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416. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Il a ramassé dans les livres des médecins modernes qui s’occupent de folie, une nosographie dont il outrage, à travers les siècles, Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme s’il l’avait connu, pratiqué, ausculté dans son humanité pendant son passage ici-bas. […] Ils ont passé sous la lance implacable des chevaliers chrétiens, qui ont aimé Jésus-Christ comme il n’a jamais été aimé depuis eux, si ce n’est par des Saints, ces Exceptions du monde, ces Stylites, placés à distance les uns des autres dans ce « désert d’hommes » de l’humanité.

417. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Le panégyrique du roi est fondé sur les faits qui se sont passés depuis 1744 jusqu’en 1748 ; et cette époque, comme on sait, fut celle de nos victoires ; ce qu’il n’est pas inutile de remarquer, c’est que l’auteur se cacha pour louer son prince, comme l’envie se cache pour calomnier ; mais les grands peintres n’ont pas besoin de mettre leurs noms à leurs tableaux ; celui-ci fut reconnu à son coloris facile et brillant, à certains traits qui peignent les nations et les hommes, et surtout au caractère de philosophie et d’humanité répandu dans tout le cours de l’ouvrage. […] Ce livre, où les idées morales sont souvent profondes, où l’expression est quelquefois négligée, mais vigoureuse, où l’on voit partout une âme pleine d’humanité jointe à un caractère plein de force, peut à plusieurs égards être comparé à nos meilleurs livres de morale.

418. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Mais les René de 1802 avaient perdu cette naïve franchise du René de 1797 : ils cachaient cet amour replié sur soi-même sous des monceaux de phrases sentimentales, afin de faire accroire qu’ils déversaient leur cœur sur l’humanité et sur la nature toute entière. […] L’amour se proclamait alors la passion maîtresse, celle qui remplacerait toutes les autres et remplirait l’existence : mais cet amour était une passion d’un genre nouveau, que jamais auparavant l’humanité n’avait ressenti : la bourgeoisie révolutionnaire avait tout bouleversé, les lois, les mœurs et les passions. […] Jugeant l’humanité à l’aune capitaliste, ils s’écrient triomphalement : « L’homme est et restera toujours égoïste ; si vous lui retirez comme unique mobile de ses actions l’intérêt privé, vous détruisez la société, vous arrêtez le progrès et nous retournons à la barbarie. » L’âme humaine, ainsi que les autres phénomènes de la nature est, au contraire, en un perpétuel état de transformation, acquérant, développant, et perdant des vices et des vertus, des sentiments et des passions. […] La jalousie amoureuse que les romanciers et autres semblables psychologues, considèrent aussi inhérente à l’homme que la circulation du sang, n’est apparue dans l’humanité qu’avec la propriété collective familiale, pour se développer et s’exagérer avec la propriété privée : les femmes et les hommes des tribus communistes l’ignorent. […] Ce sont les contemporains qui fournissent à l’écrivain ses idées, ses personnages, sa langue et sa forme littéraire, et c’est parce qu’il tournoie dans le tourbillon des humains, subissant, ainsi qu’eux, les mêmes influences du milieu cosmique et du milieu social, que le poète peut comprendre et reproduire les passions de l’humanité, s’emparer des idées et de la langue courante et pétrir à son usage personnel la forme littéraire donnée par le frottement quotidien des hommes et des choses.

419. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Toutefois, il faut bien reconnaître, à l’honneur de l’humanité, que l’idéal social et l’idéal moral ne diffèrent pas essentiellement. […] Ces routes sont celles où l’humanité entière a passé avant moi. […] Le lent progrès de l’humanité vers une vie sociale de plus en plus pacifiée a consolidé cette couche peu à peu, comme la vie de notre planète elle-même a été un long effort pour recouvrir d’une pellicule solide et froide la masse ignée des métaux en ébullition. […] Il faut, par conséquent, que l’effet nous apparaisse tout au plus comme moyen, comme exprimant une moyenne d’humanité. […] Il trouverait qu’il s’est donné beaucoup de mal pour recomposer un mélange qu’on se procure tout fait et sans frais, aussi répandu dans l’humanité que l’air dans la nature.

420. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Faute de documents, l’histoire d’immenses périodes du passé de l’humanité est à jamais inconnaissable. […] Si l’humanité de jadis n’était pas semblable à l’humanité actuelle, on ne comprendrait rien aux documents. […] Ici l’histoire participe du vague de toutes les sciences de l’humanité, psychologiques ou sociales. […] Il n’y a eu qu’une seule évolution de la terre, de la vie animale, de l’humanité. […] Il est une application du principe fondamental de l’histoire, l’analogie de l’humanité présente avec l’humanité passée.

421. (1890) Nouvelles questions de critique

Dans des lois que l’on ne saurait jamais regarder comme immuables, puisqu’elles ne sont point descendues du ciel, sa mission ou sa raison d’être est d’introduire plus de clarté, plus de justice, plus d’humanité. […] Il est trop évident qu’elle fait sa matière des intérêts les plus généraux et les plus durables de l’humanité, de ceux qui ne passent point avec les générations, ou qui survivent aux nations elles-mêmes. […] Le siècle est grand, dès qu’ils sont deux ou trois ; et quand ils sont une demi-douzaine, le siècle fait époque dans l’histoire de l’humanité. […] Ceux qui ne reconnaissent pas, qui ne retrouvent pas leur humanité dans le Néron de Racine, comment la retrouveraient-ils dans le Caligula de Dumas ? […] À cette humanité, qui leur paraît inférieure, ils font porter la peine du dédain qu’elle leur inspire.

422. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 490-491

La Philosophie, qui se vante si hautement d’être la dépositaire des vraies lumieres, auroit dû rejeter un systême si faux en lui-même, & si propre à dégrader l’humanité.

423. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

Pourtant, il s’applique à une matière à laquelle les hommes, plus qu’à aucune autre, se croient tenus d’imprimer eux-mêmes une forme : on y traite de l’évolution dans l’humanité, c’est-à-dire des modes du changement dans cette partie du spectacle phénoménal où le fait de la conscience semblé attribuer à l’être qui subit le changement, avec le pouvoir de le causer, le devoir de le diriger.

424. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

L’humanité est satisfaite, pourvu qu’après la bataille le pouvoir vainqueur se montre généreux et traite les rebelles, non comme des coupables, mais comme des vaincus. […] Il était supérieur en un sens à la majorité du Pays ; il aimait le bien ; il avait un goût réel peu éclairé sans doute, cependant, de la noble culture de l’humanité. […] L’Angleterre pratique ce genre de colonisation dans l’Inde, au grand avantage de l’Inde, de l’humanité en général, et à son propre avantage. […] Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération, des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. […] Le jour où l’humanité deviendrait un grand empire romain pacifie et n’ayant plus d’ennemis extérieurs serait le jour où la moralité et l’intelligence courraient les plus grands dangers.

425. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre V. Sculpture. »

Il faut également éviter de représenter des cadavres136 (quel que soit d’ailleurs le mérite de l’exécution), ou l’humanité succombant sous de longues infirmités137.

426. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIV » pp. 95-96

Théodore Burette avait écrit à Eugène Sue une lettre, reproduire en tête de la seconde édition des Mystères de Paris, dans laquelle il disait : « Toutes ces atrocités, toutes ces misères, dont vous vous êtes fait l’historien-poëte, ont frappé nos législateurs ; et si Jean-Jacques Rousseau a mis en baisse le lait des nourrices, vous mettrez en hausse les lois les plus simples de la justice et de l’humanité… Si l’on crée des charges d’avocat du pauvre, à bon droit vous devez être bâtonnier. » — La Démocratie pacifique ajoutait à cette lettre en la reproduisant : « Nous voyons avec plaisir un professeur de l’Université prendre honorablement la défense du livre de M.

427. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Joncières, Léonce de »

À la vieille terre d’Égypte, toujours mystérieuse au seuil des civilisations, nourricière des races spiritualistes invinciblement, gardienne des religions et des traditions augustes, il a emprunté le décor de ces courts poèmes et aussi la mélancolie qui, des grands yeux de pierre des Sphynx, se répand encore sur l’humanité comme l’ombre du plus beau rêve que l’homme ait conçu.

428. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 334-336

Quiconque voudra éprouver les impressions touchantes qui résultent de l’heureux accord de la Religion & de l’humanité, des talens & des vertus, n’a qu’à lire les Ouvrages de ce saint Prélat.

429. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 89-91

Le Monarque conçut dès lors la plus grande estime pour ce Jésuite, qui ne professoit encore que les Humanités.

430. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Que de tableaux à tracer depuis le pasteur du hameau, jusqu’au pontife qui ceint la triple couronne pastorale ; depuis le curé de ville, jusqu’à l’anachorète du rocher ; depuis le Chartreux et le Trappiste, jusqu’au docte Bénédictin ; depuis le missionnaire et cette foule de religieux consacrés aux maux de l’humanité, jusqu’au prophète de l’antique Sion !

431. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Dans tous les cas, les passages où Jésus affirme qu’il est la seconde personne de la Trinité et qu’il rachète les péchés de l’humanité forment la partie la plus minime et la moins claire de l’Évangile. […] Vivons la vie de Tous, devenons l’Humanité : cette règle Wagnérienne explique, seule, les cinq prétextes moraux que donne Tolstoï aux curieux de la joie. […] Il se saura une partie de l’existence infinie, éternelle, de l’Impérissable Vie, une partie inséparable du Tout, un organe insignifiant de l’Humanité Vivante. […] Il nous invite à livrer nos corps, à nous faire les serviteurs de l’Humanité : il n’exige pas le dévouement des âmes. […] À l’Humanité livrons nos mains ; asservissons nos membres au travail régulier, restituons à la Machine que nous créons ce rouage nécessaire.

432. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Et n’y aurait-il pas pour l’humanité une autre vie possible, en dehors de cette éternelle soumission d’esprit et de corps à une poignée de prévaricateurs, forts d’insolence et d’hypocrisie ? […] Que trouve-t-il à répondre aux arguments de droit et d’humanité, présentés par son contradicteur Jurieu ? […] S’il avait eu le moindre souci d’humanité ou même de sa propre dignité, son devoir n’était-il pas de s’opposer à ce qu’on fit le plus léger tort aux Réformés, de faire en sorte qu’on laissât agir sur eux la puissance du livre, du prêche, de la controverse ? […] Mais, que dis-je, tant qu’il existera des historiens assez aveugles ou d’assez mauvaise foi pour qualifier, par exemple, l’institution de la caisse des conversions de Pellisson, cet ignoble et grotesque achat des consciences pour un peu d’or, de « mesure d’humanité », comment pourrait-on exiger que la vérité se fit enfin jour ? […] Situés du côté du droit et de la justice, ils sont orientés vers l’humanité future.

433. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Tout était très particulier chez lui et le séparait du commun de l’humanité. […] Sainte-Beuve quelques passages d’une correspondance peu connue de M. de Talleyrand avec la duchesse de Courlande, un entre autres où M. de Talleyrand se montre défendant la cause de l’humanité, pendant qu’on bataillait sur le territoire français, en mars 1814. — Voici ce passage, que je copie d’après l’obligeante communication que M.  […] — L’armée française venait de remporter une victoire à Reims : « Il faut s’en réjouir, écrivait M. de Talleyrand à la duchesse de Courlande (15 mars 1814), si c’est un acheminement à la paix ; sans cela, c’est encore du monde de tué, et la pauvre humanité se détruit chaque jour avec un acharnement épouvantable. » Ces mots d’apitoiement sur la pauvre humanité, dans la bouche de Talleyrand, ont étonné M. 

434. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Quand la sublime illusion cesse, quand l’amour a revolé aux cieux, tout le monde d’alentour reparaît, dans une ombre d’abord, mais bientôt tout s’éclaire comme d’une aube croissante ; l’humanité reprend sa place dans l’univers. […] Mais ce genre de sentiments exceptionnels dans le christianisme et dans l’humanité sent déjà la secte. […] Dans son dernier recueil, Wordsworth, comme Lamartine, se montre accessible aux progrès futurs de l’humanité ; et, à son âge, et poëte comme il l’est de la poésie des bois, des lacs, de la poésie volontiers solitaire, son mérite d’acceptation est grand. […] Il y a de la douleur toujours (car l’homme la traîne partout), mais moins de vices ; et, tandis qu’en bas, dans les foules, nos pas se heurtent, tournent souvent sur eux-mêmes, et finalement se découragent, de loin, d’en haut, aux yeux du pasteur et du poëte, s’aperçoit mieux peut-être la marche constante de l’humanité sous le Seigneur.

435. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

C’est en appliquant les règles du bon sens à l’examen des travaux de l’esprit que nous acquérons pour nous-mêmes cette haute raison qui est le plus noble apanage de l’humanité. […] S’il fut malheureux, persécuté, trahi, ne nous étonnons point de l’entendre accuser l’humanité, la calomnier même : le son qui s’échappe d’un instrument brisé ressemble plutôt à un gémissement qu’à une harmonie. […] Nous voyons un triomphe pour nous dans leurs travers, dans leurs ridicules, dans leur misère même ; et l’impuissance où nous sommes de nous élever jusqu’à eux par le génie, fait que nous prenons un malin plaisir à les voir s’abaisser jusqu’à nous par les misères de l’humanité. […] Le goût, c’est la sanction des âges, c’est l’arrêt de l’humanité.

436. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Serait-ce parce que leur gloire n’est pas rouge du sang d’autrui, parce qu’au lieu de coûter des larmes à l’humanité elle rayonne, sur elle en bienfaisante lumière ? […] Mais, sans compter que les vivants ne sauraient être condamnés à copier et recopier sans cesse les tableaux de leurs devanciers, est-il bien sûr que ce roman de l’humanité commençante vaille la réalité, telle que la préhistoire la démêle peu à peu dans l’obscurité d’un passé aux trois quarts effacé ? […] Sans doute c’est à condition que le poète soit poète ; qu’il sache transformer des idées en émotions ; qu’il ne rime pas des formules techniques, mais les sentiments éprouvés par une âme enthousiaste ; qu’il ne se pique pas d’enseigner, mais qu’il travaille à suggérer des impressions  ; qu’il s’appuie sur les données fournies par les savants, mais pour s’élancer jusqu’à des élévations qui les dépassent ; qu’il soit en un mot capable de comprendre et d’appliquer ce précepte d’André Chénier : L’art ne fait que des vers ; le cœur seul est poète ; ou, mieux encore, qu’il se conforme à cette définition de l’art proposée par Tolstoï124 : « C’est un organe vital de l’humanité, qui transporte dans le domaine du sentiment les conceptions de la raison. » Ces conditions marquent une fois de plus la limite que la science ne peut franchir dans son alliance avec la littérature sans lui faire tort. […] Molière, par exemple, se moque des précieuses qui font profession de mépriser en l’humanité la partie animale Dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale.

437. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

la voici : quand nous l’avons écrit, nous n’avions pas encore la vision directe de l’humanité, la vision sans souvenirs et réminiscences aucunes d’une humanité apprise dans les livres. […] Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les Reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce vaste et large nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. […] Car seuls, disons-le bien haut, les documents humains font les bons livres : les livres où il y a de la vraie humanité sur ses jambes.

438. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

A d’autres égards, ils ont, d’abord un caractère plus décent, et ensuite ils ont un caractère plus « humain », comme nous aimons à dire de nos jours, c’est-à-dire qu’ils s’intéressent davantage à l’humanité proprement dite, qu’ils la représentent au naturel beaucoup mieux que les contes proprement dits, et qu’en même temps ils l’enseignent et la renseignent, et lui donnent des leçons qui sont souvent très considérables, très dignes d’attention. […] parce qu’ils considèrent l’humanité elle-même directement et non pas parce détour et par ce faux-fuyant qui consistent à la représenter sous des figures d’animaux ; ils sont, en quelque sorte, ramenés à une certaine ligne normale, non pas sans doute, encore une fois, à une ligne de moralité, mais cependant d’études sérieuses, sensées, et jusqu’à un certain point assez hautes. C’est ainsi, par exemple  il faut vous rappeler tout au moins quelques-uns de ces contes  c’est ainsi, par exemple, que la Poule aux Œufs d’or, le Trésor et les deux Hommes, les Femmes et le Secret, l’Astrologue, l’Ours et les deux Compagnons, le Vieillard et les trois Jeunes Hommes, le Jardinier et son Seigneur, la Jeune Veuve, la Fille, sont de petites nouvelles presque toujours imitées d’anciens conteurs, mais relevées par une certaine manière de considérer l’humanité avec malice, avec indulgence et avec un certain souci de la rendre, je ne dis pas meilleure, encore une fois, le mot ne conviendrait pas, mais plus sage, plus sensée et même plus juste. […] Là on voit précisément l’homme qui fait, du voyage, une enquête sur l’humanité ; il se trompe quelquefois, quelquefois il a des réflexions, des idées générales qui ne sont pas du tout de mon goût, mais enfin il étudie les hommes.

439. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — I »

Mais le fait que la vie phénoménale persiste, l’ardeur dont témoigne l’humanité à la conserver et à la perfectionner interdisent de reconnaître la valeur d’une loi générale au vœu de cette sensibilité épuisée qui, pensant abolir la vie, n’abolit avec elle-même, dans l’effort de renoncement où elle se rétracte, qu’une maladie de la vie !

440. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il a écrit en français un petit traité intitulé Méthode pour commencer les humanités grecques et latines, qui est le résumé de son expérience et qu’il faut mettre à côté des écrits de Messieurs de Port-Royal en ce genre. On a dit que tous ceux qui se mêlent d’enseigner les humanités devraient savoir ce livret par cœur, et je serais de cet avis si j’avais à en exprimer un en de telles matières. […] Je sais bien que je ne dois pas exiger qu’on ait pour moi la même complaisance qu’on a eue pour de grands hommes, anciens et modernes, qui, dans la même situation où je me trouve, se sont plaints de leur malheur ; mais j’espère que l’humanité seule portera le public à ne pas refuser à ma faiblesse ce qu’on a accordé à leur mérite : jamais on ne s’est plaint dans une plus juste occasion.

441. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Nous pouvons aujourd’hui, à la faveur de la publication nouvelle, et en nous aidant aussi de celle de Genève, parler à notre tour, et en toute familiarité, de ce personnage excellent, de cet écrivain savant et utile, d’un ami de la France et de l’humanité. […] En 1830, la révolution qui nous affranchit d’un régime rétrograde l’exalte et le transporte comme un jeune homme : « La France, s’écrie-t-il, a relevé l’humanité à mes yeux. » Il croit voir s’ouvrir une ère nouvelle ; et les mécomptes du lendemain aussi, il les ressent presque comme l’un des nôtres. S’il croit apercevoir chez nous, vers la fin de sa vie (1842), corruption et décadence, il s’en attriste ; il a beau être redevenu Genevois ou cosmopolite, la France, à ses yeux, est comme le cœur de l’humanité.

442. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Mais il fut et il parut, dans toutes ces charges et conditions de rencontre et de circonstance, avec les qualités de bon sens, de modération et d’humanité qu’on lui connaît, avec un excellent esprit et un zèle qui, dans ses intermittences, avait des accès assez vifs, bien que ne se soutenant pas. […] Et de même que, conseiller au Parlement de Bordeaux, il faisait toutes les remarques que le bon sens et l’humanité pouvaient suggérer à un aussi excellent et aussi libre esprit, témoin des chicanes, des procédures sans fin, des misères et des horreurs, des géhennes et des tourments, mais sans s’attacher toutefois à une réforme, sans la prendre à cœur et s’y vouer par zèle pour l’humanité et la justice, comme il appartenait à l’âme d’un L’Hôpital ; de même, en qualité de maire et de chef d’une cité, il n’avait rien d’un Eustache de Saint-Pierre, ou d’un Guiton, maire de la Rochelle, de ceux qui se sacrifient et s’immolent volontiers pour un peuple ou pour une cause.

443. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse dans l’impression des choses terrestres l’humanité. […] qui est-ce qui a enseigné ou imposé à l’humanité qu’il fallait parler ces choses et chanter en vers celles-là ? […] Ce que les femmes de Calabre disaient ainsi de leur ange gardien, l’humanité peut le dire de la poésie.

444. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Ernest Lavisse) « le sincère sentiment démocratique, la générosité d’instincts, la foi aux idées, le patriotisme idéaliste qui étaient en lui-même, et le même amour philosophique de l’humanité ». […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ». […] Il croyait que le travail, la domination sur soi, la sincérité, la justice, le dévouement à la famille, à la patrie, à l’humanité, sont des devoirs dont la base est assez éprouvée pour que nous y donnions notre vie sans crainte de nous tromper trop grossièrement et pour que nos scepticismes et nos ironies ne soient plus qu’exercices de luxe et d’agrément passager.

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