Mais celle-ci est fort inférieure à l’autre. […] C’est un fort mauvais présent que Pilpai a fait à La Fontaine. […] Un mari fort amoureux… Je dirais volontiers, sur cette fable, ce que disait un mathématicien, après avoir lu l’Iphigénie de Racine : Qu’est-ce que cela prouve ?
Il a publié deux Études assez courtes, mais très substantielles, qu’il a dû détacher de son volume sur la littérature de l’Angleterre actuelle, et ces deux Études, dont l’une traite de l’Idéalisme et l’autre du Positivisme anglais contemporains, méritent vraiment de la Critique le coup d’œil à part, qu’à part elles sollicitent… En effet, elles font connaître mieux que des tendances d’esprit générales, mais deux individualités fort curieuses et fort intéressantes, dont la renommée, qui n’est pas encore de la gloire, commence de s’importer chez nous… L’une de ces deux individualités intellectuelles n’est rien moins que Thomas Carlyle, l’intraduisible Carlyle, comme disent ces fats d’Anglais, lesquels croient leurs grands esprits inabordables comme leur île, mais à qui M. […] Le talent est plus fort que les idées fausses chez les hommes de talent.
Joseph de Maistre et Fréron, c’étaient gens de même race, de même religion, de mêmes principes ; mais Janin, le Janin des Débats, qui fut d’abord le petit Janin et puis après le gros Janin, ce gros petit Janin qui roulait le cerceau de sa fantaisie dans tous les chemins en spirale d’un feuilleton sans direction, — mais qui parfois rencontrait le bon sens, — et que ce fût précisément celui-là qui, comme le rat rongeant le filet du lion, se portât fort, pour Fréron contre cet énorme démon de Voltaire, c’était vraiment là de l’inattendu et du frappant ! […] Mais ces divers passages, qui donnent une idée fort nette du genre d’esprit de Fréron, de sa manière de penser et d’exprimer sa pensée ; ne donnent pas du tout la manière personnelle du critique… Le penseur y est. […] Son style, très mâle, a la clarté comme il a le muscle et la carrure, et avec — çà et là — de grandes images qui couvrent toujours quelques forts aperçus.
La vieille drôlesse est bien forte encore, malgré les dix-neuf cents ans de Christianisme qu’elle a sur la gorge et dont elle aurait dû mourir. […] « Ce que je ne ferais pas aujourd’hui, — ajoute encore Grenier, — c’est de si fort réprouver les rhéteurs grecs. […] il faut que l’esprit de corporation soit bien fort pour exiger de pareilles choses d’une intelligence si ferme et si lucide, et qui se paie si peu de préjugés.
Il y a dans cette idée de faire une question de ce qui n’est pas une question, pour se croire le droit d’ajouter : « C’est moi qui ai découvert l’Alceste de Molière, jusqu’à moi ignoré », un genre de vanité encore plus persuasive que Cousin… Et il n’y a pas non plus que cette vanité d’être fort en explication de logogriphes comme on fut peut-être fort en thèmes ; il n’y a pas que la petite spéculation de piquer un nom obscur, comme un papillon de nuit, sur le mollet d’un grand homme : il y a plus grave que cela et pis que cela ! […] Ce n’est pas lui qui, d’une France anarchique, brutale, corrompue, avide, n’ayant, au sortir de la Fronde, comme il le dit, qu’une pistole d’Espagne à la place du cœur, a fait une France monarchique et forte, qui se reprend à sa tradition, à l’obéissance, à l’honneur, et à l’amour — revenus enfin à travers le Roi !
Sans doute, étant ce que nous sommes, nous portons tous (et même les plus forts) quelque lambeau saignant de notre cœur dans nos œuvres, et le poète des Fleurs du mal est soumis à cette loi comme chacun de nous. […] Cela est plus fort que nous ! […] Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité.
