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982. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Chercher la cause et la raison des choses, trouver leurs lois, le tente, et là où d’autres passent avec indifférence ou se laissent bercer dans la contemplation par le sentiment, il est poussé à voir au-delà et il pénètre. […] Vers ce temps, à défaut de l’emploi des infiniment petits, l’enfant avait de lui-même cherché, m’a-t-on dit, une solution du problème des tangentes par une méthode qui se rapprochait de celle qu’on appelle méthode des limites. […] Cela me revenait souvent dans l’esprit, et j’ai cherché vingt fois à trouver directement cette solution. […] Étudiez votre cœur, descendez dans votre âme, et lorsque vous apercevrez un sentiment nouveau, cherchez à savoir s’il est raisonnable. […] Mais je cherche à m’expliquer comment la perte de M. 

983. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Il nous faut chercher quelle idée nous en avons, de quels éléments cette idée se compose, comment elle se forme en nous, pourquoi elle est évoquée par chacun de nos événements, quelle chose lui correspond, et par quel ajustement cette correspondance de la chose et de l’idée s’établit. […] Mais cette règle ne fait que poser un rapport constant entre certains changements de tel corps et certains états du quelque chose inconnu ; il reste toujours à chercher ce qu’il est ; la question est réservée une dernière fois. — Après avoir constaté son existence, sa permanence, et sa principale relation, il nous faut trouver les qualités qui le déterminent. […] Reste à chercher pourquoi les sensations que nous logeons dans notre corps nous apparaissent aussi comme internes et sont rapportées par nous à nous-mêmes. — Pour en trouver la raison, il suffit de les comparer à celles qui nous appartiennent également et que pourtant nous ne nous attribuons point, celles de couleur et de son. […] Encore, presque toujours, dans la vie ordinaire, je ne lui en laisse pas le temps ; il me faudrait insister, chercher dans ma mémoire. C’est seulement quand je cherche, que je revois certains détails précis, telle boutique, telle physionomie intéressante, tel tournant de rue plus frappant.

984. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Ne cherchez pas d’autre titre à l’intérêt qui s’attache au nom de Juliette dans ce siècle et qui la suivra plus loin que son siècle ; elle fut la beauté ! […] La maîtresse de la maison, quoique très jeune et très gracieuse, ne permettait pas à l’esprit de parti d’y prévaloir sur l’esprit d’agrément ; on y rencontrait, sans acception d’opinion, tous les hommes de tout âge qui avaient un nom dans les lettres ou dans la politique, ou qui cherchaient une avant-scène à leur talent. […] Victor Hugo, Balzac, Nodier, Sainte-Beuve, madame Malibran, Vigny, y dominaient de la tête la foule d’élite d’hommes et de femmes qui cherchaient la gloire dans l’amitié. […] Elle raconte ainsi elle-même les impressions recueillies et naïves qu’elle emporta de ce monastère : « La veille du jour où ma tante devait venir me chercher, je fus conduite dans la chambre de madame l’abbesse pour recevoir sa bénédiction. […] C’est peut-être dans cette paternité morale qu’il faut chercher le secret du consentement que madame Bernard, pressentant sa fin prochaine, accorda à une union si disproportionnée par les années.

985. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Il possédait un moulin dont le locataire devait, en sus du bail, venir chercher une certaine quantité de grains et lui en rapporter le son et la farine. […] Forcée de quitter une ferme incendiée où elle gardait les vaches, elle vint à Saumur, où elle chercha du service, animée de ce robuste courage qui ne se refuse à rien. […] Pendant qu’elle cherchait un artifice pour obtenir la galette, il s’élevait entre la grande Nanon et Grandet une de ces querelles aussi rares entre eux que le sont les hirondelles en hiver. […] Allons, va le chercher, le mignon. […] Toi, Nanon, va chercher M. 

986. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Les auteurs ne cherchent pas à modifier les formes qui leur sont transmises par la tradition ; ils sont trop occupés des idées pour songer à inventer des moules nouveaux. […] Cherchez par exemple en ce temps-là des livres où l’on examine et discute les principes ou les actes du gouvernement. […] Ils chercheront mille moyens détournés pour faire entendre le quart ou la moitié de leur pensée. […] Tant qu’une nation, tiraillée en tout sens, par des partis vigoureux, cherche en vain un équilibre durable, la littérature, loin de pouvoir accaparer l’attention et la faveur publiques, subit l’action de sa remuante et brutale voisine. […] Au poète libéré de la tyrannie des bienséances le droit de parler de tout et de lui-même en particulier, de chercher son inspiration dans les sentiments de famille ou dans les incidents de la vie quotidienne.

987. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

On ne pensait plus par soi-même ; on cherchait ce qu’un autre avait pensé. […] Par lui fut éveillé dans les âmes un fanatisme nouveau de l’antiquité, qui n’allait plus chercher dans Plutarque ou Tacite des leçons de style, mais qui en rapportait l’amour des institutions républicaines et l’enthousiasme de la liberté. […] N’aimeront-ils pas mieux essayer d’acclimater dans la société ce qu’ils y cherchent en vain ? […] On parle des enseignements de l’histoire ; je vois bien ceux qui les donnent ; je cherche ceux qui en profitent. […] Le jour où des œuvres couvées dans ce nid ouaté et fermé affrontent le grand air, elles obtiennent parfois un succès d’effarement ou d’hilarité, qu’elles n’ont pas toujours cherché.

988. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Si l’œil cherche à sonder le lit murmurant de ces vagues, on songe à la profondeur des abîmes qu’elles recouvrent, aux monstres qui bondissent, ou rampent, ou nagent dans les mystères de ce monde des eaux. — Émotion ! […] Il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et il demeure seul, immobile et muet, à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] Elle le cherche, et commence à soupçonner le déguisement des dieux, qui, pour parvenir à leur but, veulent tromper son amour. […] « Nous n’avons rencontré dans ces forêts que des lions, des tigres, des serpents », lui disent-ils ; « nous ne savons ce que c’est que Nala : nous voyageons pour chercher la richesse. […] « Ô femme, aux cheveux noirs comme la nuit », dit-il en s’adressant par une apostrophe involontaire à Damayanti, « ne t’indigne pas contre l’homme infortuné, privé de sa raison, qui cherchait en vain la nourriture de sa femme et la sienne, et à qui des oiseaux néfastes venaient d’enlever jusqu’à son manteau ; si tu vois jamais revenir ton époux, dépouillé de l’empire, indigent, dévoré de remords, ah !

989. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

» On chercherait en vain dans toute la poésie antique ou moderne de telles prostrations de l’âme exprimées par de telles figures de style et de tels redressements de l’espérance rendus par de tels enthousiasmes de la piété. […] Je m’envolerais, et je chercherais l’abri et la paix ! […] Mais non ; je cherche des consolations, mais il n’y en a pas. […] Quant à moi, lorsque mon âme, ou enthousiaste, ou pieuse, ou triste, a besoin de chercher un écho à ses enthousiasmes, à ses piétés ou à ses mélancolies dans un poète, je n’ouvre ni Pindare, ni Horace, ni Hafiz, poètes purement académiques ; je ne cherche pas même sur mes propres lèvres des balbutiements plus ou moins expressifs pour mes émotions ; j’ouvre les psaumes et j’y prends les paroles qui semblent sourdre du fond de l’âme des siècles et qui pénètrent jusqu’au fond de l’âme des générations.

990. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Cherchez ses traces, elles sont là ; Alexandre en eut la première vision pour l’occident du globe. […] Je ne cherche en ce moment ni par qui, ni par quoi, ni comment ; je saisis au passage le fait irrécusable de la dualité, là où était la simplicité ; je constate le flagrant délit des vertus au sein même de l’incapacité de toute vertu ; par conséquent, l’intervention d’un supérieur dans le sein même de l’inférieur, et je dis, avec l’autorité de l’évidence : Les propriétés ultérieures de la matière sur lesquelles vous vous appuyez pour repousser tout principe étranger à la matière, sont la chose même que vous niez, sont les manifestations logiques de ce principe même que vous essayez vainement de dissimuler, d’absorber dans la matière, croyant par là vous éviter de le reconnaître. […] « Ce principe, je n’en connais pas la nature essentielle, je ne cherche pas ici comment il s’est constitué ; le nom qu’on lui donne m’importe peu ; ce qui m’importe, c’est l’irrécusabilité de son être et sa souveraineté incontestable sur le monde de mes sentiments, de mes pensées, de mes volontés, de mes expressions diverses, qu’il gouverne par sa logique. » Voilà pour la vie. […] Il est permis de le chercher, il est interdit de le découvrir. […] Il ne cherche point sa loi morale alors dans la science, qui ne peut rien lui dire que de matériel.

991. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Mais il ne faut chercher ici qu’une histoire littéraire. […] On le lira, comme on lit l’Heptaméron ou les Joyeux devis, sans y chercher un sens plus grave, et cela suffira pour le faire lire. […] Quand il s’aperçut que l’ultramontanisme aussi se mettait au service du pouvoir, que le pape agissait en souverain temporel et liait sa cause à celle des rois, quand il vit par toute l’Europe le clergé se faire le gardien des principes légitimistes plutôt que des principes évangéliques, Lamennais rompit d’abord avec la légitimité ; il devint libéral ; il lui sembla que le règne de Dieu par l’autorité était actuellement impossible ; il tâcha d’y revenir par la liberté680, il chercha dans le développement complet de la liberté des garanties contre le despotisme et l’anarchie, et les conditions de l’ordre et de la vie sociale. […] Dans tout sujet, Proudhon pose la thèse et l’antithèse, et cherche la synthèse. […] Didon cherche à faire apparaître dans le catholicisme le remède aux misères sociales, la réponse aux incertitudes morales de l’heure actuelle : de tous les prédicateurs qui veulent faire de la religion une chose vivante, efficace, pratique, il n’y en a pas qui soit mieux informé, plus habile et plus fort.

992. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Dans l’agitation de mon esprit, regrettant ce que je quittais, ne désirant plus ce que je cherchais, désespérant de tout, la vie, mon ami, me parut un poids insupportable ; et la seule idée qui me rassura contre l’avenir, ce fut de penser que j’avais en vous un ami, et c’est la plus grande fortune qu’on puisse faire dans ce monde. […] Je chercherais par inclination à m’en faire un ami, mais il n’y a pas moyen, tout le monde court après ; et puis je songe que dans un mois cet homme aujourd’hui si populaire sera entouré de gardes, qu’on ne l’appellera que Votre Majesté : cela m’étourdit l’imagination. […] Fatigué de tant d’objets, je cherche à ruminer. […] Enfin, ayant été forcé de chercher de l’eau dans mon propre puits86, Dieu m’a fait la grâce d’y en trouver. […] Bernardin de Saint-Pierre, en écrivant à ses amis, cherchait peu à varier ses expressions, et il se répétait volontiers.

993. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Axiomes Maintenant pour donner une forme aux matériaux que nous venons de préparer dans la table chronologique, nous proposons les axiomes philosophiques et philologiques que l’on va lire, avec un petit nombre de postulats raisonnables, et de définitions où nous avons cherché la clarté. […] Les hommes sentent d’abord le nécessaire, puis font attention à l’utile, puis cherchent la commodité ; plus tard aiment le plaisir, s’abandonnent au luxe, et en viennent enfin à tourmenter leurs richesses 28. […] Si les premiers compagnons, ou associés, eurent pour but une société d’utilité, on ne peut les placer antérieurement à ces réfugiés qui, ayant cherché la sûreté près des premiers pères de famille, furent obligés pour vivre de cultiver les champs de ceux qui les avaient reçus. — Tels furent les véritables compagnons des héros, dans lesquels nous trouvons plus tard les plébéiens des cités héroïques, et en dernier lieu les provinces soumises à des peuples souverains. […] Les querelles dans lesquelles les différents ordres cherchent l’égalité des droits, sont pour les républiques le plus puissant moyen d’agrandissement. […] Alors le petit peuple, éclairé par ses propres maux, y cherche un remède en se réfugiant dans la monarchie.

994. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle semble même d’abord avoir cru dans sa simplicité que l’argent de l’État devait aller de lui-même vous chercher à domicile. […] plus nous aurons payé d’avance, plus il nous dédommagera de l’avoir aimé et cherché au milieu de toutes nos épreuves. […] Ce sont là des idées bien tristes, — bien consolantes aussi pourtant ; car la plus douloureuse de toutes serait de penser que nous ne sommes plus rien pour ceux que nous pleurons toujours… « Je cherche quelque soulagement dans le travail ; mais écrire quoi que ce soit m’est impossible, car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inès, mon adorable fille absente79. […] Ne devoir à l’art que la forme et sentir naître en soi l’inspiration sans la chercher, rien n’est plus rare, et Mme Valmore avait en elle cette merveilleuse faculté… » Telle elle était dans ses vers, telle on l’a vue dans ses pages les plus intimes, dans les lignes qu’elle ne réservait pas au public, dans sa prose la moins travaillée, dans une lettre à un ami.

995. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un jour qu’il se promenait avec son ami l’évêque de Comminges (Gilbert de Choiseul), dans le diocèse de ce dernier et à un endroit fort solitaire, d’où l’on découvrait d’assez près les hautes montagnes des Pyrénées, l’évêque, remarquant l’attention avec laquelle Rancé considérait ces lieux sauvages, y soupçonna du mystère : « Apparemment, monsieur, lui dit-il, vous cherchez quelque lieu propre à vous faire un ermitage. » Rancé se prit à rougir et n’en disconvint pas. — « Si cela est, repartit l’évêque, vous ne pouvez mieux faire que de vous adresser à moi ; je connois ces montagnes, j’y ai passé souvent en faisant mes visites : j’y sais des endroits si affreux et si éloignés de tout commerce, que, quelque difficile que vous puissiez être, vous aurez lieu d’en être content. » Rancé, avec sa vivacité naturelle, prenant cette parole à la lettre, pressait déjà M. de Comminges de les lui montrer : « Je m’en garderai bien, lui répondit le prélat en souriant, ces endroits sont si tentants, que, si vous y étiez une fois, il n’y auroit plus moyen de vous en arracher. »  C’était en vain que cet évêque aimable et d’autres amis conseillaient à Rancé, jusque dans son repentir, « cette juste médiocrité qui fut toujours le caractère de la véritable vertu. » Cette médiocrité était précisément ce qu’il y avait de plus contraire à son humeur et de plus insupportable à ses pensées. […] Un des grands oracles d’alors, et que consulta avec le plus de fruit l’abbé de Rancé, fut l’évêque d’Aleth, Nicolas Pavillon ; comme ce digne prélat devint plus tard une des autorités et des colonnes extérieures de Port-Royal, on chercha à en tirer parti contre Rancé et à insinuer qu’il y avait du venin janséniste dans sa conversion. […] Sa pensée principale était que chaque parti chercherait à tirer le saint abbé à soi, et qu’il fallait au contraire l’imiter, en se tenant, comme il avait fait, dans l’éloignement de tous les partis. […] Pour faire un vrai Rancé, il y a un coin de monde à introduire, un ressort moral à toucher, une fibre secrète à atteindre que l’orthodoxie des contemporains ne cherchait pas et n’admettait pas.

996. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Il a déjà son sujet abstrait, sa matière aveugle et enveloppée ; il tourne, il cherche, il attend : les ailes d’or ne sont pas venues. […] Ainsi, sans guide et vers des buts lointains, Chemin faisant, accosté de Lisette, Entre Clovis et les amours mutins, Par complaisance égayant la musette, Génie heureux, facile aux contre-temps, Tu te cherchais encore après trente ans ; Tu te cherchais… quand la France foulée Te laissa voir deux fois dans la mêlée Ce sein de feu que Thersite conquit ! […] Mais les chansons cette fois réunies, Vierges essaims, paisibles colonies, Loin des lambeaux dans la lutte expirant, Cherchent l’air libre et l’espace plus grand, L’orme sacré de la Cité future, Des horizons que le dieu d’Épicure Eût ignorés et que t’ouvrit le tien.

997. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Encore aujourd’hui, c’est là, en quelqu’un de ces villages baignés du lac, à Rolle peut-être, qu’il faudrait chercher les hommes qui savent le mieux le siècle de Louis XIV à toutes ses pages, et qui feraient les pastiches de ces styles les plus plausibles et les moins troublés d’autres réminiscences. […] En 1815, époque bien critique pour le pays de Vaud, que Berne devait chercher à reprendre, mais que M. […] S’il fallait chercher quelque représentant de la poésie du pays de Vaud, de cette poésie que Rousseau a vue dans les lieux, et qu’il a contestée aux habitants ; que quelques-uns, que plusieurs nourrissent pourtant avec culte ; il faudrait se tourner à côté, vers cette jeunesse de Lausanne qui s’essaye encore, feuilleter ce recueil des Deux Voix dans lequel je puis désigner la pièce du Sapin, entre autres, comme franche impression des hautes cimes ; s’adresser à la conversation de quelques hommes, comme M. le pasteur Manuel, qui se sont plus dirigés à l’étude qu’à la production, et qui, pieux et modérés, savent et sentent, en face de leur lac et de leurs montagnes, toute vraie poésie depuis les chœurs de Sophocle jusqu’aux pages de Mme de Staël23. […] Quand sur les champs du soir la brume étend ses voiles ; Lorsque, pour mieux rêver, la Nuit, au vol errant, Sur le pâle horizon détache en soupirant Une ceinture d’or de sa robe d’étoiles ; Lorsque le Crépuscule entrouvre aux bords lointains Du musical Éther les portes nuageuses, Alors, avec les vents, les âmes voyageuses Vont chercher d’autres cieux dans leurs vols incertains.

998. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Au bout de cinq mois, on lui ouvrit la Bastille : mais à condition qu’il ne chercherait pas le chevalier de Rohan, et qu’il irait habiter l’Angleterre. […] Ce n’est pas là qu’il faut chercher le libre, le naturel, le vrai Voltaire. […] Nous cherchons des sensations où Voltaire ne nous donne guère que des notions. […] La base première du livre doit être cherchée dans la sincère passion de Voltaire pour les lettres, les sciences, les arts, pour l’œuvre intellectuelle de l’humanité.

999. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Après le bienheureux ahurissement dont je vous ai parlé, je me recueille et je cherche à me reprendre. […] Après la libération du territoire : je ne me trouve pas délivré je ne le serai que lorsque nous aurons repris Metz et Strasbourg  Aux historiens : Ne cherchez pas à expliquer les traîtres ; on croirait que vous les excusez  Vous n’arrêterez pas la Démocratie montante  Toutes les fois qu’un crime se préparera contre le peuple, ma conscience rugira… En deux mots, maintenant : « Tout est obscur. […] On peut sans doute distinguer le Hugo d’avant les Contemplations et celui d’après, mais c’est tout ; et si vous cherchez à saisir ses « manières » successives, vous trouverez que ce sont justement celles que le dictionnaire Bouillet signale chez je ne sais quel grand peintre : « Première manière : il se cherche ; deuxième manière : il s’est trouvé ; troisième manière : il se dépasse. » Ainsi, la poésie de Hugo s’enrichit d’un vocabulaire de plus en plus vaste, se fait un bestiarium de mots et d’images toujours plus fourmillant, plus rugissant et plus fauve.

1000. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il cherchait de bonne foi, pour tous ses instincts honnêtes, une origine divine. […] Le lecteur qui n’y voulait chercher que des notes sur les mœurs du temps, y rencontre l’éloquence ; il n’y trouve pas du moins la déclamation. […] En tout cas, on n’a pas besoin de chercher des témoins pour lui faire son procès ; on a les aveux du coupable. […] Concluons de ces différences, non pas que les Lettres de Cicéron valent mieux que la Correspondance de Voltaire, mais qu’un païen qui cherchait sa morale est quelquefois d’un meilleur commerce pour l’âme qu’un chrétien qui s’est ôté la sienne.

1001. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

« Cette illusion nous suffit », déclare Jean Moréas (Notes sur Schopenhauer — Revue indépendante, mars 1885) « et puisque l’homme ignorera toujours l’essence propre des choses et ne connaîtra que la manière dont elles affectent son organisation, ne serait-il pas prudent d’accepter sur la beauté de la femme le phénomène que l’instinct amoureux nous présente, sans chercher à pénétrer le noumène indéchiffrable ?  […] Remy de Gourmont nous invite à retrouver la joie païenne, l’innocence première, à chercher le repos dans la pure délectation sensuelle. […] ne le laisse pas mourir dans son Péché Cet errant qui s’enlace à ta croix et qui pleure Las d’avoir tant cherché l’Amour qui, seul, demeure. […] À son exemple, Keats, Shelley, Platen cherchent, de rivage en rivage, un, soulagement à leur anxiété.

1002. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Chercher l’équilibre stable et le repos à une pareille époque, c’est chercher l’impossible ; on est fatalement dans le provisoire et l’instable. […] Peut-être même faudrait-il dépasser encore cet horizon trop étroit et ne chercher la justice, la grande paix, la solution définitive, la complète harmonie que dans un plus vaste ensemble, auquel l’humanité elle-même serait subordonnée, dans ce [en grec] mystérieux, qui sera encore quand l’humanité aura disparu. […] J’ai entendu parler d’un ingénieur qui, dans la direction des routes, cherchait à procurer aux voyageurs de jolis sites, même aux dépens de la commodité et de la promptitude.

