Il touche ses membres ; il court, il s’arrête ; il veut parler, et il parle.
Si vous remontez de la douleur au plaisir, comme dans la scène d’Homère, vous serez plus touchant, plus mélancolique, parce que l’âme ne fait que rêver au passé et se repose dans le présent ; si vous descendez au contraire de la prospérité aux larmes, comme dans la peinture de Milton, vous serez plus triste, plus poignant, parce que le cœur s’arrête à peine dans le présent, et anticipe les maux qui le menacent.
En vain l’aspect sinistre des glaciers, la rumeur des torrents, la menace des avalanches semblent se conjurer pour arrêter sa course.
L’étude de l’écorché a sans doute ses avantages ; mais n’est-il pas à craindre que cet écorché ne reste perpétuellement dans l’imagination ; que l’artiste n’en devienne entêté de la vanité de se montrer savant ; que son œil corrompu ne puisse plus s’arrêter à la superficie ; qu’en dépit de la peau et des graisses, il n’entrevoie toujours le muscle, son origine, son attache et son insertion ; qu’il ne prononce tout fortement, qu’il ne soit dur et sec, et que je ne retrouve ce maudit écorché même dans ses figures de femmes ?
Il y a sans doute quelque différence entre la conservation d’un grand ministre et d’un petit mercier, d’un célibataire et d’un père de famille, d’un bon général d’armée et d’un mauvais poëte ; mais ni le souverain qui nous regarde comme ses enfants, ni le sentiment de l’humanité qui nous rapproche de nos semblables ne s’arrêtent à ce calcul.
Voilà ce qui m’a fait m’arrêter devant Ce livre, signe des temps, et vous le montrer simplement du doigt.
Il a tout vu, humainement, politiquement, par dehors, comme on voit dans le drame profane de l’Histoire, — le drame sans monologues et sans confidents, — et qu’on s’arrête aux faits, sans descendre dans l’abîme des consciences, — ces gouffres de complications !
Cette école, dont Augustin Thierry, revenu à la Vérité, se sépare, dit-on, par le plus généreux travail entrepris sur le livre qui a fait la gloire de sa vie (Histoire de la conquête de l’Angleterre), cette école, qui n’eut jamais d’ailleurs l’insouciante hardiesse de son fondateur, cache maintenant, sous des formes modérées et cauteleusement respectueuses, une hostilité contre le Christianisme, arrêtée et profonde.
Je suis bien bon de l’appeler Armide, cette méchante fée de la Chronique, qui prend les plus belles facultés et qui les broie dans son petit moulin à phrases et à paroles, lequel tourne, tourne sans jamais s’arrêter !
Ils ne sont, quand vous cherchez bien, — dans cette société qui marche au communisme par l’anarchie si un homme de génie et de gouvernement n’arrête ce fléau, — ils ne sont que des conservateurs socialistes, comme les socialistes, qui veulent prendre pour conserver, ne sont eux-mêmes que des apprentis conservateurs !
Il s’arrête devant la devanture d’un libraire. […] Le ministre une fois arrêté, la police a ouvert ses coffres-forts, et a saisi des notes personnelles qu’il avait jetées librement sur le papier à des moments perdus. […] Un catalogue n’est pas une publication ; il n’est pas vendu mais distribué4. » C’est pourquoi tel peintre, tel penseur, tel acteur, restent impuissants lorsqu’ils aperçoivent un groupe de badauds arrêtés dans la rue, devant une vitrine où sont exposées, au milieu d’images de la Révolution, d’une signature de Louis-Philippe, d’une tache d’encre de Napoléon, aussi bien une lettre de réclamation à leur propriétaire parce que le chien de leur voisin dépose des ordures à l’entrée de la porte cochère de leur domicile, qu’une missive où ils font part à un psychiatre de leurs angoisses et de leurs doutes. […] N’arrêtons pas par des mesquineries sa chevauchée, sa rêverie, sa révolte, sa ferveur, ses visions de bonheur universel. […] Qui sait où il s’arrêtera ?
Voilà des époques définies, arrêtées, ayant un caractère précis et fortement marqué. […] Le classicisme c’était l’humanisme se contraignant, se restreignant, se ramassant, et prenant plus de consistance et des lignes plus arrêtées. […] Au milieu des splendeurs de mai s’étendait un cimetière ; il arrêta les pensées qui fuyaient rapides et les retint dans une grave méditation. Le postillon, devenu aussitôt silencieux et mélancolique, mena plus lentement son équipage ; enfin il arrêta ses chevaux, et regardant la croix : « Chevaux et voilures doivent s’arrêter ici ; cela ne vous gênera guère. […] C’était là le fond permanent, très fixe, très arrêté, inébranlable.
