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1440. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Il s’agit surtout de garder assez de naïveté pour respirer avec joie l’air social tel qu’il est et assez de souplesse pour obéir sans lâcheté aux lois élémentaires de la vie. […] Et qu’importe que cent mille bacheliers sachent quels sont les éléments de l’air ? […] La foi le mure mieux que des pierres et le détient mieux que des chaînes ; la foi lui cache le jour, lui refuse l’air. […] A défaut d’air pur, on lui fait respirer une douce atmosphère d’hypocrisie. […] Les réponses, au nombre de deux mille, peut-être, ont un air parfait d’authenticité.

1441. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Alors elle désigna une poupée d’un air tendre et me la montra sans rien dire. […] Benoit sait animer de vrais feuillages dans l’air autour de la figure d’Aurore. […] Mais je préfère rester sur le pont et respirer l’air salin d’une fraîche aventure. […] On voudra bien trouver naturel que je réponde ici à cet appel d’air. […] Il y a dans l’homme le silence bas, l’air des vallées, qui provient de la timidité, et le silence élevé et glacial, l’air des cimes, qui provient de l’orgueil.

1442. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

L’émigré frivole apprenait les airs de ces terribles chansons. […] Les cotillons des femmes se tiennent en l’air comme s’il y avait un champignon dessous. […] L’air était léger, la lumière heureuse. […] Des mandolinistes arrivent qui nous jouent des airs de Naples. […] Allez donc jouer ces airs-là dans le Nord !

1443. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

On a vu s’élever dans les airs le vigneron Trygée, malgré les cris de ses filles ; car ses fils sont à guerroyer : écoutez ses plaintes. […] Pisthétérus conseillera au roi huppé de bâtir à ses sujets ailés une ville en l’air, et d’usurper la souveraineté en arrêtant même l’encens et les dons que les Athéniens envoient aux dieux. […] Et ta main les habille « De lambeaux recousus où ta saleté brille, « Nourrit d’herbages crus leurs estomacs usés, « Et les assied à l’air sur des vases brisés. […] Un magistrat sera fanfaron s’il affecte la bravoure d’un guerrier, et extravagant s’il prend les airs légers d’un jeune seigneur : il ne doit montrer que la fermeté d’un juge et ne témoigner dans ses loisirs que l’affabilité d’un cœur tranquille et serein. […] Le personnage ne prend-il pas bien les airs de ces jeunes gens à bonnes fortunes, qui ne semblent nier les faveurs des femmes que pour mieux insinuer qu’ils les ont eues, et qui par là le font sous-entendre ?

1444. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

A chaque gorgée d’air que nous rejetons, c’est la mort qui allait nous pénétrer et que nous chassons. […] Renan, où l’air n’est pas respirable à tous les poumons. […] Impossible de soutenir une cause avec plus de logique, avec des arguments plus serrés, en ayant davantage l’air d’avoir raison. […] Quoiqu’il ne se manifeste pas toujours par des éclats violents, le mal est toujours latent dans notre société : il ne faut point se laisser tromper par ses airs inoffensifs, il faut le combattre et l’exclure. […] L’héroïsme est une plante dure, qui peut croître dans les gorges du Taygète et périt en terre chaude ; les tièdes parfums des (leurs savantes lui conviennent moins que les courants d’air.

1445. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Triste vie et précaire, comme devant une bête de proie ; les Frisons, dans leurs lois antiques, parlent déjà de la ligue qu’ils ont fait ensemble contre « le féroce Océan. » Même pendant le calme, cette mer reste inclémente. « Devant les yeux s’étale le grand désert des eaux ; au-dessus voguent les nuées, ces grises et informes filles de l’air, qui de la mer avec leurs seaux de brouillards, puisent l’eau, la traînent à grand’peine, et la laissent retomber dans la mer, besogne triste, inutile et fastidieuse10. » « À plat ventre étendu, l’informe vent du nord, comme un vieillard grognon, babille d’une voix gémissante et mystérieuse, et raconte de folles histoires. » Pluie, vent et houle, il n’y a de place ici que pour les pensées sinistres ou mélancoliques. […] Figurez-vous, dans cet air brumeux, parmi ces frimas et ces tempêtes, dans ces marécages et ces forêts, des sauvages demi-nus, sortes de bêtes de proie, pêcheurs et chasseurs, mais surtout chasseurs d’hommes ; ce sont eux, Saxons, Angles, Jutes, Frisons aussi13, et plus tard Danois, qui au cinquième et au neuvième siècle, avec leurs épées et leurs grandes haches, prirent et gardèrent l’île de Bretagne.Pays rude et brumeux, semblable au leur, sauf pour la profondeur de sa mer et la commodité de ses côtes, qui plus tard appellera les vraies flottes et les grands navires : la verte Angleterre, ce mot ici vient d’abord aux lèvres, et dit tout. […] Même dans leurs villages, leurs chaumières ne se touchent pas ; ils ont besoin d’indépendance et d’air libre. […] Alors la vache Andhumbla, née aussi de la neige fondante, mit à nu, en léchant le givre des rochers, un homme, Bur, dont les petits-fils tuèrent Ymer. « De sa chair ils firent la terre, de son sang le sol et les fleuves, de ses os les montagnes, de sa tête le ciel, et de son cerveau enfin les nuées. » Ainsi commença la guerre entre les monstres de l’hiver et les dieux lumineux, fécondants, Odin, le fondateur, Balder, le doux et le bienfaisant, Thor, le tonnerre d’été qui épure l’air et par les pluies nourrit la terre.

1446. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

J’étais las, mais j’avais vu de belles choses, respiré l’air le plus pur, et fait un exercice très-sain. […] Entre un assez grand nombre d’hommes aimables et de femmes charmantes que ce séjour rassemblait, et qui tous s’étaient sauvés de la ville, à ce qu’ils disaient, pour jouir des agrémens, du bonheur de la campagne, aucun qui eût quitté son oreiller, qui voulût respirer la première fraîcheur de l’air, entendre le premier chant des oiseaux, sentir le charme de la nature ranimée par les vapeurs de la nuit, recevoir le premier parfum des fleurs, des plantes et des arbres ; ils semblaient ne s’être faits habitans des champs que pour se livrer plus sûrement et plus continûment aux ennuis de la ville. […] On a dit : si vis me flere, … etc., mais tu pleureras tout seul, sans que je sois tenté de mêler une larme aux tiennes, si je ne puis me substituer à ta place ; il faut que je m’accroche à l’extrémité de la corde qui te tient suspendu dans les airs, ou je ne frémirai pas. — Ah, j’entends à présent. — Quoi, l’abbé ? […] Jamais aussi vous n’avez entendu chanter le même air, à peu près de la même manière par deux chanteurs.

1447. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Ainsi, au premier acte, Cosima, qui n’entend parler depuis quelques jours, et à son oncle le chanoine, et à sa soubrette, que de son honneur à elle qu’Alvise son mari doit défendre, Cosima, ennuyée, excédée de cette surveillance qui la froisse comme femme de bien, et qui la tente comme toute fille d’Ève, s’écrie avec un sentiment douloureux d’oppression et en se dirigeant vers la fenêtre où elle apercevra peut-être l’ombre d’Ordonio ; « L’air qu’on respire ici depuis quelque temps est chargé d’idées blessantes et de paroles odieuses. » Si on murmure à une telle phrase au lieu d’applaudir, il faut renoncer, j’en demande pardon aux puristes du parterre, à faire parler la passion moderne au théâtre et à y traduire la pensée en d’énergiques images.

1448. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Quelque chose est dans l’air qui adoucit, qui rallie, et oblige tout bon Français à sentir que la France n’a jamais été dans une plus large voie de prospérité et de grandeur.

1449. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Leurs écrits sont comme la musique des Écossais, qui composent des airs avec cinq notes, dont la parfaite harmonie éloigne toute critique, sans captiver profondément l’intérêt.

1450. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Elle a commencé par se la faire à elle seule, puisqu’on ne l’y aidait pas, et puis elle a vu qu’elle avait fait une œuvre qui trompe, et, comme un bon esprit qu’elle était, elle a cherché sa part ailleurs, d’un air un peu triste et sombre, comme une personne fatiguée qui a beaucoup et inutilement travaillé.

1451. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

De là son scepticisme, ses airs de pose et parfois son cynisme, qui jurait avec son élégance naturelle.

1452. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Les valets rusés, dont la création appartient au théâtre antique, ont tous un air de famille.

1453. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Il est si ordinaire de paroître sensible dans un Discours ou une Epître, & d’être impitoyable dans la Société, que l’éloge du sentiment a toujours l’air d’un blasphême, dans ceux qui en parlent avec trop d’affectation.

1454. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Du salpêtre en fureur l’air s’échauffe & s’allume.

1455. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

… ou plutôt Quengo Tadao… car il y a une défense d’indiquer les vrais noms des ronins, et ils sont représentés avec les noms défigurés qu’ils ont au théâtre. » Et disant cela, Hayashi avait le doigt sur la planche, où est imprimé, en couleur, un guerrier au casque bleu, au vêtement noir et blanc doublé de bleu, la tête baissée, les deux mains sur le bois d’une lance, un pied en l’air, un autre appuyé à plat sur le sol, et portant un furieux coup de haut en bas.

1456. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

-et son cheval n’a-t-il pas l’air d’un cheval de louage ?

1457. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Je suis étonné qu’un écrivain si supérieur ait affecté dans quelques endroits un langage scientifique dont il aurait pu se passer, et qui n’a qu’un air d’étalage ; comme quand il dit que l’homme de la nature est une unité absolue, et que celui de la société est une unité fractionnaire qui tient au dénominateur ; et tout cela pour dire que l’homme isolé est un tout, et que celui de la société n’est que la partie d’un tout.

1458. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Et, tous les deux, voici qu’ils font la preuve, à leur tour, que la Diplomatie, dont le plus grand mérite pendant l’action est presque toujours le silence, après l’action, devrait aussi le garder… Talleyrand, qui fut le plus silencieux des diplomates, Talleyrand qui n’écrivait que des billets, ne disait que des mots, et dont toute la puissance ne fut guères que dans des monosyllabes et des airs, avait-il conscience de cela quand il prescrivait de ne publier ses Mémoires que trente ans après sa mort ?

1459. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

», avec des airs pénétrants ; car, du moins, s’ils ne savent que cela, ils savent qu’ils parlent à un masque, tandis que ceux qui croient connaître Monselet ne se doutent même pas qu’il puisse en être un… Dupes de cette opinion publique qui, une fois faite, ne se modifie pas, de cette sourde qui rabâche toujours la même chose et qu’on voudrait bien souvent, pour ce qu’elle dit, autant muette, ils ne se doutent pas, ils ne se sont jamais doutés que ce dîneur maintenant légendaire de Monselet, qui a lui-même — il faut bien le lui reprocher ! 

1460. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il n’y a qu’une seule chose qui puisse donner une idée juste de cet écrivain, qui ressemble au magistrat irréprochable de la chanson et qui a si bon air dans sa phrase correcte, exacte, nette comme du français, une petite phrase despote qui nous plaît, et cette chose, la voici.

1461. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

» Hérodote a sur son front païen quelque chose du rayon des prophètes, et Pierre Saliat a le mérite critique de l’avoir vu… Il a, comme un de nous, raffinés modernes qui cherchons partout des analogies, saisi ce caractère majestueux, théocratique et patriarcal qui donne à Hérodote un si grand air, auprès duquel Thucydide lui-même semble petit et mince, un maigre historien d’époque philosophique, quelque chose comme un Thiers d’Athènes.

1462. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Qu’y a-t-il d’intéressant et de surprenant dans les sacrifices de Laïs à Vénus Aphrodite et dans l’adoption de cette jeune fille par le vieil Eupatride Léontidès, que nous raconte Debay avec les airs d’un homme qui a découvert des merveilles et qui a un morceau de la toison des Argonautes dans sa poche ?

1463. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Quoiqu’au premier abord, et en s’en tenant aux surfaces, il semble qu’il ne doit y avoir rien de commun entre ce Sardanapale de Régent, qui régnait pour souper et mourut ivre sur les genoux de la duchesse de Phalaris, et son descendant au chapeau gris économiquement brossé et aux vertus domestiques, l’air de famille est certainement entre eux, et je le retrouve dans cette lâche ambition de Macbeth sans sa femme, caractéristique des d’Orléans, et qui justifierait, pour les trois dont il est ici question, le mot ignoblement méprisant que Mirabeau disait de l’un d’eux. — Cette ambition qui voudrait, qui convoite et qui n’ose… le Régent l’avait entre ses ivresses.

1464. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Je viens de lire cette longue méditation cartésienne, faite les yeux fermés et les mains jointes avec les airs de recueillement d’un philosophe en oraison, dans l’in-pace de la conscience, dans le silence profond de la petite Trappe psychologique que tout philosophe porte en soi, pour y faire des retraites édifiantes de temps en temps et s’y nettoyer l’entendement, et, je l’avoue, je n’y ai rien trouvé qui m’éclairât d’un jour inconnu et fécond la personnalité divine que nous autres catholiques nous savons éclairer du jour surnaturel de la foi.

1465. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Vous verrez qu’il n’y a pas pour l’homme de quoi prendre des airs si vainqueurs.

1466. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

très bien soupé de son poème, nous pouvons danser autour de Maurice Bouchor, pris par l’idée chrétienne quand il veut le moins être chrétien, et poussant du fond de sa poitrine d’athée des cris, des cris de chrétien qui sont pour nous des airs de fête, puisqu’ils prouvent qu’il est chrétien encore… Maurice Bouchor, l’athée, est le chrétien malgré lui, comme Sganarelle est le médecin malgré lui, mais nous ne lui avons pas donné des coups de bâton pour cela… Il est chrétien ; et qu’il proteste, qu’il se fâche contre nous tant qu’il voudra !

1467. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Lorsque presque toutes les industries abaissées frelatent ce qu’elles vendent, voici un petit volume qui mérite d’arrêter le regard qu’il attire, car il a un air que depuis longtemps les livres n’ont plus.

1468. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Mais, comme un enfant vigoureux qui s’ennuie de ces grêles amusettes et qui s’en retourne à la récréation en plein air, il a fini par jeter le jeu de cartes sous la table et il est retourné, sans foi ni loi, à la Sensation, qui a décidé de sa vie ; — car Henri Heine est le poète de la Sensation, du Doute et de l’Impression personnelle, comme, du reste, le plus grand du χιχe siècle, l’auteur du Childe Harold et du Don Juan.

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