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946. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant rouleau que la civilisation, cette Tarquine à la main douce, qui ne fait pas voler les têtes de pavot sous les coups de baguette, mais qui se contente de les coucher par terre en les caressant, promène par-dessus toutes choses, comme dans une allée de jardin ! […] Lorsque, dans le cours du roman, Espérit parvient à faire jouer sa tragédie, il éclate tout à coup, à la représentation qu’il a achetée par tant d’efforts, une émeute effroyable qui, à elle seule, ferait lire le livre du Marquis des Saffras et classerait l’homme qui l’a peinte.

947. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mais dans la seconde partie, la forme change tout à coup. […] Il a de leur saveur mordante Il a comme eux le coup de dent, et cette belle horreur du vulgaire qui donne en passant si bien le paquet aux idées communes et au faux goût.

948. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord. […] L’armée, en apprenant le meurtre de l’empereur, était prête à se révolter ; tout à coup Dion jette les haillons qui le couvraient, s’élance sur un autel, et de là s’adressant aux soldats : enfin le sage Ulysse a quitté ses lambeaux 48, dit-il ; poursuit, se fait connaître, parle avec la plus grande éloquence, apaise la sédition et calme l’armée.

949. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Rendez-vous fort au plus vite, en chassant loin de vous la plainte efféminée. » On le voit, avec la mobilité du génie grec, cet Archiloque, banni de Sparte pour avoir plaisanté du courage, savait l’inspirer par ses vers et s’en armait contre le mépris excité par ses fautes47 : « Ô mon âme, dit-il, battue de maux intolérables, souffre avec fermeté ; et, la poitrine jetée au-devant des ennemis, repousse-les, en restant inflexible sous leurs coups : victorieuse, ne t’enorgueillis pas ; et vaincue, ne demeure pas dans l’ombre à pleurer ; mais, dans le bonheur et dans les revers, triomphe ou afflige-toi modérément ; puis reconnais quel courant fatal entraîne les hommes. » Le poëte capable de ces mâles et sévères accents pouvait redire les hauts faits. […] Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.

950. (1900) La culture des idées

Ce n’est pas du premier coup que les races aryennes joignirent ces deux idées, l’idée de mort et l’idée de nécessité ; beaucoup de peuplades noires n’y sont pas parvenues. […] Mais si l’on veut jouir d’une réputation intacte et de l’estime totale il est nécessaire d’arriver du premier coup à la non-écriture. Quelques premiers livres écrits, quelques pages même, déterrées par un ennemi littéraire, pourraient, après des vingt ans de labeur et de succès, compromettre tout d’un coup votre popularité. […] Jetez-moi bas une vingtaine de réputations et la vôtre grandira infailliblement… » Sans doute, si le coup est vraiment un « coup d’éclat », mais qui oserait en répondre ? […] À mon avis, les plus beaux coups en ce genre seront toujours malheureux, surtout à une époque où l’opinion est si divisée, où il est si facile de se faire condottière, de recruter un parti et une armée.

951. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

… Et j’aperçois Du sang, qui tout à coup vient de rougir ta lame ! […] Il gagne à tout coup !  […] Tout à coup Yves reparaît. […] Tout à coup, les voiles se déchirent, la vérité éclate. […] Son premier péché a, comme il arrive, réveillé après coup, dans la petite épouse courtisane, une conscience.

952. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Je ne vais pas exposer mon amant aux coups des assassins par excès d’amour pour lui. […] Frédéric maçonnait mal et son père le rouait de coups. […] Sous le coup de la première douleur il supplia même Elise de venir le rejoindre. […] Cependant, en 1833, on n’en vint pas aux coups de canne. […] Eschine, qui est sous le coup d’un décret d’exil et qui va partir, est furieux.

953. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Tout à coup, il s’anima ; sa voix devint mordante et forte. […] Pourquoi éprouveraient-ils tout à coup le besoin de devenir sédentaires ? […] Le roi, ayant tiré son épée, frappa trois coups sur son bouclier. […] Tout semblait s’ouvrir devant moi, comme au coup de baguette d’une fée. […] Mais la lézarde devait s’étendre insensiblement jusqu’à ce que l’édifice des aïeux s’écroulât tout d’un coup.

954. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Ce sont là de ces contrats faits après coup par les philosophes, et dont il serait bien difficile de montrer les titres. […] Coup d’œil sur la situation de la littérature pendant l’empire. […] De son côté, le philosophisme, qui avait aussi accès dans la presse, et qui remplissait les corps savants et l’administration, cherchait à rendre coup pour coup, et à irriter l’empereur contre le Journal des Débats. […] L’empereur ne s’y trompa pas, et se sentit atteint par ces coups frappés d’une main gantée de velours. […] Il n’était pas cependant royaliste à cette époque, il se plaisait plus tard à le redire ; mais il le devint à la suite de ce coup d’État.

955. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IV » pp. 16-18

Elle est le coup d’essai d’un jeune homme du Midi, M.

956. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

J'espère toujours que ce sera du théâtre que ce coup viendra, et qu’au milieu de notre anarchie il sortira de par là un 18 brumaire littéraire.

957. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XV » pp. 61-63

— Le livre de M. de Custine sur la Russie est plus qu’un livre agréable : au milieu de beaucoup de répétitions, de bel esprit, d’afféterie même et de prétention à étaler ses propres sentiments qu’on ne lui demande pas, l’auteur a observé avec sagacité, avec profondeur ; il dévoile (et c’est la première fois qu’on le fait) les plaies et les lèpres de cette société russe, de cette civilisation plaquée ; il révèle sur le prince, sur les grands, sur tous, d’affreuses vérités : ce livre porte coup (c’est l’opinion de bons juges, non suspects de faveur).

958. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIII » pp. 291-293

Cette raison si nette, si rapide, si brillante, et qui avait longtemps gardé jusqu’au sein des affaires une sorte de fraîcheur inaccoutumée, s’est tout d’un coup troublée et couverte d’un voile sinistre.

959. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boschot, Adolphe (1871-1955) »

André Rivoire Ce sont de véritables symphonies que ces poèmes, et les vers y sont délicieux ; il en est de très doux, comme atténués de sourdines ; d’autres, çà et là, éclatent et montent comme des cris… et voici qu’après d’indécis murmures, tout à coup, des strophes éloquentes se poussent l’une l’autre d’un large mouvement… Ce livre d’émotion, de pensée, d’harmonie, est original et reste simple.

960. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

On peut donc le regarder dans ce démêlé, comme le Comte de Gormas devenu la victime du premier coup d’essai du jeune Rodrigue.

961. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Et c’est arrêter du même coup le progrès des mœurs et l’essor de la civilisation. […] Tout à coup elle découvre dans une vitrine un petit pied de momie, un pied de femme. […] Enfin, il ne craint ni la mise en scène ni le coup de théâtre. […] Tout à coup, le Coelum empyreum s’est effondré. […] J’ignore si c’est comme Scheherazade par un habile artifice, ou parce que le texte chaldéen manque tout à coup.

962. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il n’a pas la maladresse de l’interpeller brusquement comme dans Phèdre73 et de lui dire du premier coup : « D’où te vient ton embonpoint ?  […] Tartufe aussi se nourrissait bien, « buvant à son déjeuner quatre grands coups de vin, et mangeant fort dévotement deux perdrix avec une moitié de gigot en hachis » ; il avait le teint fleuri et l’oreille rouge ; tous deux avaient profité du métier, et, quand on voit Grippeminaud jeter si prestement la patte sur les plaideurs et « les mettre d’accord en croquant l’un et l’autre », on juge qu’il est digne de son confrère. […]     C’était un maître rat,     Dont la rateuse seigneurie S’était logée en bonne hôtellerie,     Et qui cent fois s’était vantée     De ne craindre ni chat ni chatte,     Ni coups de dents, ni coups de patte, Dame souris, lui dit ce fanfaron,     Ma foi ! […] Le seigneur du pays l’a longtemps taillée et foulée à merci. « C’est sur eux qu’il fondait sa cuisine. » « Viviers et réservoirs lui payaient pension. » Mais le voilà vieux, et la pension se fait attendre ; en conséquence, il prend tout d’un coup le ton familier, et se fait populaire. […] Pour le singe, il s’invente au premier coup toute une parenté ; le Pirée d’abord, « son meilleur ami », puis « son cousin le juge maire. » Mais il n’est qu’un écervelé, et babille à tort et à travers.

963. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Loin de lui être de bons et fidèles boucliers, elles lui ont joué le mauvais tour de ces costumes étranges qui, signalant dans la bataille le soldat qui les porte, lui attirent tous les coups et ne sont à l’épreuve d’aucun. […] Certes, ce dut être une joie, pour ces anatomistes de la pensée, que de pouvoir, dès leur coup d’essai, faire des expériences en grande que d’avoir, pour premier sujet, une société morte à disséquer. […] Après les coups d’épingle, le coup de massue. […] Non qu’il convienne de faire, comme on dit aujourd’hui, de la couleur locale, c’est-à-dire d’ajouter après coup quelques touches criardes çà et là sur un ensemble du reste parfaitement faux et conventionnel. […] S’il lui arrive trop rarement de les corriger, c’est qu’il répugne à revenir après coup sur une chose faite.

964. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

A coup sûr, il n’y a eu ni préméditation, ni méthode, mais les choses se sont passées ainsi, sans exposition préalable d’un système, sans programme établi que je sache. […] Aussi, eut-il l’ambition d’être absolument original et de conquérir, de force ou de gré, toute l’attention publique il médita un coup d’éclat. […] Dès l’entrée, une fessée à coups de battoir, administrée par une blanchisseuse à une fille dans le lavoir public, fut considérée comme une trouvaille. […] L’honnêteté marche un trot régulier qui ne s’arrête guère, mais qui ne donne pas de coups d’éclat. […] Il oublie qu’en temps de coups d’État et de guerres civiles, on fusille et on massacre partout.

965. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brizeux, Auguste (1803-1858) »

Ce qui le préserve parfois de cette peste du siècle, et ce qui, par moments, le rend enchanteur, c’est la puissance d’artiste consommé qui lui fait tout à coup retrouver son cœur sous les vapeurs noires de son esprit.

966. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 328-331

M. l’Archevêque de Vienne a porté de nouveaux coups aux prétendus Sages de nos jours, dans un Ouvrage qui a pour titre, la Religion vengée de l’Incrédulité par l’Incrédulité elle-même, auquel on ne peut opposer que des réponses futiles ou de mauvaise foi.

967. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Quelle innombrable troupe de divinités vient donc tout à coup peupler les mondes !

968. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Un mot échappé à Voltaire, dans sa Correspondance, montre avec quelle vérité historique, et dans quelle intention, il écrivait cet Essai : « J’ai pris les deux hémisphères en ridicule ; c’est un coup sûr. » An 1754, Corresp. gén.

969. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Sur les exercices, des. Cadets russes. » pp. 549-546

«  Voici les réflexions qu’a faites à ce sujet un homme de bien, justement célèbre, que la reconnaissance a amené de huit cents lieues au 60e degré à l’âge de soixante ans, au pied du trône de sa bienfaitrice » : « Jugez, disait-il, combien cela doit plaire à un homme dont la première éducation a été aussi dissipée, aussi violente et peut-être plus périlleuse, et qui a le front cicatrisé de plusieurs coups de fronde reçus de la main de ses camarades.

970. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Machy » pp. 174-175

La façade de ces arcades et toute la partie antérieure sont dans la demi-teinte ; on a fait d’une pierre deux coups : on s’est ménagé des effets de lumières par le dessous des arcades, et l’on a masqué l’unique défaut d’un des plus beaux morceaux d’architecture qu’il y ait au monde.

971. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Préface »

Luisure sera un effet de lueur sur la vitre d’un lampadaire, sur la plaque d’un métal poli, sur l’orbe d’un bouton métallique ; elle sera l’éclat brusque du diamant dont une facette concentre subitement les feux du lustre ; la syllabe ure produisant une sensation d’arête vive, le brusque coup d’archet sur les notes aiguës du violon.

972. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Tout à coup je tombai sur un fragment de trente ou quarante lignes qui étincelèrent à mes yeux comme si ces lignes avaient été écrites, non avec le pinceau du poète trempé dans l’encre, mais avec la poussière de diamants et avec les couleurs de feu des rayons que le soleil levant étendait sur la page ; ce fragment était un éblouissement de l’âme mystique, appelant, cherchant, trouvant, embrassant son Dieu à travers l’intelligence, la vertu, le martyre et la mort, dans l’ineffable élan de la raison, de la poésie, de l’extase. […] « J’éprouvais bien un certain remords, une certaine hésitation à trancher du coup une telle vie, une telle joie, une telle innocence dans un être qui ne m’avait jamais fait de mal, qui savourait la même lumière, la même rosée, la même volupté matinale que moi, être créé par la même Providence, doué peut-être à un degré différent de la même sensibilité et de la même pensée que moi-même, enlacé peut-être des mêmes liens d’affection et de parenté que moi dans sa forêt ; cherchant son frère, attendu par sa mère, espéré par sa compagne, bramé par ses petits. […] Le coup partit. […] XXXI « Quand la fumée du coup fut dissipée, je m’approchai en pâlissant et en frémissant de mon crime. […] « J’aurais voulu le guérir à tout prix ; mais je repris le fusil par pitié, et, en détournant la tête, je terminai son agonie du second coup.

973. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Est-ce qu’on ne dirait pas que toutes les étoiles de première grandeur de ces groupes de l’Europe ont pâli tout à coup et n’ont été remplacées que par des reflets affaiblis de leur splendeur nationale ? […] De ce jour-là, son originalité fut perdue pour longtemps ; car, en se décidant pour le latin et pour le grec, beaux modèles de langues sans doute, elle se décida du même coup pour l’imitation servile des littératures sorties du latin et du grec, l’imitation, ce fléau des littératures originales ! […] XVI Nous donnons ces consolations en passant à ceux qui déplorent, comme les romantiques, que la littérature française, prête à naître originale à cette époque, se soit tout à coup dénationalisée elle-même en s’absorbant dans l’imitation superstitieuse de l’antiquité. […] XXI Quant à l’histoire, elle n’avait encore ni assez d’âge, ni assez d’indépendance, ni assez de profondeur, ni surtout assez de politique ; elle ne connaissait dans le récit que le conte, le poème ou la chronique : son Tacite inculte, Saint-Simon, trop passionné pour être imitateur de personne, lui donna tout à coup l’originalité de son propre caractère. […] Son style de coups et de contrecoups brise en mille pièces la période ou l’épanche en un flot intarissable et écumant de phrases qui entraînent l’âme de ses lecteurs dans le débordement de ses impressions.

974. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

À l’aspect de cette foule bigarrée, M. de Saint-Pierre perd tout à coup son assurance. […] Cependant un bruit formidable vint rompre tout à coup le charme de sa rêverie: il crut un moment que l’abîme s’ouvrait pour engloutir sa frêle embarcation ; mais les matelots paraissaient tranquilles et se contentaient de se ranger à la côte. […] Je fuis mon maître, qui est un riche habitant de la Rivière-Noire: il m’a traitée comme vous le voyez. » En même temps, elle lui montra son corps sillonné de cicatrices profondes, par les coups de fouet qu’elle en avait reçus. […] À peine leur décharge fut faite, que nous aperçûmes sur la mer une lueur, suivie presque aussitôt d’un coup de canon. […] » Ne pouvant douter de son malheur à mon silence et à mes larmes, elle fut saisie tout à coup d’étouffements et d’angoisses douloureuses ; sa voix ne faisait plus entendre que des soupirs et des sanglots.

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