/ 2137
321. (1911) Nos directions

Pourquoi le Théâtre Français ne joue-t-il pas Phocas le Jardinier ? […] A l’exclusion de tous autres, les voici maîtres de leur drame, seuls dignes, seuls capables de le jouer. […] C’est moi qui joue les femmes. […] Il joue toujours, quand il pourrait ne rien que danser. […] merveilleux moyen de jouer sur les mots !

322. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Il serait très difficile maintenant de jouer Alceste en comique. […] Elle n’est point sa maîtresse, mais sa Muse, sa Béatrice ; il ne joue que pour elle. […] Lebonnard joue sur de très sérieuses probabilités : cela suffit. […] Ce qui vous suffoque, c’est qu’elle la joue jusqu’au bout ; mais, justement, ce qui lui donne le courage de la continuer, c’est l’attitude que prend Cygneroi à mesure qu’elle la joue. […] N’oubliez pas qu’il s’agit d’une pièce écrite expressément pour être jouée et qui a été jouée en effet, et non pas d’un roman.

323. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

. — Molé a-t-il joué ? […] Ensuite : « Jouez-vous au whist ? — Je jouerai après souper, on va servir. » Quelques chuchotages, un air de tristesse passager. […] On joue au trente et quarante, et tout en se promenant, en attendant le coup et surveillant sa carte, on dit quelques mots : « Comme c’est affreux ! 

324. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Même quand le Cid est joué médiocrement, ce personnage de don Diègue a toute chance de se tenir debout et de ravir les auditeurs. A une reprise du Cid qui se fit depuis la disparition de Rachel, le seul acteur qu’on ait rappelé, c’est celui qui jouait don Diègue (Maubant) : c’est lui qui fit le plus d’impression. Dans la pièce espagnole, scène correspondante, Diègue raconte que, voyant son ennemi étendu sans vie, il a porté la main à sa blessure et a lavé (à la lettre) avec le sang la place du soufflet sur sa joue ; et il arrive la joue encore teinte de ce sang.

325. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] Ainsi il se jouait en Piémont une partie double : Tessé, à la fois homme d’épée et diplomate officieux, menant une intrigue en vue de la paix ; Catinat faisant son métier de général, et le faisant en toute conscience, mais bien péniblement, à cause du peu de secours qu’on lui donnait et du manque d’argent, de moyens de transport, de subsistances, de tout. […] C’est alors que Catinat, qui avait employé le temps à se mettre en mesure, sentit que le moment était venu de prendre sa revanche et de jouer vaillamment de l’épée. […] Catinat n’est pas un gros joueur ; il joue serré.

326. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Tout cela n’était qu’un prélude pour le rôle qu’elle devait jouer dans la seconde Fronde : « Je ne prévoyais pas alors, dit-elle, que je me trouverais dans un parti considérable où je pourrais faire mon devoir et me venger en même temps ; cependant, en exerçant ces sortes de vengeances, l’on se venge bien contre soi-même. » Ce petit mot de repentir final n’empêche pas Mademoiselle d’être très fière et très glorieuse de ce qu’elle fit en 1652, quand elle put à la fois obéir aux ordres de son père et se livrer à ses instincts d’aventure. […] Cette idée de mariage, qui jouait toujours en perspective devant ses yeux, lui montrait alors une union possible, soit avec le prince de Condé dans le cas où il deviendrait veuf (elle ne répugnait point à ces sortes de suppositions), soit même avec le roi, si elle se rendait nécessaire et redoutable. […] Mademoiselle imagine donc, en une prairie, près d’une forêt, en vue de la mer, une société des deux sexes, toute composée de gens aimables et parfaits, délicats et simples, qui gardent les moutons les jours de soleil et pour leur plaisir, qui se visitent le reste du temps d’un ermitage à l’autre, en chaise, en calèche, en carrosse ; qui jouent du luth et du clavecin, lisent les vers et les ouvrages nouveaux ; qui unissent les avantages de la vie civilisée et les facilités de la vie champêtre, sans oublier les vertus de la vie chrétienne ; qui, tous célibataires ou veufs, polis sans galanterie ou du moins sans amour, vivent honnêtement entre eux, et n’ont nul besoin de recourir au remède vulgaire du mariage. […] Il y a du pêle-mêle dans ses admirations : elle prise fort Corneille, elle fait jouer chez elle Le Tartuffe, mais elle reçoit aussi l’abbé Cotin : « J’aime les vers, de quelque nature qu’ils soient », dit-elle.

327. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

, joué mieux dans leur bagne, et depuis que la poésie moderne leur a permis de faire de leur boulet qui traîne un bilboquet qui saute, elles n’ont jamais engagé de pareille partie ! […] Elle a exhalé le dernier soupir qu’elle gardât dans le trésor de ses harmonies les plus secrètes, sous la pression magistrale, despotique et inspirée d’un très grand artiste qui joue des mots comme Paganini du violon et qui, comme Paganini, joue sur une seule corde, car il fait des vers d’une seule syllabe dans des poëmes qui durent plus longtemps que l’exécution d’une sonate ; homme étonnant qui n’a besoin que d’une syllabe pour vous enchanter, si vous avez en vous écho de poète, — qui serait Liszt encore sur une épinette et Tulou dans un mirliton. […] Et Alfred de Musset, ce Mignon de la Muse, n’avait-il pas joué à ce jeu de la rime amoureuse d’elle-même et qui, plus elle s’aime, plus elle se détache de la pensée ?

328. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Je sais que c’est jouer un assez vilain rôle que de venir déclarer au gens qu’ils ont eu tort de s’amuser ou de s’attendrir d’une certaine façon ; il est bien douloureux d’avoir maille à partir avec le suffrage universel. […] On a beaucoup parlé des gamins de Charlet, ces chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois. […] Dans tous ces dessins, dont la plupart sont faits avec un sérieux et une conscience remarquables, le roi joue toujours un rôle d’ogre, d’assassin, de Gargantua inassouvi, pis encore quelquefois. […] Il est bon d’avertir les collectionneurs que, dans les caricatures relatives à Mayeux, les femmes qui, comme on sait, ont joué un grand rôle dans l’épopée de ce Ragotin galant et patriotique, ne sont pas de Traviès : elles sont de Philipon, qui avait l’idée excessivement comique et qui dessinait les femmes d’une manière séduisante, de sorte qu’il se réservait le plaisir de faire les femmes dans les Mayeux de Traviès, et qu’ainsi chaque dessin se trouvait doublé d’un style qui ne doublait vraiment pas l’intention comique.

329. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

M. de Bernard est un romancier ; il unit un rare et facile entrain dramatique à un précoce esprit d’observation ; à vingt-cinq ans il savait la vie, et il s’y joue en l’exprimant. […] Tout cela joue, se rapproche, se concerte, se complique à merveille, jusqu’à ce que Gerfaut, qui touche au triomphe, se trouve arrêté devant le soupçon tout d’un coup éveillé du baron.

330. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Un exemple encore, car c’est là ce qu’il importe le plus de faire bien ressortir : dans un canevas fréquemment joué au temps de Molière, Le Case svaligiate (les Maisons dévalisées), Scapin faisait remarquer à Flaminia, qui était aimée de Pantalon, le diamant que celui-ci avait au doigt. […] Scaramouche étant resté absent l’espace de trois années, de 1667 à 1670, sa rentrée attira un tel concours de monde que, les jours où Molière jouait, la salle était déserte ; et ce n’est que Le Bourgeois gentilhomme qui ramena le public.

331. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Quelques personnes influentes de ce théâtre vinrent trouver l’auteur ; elles le pressèrent de laisser jouer son ouvrage, relevé comme les autres de l’interdit. […] Sans la révolution de juillet, elle n’eût jamais été jouée.

332. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

À la suite de tous ces noms de guerriers ou de princes rassemblés des trois parties du monde, c’est un spectacle curieux de retrouver les noms du Dante, de Pétrarque, de Boccace, de l’Arioste, du cardinal Bibiéna, auteur de la comédie de la Calandre, jouée au Vatican sous Léon X, et du célèbre Machiavel ; sans compter cette foule innombrable de savants, presque tous Grecs ou Italiens, qui dénués, il est vrai, de ce mérite rare du génie, contribuèrent, cependant, par leurs travaux, au rétablissement des lettres, en faisant revivre les langues qui ne s’étaient conservées que chez les chrétiens de Constantinople, et la philosophie ancienne qui, depuis la chute de l’empire, n’avait été cultivée que par les musulmans arabes. […] Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.

333. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Les animaux très inférieurs ne jouent guère ; ceux qui, « grâce à une meilleure nutrition », ont un surcroît d’activité nerveuse, éprouvent nécessairement le besoin de le dépenser : ils jouent. […] Dans une salle de théâtre, les acteurs ne sont pas les seuls à jouer la pièce ; les spectateurs aussi là jouent pour ainsi dire intérieurement : leurs nerfs vibrent à l’unisson, et lorsque le principal héros épouse à la fin de la pièce quelque amante adorée, on peut dire que toute la salle ressent un peu de son bonheur. […] L’amour, même sous la forme du désir, n’est-il pas un élément qui, plus ou moins voilé, joua toujours un grand rôle dans la poésie ? […] « L’homme n’est complet que là où il joue », a dit Schiller ; il faut dire au contraire : L’homme n’est complet que là où il travaille. […] On sait le rôle que jouent la « fraîcheur » ou la « tiédeur » de l’air dans les descriptions de paysage.

334. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Il le mit en joue avec sa canne : aussitôt l’oiseau partit, jetant un miaulement sauvage dans la vallée, et tous les pigeons, à ce cri de guerre, se replièrent comme un éventail dans le colombier. […] Il s’assit, essaya quelques vieux airs et joua le Troubadour et l’antique romance du Croisé. […] — Attends, dit Fritz, je vais te jouer quelque chose de gai pour te réjouir. » Il était heureux de montrer son talent à Sûzel, et commença la Reine de Prusse. […] On aurait dit qu’il jouait devant toute la ville. […] Après le Siége de Prague, il joua la Cenerentola ; après la Cenerentola, la grande ouverture de la Vestale ; et puis, comme il ne savait plus que jouer, et que Sûzel disait toujours : « Oh !

335. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Serge Raffalovich) joué à la Bodinière 6 avril 1900. — La Reine Latina, poème (h. c.). 1901. — Les Petites Passionnées, roman (ill. de Marcel Châtelaine), 1901, L. […] A. de Lorde), joué aux Escholiers, 1897, Revue Blanche, 1897, in-18. — Loreau est acquitté, un acte en collab. […] Œuvres. — Andrée, comédie en 1 acte en prose, jouée au Théâtre du Capitole à Toulouse le 22 et 23 juillet 1900, Biblioth. de l’Effort, Paris, in-8, 1900. — Les Jeunes, Conférences, Biblioth. de l’Effort, Paris, in-18, 1901. […] Œuvres. — Élévations Poétiques, poésies, Paris, Edmond Girard, 1898, in-18. — Nouvelles Élévations Poétiques La Plume, 1901, in-18. — Élégies Parisiennes, poèmes, Bibliothèque de l’Effort, 1902, in-18. — La Beauté de Paris, poésies, Soc. du Mercure de France, 1904, in-18. — Phyllis, tragédie en cinq actes et en vers (jouée le 30 mars 1905 aux Bouffes-Parisiens) Société du Mercure de France, 1905, in-18. — Le Dieu nouveau, tragédie jouée le 3 juillet à, Champigny. […] Nouvelle Revue Moderne, 1903, in-8º. — Impéria, 4 actes en vers joués au Théâtre des Poètes (salle du Nouveau Théâtre), le 17 mars 1903.

336. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Cette poésie qui marche à pied, qui ne se drape pas à l’antique, qui ne se met ni blanc ni rouge sur la joue, qui ne porte ni masque tragique ni masque comique à la main, mais qui a le visage véridique de ses sentiments, et qui parle la langue familière du foyer, cette poésie qui semble une nouveauté parce qu’elle est la nature retrouvée de nos jours sous les oripeaux de la déclamation et de la rhétorique en vers, sera la poésie de ce nouveau venu dans la famille qui chante. […] Ces enfants se réunissent par groupes de cinq ou six têtes blondes pour jouer ou pour cueillir les mûres ou les noisettes au bord des sentiers ; ils sont tous petits, et se cachent au moindre bruit sous les taillis, parmi les fougères, jusqu’à ce que le bruit des passants disparus les laisse revenir à la place qu’ils ont quittée. […] — Chacun joua le jeu de charité. […] …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… Le lendemain venaient dans la cour du château De frais petits enfants à la joue en fossettes, Offrant ce qu’ils avaient, des paniers de noisettes ; C’était le tour aussi des bergers du plateau : Ils avaient deviné la main dans le cadeau ; Leur mère, en leur mettant leur chemise de fêtes, Leur avait dit : « Tu vas au clocher, fais-toi beau ! […] Elle écrivait avec la même facilité en anglais, en allemand, en français, en italien, en grec, en hébreu, éloquente et poète sur dix instruments antiques ou modernes, sans distinction et presque sans préférence ; musicienne qui joue avec tous les claviers.

337. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Mais lorsqu’on arrive à jouer sur cette lyre, elle rend le plein comme aucune autre. […] Mais l’homme qui, sous un ciel moins indulgent, dans une nature moins affectueuse, travaille et lutte contre les hommes et les choses et sent qu’il joue son sort, celui-là éprouve le besoin de chanter son amertume, son impatience, sa détresse. […] Et le plus grand poète… — … réside dès lors, incontestablement, au lieu le plus désolé, par-delà les morses et les phoques ; il joue de la lyre sur la glace solitaire du pôle Nord. […] Chaumié jouait alors beaucoup plus qu’à notre époque : car il y a beaucoup plus de chances de trouver un poète, sur cent mille âmes parlant français, que sur dix mille ou sur mille. […] Maintenant supposons que Berbiguier, quand il monta à Paris, eût laissé la flûte pour jouer du violon : ne serait-ce pas folie de croire qu’il eût réussi comme il réussit ?

338. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

La tristesse elle-même est caressante, et les larmes que répand le poète glissent sur la joue sans la brûler. […] La pensée ne s’y joue pas autour du cœur ; elle veut y entrer de force, et il semble qu’elle y entre par les sens. […] Les pièces jouées et applaudies sont innombrables. Je compte sur mes doigts celles qui se jouent aujourd’hui ; encore y faut-il un acteur, né tout exprès, un retour du goût passager qui les a fait réussir, une pénurie momentanée de pièces nouvelles. Il est jusqu’à trois ou quatre comédies de Beaumarchais et de Marivaux qui se jouent et se lisent.

339. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Depuis six mois, le directeur de l’Opéra-Comique avait annoncé qu’il voulait faire jouer Lonengrin : et, sauf quelques feuilletonistes indigents, personne n’avait retenti. […] Jouer un drame du Maître là, entre Roméo et Juliette et La Nuit de Cléopâtre, c’était nécessairement la déformer, l’asservir au cadre et aux traditions de ce vieux théâtre. […] Employons-nous à la propagande Wagnérienne, étudions les moyens de faire bientôt jouer Lohengrin à Paris. […] Nous avons vu ses premiers opéras joués sur nos théâtres impériaux ; ses partitions sont dans toutes les bibliothèques musicales ; et les Russes qui ont eu occasion de voyager en Allemagne se sont empressés d’aller entendre Tristan et Isolde, la Trilogie des Niebelungen, dans les théâtres de ce pays. […] En effet, on pourrait la résumer ainsi : peut-on se dire patriote et accepter qu’on joue à Paris la musique d’un prussien ?

340. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Victor Hugo pouvait se jouer dans tout cela comme Ariel dans les nuages, mais Ariel, oubliant ses ailes, s’est accroupi à deux ou trois places de l’Histoire, et est resté là, monumentalement immobile sur son lourd derrière de Caliban. […] Il en joue, comme, un jour que je prends parfois pour un rêve, j’ai vu jouer du tambour de basque à une bohémienne. […] Le moment était venu de jouer sa dernière carte pour Hugo et de gagner la partie. […] Les Misérables, tisonnés, récemment, pour les faire reflamber et revivre dans un drame filialement mauvais, et dont tout le succès venait d’une petite fille qui jouait bien.

341. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Astyanax joue avec la mort qu’il ne voit pas ; l’enfant du brahmane la brave et la défie pour sauver son père ; l’instinct n’est plus seulement de l’instinct dans le poème indien, il est déjà de la tendresse, de l’héroïsme et de la sainteté. […] Le vent à l’haleine embaumée se joue dans les plis ondoyants de sa robe, qui surpasse en blancheur et en transparence les rayons de l’astre pâle de la nuit. […] La représentation est précédée d’un prologue dialogué entre le directeur du théâtre et les principaux acteurs qui doivent jouer leur rôle dans ce drame. […] Vois encore ces jeunes arbres, dont les racines sont abreuvées par des canaux d’une eau limpide, que ride à peine le souffle adouci des vents ; vois l’éclat de ces tendres bourgeons, obscurci par la fumée qui s’élève des oblations aux dieux ; et, près de nous, ces faons légers qui, sans aucune crainte, se jouent au milieu de ces tas de cousa nouvellement coupé pour un sacrifice, et rassemblés sur la terre à l’entrée du jardin. […] (Elle fait jouer son arrosoir.)

342. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

s’écria-t-il ; cela ne sera jamais joué. […] Cet homme se joue de tout ce qu’il faut respecter dans un gouvernement. — On ne la jouera donc point ? […] Où l’homme n’arrive-t-il pas en faisant jouer les ressorts de la vanité féminine ? […] Puis il fut décidé qu’on la jouerait à Paris même. […] Dieu, l’impiété qui submerge les croyances, à quel jeu on jouerait.

343. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

C’est un joli tour de finances, un joli coup joué au profit de l’État76.On en peut tirer une leçon d’économie politique, et M. de Luynes n’y manque pas ; car il cite à ce propos la réponse du roi de Pologne, Auguste le Magnifique, à l’avare roi de Prusse, qui s’étonnait qu’il pût suffire aux dépenses de son camp de plaisance à Muhlberg, et qui lui demandait son secret. […] Un jour qu’il est allé masqué au bal de l’Opéra en compagnie du comte de Noailles, il en parle au cardinal et lui dit que c’est M. de Noailles qui, pour dépister les curieux, a fait le rôle du roi et a fort bien joué tout le temps son personnage. « Oui, sire, reprend le cardinal ; mais j’ai ouï dire qu’il avait fait Votre Majesté un peu trop galante. » Le roi piqué fut un moment sans répondre, et il dit ensuite d’un ton sec : « J’en suis content, il n’a fait que ce que je lui ai ordonné. » Et il tourna le dos à son ancien précepteur qui croyait l’être toujours. […] On a supposé que ce fut à l’occasion des fêtes pour la paix de Nimègue que le tour fut joué.

344. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Placé au collège des Jésuites ou de Clermont, il réussit dans ses classes, il fut plusieurs fois le premier ou empereur, comme on disait, et, en troisième notamment, il eut le premier prix de prose, et mérita d’être « de la tragédie » ; on jouait, et on joue encore en province, dans certains pensionnats, une tragédie le jour de la distribution des prix. […] Il m’en a coûté 80 liv. pour l’offrande, présent à l’œuvre, quêteuse et menus frais. » Bien des années après, intendant de Caen, ayant par extraordinaire joué au lansquenet, au jeu de Monsieur, frère de Louis XIV, qui, à la tête d’une armée, avait son quartier général à Pontorson, il note qu’il a perdu 4,000 livres.

345. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Pris au mot par le confiant mari, le docteur se voit obligé de jouer lui-même le rôle du faux amant, et il y a des moments où l’on croirait qu’il le joue au naturel et au vrai. […] Feuillet ne se fait pas faute de nous offrir de ces intérieurs de vieillards, comme dans le Village ; il triomphe de la difficulté, et il ne craint pas, tant il y met de soin et de coquetterie, que ces vieilles amours nous paraissent sentir le rance), deux vieilles gens donc, Mme d’Ermel, femme de soixante-deux ans, et le docteur Jacobus, Hollandais, qui en a soixante-dix, jouent tous les soirs une partie de dames que le vieux médecin vient faire chez sa voisine à la campagne.

346. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Aussi, peu de jours après, l’intrigue fut démasquée, et M. de Senfft, fait pour une destinée plus honorable, alla se perdre dans cette lie de transfuges qui entourait les souverains alliés, réduit à y jouer un personnage dont il ne tarda pas à rougir. […] C’était jouer de malheur que de donner ainsi dans l’à-propos et de choisir si bien et à bout portant ses points de mire. […] Quel fut mon étonnement quand, au lieu de la gravité, de la décence, du soin de l’honneur national, de celui de l’entretien de la bienveillance mutuelle entre les deux nations, qui me paraissaient devoir composer l’ensemble de la manière d’être et des occupations d’un ministre de France, je trouvai un petit monsieur, uniquement occupé de petits vers, de petites femmes, de petits caquets, et qui, dans les petits rébus dont se composaient ses petites dépêches, disait familièrement au duc, en parlant de la certitude d’un éclat entre la France et la Russie : « La Russie amorcera si souvent, couchera en joue la France si souvent, que la France sera forcée de faire feu… » Brunet n’aurait pas mieux dit… Toute sa correspondance est sur ce ton, et présente un mélange fatigant d’affaires traitées avec la prétention au bel esprit du plus bas étage. » C’est ainsi que le prélat diplomate abuse d’un dépôt pour attaquer celui qui le lui a confié ; il le drape à la Figaro, et il ose parler de gravité et de décence !

347. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Qu’il s’y livre désormais tout entier ; mais maintenant, assuré qu’il est de toutes ses épreuves et confiant à bon droit en sa trempe, il n’a plus peut-être à tant combiner ses coups, à tant se jouer dans les raccourcis. […] Enfin, en achevant de mûrir, le talent arrive à d’heureux résultats encore, plus approfondis peut-être, plus concentrés ; mais désormais un certain rayon qui se joue et la fraîcheur du premier duvet ont disparu. […] Il fait jouer plus d’un air à l’enfant, et toute son Armorique lui repasse à l’horizon, jeune fille, Océan, blanche fée ; et, complétant sa pensée dans l’avenir, il ajoute : Un jour, si le corn-boud chante aux brouillards d’Arvor, Je dirai : Levez-vous devant moi, pays d’or !

348. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

La réponse qui s’offre tout d’abord, c’est que peut-être il joue la comédie, par intérêt et par plaisir. […] Rochefort joue la comédie, il veut bien qu’on s’en aperçoive, mais il ne souffre point qu’on le dise. […] Le personnage que nous jouons, par nécessité ou par goût, ce que nous livrons de nous-mêmes au public, c’est rarement nous tout entiers, et, comme dit Balzac, « nous mourons tous inconnus. » Tel qui, dans son journal, sème l’outrage et la révolte ; tel qui, moitié par tempérament, moitié sous la pression des circonstances, a fait de la démagogie sa carrière, est l’homme le plus doux, le meilleur ami, le père de famille le plus tendre et plus dévoué.

349. (1910) Rousseau contre Molière

Oui, il a joué tout le personnage d’Alceste. Or, il sent bien qu’il l’a joué et il ne veut pas convenir qu’il l’ait joué. […] Or, elle ne joue aucun tour à M. Jourdain et ne cherche qu’à le préserver de ceux qu’on lui joue. […] Non ; par une farce jouée aux précieuses par leurs amants dédaignés.

/ 2137