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1429. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Condamnés sur l’avis de Hayashi Daigaku, chef des académiciens, consulté par le pouvoir exécutif, les quarante-sept ronins s’ouvraient le ventre, et enterrés autour du corps de leur maître, la sépulture du prince d’Akô et de ses fidèles serviteurs devenait un lieu de pèlerinage.

1430. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Les généralités admettent toujours les exceptions ; nous savons fort bien que la foule est une grande chose dans laquelle on trouve tout, l’instinct du beau comme le goût du médiocre, l’amour de l’idéal comme l’appétit du commun ; nous savons également que tout penseur complet doit être femme par les côtés délicats du cœur ; et nous n’ignorons pas que, grâce à cette loi mystérieuse qui lie les sexes l’un à l’autre aussi bien par l’esprit que par le corps, bien souvent dans une femme il y a un penseur.

1431. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Elle fit enterrer au Paraclet le corps de son époux, immortalisé par elle encore plus que par les écrits qu’il a donnés.

1432. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

C’est à la physique, dit-il, à les étudier parfaitement ; c’est à elle à tâcher d’en découvrir la nature, les causes, les caractères & les effets, moyennant la liaison de l’ame avec le corps.

1433. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Il y jouait la Faculté de Médecine en corps, après avoir joué les Médecins en particulier dans plusieurs autres, où il a trouvé moyen de les placer ; ce qui a fait dire que les Médecins étaient pour Molière, ce que le vieux Poète était pour Térence.

1434. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il n’est pas impossible qu’un chasseur ayant tué un daim et un faon, y veuille joindre une perdrix, mais qu’un loup devant quatre corps se jette sur une corde d’arc, cela ne me paraît pas d’une invention bien heureuse.

1435. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il a pris toute la mâle vigueur de ses modèles ; & ses expressions fortes & pittoresques donnent du corps aux pensées les plus légeres.

1436. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Cependant en quelques années, il ôte à l’esprit sa vigueur, et au corps une partie de ses forces.

1437. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

En province, où elle vécut d’abord ; à Paris, où elle vint plus tard, elle n’aspira jamais qu’à être la Philaminte d’un cercle mieux composé que celui des Femmes savantes, et dont les Vadius et les Trissotin ne furent rien moins que Soumet, alors dans toute sa gloire, — Soumet, sur le corps de qui ont passé Lamartine et Victor Hugo, — Guiraud, Émile Deschamps et le marquis de Custine, un grand artiste à peu près inconnu, très grand seigneur avec la gloire qu’il n’a pas courtisée, et dont le marquis de Foudras, l’héritier de son immense fortune, a oublié de publier les œuvres complètes, quand on imprime celles de Mme Gay !

1438. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Catalogués et numérotés par leur date d’admission à l’Académie française, tous ces esprits, qui, dans les lettres, expriment ce que Napoléon appelait de la chair à canon dans la guerre, et forment, pour ainsi parler, l’humus d’une littérature, comme la masse des soldats tués forme celui des champs de bataille, tous ces esprits n’auraient pas l’honneur de la place qu’ils occupent au petit soleil du livre de Livet s’il s’agissait individuellement d’eux, au lieu du corps dont ils ont fait partie.

1439. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Comme tous les esprits qui se froidissent en montant, — car l’esprit est soumis dans sa sphère aux lois que subit le corps dans la sienne, — Guizot a touché cette période de la vie morale qui faisait dire à un grand esprit calmé, l’illustre Goethe : « Le temps m’a rendu spectateur. » Pour tout homme, c’est la disposition qui le met le plus près de l’accomplissement de tout son être, qu’il s’appelle d’ailleurs Shakespeare, Machiavel, Walter Scott, trois grands hommes qui eurent aussi, tous les trois, cette froideur d’impartialité qui n’est pas la glace de l’âme, mais la sérénité du génie.

