L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. […] Subjectif et lyrique par essence, le romantisme est assurément irréductible à l’art classique, objectif, et oratoire, ou dramatique : d’autant que se proposant de le ruiner, il fait son affaire de le contredire, et prend partout le contre-pied des règles, sans autre raison parfois que le besoin de leur donner un démenti.
Il n’a pas de doute sur son but non plus que sur son prix : le but, c’est l’exercice des fonctions, la satisfaction des besoins, partant l’action, et le bonheur par l’action. […] Mais Rabelais n’a pas été plus exclusif en fait de langue que systématique en philosophie : placé au croisement du moyen âge et de l’antiquité, il a usé des facilités de son temps : s’il se moquait après Geoffroy Tory des écoliers limousins qui déambulent les compites de l’urbe que l’on vocite Lutéce, il a usé copieusement, hardiment du latinisme dans les mots, dans la syntaxe, dans la structure des phrases : il a été savoureusement archaïque, utilisant la saine et grasse langue de Villon et de Coquillard : il a été enfin Tourangeau, Poitevin, Lyonnais au besoin et Picard, appelant tous patois et tous dialectes à servir sa pensée.
L’élément proprement romanesque, la particularité des noms, des lieux, des faits flattaient la frivolité du public, et les besoins d’imagination et de sensibilité qui commençaient à s’y éveiller. […] Car la vie matérielle soumet à ses nécessités le travail littéraire ; le besoin d’argent règle la production.
Dans Buffon, plus naturaliste que métaphysicien, plus de justice envers les animaux n’eût été que séant, car si en regard du matérialisme de son temps il a mis l’homme très haut, il ne l’a pas mis assez près de Dieu pour qu’il fût besoin de lui donner pour piédestal la nature animale dégradée. […] De là ses descriptions passionnées, et parmi des erreurs que la science a redressées avec son aide, un sentiment de la vie, de la beauté, de la force dans les animaux, de la convenance de leur organisation à leurs besoins, de leurs mœurs à leurs destinées, qui rachète le tort du grand naturaliste en nous rendant plus sensible le Dieu dont il s’est passé.
Est-ce par le besoin d’admirer de la jeunesse et d’élire le premier guide qu’elle rencontre en chemin, comme l’insinue M. […] Joachim Gasquet le compare à Prométhée : « Mallarmé, écrit-il, par le spectacle d’un immense génie fourvoyé, nous a donné le goût de l’héroïsme et l’impérieux besoin de la victoire. » Ainsi donc, le Mallarmisme a cessé d’être une doctrine littéraire pour devenir une religion.
Mais Chaulieu, qui n’avait guère besoin de cet apprentissage de franc buveur, revient surtout de là avec l’expérience consommée que la vie de société ne suffit pas à donner, et qu’on ne puise que dans le maniement d’une première affaire, même lorsqu’on n’y a pas réussi. […] Voilà le Chaulieu tel que nous le concevons et que nous l’aimons, celui qui, pour nous charmer, a besoin lui-même d’un peu de cette illusion qui nous dérobe l’arrière-fond de la scène et les coulisses de toutes choses.
Et ici Pline se sépare des opinions populaires de son temps ; il ne croit pas (est-il besoin de le dire ?) […] Quand, redescendant des sphères et des astres, et de la région orageuse des météores, il en vient à décrire la terre, il se livre à un lieu commun véritable, exaltant, amplifiant les qualités et les mérites de cette surface du globe, subtilisant pour lui prêter plus de vertus qu’il n’est besoin.
Ce libérateur, Portalis l’invoquait dans l’exil sans trop le prévoir : « Une nation naissante a besoin d’un instituteur, écrivait-il à Mallet du Pan (août 1799), et il faut un libérateur à une nation vieillie et opprimée. » Les deux lettres qu’il écrivit à Mallet dans les mois qui précédèrent le 18 Brumaire sont admirables de prévision et de prophétie, et elles contiennent en germe tout le programme du Consulat. […] Le philosophe lui-même a besoin, autant que la multitude, du courage d’ignorer et de la sagesse de croire.
