J’allai au-devant d’eux dans une vaste enceinte, et, me plaçant devant une grande table qui rompait la colonne et qui m’empêchait d’en être submergé, j’attendis que la plénitude du lieu rendît la foule immobile, et, m’adressant aux premiers rangs, composés des chefs, au milieu desquels rayonnaient quelques belles figures d’artisans plus éclairées que les autres des rayons du bon sens qui transperce l’ignorance et la force brutale des masses : « — Que demandez-vous de nous ? […] » Ils se turent, en commençant à donner quelques signes d’étonnement et de doute sur leurs figures.
M. de Surville était, nous disait M. de Davayé, un très-bel homme, jeune encore, d’une taille haute et imposante, d’une physionomie profonde, d’une expression de figure réservée et douce ; on ne lui parlait qu’avec déférence comme à quelqu’un qui porte le respect devant lui. […] Tant qu’à la fin sens mes genouils ployer ; Pasleur de mort ombroye ma figure ; Plus n’est en moy pouvoir de larmoyer, Et du trespas ce m’est propice augure.
Autour de lui, le poète a groupé une innombrable foule de figures poétiques ou pittoresques, angéliques ou grimaçantes, amusantes ou horribles : la psychologie est courte, souvent nulle ; mais ici encore les profils sont puissamment dessinés, les costumes curieusement coloriés. […] Voilà comment à côté des fantaisies furibondes du lyrisme, dans Indiana, dans Jacques, on rencontre soudain des coins de réalité prochaine et précise, une figure, une scène, un bout de dialogue ou de description, qui donnent la sensation de la vie telle qu’elle est.
D’un autre côté, l’intelligence du passé et le goût de l’exotique ont engendré une longue et magnifique lignée de poèmes où revivent l’art, la pensée et la figure des temps disparus. […] Elles n’ont point de beauté ni, à proprement parler, de laideur mais des contours extravagants d’où l’harmonie est absente et qui, par une sorte d’indéfini terrible, symbolisent l’infini Et s’il vous plaît de voir quelque unes de ces figures, non plus telle qu’on peut la traduire aux sens, mais telle que imagination la conçoit, contemplez le dieu Hâri, le principe suprême, dans la Vision de Brahma.
Quand on est très jeune, la dégradation de l’être n’ayant en rien commencé, le tombeau ne semble qu’une image poétique, qu’un sommeil environné de figures à genoux qui nous pleurent. […] À cette époque, la poésie de style, la poésie qui vit de figures et de symboles, était fort peu connue chez nous : la manière dont furent reçus les premiers ouvrages de M. de Chateaubriand le prouve assez.
L’enfant moderne qui est si aimable, si amusant dans les livres de Gyp ou de Mme Marni, devient dans Chérie une sorte de figure de cire où l’on a dessiné grossièrement les os et les entrailles, mais qui n’a plus ni apparence de vie ni séduction gracieuse. […] Il eût crayonné une figure amusante comme Gaudissart ou dressé des statues terribles comme les grands avares de Balzac, le père Grandet, le père Hochon, Gobseck : non, si Flaubert a donné à la fois tant d’importance et tant de bassesse à ses héros, c’est qu’il ne les voyait pas si étrangers et ne se sentait pas lui-même à l’abri de leurs ridicules : il y a du Bouvard et Pécuchet dans Flaubert.
Dans les sciences dites sociales et qui jusqu’ici sont si peu sciences, l’utopie, qui esquisse la figure de l’avenir, a eu et aura toujours sa fonction nécessaire à côté des enquêtes sur le présent et le passé. […] Les figures imparfaites dont elles se servent pour l’invention ou la démonstration ne sont qu’un auxiliaire dont elles peuvent se passer.
« Wagner est un de ces hommes qu’on peut exécrer, condamner, ridiculiser ; on se révolte contre lui, on le prendrait volontiers à la gorge ; il faut l’écouter pourtant, il faut s’arrêter pourtant devant cette figure singulière. […] Il s’agit de l’article fondateur de Baudelaire : « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris » (Revue européenne, 1er avril 1861) et celui de Jules Chamfleury : « Richard Wagner », in Grandes figures d’hier et d’aujourd’hui, (Poulet-Malassis et de Broise, 1861).
Aucun mot ne serait excessif pour louer la beauté souple et grande de deux de ses figures féminines : Moniqua, exquisement mélancolique, douce et bienfaisante ; Lazarine écrasée par les brutalités de son mari, intimidée, muette, mais d’une si profonde et si précieuse vie intérieure. […] C’est, se déroulant parmi une campagne à chaque détour variée, la théorie attristée d’un pèlerinage, « de grandes figures noires barbouillées de larmes et de poussière, qui s’en allaient, dans l’éclat du jour, avec les yeux clignotants ».
