Roederer, qui sent volontiers de la même manière que Sieyès dans les moments décisifs, n’a pas comme lui l’invention ni la puissance de formule, il n’a que beaucoup d’esprit, de sens, une pensée énergique et diverse ; mais il y joint une plume facile, ingénieuse, et ne perd jamais de vue la pratique ; c’est un Sieyès en monnaie et en circulation, communicatif, qui a, chaque jour au réveil, une idée, une observation neuve sur n’importe quel sujet, politique, moral, littéraire, grammatical, et qui, à l’instant même, a autant besoin de dire ce qu’il pense que Sieyès avait toujours envie de le taire. […] Les formes de Roederer, sa personne, au premier aspect, n’étaient pourtant pas propres à corriger ces préventions ou ces inimitiés si faciles à naître et à s’entretenir en temps de révolution. […] — La démission de Barras qu’on fit signer à ce dernier le matin du 18, et dont les termes habilement calculés rendirent avec lui la négociation plus facile, était également de la rédaction de Roederer, qui la concerta avec M. de Talleyrand.
Vous qui ouvrez un journal, ou si le journal vous paraît chose trop légère, vous qui lisez ces recueils qu’on appelle des Revues, représentez-vous bien ce que vous devez, les longs soirs d’hiver au logis ou les après-midis d’été à la campagne, à ces esprits charmants, faciles, élevés, inépuisables, qui, depuis trente ans et plus, vous ont donné, dans des récits variés, de continuelles jouissances et des surprises de lecture devenues pour vous une habitude, — et qui vous les donnent sans trace d’effort, comme l’arbre donne ses fruits, comme la source verse l’onde. […] Un producteur dans un genre relativement facile, un producteur que l’exigence du journal stimulait, que la bienveillance du public encourageait à donner souvent et à faire de son mieux. […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue.
On n’a point entretenu Sa Sainteté sur l’objet dont tu avais recommandé qu’on lui parlât, parce que ce parti a paru plus sage ; on prendra une autre voie, comme tu le verras par les lettres des ambassadeurs : je crois que l’on trouvera un moyen plus commode et plus facile, dont tu seras content ; du moins je l’espère. […] « Au reste, puisque ce que vous me demandez est d’une telle nature, qu’il est bien plus facile de la sentir en silence au fond de l’âme que de l’exprimer par des paroles, je vous obéis, à cette condition que je ne vous promets pas ce que je ne puis tenir, et que j’ai de bons motifs pour ne pas vous refuser. […] « Cet homme, né pour toutes les grandes choses, navigua si bien par le flux et le reflux des événements, qu’il est difficile de savoir s’il montra plus de constance dans la prospérité que d’égalité d’âme et de calme dans la mauvaise fortune : quant à son génie, il était si grand, si facile, si pénétrant, qu’il excellait autant en toutes choses que d’autres dans quelques-unes.
C’était une terrible race que ces Condé ; ils n’étaient pas faciles à vivre. […] Le début du chapitre de la Ville est le sommaire d’une description faite bien des fois par nos romanciers, l’indication d’un tableau ou d’une aquarelle que nos artistes nous ont montrée bien des fois : ces lieux mondains où le tout-Paris se rassemble pour se montrer et se voir, au xviie siècle, les Tuileries ou le Cours, aujourd’hui un vernissage, une allée du Bois, un retour de courses. .Mais je ne sais rien de plus caractéristique que le portrait de Nicandre, ou l’homme qui veut se remarier455 : ce n’est pas un portrait, à vrai dire, c’est l’esquisse d’un dialogue, où il n’y a qu’à remplir les répliques de l’interlocutrice, laissées en blanc par La Bruyère, et faciles à suppléer : tout le rôle de Nicandre est noté avec une précision singulière. […] Le défaut subsistant et facile à dire, c’est que je tiens à moi, et que l’amour-propre me décide souvent. » Oui il tenait à soi, à ne s’en pouvoir déprendre jamais.
Aussi est-il facile de définir le drame romantique un drame où ni les règles ni les bienséances de la tragédie ne sont observées. […] Il n’est que trop facile aujourd’hui de railler la fausseté criarde et théâtrale de ces peintures. […] Delavigne Don Juan d’Autriche (1835) est un compromis entre ce genre et le drame romantique : c’est un mélange de scènes pathétiques, invraisemblables ou fausses, et de gaietés vaudevillesques où l’esprit est laborieux et lourd, mais les effets faciles et sûrs.
Mais il faut croire que cela n’est déjà pas si facile d’emprunter, puisque ni vous ni moi ne le faisons. […] S’il est plus facile d’écrire un roman qui se fasse lire qu’une pièce qui se fasse écouter, rien n’est meilleur ni plus rare qu’un très bon roman ; et un roman de premier ordre sera toujours plus riche d’observations et reproduira plus complètement la vie qu’un drame même excellent. ) Or, l’œuvre dramatique est comme pressée par deux nécessités contradictoires. […] Elle n’est pas d’ailleurs si simple ni si facile à trancher, et on ne se la pose guère quand on écoute une tragédie de Racine, une comédie de Molière, une pièce de Dumas fils.
On se raille de ceux qui s’enquièrent encore de la réalité des choses, et qui, pour se former une opinion sur la morale, la religion, les questions sociales et philosophiques, ont la bonhomie de réfléchir sur les raisons objectives, au lieu de s’adresser au critérium plus facile des intérêts et du bon ton 191. […] Il est agréable de faire passer aux yeux des hommes ce manque d’intelligence qui nous empêche de saisir la vérité pour une pénétration merveilleuse d’esprit, qui nous révèle des motifs de doute inconnus et inaccessibles au reste des hommes 193 » En se posant au-delà de tout dogme, on peut à bon marché jouer l’homme avancé, qui a dépassé son siècle, et les sots, qui ne craignent rien tant que de paraître dupes, renchérissent sur ce ton facile. […] Il est si facile de tourner ainsi toute chose sérieuse et originale.
Il leur eût été facile de prouver que dans tous les Siecles & chez tous les Peuples, la Religion a été le premier lien de la société, qu'elle a présidé à la formation de tous les Etats, qu'elle seule peut les soutenir, que tous les Législateurs l'ont employée comme un supplément à l'imperfection des Loix civiles, qui ne peuvent arrêter ni punir les crimes secrets. […] Il suffit de la considérer en elle-même, abstraction faite de sa vérité, pour demeurer convaincu, que, loin d'être la source des maux qu'on lui impute, elle en est le remede, & le plus sûr préservatif ; c'est ce qu'il est facile de démontrer. […] Pour peu qu’il reste encore de lumieres aux esprits mêmes qu’ils ont subjugués, par leurs insidieuses déclamations, il leur sera facile de sentir que les blasphêmes, la mauvaise foi, l’audace & la conduite des Philosophes sont autant d’aveux indirects en faveur des dogmes & de la morale de la Religion, qu’ils poursuivent avec tant d’acharnement.
Il y a dans les démocraties un goût si vif d’indépendance individuelle, qu’on peut toujours persuader à l’individu que ce ne serait pas le souverain bien pour lui d’être nourri par l’État et réduit à la condition de pensionnaire de l’administration ; sous ce rapport, le peuple serait peut-être plus facile encore à persuader que les classes éclairées, n’ayant pas été gâté, comme celles-ci, par la douceur des fonctions publiques. […] C’est ce qu’il n’est pas facile de savoir. […] Si Tocqueville a exagéré une pensée qui lui était chère, il faut reconnaître en même temps qu’il avait le sentiment le plus juste, lorsqu’il demandait à la religion et à l’Église de s’unir à la liberté au lieu de la combattre, et à la liberté de respecter la religion et l’Église au nom de ses principes mêmes ; mais il est plus facile de réconcilier les idées que les intérêts et les passions.