Je m’arrête de peur de prolonger une gageure au-delà du terme convenable. […] Mais il s’arrêtait dans les moindres cités, quand il y avait plaisir. […] Il put arrêter l’affaire et Catherine Théot mourut en prison. […] Mais j’estime qu’il ne faut pas s’arrêter aux questions de ce genre. […] Il y a dans le livre que je présente à mes lecteurs trop de choses intéressantes et bien dites ; l’étoffe en est trop précieuse pour s’arrêter à quelques aspérités du tissu.
Malouet, Mounier et Necker, qu’on devrait, pour être exact, se représenter Mme de Staël, que dans celui des royalistes constitutionnels de 91, avec lesquels seulement elle s’arrêta. […] On a souvent fait la remarque du désaccord frappant qui règne entre les principes politiques avancés de certains hommes et leurs principes littéraires opiniâtrément arrêtés. […] Il s’arrête, en remettant, dit-il, un plus ample examen à un temps où les questions les plus innocentes ne seront pas traitées comme des affaires d’État : mais il semble que c’était plutôt à Mme de Staël de se plaindre qu’on traduisît ses doctrines philosophiques en opinions factieuses. […] Ils font métier d’arrêter, de maintenir ; à la bonne heure ! […] Ces déchets inévitables, qui ne s’arrêtent pas devant les amitiés les plus chères, affectaient singulièrement Mme de Staël et la détachaient, sinon de la vie, du moins des vanités et des douceurs périssables.
Sa mère l’entendit et l’arrêta : « Ne parlez jamais ainsi, lui dit-elle ; vous comprendrez un jour que c’est un des plus grands malheurs pour la religion. » Cette parole et le ton dont elle fut prononcée lui restèrent toujours présents ; il était de ces jeunes âmes où tout se grave. […] Ce sont des déclamations sur les travaux construits : « Une digue immense arrête le Rhône prêt à engloutir les coteaux délicieux de Chautagne. […] Est-il besoin de remarquer que l’auteur oublie de pousser assez loin la citation et l’allusion, qu’il s’arrête avant 1688, avant Guillaume et la Déclaration des droits ? […] A propos de la ville de Washington, qu’on avait décidé de bâtir exprès pour en faire le siège du Congrès : « On a choisi, dit-il, l’emplacement le plus avantageux sur le bord d’un grand fleuve ; on a arrêté que la ville s’appellerait Washington ; la place de tous les édifices publics est marquée, et le plan de la Cité-reine circule déjà dans toute l’Europe. […] Quant aux protestants et aux chrétiens libres, disséminés, croyant à la Bible sans interprète, c’est-à-dire, selon lui, à l’écriture sans la parole et sans la vie, il ne s’y arrêtait même pas.
Rien de semblable chez lui aux habiletés, ni aux atermoiements de l’homme d’État, calculateur avisé, qui s’arrête à mi-chemin, qui tâtonne, les yeux appliqués sur les événements, qui mesure le possible et use de la logique pour la pratique. […] Confondu, il s’arrête, et au même instant les frères conduits par l’Esprit protecteur se jettent sur lui l’épée nue. […] Déjà, dans celui qui suit, Lycidas, en célébrant, à la façon de Virgile, la mort d’un ami bien-aimé505, il laisse percer les colères et les préoccupations puritaines, invective contre la mauvaise doctrine et la tyrannie des évêques, et parle déjà « du glaive à deux mains qui attend à la porte prêt à frapper un coup pour ne frapper qu’un coup. » Dès son retour d’Italie la controverse et l’action l’emportent ; la prose commence, la poésie s’arrête. […] Le flot des dissertations ne s’arrête pas ; du paradis, il monte dans l’empyrée : ni le ciel ni la terre, ni l’enfer lui-même ne suffiront à le réprimer. […] Si je l’ai prévue, la prescience n’a point d’influence sur leur faute, qui, non prévue, n’eût pas été moins certaine… Ainsi, sans la moindre impulsion, sans la moindre apparence de fatalité, sans qu’il y ait rien de prévu par moi immuablement, ils pèchent, auteurs en toutes choses, soit qu’ils jugent, soit qu’ils choisissent517. » Le lecteur moderne n’est pas si patient que les Trônes, les Séraphins et les Dominations ; c’est pourquoi j’arrête à moitié la harangue royale.
L’esprit humain, arraché imprudemment aux opinions sur lesquelles il reposait depuis tant de siècles, ne sait plus où se prendre et où s’arrêter. […] À quelque page qu’on s’arrête, on est, touché par d’aimables rêveries, ou frappé par de grandes images. […] S’il ne pouvait les arrêter, il plantait sa grande croix dans un lieu découvert, et s’allait cacher dans les bois. […] Elle s’arrête ou se prolonge comme l’action, se varie avec toutes les incertitudes de la fortune, et se précipite avec les derniers mouvements qui la décident. […] Elle roule plus interrompue, plus brisée dans son cours ; mais aussi elle entraîne plus l’âme et l’esprit, et leur permet moins de s’arrêter sur son plaisir même.