Cette beauté si réelle et si solide, et qui avait si peu besoin d’emprunt, avait, comme toute sa personne, ses bizarreries et ses superstitions. […] Une des parties les plus agréables des Mémoires est le voyage de Flandre, du Hainaut et du pays de Liège, que fit Marguerite en 1577, voyage entrepris sous couleur de prendre les eaux de Spa, dont elle n’avait pas besoin, et en réalité pour gagner des partisans à son frère d’Alençon dans le projet d’enlever les Pays-Bas à l’Espagne.
On sentait tellement le besoin d’un libérateur, qu’il y avait alors des Démétrius comme dans l’air. […] Ceux qui vivent ensemble n’ont besoin de rien exprimer ; ils sentent en même temps ; ils échangent des regards, ils se serrent la main en marchant ; ils connaissent seuls une jouissance délicieuse, la douce langueur des lendemains ; ils se reposent des transports de l’amour dans l’abandon de l’amitié.
Quoi qu’on pense de notre technique et de nos poèmes, tout le monde aujourd’hui s’accorde à dire qu’en 1885 la poésie française avait besoin d’un révulsif violent. […] Il serait bon que nous demeurions encore quelque temps très libres, sans lisières ; on n’en a pas besoin.
Continuons de lire La Bruyère ; il connaît la question ; il est homme qui a fait un livre et qui a désiré très vivement être lu et qui était assez intelligent pour comprendre, mieux encore que tout autre chose, les raisons qu’on pouvait avoir de ne le lire point ou de le lire mal : « Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d’auteur ont, ou des passions, ou des besoins qui les distraient ou les rendent froids sur les conceptions d’autrui ; personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n’est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage. » Et c’est-à-dire qu’un des ennemis de la lecture, c’est la vie même. […] Il sait se défendre ; il n’a même pas besoin de se défendre ; il est inaccessible ; il voit clair dans le jeu et on ne lui en donne pas à garder.
Besoin était donc d’y descendre, d’aller l’y chercher, de l’amener à la lumière, ce génie caché, et c’est ce qu’a fait Vigny. […] Il ne le fut pas comme tant de poètes, — comme Byron, par exemple, ou comme Lamartine, qui a fait même une Méditation intitulée : Le Désespoir, pour les besoins de sa poésie.
Y aurait-il peut-être dans sa théorie une vérité fondamentale, très justement entrevue et faussée ensuite pour les besoins d’un cas particulier ? […] Certes (est-il besoin de le dire ?)
Soit passion, soit calcul, soit caprice, soit besoin de repos, soit faute d’offres acceptables, cette cantatrice en disponibilité ne hante plus que le balcon et le foyer des théâtres. […] — le cri de la conscience publique qui, en cette circonstance, parle sans qu’il soit besoin de l’interroger rien n’a pu éclairer M. […] Le pugilat catholique, auquel il se livre avec un si grand succès, n’est pas un rôle qu’il joue, mais un besoin qu’il satisfait et comme un dérivatif salutaire pour sa nature indomptée. […] Cela ne veut pas dire assurément qu’Offenbach ne saurait faire vibrer, au besoin, la note qui va au cœur. […] Ceci posé, je réponds : La comédie est, dans l’art, la dernière forme littéraire, attendu que, pour réussir, elle peut, au besoin, se passer de littérature.
Ludovic Halévy a une tenue correcte d’existence, il est rangé, bon camarade, indulgent et doux, complimenteur au besoin, accueillant, souriant, charmant. […] Mais son crédit est plus apparent que réel, et il n’ose pas l’user pour les autres, parce qu’il peut en avoir besoin pour lui-même. […] S’il pousse un cri, alors ce n’est que de la vanité ou le besoin pervers de faire retentir son nom sur la foule des imbéciles et des gobe-mouches. […] J’ai besoin d’un peu de repos… Oh ! […] Aussi, à propos de La Princesse Maleine, qu’avais-je besoin de crier au chef-d’œuvre ?
il connaît son chemin ; Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main, De bons souliers ferrés, un passeport en règle ; Au besoin, il prendrait des ailes comme l’aigle ! […] Je n’ai pas pu résister au besoin de copier ces deux pages du beau livre de Barbey d’Aurevilly, un livre plein de vaillance, débordant d’enthousiasme, d’honneur et de talent. […] J’ai besoin de déclarer que le débordement de snobisme auquel nous assistons depuis la représentation de la Walkyrie me porte furieusement sur les nerfs. […] ce maudit besoin de comprendre que nous portons aujourd’hui en toutes choses et qui dévaste notre vie, corrompant à leur source nos seuls vrais plaisirs ! […] L’Angleterre avait-elle eu besoin de terrorisme pour évoluer, et les États sardes, à ce moment-là même, pour nous devancer ?