Cet excès de plaisanterie ou de familiarité a nui à la pièce, d’ailleurs aussi élégante que facile. […] Si l’on analyse ce curieux phénomène, on en trouve une explication facile : il se forme spontanément dans un peuple, comme dans une assemblée délibérante, des commissions et sous-commissions peu nombreuses, mais éclairées, qui se chargent d’instruire les affaires. […] Mais dire à un auteur : Ayez des rentes, c’est un conseil plus facile à donner qu’à suivre.
Tous ceux qui ont écrit sur Bossuet en ont fait un ample et continuel usage : M. de Bausset en a tiré des secours faciles pour son intéressant et agréable récit ; M. […] En voyant dans les mémoires de l’abbé Le Dieu les traits qu’il a ressaisis et rassemblés de cette première vie et de ces premières études de Bossuet, à Dijon, puis au collège de Navarre, puis à Metz lorsqu’il y fut retourné, ce qui me frappe avant tout, c’est ce signe, ce caractère manifeste de l’âme et du génie du futur grand évêque, quelque chose de facile et de supérieur qui se prononce et prend position sans lutte, sans trouble, sans interruption comme sans empressement : c’est la vocation la plus directe qui se puisse concevoir, c’est l’âme la moins combattue qui fut jamais en si haute région.
Tout lui fut facile dès l’enfance, tout lui réussit. […] Il a la jeunesse la plus réglée, mais aussi la plus brillante et la plus facile : la route royale est tout ouverte devant lui.
Quelques génies heureux, parmi les lyriques, semblent, au contraire, conserver jusqu’au bout un accord égal, facile, entre la sensibilité et son expression. […] Victor Hugo les vers suivants : Heureux qui, dans l’essor d’une verve facile, Soumet à ses pensers un langage docile ; Qui ne sent point sa voix expirer dans son sein, Ni la lyre impuissante échapper à sa main, Et, cherchant cet accord où l’âme se révèle, Jamais n’a dû maudire une note rebelle !
Moins il y avait de communications faciles entre les divers pays, plus le récit des faits se grossissait par l’imagination ; les brigands et les animaux féroces qui infestaient la terre, rendaient les exploits des guerriers nécessaires à la sécurité individuelle de leurs concitoyens ; les événements publics ayant une influence directe sur la destinée de chacun, la reconnaissance et la crainte animaient l’enthousiasme. […] Les progrès des Grecs, sous les rapports philosophiques, sont extrêmement faciles à suivre.
Les pensées philosophiques vous placent naturellement à cette élévation où l’expression de la vérité devient si facile, où l’image, où la parole énergique qui peut la peindre se présentent aisément à l’esprit animé du feu le plus pur. […] Je crois, au contraire, qu’on pourrait soutenir que tout ce qui est éloquent est vrai ; c’est-à-dire que dans un plaidoyer en faveur d’une mauvaise cause, ce qui est faux, c’est le raisonnement ; mais que l’éloquence proprement dite est toujours fondée sur une vérité : il est facile ensuite de dévier dans l’application, ou dans les conséquences de cette vérité ; mais c’est alors dans le raisonnement que consiste l’erreur.
La théorie du raisonnement est facile à comprendre : c’est dans l’application qu’est la difficulté. […] On saisit ici ce qui peut faire la faiblesse on la fausseté de tels raisonnements : il est facile de tirer rigoureusement et sans erreur la conséquence nécessaire des prémisses.
Dans la réforme de Ronsard, la critique accompagna et même précéda l’inspiration : Du Bellay lança en 1549 sa Défense et Illustration de la langue française, qui est tout à la fois un pamphlet, un plaidoyer et un art poétique, œuvre brillante et facile, parfois même éloquente et chaleureuse, le premier ouvrage enfin de critique littéraire qui compte dans notre littérature, et le plus considérable jusqu’à Boileau. […] Il la veut riche, exacte pour l’oreille, point curieuse, et point facile : qu’on ne fasse pas rimer le simple avec le composé.
