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1318. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Être savant à ce point-là, c’est être artiste. […] Qui sait si ce noble artiste, curieux de tous les mystères du cœur humain, n’a pas eu le dessein de mêler à ce chapitre d’histoire une page de roman ? […] Les grands artistes ne sont jamais rares dans les pays où abondent les ouvriers songeurs et attentifs. […] J’espère que nos savants, nos littérateurs, nos artistes n’abandonneront pas aux Allemands le soin de parler de l’Alsace à l’univers civilisé. […] Chailley-Bert, après avoir étudié, selon les principes de la science coloniale, l’évolution des Javanais, a aimé, en artiste, le charme de Java.

1319. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

qui donc reprochait à Zola de n’être pas un artiste écrivain. […] Ce tumulte ardent de la vie ; la lutte où le faible succombe, est mangé par le fort ; l’Artiste dévoré par l’originelle névrose ; l’Ouvrier par le terrible engrenage des usines et des mines ; ceux qu’avilit l’âpre négoce ; les petits magasins ruinés par l’entreprise colossale d’un seul ; et tout cela broyé ensuite par la soif incessante de l’or et la faim de la chair. […] Je crois qu’il faut l’y amener par des procédés étrangers à la forme, et je vous sais trop artiste pour la sacrifier.

1320. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Elle se demandera si la raison étroite et relative de l’artiste doit avoir gain de cause sur la raison infinie, absolue, du créateur ; si c’est à l’homme à rectifier Dieu ; si une nature mutilée en sera plus belle ; si l’art a le droit de dédoubler, pour ainsi dire, l’homme, la vie, la création ; si chaque chose marchera mieux quand on lui aura ôté son muscle et son ressort ; si, enfin, c’est le moyen d’être harmonieux que d’être incomplet. […] L’un est artiste, l’autre est artificiel. […] Que si nous avions le droit de dire quel pourrait être, à notre gré, le style du drame, nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche ; passant d’une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque ; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large et vrai ; sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d’alexandrin ; plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille ; fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d’élégance et de facture ; prenant, comme Protée, mille formes sans changer de type et de caractère, fuyant la tirade ; se jouant dans le dialogue ; se cachant toujours derrière le personnage ; s’occupant avant tout d’être à sa place, et lorsqu’il lui adviendrait d’être beau, n’étant beau en quelque sorte que par hasard, malgré lui et sans le savoir ; lyrique, épique, dramatique, selon le besoin ; pouvant parcourir toute la gamme poétique, aller de haut en bas, des idées les plus élevées aux plus vulgaires, des plus bouffonnes aux plus graves, des plus extérieures aux plus abstraites, sans jamais sortir des limites d’une scène parlée ; en un mot, tel que le ferait l’homme qu’une fée aurait doué de l’âme de Corneille et de la tête de Molière.

1321. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

… Je connais et j’aime Molière depuis ma jeunesse et pendant toute ma vie j’ai appris de lui… Ce n’est pas seulement une expérience d’artiste achevé qui me ravit en lui ; c’est surtout l’aimable naturel, c’est la haute culture de l’âme du poète. […] L’anniversaire de Molière a été célébré en province, par quelques poètes et quelques comédiens moins autorisés que les artistes de la Comédie-Française. […] Un artiste éminent, M.  […] Lewinski a fait d’Harpagon, dit un journal autrichien, un avare bonhomme, qui cependant finit par entendre raison. » La troupe tout entière, à ses côtés, a été vivement applaudie ; puis, L’Avare une fois représenté, le rideau s’est levé sur le buste de Molière entouré de tous les artistes, revêtus des costumes de Scapin, de Sganarelle, de George Dandin, de Mascarille, d’Alceste, de Tartuffe, de Dorine, de Nicole, de Célimène, etc. […] Édouard Thierry, dont l’érudition fait loi en matière théâtrale, aura publié le Manuscrit de La Grange (Varlet), — cet honnête homme et loyal artiste qui a écrit, jour par jour, la chronique du théâtre de Molière, — nous saurons au juste comment fonctionnait ce théâtre qui s’ouvrait pour le public tous les mardis, vendredis et dimanches21.

