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1163. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !

1164. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

J’y veux suppléer ; j’imagine donc que David, qui dit si bien son fait à chacun, aurait pu parler à peu près en ces termes au petit Étienne, s’il l’avait vu plus avancé et peignant déjà : « Toi, tu es bien jeune, mais je vois déjà ta disposition : quand tu veux faire du noble, ça ne va pas ; tu fais de l’académique, du froid, du copié, du connu ; non ; — mais voilà de petits coins dans ton tableau, et sur ton garde-main de petites figures qui sont vraies, qui sont naïves. — C’est fin, c’est malin ; si tu regardes et si tu copies ce que tu vois, tu pourras bien faire.

1165. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Qu’on imagine un Tertullien évangéliste, avec ses antithèses et ses cliquetis de mots ou d’images ; est-ce possible ?

1166. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Un merveilleux mythologique assez ridicule vient terminer le seul incident qui sépare les jeunes aidants… » Il n’y a rien précisément de ridicule dans le merveilleux mythologique si ingénieusement imaginé et si bien adapté à l’action.

1167. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

que ce n’est pas là un de ces Dieux abstraits et froids, de ces Dieux lointains comme les philosophes plus ou moins cartésiens en imaginent !

1168. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il m’a fallu plus d’effort et de courage qu’on n’imagine pour maintenir le cercle artificiel dans lequel je m’étais proposé de me renfermer cette fois, et pour écarter dans ces dernières semaines les survenants, accourus de toutes parts, qui me disaient : « Est-ce mon tour ?

1169. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Le plus grand poëte pour nous est celui qui, dans ses œuvres, a donné le plus à imaginer et à rêver à son lecteur, qui l’a le plus excité à poétiser lui-même.

1170. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Rien de mieux imaginé et de mieux senti qu’un tel chant pacifique, miséricordieux et pieux, dans la bouche des morts, tandis que les vivants ignorent ces choses, ne croient à rien, et vont de nouveau s’entre-déchirer : « Seigneur, fais que ton nom jusqu’à nous retentisse !

1171. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Il imagina, à son entrée (1640), d’adresser un si beau remercîment à la Compagnie, qu’on obligea tous ceux qui furent reçus depuis, d’en faire autant.

1172. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Aujourd’hui que l’opinion publique, soit littéraire, soit politique, se détend un peu, il a fait trêve à cette déviation toujours savante, mais sensiblement contrainte, de son talent ; il est rentré, avec ce soin qui ne se lasse pas, dans sa manière vraie, dans celle qu’il doit aimer, j’imagine, de préférence.

1173. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Mais en général il me paroît, jusque dans sa prose, ne parler point assez simplement pour exprimer toutes les passions. » Il faut se souvenir que l’auteur de cet étrange jugement avait la manière d’écrire la plus antipathique à Molière qui se puisse imaginer.

1174. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Le plus plaisant, c’est que pour cette démonstration esthétique, comme on dirait aujourd’hui, il s’est imaginé de recourir à l’ombre d’Alcée : Je la vois ; c’est l’Ombre d’Alcée Qui me la découvre à l’instant, Et qui déjà, d’un œil content, Dévoile à ma vue empressée Ces déités d’adoption, Synonymes de la pensée, Symboles de l’abstraction.

1175. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

» Millevoye a surtout mérité ce bonheur, j’imagine, parce qu’il ne le cherchait pas avec intention et calcul.

1176. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Quand nous voyons un noble chêne, dont les racines s’enfoncent dans le sol comme des pieds d’athlète, étendre ses branches noires chargées de feuilles sonores, et dresser son tronc serré par l’écorce comme par des muscles tendus, nous l’imaginons plus grand et plus fort encore ; nous élargissons sa voûte, nous tordons son écorce, nous raidissons ses bras, nous couvrons sa masse sombre d’une plus riche lumière, et il nous semble alors que la nature n’a pu accomplir son dessein, que ses lois ont entravé son action, que son oeuvre n’est pas égale à son génie.

1177. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Le chef-d’œuvre du genre est l’Apologie pour Hérodote que j’ai déjà nommée ; Henri Estienne, pour défendre Hérodote dont la véracité était soupçonnée, imagina de démontrer que la sottise et la malice des hommes de son temps produisaient des effets aussi étonnants que les invraisemblables contes de l’historien grec ; et mettant ses haines huguenotes au service de ses goûts littéraires, il se prit à conter tant de graveleux et scandaleux exemples de la corruption catholique, à dauber fidèles et clergé avec une verdeur si rabelaisienne, que l’austère Genève crut entendre un accent d’impiété dans la trop pétulante gaieté de son champion.