Comme Godwin, ce fort romancier anglais qui le premier eut l’audace de faire un livre où l’intérêt n’est plus l’amour, Ferdinand Fabre s’est adressé à d’autres passions que celle de la femme, et il a prouvé que, démêlées par une griffe de moraliste qui sait les carder, elles sont d’un intérêt, pour qui les comprend, tout aussi intense que la banale passion de la femme, qui est au niveau de toutes les âmes, même les plus basses… C’est l’ambition aussi — comme l’auteur du Caleb William — que Fabre a mise en scène dans son nouveau roman ; mais c’est l’ambition spécialisée dans un prêtre, c’est-à-dire la plus profonde, la plus terrible et la plus grandiose des ambitions ! […] Mais Balzac ne nous a cependant donné que des profils de prêtres, ou des trois quarts superbes ; car Véronique, dans Le Curé de campagne, est plus forte que le curé, et elle absorbe et garde tout de l’imagination émue. […] L’esprit moderne nous rabougrit donc tous, pour que les forts, les bien portants, les bien organisés, aient de ces faiblesses ?
Catulle Mendès est certainement un des plus forts en imagination et en audace. […] Il est de cette race disproportionnée dans laquelle la nature de l’homme disparaît pour faire place au rêve d’un poète qui, même dans ses autres œuvres plus fortes, plus mûres et plus finies, a toujours caressé l’affreuse chimère du monstrueux. […] , ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort.
Aujourd’hui qu’il n’est plus et que la popularité de l’auteur du Juif errant est fort diminuée, lui fabriquera-t-on une gloire de meilleur aloi et de plus de résistance ? […] Organisé pour la vie matérielle, sensualiste bruyant et ardent qui se souciait fort peu des choses de la pensée, quoiqu’il en parle dans ses livres, surtout dans les derniers, M. […] Il n’était pas grand, il n’était que gros ; et lors même qu’il aurait été développé par les études fortes et sévères, il n’aurait jamais donné à M.
Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque. […] Il ne fait donc point de ces portraits brillants dont Salluste le premier donna des modèles, et que le cardinal de Retz, par ses mémoires, mit si fort à la mode parmi nous ; il fait mieux, il peint en action ; on croit voir tous ses grands hommes agir et converser ; toutes ses figures sont vraies et ont les proportions exactes de la nature ; quelques personnes prétendent que c’est dans ce genre qu’on devrait écrire tous les éloges : on éblouirait peut-être moins, disent-elles, mais on satisferait plus ; et il faut savoir quelquefois renoncer à l’admiration pour l’estime. […] Il attaqua comme La Bruyère les vices et les ridicules de son temps ; mais moins fort et moins ardent que lui, ayant plutôt cette fleur d’esprit qu’eut dans la suite Fontenelle, avec plus de hardiesse et de saillie dans le caractère, il mêla partout la philosophie à la légèreté, et la satire à la grâce.
Elle était alors dans tout l’éclat de sa réputation, et ses interminables romans au plus fort de leur vogue. […] Elle était fort des amies du savant Huet. […] Soyez sûr que Voltaire ici n’a rien retrouvé de ce qui le choquait si fort dans le sermon de Bourdaloue. […] Que si maintenant quelques traits paraissaient un peu forts, on peut citer plus fort encore. […] Mais on y rencontre de fort jolies choses, de fines distinctions, des comparaisons ingénieuses.
Cette doctrine tenait si fort au cœur de M. […] Les pages fortes y abondent. […] Elle vous avait marqué, à votre insu, de sa forte empreinte. […] Il est si avare qu’il ne porte que des chemises de forte toile commune… « C’est pour mes rhumatismes », dit-il. […] Elle est héroïque et simple, cette fidélité, avec des touches d’une poésie forte et virile.
Il se rue dans la bassesse avec cette allégresse spéciale aux forts entre les forts, aux créateurs infatigables. […] C’est là qu’est leur château : pays savoureux, de forte empreinte. […] Quiconque crie trop fort est suspect et discrédite l’indignation. […] Il est moins riche en couleurs que d’un dessin fort curieux. […] Et il est très fort, M.
Cousin n’était pour rien dans l’échec de Taine, mais il s’en montra fort mécontent. […] La religion reçue ainsi, sans intermédiaire humain, fut très forte en moi. […] C’est leur accord, leur harmonie, leur amour qui est la base de toute forte éducation. […] Il est évident que, de fort longtemps, nous devons nous abstraire de la politique. […] Deux autres institutions fort puissantes agissent dans le même sens, la garde nationale et l’armée.