1322. (1893) Alfred de Musset

Ce n’est pas la faute de l’artiste. […] Ce qu’il faut à l’artiste ou au poète, c’est l’émotion. […] Sainte-Beuve fit un article (Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1833) où Alfred de Musset était discuté sérieusement et classé « parmi les plus vigoureux artistes » du temps. […] Quand il se voyait bel et bien sous clef à l’hôtel des Haricots, dans la cellule 14, réservée aux artistes et aux gens de lettres, il se trouvait tellement absurde, qu’il se riait au nez en prose et en vers. […] Une causerie d’artistes qui plaisantent dans un atelier, une belle jeune fille qui se penche au théâtre sur le bord de sa loge, une rue lavée par la pluie où luisent les pavés noircis, une fraîche matinée riante dans les bois de Fontainebleau, il n’y a rien qui ne nous le rende présent et comme vivant une seconde fois.

1323. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

L’étude du cœur humain ne serait pas uniquement le partage de l’anatomiste et du physiologiste ; cette étude devrait aussi servir de base à toutes les conceptions du philosophe, à toutes les inspirations du poëte et de l’artiste. […] La vérité ne saurait différer d’elle-même, et la vérité du savant ne saurait contredire la vérité de l’artiste. […] La nature, suivant l’expression de Goethe, est un grand artiste. […] L’artiste trouvera dans la science des bases plus stables, et le savant puisera dans l’art une intuition plus assurée. Il peut sans doute exister des époques de crise dans lesquelles la science, à la fois trop avancée et encore trop imparfaite, inquiète et trouble l’artiste plutôt qu’elle ne l’aide.

1324. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Et avec cela il est artiste, et il l’est doublement : il a un coup d’œil et un flair 93 qui, dans cette foule dorée et cette cohue apparente de Versailles, vont trouver à se satisfaire amplement et à se repaître ; et puis, écrivain en secret, écrivain avec délices et dans le mystère, le soir, à huis-clos, le verrou tiré, il va jeter sur le papier avec feu et flamme ce qu’il a observé tout le jour, ce qu’il a senti sur ces hommes qu’il a bien vus, qu’il a trop vus, mais qu’il a pris sur un point qui souvent le touchait et l’intéressait. […] En tout, Saint-Simon est plutôt supérieur comme artiste que comme homme ; c’est un immense et prodigieux talent, plus qu’une haute et complète intelligence.

1325. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Le thème peut n’être pas sans quelque authenticité ; mais dans l’exécution, la fantaisie de l’artiste se donne pleine carrière. […] Mais c’est un biographe du premier siècle, un artiste divin qui, indépendamment des renseignements qu’il a puisés aux sources plus anciennes, nous montre le caractère du fondateur avec un bonheur de trait, une inspiration d’ensemble, un relief que n’ont pas les deux autres synoptiques.

1326. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Les artistes, de leur côté, ont besoin de comprendre ce qu’il y a de naturel et de nécessaire dans toutes ces attitudes et tous ces mouvements qu’ils ont à saisir et à reproduire. […] Ce dernier montre d’ailleurs quelle connaissance approfondie et scientifique des organes avaient déjà les grands artistes de l’antiquité et de la renaissance, comme Leonard lui-même.

1327. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Inspiration d’un génie divin ou œuvre d’un génie tout personnel, voilà à quoi se résume toute leur critique ; nulle idée de rapport avec la nature extérieure, la race ou la société à laquelle appartiennent les artistes. […] La critique moderne y voit, à côté du génie propre de l’individu, le génie de la race, du peuple, de l’époque où est né l’orateur, le poëte, l’artiste, le romancier ; elle montre l’individu se nourrissant de la substance, s’inspirant de l’âme de ce génie, recueillant et méditant ses traditions, ses mœurs, ses idées, ses sentiments, tous les éléments de sa vie passée ou présente, pour les reproduire par une création véritable de son génie personnel.

1328. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Veuillot fut touché d’un certain aspect de cette Rome multiple, de l’aspect à la fois grandiose et mystique ; mais il ne fut pas touché en simple artiste et amateur, qui sent et qui passe.

1329. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Mais même, quand la science des esprits serait organisée comme on peut de loin le concevoir, elle serait toujours si délicate et si mobile qu’elle n’existerait que pour ceux qui ont une vocation naturelle et un talent d’observer : ce serait toujours un art qui demanderait un artiste habile, comme la médecine exige le tact médical dans celui qui l’exerce, comme la philosophie devrait exiger le tact philosophique chez ceux qui se prétendent philosophes, comme la poésie ne veut être touchée que par un poète.

