à faire saillir le nain, le bourreau, le mauvais conseiller Musmédon, a donné le change aux autres sur son intention, et par moments l’en a dérouté lui-même.

2198. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Au xviiie  siècle, la philosophie, en imprimant son cachet à tout, mit bon ordre à ces récidives de tendresse auxquelles les poëtes sont sujets si on les abandonne à eux-mêmes ; elle confisqua d’ailleurs pour son propre compte toutes les activités, toutes les effervescences, et ne sut pas elle-même en séparer toutes les manies. […] Une fois, chez madame Necker, Bernardin de Saint-Pierre, alors inconnu, essaya de lire Paul et Virginie : l’histoire était simple et la voix du lecteur tremblait ; tout le monde bâilla, et, au bout d’un demi-quart d’heure, M. de Buffon, qui avait le verbe haut, cria au laquais : Qu’on mette les chevaux à ma voiture ! […] Cette sévérité, hors de mise en plus nombreuse compagnie, et qui a tant de prix quand elle se trouve mêlée à une sympathie affectueuse, ne doit jamais tourner trop exclusivement à la critique littéraire.

2199. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Il l’a signalé avec un orgueil touchant dans cet exposé de services qu’il adressa, peu avant sa mort, à la législature de Virginie, afin d’obtenir l’autorisation de mettre en loterie ses biens : car des pertes imprévues l’avaient subitement ruiné. […] Des troubles assez graves qui survinrent dans le Massachussets achevèrent de mettre en évidence l’insuffisance de la première forme adoptée, et une Convention générale fut convoquée à Philadelphie, le 25 mai 1787, à l’effet d’établir une constitution plus forte et plus efficace. […] Nous sommes de celle-ci, de la République constitutionnelle, et non de la République démocratique, etc. » Et les distinctions abonderaient à l’appui : pour les inculquer dans la pratique, il ne s’agirait que de trouver un John Adams, quelque patriote illustre dont le caractère se fût lassé ; il n’en manquerait pas ; on en ferait un d’ailleurs, un, n’importe lequel, bien gouvernemental, un Casimir Perier, ou plutôt, comme la frénésie de tribune ne serait plus de mise, un M. 

2200. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Mais il ne faut jamais perdre de vue deux choses : l’une, que celui-là sera un mauvais maître de littérature qui ne travaillera point surtout à développer chez les élèves le goût de la littérature, l’inclination à y chercher toute leur vie un énergique stimulant de la pensée en même temps qu’un délicat délassement de l’application technique ; c’est là qu’il nous faut viser, et non à les fournir de réponses pour un jour d’examen ; l’autre, que personne ne saura donner à son enseignement cette efficacité, si, avant d’être un savant, on n’est soi-même un amateur, si l’on n’a commencé par se cultiver soi-même par cette littérature dont on doit faire un instrument de culture pour les autres, si enfin, tout ce qu’on a fait de recherches ou ramassé de savoir sur les œuvres littéraires, on ne l’a fait ou ramassé pour se mettre en état d’y plus comprendre, et d’y plus jouir en comprenant. […] Je suis porté à croire que si l’on donnait des éditions, je ne dis pas scolaires, mais simplement communes et populaires des chefs-d’œuvre de la vieille langue, si quelques spécialistes mettaient leurs soins à établir pour ces éditions une orthographe moyenne et partiellement conventionnelle, qui fixât les mots dans une forme unique d’un bout à l’autre de chaque œuvre et pour certains groupes assez larges d’écrivains, et qui facilitât la lecture des textes originaux, on ferait aisément entrer le meilleur de notre moyen âge dans le domaine commun de la littérature. […] Il a mis à ma disposition, avec une délicate complaisance, sa riche bibliothèque et sa vaste érudition.

2201. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

J’ouvre les deux petits recueils de « Pensées » de Baudelaire, Fusées et Mon cœur mis à nu. […] On maudit le « Progrès » ; on déteste la civilisation industrielle de ce siècle, comme hostile au mystère ; on la juge écœurante de rationalisme, et, en même temps, on jouit du pittoresque spécial que cette civilisation a mis dans la vie humaine et des ressources qu’elle apporte à l’art de développer la sensibilité… Le baudelairisme serait donc, en résumé, le suprême effort de l’épicurisme intellectuel et sentimental. […] C’est le chef-d’œuvre de la Volonté (je mets, comme Baudelaire, une majuscule), le dernier mot de l’invention en fait de sentiments, le plus grand plaisir d’orgueil spirituel… Et l’on comprend qu’en ce temps d’industrie, de science positive et de démocratie, le baudelairisme ait dû naître, chez certaines âmes, du regret du passé et de l’exaspération nerveuse, fréquente chez les vieilles races… Maintenant il va sans dire que le baudelairisme est antérieur à Baudelaire.