Non qu’il doute : mais il a besoin de veiller sur soi, d’éconduire les tentations. […] C’est merveille de le voir embrouiller, sans maladresse, dans ses phrases, la mission de l’Allemagne et les besoins de l’Allemagne, besoins matériels et idéale mission. […] L’émotion le débarrasse de toute coquetterie empruntée ; il n’a plus besoin de personne. […] m’écriai-je. » Pour le moment, Dieu ne paraît pas avoir besoin de Lucile. […] Donc, le gouvernement de l’Empereur avait besoin d’une réponse catégorique et sans délais.
Combien d’auteurs, même de nos jours, combien de critiques et de juges ou qui se donnent pour tels auraient besoin de se souvenir que l’orthographe est le commencement de la littérature !
Le bien, pour être autre chose qu’un rêve, a besoin d’être organisé, et cette organisation réclame aussitôt une tête, ministre ou souverain, un grand personnage social.
Si celui qui entreprendra un si grand ouvrage ne se sent pas assez fort pour ne point avoir besoin de conseil, le mélange sera à craindre, et par ce mélange une espèce de dégradation dans l’ouvrage… La simplicité en doit être le seul ornement.
Dans ces premiers temps où l’esprit de discussion se relevait des coups portés par la police de Louis XIV, le fils de son inexorable lieutenant, du destructeur de Port-Royal et de l’adversaire des parlements, ne fut pas le seul à ressentir de sages besoins de réforme et à désirer y satisfaire.
Brunetière, après avoir cité une description d’un romancier contemporain, je puis voir effectivement toutes ces choses… Ce sont des tableaux… dont nous n’avons pas besoin d’avoir vu les modèles, pour louer la ressemblance, puisqu’ils ne sont, après tout, que des associations nouvelles d’éléments anciens, de formes familières et de couleurs accoutumées… Nous sommes rentrés ici dans la vérité de l’art, qui consiste à décrire les choses les plus particulières par les termes les plus généraux, et d’autant plus généraux, qu’il s’agit de nous communiquer l’impression de choses plus particulières. » Il semble que nous soyons ramenés au fameux précepte de Buffon, qui recommande d’avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux.
Or, il est certain que nous n’avons pas besoin de ces encouragements-là.
— de conseiller au peuple et aux bourgeois d’avoir des mœurs pures, de « maîtriser leurs appétits », d’être moins égoïstes, de moins aimer l’argent, de renoncer à ces besoins de luxe relatif et de vanité qui déterminent les ménages français à limiter par tous les moyens le nombre de leurs rejetons.
Mais qu’un homme, un grand écrivain, si l’on veut, vienne préciser ce qui était nuageux, condenser ce qui était éparpillé, mettre en pleine lumière ce qui était encore enveloppé d’ombre, exposer brillamment ces besoins que beaucoup sentaient sans en avoir la conscience bien nette, alors on lui sait gré d’avoir « dit le secret de tout le monde », d’avoir exprimé tout haut ce que tant d’autres pensaient tout bas, d’avoir donné une voix à des aspirations jusque-là presque muettes.
Malebranche avoit sur l’Histoire une opinion vraie à quelques égards, mais qui a besoin d’être modifiée.
L’être intelligent a donc besoin d’affirmer pour agir.
Très souvent, après une brève réflexion, on le jugera tout à fait inutile : steamer est un doublet infiniment puéril de vapeur ; et quel besoin de smoking-room pour un parler qui possède fumoir ou de skating, quand, comme au Canada, il pourrait dire patinoir110 ?