Descend-il au ton de l’instruction familière, dans le détail de la vie domestique, de nos humeurs, de nos défauts, une clarté douce, égale, des expressions modérées remplacent ces hardiesses de langage où le portent les grands sujets. […] Il a, dans chaque ordre d’idées, le langage à la fois le plus propre et le plus élevé. […] Pour la propriété du langage, dans tous les ordres de faits ou d’idées, Bossuet est sans égal. […] Le raisonnement le plus vigoureux et le plus serré s’y dérobe sous les exclamations d’enthousiasme et sous les ellipses de langage les plus imprévues. […] Pourquoi faire tenir ce langage aux premiers chrétiens ?
Le langage courant oppose à l’attention l’état de « distraction » ; mais ce mot, dans notre langue et dans plusieurs autres, a un sens équivoque ; il désigne des états de l’esprit en apparence assez semblables, au fond tout à fait contraires. […] Je prie le lecteur de ne pas se laisser dérouter par la phraséologie mystique de cette observation, de ne pas oublier que c’est une Espagnole du XVIe siècle qui s’analyse dans le langage et avec les idées de son temps ; mais on peut la traduire dans le langage de la psychologie contemporaine. […] La seconde demeure est celle de l’« oraison mentale », c’est-à-dire que l’intériorité de la pensée augmente ; le langage intérieur se substitue au langage extérieur. […] II Ballet, le Langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie. […] Chacun a raison en ce qui le concerne, lui et ses semblables ; il a tort, s’il généralise sans restriction Il serait désirable que le travail fait pour les images et les diverses formes du langage fût tenté pour les idées générales.
Certes, un auteur humain, comme étaient nos classiques, montrera envers le public quelques égards élémentaires et corrects, par le respect de la grammaire, de la syntaxe, de la logique et l’emploi d’un langage non trop distant du langage commun. […] Plaute parlera au peuple son langage. […] Par un enchaînement et une progression de mots précis qui forcent l’audition et s’impriment dans notre oreille avec autrement de force que le mou langage courant. […] La comédie n’échappe pas à la loi commune ; elle accuse et grossit les traits ; elle fait entrer dans un rythme le langage quotidien et le comportement naturel de l’individu. […] Un langage de signes, voici ce que le théâtre requiert.
On peut s’en convaincre par la lecture du Nitar, Auteur du neuvieme siecle, qui, dans son Histoire des guerres entre les fils de Louis le Débonnaire, rapporte plusieurs passages écrits en Langue Romance, qui ne different en rien du langage usité aujourd’hui chez les Languedociens.
Aussi tout est ténèbres dans leur origine : vous y voyez à la fois de grands vices et de grandes vertus, une grossière ignorance et des coups de lumière, des notions vagues de justice et de gouvernement, un mélange confus de mœurs et de langage : ces peuples n’ont passé ni par cet état où les bonnes mœurs font les lois, ni par cet autre où les bonnes lois font les mœurs.
Tout être vivant possède un langage et on ne peut concevoir sans langage fixe la moindre colonie de madrépores ou de bryozoaires. Le langage revêt tous les modes : son, geste, tact, regard. […] Les limites du langage sont difficiles à déterminer. […] Le langage est un fait de vie comme la motilité, comme la vision. […] Renan, Origine du langage.
Jean Aicard, un poète s’il en fut et de la bonne école… Remarquons que tout le volume est dédié aux cigales si chères aux Provençaux… Il ne me leste plus qu’à engager le lecteur à lire avec recueillement ces poèmes dont chaque vers est ciselé à la façon antique ; il y a dans ce livre un parfum de poésie grecque et une pureté de forme et de langage qui rappellent le charme des bonnes œuvres d’André Chénier.
Le sceptre alourdit la main qui laissa choir l’archet, et, à ouïr les assonances frêles ou graves que le poète trouva, à se pénétrer de l’infinie délicatesse comme de l’écho sonore que dénote, voulu, le choix de ses mots, on se souvient, concis et formidables, de ces premiers poèmes orphiques dont le langage compliqué était, entre initiés, la parole par excellence.