2202. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ces groupements sont des faits historiques qui ont eu lieu à une certaine époque, mettons il y a quinze ou vingt mille ans, tandis que l’origine zoologique de l’humanité se perd dans les ténèbres incalculables. […] Quand on y met de l’exagération, on se renferme dans une culture déterminée, tenue pour nationale ; on se limite, on se claquemure. […] On n’était pas bon Vénitien si l’on ne jurait point par saint Marc ; on n’était pas bon Amalfitain si l’on ne mettait pas saint André au-dessus de tous les autres saints du paradis.

2203. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

La religion nouvelle avait mis elle-même au moins trois cents ans à se former. […] Israël mettait l’âge d’or dans l’avenir. […] Il fournit la mise en scène et les termes techniques du nouveau messianisme, et on peut lui appliquer ce que Jésus disait de Jean-Baptiste : Jusqu’à lui, les prophètes ; à partir de lui, le royaume de Dieu.

2204. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le royaume de Dieu sera comme un grand coup de filet, qui amène du bon et du mauvais poisson ; on met le bon dans des jarres, et on se débarrasse du reste 347. […] L’homme surtout préoccupé des devoirs de la vie publique ne pardonne pas aux autres de mettre quelque chose au-dessus de ses querelles de parti. […] Mettra-t-on tel homme médiocre de notre temps au-dessus d’un François d’Assise, d’un saint Bernard, d’une Jeanne d’Arc, d’un Luther, parce qu’il est exempt des erreurs que ces derniers ont professées ?

2205. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Je crois aussi qu’ils mettent sur votre compte la douceur qu’ils me trouvent présentement. […] Dans sa lettre à Gobelin, elle dit : « Il se passe ici des choses terribles entre madame de Montespan et moi, le roi en fut hier témoin ; et ces procédés, joints aux maladies de ses enfants, me mettent dans un état que je ne peux soutenir. » Dans la seconde, à madame de Saint-Géran, se lisent ces mots : « Tout ce que je souhaiterais serrait de voir à madame de Montespan un cœur fait comme le vôtre. […] Elles firent suspendre la signature du contrat de vente jusqu’au 27 décembre ; mais en attendant madame Scarron s’était mise en possession de la maison et elle y faisait faire des réparations urgentes.

2206. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Il mit en sonnets les lieux communs philosophiques de Malherbe, et son époque le proclama poète. Notre José-Maria mit en sonnets les lieux communs historiques de Leconte de Lisle et obtint le même résultat immédiat. […] Seulement, il s’efforça de mettre cette « perfection de la forme au service de son propre idéal qui différait beaucoup de celui de ses confrères parnassiens ».

2207. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Un changement trop faible et trop indistinct pour que le moi puisse le remarquer à part n’en suffit pas moins à produire la décharge nerveuse sur les centres moteurs immédiatement associés ; or ces centres moteurs sont précisément ceux dont la mise en activité amènerait l’action de couper avec des ciseaux : il y aura donc décharge en ce sens, — et décharge d’autant plus sûre, d’autant plus machinale, que le cerveau, qui l’ignore, ne pourra plus l’inhiber ni la diriger. […] Selon nous, les mouvements tactiles sont alors trop faibles pour provoquer l’image tactile de l’objet, mais suffisants pour s’associer aux mouvements des centres visuels : ceux-ci, n’étant pas engourdis, se mettent tout d’un coup à vibrer et remplissent la conscience, comme une apparition qui surgirait dans la nuit. […] Binet, on interroge le sujet avec certaines précautions, on peut mettre en évidence qu’il a, dans la plupart des cas, l’idée de l’excitation, « sans savoir comment ni pourquoi cette idée lui est venue, et sans se douter le moins du monde que cette idée correspond à la réalité. » Un des exemples les plus frappants de la tendance qu’ont les idées à se réaliser en mouvements par tous les moyens possibles, et sans même que nous en ayons une conscience distincte, c’est que, lorsqu’une hystérique tient entre les doigts de sa main insensible une plume dans la position nécessaire pour écrire, cette plume enregistre l’état de conscience prédominant du sujet sans qu’il s’en aperçoive.

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