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343. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

À part deux comédies, sous le titre de Phaon, l’une de Platon le poëte, l’autre d’Antiphane ; il part une comédie, la Leucadienne, par Ménandre, et une pièce d’Antiphane, le Leucadien, on joua dans Athènes six comédies de différents auteurs, portant toutes le titre de Sapho, et pleines d’allusions à sa gloire poétique et aux événements fabuleux ou vrais de sa vie.

344. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Émile Chasles, dans une thèse sur la Comédie en France au xvie siècle (1862), a rendu plus de justice qu’on ne l’avait fait encore à l’effort tenté par quelques poètes de la Pléiade pour instituer une comédie qui ne fût plus celle des carrefours et qui tendait à devenir la comédie des honnêtes gens. Cette sorte de comédie un peu artificielle, qui procédait d’intention et de propos délibéré plus que de génie, a aussi sa place dans l’ouvrage de M. 

345. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Dans la comédie, c’est différent ; il y a tel genre de comédie où Mme de Girardin pourrait très bien réussir. […] Il y a de très grandes dames qui sont nées actrices, et qui cependant n’ont jamais joué la comédie. » Et elle développe cette idée dans toutes ses variétés et ses bizarreries de contrastes que vous voyez d’ici. […] La joie fait peur, jolie comédie, représentée au Théâtre-Français, et où, d’un bout à l’autre, le rire étincelle à travers les larmes, a été son dernier adieu au public.

346. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Ces premières années de séjour en Suisse sont marquées par beaucoup de joie, de gaieté ; Voltaire sent qu’il est redevenu libre ; il se mêle à la vie du pays, et y fait accepter la sienne ; il fait jouer chez lui la comédie, la tragédie, et trouve sous sa main des acteurs de société, et point du tout mauvais, pour les principaux rôles de ses pièces. […] La vie de Voltaire est une comédie : la correspondance avec d’Alembert nous en fait voir les coulisses et le fond ; le reste n’est plus ou moins que de l’avant-scène. […] Nous avons Tourney pour jouer la comédie, et les Délices sont la troisième corde à notre arc. […] Je ruine l’un, je fais l’aumône à l’autre. » Et encore : « Mes curés reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. » Une furieuse tempête s’élève à Paris contre les encyclopédistes ; d’Alembert quitte décidément l’entreprise ; Palissot va mettre sur la scène les philosophes ; mais Voltaire qui, dès son entrée en possession, a fait bâtir un petit théâtre à Tourney, et qui y fait jouer la comédie pour narguer Genève et Rousseau, s’écrie dans son exaltation et son triomphe : « Si quelqu’un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières, et s’il me dit : Que fais-tu là, maraud ?

347. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Assurément la plaisanterie du poète allemand est ou plus méchante et plus enfiellée, ou plus fantaisiste, et plus shakespearienne que celle de nos anciennes comédies. Il faut, pour trouver son analogue, comparer nos contemporains, chez qui la tradition gauloise s’est altérée de toutes celles que nous nous sommes assimilées depuis 1830 : Gérard de Nerval, qui touche aux humoristes allemands ; Musset le disciple du Shakespeare des comédies ; Gautier l’exotique. […] Elle n’est pas une gaieté légère, ailée, purement fantaisiste comme l’ironie spirituelle de Mercutio et de Rosalinde, comme le joli sourire poétique de quelques comédies de Musset. […] Et c’est pendant cette agonie de supplicié qu’il écrivait avec sa gaieté à’ rebours : « Je suis heureusement de fort bonne humeur ; dans mes nuits d’insomnie, ma fantaisie me joue les plus belles comédies et les plus jolies farces du monde. » Et ailleurs :  « On m’a pris mesure pour mon cercueil et mon nécrologe ; mais je meurs si lentement que cela devient fastidieux pour mes amis et pour moi-même. » Heine a mis toute une coquetterie d’ancien à tomber correctement, un joli sourire sur ses lèvres blanches.

348. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Comme donc ce n’est point une chose bizarre d’entendre s’élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d’une comédie, et que cela suppose au contraire qu’il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l’extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l’effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l’un de l’autre, et sans autre embarras que d’essuyer ses larmes, outre qu’après être convenu de s’y abandonner, on éprouverait encore qu’il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s’y morfondre. […] Le paysan ou l’ivrogne fournit quelques scènes à un farceur, il n’entre qu’à peine dans le vrai comique : comment pourrait-il faire le fond ou l’action principale de la comédie ? […] Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu’ils sont nuisibles ; l’on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l’entoure, ne trouvant que des sujets indignes et fort au-dessous de ce qu’elle vient d’admirer, je m’étonne qu’elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse. Corneille ne peut être égalé dans les endroits où il excelle, il a pour lors un caractère original et inimitable ; mais il est inégal ; ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu’il dût ensuite aller si loin ; comme ses dernières font qu’on s’étonne qu’il ait pu tomber de si haut.

349. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Ce roman, drame, comédie, ce poème traduisent des états de sensibilité. […] De tels rappels sont inévitables dans un premier roman, un premier poème, une première comédie. […] C’est l’éternel sujet de la comédie et du roman. […] Mais la comédie ? […] Leurs comédies sentimentales sont moins calculées que leurs victimes ne le pensent.

350. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Le fameux Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage semble un conseil de Boileau adressé à Balzac : il est d’une exécution facile pour un poète qui laisse un volume à la postérité ; mais qu’on pense à cette recommandation prise au pied de la lettre et appliquée aux deux ou trois cent mille pages de l’œuvre du peintre de la Comédie humaine. […] L’auteur de la Comédie humaine, qui vivait à une époque où les écrivains se plaisaient à jeter de la poudre aux yeux du public, fut assez satisfait de cet article d’Ourliac, paru primitivement dans Le Figaro, pour le donner tout entier en appendice dans la première édition de César Birotteau.

351. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Il avait une manière d’être libertin pire que son libertinage, car elle faisait de lui je ne sais quel abject personnage de comédie. […] de telles menées tenaient autant de la comédie que de l’histoire, et Falstaff amoureux, mais qui n’était pas roi, n’eût pas fait autrement !

352. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais il ne tint pas à l’épreuve, et dès le lendemain sa vocation l’emportait : il faisait une comédie en un acte et en vers qui réussissait au boulevard ; il arrangeait en opéra-comique le Médecin malgré lui de Molière, dont son père faisait la musique, et qu’on jouait à Feydeau en 1791. […] Une couple de fois, il parut vouloir tenter une scène plus haute : en 1806, il donna seul le Mari intrigué, comédie en trois actes et en vers, très-faible, qui fut jouée au théâtre de l’Impératrice, autrement dit théâtre Louvois ; en 1820, il atteignit aux cinq actes, également en vers, et fit jouer à l’Odéon, une comédie, l’Homme aux précautions, dont je n’ai rien absolument à dire. […] Dans ce Dîner de Madelon, sa petite comédie la plus charmante (1813), il se rencontre de jolis couplets qui expriment la Philosophie du sexaginaire : A soixante ans on ne doit pas remettre L’instant heureux qui promet un plaisir. […] Le moraliste peu chagrin fait défiler en de vifs couplets toute une suite de petites scènes, de façades ou de facettes, nettes, brillantes, mouvantes, de la vie humaine ; c’est bien l’espèce de chanson dont Picard nous rend la comédie.

353. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Par malheur, la conversation vint à tomber sur la comédie, et le faux bailli s’échauffa sur l’éloge de Molière : il allait se trahir, si Racine ne l’eût emmené, juste à point pour n’être pas reconnu par Cotin, qu’ils rencontrèrent sur l’escalier. […] ou parce que ses comédies étaient trop bourgeoises pour le goût des courtisans ? […] C’étaient Guy Patin et son cher Carolus, Huet, Ménage, Pellisson, Bossuet, Fleury ; les plus fins jésuites, Rapin, Bouhours, Ménétrier ; l’abbé Jacques Boileau, frère de notre poète, le savant et bizarre auteur de l’Histoire des flagellants, dont on disait qu’il avait plus l’air d’un docteur de la comédie italienne que d’un docteur de Sorbonne. […] Qui ne se rappelle une autre exquise scène de comédie, à laquelle Mme de Sévigné nous fait assister ? […] Bourdier s’étant retiré pour n’être pas témoin d’une entreprise aussi téméraire » ; l’éclatant monosyllabe qu’il articula en sortant de l’eau, et que jamais il ne put arriver depuis à faire sortir une seconde fois de son gosier ; enfin son retour à Paris, et toutes les recettes dont il essaye, sans confiance et jamais tout à fait sans espoir, tisane d’érysimum, grains de myrrhe transparente, et même simple eau de poulet, qui avait rendu la voix à un chantre de Notre-Dame : tout cela fait une comédie digne de Molière.

354. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Il est jusqu’à trois ou quatre comédies de Beaumarchais et de Marivaux qui se jouent et se lisent. […] La tragédie est plus tôt négligée et plus vite oubliée que la comédie. On parle des auteurs de comédies comme d’agréables esprits qui ont fait passer de bons moments à leurs contemporains ; on parle des auteurs de tragédies comme d’esprits fourvoyés qui ont eu le travers de viser au génie. […] Le genre si français de la comédie légère s’est personnifié dans un homme d’un charmant esprit, Scribe, qui, dans la fécondité du théâtre contemporain, a été à lui seul aussi fécond que tous. […] Il est telle tragédie contemporaine, au tour et au vers cornéliens, telle comédie étincelante d’esprit, de caprice et de style, qui témoigne, avec éclat, de la fécondité de la tradition chez des poètes bien doués, qui ont lu les modèles pour s’éclairer sur leur propre fonds, et pour apprendre d’eux à faire bien sans faire comme eux.

355. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Dans le poète latin, elle est souvent voisine de la comédie. […] Ramenées à leur expression générale, la plupart des comédies de M.  […] De même que la tragédie se résout à ne voir que la passion, la comédie se résout à ne voir que le ridicule. […] Or, en quoi le drame diffère-t-il de la tragédie et de la comédie ? Ce que la tragédie et la comédie étudient séparément, la passion et le ridicule, le drame l’embrasse d’un seul regard.

356. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

La valeur de l’œuvre, spontanément, a entraîné la foule ; et l’admiration s’est imposée de cette comédie. Une comédie merveilleuse de finesse, de verve, de fraîche et vive et naturelle gaité, les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. […] Nous parlons quelquefois de la comédie lyrique. N’est-ce point ici la comédie lyrique réalisée dans toute son ampleur ? […] Ensuite, il s’interroge sur la forme même de cet opus wagnérien : opéra comique, grand opéra, drame sentimental, comédie ?

357. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

La critique de Socrate a tué le vieux paganisme d’Aristophane ; la comédie d’Aristophane a tué Socrate. » Ce sont de pures phrases. […] La comédie, même la plus franche, n’est pas épargnée par M. de Laprade. […] Les belles époques de la comédie ont-elles été suivies d’améliorations dans les mœurs ? 

358. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Il s’est fait remarquer au théâtre par des pièces en vers, qui étaient plutôt des anecdotes poétiques et romanesques que des comédies, mais qui avaient leur cachet toujours de distinction et d’élégance. […] Il met volontiers deux comédies en une. […] Térence, avec ses six comédies, laissa une fille qui épousa, après sa mort, un chevalier romain.

359. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Je ne puis dire combien j’ai peu de souci de connaître la date exacte de chacune des comédies de Plaute. […] L’érudit, confiné dans sa tâche méticuleuse et inféconde, vit en dehors de la réalité, de la grande comédie humaine, et ne se doute pas à quel point elle est amusante et variée. […] Pour comprendre et pour aimer certains sentiments, il faut du moins en porter les germes en soi, il faut être capable de les ressusciter, fût-ce par jeu, de les éprouver, fût-ce un moment et en sachant bien que c’est une comédie intérieure qu’on se donne et dont on reste détaché.

360. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

C’est une comédie héroïque, une tragi-comédie ; genre charmant que Rotrou sema, en son insouciance, de grâce et de verve. […] De quelle utilité ce long sermon a-t-il pu être à l’auteur de la Divine Comédie ? […] J’eus le plaisir d’admirer à Paris, il y a quelques années, Maria Guerrero dans les comédies de Lope de Vega. […] Voltaire se moquait de Saint-Évremond, disant qu’il avait donné sa comédie du Sir Politik pour faire connaître la comédie de Londres aux Français, et que, cependant, il n’avait lui-même aucune connaissance de l’Angleterre dont il ignorait jusqu’à la langue. […] Dans une de ses comédies, il donne le nom d’Autolycus à un personnage fort enclin à dérober.

361. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Son plaisir en société était la conversation ; le plaisir extraordinaire qu’elle s’accordait, mais dont elle n’abusait pas, c’était le spectacle20 ; alors il n’y avait pas spectacle tous les jours, et l’on n’allait pas à la comédie tous les jours qu’on la jouait. […] De Rambouillet qui n’aime que la comédie.

362. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Mais ici je reconnais l’éternel bas-bleu et sa pose… et je pense au vers de la comédie : Ce n’est en se vantant de l’une, … qu’on a l’autre ! […] Déjà de cette amère comédie, on savait quelque chose.

363. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Molière, le sérieux, le pensif et mélancolique Molière, n’est point gai, en ses sublimes comédies, et il n’est pas moins le plus grand comique qui soit dans les littératures du monde connu. […] n’a pas pu faire une comédie, même de second ordre.

364. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Son premier grand roman et sa première grande comédie furent des événements publics. […] Les jeunes gens de ses comédies si nouvelles, c’était l’auteur, c’était nous tous. […] Alexandre Dumas vient de donner à la Comédie française n’est plus à faire. […] Il n’est pas besoin d’une comédie pour corroborer des vérités de cette évidence. […] Mais s’il considérait cette comédie comme mal venue, il avait un faible pour elle.

365. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Il suffit de comparer l’esprit des comédies d’il y a cent ans à l’esprit de notre théâtre actuel pour mesurer la distance franchie. […] Pour tout dire, il y a un peu de comédie, inconsciente ou non, dans son personnage. […] Seriez-vous bien loin de penser que les symptômes d’une disparition semblable menacent aussi la comédie et le drame en vers ? […] Les comédies de M.  […] Si vous leur apportez quelque comédie très profondément pensée ou quelque drame surabondant de lyrisme, peut-être subiront-ils la domination du talent, mais ce ne sera là qu’une exception.

366. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Dans la comédie, il n’est pas de vraies passions puisqu’elles sont ridicules. La comédie est sociale. […] Dans la comédie, les témoins des passions ne croient ni aux passions ni aux héros : ils en rient et veulent en rire. […] On y saisit la magie de Shakespeare et comment il peut, du même coup, soustraire le drame à la comédie et à la tragédie. […] Dans une telle comédie, les fatalités de la méchanceté humaine sont aux prises sous les espèces les plus générales, sous la forme des races.

367. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Aucun peuple d’aucun temps ne peut lui disputer la palme de la comédie. […] Si le nom de Pichat, si l’intérêt de l’art sont peu de chose pour le comité, du moins devrait-il comprendre son propre intérêt ; mais non, Guillaume Tell a eu son triomphe sur tous les théâtres ; l’Opéra qui est si habilement dirigé maintenant, lui en prépare un qui effacera tous les autres ; et la Comédie Française ne se réveille point de son apathie ! […] Il faut espérer que la Comédie Française ouvrira enfin les yeux. […] Taylor, (si elle sait y reconnaître sa providence) la Comédie Française reprendrait bientôt cet éclat et cette popularité qui s’effacent et se perdent de jour en jour dans les pâleurs de l’imitation et dans les déviations de la routine. […] Comme Racine et Massillon, passent avec raison pour les écrivains les plus irréprochables, ces messieurs voudraient, par exemple, que Racine eût écrit les tragédies de Corneille, et Massillon les oraisons funèbres de Bossuet ; si on les laissait dire, ils regretteraient de bonne foi que les fables de La Fontaine n’aient pas été versifiées par Colardeau, et les comédies de Molière par Gresset ; parce que de cette manière la perfection du langage se trouverait, suivant eux, réunie à la supériorité des conceptions et des pensées.

368. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Boileau disait de la comédie, de celle du déclin de Louis XIV, et en oubliant trop Regnard assurément et peut-être Dancourt et Dufresny : « Depuis Molière, il n’y a point eu de bonnes pièces sur le Théâtre-Français. […] Il y a du sel partout… Je plains ces pauvres Italiens (on venait de les supprimer) ; il valait mieux chasser les Français. » Sur la Comédie en général, il disait très sagement et avec une vérité incontestable : « J’écrirai quelque jour pour la défense de la Comédie. […] Tel homme qui a été trois heures attentif à la Comédie aurait peut-être, en rêvant ou demeurant seul, conçu quelque mauvais dessein ou de se tuer ou de tuer son voisin.

369. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

C’est le tour d’esprit, ce sont les procédés intellectuels et les habitudes de raisonnement qui produisent aussi la Divine Comédie : il n’y manque que l’âme et l’art de Dante. […] La démonstration devient une scène de comédie, une longue, puissante et comique apostrophe du jaloux à la femme qu’il a par folie épousée : le caractère dramatique se dégage du type abstrait et allégorique, par l’abondance des nuances, des traits particuliers, finement inventés et vigoureusement expressifs. Ailleurs, veut-il se plaindre de l’indiscrétion des femmes, autre scène de comédie : dans un tableau très réaliste, un dialogue vif et fort de la femme et du mari, l’une par ruse, caresse, menace, dépit extorquant le secret qu’elle publiera, l’autre, pauvre niais ! […] Le principe de la comédie classique est là.

370. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Un jour qu’un homme d’État, un homme politique comme nous dirions, s’étonnait un peu malignement qu’un guerrier sût tant de vers de comédie : « J’en ai joué moins que vous, répliqua-t-il gaiement, mais j’en sais davantage. » Supposez que le mot est dit au cardinal Dubois ou à quelqu’un de tel, il devient très joli et des plus piquants. Le maréchal de Villars aima toute sa vie et jusquà son extrême vieillesse la comédie, le théâtre et ce qui s’ensuit. […] À l’un de ses retours en France, le roi l’accueillit avec bonté et « lui fit l’honneur de lui dire qu’il l’avait toujours connu pour un très brave homme, mais qu’il ne l’avait pas cru si grand négociateur. » Mme de Maintenon lui fit aussi un accueil très obligeant ; le jour même de son arrivée, elle le mena à une comédie que l’on représentait à Saint-Cyr devant le roi ; et où il n’y avait que peu d’élus (1687), Enfin Villars fut des Marly.

371. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Par la forme même de son livre, par la disposition typographique qui, isolant chaque pensée, nous la présente comme souverainement importante et nous la propose pour sujet de méditation, l’auteur semble prendre envers nous cet engagement que chacun de ces brefs alinéas supposera et résumera une masse considérable d’observations particulières, en contiendra tout le suc, sera l’équivalent d’un roman, d’une comédie, tout au moins d’un sermon ou d’une chronique. […] Ce qui est intéressant, c’est une nouvelle, un roman, une comédie de mœurs, un portrait, une chronique, un article de journal ; mais un recueil de « pensées » n’a de valeur qu’à la condition que toutes se rapportent à un même point de vue, ou reflètent une même philosophie, ou tendent à nous faire connaître la personne même du moraliste : et alors il faut que cette personne ne soit point la première venue. […] Une femme dont presque toute la vie se passe dans le monde, en réceptions et en conversations, une femme entourée et courtisée et dont la présence seule met les vanités en éveil et aussi les désirs et les tendresses, ne doit-elle pas, avec son intelligence plus rapide et sa sensibilité plus délicate, recueillir dans la comédie mondaine de plus fines impressions que nous, mieux saisir certaines faiblesses ou certains ridicules, démêler en elle et autour d’elle, de plus rares complications ou de plus subtiles nuances de sentiments ?

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