Quand on s’en tient aux faciles raisonnements de Locke, quand nos gens qui ne s’effraient guère veulent devant Spinoza, non pas devant la hardiesse, mais devant la profondeur de sa doctrine, et craignent de s’y casser la tête, Diderot, sans façon, sans fracas, s’assimile le dur, le grand système de Leibniz : et il n’y a pas d’autre raison, je le crois bien, qui lui ait donné en France la réputation d’être une tête allemande. […] Il n’y aperçoit plus cette nature intérieure que le xviie siècle étudiait surtout, dont Descartes croyait l’existence plus assurée et la connaissance plus facile que de la nature extérieure.
Objet Ce n’est pas d’ailleurs un exercice facile à bien faire. […] Les professeurs n’eurent qu’à faire parler leurs élèves ; et ils constatèrent aisément que les contresens étaient aussi faciles à faire, et n’étaient guère moins nombreux sur une page de français que sur une page de latin ou de grec.
Cuvillier-Fleury avait dit de Janin : « Il fut le Roi de la littérature facile », — laquelle, croyez-moi, n’est facile que pour ceux qui savent faire de cette littérature-là, et qui est très difficile pour les lourds qui se donnent les airs de la mépriser, — M.
Ce philosophe, né avec plus d’imagination que de profondeur, et qui peut-être avait plus d’esprit que de lumières ; qui s’agita toute sa vie pour être en spectacle, mais à qui il fut plus facile d’être singulier que d’être grand ; qui courut après la renommée avec l’inquiétude d’un homme qui n’est pas sûr de la trouver ; qui quitta sa patrie, parce qu’il n’était pas le premier dans sa patrie, qui s’ennuya loin d’elle, parce qu’il n’avait trouvé que le repos, et qu’il avait perdu le mouvement et des spectateurs ; qui, trop jaloux peut-être des succès des sociétés, perdit la gloire en cherchant la considération ; frappé de bonne heure de la grande célébrité de Fontenelle, avait cru devenir aussi célèbre que lui en l’imitant. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.
Je ne conseillerais donc à personne de se priver de l’usage de cet aimable talent quand il est naturel, facile et qu’il se confond avec la sensibilité.
En d’autres termes, l’effort de l’intelligence qui ordonne ses idées, et cherche la plus courte voie et la plus facile pour atteindre son but et y mener les autres, est éminemment suggestif.
Anatole Cerfberr Poète, essentiellement poète, grisé de cadence, de mesure et de difficulté vaincue, et néanmoins facile ouvrier des assemblages de rimes ; barde mariant sentiment, forme, pensée ; rêveur et berceur ; philosophe attendri et élevé, et musical ciseleur ; combinant Hier et Aujourd’hui, fougue et élan des preux, aïeux de soixante ans écoulés et mécanisme compliqué, ouvragé des quintessenciés de notre minute.
La raison en est simplement que je la connais mieux que toute autre ; il sera facile ensuite, à ceux qui le voudront, d’appliquer des procédés analogues aux littératures des diverses nations.
Son caractere aimable, facile, doux, bienfaisant, généreux, le porta toujours à répandre ses bienfaits sur les jeunes Littérateurs moins heureux que lui, afin de les encourager ; & la noblesse de ses sentimens ne lui permit jamais de s’en vanter.
Mais ne te flatte point d’un triomphe facile ; Ici le fer te prête un secours inutile.
Quoiqu’une théorie repose au fond d’un pareil ouvrage, — car de toute pensée générale, de tout fragment de vérité, il est facile de déduire ce que la science appelle une théorie, — ce livre n’est pas, à proprement parler, ce que les esprits qui recherchent ces organisations de la pensée entendent généralement par un système.
Il n’est pas si facile d’accorder cette recherche et cette délicatesse dans la manière de vivre, que nous observions tout à l’heure, avec les mœurs sauvages et féroces qu’il attribue à ses héros, particulièrement dans l’Iliade.