Né à Paris sur la paroisse de Saint-Gervais, le 4 février 1688, d’un père financier et dans l’aisance, d’une famille originaire de Normandie qui avait tenu au parlement de la province, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux reçut une bonne éducation, ce qui ne veut pas dire qu’il fit de fortes études ; il n’apprit nullement le grec et sut le latin assez légèrement, ce semble ; son éducation, plutôt mondaine que classique, et particulièrement son tour d’esprit neuf, observateur, et qui prenait la société comme le meilleur des livres, le disposaient naturellement à être du parti dont avait été feu Perrault, et dont, après lui, Fontenelle et La Motte devenaient les chefs, le parti des modernes contre les anciens. […] Si Marivaux admire médiocrement les anciens, il admire fort en revanche son contemporain La Motte, homme d’infiniment d’esprit, mais qui était, en quelque sorte, privé de plusieurs sens. […] Ailleurs encore, s’attachant à définir ce talent qui le préoccupe si fort, il convient qu’on a fait pourtant à La Motte un reproche assez juste, c’est précisément « qu’il remuait moins qu’il n’éclairait, qu’il parlait plus à l’homme intelligent qu’à l’homme sensible, ce qui est un désavantage avec nous, qu’un auteur ne peut affectionner ni rendre attentifs qu’en donnant, pour ainsi dire, des chairs à ses pensées ». […] Ils auraient été les premiers esprits d’un autre siècle, comme ils furent les premiers esprits du leur ; il ne fallait pas pour cela qu’ils fussent plus forts, il fallait seulement qu’ils fussent mieux placés ». […] En sortant de l’église, Marianne, qui entend venir derrière elle un carrosse, se hâte, tombe et se foule le pied ; un jeune homme de qualité qui l’a fort remarquée à l’église, celui même à qui appartient le carrosse, se trouve là tout à point pour la secourir, pour la faire conduire chez lui à deux pas.
Et nous-mêmes qui savons le fort et le faible, qui vous avons vu naître, briller et mourir, nous y applaudirons et nous y applaudissons déjà, à ce commencement d’illusion, parce qu’après tout votre renommée charmante, si elle dépasse un peu vos œuvres, ne fera pourtant qu’égaler votre génie, — ce que ce génie aurait été si vous en aviez daigné pleinement user et en artiste plus maître de sa force […] Il est plus certain qu’il fut très mal accueilli sur le territoire de l’évêque d’Orléans, Thibault d’Aussigny, et qu’y ayant commis, par suite de cette même nécessité qui fait saillir le loup hors du bois, quelque nouveau méfait, quelqu’une de ces peccadilles dont il était si fort coutumier, il fut jeté dans les prisons de Meung-sur-Loire, y languit tout un été au fond d’un cul de basse fosse, et ne dut sa grâce qu’à Louis XI, nouvellement roi, qui vint à passer en cette ville de Meung dans l’automne de cette année 1461. […] Vieilli avant l’âge, sans en être devenu plus fort contre les vices de sa jeunesse, le cœur encore mal guéri de l’amour dont il avait tant souffert, sans ressource, sans espoir, dénoncé au mépris public par son passé et par sa prison récente ; — dans de pareilles circonstances, croyant en avoir fini avec la vie, et comme s’il eût déjà été étendu sur son lit de mort, il dicta le poème qui porte le titre de Grand Testament… Le Petit Testament contenait les adieux et les legs de Villon à ses amis en 1456 : Le Grand Testament renferme aussi une longue suite de legs satiriques ; mais ces legs, au lieu de constituer le fond même du poème, comme ils constituent celui du Petit Testament, n’en sont en réalité que le prétexte et que la partie accessoire. […] Oui, — j’aime fort aussi les arts et la peinture. […] Pour lui, je le crains fort, il but avec plaisir jusqu’à la fin le vin dont il s’enivrait.
