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1933. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Les voyelles se doivent assimiler aux timbres : l’instrument de la voix humaine étant une anche à note variable complétée par un résonnateur à résonnance variable, que sont le palais, les lèvres, les dents, etc… La musique, certes, est le mode d’expression le plus multiple ; mais si elle décrit et suggère, elle ne peut définir. […] Or, que l’on n’aille pas parler de poésie imitative, cette invention facile et inutile ; puisque, nous l’avons vu, la voix humaine est scientifiquement un instrument à note variable, avec ses harmoniques par quoi sont tirés de naturels et immatériels timbres : timbres naturels dont, au contraire, ceux des matériels instruments ne sont qu’une exagération et un grossissement.

1934. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

L’esprit humain ne connaît donc pas seulement des phénomènes, il connaît son propre être : il plonge dans l’être, il en a conscience. […] C’est ce que l’intuition ne nous apprend pas, c’est ce qu’aucun témoignage humain ne peut nous révéler, c’est ce que nulle seconde vue ne peut pénétrer.

1935. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Pourquoi ne veux-tu pas t’asseoir aussi parmi les précepteurs du genre humain, les consolateurs des maux de la vie, les vengeurs du crime, les rémunérateurs de la vertu ? […] Homere est-il moins grand poète, lorsqu’il range des grenouilles en bataille sur les bords d’une mare, que lorsqu’il ensanglante les flots du Simoïs et du Xanthe, et qu’il engorge le lit des deux fleuves de cadavres humains ?

1936. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Un tel fouillis, dans lequel la nature humaine disparaît sous l’artifice et les chinoiseries et les dépravations d’une civilisation dégoûtée, qui ne sait que faire pour se ragoûter, est un défaut qui peut devenir grave, même dans un écrivain léger. […] Gustave Droz, l’auteur d’Autour d’une source, a vu dans les derniers faits miraculeux qui ont réjoui les cœurs catholiques et que des plumes catholiques ont attestés, un prétexte, non pas à discussion, mais à roman, et il a fait le sien, d’un point de vue humain qui pourrait très bien être… Il a supposé que l’ardente Spéculation moderne, qui met ses mains avides sur tout, pouvait se servir d’un miracle, ou plutôt du mirage d’un miracle, pour faire ses affaires impudemment, malhonnêtement, abominablement, et il a construit un récit dans ce sens qui pourrait être vrai, qui ne l’est pas encore dans l’histoire de nos mœurs, mais qui pourrait l’être, et en construisant ce récit — rendons-lui cette justice ! 

1937. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Pour fixer les idées, nous formulerons la thèse ainsi : « Un état cérébral étant posé, un état psychologique déterminé s’ensuit. » Ou encore : « Une intelligence surhumaine, qui assisterait au chassé-croisé des atomes dont le cerveau humain est fait et qui aurait la clef de la psychophysiologie, pourrait lire, dans un cerveau qui travaille, tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. » Ou enfin : « La conscience ne dit rien de plus que ce qui se fait dans le cerveau ; elle l’exprime seulement dans une autre langue. » Sur les origines toutes métaphysiques de cette thèse il n’y a d’ailleurs pas de doute possible. […] À ceux qui contesteraient la généralité de nos deux définitions, nous demanderions de ne voir dans les mots réalisme et idéalisme que des termes conventionnels par lesquels nous désignerons, au cours de la présente étude, deux notations du réel, dont l’une implique la possibilité et l’autre l’impossibilité d’identifier les choses avec la représentation, étalée et articulée dans l’espace, qu’elles offrent à une conscience humaine.

1938. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Comme toutes les productions humaines, les systèmes philosophiques ont leur cause, et ne s’expliquent que par leur milieu. […] Voici une page écrite sans légèreté et sans emphase, noble ; mesurée, et pourtant pressante, d’un style ample et grave, sans rien de monotone ou d’académique, qui semble du dix-septième siècle et qui n’est point une copie, qu’on peut relire dix fois, et qu’on trouvera toujours plus belle, et qui, certainement, donne une idée de la perfection : Depuis les premiers jours des sociétés humaines jusqu’à la venue de Jésus-Christ, tandis que dans un coin du monde une race privilégiée gardait le dépôt de la doctrine révélée, qui, je vous prie, a enseigné aux hommes, sous l’empire de religions extravagantes et de cultes souvent monstrueux, qui leur a enseigné qu’ils possèdent une âme, et une âme libre, capable de faire le mal, mais capable aussi de faire le bien ?

