Si l’objet qui vous est cher vous est enlevé par la volonté de ceux dont elle dépend, vous pouvez ignorer à jamais ce que votre propre cœur aurait ressenti, si votre amour, en s’éteignant dans votre âme, vous eût fait éprouver ce qu’il y a de plus amer au monde, l’aridité de ses propres impressions ; il vous reste encore un souvenir sensible, seul bien des trois quarts de la vie ; je dirai plus, si c’est par des fautes réelles dont le regret occupe à jamais votre pensée, que vous croyez avoir manqué le but où tendait votre passion, votre vie est plus remplie, votre imagination a quelque chose où se prendre, et votre âme est moins flétrie que si, sans événements malheureux, sans obstacles insurmontables, sans démarches à se reprocher, la passion par cela seulement qu’elle est elle, eût, au bout d’un certain temps, décoloré la vie, après être retombée sur le cœur qui n’aurait pu la soutenir. […] Les chefs de parti peuvent se croire assez sûrs d’eux-mêmes pour se guider toujours d’après la plus haute sagesse, mais il n’y a rien de si funeste pour eux que des sectaires privés de l’instinct de la pitié ; d’abord ils sont par cela même incapables d’enthousiasme pour les individus ; ces sentiments tiennent l’un et l’autre, quoique par des rapports différents, à la faculté de l’imagination. […] Malheur donc aux chefs qui, en étouffant dans leurs partisans, tout ce qui est humain, tout ce qui est remuable enfin par l’imagination, ou le sentiment, en font des assassins raisonneurs, qui marchant au crime par la métaphysique, et les immolant au premier arrangement de syllabes qui sera pour eux de la conviction. […] heureuse aussi, si j’avais diminué de son activité, en présentant aux hommes une analyse exacte de ce que vaut la vie, une analyse qui démontrât que les destinées diffèrent entre elles bien plus par les caractères que par les situations, que les plaisirs que l’on peut éprouver, dans quelques circonstances que ce soit, sont soumis à des chances certaines, qui, à la longue, réduisent tout au même terme, et que ce bonheur qu’on croit toujours trouver dans les objets extérieurs, n’est qu’un fantôme créé par l’imagination, qu’elle poursuit après l’avoir fait naître, et qu’elle veut atteindre au-dehors, tandis qu’il n’a d’existence qu’en elle.
C’est que ce Dandolo avait fait vibrer certaines fibres secrètes de son imagination et de son cœur. […] Les accents de cet homme lui étaient restés dans le cœur, dans l’imagination ; oui, il avait peut-être fait vœu, dans son imagination italienne, d’être pitoyable pour cet homme, si la fortune lui souriait à lui-même et si elle couronnait son retour. […] qu’ils aillent dans la Terre sainte, s’écrie-t-il encore, qu’ils entrent à Jérusalem, même avec une foi douteuse, ceux-là qui sont avides de nouvelles émotions ; pour peu que leur imagination soit vive, et leur cœur droit et sincère, elles arriveront en foule à leur âme.
S’il se porte à des figures plus hardies, elles sont suivies, raisonnables, tirées d’objets ordinaires, préparées de loin, sans rien qui puisse étonner ou choquer, simples effets d’une éloquence passionnée, simples moyens oratoires, au même titre que les raisonnements et les faits : « La religion de Pascal, dit-il, n’est pas le christianisme des Arnaud et des Malebranche, des Fénelon et des Bossuet ; fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur dans une âme bien faite et sagement cultivée ; c’est un fruit amer, éclos dans la région désolée du doute, sous le souffle aride du désespoir. » Telle est l’imagination de l’orateur, bien différente de celle de l’artiste, qui est brusque, excessive, aventureuse, qui se plaît aux images nouvelles, qui frappe et éblouit le lecteur, qui se hasarde parmi les figures les plus rudes et les plus familières, qui ne se soucie pas d’élever, par des transitions ménagées, les esprits jusqu’à elle, et dont la folie et la violence mettraient en fuite l’auditoire que l’orateur doit se concilier incessamment pour le retenir jusqu’au bout. II Voilà de grands dons : un art de composition exquis, la largeur et l’aisance des phrases, un ton familier et noble, un style pur, une imagination riche et mesurée, toutes les facultés oratoires. […] Les abstractions s’entre-choquent ; des formes obscures passent devant l’imagination troublée ; dans le cerveau s’agite et roule une ronde d’êtres métaphysiques, grandioses et vides, poésie confuse et sublime que réclament toutes les jeunes têtes d’Allemagne, et qui, avec la bière, suffit pour les remplir à vingt ans. […] L’impétueux orateur amenait sur le théâtre et faisait défiler en une heure Dieu, la nature, l’humanité, la philosophie, l’industrie, l’histoire, la religion, les grands hommes, la gloire et bien d’autres choses encore ; cette symphonie chantée par un seul homme donnait le vertige, et les esprits, habitués aux tranquilles dissertations des sensualistes, s’inclinaient, comme devant un révélateur, devant le poète qui peuplait leur imagination de ces prodigieux fantômes, et les entraînait, éblouis, dans un monde qu’ils n’avaient pas soupçonné.
Bossuet et Fénelon doivent sans doute être cités comme les premiers qui aient donné l’exemple de réunir dans un même langage tout ce que la prose a de justesse, et la poésie d’imagination. […] Lorsque nous sommes émus, le son de la voix s’adoucit pour implorer la pitié, l’accent devient plus sévère pour exprimer une résolution généreuse ; il s’élève, il se précipite lorsqu’on veut entraîner à son opinion les auditeurs incertains qui nous entourent : le talent, c’est la faculté d’appeler à soi, quand on le veut, toutes les ressources, tous les effets des mouvements naturels ; c’est cette mobilité d’âme qui vous fait recevoir de l’imagination l’émotion que les autres hommes ne pourraient éprouver que par les événements de leur propre vie. […] fais-lui donc un mal que tu ne sentes pas. » Comment distinguer dans de tels mots ce qu’il faut attribuer à l’invention ou à l’histoire, à l’imagination ou à la réalité ?
Les sujets de l’Iliade & de l’Odyssée, celui de l’Enéide, sont sans doute beaux aux yeux de l’imagination ; ils ne sont réellement intéressans que pour les Grecs & les Latins. […] Jamais on n’a fait un plus bel usage des richesses de l’antiquité & des trésors de l’imagination. […] Sans adopter son systême, qui donneroit peut-être plus de ressort à l’imagination & aux vrais talens, les Orateurs Chrétiens doivent au moins en suivre les préceptes, & se garantir des défauts qu’il condamne.
Cette belle symphonie donne même l’idée de celles dont Ciceron et Quintilien disent que les pythagoriciens se servoient pour appaiser, avant que de mettre la tête sur le chevet, les idées tumultueuses que les mouvemens de la journée laissent dans l’imagination, de même qu’ils emploïoient des symphonies d’un caractere opposé pour mieux mettre les esprits en mouvement lorsqu’ils s’éveilloient, et pour se rendre ainsi plus propres à l’application. […] Ce n’est point le silence qui calme le mieux une imagination trop agitée. […] Notre imagination attaquée en même-tems par l’organe de la vûë et par l’organe de l’oüie, est beaucoup plus émuë de l’apparition de l’ombre, que si nos yeux seuls étoient séduits.
À ne le prendre que pour ce qu’il est, un anecdotier, moitié perroquet et moitié pie, un caquet-bonbec historique qui fit toute sa vie métier et marchandise de propos libertins et de sales nouvelles, il n’y a trace ni d’imagination ni de goût dans sa façon de raconter l’anecdote. […] Son imagination grise et froide n’en reçoit ni la chaleur ni le reflet, et par la nature gourde de son esprit, comme dirait Montaigne, il est condamné au triste rôle d’écrire des gaités sans gaîté, le plus fatigant des esclavages ! […] L’imagination a ses incarnations.