1003. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Mme de Pompadour, malgré un court accès de repentance intéressée, n’éprouve aucun besoin d’aller chercher la paix intérieure et le pardon dans un cloître. […] Cherchez-vous quel est au théâtre le chef-d’œuvre du temps ? […] Parfois tout un parti, toute une école, toute une secte crie son admiration pour une œuvre ou un écrivain ; quand des gens se proclament calvinistes, byroniens, stendhaliens, tolstoïstes, que sais-je encore, ils avertissent qu’on doit chercher sur eux l’empreinte d’un maître ; et de fait, dans leur conduite et leur pensée, si l’on connaît bien ce maître, on retrouve aisément les traces de l’ascendant qu’ils ont subi. […] Il ne manque pas de caractères contredisants à qui l’on fait aimer ce qu’on cherche à leur faire haïr et ceux-là sont le châtiment des propagandistes à outrance.

1004. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Il me répondit : « Je n’ai pas réussi dans les affaires du monde ; je m’en retourne aux monts Nan-Chan pour y chercher le repos. […] Stagyre était entré dans un cloître pour calmer son âme, mais il n’y trouva point la paix qu’il cherchait. […] M. de Pienne, abaissant devant Diane l’arme insensée de sa gageure, lui aurait dit, en s’inclinant : « Madame, celui qui va mourir vous remercie et vous salue. » En ce temps-là, le duel était une mode, un fanatisme, un délire, et plus il était fou, fantasque et chimérique, plus la fête était belle et plus glorieuse la rencontre. « Je t’ai vu — dit le Mercutio de Shakespeare à Tybalt — chercher dispute à un homme qui toussait dans la rue, parce qu’il avait éveillé ton chien, qui dormait au soleil. « Ainsi faisaient les raffinés de la place Royale et du Cours. […] Les nations ont de ces crises fébriles où le sang étouffe dans leurs veines, et cherche, pour sortir, des issues violentes et rapides.

1005. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Dimanche 31 mars Déjeuner chez Flaubert avec Sari et Lagier, et conversation toute spéciale sur le théâtre… Ce n’est que depuis ce siècle que les acteurs cherchent en leurs silhouettes l’effet tableau : ainsi Paulin Ménier montrera au public des effets de dos pris aux dessins de Gavarni ; ainsi Rouvière apportera à la scène les poses tordues et les épilepsies de mains, des lithographies du Faust de Delacroix. […] Lagier, elle, cherche à définir l’odeur sui generis du théâtre, cette odeur générale faite de l’odeur particulière du gaz mêlé à l’odeur de bois échauffé des portants, à l’odeur de poussière poivrée des coulisses, à l’odeur de la peinture à colle des décors, qui fait une atmosphère entêtante de toutes ces senteurs d’un monde factice, une atmosphère, qui, selon son expression, fait hennir, à pleins naseaux, l’actrice entrant en scène. […] * * * — La femme de quarante ans cherche furieusement et désespérément dans l’amour la reconnaissance qu’elle n’est pas encore vieille. […] On pourrait dire de sa Laitière, que c’est l’idéal cherché par Chardin.

1006. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Il y a une danseuse, tournant sur ses pointes dans un clair de lune, de laquelle pourrait s’éprendre un personnage d’Hoffmann, et encore un clown qui se couche, cherche sa position sur un lit, et s’endort avec des poses et des gestes d’une humanité de chair et d’os. […] Après dîner, je tombe sur un petit album de Gavarni, où il a cherché à rendre les penchements de côté et en avant des jockeys, dans la rapidité d’une course : « Tiens, dit-il, regarde ça, c’est curieux, j’ai relevé, un matin, dans une allée de course à Chantilly, une piste », — et il me fait voir un petit losange se resserrant et obliquant jusqu’à une ligne, formée de points qui ferait croire, qu’à la fin le cheval ne court plus que sur un pied : « C’est drôle, n’est-ce pas ? […] Bracquemond cherchait là dedans le procédé, et gravait très bien « l’âne de Boissieu ». […] Vendredi 14 novembre On m’apporte aujourd’hui mon lit, le fameux lit de campagne de la princesse de Lamballe, provenant du château de Rambouillet, et quand ma chambre complètement finie, m’apparaît dans sa coquette élégance, la première pensée qui me vient, c’est où les croque-morts placeront la bière, quand ils viendront me chercher sur ce lit.