1330. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Pour nous tous, qui sommes déjà d’autrefois, pour ceux qui, comme nous, ont été nourris des lettres dès l’enfance et qui sont plus volontiers critiques qu’artistes, plus des hommes de livres que des curieux de marbres et de statues, ce sont nos figures préférées, nos formes à nous, toutes poétiques et littéraires, lesquelles aussi, comme les trois ou quatre beaux groupes antiques conservés, nous apparaissent toutes les fois que nous regardons en arrière et décorent nos fonds de lectures et de souvenirs.

1331. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Elle est femme, elle est timide, elle n’ose tout dire ni innover ; la griffe virile lui fait défaut ; elle recule, n’étant pas artiste comme son frère, devant les expressions qui ont l’air cherchées, qui sont trop fortes.

1332. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Ils ont beaucoup d’art, et n’ont même que de l’art : on n’oserait dire que ce sont vraiment, des artistes.

1333. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Ils se souviennent de l’immense série de jugements faux portés par leurs prédécesseurs contre d’admirables artistes qu’ils saluent aujourd’hui avec respect, et devant toute tentative nouvelle, même s’ils n’y comprennent rien, ils sont saisis du scrupule très honorable de ne pas se préparer des mea culpa pour l’avenir.

1334. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

L’unification, en se réalisant, tendra à s’idéaliser sous la forme du moi ; en s’idéalisant sous cette forme, elle tendra à se réaliser davantage ; tel un artiste, à mesure qu’il réalise une idée, voit l’idée même se déterminer davantage et, l’idée devenant plus claire, la réalise dc mieux en mieux : l’œuvre et l’exemplaire réagissent l’un sur l’autre.

1335. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Que d’habiles et charmants artistes du vers français à peine soupçonnés des lettrés !

1336. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

La seule invention qu’il y eût, dans un pareil livre, c’était probablement beaucoup de mensonges… Mais quant à de l’invention, comme les grands écrivains et les grands artistes en mettent dans leurs œuvres, — de l’invention dans le sens de l’idéal et de la beauté — il n’y en avait pas.

1337. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Un artiste est appelé à six cents lieues de Paris ; il va dans Pétersbourg élever un monument au fondateur de la Russie.

1338. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Plus tard, du moins, lorsqu’il voulut être l’artiste de la lyre romaine, comme il s’appelle, Romanæ fidicen lyræ , il médita les harmonieux lyriques de la Grèce avec la même ardeur qu’il étudiait Homère, Archiloque, Platon, et la comédie ancienne et nouvelle.

1339. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Ces grands artistes font « poser » la nature devant eux ; Lamartine, non. […] nous est dépeinte avec une minutie d’artiste primitif : mais, de ces soixante-dix vers, le grain de poivre est absent, et le je ne sais quoi de brûlant, d’âcre et d’impur, qu’un Parny  ou un Mendès  rencontre sans y faire effort… Quand le poète nous dit :     Comme un pli gracieux de rose purpurine, Une ombre dessinait l’aile de sa narine, nous voyons la narine moins que la rose. […] Je vous rappellerai aussi le jugement de Leconte de Lisle, jugement très significatif et très précieux, si vous songez à quel point la négligence de Lamartine, et sa surabondance désordonnée, et la facilité de sa mélancolie et de ses larmes devaient offenser un artiste aussi soucieux de la perfection de la forme et de l’objectivité de la poésie que l’auteur des Poèmes barbares. […] Les lacunes, les négligences de style, les incorrections de langue y abondent, car les forces de l’artiste ne suffisent pas toujours à sa tâche ; mais les parties admirables qui s’y rencontrent sont de premier ordre. » VII.Le Fragment du livre primitif et les Recueillements. […] Mais c’est chez Baudelaire, chez Sully-Prudhomme, chez le Coppée des premiers recueils, même chez Leconte de Lisle, que je trouverais le « moi » jaloux et amoureux de ses particularités, l’attitude cherchée et entretenue, la croyance et la complaisance de l’artiste en la rareté de ses sentiments et de ses souffrances ; bref, l’égotisme de la poésie et  se trahissant parfois, comme chez Leconte de Lisle, par la superstition même de l’objectivité  la poésie subjective.

1340. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Car leur liaison me semble démontrée ; & de fait, les artistes, cessant d’être éclairés par cette classe d’hommes qui remontent toujours au premier principe, deviendront des espèces d’automates façonnés à une seule & même routine. […] Aujourd’hui encore un reste d’imbécillité barbare subsistant dans quelques esprits, refuse de mettre le Magistrat, le négociant, l’artiste renommé sur la même ligne que le militaire. […] Les Artistes, dans leur petit domaine, ont imité les Nations, parce que chacun veut établir tranquilement sa supériorité sur ses rivaux, & fermer la barrière, afin que personne ne vienne le chagriner, en lui contestant le triomphe. […] ces artistes n’ont peint qu’une attitude, qu’un moment ; n’ont touché qu’une fibre du cœur humain ; sont morts en appercevant bien au-delà de ce qu’ils ont fait ; & l’on osera dire en leur nom : voici les formes constantes & éternelles qui constituent la beauté par excellence ! […] Demandez au premier Artiste, s’il faut plus d’efforts pour mettre sur la toile un habit doré, qu’un habit de burre.

1341. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Les gens qui passent le feu de la jeunesse à étudier au lieu de sentir ne peuvent donc pas être artistes, rien de plus simple que ce mécanisme. » On peut constater que toute vraie poésie est sensuelle et même sexuelle : expression d’un état de désir physique, transposé, elle éveille en nous les images qui l’ont fait naître. […] Si, de même que pour l’œuvre de Sapho, il ne nous restait de l’œuvre de Renée Vivien que ces quelques fragments que je citerai, on pourrait affirmer que la femme qui a aimé la vie et l’amour avec une mélancolie si discrètement passionnée fut une sensibilité merveilleuse et un artiste d’une rare perfection : Ô toi que je verrai dans les yeux de la mort ! […] Aussi pourrait-on penser que le poète s’est trouvé un peu étouffé par l’artiste, mais quelle sagesse d’avoir voulu maîtriser les élans de sa sensibilité, pour n’en retenir que le dessin précis. […] Quel artiste a jamais su féminiser ainsi la forêt, faire d’une rafale automnale un soulèvement de gorges haletantes, un déhanchement de désirs, un appel de bras levés ?

1342. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Ils n’ont donc pas été extraits de la vie par l’art ; c’est nous qui, pour les traduire en mots, sommes bien obligés de rapprocher le sentiment crée par l’artiste de ce qui y ressemble le plus dans la vie. […] En vain on alléguera que ce bond en avant ne suppose derrière lui aucun effort créateur, qu’il n’y a pas ici une invention comparable à celle de l’artiste. […] Il y a quelque chose du même genre dans la création artistique, avec cette différence que le succès, s’il finit par venir à l’œuvre qui avait d’abord choqué, tient à une transformation du goût publie opérée par l’œuvre même ; celle-ci était donc force en même temps que matière ; elle a imprimé un élan que l’artiste lui avait communique ou plutôt qui est celui même de l’artiste, invisible et présent en elle.

1343. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Ou ils sont des hommes politiques et participent de la nature de ceux que nous venons de dire ; ou ils sont des artistes parfaitement ignorants des choses sociologiques, et même, assez souvent, des choses morales. […] Ce pouvoir spirituel, il a voulu d’abord le confier aux savants, artistes, penseurs, aidés par les propriétaires. […] L’enfant est bâtisseur, le jeune homme artiste, l’homme mûr belliqueux, le vieillard philosophe. Les Égyptiens sont bâtisseurs, les Grecs artistes, les Romains belliqueux et tout le moyen âge à leur suite. […] Ne nous paraît-il pas presque naturel que les Grecs aient été comme des adolescents spirituels, brillants, beaux parleurs, artistes passionnés, très légers du reste, d’un sens moral faible, et à qui on pardonne tout parce qu’ils sont charmants ?

1344. (1895) Hommes et livres

Grands hommes incomplets, ils ont été des critiques et des antiquaires, non pas des historiens ni des artistes. […] Songeons que de L’Antiquité expliquée de Montfaucon sortira d’un côté l’archéologie, et de l’autre l’histoire de l’art, et que ce laborieux antiquaire a déterminé le mouvement qui, développé par Caylus, par les savants de l’Académie des Inscriptions et les artistes de l’Académie de peinture, aboutira en art à David, en littérature au Voyage d’Anacharsis, et, ce qui vaut mieux, à la poésie de Chénier, puis à la prose de Courier. […] L’artiste veut mettre aussi peu de soi que possible dans ce qu’il exprime, le public aussi peu du sien que possible dans ce qu’il sent. […] C’est déjà ce que faisait le vieux Hardy, point artiste, peu psychologue, mais bon ouvrier dramatique, enfermé dans son art et n’allant point chercher ailleurs d’effets, ni de beautés.