Malgré la pureté du langage, qui constitue le mérite de ses Plaidoyers & de ses Lettres, faute de cette chaleur & de cette raison qui donnent la vie aux Ecrits, on ne s’empresse plus de les lire, & son nom seul est resté dans notre souvenir.
Ils ont confisqué à leur profit une appellation qui convient à tout homme doué, quel que soit son genre de talent et de langage, de la puissance d’exalter la vie et d’élargir les battements du cœur.
On comprend, après de pareilles exigences, qu’on appelât autrefois la poésie « le langage des Dieux ». […] Il fallait le grossissement de ce front d’enfant, cette hypertrophie de l’orgueil, il fallait l’individualité, pour rabaisser ce divin et vaste langage jusqu’aux grêles proportions de l’homme isolé. […] Du langage des Dieux, il trébuche et tombe (nous sommes moins brave que M. […] Hugo écrit ces barbaries de langage, qui n’ont pas même la force brutale de la Barbarie, sautent aux yeux du connaisseur le moins avisé.
Avec ce dédain qui lui est propre des choses de l’expérience extérieure ou intérieure, il parle de tout ce qu’elles attestent dans un langage auquel ni la conscience ni le sens commun n’entendent rien, mais qu’il donne pour l’expression de l’absolue vérité. […] Oui sans doute, le concept de la loi morale, pour emprunter le langage de Kant, implique l’existence réelle de la liberté ; mais ce concept lui-même reposé sur le sentiment de cette liberté. […] » n’est-ce pas là le langage des vrais amants, n’est-ce pas là un cri sorti du cœur de la plus aimante des femmes ? […] Nous n’aimerons plus en faibles créatures et d’un cœur resserré dans d’étroites bornes : l’amour infini aimera en nous, notre amour portera le caractère de Dieu même41. » Le philosophe religieux, Maine de Biran, n’a point une autre manière d’entendre l’union mystique de l’âme avec Dieu, sauf les exagérations de langage qu’il laisse aux théologiens.
Il y passa quelques mois comme précepteur, en 1675 ; il y vint quelquefois pendant ses vacances de Sedan ; il y resta dans l’intervalle de son retour de Sedan à son départ pour Rotterdam : mais on peut dire qu’il ne connut pas le monde de Paris, la belle société de ces années brillantes ; son langage et ses habitudes s’en ressentent d’abord. Cette absence de Paris est sans doute cause que Bayle paraît à la fois en avance et en retard sur son siècle, en retard d’au moins cinquante ans par son langage, sa façon de parler, sinon provinciale, du moins gauloise, par plus d’une phrase longue, interminable, à la latine, à la manière du xvie siècle, à peu près impossible à bien ponctuer127 ; en avance par son dégagement d’esprit et son peu de préoccupation pour les formes régulières et les doctrines que le xviie siècle remit en honneur après la grande anarchie du xvie . […] Je fais cas de l’une et l’autre main : Tous deux ont un bon style et le langage sain.