1939. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Cette poésie qui plus tard a parcouru tant de climats, a réfléchi tant d’horizons divers, s’est colorée de tant de feux et nourrie de tant d’instincts profonds du cœur, est, avant tout, une poésie du Nord, éprise avec passion des beautés naturelles, et, sous son ciel natal, ni rassasiée de leurs douceurs, ni trop éblouie et comme fatiguée de leur éclat, mais s’élevant avec joie du monde visible vers l’infini, curieuse surtout de l’âme humaine, et tout à la fois contemplative et violente. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.

1940. (1925) Proses datées

Elle débutait d’ordinaire, de la part de Leconte de Lisle, par des lamentations mi-sérieuses et mi-plaisantes sur son âge et ses infirmités, sur la stupidité humaine et la bassesse de l’époque. […] Je n’ai jamais vu Victor Hugo en sa réalité humaine. […] L’élaboration d’une œuvre comme la Comédie humaine eût demandé, pour être menée à bien, un loisir débarrassé de tous soucis matériels. […] N’était-il pas jusqu’à ce « Démon de la perversité » dont Poe avait signalé la présence dans le cœur de l’homme et à qui Baudelaire attribuait également une occulte puissance sur les actions humaines. […] Ils n’ont plus qu’une valeur humaine.

1941. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Alors, lui : — Oui, j’ai vu les hommes à nu ; j’ai touché le fond de l’ingratitude humaine.

1942. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Conduit par les hommes d’extase, Le genre humain marche en avant.

1943. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Les Grecs, quoique les premiers modeles de Corneille, n’ont jamais développé avec autant de force & de hardiesse les grands mouvemens dont l’ame humaine est susceptible.

1944. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

La plus grande partie de ses Ouvrages annonce un esprit cultivé, solide, un Ecrivain consommé dans la connoissance du monde & du cœur humain.

1945. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Je connais la sottise humaine et je ne doute pas que l’on ne continue encore, après cela, à vouloir faire d’Hégésippe Moreau un martyr et confesseur politique.

1946. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

« Toutefois, il avait soixante-trois manières d’en trouver tousjours à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune étoit par façon de larrecin furtivement faict ; malfaisant, pipeur, buveur, batteur de pavez, ribleur s’il en étoit à Paris ; au demeurant le meilleur fils du monde et toujours machinoit quelque chose contre les sergeants et contre le guet. » Et après ce portrait sommaire, viennent à la débandade, les mille aventures drolatiques où ce véritable héros de Rabelais se dessine à gros traits, menant à Paris le train bouffon de l’écolier de l’époque, puis partant pour les pays de la fable contre le roi des Dipsodes, puis s’embarrassant dans cette épineuse question du mariage, et parcourant pour s’amuser dans son dessein tout l’archipel d’îles peuplées à souhait des innombrables êtres allégoriques dont Rabelais tenait à rire ; en somme la plus durable et la plus humaine des caricatures énormes qui s’étalent dans le bréviaire des « beuveurs très illustres et et vérolez très prétieux ».

1947. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Il osa s’élever contre le goût de son siècle, & se brouiller avec la plus belle moitié du genre humain.

1948. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

, parle de deux colonnes, l’une de brique et l’autre de pierre, sur lesquelles les enfants de Seth avaient gravé les sciences humaines, afin qu’elles ne périssent point au déluge qui avait été prédit par Adam.

1949. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Ses romans, qui n’attestent ni profondes études sur la nature humaine ni intuitions nouvelles sur les passions ou les caractères, défient l’analyse et la désespèrent.

1950. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Il faut avouer que cette espèce de maladie épidémique est bien honteuse pour l’esprit humain ; on serait tenté d’en rire, s’il n’était plus naturel encore de s’en indigner.

1951. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

La raison doit en être que l’esprit humain, infini de sa nature, étant resserré dans la grossièreté de ses sens, ne peut exercer ses facultés presque divines qu’en étendant les idées particulières par l’imagination.