1440. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Le tort des écrivains qui, comme Debay, respectent et admirent les courtisanes, et se persuadent bonnement que les ronds de jambe de ces danseuses-là importent à la postérité, c’est de croire qu’elles subjuguent et entraînent les hommes en vertu d’une habileté quelconque, d’un don de l’esprit ou de l’âme uni à cette beauté du corps qui rend le triomphe si facile.

1441. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Lisez, pour en juger, son chapitre sur les médecins, ces confesseurs du corps qui tiennent, par en bas, une société matérialiste, et dont on ne dira jamais le mal qu’on a dit des confesseurs de l’âme, qui, du moins, tenaient la société par en haut !

1442. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.

1443. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Dès 1838, il publiait un poème en plusieurs chants dont le Journal des Débats, plus littéraire que les autres, parla seul ; et ce poème, intitulé Volberg, n’était tout simplement que la conversion au catholicisme d’un esprit du xixe  siècle, d’un de ces Titans du doute, de l’incrédulité et de l’orgueil, comme Byron, ce grand boiteux d’esprit comme il l’était de corps, en avait tant élevé sur leurs pieds d’argile, — sur des pieds qui ressemblaient au sien !

1444. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

C’est lui qui fit cette fameuse réponse aux chefs de la ligue : Mon âme est à Dieu, mon cœur est au roi, mon corps au pouvoir des méchants.

1445. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Actuellement, dans des sous-sols, il y a un bas-relief très remarquable qui représente le mariage de l’Amour et de Psyché, et un autre où l’on voit des pleureurs de profession se lamentant sur le corps d’un mort. […] Image a protesté contre l’argot d’atelier, d’après lequel un sujet n’est point nécessaire, en définissant le sujet comme l’idée, l’émotion ou l’expression à laquelle un homme se propose de donner un corps, par la forme ou la couleur, en acceptant les feux d’artifice de M.  […] Souvent il est tout à fait charmant avec ses grands yeux mélancoliques, sa chevelure frisée, et son corps svelte et brun. […] « Alors commença le festin, dans la montée de leur retour, où ils rapportaient dans leurs mains la victoire, et les corps inanimés de Thiodolf et d’Otter, vêtus d’habits étincelants et précieux, les contemplaient du siège élevé. […] « Les indigènes prétendent que, la nuit venue, des profondeurs insondables d’une lagune monte un monstre informe, qui traîne sur la vase un long corps répugnant.

1446. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Après les Cent-Jours, à la fin de 1815, licencié avec ce corps par trop aristocratique des compagnies rouges, il entra presque aussitôt (mars 1816) dans la garde royale à pied avec le grade de sous-lieutenant. […] Sans doute, si l’on considérait les gens de lettres comme solidaires entre eux et faisant corps ou secte (ainsi que M. de Vigny y inclinait), il faudrait se boucher les yeux et les oreilles et se soutenir les uns les autres quand même, envers et contre tous. […] J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante, Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain, Ne la peuvent porter avec tout son chagrin.

1447. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

odieux Amour, pourquoi, te collant à moi comme une sangsue de marais, as-tu bu tout le sang noir de mon corps ?  […] « Et mon corps devenait par moments de la couleur du thapse ; tous les cheveux me coulaient de la tête, et il ne restait plus que les os mêmes et la peau. […] Mais je restai comme figée, de tout point pareille en mon beau corps à une image de cire.

1448. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Une fillette de six ans est serrée dans un corps de baleine ; son vaste panier soutient une robe couverte de guirlandes ; elle porte sur la tête un savant échafaudage de faux cheveux, de coussins et de nœuds, rattaché par des épingles, couronné par des plumes, et tellement haut que souvent « le menton est à mi-chemin des pieds » ; parfois on lui met du rouge. […] Un étranger reste stupéfait en voyant de quelle démarche adroite et sûre elle circule parmi tant de vanités en éveil, sans jamais donner ni recevoir un choc. « Elle sait tout exprimer par le mode de ses révérences, mode varié qui s’étend par nuances imperceptibles, depuis l’accompagnement d’une seule épaule qui est presque une impertinence, jusqu’à cette révérence noble et respectueuse que si peu de femmes, même à la cour, savent bien faire, ce plié lent, les yeux baissés, la taille droite, et une manière de se relever en regardant alors modestement la personne et en jetant avec grâce tout le corps en arrière : tout cela plus fin, plus délicat que la parole, mais très expressif comme moyen de respect. » — Ce n’est là qu’une action et très ordinaire ; il y en a cent autres et d’importance : imaginez, s’il est possible, le degré d’élégance et de perfection auquel le savoir-vivre les avait portées. […] Pour la leur coller au corps, il a fallu la tourmente révolutionnaire, puis la surveillance hostile d’un parti organisé et la menace d’un danger continu.

1449. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

C’est d’abord, assis sur le même banc de rocher, à côté du poète, un jeune lazzarone de seize ans, qui se destine sans doute à la même profession, qui suit son maître comme l’ombre le corps, qui paraît fier de l’approcher de plus près que les autres, qui tourne sa tête de son côté, qui semble boire des yeux les vers et les sons, et qui contemple avec une admiration étonnée les merveilleuses inspirations du poète et du chanteur. […] Tout près d’eux est une femme d’Ischia, adossée au rocher, assise sur ses talons repliés à la manière des femmes grecques, les deux bras pendants le long du corps ; elle regarde en sens opposé de l’improvisateur et ne semble participer à la scène que par ses oreilles. […] En 1822, en 1824, en 1826, il peignit les Pèlerins se reposant dans la campagne de Rome, un Brigand en prières avec sa femme, la Mort d’un brigand, la Mère pleurant sur le corps de sa jeune fille exposée, les Chevriers des Abruzzes pansant une chèvre blessée, tous tableaux empreints de la même sensibilité communicative, tableaux qui rayonnent, tableaux qui parlent, tableaux qui prient, tableaux qui chantent, tableaux qui pleurent.

1450. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Selon les rites du sacré collège, le corps du cardinal-ministre, embaumé et fardé après sa mort, était exposé depuis une semaine sur son catafalque dans une des salles du palais Farnèse ; la foule s’y pressait pour contempler et pour prier à ce spectacle de l’apothéose chrétienne de ce grand homme du monde. […] Il n’est pas bien aux corps littéraires de laisser des injustices ou des ingratitudes à réparer à l’histoire de leur temps. […] — Voilà ce seuil que Chateaubriand, vieilli et infirme de corps, mais valide d’esprit et devenu tendre de cœur, foula deux fois par jour pendant trente années de sa vie ; ce seuil qu’abordèrent tour à tour Victor Hugo, d’autant plus respectueux pour les gloires éteintes qu’il se sentait plus confiant dans sa renommée future ; Béranger, qui souriait trop malignement des aristocraties sociales, mais qui s’inclinait plus bas qu’aucun autre devant les aristocraties de Dieu, la vertu, les talents, la beauté ; Mathieu de Montmorency, le prince de Léon, le duc de Doudeauville, Sosthène de La Rochefoucauld, son fils ; Camille Jordan, leur ami ; M. de Genoude, une de leurs plumes apportant dans ces salons les piétés actives de leur foi ; Lamennais, dévoré de la fièvre intermittente des idées contradictoires, mais sincères, dans lesquelles il vécut et il mourut, du oui et du non, sans cesse en lutte sur ses lèvres ; M. de Frayssinous, prêtre politique, ennemi de tous les excès et prêchant la modération dans ses vérités, pour que sa foi ne scandalisât jamais la raison ; madame Switchine, maîtresse d’un salon religieux tout voisin de ce salon profane, amie de madame Récamier, élève du comte de Maistre, femme virile, mais douce, dont la bonté tempérait l’orthodoxie, dont l’agrément attique amollissait les controverses, et qui pardonnait de croire autrement qu’elle, pourvu qu’on fût par l’amour au diapason de ses vertus ; l’empereur Alexandre de Russie, vainqueur demandant pardon de son triomphe à Paris, comme le premier Alexandre demandait pardon à Athènes ou à Thèbes ; la reine Hortense, jouet de fortunes contraires, favorite d’un premier Bonaparte, mère alors bien imprévue d’un second ; la reine détrônée de Naples, Caroline Murat, descendue d’un trône, luttant de grâce avec madame Récamier dans son salon ; la marquise de Lagrange, amie de cette reine, quoique ornement d’une autre cour, écrivant dans l’intimité, comme la duchesse de Duras, des Nouvelles, ces poèmes féminins qui ne cherchent leur publicité que dans le cœur ; madame Desbordes-Valmore, femme saphique et pindarique, trempant sa plume dans ses larmes et célébrée par Béranger, le poète du rire amer ; madame Tastu, aux beaux yeux maintenant aveugles, auxquels il ne reste que la voix de mère qui fut son inspiration ; madame Delphine de Girardin, ne disputant d’esprit qu’avec sa mère et de poésie avec tout le siècle, hélas !

1451. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il était gros, épais, carré par la base et les épaules ; le cou, la poitrine, le corps, les cuisses, les membres puissants ; beaucoup de l’ampleur de Mirabeau, mais nulle lourdeur ; il y avait tant d’âme qu’elle portait tout cela légèrement, gaiement, comme une enveloppe souple, et nullement comme un fardeau ; ce poids semblait lui donner de la force et non lui en retirer. […] ils brisent le corps, et, la fatigue venue, le découragement suit ! […] est-il bien de corps et d’âme ?

1452. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

S’il était vrai, comme le pense Aristote 163 que, de même que l’âme est destinée à commander et le corps à obéir, de même il y a, dans la société, des hommes qui ont leur raison en eux-mêmes, et d’autres qui, ayant leur raison hors d’eux-mêmes, ne sont bons qu’à exécuter pour eux la volonté des autres, ceux-ci seraient naturellement esclaves ; il serait juste et utile d’obéir, leur révolte serait un malheur et un crime aussi grand que si le corps se révoltait contre l’âme. […] Mais c’est ce point de vue même qui est décevant : un progrès irrécusable a banni cette aristocratique théorie et posé l’inviolabilité du droit des faibles de corps et d’esprit vis-à-vis des forts.

1453. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Les œuvres idéalistes classiques tendent à être belles, elle se plaisent à la description de lieux riches et heureux, elles donnent du corps humain une image pure de lignes et de couleurs, chaste, sobre et saine ; elles montrent des âmes nobles, fort bonnes, et calmes, animées d’émotion simples et liantes d’amour tendre, de courage, de générosité, de patriotisme, de fière ambition, de juste respect des dieux, de vertus sévères, religieuses mais sans outrance modérées, mais tempérées, contenue de raison et sans disgracieux excès. […] Ils donnent à l’homme un corps contrefait, mal bâti et souffreteux ou bouffi de chair et truculent, un visage déplaisant, vulgaire, hâve, douloureux ; ils se complaisent dans la description des lieux sales et pauvres ou lourdement fastueux ; ils analysent les passions basses, la luxure, l’avarice, la méchanceté, la fourberie, l’humiliation, la souffrance laide ; ils conçoivent l’homme comme méchant et malheureux, c’est-à-dire encore qu’ils le représentent dans les traits corporels et moraux qu’il est mauvais que l’homme possède pour son bonheur et celui de sa race. […] Mais ce sont là de purs semblants et en fait, pour un observateur qui serait l’écrivain ou le peintre parfaitement sain, normal et juste, l’écrivain ou le peintre réaliste avec ses cieux brouillés, ses sites vulgaires, les champs pelés, son humanité souffrante et ignoble s’éloigne presque autant du vrai que l’artiste idéaliste qui, en un paysage harmonieux, voit l’horizon bleu, de nobles formes humaines blanches, souples et fortes et douées d’âmes aussi pures que leurs corps.