1007. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Singulière manie de chercher à mille lieues les origines des choses, et de faire couler des sources du Nil le ruisseau qui lave votre rue ! […] L’auteur a pris l’idée du Dernier Jour d’un Condamné, non dans un livre, il n’a pas l’habitude d’aller chercher ses idées si loin, mais là où vous pouviez tous la prendre, où vous l’aviez prise peut-être (car qui n’a fait ou rêvé dans son esprit le Dernier Jour d’un condamné ?) […] Remarquez que ce n’est pas la première fois qu’on cherche à appeler votre attention sur la charrette, sur les grosses cordes et sur l’horrible machine écarlate, et qu’il est étrange que ce hideux attirail vous saute ainsi aux yeux tout à coup. […] Du reste, c’est un monsieur qui a des prétentions au style et aux lettres, qui est beau parleur ou croit l’être, qui récite au besoin un vers latin ou deux avant de conclure à la mort, qui cherche à faire de l’effet, qui intéresse son amour-propre, ô misère !

1008. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

En traitant à part de l’Europe et de l’Amérique, on fût arrivé peut-être plus aisément à l’unité cherchée. […] Quand M. de Tocqueville parle de l’égalité des conditions, il en parle comme d’un fait accompli, définitif, arrêté, dont il faut chercher les conséquences, mais qui en lui-même n’est plus un problème et laisse l’imagination humaine en repos. […] A la liberté de privilège, la démocratie cherche à substituer la liberté de droit commun. […] Si l’on cherche maintenant à quelle conclusion la méthode précédente a conduit M. de Tocqueville, on verra qu’en dehors des vues particulières, qui sont très-nombreuses dans ses écrits, il a mis en pleine lumière cette loi aperçue par quelques auteurs, mais que nul n’avait encore développée comme lui.

1009. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Elle peut être racontée, cette histoire, comme un conte psychologique, comme un conte philosophique qui serait un conte psychologique ; ce serait alors une analyse, non pas didactique, bien entendu, mais une analyse présentée sous forme de récit, de la curiosité humaine qui ne se satisfait jamais de ce qu’elle a, de ce qu’elle possède et qui veut toujours chercher, au-delà des apparences, le dessous, au-delà du masque le visage, au-delà de tout ce qui est mystérieux l’essence du mystère, ne se contentant point de ce monde des apparences que l’esprit supérieur a voulu qui fût le nôtre. […] Et alors vous auriez précisément ce que je viens de vous indiquer, un conte symbolique où Psyché serait présentée comme l’être humain qui cherche sans cesse à anatomiser ses passions et ses sentiments, et qui, à ce jeu terrible, finit par les mortifier, comme on disait si bien au dix-huitième siècle, et par les ruiner. […] Il ne faut pas épuiser le plaisir et en chercher les sources et les racines, parce qu’on atteint l’ennui, ou plutôt parce qu’on le fait naître. […] L’un nage à l’entour d’elle, et l’autre au fond des eaux Lui cherche du corail et des trésors nouveaux ; L’un lui tient un miroir fait de cristal de roche ; Aux rayons du soleil l’autre en défend l’approche ; Palémon, qui la guide, évite les rochers ; Glauque de son cornet fait retentir les mers ; Téthys lui fait ouïr un concert de Sirènes, Tous les Vents attentifs retiennent leurs haleines.

1010. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Pour échapper à l’horreur de ces apostasies philosophiques, je me suis orgueilleusement résigné à la modestie : je me suis contenté de sentir ; je suis revenu chercher un asile dans l’impeccable naïveté. […] Ingres Cette Exposition française est à la fois si vaste et généralement composée de morceaux si connus, déjà suffisamment déflorés par la curiosité parisienne, que la critique doit chercher plutôt à pénétrer intimement le tempérament de chaque artiste et les mobiles qui le font agir qu’à analyser, à raconter chaque œuvre minutieusement. […] Que cherche donc, que rêve donc M.  […] Ingres qui a cherché la nature, mais la nature qui a violé le peintre, et que cette haute et puissante dame l’a dompté par son ascendant irrésistible.

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