Le salon de Mme de Lambert se ressentait fort du genre fin mis à la mode et autorisé par La Motte et Fontenelle. […] On détacherait pourtant de fort agréables pages, et qui sont bien dans le goût et le ragoût de ce qu’ils avaient à peindre. […] Elle fut fort avant dans les intrigues de Cour ; nommée dame du palais de la reine quelques années après le mariage du roi, on la voit, dans les Mémoires de M. de Luynes, de tous les soupers, des chasses, des voyages à Choisy, à la Muette, avec les trois sœurs favorites (de Nesle). […] Mme de Genlis, qui avait fort connu la maréchale de Luxembourg, en a parlé avec un détail dont on lui sait gré ; mais elle a montré plus que personne, en voulant fixer par écrit quelques-unes des remarques qu’elle avait recueillies de sa bouche sur les usages du grand monde et en les rédigeant dans une sorte de Dictionnaire de l’Étiquette, que la finesse ne se transmet pas, qu’il y a une pédanterie même dans les choses légères, et qu’on ne professe ni le tact ni la grâce. […] C’était une allusion au mot bien connu de cet esprit fort qui faisant gras en carême et, qui pis est, un jour de Vendredi-Saint, je crois, et entendant tout à coup le tonnerre éclater dans un orage, se mit à dire entre ses dents : « Voilà bien du bruit pour une omelette au lard. » Le mot était devenu proverbial dans la bonne compagnie.
C’est, comme le titre l’indique, un journal, une espèce de livre de bord, exactement tenu par un homme du métier (Jean-Bon avait été marin), par un homme de bon sens, et qui rend compte jour par jour de tous les mouvements, des ordres donnés et plus ou moins bien — et souvent fort mal — exécutés, depuis la sortie de la flotte de la rade de Brest le 16 mai au soir, jusqu’à sa rentrée dans cette rade le 11 juin suivant. […] L’inscription qu’on y pourrait graver et qui se rapporte bien aux deux moitiés de sa carrière, qui les rejoint et les relie entre elles, c’est ce mot qu’il prononçait à la Convention dans les derniers temps : « Le mal en France, — un mal contagieux, — c’est que tout le monde veut gouverner et que personne ne veut obéir. » Quand on a si fort le sentiment de cette vérité sous la République, on est fait pour être un homme de gouvernement sous le Consulat et sous l’Empire. […] Dans un fort bon livre, écrit avec beaucoup de soin et de science par MM. […] La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance. […] On raconte (et feu le chancelier Pasquier faisait ce récit fort vivement) qu’un jour, à une entrée de troupes, vers 1808, il y eut dans un faubourg de Mayence un grave désordre ; le préfet envoya aussitôt au maréchal Victor, commandant le corps d’armée, pour se plaindre et demander justice des soldats qui avaient vexé et violenté les habitants.
C’est vous qui m’avez adressé un ouvrage fort important. […] » — « Oui, Sire, mais il est probable que Votre Majesté voudra faire contre la gauche des Prussiens la même manœuvre qu’elle a faite par Donawert contre la droite de Mack, et par le Saint-Bernard contre la droite de Mélas ; or, cela ne peut se faire que par Bamberg sur Géra. » — « C’est bon, répliqua l’Empereur surpris, soyez dans quatre jours à Bamberg, mais n’en dites pas un mot, pas même à Berthier : personne ne doit savoir que je vais à Bamberg34. » Bien que toujours aide de camp titulaire du maréchal Ney, Jomini fut donc pendant cette campagne attaché à l’état-major de l’Empereur ; ce qui n’empêcha point que, dès la première journée, à Iéna, Ney ayant commencé l’attaque avec un excès d’ardeur et trop précipitamment, Jomini sollicita la permission de le rejoindre ; ce qu’il fit à Vierzehn-Heiligen au plus fort du danger, lui donnant des renseignements précieux sur la position du reste de l’armée, et partageant l’honneur de l’action à ses côtés. […] Je partis donc avec mon fidèle cheval isabelle, que tant de fatigues ne décourageaient pas plus que son maître, et qui avait de moins l’inquiétude morale de ne pouvoir bien accomplir des missions si singulièrement données… » On conviendra que, si les plans de campagne étaient admirablement bien combinés, le détail laissait fort à désirer. […] Elles sont fortes cependant ; elles faillirent avoir leur résultat fatal à Eylau : elles l’eurent à l’avant-veille de Waterloo, dans les ordres expédiés, dit-on, et non parvenus à Ney dès le point du jour du 16 juin, pour occuper les Quatre-Bras. […] Napoléon, irrité de la lettre de Ney, lui faisait signifier par Jomini son mécontentement en des termes fort durs qui nous ont été conservés : « Que signifiaient ces mouvements qu’il n’avait point ordonnés, qui fatiguaient les troupes et qui pourraient les compromettre ?