On en ôte quantité de mots expressifs et pittoresques, tous ceux qui sont crus, gaulois ou naïfs, tous ceux qui sont locaux et provinciaux ou personnels et forgés, toutes les locutions familières et proverbiales356, nombre de tours familiers, brusques et francs, toutes les métaphores risquées et poignantes, presque toutes ces façons de parler inventées et primesautières qui, par leur éclair soudain, font jaillir dans l’imagination la forme colorée, exacte et complète des choses, mais dont la trop vive secousse choquerait les bienséances de la conversation polie. « Il ne faut qu’un mauvais mot, disait Vaugelas, pour faire mépriser une personne dans une compagnie », et, à la veille de la Révolution, un mauvais mot dénoncé par Mme de Luxembourg rejette encore un homme au rang des « espèces », parce que le bon langage est toujours une partie des bonnes façons Par ce grattage incessant la langue se réduit et se décolore : Vaugelas juge déjà qu’on a retranché la moitié des phrases et des mots d’Amyot357. […] Il se refuse à exprimer les dehors physiques des choses, la sensation directe du spectateur, les extrémités hautes et basses de la passion, la physionomie prodigieusement composée et absolument personnelle de l’individu vivant, bref cet ensemble unique de traits innombrables, accordés et mobiles, qui composent, non pas le caractère humain en général, mais tel caractère humain, et qu’un Saint-Simon, un Balzac, un Shakespeare lui-même ne pourraient rendre, si le langage copieux qu’ils manient et que leurs témérités enrichissent encore, ne venait prêter ses nuances aux détails multipliés de leur observation366. […] Descartes déprime « les simples connaissances qui s’acquièrent sans le secours du raisonnement, telles que les langues, l’histoire, la géographie, et en général tout ce qui ne dépend que de l’expérience… Il n’est pas plus du devoir d’un honnête homme de savoir le grec et le latin que le langage suisse et le bas-breton, ni l’histoire de l’empire romano-germanique que celle du plus petit État qui se trouve en Europe ».
Les livres sacrés sont presque universellement composés de chants, comme si le chant était la forme du langage qui descendît le plus naturellement du ciel et y remontât le plus naturellement aussi. […] Mais, indépendamment de ce talent de joueur de flûte, quand l’âge eut développé le génie poétique et la valeur héroïque du jeune berger, il paraît, par le langage subséquent de l’Écriture, que David, comme les autres prophètes de la Judée ou de l’Arabie, rejeta la flûte et prit la harpe, instrument plus viril, aux cordes graves, qui inspirait ou accompagnait toujours les vers en ces temps-là. […] Avaient-ils l’hémistiche, les pieds, la rime de ce langage nombreux et musical que les Grecs, les Latins et nous, nous appelons aujourd’hui des vers ?
Par contre, à ce tracé, il y a une minute, des sinueuses et mobiles variations de l’Idée, que l’écrit revendique de fixer, y eut-il, peut-être, chez quelques-uns de vous, lieu de confronter à telles phrases une réminiscence de l’orchestre ; où succède à des rentrées en l’ombre, après un remous soucieux, tout à coup l’éruptif multiple sursautement de la clarté, comme les proches irradiations d’un lever de jour : vain, si le langage, par la retrempe et l’essor purifiants du chant, n’y confère un sens. […] Avec le vers libre (envers lui je ne me répéterai) ou prose à coupe méditée, je ne sais pas d’autre emploi du langage que ceux-ci redevenus parallèles — souvent elle me fit songer comme devant un parler nouveau et l’originalité de la Presse. […] Aussi ce langage un peu d’aplomb.. je m’énonçais, en notre langue, pas ici.
C’est là, je le crois, un legs de cette littérature latine qu’une parenté de langage nous imposa trop longtemps. […] On a parlé des héros grecs avec le langage de la France, c’était une âme française qui se pliait à imaginer Thésée, Brutus ou Cinna. […] La manière tient à des particularités dans l’expression, à des habitudes du pinceau, de la plume ou de l’ébauchoir ; elle ne se confond pas toujours avec l’afféterie comme le suppose le langage courant, mais son défaut est d’arrêter un peu trop à des formes extérieures qu’elle disjoint ainsi de leur contenu ; elle signifie l’Individu au lieu de signifier l’Homme et n’est pas la conséquence nécessaire de la personnalité : Chopin, Grieg, Schumann ont une manière très visible ; le grand Bach n’en a point mais n’est-il pas plus personnel ?
La matière, c’est bien moins le système de Calvin que ce qui lui a survécu ; à savoir, cette philosophie chrétienne, s’exprimant pour la première fois dans un langage ferme, précis, frappant, accessible à tous. […] Voilà ce qui fit une si grande nouveauté de ce livre, où Calvin se montrait à la fois profond hébraïsant, latiniste consommé, également savant dans les deux antiquités, et rendant sensible toute cette science par le langage le plus approprié et le plus clair. […] Le même art de composition qui, dans l’exposition de la doctrine, range les choses dans leur ordre et leur proportion, se fait voir dans le langage, par la suite, la gradation, l’exactitude des expressions, qui, pour le plus grand nombre, sont définitives.