1454. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je marchais à quelque distance derrière lui, cueillant les fleurs, découvrant les nids, écoutant les merles, regardant l’écume des ruisseaux floconner sur les roches de leurs lits profonds, sans m’occuper davantage de lui que je ne m’occupais de l’ombre de mon corps, qui marchait devant moi quand je tournais le dos au soleil couchant. […] Je n’étais que trop prédisposé à m’y absorber tout entier ; je m’y plongeais par tous mes sens, ciel sur ma tête, herbes et fleurs sous mes pieds, Alpes lointaines, Rhône rapide, cascades écumantes, horizons sinistres ou gracieux sous mes regards ; bruits des eaux, des feuilles, des oiseaux, des insectes à mes oreilles, ombres des forêts sur mon front ; odeurs enivrantes des prés fauchés du matin, séchant en meules sur les revers des coteaux ; bains d’air rafraîchissants ou attiédis qui rendaient à tous mes membres la première élasticité de l’enfance, sentiment d’une telle légèreté et d’une telle volatilisation de corps qu’il me semblait que la brise n’avait qu’à souffler pour m’emporter avec l’insecte ailé ou avec la feuille flottante dans l’océan bleu de l’air des montagnes circulant autour de moi. […] III Avant qu’il eût parlé, tu lisais sa requête ; Tu levas tes deux bras, anses de ton beau corps ; Tu descendis la cruche au niveau de sa tête, Et du vase incliné tu lui tendis les bords.

1455. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

sans doute l’amour de Mr Dacier pour la vérité et la vertu, lui en ont grossi les apparences dans les philosophes payens, où il a pris l’ombre pour le corps. […] C’est alors que je fis mes odes qui me valurent quelque approbation du public, et enfin le gage le plus flatteur de cette approbation, par l’honneur que me fit l’académie françoise de me recevoir dans son corps. […] Ses dieux, tout méprisables qu’ils sont, sont pourtant ceux qu’on adoroit : ses héros tout grossiers qu’ils paroissent, étoient pourtant les héros de ce temps-là ; la force du corps passoit pour le plus grand mérite ; et Homere en parle presque toûjours avec plus d’admiration que de la vertu. […] Il est vrai pourtant que la force du corps étoit un mérite considerable du tems d’Homere ; c’étoit une qualité absolument essentielle aux héros. […] combat pour le corps de Patrocle . autour du corps sanglant s’échauffe le combat.

1456. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Régnier, s’y missent corps et âme pour que Molière eût son monument8. […] Il est honnête, sain de corps et d’esprit, riche et facile à l’attendrissement. […] Couthon, gentilhomme, n’apparaît guère pour défendre le corps et un peu la mémoire du défunt qu’après le trépas du poète. […] À peine laissa-t-on enfouir dans un coin du cimetière de la paroisse Saint-Eustache le corps de celui qui avait écrit Tartuffe et Le Misanthrope. […] Le corps, pris rue de Richelieu, devant l’hôtel de Crussol, a esté porté au cimetière de Saint-Joseph, et enterré au pied de la croix.

1457. (1885) L’Art romantique

Considérez, si cela vous plaît, la partie éternellement subsistante comme l’âme de l’art, et l’élément variable comme son corps. […] Nous causâmes ensuite de l’hygiène, des ménagements que l’homme de lettres doit à son corps et de sa sobriété obligée. […] Il voit se former peu à peu une apparition étrange qui prend un corps, une figure. […] Il y a sans doute dans l’esprit une espèce de mécanique céleste, dont il ne faut pas être honteux, mais tirer le parti le plus glorieux, comme les médecins, de la mécanique du corps. […] Vous avez sans doute perdu votre âme quelque part, dans quelque mauvais endroit, pour que vous couriez ainsi à travers le passé comme des corps vides pour en ramasser une de rencontre dans les détritus anciens ?

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