Grâce à cette forme palpable, elle peut jeter son poids énorme dans la conscience, contrebalancer l’égoïsme naturel, enrayer l’impulsion folle des passions brutales, emporter la volonté vers l’abnégation et le dévouement, arracher l’homme à lui-même pour le mettre tout entier au service de la vérité ou au service d’autrui, faire des ascètes et des martyrs, des sœurs de charité et des missionnaires. […] Ce qu’on peut dire de mieux en faveur « d’une nation policée394 », c’est que ses lois, coutumes et pratiques se composent « pour moitié d’abus, et pour « moitié d’usages tolérables » Mais sous ces législations positives qui toutes se contredisent entre elles et dont chacune se contredit elle-même, il est une loi naturelle sous-entendue dans les codes, appliquée dans les mœurs, écrite dans les cœurs. « Montrez-moi un pays où il soit honnête de me ravir le fruit de mon travail, de violer sa promesse, de mentir pour nuire, de calomnier, d’assassiner, d’empoisonner, d’être ingrat envers son bienfaiteur, de battre son père et sa mère quand ils vous présentent à manger. » — « Ce qui est juste ou injuste paraît tel à l’univers entier », et, dans la pire société, toujours la force se met à quelques égards au service du droit, de même que, dans la pire religion, toujours le dogme extravagant proclame en quelque façon un architecte suprême Ainsi les religions et les sociétés, dissoutes par l’examen, laissent apercevoir au fond du creuset, les unes un résidu de vérité, les autres un résidu de justice, reliquat petit, mais précieux, sorte de lingot d’or que la tradition conserve, que la raison épure, et qui, peu à peu, dégagé de ses alliages, élaboré, employé à tous les usages, doit fournir seul toute la substance de la religion et tous les fils de la société. […] Cette idée, Rousseau l’a tirée tout entière du spectacle de son propre cœur410 : homme étrange, original et supérieur, mais qui, dès l’enfance, portait en soi un germe de folie et qui à la fin devint fou tout à fait ; esprit admirable et mal équilibré, en qui les sensations, les émotions et les images étaient trop fortes : à la fois aveugle et perspicace, véritable poète et poète malade, qui, au lieu des choses, voyait ses rêves, vivait dans un roman et mourut sous le cauchemar qu’il s’était forgé ; incapable de se maîtriser et de se conduire, prenant ses résolutions pour des actes, ses velléités pour des résolutions et le rôle qu’il se donnait pour le caractère qu’il croyait avoir ; en tout disproportionné au train courant du monde, s’aheurtant, se blessant, se salissant à toutes les bornes du chemin ; ayant commis des extravagances, des vilenies et des crimes, et néanmoins gardant jusqu’au bout la sensibilité délicate et profonde, l’humanité, l’attendrissement, le don des larmes, la faculté d’aimer, la passion de la justice, le sentiment religieux, l’enthousiasme, comme autant de racines vivaces où fermente toujours la sève généreuse pendant que la tige et les rameaux avortent, se déforment ou se flétrissent sous l’inclémence de l’air. […] Autour de cette idée centrale se reforme la doctrine spiritualiste Un être si noble ne peut pas être un simple assemblage d’organes ; il y a en lui quelque chose de plus que la matière ; les impressions qu’il reçoit par les sens ne le constituent pas tout entier. « Je ne suis pas seulement un être sensitif et passif413, mais un être actif et intelligent, et, quoi qu’en dise la philosophie, j’oserai prétendre à l’honneur de penser. » Bien mieux, ce principe pensant est, en l’homme du moins, d’espèce supérieure. « Qu’on me montre un autre animal sur la terre qui sache faire du feu et qui sache admirer le soleil. […] « La loi naturelle… consiste tout entière en faits dont la démonstration peut sans cesse se renouveler aux sens et composer une science aussi précise, aussi exacte que la géométrie et les mathématiques. » 404.
Imaginez, si vous le pouvez sans épouvante, un homme au sortir du seizième siècle, après tant d’esprits qui viennent de recueillir toutes les traditions de l’esprit humain, et dont les plus hardis n’ont pensé qu’à la suite des deux antiquités ; un homme qui se sépare de toutes ces traditions, des deux antiquités, du présent, de l’humanité tout entière, regardant comme provisoires toutes les notions qui ont fait la croyance des temps écoulés jusqu’à lui, n’en voulant croire aucune définitivement qu’après l’avoir reconnue vraie par une opération de son libre jugement ; un homme qui, sans autre contrôle ni témoignage que sa raison, soutenu par le seul amour de la vérité dans ce laborieux affranchissement de sa pensée, se pose hardiment le triple problème de Dieu, de l’homme et des rapports qui lient l’homme à Dieu, du monde extérieur et de ses rapports avec l’homme ! […] Ces vérités dominent l’art tout entier. […] On n’a pas ce grand naturel à demi, ni par imitation ; on l’a tout entier, et on l’a de génie, comme Descartes. […] Quant à ceux qui, à son exemple, continuant de tenir la science séparée de la foi, gardèrent, dans la plus entière soumission d’esprit sur les choses de la religion, la plus grande indépendance sur toutes les choses de la raison, à quoi en furent-ils redevables, sinon à sa méthode, qu’ils eurent la force d’appliquer à la conduite de leurs pensées et de leur vie ? […] Les langues sont comme l’humanité, qui, tout entière en chacun de nous, s’y personnifie néanmoins par des traits individuels.
Sans doute, en apprenant à Molière à chercher la comédie dans les mœurs et les caractères, le Menteur l’avait averti de son génie ; mais il n’avait fait que le mettre sur la voie de la comédie bourgeoise, et il lui laissait à créer tout entière la haute comédie. […] Cette lutte remplit la pièce ; c’est la pièce tout entière ; on ne s’en lasse point, tant cette image de la vie est forte et attachante. […] Comment égaler deux forces si inégales, sans appeler l’esprit au secours de la première, et sans que le cœur, qui n’accepte le devoir qu’à demi, se fasse aider par la tête pour l’accepter tout entier ? […] Oserai-je la comparer au premier épanouissement d’une fleur, plus belle quand elle s’est ouverte tout entière, plus charmante quand elle vient de s’entrouvrir ? […] Quand on y compare les beaux endroits avec le reste, il semble que le génie de Corneille, délivré des entraves de sa théorie, se retrouve tout entier, tant il a d’élan, de vigueur et de netteté.
Pour regretter d’ailleurs l’absence d’ouvrages entiers, qui ne comprend que ces auditions fragmentaires doivent être une préparation aux auditions totales que de plus en plus chacun demande chaque jour ? […] Voici cependant un entier chef-d’œuvre : Boules de Neige, quatre petits dessins de M. […] Aussi ce final est-il un de ceux qui saisissent le public irrésistiblement, et que la salle entière applaudit dans un commun accord d’admiration ! […] Même absorption dans le bonheur présent, même chaste abandon, même aveu simple et entier d’une passion profonde, même reprise d’un thème toujours varié et toujours identique, d’un thème d’amour si heureux qu’on le croirait, écho des célestes liesses, ne pouvoir jamais être interrompu ou brisé ! […] Il tient sa harpe en main ainsi que les autres poètes ; cet instrument accompagne tous leurs chants et joue un grand rôle non-seulement dans cet acte, mais dans le cours de la partition entière, qui demande un habile artiste pour accomplir les passages compliqués qui lui sont destinés, et trop saillants pour être élagués.
La presse entière, hors trois journaux, dont l’appréciation est dépourvue de toute espèce de valeur, a manifesté un même sentiment d’admiration. […] Et ces choristes marchaient vraiment en scène, jouaient véritablement des rôles, avec une entière liberté, sans aucun trouble vocal dans la mesure ou dans la note. […] C’est là le point culminant de l’œuvre ; le frisson des grandes choses parcourt la salle entière. […] Le cri de « Vive la France » sert de ralliement à des escarpes : le ridicule et la honte en rejaillissent sur la patrie entière… Car on a parlé d’incidents diplomatiques, de conflit européen, à propos de qui et de quoi ? […] En France, elle ne s’imposera jamais tout entière à notre tempérament et ne nous fera jamais oublier notre fidélité à d’anciens souvenirs.
On se dispute, on s’arrache le dieu indécis ; chacun en prend un membre et croit l’avoir tout entier. […] Bacchus fermentait sous sa première forme ; il bouillonne, il déborde, il s’extravase de ce culte étroit comme une outre, sur le polythéisme entier qu’il remue et qu’il renouvelle. […] Sa vigne qui voyage et qui combat avec lui, se ramifie sur la terre entière ; il la prend sous ce filet ruisselant. […] Ses légions traversent à pied sec le courant des fleuves ; il jette pêle-mêle des camps entiers, ivres-morts, dans les lacs dont il a changé l’eau en vin. […] Son péplos, brodé par les Grâces, déroule l’univers entier dans ses plis ; son cratère est le creuset créateur où les éléments cosmiques opèrent leur mélange.
Victor Hugo est arrivé, même dans la confection plastique de son vers, à ce degré d’individualisme solitaire qui est la dépravation la plus entière de la pensée. […] Le volume d’Autrefois, presque tout entier composé de pièces qui demanderaient impérieusement la sincérité du sentiment, les troubles vrais, la cordialité dans les larmes, puisque le fond en est l’amour, a suprêmement les défauts habituels de M. […] Le premier volume des Contemplations est tout entier dans cette note, prétentieuse et puérile. […] Ce que dit la Bouche d’Ombre, les Mages, Ce que c’est que la mort, et vingt autres pièces du même genre, doivent être lues dans leur entier, pour qu’on puisse se faire une idée exacte de cette écrasante incompréhensibilité à laquelle M. […] Hugo ont eu le scrupule de n’en pas parler, mais nous qui n’avons pas les mêmes raisons de nous taire, nous la citerons dans son entier.
Agir lui demande de tels efforts, qu’un unique petit livre est l’ouvrage de son existence entière.
Ces qualités ont vraisemblablement procuré aux Sermons de Saurin l'honneur de figurer assez souvent dans les Chaires Catholiques : bien de nos Orateurs ont cru ne pouvoir mieux faire, que d'en débiter des lambeaux & quelquefois des Discours entiers.
aucune préférence spéciale comme dans l’ancien système, où le trône et l’autel s’appuyaient et se garantissaient mutuellement, mais du moins une liberté générale et entière, efficace et sincère dans son application. […] Non, des bataillons entiers. — Ils étaient abusés, direz-vous. […] Je crois encore pour l’honneur du cœur humain que, s’il en avait eu l’idée tout entière, il aurait reculé devant elle. — J’ai la conviction que c’est moi qui suis cause que votre oncle est rappelé : il aura voulu vous donner une compensation. […] Mon intention est qu’on laisse une liberté entière à la presse, qu’on n’y mette aucune gêne, qu’on se contente d’arrêter les ouvrages obscènes ou tendant à semer des troubles dans l’intérieur. […] Rendons-lui le plein et entier hommage qui lui est dû.
La civilisation repose cependant tout entière sur l’activité désintéressée de quelques hommes, savants ou penseurs. […] C’est là d’ailleurs leur véritable champ d’action, extrêmement vaste et où leur liberté serait entière. […] En présence de ces deux documents contradictoires qui sont comme deux plaidoyers, deux aspects approfondis et émouvants de la même réalité, le critique ou le public est apte à reconstituer celle-ci tout entière. […] Valery Larbaud, à propos d’un catalogue de marchand, où des phrases, des pages entières, sont imprimées à titre d’échantillons. […] Au contraire, il est très facile de séparer les revenus, qui sont nettement distincts, d’un capital qui reste intact, entier.
lorsqu’aux factions un peuple entier se livre, Quand nous nous égorgeons, ce n’est pas pour un livre. […] — Volonté d’un, groupe d’hommes commandant après délibération à tout le reste du peuple selon ce qu’ils ont jugé utile. — Volonté du peuple tout entier, c’est-à-dire de la majorité du peuple, signifiée à un pouvoir central, ramassée par lui et renvoyée par lui au peuple tout entier et à chacun des individus qui le composent. […] — il est pour le gouvernement direct du peuple entier par le peuple entier. […] Rassemble dans les places publiques toutes les dépouilles de la ville, brûle-la tout entière avec ses dépouilles, et qu’il ne reste qu’un monceau de cendres, de ce lieu d’abomination. […] La Réformation tout entière est comme une explosion d’esprit biblique.
Il faut que je te dise que mon âme se réjouit toujours quand le soleil a disparu depuis longtemps, la nuit occupant l’horizon entier, de l’orient jusqu’au nord et au sud, et qu’un cercle demi-obscur seulement luit du côté de l’occident ; la plaine offre un spectacle magnifique. Quand j’étais plus jeune et plus ardent, j’ai regardé souvent, pendant mes excursions, ce crépuscule durant des heures entières. […] Je courus chez les Gerock, et demandai un crayon et du papier, et je dessinai, à ma grande joie, le tableau entier aussi chaud qu’il se représentait dans mon âme ; tous partagèrent ma joie sur ce que j’avais fait, et leur approbation me rassura. […] Le type y est saisi et embrassé dans son entier comme par un jeune frère.
Il y a un moment dans la vie de l’artiste où, muni de toute sa science et riche de tous ses matériaux, fort de son entière expérience et encore en possession de toute sa force, mais pressentant qu’elle pourrait bien faiblir un jour et lui échapper, il se lance à fond de train, se déploie, s’abandonne avec fureur et sans plus de réserve comme s’il voulait s’épuiser et laisser son âme dans son œuvre : c’est le moment décisif, c’est celui qui, dans une grande bataille rangée, décide et achève la victoire. […] « En arrivant, j’ai trouvé, comme vous me l’aviez dit, une lettre de vous datée du 9, mon cher Delaroche ; quoique vous ayant vu depuis, j’y réponds par la raison toute simple qu’elle traite des questions graves qu’il m’importe à mon tour de traiter de vous à moi ; car je veux et je dois vous ouvrir mon cœur tout entier, au risque de vous déplaire sous certains rapports, et peut-être de voir nos relations se refroidir de nouveau ; mais il est des circonstances où ce serait un crime de se taire, puisqu’il y va de votre bonheur à venir et de vous préserver du plus affreux de tous les malheurs, de cette douleur sans compensation de rester seul sur la terre ! […] La peinture est une maîtresse qui passe de main en main sans jamais vieillir ; avec un peu de jugement on doit s’en éloigner avant quelle ne vous joue de mauvais tours ; du reste, c’est le secret de la vie tout entière. […] La salle qu’il occupa et qu’il remplit tout entière à l’Exposition universelle soutint, à sa manière, la concurrence avec la salle d’Ingres et avec les pans de muraille couverts par d’éclatants rivaux.
Le nombre de jeunes gens qui ont été ainsi doués par la fée Guignon est considérable ; ils ont de tout, invention, esprit, travail : mais ils ne savent pas circonscrire leurs forces ; ils veulent faire entrer l’univers entier dans chacune de ses parties, et meurent à la peine. […] Il est à regretter que cet entretien dont on n’a cité que des fragments, mais dont Sismondi avait envoyé un récit complet à sa mère, et qui s’ajouterait si bien à ceux que Benjamin Constant nous a transmis dans ses Lettres sur les Cent-Jours, n’ait pas été donné en entier. […] Elle oublie qu’en prenant le genre humain entier, ceux qui font entrer des vérités bienfaisantes dans leur religion ne sont pas un contre cent… » Et, tout en raisonnant de la sorte, il se laisse mener par sa femme au sermon ; il est tel de ces sermons qu’il trouve assez à son gré. […] C’est chez les femmes qu’on a vu renaître surtout le sentiment religieux ; mais leur influence s’est fait sentir sur la société tout entière.
Le premier Consul n’eut garde de se prêter à ce coup de tête d’ancien régime, et ce ne fut que trois ans plus tard qu’après mûre délibération il procéda à la réorganisation de l’Institut tout entier sur un plan conforme à ses vues de gouvernement. […] Son éloquence (s’il est éloquent) est l’orgueil de la Compagnie tout entière, flattée de se voir représentée avec tant d’honneur et de faveur. […] La littérature française, à partir du xvie siècle, est tout entière passée en revue à l’occasion d’un mot : le point de départ est oublié, et le cercle de l’entretien grandit, s’étend, s’élargit toujours. […] Quoiqu’on n’aime aujourd’hui que le saillant et le coloré, je citerai le passage : « En voyant un si grand homme dans le négligé de sa vie domestique, j’admirais encore en lui une simplicité de manières qui encourageait la modestie timide, sans permettre cependant la familiarité ; un entier oubli de sa gloire, mais qui n’excluait pas le goût de la louange ; une habitude de distractions toujours réparées par les retours d’une bonté naïve ; une vivacité de discours qui avait l’air de l’abandon, mais d’où s’échappaient des éclairs de génie. » C’était le goût d’alors, tout en nuances : on ne saurait moins appuyer et mieux dire. — Il y avait une chose que Suard n’eût jamais dite en pleine Académie, mais qu’il aimait à raconter.
Depuis quelques années pourtant, l’unité de cette belle vie de M. de Chateaubriand s’était suffisamment dessinée ; sauf quelques brusques détails, la ligne entière du monument était appréciée et applaudie. […] Cette faculté électrique qui, lors de l’assassinat du duc d’Enghien, le porta instantanément à briser avec le gouvernement coupable, ne l’a pas abandonné encore ; elle est, chez lui, restée irrésistible et entière comme son génie. […] C’est aux Mémoires qu’il appartenait de tout reprendre dans une unité plus vaste, et de représenter avec accord l’entière ordonnance de cette destinée. […] Il nous faudrait un autre jour tout entier, une reprise d’haleine nouvelle, pour pouvoir l’y suivre.
Ce point de vue de réhabilitation et de plaidoyer continu pourra sembler dès l’abord bien étroit et contraire à l’information entière et impartiale de l’équitable postérité. […] Mirabeau en est le despote. » Et plus loin, çà et là, en raison de ce despotisme de Mirabeau, voilà que l’Assemblée constituante entière, ce faisceau d’hommes éminents et purs, lui est mise sous les pieds. […] En ces conjonctures, les graves époux s’enfermaient dans leur oratoire, et ils reparaissaient ensuite avec une pleine et entière sérénité. […] Lucas-Montigny nous doit l’entière correspondance.
Mais comme ils sont à Londres toujours réunis en une même enceinte, les plus nombreux et les plus robustes, qui ne sont nulle part les plus éclairés, imposent leurs opinions ou leurs sentiments à l’assemblée entière et c’est leur goût qui triomphe. […] Les faits, l’action, le dénouement sont créés par le poète ; mais en effet ce sont bien là, quoi qu’on ait voulu dire, les Musulmans et les croisés du temps de saint Louis ; ce sont réellement leurs idées, leurs affections, leurs habitudes, leurs caractères ; et cette tragédie existait en quelque sorte toute entière dans l’atmosphère historique ; voilà pourquoi elle est si pleine d’intérêt et d’instruction : à beaucoup d’égards, on en peut dire autant d’Alzire. […] Chimène intéresse par l’inutilité de ses efforts sublimes pour haïr l’assassin de son père ; mais Ophélie, livrée tout entière à sa passion par sa démence ; Ophélie, qui adore de toute son âme Hamlet teint du sang de Claudius, ne nous ravit pas seulement, elle nous plonge dans ses propres douleurs et dans son délire même. […] Il a fallu aux classiques comme aux romantiques une longue expérience pour reconnaître que l’amour, dès qu’on l’admet sur la scène, doit l’envahir toute entière, et subordonner tous les intérêts aux siens ; qu’il ne souffre autour de lui l’ambition et la politique que pour les employer à le servir.
Et même cette idée qu’il avait allait un peu au-delà de ce qu’exigeait à l’ordinaire le public : mais, au fond, il ne déroutait pas les spectateurs, et ne leur présentait rien que leur degré de culture ne leur figurât aisément : ainsi il atteignait son but, qui était seulement d’empêcher leur attention de se détourner sur le détail et l’accessoire, et de la ramener tout entière sur la peinture des passions. En effet, indifférents à la vérité de ces choses extérieures dont la fausseté les eût révoltés, les spectateurs se livraient tout entiers aux impressions du drame psychologique que développait le poète. […] Enfin, voici le passage décisif, et qui ne laisse subsister aucun doute : Les grands mots, selon les habiles connoisseurs, font en effet si peu l’essence entière du sublime, qu’il y a même dans les bons écrivains des endroits sublimes dont la grandeur vient de la petitesse énergique des paroles, comme on le peut voir dans ce passage d’Hérodote, qui est cité par Longin : « Cléomène étant devenu furieux, il prit un couteau dont il se hacha la chair en petits morceaux, et s’étant ainsi déchiqueté lui-même, il mourut. » Car on ne peut guère assembler des mots plus bas et plus petits que ceux-ci : se hacher la chair en morceaux, et se déchiqueter soi-même. […] Alors l’ouvrage n’est plus élégant, il n’est plus noble, qualités qui dirigent notre gratitude vers une intelligence : il est sublime, et nous emplit tout entiers de son objet.
Ces esprits emportoient la gloire tout entière, Si toujours la façon eût suivi la matière. […] Ils avaient transporté l’Olympe tout entier dans la même langue poétique qui s’essayait à traduire les Psaumes, et ils mêlaient dans des fictions bizarres la France et Jupiter, des personnifications modernes et des divinités païennes. […] Malherbe immola le premier tout entier, et presque tout le second, aux nouvelles doctrines. […] Plus d’une fois Malherbe plia sous le fardeau, et laissa les premières strophes d’une ode réformatrice se refroidir des mois entiers sur le papier, en attendant les suivantes.
L’homme tout entier, possédé par le moment dans lequel il vit, ne se retourne pas vers le passé, ne regarde pas vers l’avenir, et l’on peut dire sans exagération qu’avant le xvie siècle, ce qui a vécu dans les temps écoulés n’est qu’une faible tradition, et ce qui vivra dans les temps futurs, qu’un mystère. Au xvie siècle, le passé et l’avenir tiennent plus de place dans les pensées que le présent, et le présent lui-même n’est plus considéré comme le temps tout entier, mais comme le passage de ce qui a été à ce qui sera. […] Entre les deux penchants les plus marqués de notre esprit, le désir de connaître et le besoin de se fixer, le premier est si excité par la nouveauté et la richesse des objets à connaître, qu’il parvient à tromper le second, et qu’il prend possession de l’esprit tout entier. […] Charron a retenu de son maître les formes du langage, ces figures, ces redoublements de mots pour renforcer le sens, l’étendre, en embrasser toutes les nuances ; ces épithètes qui sont comme les faces diverses du même objet ; ces images, si chères aux esprits spéculatifs, pour lesquels une demi-vue équivaut à une vue claire et entière.
Mais cette connexité que Wagner apercevait déjà en 1848, acquit avec le temps une signification plus profonde et autre, et cette idée que le Gral est l’Or du Rhin idéalisé l’amena à concevoir un drame entier qu’on pourrait fort correctement nommer l’Anneau du nibelung « idéalisé ». […] Après ces préparatifs de l’année 1875, les mois de juin et juillet 1876 seront employés aux répétitions générales de l’œuvre entière ; je veux dire que tout en évitant une trop grande fatigue, les différentes parties seront essayées, jour par jour, avec orchestre et scénerie complète, de façon que du 1er juin au 15 juillet, successivement, le Rheingold, la Walküre, Siegfried et Goetterdaemmerung, et, du 15 au 30 juillet, selon les nécessités du moment41. Dans la première semaine d’août, la première représentation de l’œuvre entière doit avoir lieu de la façon suivante : Dimanche : à 7 heures du soir, le rheingold ; Lundi : à 4 heures, premier acte de la Walküre, à 6 heures deuxième, à 8 heures troisième ; (de longs entractes offriront un repos au public dans les environs du théâtre, et aux artistes dans des locaux arrangés près de leurs loges). […] De la même façon se répéteront dans la deuxième et troisième semaine d’août la deuxième et la troisième représentation de l’œuvre entière.
La Revue Wagnérienne, partant des principes que nous estimons ceux du véritable wagnérisme, jugera, avec l’entière, l’absolue indépendance qu’exige sa situation spéciale et qui est incompatible avec les conditions d’existence de la plupart des autres publications, les faits wagnériens qui s’annoncent pour 1887. […] Le poème entier a été terminé en 1852, et l’édition que Wagner fit tirer pour ses amis date du printemps de 1853 (Wagner, VI, 371 ; Glasenapp, 1, 360. […] La tragédie entière tourne autour de la Volonté de Wotan, et Wotan, dans la scène culminante de l’évocation d’Erda, renonce à vouloir ; etc… Notons aussi, dans Jésus de Nazareth, cette phrase, « la négation de l’univers » (IV, 404) ; elle est de 1848-50. […] Nous avons eu l’occasion de voir à peu près tous les bustes qui ont été faits de Wagner, et nous pouvons dire que celui de M. ce Egusquiza est, non seulement le seul qui soit en lui-même véritablement une œuvre d’art, mais le seul aussi qui représente Richard Wagner tout entier et tel qu’il fut.
En avance sur tous ses partenaires, il se meut dans cette musique, dans ce drame, avec une souveraine aisance, une entière liberté, un sens admirable de l’action scénique, une complète entente de la pensée wagnérienne. […] Il est incontestable, croyons-nous, que Wagner, tout en spécialisant son art en Allemagne par l’importance qu’il a donnée au rythme particulier de la parole, a destiné son œuvre à l’humanité tout entière, à la perception de tous. […] Née à Saint-Pétersbourg et décédée à Paris, cette grande figure du chant wagnérien, a défendu ce répertoire dans le monde entier. […] L’article propose une interprétation plus vaste et plus wagnérolâtre : Wagner aurait apporté un art au monde entier.
Il l’a fait avec une entière générosité, et j’ai pu passer plusieurs matinées, seul et entouré de notes manuscrites, d’essais philosophiques, de projets de constitutions, et surtout de lettres intimes, de confidences familières, de celles que le plus confiant ne fait qu’à soi-même et que le plus méfiant n’épanche sur le papier qu’en ses heures de grande amertume. […] Dès qu’elles sont pleines de sottises ou de vérités, elles sont contentes. » Il y a des sciences entières fausses, c’est-à-dire fondées sur ce qui n’est pas (on voit bien qu’il en veut surtout à la théologie et à l’ancienne métaphysique), et ces sciences doivent leur origine à de faux rapports revêtus de mots dont se paye ensuite le vulgaire et même la foule des lettrés : Les signes restent, dit-il, et portent dans les générations suivantes l’existence des chimères et l’épouvante qu’elles causent. […] Un des principaux titres de Sieyès, avec l’abolition des privilèges, et qui n’en est qu’une application et une conséquence, ç’a été la destruction des barrières des provinces, la nouvelle division égale du territoire par départements, d’où est sortie plus entière et définitive l’unité de la France ; il en a été le promoteur et l’un des grands coopérateurs. […] j’aurai passé ma vie entière dans le travail le plus forcé, dans le malheur pour moi, et dans les sentiments les plus généreux, les plus ardents pour le bonheur des autres, et ma récompense sera d’être regardé par eux comme un homme à talents capable d’être adopté par des coteries de vils coquins !
C’est pour cette raison que nous accordons à toute œuvre d’art nouvelle notre attention, notre sympathie, sans nous donner pour cela tout entiers, ni pour toujours, ni à un seul. […] Si on ne se reconnaît pas tout entier dans « deux types », on peut reconnaître une partie de soi dans le premier et l’autre dans le second, l’« ange » dans tel type et la « bête » dans tel autre. […] Tarde, a excellemment montré que le monde social et même le inonde tout entier obéit à deux sortes de forces : l’imitation et l’innovation. […] Dès lors, dans le monde particulier de l’art comme dans le monde social tout entier, il y a deux classes d’hommes à considérer : les novateurs et les répétiteurs, c’est-à-dire les génies et le public, qui répète en lui-même par sympathie les états d’esprit, sentiments, émotions, pensées, que le génie a le premier inventés ou auxquels il a donné une forme nouvelle.
Oxford catholique, l’Angleterre tout entière suivrait bientôt, et l’Établissement tomberait en ruines. […] Ce qui se passait dans le sein de l’Université anglicane devait avoir son contrecoup dans la nation tout entière, et plusieurs années dépensées dans une guerre de plume fort active l’avait merveilleusement disposée à le ressentir. […] ne sera pas seulement un jour de joie pour la catholicité tout entière, mais ce sera surtout un jour de bonheur pour la Grande-Bretagne. […] Voyez, en effet, comme sa position vis-à-vis du monde tout entier en serait simplifiée et ses influences agrandies !
Delmire lui permet de lire la lettre entière ; nouvelle confusion, nouvelle promesse de rejeter désormais tout soupçon injurieux. […] En donner le précis, c’est prouver que Molière a bien fait de ne pas la prendre en entier. […] La pièce entière parut ensuite au Rinci, chez M. le Prince, le 29 novembre de la même année, et le 9 novembre 1665. […] Le cinquième acte de la pièce de Plaute n’était point parvenu en entier jusqu’à nous. […] S’il dort la nuit entière ?