Dans quelque temps que ce pût être, cette grande figure historique, enfoncée et comme perdue en des chroniques qu’on ne lit plus, mais entrevue d’abord et finalement déterrée, aurait passionné de sa beauté singulière toute imagination qui serait restée poétique sous les formes sévères et sobres de l’histoire et de l’érudition. Or, justement Amédée Renée est une de ces imaginations éternelles. […] Il y avait en Grégoire plus d’un côté qui devait frapper les imaginations.
Il a pensé et il a dit — en d’autres termes peut-être, mais il a positivement dit, — que l’André Chénier qu’on trouverait dans son livre serait moins le Chénier poète, dont la gloire est faite et n’a plus besoin qu’on y touche, que le Chénier politique, — l’homme d’action et de courage qui a presque disparu dans l’absorbante gloire du poète, et qui était pourtant dans le poète, dans cet être charmant d’une imagination si divine ! […] Vision sublime, que la réalité du Jacobinisme fit disparaître aux yeux du somnambule d’imagination qu’était Chénier en le tirant brutalement de son rêve, tandis que ce grand songeur de Lamartine ne fut jamais tiré du sien ! […] Oscar de Vallée, c’est ce qui manquait absolument de christianisme à Chénier, à ce Grec de païenne imagination, muet aux choses chrétiennes.
Fané par tant d’imaginations plus ou moins puissantes ou vulgaires, qui y touchent comme si, de talent, elles en avaient le droit, ce ne sera pas trop que du génie, — et beaucoup de génie, — pour raviver cette forme déjà usée et flétrie, sur laquelle des talents sans mâle invention et sans fécondité viennent passer leurs petites ardeurs. […] … Un jour, l’imagination publique, qui, ce jour-là, se monta la tête et fut bonne fille, essaya de ce galvanisme de désespoir quand M. […] et pourquoi Autren, nu jusqu’à la ceinture sur son écueil, fait-il surgir dans l’imagination, qui a le souvenir autant que le rêve, la nette image de ce matelot, nu aussi jusqu’à la ceinture, et qui, debout sur le pont du navire, demandait à genoux à Virginie l’honneur de la prendre dans ses bras et de la sauver ?
Charrière a prétendu que le Pluchkine de Gogol faisait plus d’effet sur l’imagination que les avares de Balzac, cette légion digne de Rembrandt et de Shakespeare, Gigonnet, Grandet et le terrible Gobseck lui-même ; et la raison qu’il en a donnée est une petite raison de philanthrope politique. […] « Je n’ai jamais écrit d’imagination, dit-il » ; — et plus loin : « J’avais besoin pour travailler d’infiniment plus de notions qu’un autre. » Et voilà qu’après avoir confessé son indigence intellectuelle, il se fait mendiant hardiment en sa Correspondance et quête, pour finir son livre, aux renseignements et aux détails. […] Il est l’auteur d’une comédie politique intitulée le Revizor, où il n’y a ni situation dramatique ni imagination quelconque, mais du mordant : seulement ce mordant n’est pas gai.
Les sciences exactes accompagnent quelquefois, mais ne supposent pas toujours ces arts brillants qui tiennent à l’imagination et au génie. […] Comme elle était dominée par son imagination, sa conduite fut inégale et souvent peu mesurée. […] Leur caractère et leur marche sont trop opposés : l’une est scrupuleuse et lente ; l’autre, hardi et rapide : l’une pèse sur les détails, l’autre saisit les résultats ; l’une amasse des faits, l’autre combine des idées : l’une, enfin, se défie de la pensée et craint l’imagination ; l’autre a le besoin de créer, et n’est riche que de ce qu’il invente.
Le cardinal de Fleuri fut modeste et simple ; il eut l’ambition de l’économie et de la paix, deux choses qui font le bonheur des États, mais qui n’ébranlent point les imaginations. […] Peu à peu les imaginations en France se calmèrent, la direction des esprits changea, et la réflexion qui médite prit la place de l’enthousiasme qui sent. […] Ainsi, presque partout ils substituèrent la finesse à la grandeur, et des beautés sages et tranquilles aux beautés d’imagination et de mouvement.
Il y règne une sombre imagination, très propre à la peinture de cette Égypte pleine de souvenirs et de tombeaux, et qui vit passer tour à tour les Pharaon, les Ptolomée, les Solitaires de la Thébaïde, et les Soudans des Barbares. […] Pour une imagination vigoureuse, c’était pourtant une belle carrière à parcourir, qu’un monde antidiluvien.
L’imagination de Corinne s’enflamme ; son cœur s’émeut ; elle accourt à Prangins, hors d’haleine. […] Il projette à travers le temps son imagination. […] » Et l’homme, qui n’est pas toute intelligence, continuera d’avoir mêmes besoins de sensibilité et d’imagination. […] Un jaloux est un maniaque toujours prêt à prendre pour des réalités les chimères que forge son imagination. […] Le libertinage de l’honnête garçon fut surtout libertinage d’imagination.
L’Italie enchante et exalte son imagination. […] Son imagination s’est enflammée au récit de la surprenante fortune de Napoléon. […] Il a une imagination somptueuse et une âme triste. […] Il se reporte en imagination à l’époque de la Renaissance. […] Notre imagination se donne carrière.
Il attache autour de la religion mille superstitions originales, autour de la poésie mille imaginations pittoresques. […] C’est lui enfin qui, colorant tour à tour le même drame de l’imagination du midi et de l’imagination du nord, fait gambader Sganarelle autour de don Juan et ramper Méphistophélès autour de Faust. […] De là, il se répand dans l’imagination des peuples nouveaux qui refont l’Europe. […] C’est, on le sait, sous la première de ces formes qu’il s’était présenté d’abord à l’imagination du poëte, et qu’il reste toujours imprimé dans la mémoire du lecteur, tant l’ancienne charpente dramatique est encore saillante sous l’édifice épique de Milton ! […] On a mis la mémoire à la place de l’imagination.
On ne les explique que par cette attraction de l’antithèse qui pousse les individus à sortir de leurs habitudes, ne fût-ce que par imagination. […] C’est là que gît la difficulté en ce qui concerne les œuvres d’imagination. […] Son imagination est celle d’une prostituée en délire. […] La presse, à elle seule, en absorbe de quoi mettre à sec les imaginations les plus fertiles. […] Je ne procède point de l’imagination, de l’invention, ni de l’inspiration, mais de la science.
Entrons à fond maintenant dans la pathétique horreur de ce drame, et voyons comment le poète allemand, qui a joué jusqu’ici avec la riante et naïve imagination, va torturer de la même main les fibres les plus sanglantes du cœur ! […] C’est une superbe débauche d’imagination, de philosophie et de poésie ; mais c’est une débauche. […] C’est une de ces scènes où l’imagination et le cœur de l’homme ont recréé la nature dans tout son honneur et dans toute sa pitié. — Lisez ! […] On peut remarquer, dans ses Mémoires et dans ses correspondances, qu’Homère était à ses yeux le premier et le dernier mot du génie humain, la Bible de l’histoire et de l’imagination. […] Les cultes, selon lui, étaient un droit de l’imagination, qui divinisait à son gré les superstitions de l’ignorance ou les symboles les plus transcendants de la raison et de la piété humaine.
Michaud d’avoir fait usage de ces contrastes qui réveillent l’imagination des lecteurs. […] Prise séparément, l’imagination est donc peu de chose. […] Et les plus grands métaphysiciens ne sont-ils pas distingués surtout par l’imagination ? […] Cependant c’étaient aussi de grands géomètres ; car les grands géomètres sont encore des hommes à grande imagination. […] Il s’occupe des sujets les plus sérieux, et cependant son style est plein d’imagination.
Ils n’ont pas d’imagination. […] Zola sa vision de la réalité, c’est son tour d’imagination romantique. […] Car Tartarin est dupe de son imagination ; et il peut en être victime. […] Il a fait en critique de la littérature d’imagination. […] Dumas est de la race des aèdes primitifs, créateurs de légendes, et dont l’imagination, voisine de l’imagination populaire, fait partie du patrimoine de l’humanité.