Et quand ils sauraient se rencontrer, les délicats, ce qui serait fort agréable pour eux, qu’en résulterait-il pour tous ? […] « Si la mœlle en est exquise, l’enveloppe n’en est pas forte. […] Je vais donc me faire une sphère un peu céleste et fort paisible, où tout me plaise et me rappelle, et de qui la capacité ainsi que la température se trouve exactement conforme à la nature et l’étendue de mon pauvre petit cerveau. […] J’en connais quatre ou cinq où cela est fort remarquable. […] Voyez Cicéron, rien ne lui manque que l’obstacle et le saut. » « Il y a mille manières d’apprêter et d’assaisonner la parole : Cicéron les aimait toutes. » « Cicéron est dans la philosophie une espèce de lune ; sa doctrine a une lumière fort douce, mais d’emprunt : cette lumière est toute grecque.
Allez au-devant de lui, vous serez plus vrai et surtout vous serez plus fort ; la Providence vous a doué des magnificences du talent ; consacrez-les aux larmes et aux dieux de la patrie ; soyez le grand prêtre du passé ; le monde vous attend et l’esprit nouveau se tournera vers vous comme le pieux regret qui embrasse passionnément une ombre. […] « Néophyte à cette époque, a-t-on dit spirituellement, il avait quelques-unes des faiblesses des néophytes, et s’il existait quelque chose qu’on pût appeler la fatuité religieuse, l’idée en viendrait, je l’avoue, en lisant ces lignes de sa critique : « Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme madame de Staël la perfectibilité… Vous savez ce que les philosophes nous reprochent à nous autres gens religieux, ils disent que nous n’avons pas la tête forte… On m’appellera Capucin, mais vous savez que Diderot aimait fort les Capucins... » Il parle à tout propos de sa solitude ; il se donne encore pour solitaire et même pour sauvage, mais on sent qu’il ne l’est plus. […] Il y a bien encore quelque trace de manière : « Quand un Siminole me raconta cette histoire (transmise de Chactas à René, et des pères aux enfants), je la trouvai fort instructive et parfaitement belle, parce qu’il y mit la fleur du désert, la grâce de la cabane, et une simplicité à conter la douleur que je ne me flatte pas d’avoir conservée. » Ce ton-ci, en effet, est bien moins de la simplicité que de la simplesse. […] Il se trouve toujours sur son chemin, à son entrée, quelques hommes de bon esprit d’ailleurs et de sens, mais d’un esprit difficile, négatif, qui le prennent par ses défauts, qui essayent de se mesurer avec lui avec toutes sortes de raisons dont quelques unes peuvent être fort bonnes et même solides.
En tout temps les esprits sont partagés ; en tout temps il y a des gens qui restent attachés au passé ou qui s’élancent dans l’avenir ; mais, en tout temps aussi, du conflit des opinions individuelles se dégage un courant plus fort, qui, malgré les remous et les contre-courants, entraîne la majorité de ceux qui pensent et la masse de ceux qui se reposent sur autrui de cette fatigue. […] On invoque les découvertes de Darwin ; on remarque que parmi les animaux et les végétaux les plus faibles sont la proie des plus forts, que les espèces inférieures sont détruites ou asservies par les espèces supérieures ; et l’on conclut que de même, parmi les hommes, le progrès est au prix de la disparition des races mal douées, que les nations sont vouées à une entremangerie où les mieux armées, ce qui constitue et implique leur supériorité, ont pour mission de dompter ou d’exterminer les autres. […] C’était un abandon volontaire des réformes promises par les républicains avant leur arrivée au pouvoir ; c’était, sous l’étiquette équivoque d’opportunisme, le dessein bien arrêté de subordonner toute application de principes à l’intérêt du moment ; c’était, par crainte des aventures et de l’inconnu, une prédilection avouée pour une politique d’affaires qui risquait fort de dégénérer en une politique d’expédients. […] On sait assez qu’en définitive le pouvoir n’a pas été le plus fort, qu’il a dû, de concessions en concessions, se résigner à désenchaîner l’arme dirigée contre lui et se contenter de la retourner à son profit en achetant une partie de ceux qui la font mouvoir. […] Mais en même temps que la verve des écrivains est invitée à se renfermer dans des limites plus restreintes, elle est stimulée par la possibilité d’atteindre, au moyen du journal même, un public plus vaste, de monnayer leur talent à la journée, d’obtenir une rémunération immédiate et plus forte.
