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942. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Marchez sans craindre le contact des broussailles à travers lesquelles vous avez à vous frayer passage : plus d’égratignures vous compterez en arrivant au but, et plus glorieux il vous sera d’y être parvenus. […] Ce que je dis tout haut, je l’imprimerai ; je ne crains guère mes ennemis, mais je crains encore moins mes amis. » Mariette finit comme toutes les Mariette, par l’argent. […] Hugo est celui qui a le plus le courage de l’emphase, du bruit, de la prétention, du théâtral, aussi passe-t-il pour le plus grand de tous. il ne craint rien, il a un aplomb qui ne peut être démonté. […] Ils sont de toutes les parties, de toutes les fêtes ; chacun craint ou désire un entrefilet et chacun les invite ; pas de soirée sans chroniqueur, ce serait une mesquinerie, un service incomplet. […] M. de Laborde, le Café Ingres, la Salle de concert Delaroche, le Théâtre Delacroix, travaillez pour les pendules, les paravents, les tapis, et ne craignez rien, votre talent n’y perdra pas !

943. (1802) Études sur Molière pp. -355

Après la représentation de cette pièce, Molière prononça un discours dans lequel il remercia le roi de son indulgence : fit adroitement l’éloge des comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, dont il avait à craindre la jalousie, et demanda la permission de donner Le Docteur amoureux. […] Il y a très longtemps que Le Dépit amoureux n’a paru sur la scène française, car je craindrais d’offenser Molière, en accordant ce titre à l’extrait informe qu’on nous donne de cette pièce. […] Le maître ne craint-il point que le pantin ne fasse tort à l’amant ? […] Si je ne craignais d’être trop long, je réclamerais tous les vers de précaution, de sentiment, de situation qui mutuellement se font ressortir, tous ceux qui renferment une pensée philosophique, et que l’on retranche impitoyablement. […] Nous ne détaillerons point les beautés du style, celles de l’économie théâtrale ; tout est parfait, divin, et au point qu’on craint de proférer un blasphème, en osant parler des légères taches qu’une sévérité scrupuleuse pourrait peut-être y découvrir.

944. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

J’ai vu l’amour s’éteindre et l’amitié tarir, Les vierges se voilaient et craignaient de mourir. […] Il craint la trahison, et tandis qu’il y songe Le cor éclate et meurt, renaît et se prolonge. […] avec elle périrait un plaidoyer en faveur de quelques infortunés inconnus ; mais je crois trop pour craindre beaucoup. — Je crois surtout à l’avenir et au besoin universel de choses sérieuses ; maintenant que l’amusement des yeux par des surprises enfantines fait sourire tout le monde au milieu même de ses grandes aventures, c’est, ce me semble, le temps du DRAME DE LA PENSÉE. […] Chatterton, en se promenant avec son ami le quaker, rencontre quelques jeunes lords ; revoyant lord Talbot, un de ses camarades de collège, il craint d’en être reconnu et manifeste au quaker ses sinistres pressentiments.

945. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Ce n’est pas la parole d’un maître qui vous reproche vos erreurs ; c’est celle d’un ami qui craint lui-même de se tromper, qui vous prévient de son ignorance ; qui doute, il est vrai, de la sagesse des philosophes, mais qui doute encore plus de la sienne. […] Mais pourquoi la craindriez-vous ? […] Le plus grand des écrivains de notre langue, Bossuet, a la force et l’élévation, mais c’est la force écrasante du prophète plutôt que la force persuasive de la vérité: il est terrible, il n’est pas bon ; on ne l’admire pas seulement, on le craint. […] Il n’y a que la méchanceté des hommes qui leur fasse nier une justice qu’ils craignent.

946. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Les raisons qui me portèrent à l’emmener plutôt qu’un autre, c’est qu’il souffrait son mal en désespéré et en furieux, et que je craignais que le désespoir et l’ivrognerie, à quoi il était sujet, ne nous fît découvrir en Mingrélie. […] Il se jeta à leurs pieds, et leur dit que pour lui il ne craignait rien tant que de perdre sa maîtresse, et que tout le courroux du roi de Perse ne lui était rien au prix de cet accablement ; qu’au reste, il n’y avait qu’une voie de se tirer d’affaire, qui était de se marier ensemble à l’heure même, et que le lendemain on déclarerait au perfide parent que la dame qu’on demandait n’était plus fille. […] Le pis pour moi était qu’on parlait de la lui rendre et de le rétablir, parce qu’étant, d’un côté, fort ennemi des chrétiens et des Européens, et qu’étant, d’un autre, inaccessible aux recommandations et aux présents, ayant toujours fait paraître durant son emploi qu’il n’avait rien plus à cœur que de grossir le trésor de son maître, je devais craindre qu’il ne l’empêchât d’acheter les pierreries que j’avais apportées par l’ordre exprès du feu roi son père, et sur les dessins qu’il m’en avait donnés de sa propre main. […] Les Persanes ont l’esprit tout à fait faible sur le sujet de l’ensorcellement ; elles y croient comme aux plus grandes vérités, et le craignent plus que l’enfer.

947. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Quand sur nos bords on rit, on chante, on aime,     Louis se retient prisonnier : Il craint les grands, et le peuple, et Dieu même ;     Surtout il craint son héritier. […] Craignons sa haine, et disons qu’en bon père     À ses enfants il a souri. […] « Il m’envoyait chercher à chaque instant dans ses jardins ou dans ses cours, pour avoir un conseil ou un appui dans ma personne ; il ne craignait pas de se tromper s’il se trompait avec moi : n’étais-je pas la popularité vivante ?

948. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Cependant, c’est justement ce que nous ignorons, et je crains qu’on ne doive ajouter : c’est ce que nous ignorerons toujours. […] Je crains bien que Renan ne voulût dire plus élégamment, et moins franchement, la même chose, quand il nous avertissait de ne pas nous représenter les voyages de Paul et de Barnabé comme ceux « d’un Livingstone… ou d’un François-Xavier, mais plutôt comme ceux d’ouvriers socialistes répandant leurs idées de cabaret en cabaret ». […] Je ne crains pas que l’on me réponde. […] Mais que le « mouvement » existe, ceux-là seuls peuvent le nier qui craignent en quelque manière de le « populariser » en le combattant trop ouvertement Le « néo-catholicisme » est un fait, comme disent les savants ; et un fait, d’ailleurs plus ou moins d’importance, mais ce qu’on ne devrait pas avoir besoin d’apprendre aux savants, c’est qu’il faut toujours compter avec lui.

949. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

J’ai là devant moi quantité de numéros de la Presse, renfermant des articles de lui, dont je voulais me souvenir, et sur l’un de ces numéros j’ai écrit : « Voici de ces jolies choses, dites en courant, que je crains que Saint-Victor ne conserve pas et ne recueille pas dans les volumes d’articles revus qu’il prépare ; il s’agit de je ne sais quelle petite pièce à couplets : « Ces chansons du vieux temps, Mlle Déjazet les dit de sa petite voix grêle et fine de cigale anacréontique ivre de  rosée. — « Tu ne subis point la vieillesse », — dit à la cigale le poëte de Téos, — « frêle enfant de la terre, toi qui aimes les chansons. » Et dans un autre feuilleton encore : « Les rides, si jamais elles viennent, iront à sa petite figure spirituelle et impertinente comme les craquelures à la porcelaine. » Ces charmants hasards de plume valent pour moi de plus grands traits, et je ne veux pas que le feuilleton, sous prétexte qu’il devient livre et qu’il se fait plus grave, me les ôte et me les supprime.

950. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Lélia, d’ailleurs, est un ouvrage une fois fait ; il n’est pas à craindre que l’auteur continue cette manière et donne suite à ce genre.

951. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

N’admirez-vous pas l’importance du serment à la scène et le merveilleux ressort qu’il fournit à nos auteurs qui ne craignent pas de faire peser toute une pièce là-dessus ?

952. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

cet auteur, si suspect aux religieux observateurs du mariage, n’a pas craint de mettre là en scène un mari à demi trompé, qui n’a rien de ridicule ni de paterne, mais plein de sérieux, et s’élevant à une éloquence parfois qui a gagné le public, quelque peu surpris.

953. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Le gouvernement de l’empereur10 n’est pas de ceux qui craignent d’avoir affaire à la démocratie, sous quelque forme qu’elle se présente, parce que ce gouvernement a la puissance et le secret de l’élever et de l’organiser.

954. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Cicéron a craint les présages tirés des songes.

955. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Nos meilleurs romanciers et auteurs dramatiques n’ont pas de plus grand souci que d’établir en pleine réalité leurs personnages : ils craignent les inventions romanesques et les effets de mélodrame.

956. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Elle aime votre esprit et vos manières, et quand vous nous retrouverez ici, vous n’aurez point à craindre de n’être pas à la mode. » Cette continuation de société intime avait lieu malgré la vie mystérieuse des petites maisons de nourrices.

957. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Nous ne sommes pas de son sentiment, & nous allons établir nos raisons, ou plutôt combattre les siennes, sans craindre que ce Critique trouve mauvais que nous usions d’un droit dont il a usé lui-même à l’égard de plusieurs Ecrivains.

958. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Je sais que celui qui supprime un mauvais livre ou qui détruit une statue voluptueuse, ressemble à un idiot qui craindrait de pisser dans un fleuve, de peur qu’un homme ne s’y noyât.

959. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Les gouvernements, qui se jalousent et qui se craignent, restent les uns en face des autres avec des sentiments ou des ressentiments contenus par des prudences inquiètes… et les corps diplomatiques demeurent entre eux, croupissant dans une immobilité d’observation que leurs Correspondances attestent.

960. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il ne craint pas d’appeler tout ce vaste, impétueux et puissant seizième siècle qui expire, « une littérature de transition », D’instinct et de choix, il place Malherbe, ce Richelieu littéraire, au-dessus de tout, même de Régnier, à qui il ne pardonne pas d’être le neveu de Desportes par le talent comme par le sang.

961. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Lenient, fidèle à ses maîtres, ne craint pas de mettre la satire au compte de la bourgeoisie au Moyen Âge, et d’en faire l’instrument et la preuve même de son émancipation.

962. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Depuis Henri IV et Louis XIV, qui reconnaissaient leurs bâtards et leur donnaient des maisons princières, jusqu’à Louis XV, qui éleva l’adultère à la Fonction dans la personne de madame de Pompadour et de madame du Barry, des générations successives de maîtresses avaient suivi des générations successives de Bourbons sur le trône, en sorte que l’on aurait pu croire que, si le Roi ne mourait pas en France, la Maîtresse du Roi ne mourait pas non plus… Nous ne craignons pas de le dire : c’est là le grand crime des Bourbons, la tache indélébile qu’on ne lavera point dans toute leur gloire.

963. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Depuis Henri IV et Louis XIV, qui reconnaissaient leurs bâtards et leur donnaient des maisons princières, jusqu’à Louis XV, qui éleva l’adultère à la Fonction, dans la personne de Mme de Pompadour et de Mme Du Barry, des générations successives de maîtresses avaient suivi des générations successives de Bourbons sur le trône, en sorte que l’on aurait pu croire que si le Roi ne mourait pas en France, la Maîtresse du Roi ne mourait pas non plus… Nous ne craignons pas de le dire, c’est là le grand crime des Bourbons, la tache indélébile qu’on ne lavera point dans toute leur gloire.

964. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

qu’il ne puisse arriver que l’indifférence publique ne tombe sur une œuvre grande et qui eut son éclat, et n’étende une couche de silence ignorant sur ce qui fit le plus de bruit ; mais, dans le cas présent, rien de pareil n’était à craindre ou à supposer.

965. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Jules Simon et que l’ennui, un immense ennui, s’échappe de ses œuvres, mais raison de plus pour tout craindre.

966. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner !

967. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

… Telle est la question que nous ne craignons pas de poser devant sa jeune gloire… Comme les diverses manifestations de l’esprit n’en changent jamais la nature, la place d’Augier dans la poésie lyrique et élégiaque nous semble devoir être identiquement la même que dans la poésie dramatique, — moins les retentissements d’un succès, toujours plus sonores à la scène qu’ailleurs !

968. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Ce n’est pas non plus de ces œuvres d’un métier enragé, diaboliquement travaillées ; de ces ciselures de Benvenuto myope qui craint de n’avoir jamais assez appuyé son burin.

969. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Henri Mürger, je le crains pour lui, n’aura donc pas la solidité de renommée d’un autre bohême, auquel on a fait également l’aumône tardive d’un tombeau.

970. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Je veux fortifier et réchauffer cette pensée d’un poète, qui, s’il a bu, je le crains bien, a bu surtout des larmes… de ces larmes qui restent longtemps aux yeux sans en tomber, qui coulent enfin et qu’on dévore.

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