L’imagination suffit à tout, l’éditeur se charge volontiers des raccords. […] Avec la raison on observe, on analyse, on synthétise, on discute, avec l’imagination on rêve ; il faut être froid et calme pour raisonner, l’imagination ne se manifeste qu’après une excitation quelconque. Donc toute chose qui s’adresse aux sens s’adresse à l’imagination. […] C’est l’art qui excite l’imagination au plus haut degré. […] Les gens d’imagination tombent toujours dans ce défaut.
Pour la première fois, dit-il, l’Angleterre eut un ouvrage d’imagination, fondé sur l’imitation fidèle de la nature. […] Sophie est assurément une des héroïnes les plus accomplies et les plus aimables, nées de l’imagination des romanciers. […] Les caractères, les situations et le langage n’appartiennent qu’à l’imagination. […] Son imagination, une fois rassasiée de couleur et de bruit, s’est renfermée sans regret dans le modeste enclos de Valneige. […] Son imagination malade et furieuse peuple ses nuits de fantômes menaçants.
Il s’est joué avec son sujet, et l’a laissé couler de sa brillante imagination revêtu des teintes poétiques qu’il y recevait en passant. […] L’attention en est moins distraite des personnages principaux qui ressortent fortement, et frappent l’imagination. […] C’est la poésie suave et brillante du Midi à côté de l’imagination forte, rude et heurtée du Nord. […] C’est encore ici une pièce de féerie, où l’imagination semble avoir été le seul guide de Shakspeare. […] Toute son imagination s’est portée sur le développement de cette situation.
Quoique le départ de son apport et de celui de son frère et collaborateur soit assez malaisé, on s’assure, par leurs témoignages communs et par l’examen des écrits du survivant, que Jules de Goncourt fut le virtuose habile et fécond, l’improvisateur toujours prêt, l’homme d’imagination et d’esprit, un peu le Monsieur en habit noir d’Henriette Maréchal. […] Ce don n’est déparé par aucune timidité à rendre exactes ses imaginations.
Son imagination vive & féconde saisissoit rapidement toutes les nuances, & une érudition, aussi vaste que bien digérée, étoit toujours prête à le seconder. […] N’est-ce pas aimer à plaisanter aux dépens du jugement, que de confondre ainsi les traits du génie avec les saillies d’une imagination légere & vagabonde ?
C’est la premiere qui s’offre aux peintres qui cherchent la composition, et les figures des tableaux qu’ils ont entrepris plûtôt dans leur mémoire que dans leur imagination. […] Il est même des professions où l’imagination, où l’art d’inventer est aussi nuisible, qu’il est necessaire dans la poësie et dans la peinture.
Il n’y avait, en effet, que le catholicisme, cette religion de Palestrina, de Raphaël et du Tasse, qui pût étancher la soif d’adoration extérieure et de beauté plastique dont est naturellement dévoré ce poète méridional, à moitié italien et à moitié grec, ce Virgilien, cet Homéride, imagination profondément religieuse comme toutes les grandes imaginations !
Ne nous laissons pas ici duper par l’imagination, qui ne considère guère que des images toutes faites et principalement visuelles ; ne nous laissons même pas duper par la pure intelligence, qui ne s’applique bien qu’à des idées de contour défini, exprimées par des mots définis et immuables. […] Renouvier, lui, transforme en a priori une simple loi générale de notre expérience, de notre « imagination », ce qui est un moyen facile, mais trompeur, d’établir l’a priori. […] Toutes ces séries restent d’abord flottantes et discontinues dans son imagination, sa vie étant un rêve. […] Pour concevoir le temps mathématique, vous tracez une ligne par l’imagination ; vous passez du temps dans l’espace. […] Le temps est d’abord une intuition pure, et ensuite il se trouve que c’est la plus constante des intuitions sensibles, toujours représentée à l’imagination en termes « d’intuition extérieure » ; et enfin, c’est une intuition du sens interne.