J’ai dit plus haut qu’il arrive souvent que les séries σ n’altèrent pas les impressions tactiles éprouvées par notre premier doigt ; j’ai dit souvent, je n’ai pas dit toujours ; c’est ce que nous exprimons dans notre langage habituel en disant que l’impression tactile ne serait pas altérée si le doigt n’a pas bougé, à la condition que l’objet A qui était au contact de ce doigt n’ait pas bougé non plus. […] Comme S et S′ sont inverses l’une de l’autre, on aura S + S′ = O, et par conséquent S + S′ + Σ = Σ + S + S′ = Σ, ou encore Σ + S + S′ + Σ′ = Σ + Σ′ mais il ne s’ensuit pas que l’on ait S + Σ + Σ′ = Σ ; car bien que nous ayons employé le signe de l’addition pour représenter la succession de nos sensations, il est clair que l’ordre de cette succession n’est pas indifférent : nous ne pouvons donc, comme dans l’addition ordinaire, intervertir l’ordre des termes ; pour employer un langage abrégé, nos opérations sont associatives, mais non commutatives. […] Qu’on me permette, pour la commodité du langage, d’exprimer ma pensée d’une façon tout à fait grossière et même inexacte en disant que nos séries de sensations musculaires sont classées en trois classes correspondant aux trois dimensions de l’espace.
L’intrigue est naturelle, la scène animée par les actions qui s’y passent, les mœurs sentent l’antique ; le langage est noble & poétique sans être affecté, les personnages sont intéressans. […] Le traducteur fidéle au sens de l’original, ne l’est pas moins à la pureté du langage. […] Son langage est incorrect, obscur, rempli d’expressions populaires ; souvent bas dans le familier, & enflé dans le noble.
Nous qui avions l’intention de dire plus tard, dans un détail qui éclaire le talent par la vie, ce que fut Maurice de Guérin, nous avions senti, en lisant ces lettres, que jamais, quoi qu’il pût arriver, il n’inspirerait désormais un pareil langage, et nous voulûmes que ceux qui l’avaient aimé pussent en juger. […] Le monde serait surpassé dans les encharmements de son langage, et nous ne citons que ce qu’il aime ! […] Elle savait qu’il y avait un dessous dans le langage du monde qui lui échappait, et elle l’a dit avec son accent dans ses lettres ; mais, en la voyant, quel observateur l’aurait deviné ?
. — De l’origine du langage. — Histoire générale des langues sémitiques. — Averroës, etc. […] Après avoir donné à la revue qui paraissait sous le titre de La liberté de penser un morceau très-remarqué entre autres, De l’Origine du langage (1848), il signala bien tôt son entrée à la Revue des Deux Mondes (1851), et presque en même temps au Journal des Débats (1852), par une suite d’essais ou d’articles, parfaits, excellents, où se produisait sur maint sujet d’histoire, de littérature ou d’art, et sous une forme également grave et piquante, cet esprit savant, profond, délicat, fin, fier et un peu dédaigneux.
Et la meilleure preuve, c’est que parmi ces hommes distingués et d’un si bon esprit, qui ont assisté à la naissance et participé à la rédaction de ce sénatus-consulte, pas un ne s’est avancé jusqu’à dire à l’empereur : « Sire, je vous supplie de ne pas laisser subsister ces mots malencontreux en eux-mêmes, qui semblent en contradiction ouverte avec ce qui suit, et qui gâtent jusqu’à un certain point votre sénatus-consulte, qui y font tache en commençant. » Car c’était là le langage direct à tenir à l’empereur. […] si vous tenez tant à mettre des contradictions en présence, je suis homme à vous proposer, moi aussi, mon amendement, et cet amendement, je le formule en ces termes : « Les ministres ne dépendent que de l’empereur, mais ils gardent en présence de l’empereur leur entière indépendance de jugement, de caractère et de langage. » Que si, encore une fois, on tient tant à faire antithèse et à mettre des contradictions aux prises, je propose celle-là.