Gebhart a toujours quelque chose d’équivoque et qui rappelle plusieurs figures à la fois. […] Pierre Brun, naturellement, se réjouit d’une telle découverte : « Détails un peu bas, sans doute, qu’on peut taxer de trivialité, mais qui nous ont paru ne point manquer d’intérêt et relever, dans une certaine mesure, cette pauvre figure de Louis XIII, en montrant sous sa Majesté effacée… » Je n’ai pas eu le courage d’achever la période ; j’ai fui sans regarder ce que M.
Elle est petite, mal venue, avec une figure laide et tendre, une pauvre figure à la grâce de Dieu.
Aussi, quoiqu’il affecte de procéder empiriquement, comme les faits accumulés dans sa sociologie sont employés à illustrer des analyses de notions plutôt qu’à décrire et à expliquer des choses, ils semblent bien n’être là que pour faire figure d’arguments. […] Les moralistes ne sont pas encore parvenus à cette conception très simple que, comme notre représentation des choses sensibles vient de ces choses mêmes et les exprime plus ou moins exactement, notre représentation de la morale, vient du spectacle même des règles qui fonctionnent sous nos yeux et les figure schématiquement ; que, par conséquent, ce sont ces règles et non la vue sommaire que nous en avons, qui forment la matière de la science, de même que la physique a pour objet les corps tels qu’ils existent, non l’idée que s’en fait le vulgaire.
À certaines représentations, on se trouvait environné d’hommes effrayants dont le regard scrutateur épiait votre opinion, et si, par malheur, votre figure indiquait l’ennui ou le dégoût, ils vous attaquaient par l’épithète épicier, mot injurieux selon eux, qui signifie, dans leur argot, stupide, outrageusement bête 14 ; mais si vos cheveux étaient blanchis par le temps, alors vous étiez des académiciens, des perruques, des fossiles contre lesquels on vociférait des cris de fureur et de mort. […] Après le choix du sujet, le premier but que se propose l’auteur est d’en tirer une conséquence morale ; le second d’intéresser au sort de tels ou tels héros, connus ou inconnus, vertueux ou coupables, par des qualités qui les élèvent au-dessus du vulgaire ; le troisième de les environner de figures secondaires propres à faire ressortir leur caractère ou à émouvoir leurs passions ; le quatrième de faire jouer tous ces personnages dans la chaîne d’une intrigue claire et pourtant variée ; le cinquième de les faire parler selon le temps, la circonstance, leur rang dans le monde, leur caractère bien exposé, dans un style simple, naturel, énergique et toujours élégant ; enfin, Monsieur, de les faire arriver à une catastrophe qui n’inspire pas une trop grande horreur, ou à un dénouement qui ne blesse ni la raison, ni la décence.
Les figures que tout le monde connaît, ces grands hommes qui ont l’honneur d’être la propriété du genre humain et qui ne sont pas seulement de la poudre de sépulcre à laquelle on ordonne de se lever, nous font trembler sur la loyauté historique de l’auteur, par la manière dont ils sont jugés. […] Mais en s’en rapportant aux faits seuls, est-il vraiment certain que l’humanité fasse toujours historiquement le même geste, et que les peuples ne varient jamais la figure de leurs évolutions ?
Elle ne nous aurait pas donné le Templier vignette anglaise, cette figure que Michelet, l’illuminé de Satan, reprochait à l’honnête Walter Scott de n’avoir ni empoignée, ni même saisie, mais prise avec l’extrémité de la pincette d’un sucrier. […] … L’auteur des Petites Épopées, — ces préludes magnifiques d’un concert plus magnifique que j’espérais, — le poète de La Légende des Siècles, qui nous a peint si bien Charlemagne et Roland, pouvait mieux que personne mettre debout ces figures colossales et faire tourner alentour le cycle Carlovingien.
Toujours est-il qu’involontairement cette figure de Fanny nous rappelle un autre visage, celui de madame Bovary, mais en adouci et en distingué ; comme le style de l’auteur de Fanny nous rappelle aussi, par le fil coupant et la précision intuitive, le style de M. […] Les autres figures du roman ne sont que des comparses, de plats repoussoirs sur lesquels la tête de Daniel puisse bomber.
Si maintenant, allant me promener, je pense à Pierre comme à un homme de taille normale et à Paul comme à un nain, si je laisse Paul à l’état de nain quand je me le figure revenu auprès de Pierre et reprenant sa conversation avec Pierre, nécessairement j’aboutirai à des absurdités ou à des paradoxes : je n’ai pas le droit de mettre en rapport Pierre demeuré normal et Paul devenu nain, de supposer que celui-ci puisse causer avec celui-là, le voir, l’entendre, accomplir n’importe quel acte, car Paul, en tant que nain, n’est qu’une représentation, une image, un fantôme. […] Et puisqu’il tient uniquement, comme nous l’avons montré (p. 127 et suiv.), à l’allongement de la « ligne de lumière » pour le personnage, extérieur au système, qui se représente la « figure de lumière » déformée par l’effet du mouvement.
tel qu’il est, le monde l’aime encore… Dans le drame intitulé La Coupe et les lèvres, Alfred de Musset exprimait admirablement, sous la figure de Frank et de Belcolore, la lutte entre un cœur noble, fier, orgueilleux, et le génie des sens auquel il a une fois donné accès.