Marot fut arrêté et emprisonné pour cause ou sous prétexte d’hérésie. […] Des amis de Marot furent arrêtés. […] Quant à ceux qui l’ont, quel scrupule les pourrait arrêter ? […] Une partie des autorités récusée, devant quelles autorités s’arrêtera-t-on ? […] Il a pris des idées littéraires très nettes, très arrêtées, tranchantes même et impérieuses.
Cette précocité de la saison ce s’arrête pas à la végétation. […] À la station de Breteuil, le convoi s’arrête, et nous sommes régalés d’une aubade d’un joueur d’orgue du pays, qui a déjà doté deux de ses filles avec ses recettes quotidiennes. […] — Dans ses fréquents voyages, M. de Rothschild ne manque jamais à s’arrêter à Breteuil, et gratifie du prix de la place qu’il occupe la sérénade nasillarde qui lui est donnée à son passage. […] » Il ne fallut pas moins que le rappel de ce fait pour m’arrêter sur le bord d’une contravention dont les suites pouvaient être dangereuses. […] Augier indique son intention bien arrêtée de persévérer dans la voie où la critique fit tant d’efforts pour l’attirer.
La voici : « Passant, tu peux t’arrêter ici ; la volupté y donne la loi. […] Quand on cite Sénèque, on ne sait ni où commencer, ni où s’arrêter. […] Ce furent ses efforts réunis à ceux de Burrhus qui arrêtèrent le cours des assassinats prêts à s’exécuter349. […] Et j’ajouterai que, si l’on est quelquefois arrêté dans un ouvrage, l’obscurité naît de la profondeur des idées et de la distance des rapports. […] Le plaisir d’admirer et de louer m’a-t-il arrêté ?
Or, les croyants de l’espèce de Mme Alving sont incapables de s’arrêter à une solution intermédiaire. […] » Une fois en chemin, Mme Alving ne s’arrêtera plus. […] Vous voyez la nuance, et pourquoi j’ai cru devoir m’arrêter si longtemps sur Maison de poupée. […] Au lieu que, dans La Fontaine, j’étais arrêté à chaque instant par des vocables inconnus et par une syntaxe trop forte pour moi. […] Le cardinal Sforza a fait arrêter Danielo.
Un beau passage, et qui a pu être qualifié admirable par d’Alembert, est celui où les deux amants, qui avaient été séparés peu de mois auparavant sans savoir la langue l’un de l’autre, se rencontrent inopinément, et s’abordent en se parlant chacun dans la langue qui n’est pas la leur, et qu’ils ont apprise dans l’intervalle, et puis s’arrêtent tout à coup en rougissant comme d’un mutuel aveu. […] Il fallait s’arrêter avant la pruderie ou la rigidité, sous peine de provoquer la Régence. […] J’y cherche quelque chose qui ne soit pas trop fade, et je m’arrête à ce madrigal, qui peut-être ne me paraît un peu plus senti que parce qu’il est en italien : in van, Filli, tu chiedi Se lungamente durerà l’ardore Che ’l tuo bel guardo mi destò nel core.
« Or la raison ne vous dit-elle pas assez que tous ces objets qui existent dans votre âme, ou de fougueux désirs, ou de vains transports de joie, ne sont pas de vrais biens, et que ceux qui vous consternent ou qui vous épouvantent ne sont pas de vrais maux ; mais que les divers excès ou de tristesse ou de joie sont également l’effet des préjugés qui vous aveuglent, préjugés dont le temps a bien la force à lui seul d’arrêter l’impression : car, quoi qu’il arrive, nul changement réel dans l’objet ; cependant, à mesure que le temps l’éloigne, l’impression s’affaiblit dans les personnes les moins sensées, et par conséquent, à l’égard du sage, cette impression ne doit pas même commencer. » VIII Sa théorie des passions n’est pas moins sévère ; son rigorisme n’admet pas même la sainte colère qui possède en apparence l’orateur indigné dans ses accès d’éloquence. […] On voudrait citer, mais il faudrait tout citer ; on s’arrête ébloui de tant de magnificence, et l’on craint de choisir là où rien n’est à préférer. […] « Nous jouissons des plaines, des montagnes ; les rivières, les lacs, sont à nous ; c’est nous qui semons les blés, qui plantons les arbres ; nous fertilisons les terres en les arrosant par des canaux ; nous arrêtons les fleuves, nous les redressons, nous les détournons.