1952. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Dans ces initiations successives, il se dépouille de son aubier, agrandit l’horizon de sa vie, et finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société. […] Combien de fois n’ai-je pas laissé continuer une discussion que je pouvais finir, combien de fois ne me suis-je pas fait injustement gronder pour écouter ces concerts de voix humaine, pour aspirer l’air qui sortait de sa lèvre chargée de son âme, pour étreindre cette lumière parlée avec l’ardeur que j’aurais mise à serrer la comtesse sur mon sein ! […] Mais après avoir effleuré le frais jasmin de sa peau et bu le lait de cette coupe pleine d’amour, j’avais dans l’âme le goût et l’espérance de voluptés humaines ; je voulais vivre et attendre l’heure du plaisir comme le sauvage épie l’heure de la vengeance ; je voulais me suspendre aux arbres, ramper dans les vignes, me tapir dans l’herbe ; je voulais avoir pour complices le silence de la nuit, la lassitude de la vie, la chaleur du soleil, afin d’achever la pomme délicieuse où j’avais déjà mordu. […] Il écrivit le chapitre le plus vaste, le plus divers et le plus véridique de sa Comédie humaine, les Parents pauvres. […] Parcourez ces cent volumes de ses œuvres jetés avec profusion de sa main jamais lasse, et concluez avec moi qu’un seul homme en France était capable d’exécuter ce qu’il avait conçu, la Comédie humaine, ce poème épique de la vérité !

1953. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Ses fables ne sont-elles pas toute la vie humaine mise en scène ? […] Ils contiennent tout l’art, tout l’idéal, toute la vérité humaine. […] Il mourut méprisé de tout ce qui le connut et, s’il le faut dire au décri de la nature humaine, plus craint encore que méprisé. […] Mais, je le sais, j’en suis sûr, nous en avons l’assurance, ce jour nous surprendra, nous étonnera et viendra confondre la folie humaine assoupie dans son indifférence, endormie dans sa volupté, engourdie dans l’oubli de Dieu. […] On nous décrit un fils qui meurt en songeant à sa mère, un fiancé qui ne reverra plus sa fiancée ; on nous dit que le canon gronde ; on nous représente la mêlée humaine, les hommes fauchés, etc.

1954. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Il y a une grande ironie, une ironie divine, qui semble se plaire à faire mentir les programmes humains. […] Quel renversement de toute prévision humaine ! […] Tout, dans ces jours, semble arriver à plaisir pour montrer le néant de l’expérience humaine. […] Vraiment, la cervelle humaine est dans ce moment détraquée, comme le reste. […] En sorte que l’Octave de la fiction a vraiment fait, comme dans une matrice humaine, des tas de petits Octaves, en chair et en os.

1955. (1893) Alfred de Musset

Il célèbre ensuite les relations de l’âme humaine avec l’infini, dans des strophes d’une grande élévation. […] Quels mystères profonds dans l’humaine misère ! […] Il croit à la vertu, au progrès, à la grandeur humaine, au pouvoir magique des mots. […] J’en ai assez d’entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis, et qui il est. […] Il travaillait sur « documents humains » et racontait des « choses vécues », à la façon de nos romanciers naturalistes ; seulement, il ne regardait pas avec les mêmes yeux.

1956. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Mais le cours des destinées humaines est tel, et l’ironie des événements, l’indifférence du sort est si parfaite en soi et si profonde que, de cette révolution essentiellement mauvaise dans son principe, est sorti, après quelque temps, un nouvel état de choses paisible, animé et assez reflorissant pour qu’à dix-sept ans de distance, et en nous relisant aujourd’hui, cet excès de plaintes nous étonne un peu nous-même et amène sur nos lèvres un triste sourire (1864).

1957. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Ce malaise universel, symptôme de révolution, qui n’échappait pas aux yeux même les moins clairvoyants, est remarquable ; l’aveuglement imperturbable de Louis XV et de la cour ne l’est pas moins, et pourtant s’explique par la nature humaine.

1958. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Le goût manqua donc à leur langage en même temps et par la même raison que la moralité à leurs actes, et, comme ils furent humains sans vertu, ils furent vrais avec emphase.

1959. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

et ne serait-il pas plus conforme à notre sagesse humaine, comme le ciel nous l’a faite, de dire que tout cela nuit à la Grèce et la tue, que ces puissants, qui, d’un mot pouvant la sauver, la regardent mourir, la tuent, et que nos vaisseaux, nos munitions, nos instructions et nos renégats la tuent encore davantage ?

1960. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Il me semble qu’on n’en est guère là, et l’on aurait chance bien plutôt de peindre avec vérité un homme résolu à tout, déterminé à faire fortune, à se conquérir un nom, un état, une influence, une considération presque, ou du moins tout ce qui en tient lieu socialement et la représente, et cela en envoyant promener sa conscience et même le respect humain, mais en osant, en voulant fortement, en s’imposant.

1961. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

En France comme ailleurs, il semble que l’esprit humain subisse une éclipse.

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