1178. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Un bon traité de psychologie classique, qui nous donne la liste complète des passions et affections bonnes ou mauvaises, est très commode pour imaginer des « cas ».

1179. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

La Bruyère écrit, par exemple, sans s’étonner : « … Si Troïle dit d’un mets qu’il est insipide, — ceux qui commençaient à le goûter, n’osant avaler le morceau qu’ils ont à la bouche, ils le jettent à terre… » Or, tout se tient ; et j’imagine que ces gens-là étaient moins exacts que nous à se garder de certaines incongruités.

1180. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Au lieu que vous n’imaginerez jamais Schaunard ou Rodolphe autrement qu’ils ne sont, sinon qu’en vieillissant, avec leurs scies et leurs perruques, ils sembleront grimaçants et pénibles.

1181. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Et, quand tu pries, ne fais pas de longs discours comme les païens, qui s’imaginent devoir être exaucés à force de paroles.

1182. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Si les comparaisons et les tortures que Dante imagine sont quelquefois horribles, elles ont toujours un côté ingénieux, et chaque supplice est pris dans la nature du crime qu’il punit.

1183. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Un jour que lord Bolingbroke écrivait au docteur Swift, Pope mit à cette lettre un post-scriptum où il disait : « Je m’imagine que si nous passions tous trois seulement trois années ensemble, il pourrait en résulter quelque avantage pour notre siècle. » Non, il ne faut jamais légèrement parler de ceux qui ont eu le droit de dire de telles choses d’eux-mêmes sans jactance, et il faut bien plutôt envier les âges heureux et favorisés où les hommes de talent pouvaient se proposer de telles unions, qui n’étaient pas alors une chimère.

1184. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Un jour, l’ancien aide de camp du maréchal, M. de La Rue, était allé à Vienne ; le jeune prince s’entretenait avec lui et lui faisait raconter cette circonstance de la guerre d’Espagne, quand les grenadiers de la Garde royale imaginèrent de donner au prince de Carignan, qui servait comme volontaire, les épaulettes de laine, pour le féliciter de sa bravoure à l’attaque du Trocadéro.

1185. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Ce n’est pas là, j’imagine, le cercle que la duchesse de Bourgogne, plus folâtre, aurait choisi et groupé autour d’elle.

1186. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il est impossible d’imaginer le degré auquel peut être porté dans mille ans le pouvoir de l’homme sur la matière.

1187. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Enfin, on peut imaginer tels progrès de la science des rapports de la pensée avec le cerveau qui permettront d’étayer l’hypothèse psychologique sur l’organisation mentale d’un artiste, par une hypothèse physiologique sur la conformation de son cerveau ; une supposition de ce genre pourra même être confirmée par l’examen histologique de l’encéphale qui en aura été l’objet.

1188. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Le poète se propose d’abord quelques beautés principales sur lesquelles il fonde l’espoir de son succès : c’est de là qu’il part, et il imagine ensuite ce qui doit être dit ou fait pour parvenir à son but.

1189. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Si, au-dessus des divinités locales ou familiales, elle en imagine d’autres dont elle croit dépendre, c’est que les groupes locaux et familiaux dont elle est composée tendent à se concentrer et à s’unifier, et le degré d’unité que présente un panthéon religieux correspond au degré d’unité atteint au même moment par la société.

1190. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Il faut faire grande attention aux entrées et aux sorties des acteurs, à leurs mouvements, indiqués quelquefois par le texte, à l’attitude que ce qu’ils disent suppose qu’ils doivent avoir, aux jeux de physionomie que leurs paroles permettent d’imaginer.

1191. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Larreau, ancien marchand de robinets, devenu l’un des plus grands industriels de France, et c’est cet industriel dans lequel Droz a cubé tout l’industrialisme moderne et dont il a fait une personnalité tout à la fois odieuse, redoutable et comique, c’est ce coquin à gilet blanc qui s’est imaginé qu’un miracle, comme celui de la Salette, par exemple, si on pouvait se le procurer, poserait bien cette source dans l’opinion, et ferait colossale la fortune des établissements qu’il médite de fonder autour d’elle.

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