Le mouvement commencé ne s’arrête point. […] Dès lors l’Académie dut renoncer à la chimère d’arrêter le mouvement ; elle se contenta d’en diminuer la vitesse. […] Mais le mouvement s’arrêterait sans ces démolitions et reconstructions partielles que les différentes générations opèrent à mesure de leur entrée dans le monde.
. — Arrêtez ! […] Les difficultés d’exécution l’arrêtaient, en tous lieux, lorsqu’il trouva le royal protecteur, par qui son rêve allait être réalisé. […] La scène, où converge la salle par une succession de colonnes et d’arcades, qui l’isolent et la font paraître lointaine et très grande, est plus basse que le rang le plus bas de l’amphithéâtre ; point de rampe visible, ni de boîte à souffleur ; mais, entre l’amphithéâtre et la scène, caché, à demi, par une sorte de paravent, un large espace vide, et sombre, — l’Espace Mystique, — l’orchestre : ainsi, les regards des spectateurs descendent, sans être arrêtés par aucun obstacle, directement, par dessus cet espace vague, vers la scène.
La mélodie s’élève d’abord comme le frêle, long et mince calice d’une fleur monopétale, pour s’épanouir ensuite, de même qu’elles, en un élégant évasement, une large harmonie, sur laquelle se dessinent de fermes arrêtes, dans un tissu d’une si impalpable délicatesse, que la fine gaze paraît ourdie et renflée par les souffles d’en haut ; graduellement ces arrêtes se fondent ; elles disparaissent d’une manière insensible dans un vague amoindrissement, jusqu’à ce qu’elles se métamorphosent en insaisissables parfums qui nous pénètrent, comme des senteurs venues de la demeure des justes. […] Les concerts étant arrêtés, à Paris et en France, durant tout l’été, aucune audition wagnérienne ne paraît pouvoir être notée ; les œuvres de Wagner sont, pourtant, encore exécutées à Paris, et les deux faits Wagnériens suivants, montreront l’expansion sans cesse plus grande, parmi nous, de l’œuvre Wagnérienne : 21 juin : Inauguration du cabaret du Chat Noir : Romance de l’Etoile, par M.
il s’arrêtait ; n’osait-il ouvrir, en un drame autrement ordonné, la barrière aux musiques d’exubérantes ? […] il s’arrêtait ; il s’en allait en une œuvre nouvelle ; et libre là, libre de se livrer tout au démon musical qui l’affolait, il se précipitait, comme lui-même en un jour de conscience le déclara, dans cette mer de passion exclusive et infinie de la musique. […] Là étaient attirés les chevaliers et tentés de sensuels amusements ; s’ils cédaient, ils devenaient captifs ; ainsi se pourrait-il qu’un jour le Gral, vide de ses gardiens, fût capturé ; et Amfortas, roi présomptueux, dit « j’arrêterai le mal » ; il décrocha la sainte lance, la poignit et s’en fut vers le jardin abominable ; il voulait tuer Klingsor ; mais, arrivé dans le jardin, il se rencontra à une femme belle et nommée Kundry, et se coucha entre ses bras ; alors Klingsor rit, et il accourut ; il arracha la bonne lance au pauvre roi, l’en frappa d’un grand coup et s’enfuit.
La résistance est une motion arrêtée, une action qui n’aboutit pas, une appétition qui ne peut produire son effet accoutumé. Il y a bien une sensation particulière qui s’attache au mouvement arrêté, sensation afférente et centripète qui revient, comme un contre-coup, m’avertir d’un changement dans le cours des choses ; mais je n’aurais pas la sensation de mouvement arrêté, si je n’avais pas eu d’abord celle de motion commencée, puis de mouvement en train de s’accomplir ; cette sensation même, je ne l’aurais pas si je n’avais en moi une conscience quelconque d’agir et de vouloir, une conscience d’appétition8.
Et un tableau, le plus spiritualiste des tableaux, par exemple la « Transfiguration » de Raphaël, par l’arrêté des lignes, la matérialité des couleurs, la réalité ouvrière de la fabrication, sera toujours une déception pour l’imagination du regardeur, si toutefois il en possède une. […] Drumont arrive nerveux, surexcité, drolatiquement guilleret : « Aujourd’hui, s’écrie-t-il, cinquante-cinq personnes… la sonnette ne cesse pas… on commence à s’arrêter dans la rue, devant la maison, en voyant tous ces gens qui entrent… des gens qui viennent me dire : « Ah ! […] En dépit du manque de renseignements, nous nous arrêtons devant une maison, prête à s’effondrer, que nous devinons la maison habitée par les deux amants, près d’un vieux chemin qui s’interrompt dans le ciel, un chemin coupé à pic par la voie du chemin de fer, et qui doit être le chemin de Henri IV.