Par exemple, la théorie d’une langue, celle du grec, suppose une foule de combinaisons abstraites fort au-dessus des connaissances métaphysiques que possédaient les écrivains, qui parlaient cependant cette langue avec tant de charme et de pureté ; mais le langage est l’instrument nécessaire pour acquérir tous les autres développements ; et, par une sorte de prodige, cet instrument existe, sans qu’à la même époque, aucun homme puisse atteindre, dans quelque autre sujet que ce soit, à la puissance d’abstraction qu’exige la composition d’une grammaire ; les auteurs grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. […] Quelque sublime que soit Homère par l’ordonnance des événements et la grandeur des personnages, il arrive souvent à ses commentateurs de se transporter d’admiration pour les termes les plus ordinaires du langage, comme si le poète avait découvert les idées que ces paroles exprimaient avant lui.
Si vous parlez au nom de la puissance, ils vous écouteront avec respect, quel que soit votre langage ; mais si vous réclamez pour le faible, si votre nature généreuse vous fait préférer la cause délaissée par la faveur et recueillie par l’humanité, vous n’exciterez que le ressentiment de la faction dominante. […] Cette manière de voir étant adoptée par les hommes éclairés, influe sur la teinte générale des idées, mais ne triomphe pas des affections ; elle ne parvient à détruire ni l’amour, ni l’ambition, ni aucun de ces intérêts instantanés dont l’imagination des hommes ne cesse point de s’occuper, alors même que leur raison en est détrompée : mais cette philosophie purement méditative jette dans la peinture des passions un caractère de mélancolie qui donne à leur langage un nouveau degré de profondeur et d’éloquence.
Les esprits fins, pour parler le langage de Pascal, ont ici l’avantage sur les esprits géométriques. […] Il y a là, si l’on veut, une sorte de contradiction nécessaire et innocente, qui fait que le pessimiste, épris du néant, a droit de vivre, de jouir, d’aimer les bonnes et belles choses ; que le déterministe délibère tout comme le croyant au libre arbitre, et accepte devant les hommes la responsabilité de ses actes : tout comme on se sert dans le langage de mots et d’images qui impliquent mille croyances et une conception de l’univers que nos pères des antiques tribus aryennes s’étaient faites, et que nous avons réformées depuis des siècles.
Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même. […] Or, pour arriver à la perfection du style poétique et plastique, il est peut-être nécessaire de n’être point ému en écrivant, de considérer uniquement la valeur musicale et picturale du langage et, en face des objets matériels, de s’arrêter à l’impression qu’on a tout d’abord reçue d’eux, à la sensation première et directe, ou d’y revenir artificiellement afin de n’exprimer qu’elle.
Elle imitoit leur langage véhément & figuré. […] Mais ces accusations parurent, dans la suite, très-injustes, malgré tout ce qui déposoit contr’eux ; malgré des lettres interceptées, où le langage de l’amour étoit traité de la manière la plus tendre & la plus vive ; malgré l’exposition d’une morale qui présente sans cesse à l’imagination des images indécentes, des idées de lubricité.
Le langage sans doute est un intermédiaire ; la sympathie et l’amour sont des liens, une multitude de consciences peuvent vibrer à l’unisson, comme il arrive dans l’enthousiasme et dans l’énergie des passions populaires ; enfin il y a entre tous les hommes un lien intime et secret, une essence commune, et, comme on l’a dit, une solidarité qu’il ne faut pas oublier ; mais, si intime que soit ce lien, il ne va pas, il ne peut aller jusqu’à effacer la limite qui sépare radicalement les esprits, à savoir ce caractère essentiel d’être présent à soi-même, ce qui implique que l’on ne peut être en autrui comme l’on est en soi. […] Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage.