La versification proprement dite n’est pas toujours assez strictement observée ; les images en foule sortent d’elles-mêmes à tous les points d’un si riche sujet, et décorent comme en se hâtant une pensée vive, continuelle, qui s’échappe au travers et que rien n’empêche.
Vinet lui-même, considéré dans son œuvre et dans sa vie, qu’il offrait en quelque sorte l’image d’un Pascal réduit et modéré, d’un Pascal plus aisément circoncis dans ses essors et dans ses désirs, mais dont le centre moral était le même et dont le cœur était comme taillé sur le cœur de l’autre.
Tous ceux qui faisaient partie de ces deux tiers, « véritables comédiens ambulants qui changèrent de nom et d’habit en même temps que de rôle »,lui paraissent « indignes non-seulement de gouverner, mais encore de vivre. » Il reconnaît pourtant qu’en voyant meilleure compagnie ils se sont amendés sous quelques rapports, et que, pour tout dire, « ils ont fait à peu près comme ces malheureuses femmes, qui, ramassées dans les carrefours et dans les prisons de la capitale, sont envoyées dans les colonies Étrangères, où, quoique leur jeunesse se soit écoulée dans le désordre, elles adoptent une nouvelle vie, redeviennent honnêtes, et, grâce à de nouvelles habitudes, dans une position nouvelle, sont encore des membres tolérables de la société. » Le rapprochement n’a rien de flatteur ni de délicat ; mais l’illustre baronnet n’y regarde pas de si près ; il a même tant d’affection pour ces sortes d’images, que plus tard l’arrangement du premier consul avec ses ministres lui semblera « pareil aux mariages contractés par les colons espagnols ou les boucaniers avec les malheureuses créatures envoyées pour peupler les colonies », et qu’il trouvera les moyens en un endroit de comparer, je ne sais trop pour quelle raison, M. de Talleyrand à une vivandière.
Et qui m’eût dit alors qu’un jour la grande image De ce Dieu pâlirait sous l’ombre d’un nuage, Qu’il faudrait le chercher en moi comme aujourd’hui, Et que le désespoir pouvait douter de lui ?
De plus, en poursuivant l’image, en supposant le fleuve détourné, brisé, fatigué à travers les canaux, les usines, saigné à droite et à gauche, comme le Rhin dans les sables et la vase hollandaise, on retrouve la critique telle exactement que la font les besoins de chaque jour, dans sa marche sans cesse coupée et reprise.
La pensée de l’auteur, souillée par l’histoire de son temps, ne peut s’astreindre à cette pureté d’expressions qui doit toujours servir à peindre les images même les plus révoltantes.
Almont ne s’écarte jamais, en faisant beaucoup de bien, du principe inflexible qui lui défend de se permettre ce qui pourrait nuire à un autre ; en réfléchissant sur la vie, on voit la plupart des êtres se renverser, se déchirer, s’abattre, ou pour leurs intérêts, ou seulement par indifférence pour l’image, pour la pensée de la douleur qu’ils n’éprouvent pas.
Je sais donc quelles images de l’Angleterre se sont imprimées dans des intelligences plus puissantes que la mienne, mais, après tout, de même race et de même culture.
Richepin y débute en célébrant Arpin, le lutteur, qui vient de mourir, image de l’Art qu’il médite, massif et forain.
Il a offert de tracer d’un pinceau habile l’image du Maître et le portrait des favorites.
Il lui suffira de dire qu’il n’est pas d’image grotesque, de sens baroque, de pensée absurde, de figure incohérente, d’hiéroglyphe burlesque, que l’ignorance industrieusement stupide de ce prote logogriphique ne lui ait fait exprimer.
Qu’on lui passe une image un peu ambitieuse, le volcan d’une révolution était ouvert devant ses yeux.
Si Phèdre a voulu faire voir qu’une association avec plus fort que soi est souvent dangereuse ; il y avait une grande quantité d’images ou d’allégories qui auraient rendu cette vérité sensible.
L’éléphant se gonfla pour accroître sa taille, le bœuf imita l’éléphant ; la grenouille eut la même manie, qui remonta d’elle à l’éléphant ; et, dans ce mouvement réciproque, les trois animaux périrent : triste, mais image réelle d’une nation abandonnée à un luxe, symbole de la richesse des uns, et masque de la misère générale du reste.
Il y a bien une phrase dans l’introduction où il est question de l’image gracieuse de l’amour d’Henri IV et de Gabrielle ; mais c’est de suite fini, et l’auteur, qui a encore ce vieux œil de poudre sur la pensée, ne retourne plus à cette bergerie : il redevient et reste sérieux.
Cela ne lui réussit pas toujours, mais, quand il réussit, son œuvre est parfaite. » Ôtez, pour les comprendre en français, toute cette phraséologie allemande d’abstractions et d’images, toutes ces bandelettes de momie dans lesquelles les Allemands cerclent leurs plus vivantes pensées, et vous trouverez, quand vous lirez Hebel, que Goethe et Jean-Paul ont dit vrai.
Modifier la situation du Sénat vis-à-vis du pays et du gouvernement, ouvrir les fenêtres du Corps législatif, image charmante qui ne veut pas dire certainement qu’il faille les ouvrir comme au 18 brumaire à Saint-Cloud, se relâcher du système des avertissements, et toutes les questions, selon Véron, seront résolues !
la Critique, qui reconnaît en lui de pareils dons et qui voudrait que l’homme qui les a en tirât parti davantage, comme une femme tire parti de sa beauté quand elle en a l’intelligence, la Critique, sympathique et pourtant sincère, n’a-t-elle pas le droit de regretter que l’incohérence des images, trop habituelle, vienne si souvent jeter son ombre heurtée sur des qualités faites pour être vues dans la lumière, et qui produiraient certainement l’effet imposant qu’on devrait en attendre si le poète savait les y placer et les y retenir ?
Enfin, à l’appui de ce doute, on rappelle quelques strophes, quelques images vraiment d’Anacréon, citées par d’anciens auteurs, et d’un tour bien autrement poétique et hardi que le recueil d’Henri Estienne, placé par Voltaire au-dessous des madrigaux et des chansons du marquis de Saint-Aulaire, N’exagérons rien, cependant.
Cette union, dans laquelle il devait constamment trouver tant de vertu, de dévouement et de mérite, fut presque aussitôt entourée des plus affreuses images. […] On s’est jeté aujourd’hui dans un excès tout contraire, et l’image tient le dé du style poétique, comme c’était la raison précédemment. Mais ni la raison, à proprement parler, ni l’image, en ceci, ne doivent régir. […] Ce sont là de ces beautés primitives, abondantes, dignes d’Ascrée, comme Lucrèce les retrouvait dans ses plus beaux vers : l’image demi-nue conserve chasteté et grandeur. […] Rousseau : « Il n’y a pas là ce qu’on « appelle proprement harmonie imitative ; mais il existe un rapport très-sensible entre le choix des expressions et le caractère de l’image. » On confond un peu tout cela maintenant.
Elle choisit seulement les hommes qui sont faits à son image. […] Nous déifions, cela est certain… Mais sur l’autel même où nous érigeons l’image du dieu, nous servons des bocks aux fidèles. […] J’accumulai autour de l’image purifiée de M. […] Les héros, dépouillés par la critique philosophique de la poésie que le recul des siècles entretenait autour de leurs lointaines images, nous semblent, en somme, d’assez fâcheuses brutes. […] Le poète n’est le plus souvent qu’une machine admirable, mais une machine ; une sorte de miroir très précieux, très orné, qui reflète, en les grossissant jusqu’à la difformité, les images des choses.
Il reconnaît qu’il y a là des images charmantes et des dialogues étincelants. Mais les caractères ne se tiennent pas ; par exemple, la Camargo « contredit à chaque instant la nature de son âme italienne par des formes de langage abstrait, par des exclamations métaphysiques, par des images et des comparaisons tout à fait en dehors du monde matériel et moral de l’Italie ». […] Cet audacieux s’était permis de parodier dans la Ballade à la lune les rythmes et les images romantiques, et il affichait la prétention d’exprimer ce qu’il sentait, non ce qu’il était à la mode de sentir. […] C’est une fête pour l’esprit de voir cette heureuse jeunesse, aux mains pleines et prodigues, lancer à la volée les images heureuses, les trouvailles d’une imagination neuve, les idées folles et charmantes ou les sensations enflammées de la vingtième année. […] Il en est souvent de même chez Victor Hugo ; mais souvent aussi l’épithète y est symbolique, traduisant beaucoup moins l’aspect réel des choses que ce qu’elles évoquent en nous d’idées, d’impressions, d’images étrangères et lointaines.
secouez ce tranquille sommeil qui n’est que l’image de la mort ; venez voir la mort elle-même ! […] pourquoi vous enfermer dans la solitude, ne cherchant pour compagnie que les images les plus funestes, toujours appliqué à des pensées qui, en vérité, devraient être mortes avec celui dont elles vous occupent ? […] La peinture de ce remords rendu visible par la tache indélébile de sang sur la main de l’assassin, que toutes les vagues de l’Océan ne peuvent faire disparaître, est une image digne de Job.
Chacun restait libre de suivre son génie particulier, et de se porter vers les genres qui l’attiraient ; mais ce génie devait se régler sur l’image qu’ils s’étaient faite du génie de la nation ; ces genres devaient s’accommoder des convenances générales au nom desquelles Malherbe avait condamné presque tous ses devanciers. […] Ce que je note ici, c’est qu’une institution qui nous est commune avec toutes les nations littéraires de l’Europe moderne, chez celles-ci vient après les modèles, et chez nous vient avant, en sorte que l’esprit français semble faire d’avance ses conditions à tous ceux qui prétendront en donner dans leurs écrits des images ressemblantes. […] Si je goûte beaucoup ce qu’il dit de la répugnance de la nôtre pour les images forcées, les équivoques, les subtilités, si goûtées de nos voisins d’Espagne et d’Italie, je n’aime pas qu’il la loue d’observer, plus que toute autre langue, le nombre et la cadence dans les périodes.
Tandis que, pleine d’images charmantes, de plaisanteries, se déroule l’amusante intrigue, sur la scène, l’orchestre, au lieu d’expliquer les profondes intimités psychologiques des personnages, dispose les spectateurs à être joyeux, doucement, tranquillement, comme il convient, pour qu’ils donnent intérêt à l’action générale. […] 5° Arthur Seidl : — À propos d’une représentation des Maîtres Chanteurs à Leipzig. — L’auteur, un jeune étudiant, et fondateur des associations wagnériennes universitaires de Munich et de Tübingen, décrit les impressions ressenties lors de cette représentation et établit une comparaison intéressante entre l’œuvre vivante du Maître et l’image inanimée que tracent les savants universitaires, de cette période si remplie de l’histoire allemande. […] Cette image inspirera le symbolisme et vient directement du romantisme allemand.
Mais il reste dans l’œuvre d’art, le contenu, une suite de descriptions, de paysages, de personnages, de scènes et de péripéties, de sujets et d’images, que l’artiste s’efforce de représenter le plus exactement et le plus persuasivement qu’il peut, de façon qu’on en accepte la réalité non par choix et par goût, mais parce qu’elle paraît s’imposer. […] Le détail et le groupement des spectacles qu’on lui présente doivent être tels qu’ils provoquent des images faiblement analogues à celles que donnerait la réalité et de nature à susciter comme celle-ci des sentiments d’aversion, de sympathie, d’excitation ; si ce charme ne s’opère pas, c’est que le livre est mauvais, mal fait, gâté à quelque endroit par quelque faute de composition qui ôtera l’illusion à tout le public, sans qu’une partie s’obstine à tenir pour ressemblant ce qu’une autre aura jugé faux. […] Si un art purement national n’a pu se développer ni à Rome, ni en France, malgré d’heureux débuts, ce fut chez les Latins et au XVIIe siècle, par suite d’une rupture d’équilibre entre les progrès trop lents de cet art et le raffinement trop prompt des classes supérieures, qui trouvèrent la littérature grecque ou les lettres classiques mieux adaptées à leur condition spirituelle ; ce fut au XVIIIe siècle et au nôtre, par un libre choix de nos artistes eux-mêmes, qui se jugèrent tout à coup constitués de telle sorte, que seules les littératures et la pensée septentrionales purent satisfaire leur goût, c’est-à-dire leur présenter l’image d’œuvres où leurs facultés pourraient exceller.
Il y en a, au contraire, au suprême degré, si on lui rend sa signification originelle : la capacité de manifester, d’évoquer des images, des souvenirs d’images. […] Mais quoi donc lui avait dans ces images suggéré son enchantement ? […] C’est à travers cette sensibilité sentimentale et ces images gravées, et les vieux Keepsakes de sa mère, qu’il aperçoit les êtres et les paysages. […] La plupart de leurs images en venaient — souvent par l’intermédiaire, du reste, de leurs souvenirs classiques. […] Voyez Jean Giraudoux : facettes, images provoquées par association, le second terme de l’association étant omis — comme dans les poèmes de Rimbaud.
La contemplation des objets, l’image s’envolant des rêveries suscitées par eux, sont le chant : les Parnassiens, eux, prennent la chose entièrement et la montrent : par là ils manquent de mystère ; ils retirent aux esprits cette joie délicieuse de croire qu’ils créent. […] Verlaine, chacun le sait, n’est pas très causeur ; c’est l’artiste de pur instinct qui sort ses opinions par boutades drues, en images concises, quelquefois d’une brutalité voulue, mais toujours tempérées par un éclair de bonté franche et de charmante bonhomie. […] À un point de vue plus restreint, il en serait de même des images qui sont les assises en quelque sorte madréporiques sur lesquelles s’élèvent les îles du symbole. Une image peut faire dévier ma pensée ; si cette image est exacte et douée d’une vie organique, elle obéit aux lois de l’Univers bien plus strictement que ma pensée ; et c’est pourquoi je suis convaincu qu’elle aura presque toujours raison contre ma pensée abstraite ; si je l’écoute, c’est l’univers et l’ordre éternel des choses qui pensent à ma place, et j’irai sans fatigue au-delà de moi-même ; si je lui résiste, on peut dire que je me débats contre Dieu… Le lendemain était dimanche. […] La langue, épuisée par trois cents ans d’usage classique, avait besoin d’être retrempée dans le lyrisme, il fallait refondre les moules à images, inventer de nouveaux panaches.
L’image complète n’est que chez nous ; c’est proprement ce que nous avons ajouté à l’héritage des anciens. […] Nisard et l’image qu’on se forme de lui. […] Il dira, en éveillant une image hideuse : « le chancre rongeur de Rome », ou une image dégoûtante : « D’Aubigny, archevêque de Rouen, excrément de séminaire ». […] Il tourbillonne ainsi sur lui-même, poussé dans un cercle d’images lugubres qui s’abattent sur sa tête comme autant de marteaux. […] La belle époque du siècle s’y mire, image sans défaut dans un miroir sans tache.