Nisard flatte peut-être l’esprit français dans la définition générale qu’il en donne, il ne flatte nullement les auteurs français en particulier ; et, tout au contraire, en les comparant, en les confrontant sans relâche un à un avec ce premier idéal qu’il s’est proposé et qu’il a dressé comme une figure grandiose au vestibule de son livre, il leur fait subir la plus périlleuse des épreuves, le plus sévère des examens : plus d’un, et des plus célèbres, y laisse une part de lui-même, la partie caduque, éphémère et mensongère ; et, comme après un jugement de Minos ou de Rhadamanthe, c’est l’âme immortelle, c’est l’esprit dans ce qu’il a eu de bon, de pur, dans ce qu’il a de durable, de moral, de salutaire, de conforme et de commun avec le génie français (une des plus belles représentations de l’esprit humain), c’est cela seul qui survit, qui se dégage et qui triomphe.
Sa figure, comme celle de tous les puissants mortels qui ont excité enthousiasme et colère, ainsi aperçue de loin à travers un nuage de lumière et de poussière, se transformerait à nos yeux : nous le ferions trop grand, trop beau ou trop laid, trop génie ou trop monstre.
Ce monument élégant et simple consiste en une fable de marbre verticale, d’un style grec, portant au fronton des tablettes entrelacées dans une couronne, la plume du correcteur et de l’écrivain, les emblèmes philologiques ; au milieu, le médaillon de Dübner, que couronnent deux figures allégoriques : une Minerve représentant l’Iliade, un Ulysse représentant l’Odyssée.
Or, le monde qu’on n’entrevoit à cet âge que dans une confusion éblouissante, la vie qui ne s’offre aux yeux encore que comme une tour magique dont les vives arêtes étincellent, les hommes qu’on se figure alors tout bons ou tout méchants, détestables ou sublimes, comment rentrer chez soi pour les peindre, comment cheminer au dehors pour les connaître, et s’en laisser coudoyer sans les heurter ?
« Vous voulez donc, Mademoiselle, que je vous trace le portrait d’un de vos amis et des miens, et que je vous fasse une copie d’un original que vous connoissez aussi bien que moi… Sa figure, comme vous savez, n’a rien de touchant ni d’agréable, mais elle n’a rien aussi de choquant.
Je me figure que Manzoni en sa Lombardie, Wordsworth resté fidèle à ses lacs, tous deux profonds et purs génies intérieurs, réalisent à leur manière l’idéal de cette vie dont quelque image est assez belle pour de moindres qu’eux.
Il faut avouer pourtant que le nom de Ronsard, pour le peu qu’il se trouve chez La Fontaine, n’y figure guère autrement ni mieux que chez les autres contemporains ; dans une lettre de lui à Racine (1686), on lit : Ronsard est dur, sans goût, sans choix, etc. ; et il lui oppose Racan, si élégant et agréable malgré son ignorance.
Il était de ceux enfin qu’il ne siérait pas, même pour être vrai, de vouloir trop dépouiller de ce manteau aux plis flottants dont il aimait à draper ses figures et dont lui-même on l’a vu marcher enveloppé.
Qu’on se figure les Contrebandiers chantés dans la montagne du Jura, Jeanne la Rousse chantée dans un village des Ardennes, le Vieux Vagabond aux guinguettes des barrières, et le Pauvre Jacques dans chaque bourgade ?
Troplong, la richesse, concentrée dans une seule classe, restait presque inaccessible aux autres classes, mais il y avait encore à Rome cette circonstance particulière et remarquable, que les riches attiraient à eux, par le prêt à usure, toute la substance des petits. » La conséquence est que « le luxe et la richesse, qui sont dans la société moderne un élément de fécondité, furent dans les sociétés anciennes un véritable embarras », une cause de ruine, et qu’à Rome particulièrement l’excès de prospérité, quand la paix intérieure eut immobilisé l’univers, aboutit à une sorte d’engloutissement de tout par quelques-uns et à une orgie que de loin on exagère sans doute quand on se la figure en permanence.
Voici une description de Buffon : Qu’on se figure un pays sans verdure et sans qu’au, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l’œil s’étend et le regard se perd sans pouvoir s’arrêter sur aucun objet vivant ; une terre morte et, pour ainsi dire, écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert, où le voyageur n’a jamais inspiré sous l’ombrage, où rien ne l’accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante : solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l’homme qui se voit seul ; plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l’espace comme son tombeau : la lumière du jour, plus triste que l’ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l’horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l’abîme de l’immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu’il tenterait en vain de parcourir ; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort.