Les hommes qui n’ont point d’empire sur eux-mêmes n’en obtiendront jamais sur les autres. […] Cinna, que l’auteur veut et doit ennoblir, devait-il conjurer Auguste à genoux de garder l’empire pour avoir un prétexte de l’assassiner ? […] Cinna nous inspire un intérêt particulier ; nous y retrouvons ce que nous avons été, ce que nous sommes : un grand empire longtemps déchiré par les factions, enfin rendu à l’ordre, au bonheur, à la gloire. […] L’empire, sous ses lois, n’a connu d’autres barrières que l’Océan ou des fleuves lointains. […] Mais au théâtre les sens ont tant d’empire !
Et plus tard encore, dans ses Étrangères, le bruit qu’il n’avait pu faire avec ses Grains de mil et son Penseroso, ses articles et ses notices, il essayait de le faire en innovant, dans notre poésie, le vers de quatorze et de seize syllabes : Quand le lion, roi des déserts, pense à revoir son vaste empire, Vers la lagune, allant tout droit, dans les roseaux il se retire ; ou encore : Les chênes de la forêt, à l’ombre épaisse et tranquille Aujourd’hui, comme autrefois, m’ont chanté leur grave idylle… Qu’était-ce donc qu’Amiel, et où le mettrons nous ?
Tantôt on reconnaîtra une action exercée sur la nation qu’on étudie par quelqu’une des époques de sa propre histoire ou bien par les sociétés se trouvant en contact avec elle ; ainsi en France, par une espèce d’atavisme, le moyen âge, le seizième siècle, le commencement du dix-septième ont obtenu, sous le premier Empire et lors de la Restauration, un regain de popularité qui est sensible dans le développement de notre école romantique ; ainsi encore on sait quelle déviation la résurrection de l’antiquité grecque et latine fit subir au génie français, lors de la Renaissance, ou à quel point nos écrivains du siècle dernier furent les disciples de l’Angleterre.
On peut en juger par le morceau où il croit entendre l’héritier du Trône s’adresser à la Religion, & lui dire, dans une tendre effusion de son ame : « Divine Religion, viens, unissons-nous ensemble pour concourir un jour au bonheur de l’Empire auquel m’appelle ma naissance.
Le christianisme, au contraire, en nous instruisant de la vraie constitution des êtres surnaturels, nous a montré l’empire de la vertu, éternellement séparé de celui du vice.
On passe alors de la grandeur à la douceur des images : sous l’ombrage, des forêts, on parcourt l’empire de l’Ange de la solitude ; on retrouve dans la clarté de la lune le Génie des rêveries du cœur ; on entend ses soupirs dans le frémissement des bois et dans les plaintes de Philomèle.
« Rienzi, dit-il dans cette lettre, est arrivé récemment à Avignon ; ce tribun autrefois si puissant, si redouté, à présent le plus malheureux de tous les hommes, a été conduit ici comme un captif… Je lui ai donné des louanges, des conseils : cela est plus connu que je ne voudrais peut-être ; j’aimais sa vertu, j’approuvais son projet, j’admirais son courage, je félicitais l’Italie de ce que Rome allait reprendre l’empire qu’elle avait autrefois. […] L’empire est encore à Rome et ne saurait être ailleurs tant qu’il restera seulement le rocher du Capitole. » IX De tels sentiments n’enlevèrent cependant pas à Pétrarque la faveur du pape Clément VI, pontife aux mœurs relâchées, mais élégantes, qui appréciait le génie comme un Médicis français. […] XIII C’est de là aussi qu’il entretint une correspondance avec l’empereur d’Allemagne Charles VI, pour lui persuader de venir rétablir l’empire d’Auguste en Italie. — « Rien n’est possible depuis que l’Italie a épousé la servitude », lui répond l’empereur. […] Vaines cérémonies qui signifiaient l’empire, mais qui ne le donnaient pas. […] Rien n’est stable dans ce bas monde, pas même la tombe des grands hommes : les sépulcres ont leurs vicissitudes comme les empires.
L’expérience et la raison tinrent la plume de ces sages ; ils ne se livrèrent jamais aux séduisantes idéalités de leur imagination pour éblouir et fasciner les hommes par des perspectives d’institutions fantastiques qui donnent les rêves pour des réalités aux peuples ; ils respectèrent trop la société pratique pour la démolir, afin de la remplacer de fond en comble par des chimères aboutissant à des ruines ; ils étudièrent consciencieusement la nature de l’homme sociable dans tel temps, dans tels lieux, dans telles mœurs, à tel âge de sa vie publique, et ne lui présentèrent que des perfectionnements graduels ou des réformes modérées, au lieu de ces rajeunissements d’Éson qui tuent les empires sous prétexte de les rajeunir ; en un mot, ces écrivains, les yeux toujours fixés sur l’expérience et sur l’histoire, ne furent ni des rêveurs, ni des utopistes, ni surtout des radicaux. […] Forcée par l’âge de renoncer à l’empire de la beauté, elle avait aspiré à l’empire de l’esprit, dont elle était assez digne. […] Si l’éducation est nécessaire dans le monde des arts, ou pour le plus vil des métiers d’ici-bas, comment supposer qu’elle soit moins indispensable pour le plus sublime et le plus difficile des arts, l’art d’instituer des sociétés et de gouverner des républiques ou des empires ? […] Zoroastre avait été pontife d’un empire immense, foyer d’une théocratie à la fois divine et politique, qui résumait toutes les clartés du monde primitif ; ses lois n’étaient que des dogmes réformés par une longue expérience.
N’eurent-ils pas l’audace d’exiger de nous, sous peine de brûler nos côtes, vingt-cinq millions d’indemnité, pour n’avoir pas assez piraté à nos dépens pendant leur neutralité prétendue et intéressée sous l’empire ? […] X Je ne crains pas de le dire hautement, malgré l’opposition naturelle qu’il peut y avoir entre les pensées diplomatiques de la République et les pensées diplomatiques de l’Empire ; contre des intérêts si français, si élevés, si européens, il n’y a pas d’opposition patriotique qui prévale. […] Le premier Empire, empire uniquement militaire, et qui vendit la Louisiane pour un morceau de pain de munition à ses armées, n’en eut jamais de pareilles. […] Permettre aux États-Unis de renouveler la folie du premier Empire, de mettre le blocus anti-européen, non plus sur leurs ports seulement, mais sur un monde, comme ils viennent de le proclamer, ce n’est plus une lâcheté seulement, c’est accepter les fourches caudines de New-York, c’est abdiquer la navigation, le commerce, le coton, le libre-échange, la marine du vieux monde, c’est ne plus vivre que de la mort de la vie !
Pour éviter la dissémination d’attention qu’un trop grand nombre d’époques jetterait dans la mémoire et dans l’esprit, nous ne diviserons la littérature du genre humain qu’en quatre grandes époques : L’époque primitive ou orientale, indienne, chinoise, égyptienne, arabe, hébraïque ; L’époque gréco-latine, commençant à Homère et finissant au christianisme ; L’époque intermédiaire, décadence, barbarie, renaissance, commençant à la chute de l’empire romain, finissant à la naissance de Dante à Florence, époque dans laquelle l’Italie joue le plus grand rôle, et qu’on pourrait appeler l’époque italienne ; Enfin l’époque moderne, commençant au quinzième siècle, se caractérisant en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, et se poursuivant avec des phases diverses d’ascendance ou de décadence jusqu’à nos jours. […] Priam, Hector, Hécube, l’écroulement de Troie, dans Homère, n’ont pas cette répercussion des chutes d’empires dans le cœur de l’homme. […] Nala perd au jeu jusqu’à son empire. […] Dépouillé de ton empire, dépouillé de ta fortune, sans vêtements, sans nourriture, dévoré par la faim, par la soif, tu veux que je t’abandonne dans ce dénuement, au milieu de ce désert, et que je songe à mon propre salut ? […] « Ô femme, aux cheveux noirs comme la nuit », dit-il en s’adressant par une apostrophe involontaire à Damayanti, « ne t’indigne pas contre l’homme infortuné, privé de sa raison, qui cherchait en vain la nourriture de sa femme et la sienne, et à qui des oiseaux néfastes venaient d’enlever jusqu’à son manteau ; si tu vois jamais revenir ton époux, dépouillé de l’empire, indigent, dévoré de remords, ah !
Tout est conquête pour l’empire. […] L’un est féodal et l’autre est d’empire. […] Le saint empire romain germanique. […] L’empire a quelquefois écrasé la liberté. […] Il ne s’agit pas qu’un empire écrase un empire.
Outre l’école américaine, il y a eu l’école anglaise, et celle d’une dictature plus ou moins démocratique, à laquelle on peut rapporter, à certains égards et toute restriction gardée, la Convention et l’Empire. […] Les habitudes glorieuses de l’Empire ont laissé dans les mœurs et le caractère de la nation un pli qu’elles y avaient trouvé déjà : en temps ordinaire, nulle nation ne se prête autant à être gouvernée, à être administrée que la nôtre, et n’y voit plus de commodités et moins d’inconvénients. […] Dans les rangs secondaires, Rœderer en était probablement déjà, en 91, à ses idées in petto de pouvoir absolu éclairé, dont sa vieillesse causeuse et enhardie par l’Empire nous a fait tout haut confidence. […] Son rôle, ou plutôt l’absence de tout rôle, à cette époque du Consulat et de l’Empire, est dictée par un tact politique et moral des plus parfaits. […] je vous dis, moi, qu’il est tout prêt à recommencer. » La Fayette (et lui-même le dit presque en propres termes) s’appliqua à se conserver sous l’Empire comme un exemplaire de la vraie doctrine de la liberté, exemplaire précieux et à peu près unique, sans tache et sans errata, avec le Victrix causa Diis pour épigraphe.
XI) ; on tente le dessèchement du lac Fucin44 ; les limites de l’Empire sont étendues. […] Assises sur le trône à côté du maître, il y a deux autorités : elles ont leur parti, leur, conseil, leurs audiences ; l’empire du souverain, est moins tyrannique, moins capricieux que le leur. […] « Qu’elle prétendait s’associer à l’Empire, exiger le serment des prétoriens, et soumettre le sénat et le peuple aux ordres d’une femme. […] « Dion n’est point contraire à Tacite dans les détails de la conjuration de Pison. » Donc Sénèque aspirait à l’Empire. […] Qui sera assez juste appréciateur des circonstances où l’Empire se trouvait, pour oser blâmer la condescendance de Sénèque.
L’Empire romain, trop vaste, devenu trop lourd à lui-même, ne s’est pas fédéralisé. Il s’est coupé en deux et a formé deux empires, centralisés encore et autant l’un que l’autre. […] Les philosophes se moquaient, avec tous les magistrats, des superstitions populaires ; mais ils ne faisaient pas un parti, une faction dans l’Empire, et les chrétiens commençaient à former une faction si dangereuse, qu’à la fin elle contribua à la destruction de l’Empire romain. […] Rome, en subjuguant la Judée, avait compté le Dieu des Juifs parmi les dieux qu’elle avait vaincus : le vouloir faire régner, c’était renverser les fondements de l’Empire, c’était haïr les victoires et la puissance du peuple romain. […] Comment pouvez-vous avoir un tel empire sur vous-même ?
Aujourd’hui celle société supérieure a perdu l’empire. […] L’empire lui-même s’est fondé en disant « qu’il ôtait la paix » ; et, si Napoléon IIl est tombé, c’est pour avoir oscillé entre son sentiment juste du temps présent et l’imitation maladroite du premier empire. […] Or dans les moments de folie, les idées violentes et désordonnées prennent l’empire. […] Rien qu’à le voir, on sentait en lui le flegme naturel ou acquis, l’empire de soi, la volonté et l’habitude de ne pas donner prise. […] Presque toujours il semble qu’il ait écrit par occasion, pour s’amuser, pour s’occuper, sans subir l’empire d’une idée, sans concevoir un grand ensemble, sans se subordonner à une œuvre.
L’un et l’autre ont leur empire, leur raison, leur beauté.
Il est moins connu par son Histoire Romaine, son Histoire des Indes, celle des Amazones, celle des Empires, & son Essai critique sur celui d’Occident, que par l’Oracle des nouveaux Philosophes.
Empereurs Romains & bas Empire, 120 §.
Ainsi pour les lettres, entre le tour d’esprit du moment et le génie national, Boileau se range du côté du génie national et lui donne l’empire. […] Après avoir été dans notre pays un art frivole, dont les difficultés donnaient un prix de convention à des galanteries, à un vain badinage d’esprit, n’était-il pas temps qu’elle prît enfin son rang parmi les productions de l’esprit qui prétendent à l’empire des âmes, et qu’elle demandât cet empire aux seules choses qui le donnent, la raison et le vrai ? […] Le poète n’est pas si maître de nos âmes que le lui disent ses flatteurs : l’empire appartient à celui qui connaît toutes les avenues de notre esprit, non à celui qui les évite ou qui les confond. […] Ceux des ouvrages de Boileau auxquels nous avons à demander le secret de leur empire sur tous les bons esprits de notre pays, ont été écrits de vingt-quatre à cinquante ans. […] Cet empire dont j’ai parlé tout à l’heure, à quoi le doit-il ?
… Je lui fus destinée, Quand l’empire devait suivre son hyménée ; Mais ces mêmes malheurs qui l’en ont écarté, Ses honneurs abolis, son palais déserté, La fuite d’une cour que sa chute a bannie, Sont autant de liens qui retiennent Junie. […] Je vous trouve plaisant d’user d’un tel empire, Et de me dire au nez ce que vous m’osez dire ! […] On parle ici de ces délibérations sur une question importante qui intéresse le sort d’un empire : telle est celle d’Auguste, lorsqu’il veut quitter l’empire ; telle est encore celle où Ptolomée examine s’il doit recevoir Pompée, ou lui donner la mort. […] Ou cite encore, dans Corneille, la délibération où Attila examine s’il doit se joindre aux Français pour achever d’accabler l’empire romain, ou défendre l’empire romain contre les Français. […] Un d’eux semble montrer quelque opposition ; le prince l’interrompt : Arrêtez : il me reste à vous dire Que je dois être un jour le maître de l’empire.
Votre Majesté était maîtresse de l’empire ; il est inutile d’en parler : la prudence, la circonspection à laquelle on a été accoutumé dans la dernière guerre d’Allemagne (celle d’avant la paix de Riswick), a fait oublier la véritable guerre à plusieurs. […] Villars, espérant peu désormais de M. de Vendôme, réclamait instamment qu’on fit une diversion du côté du Rhin ; il se voyait en danger d’être isolé et cerné au sein de l’empire, coupé de toute communication avec la France, et même investi dans son camp. […] Il ne se cachait nullement de ses profits ni de la source, et dans un compte de sa fortune qu’il adressa au roi en 1705 sans qu’on le lui demandât, il faisait monter le produit des sauvegardes dans l’empire à deux cent dix mille livres. — Il est plus agréable de se reporter sur ses grandes qualités de capitaine, et lui-même il est le premier à nous y convier et à nous avertir que c’est là le côté principal par lequel il convient de considérer surtout un homme de son métier, lorsqu’écrivant à l’un de ses amis pendant cette campagne du Danube, il dit avec une vive justesse : Mais à propos (il venait de citer le nom de M. de Feuquières), pourquoi ne s’en sert-on pas, de ce Feuquières ?
Capefigue à l’occasion de certains passages de son Histoire d’Europe sous l’Empire, Jomini a résumé en termes élégants et dignes la substance des précédents opuscules (février 1841) ; mais les curieux et ceux qui aiment les traits pris sur le vif ne sont point dispensés de les lire. […] Si vous lisez tout cela à monsieur de Motschanoff, je vous souhaite bien du plaisir. » Revenons aux études sévères. — Son Histoire des Guerres de la Révolution terminée, Jomini, malgré ses plaintes et cet ennui d’écrire qu’il ne faudrait cependant pas s’exagérer, devait n’avoir qu’une pensée et qu’un désir : continuer son récit et donner l’histoire des guerres de l’Empire. […] L’une des plus importantes fut celle de la défense de l’empire russe par les forteresses
Ni sur la fin de la république, ni sous l’empire, les journaux à Rome ne furent jamais rien qui ressemblât à une puissance ; ils étaient réduits à leur plus simple expression ; on ne saurait moins imaginer, en vérité, dans un grand État qui ne pouvait absolument se passer de toute information sur les affaires et les bruits du forum. […] Après tout, aux diverses époques de la république expirante ou de l’empire, dans les rares intervalles de liberté comme sous la censure des maîtres, il n’y avait à Rome que le journal en quelque sorte rudimentaire, un extrait de moniteur, de petites affiches et de gazette de tribunaux ; le vestige de l’organe, plutôt que l’organe puissant et vivant. […] Il paraît peu disposé à le croire très-développé : « La vie politique des Grecs, dit-il en un endroit194, non moins active que celle de Rome, mais resserrée dans leurs petits États, n’appelait point un aussi rapide et énergique instrument de publicité que cet immense empire dont les armées conquérantes détruisirent en peu d’années Carthage, Corinthe et Numance. » On a vu que cet énergique instrument de publicité ne joua jamais que très-peu à Rome ; et, puisqu’il s’agit de la faculté plutôt encore que de l’usage, j’ai peine à croire qu’Athènes, par exemple, n’en ait pas fait preuve, même dans son cercle très-resserré.
Je regrette toujours, en voyant quelques-uns de ces jeunes écrivains à moustache, qui, vers trente ans, à force de se creuser le cerveau, passent du tempérament athlétique au nerveux, les beaux et braves colonels que cela aurait faits hier encore sous l’Empire. […] Joubert n’eut d’autres fonctions, sous l’Empire, que dans l’instruction publique, inspecteur, puis conseiller de l’Université par l’amitié de M. de Fontanes. […] Les idées religieuses prenaient sur cet esprit élevé plus d’empire de jour en jour.
L’école naturaliste, que Flaubert se défendait d’avoir fondée, s’est constituée à la fin du second empire, sous l’influence de Madame Bovary et des théories littéraires de Taine, sous l’influence plus lointaine et d’autant plus prestigieuse des grands travaux des physiologistes et des médecins. […] Zola : toute la série des Rougon-Macquart, cette histoire naturelle d’une famille sous le second empire, ne nous apprend rien sur la loi de l’hérédité, ne la démontre ni ne l’explique. […] Daudet a tenté aussi de grandes études historiques de mœurs contemporaines : le monde du second empire dans le Nabab, le monde des souverains en déplacement ou en disponibilité dans les Rois en exil, le monde de l’Institut dans l’Immortel.
Mlle Delphine Gay, qui devait être de bonne heure célèbre, est née au plus beau matin du soleil de l’Empire, à Aix-la-Chapelle, où son père était receveur général, et elle a été baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne. […] Enfant, elle fut nourrie au sein du luxe, des élégances et d’un certain idéal poétique extérieur et militaire que l’Empire favorisait. […] L’Empire était tombé ; la Restauration s’inaugurait avec de nouvelles modes et un changement complet de décoration, bien qu’avec bon nombre des mêmes personnages : c’était l’heure de la dévotion de salon, de l’aristocratie plus fine, de l’élégance plus assaisonnée d’esprit.
Je parle de Manette parce que c’est une manière discrète d’indiquer comment Rivarol n’avait point dans ses mœurs toute la gravité qui convient à ceux qui défendent si hautement les principes primordiaux de la société et le lien religieux des empires. […] Il est un quatrième ordre non moins essentiel, qui consiste à voir et à démontrer Dieu et sa Providence jusque dans les catastrophes et les calamités même des empires. […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol né voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur.
En tentant d’améliorer et de rénover ces vues, et sous l’empire de la réaction libérale à laquelle cédaient les esprits éminents dans la première moitié de ce siècle, on est allé aune conception opposée et plus fausse. […] C’est par des raisonnements analogues que le roman moderne, éliminant de l’esprit l’empire des facultés supérieures, et des groupes l’ascendant des hommes d’élite, pose en principe l’inutilité de l’effort volontaire et choisit ses personnages parmi les êtres moralement et intellectuellement dégénérés. […] C’est plus largement un topos du siècle des Lumières, repérable chez les penseurs du déclin de l’empire romain (Montesquieu, Gibbon).
Le Capitolium est une antiquité du premier Empire, — non l’Empire de César, — mais l’Empire de Napoléon ; Le Capitolium est contemporain, — non des commentaires de bello gallico, — mais des tragédies de M. de Lancival et de M. de La Harpe.