Cela entraine des conséquences graves : d’abord un dédain profond des classes subalternes, un parti pris d’écarter ce qui peut rappeler les vulgarités de la vie domestique ou populaire ; puis, entre les privilégiés admis sur un terrain de choix, un code très sévère de bienséances : peu parler de soi ; épargner l’amour-propre d’autrui ; flatter ou ménager les travers des gens en leur présence, ce qui n’interdit pas — au contraire — de les railler en leur absence ; beaucoup de tact et de circonspection ; adoucir les angles de son caractère ; mettre une sourdine aux émotions trop vives, aux convictions trop fortes ; laisser entendre ce qu’on ne peut pas dire tout haut ; s’habituer ainsi à une fine analyse des sentiments, à une psychologie déliée qui permet de reconnaître à un froncement de sourcils, à un regard, à une inflexion de voix les plus subtils mouvements du cœur. […] Ils conservèrent pour des temps moins épris d’élégance mondaine des richesses que poètes et prosateurs ont été fort aises de retrouver. […] Le désir de plaire au monde a poussé maintes fois écrivains et orateurs à sacrifier les qualités fortes et solides aux qualités douces et brillantes. […] Mais appeler quelqu’un poète de salon, c’est un éloge qui ressemble fort à une critique. […] Voilà Legouvé fort embarrassé !
D’autres chants très élevés du recueil de 1833, tels que Les Contrebandiers, Le Vieux Vagabond, Jacques, Jeanne la Rousse, ont une forte teinte de ce socialisme qui a succédé, dans l’opinion du dehors, au libéralisme de la Restauration : Béranger est fort sensible et fort attentif à ces courants de l’atmosphère. […] Je trouve dans une lettre familière le récit d’une visite chez Béranger, qui exprimera ce que j’ai à dire de lui, plus au vif que je ne le pourrais en termes généraux, et qui ne renferme rien d’ailleurs que d’honorable et d’adouci : Mai 1846. — J’ai revu Béranger, que je n’avais pas rencontré depuis des années, écrivait le visiteur ; c’est Lamennais qui m’avait fort engagé à l’aller revoir. […] Je vais oser exprimer ce que vous pensez. » J’ai connu autrefois M. de Pontmartin, et je n’ai pas attendu ses succès pour rendre justice à toutes ses qualités d’homme agréable et de causeur fort spirituel.
Cette historiette de Tallemant donne fort à penser (pour tout dire) sur les droits du bonhomme Courcelles à la paternité réelle, et il ne serait pas sûr ici d’aller conclure trop vite du père à l’enfant, quand même il y paraîtrait plus de ressemblance. […] On dit qu’il s’affectionna fort à sa belle-fille. […] Une âme faible se fût laissé gagner et eût suivi cet exemple : une âme délicate et forte se le tourna en morale et en leçon ; elle prit noblement sa revanche dans le bien. […] Elle l’assurait du suffrage de ses amis, qui étaient fort nombreux dans cette compagnie : « On a même essayé de tourner en ridicule, dit-il, ce qui est une chose très réelle : c’est que l’on n’était guère reçu à l’Académie que l’on ne fût présenté chez elle et par elle. […] Mais comme elle avait eu une mère fort jolie, et qu’elle avait une fille à qui elle pouvait dire : « Vous n’êtes pas née sans agréments », il est à croire qu’elle n’avait pas été elle-même sans quelque grâce.
L’Empereur le loue fort de sa belle défense devant Paris et lui ordonne de lui préparer une liste de récompenses. […] On l’en louait si fort dans le moment autour de lui, qu’il fut assez longtemps à s’apercevoir que cette flatterie des uns allait donner un redoublement de pâture à la calomnie des autres. […] De tels conseils étaient trop forts pour ceux qui les demandaient, et Marmont, nommé commandant de toute la maison militaire du roi, dut se borner à diriger la retraite vers la frontière et jusqu’à Gand. […] Marmont s’est trouvé en face d’événements plus forts que les hommes ; tout s’arrangera ; il nous reviendra avant peu. » Dans tout ce que je dis ici sur Napoléon, je sens combien la lutte est inégale entre lui et Marmont, et je ne prétends nullement l’établir : mais j’aime à recueillir les bonnes paroles, celles qui tendaient à réparer. […] Mme de Lavalette s’agenouilla en vain ; les passions du jour étaient plus fortes que le désir de pardonner.
Le poète, à la lecture du premier article de Carrel sur les représentations d’Hernani, lui avait écrit une lettre explicative, et dans laquelle il lui rappelait les singulières prétentions des soi-disant classiques du jour ; Carrel y répondit par une lettre non moins développée qui commençait en ces termes : « Je suis pour les classiques, il est vrai, monsieur, mais les classiques que je me fais honneur de reconnaître pour tels sont morts depuis longtemps. » Dans la critique de l’Othello de M. de Vigny, il se faisait fort de prouver « que toute la langue qu’il faut pour traduire Shakespeare est dans Corneille, Racine et Molière ». […] Ce caractère restrictif et négatif, à l’article de la poésie moderne, n’est point particulier à Carrel ; il le partageait avec la plupart des hommes de l’école historique et politique ; mais il faut qu’il l’ait ressenti bien vivement pour s’être complu si fort à l’exprimer. […] De l’humeur dont il était, j’en doute fort, à moins qu’il n’eût bientôt espéré d’imprimer de son propre caractère à ce gouvernement. […] Car il était, ne l’oublions jamais, l’homme de son humeur : cela perce déjà dans les dernières lignes de cet article tout pacifique et d’expectative ; il prévient les questionneurs et adversaires du National qu’il ne s’agit plus désormais, dans ces critiques fort déplacées dont il est l’objet, d’attaques collectives : « Ces attaques, dit-il en terminant, ne s’adresseraient désormais qu’à une seule personne, celle qui s’est fait connaître hier pour directeur unique du National, et l’on doit s’attendre qu’elles seraient relevées. » Voilà une pointe d’épée qui s’aperçoit : et combien de fois déjà ne s’était-elle pas montrée à la fin des articles de Carrel ! […] Il dédaigne fort ces associations, et surtout ne paraît point les craindre (18 septembre).
Il était fort indécis sur le choix d’une retraite ; on le voit successivement à Strasbourg (août 1783), à Colmar, à l’abbaye de Senones, à Plombières dans les Vosges, puis derechef à Colmar ; il tâtait de loin, sur son compte, l’opinion de Paris, et, en attendant, il cherchait un pays de frontière pour s’y asseoir en liberté. […] Voltaire ne se laisse point tranquilliser, et il n’est point d’humeur à laisser les autres tranquilles : Je lis et je relis votre contrat, et plus je le relis, plus je vois que vous m’avez dicté la loi en vainqueur ; mais j’en suis fort aise ; j’aime à embellir les lieux que j’habite, et je fais à la fois votre bien et mon plaisir. […] ce mot de curé nous dit tout : ce n’était qu’une autre passion chez Voltaire, qui venait à la traverse, et qui suspendait un moment l’autre passion moins forte et moins emportée. […] Dans l’exposé qu’il leur envoyait et où il mêlait des choses fort diverses, il dénaturait les faits, il les falsifiait à son gré, et mentait hardiment selon la facilité détestable qu’il en avait contractée. […] Nous nous flattons de valoir beaucoup mieux à cet égard que les chefs de l’école encyclopédique ; je crains fort pourtant que dans toutes les coalitions et confédérations d’école, de secte et de parti, les hommes ne se ressemblent aujourd’hui comme alors, et qu’ils ne se permettent, à leur manière et dans leur mesure, autant qu’ils le peuvent et autant qu’ils l’osent, ce que se refusaient si peu Voltaire et d’Alembert.
Les visites périodiques de cette main m’intriguaient très fort. […] Les Toulousains, effarouchés sans doute par les tons ardents de la brique, les ont amortis à l’aide d’un enduit blanchâtre, fort désagréable à l’œil. […] Disons-le pourtant : il existe aussi un vieux Capitole, un Capitule authentiquement vieux, hérissé de fort curieuses sculptures ; mais il est caché derrière le neuf comme un beau fauteuil en chêne fouillé sous une housse de calicot blanc ! […] Et de ce nombre, je serais fort en peine de détacher un seul homme de lettres. […] Ce groupe avait un parfum anti-européen, acre et fort, qui vous montait à l’esprit.