1345. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

La nature, comme l’a dit Gœthe, est un grand artiste ; elle ajoute, pour l’ornementation de la forme, des organes souvent inutiles pour la vie en elle-même, de même qu’un architecte fait pour l’ornementation de son monument des frises, des corniches et des tourillons qui n’ont aucun usage pour l’habitation. […] Je ne repousse donc pas l’emploi de la statistique en médecine, mais je blâme qu’on ne cherche pas à aller au-delà et qu’on croie que la statistique doive servir de base à la science médicale ; c’est cette idée fausse qui porte certains médecins à penser que la médecine ne peut être que conjecturale, et ils en concluent que le médecin est un artiste qui doit suppléer à l’indéterminisme des cas particuliers par son génie, par son tact médical. […] En effet, si, pour juger une œuvre littéraire ou artistique, il n’est pas nécessaire d’être soi-même poète ou artiste, il n’en est pas de même pour les sciences expérimentales.

1346. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il y alloit, dans cette dispute érrange, de l’honneur de tous les sçavans & de tous les artistes, & même de la subsistance de plusieurs. […] Elle fit annoncer à ce célèbre artiste que le feu étoit à son attélier. […] Il faut l’excepter du nombre de tant d’artistes malheureux. […] Les graveurs s’élèvent au niveau des autres artistes. […] Au lieu de disputer sur la prééminence de la peinture & de la sculpture, dispute au fond très-inutile, les artistes feroient mieux de chercher à les réunir à l’exemple des anciens.

1347. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Brunetière, Victor Hugo, fils d’un soldat, Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole, traîné de ville en ville dans les bagages de son père, a pu chanter indifféremment ses « Espagnes », ou plus tard la maison de la rue des Feuillantines ; il n’a pas eu de « patrie locale, et à peine un foyer domestique. » Hugo n’a vu la Nature « qu’avec les yeux du corps, en touriste ou en passant ; l’on peut, même douter s’il l’a comprise et aimée, autrement qu’en artiste. » Lamartine, au contraire, « l’a vue avec les yeux, de l’âme, l’a aimée jusqu’à s’y confondre, quelquefois même jusqu’à s’y perdre, et l’a aimée tout entière. » Lamartine est donc chez nous « le poète de la nature, le seul peut-être que nous ayons, en tout cas le plus grand, et il l’est pour n’avoir pas appris à décrire la nature, mais pour avoir commencé par la sentir. » — Ainsi Hugo, n’ayant pas été élevé dans une maison de campagne, n’a pas dû sentir la nature ! […] Pour saisir sa richesse de coloris, il faudra pouvoir sentir Chateaubriand, Flaubert ; pour comprendre la sonorité de son langage, il faudra apprécier les artistes de mots comme ce même Flaubert, Théophile Gautier, nos Parnassiens ; seulement, sous les mots, il y a très souvent des idées élevées et profondes, tandis que sous les vers ciselés des Parnassiens, il n’y a rien. […] Et d’abord, on peut dire du cœur du poète ce que Mlle Baptistine disait de la maison de Mgr Myriel, ouverte à tous : « Le diable peut y passer, mais le bon Dieu l’habite. » On serait un peu surpris de voir appliquer à l’auteur d’Othello et de Macbeth l’épithète de bon ; de même on ne peut dire que Gœthe, avec son intelligence scientifique et sereine, soit bon, ni Balzac, avec sa psychologie un peu sombre et prévenue : ce sont des observateurs, des artistes qui représentent avec exactitude, quelquefois avec dégoût, la comédie humaine ; ils savent exciter la pitié pour tel ou tel personnage donné, mais ce n’est point ce sentiment large et paternel, cette pitié profonde pour toute misère humaine qui finit par dominer l’œuvre de Victor Hugo.

1348. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

C’est franc et net, avec tout ce dont la connaissance des hommes, et peut-être aussi bien, dans le moment même, la conversation de l’artiste (qui avait nom Mme Favart) peut les éclairer de fine galanterie et de malice. — Je ne sais si le souvenir du fils me ferait préjuger du père. — Le costume est celui du temps : habit bleu, collet relevé et droit, gros boutons à reflet métallique, un gilet croisé d’une étoffe claire tirant sur le jaune, à pointes et à revers larges, la cravate fine et blanche en mousseline, entourant doublement le cou sous le menton, et bien nouée entre les deux revers du gilet. […] Ancien représentant du peuple à l’Assemblée Législative, sous la seconde République, on l’eût pris plutôt pour un conventionnel, non point à sa parole qui était toute de fraternité et de paix, de persuasion et de douceur, mais à sa physionomie fine et rasée, dont le type, accentué de plus en plus avec l’âge, était bien celui d’un représentant du xviiie  siècle ; et il avait conservé les cheveux longs d’un prêtre ou d’un artiste.

1349. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Rousseau était horloger ; un horloger à Genève est plus qu’un artisan, c’est un artiste et un commerçant. […] XVIII Les nécessités de la vie et le goût de la musique le jettent dans la société artiste, lettrée, licencieuse de Paris.

1350. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Simple artisan, ou plutôt artiste, mais artiste d’un talent bien inférieur aux grands statuaires de son temps à Athènes, il sculptait dans son atelier à peine autant qu’il était nécessaire pour nourrir sa femme et ses enfants ; sans cesse distrait du ciseau par la pensée, ouvrant sa porte à tout le monde, interrompant son travail pour répondre aux questions qu’on lui adressait sur toutes choses, courant ensuite de porte en porte et accostant lui-même les passants pour leur parler des choses divines, consumé du zèle de la vérité, missionnaire des foules, semant le bon grain à tout vent de la rue ou de la place publique : homme qu’on aurait considéré comme un fou, s’il n’avait pas été un modèle de toute vertu et un oracle de toute sagesse.

1351. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Des habitations trois fois séculaires y sont encore solides, quoique construites en bois, et leurs divers aspects contribuent à l’originalité qui recommande cette partie de Saumur à l’attention des antiquaires et des artistes. […] Eugénie, grande et forte, n’avait donc rien du joli qui plaît aux masses ; mais elle était belle de cette beauté si facile à reconnaître, et dont s’éprennent seulement les artistes.

1352. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

J’étais particulièrement recommandé au cardinal-ministre que je voyais presque tous les jours chez la célèbre duchesse de Devonshire, patronne de tous les hommes de lettres et de tous les artistes romains. […] Elles me reçurent comme Éléonore d’Este et même comme cette Lucrezia Borgia, tant et si odieusement calomniée, recevaient jadis l’Arioste et le Tasse dans ces cours de Ferrare et de Mantoue, qui n’étaient que des académies de tous les grands artistes de l’esprit.

1353. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

 » Il s’accomplit tout seul, artiste, œuvre et modèle ; Ni petit, ni mauvais, il n’est ni grand, ni bon. […] Cela tient à ce que l’aristocratie vraie, qui est un objet d’imitation servile de la part des foules, est aujourd’hui composée des savants ou des artistes, nécessairement incrédules ; autrefois l’aristocratie était composée d’hommes qui partageaient les préjugés religieux, qui leur empruntaient d’ailleurs une partie de leur autorité et qui avaient intérêt à s’appuyer sur eux.

1354. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

La physique expérimentale s’introduit encore dans presque tous les ateliers des artistes. […] Il faut qu’il y ait des orateurs, des poètes, des philosophes, de grands artistes ; mais, enfants du génie bien plus que de l’enseignement, le nombre n’en doit et n’en peut être que fort petit.

1355. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

L’habile artiste, auteur du buste, semble l’avoir ainsi compris.

1356. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Sylvain Bailly descendait d’une famille d’artistes et de peintres, originaire du Berry, et où l’on était de père en fils garde des tableaux du roi, au Louvre ; lui-même il eut ce titre, qui se joignait à ceux de membre de trois académies.

1357. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but.

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Auguste-Guillaume de Schlegel est encore un homme qui, par la profondeur et l’étendue de la science, est de la famille des précédents ; mais celui-ci avait en lui de l’artiste, et, s’il embrassait beaucoup et préparait longuement, il tirait enfin la statue du bloc, il terminait quelquefois.

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Par le choix, par la méthode et le complet de ces collections, Marolles s’est placé au premier rang des amateurs et des curieux, et s’est acquis l’estime et la reconnaissance des artistes.

1360. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Mais Brizeux, en vers, est artiste, et Guérin ne l’est pas assez.

1361. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Néron, remarquez-le, faux virtuose, artiste de montre et d’apparat, Néron, quand il n’était pas un tragédien mugissant et un Oreste en délire, sympathisait et rivalisait surtout avec Lucain.

1362. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois.

1363. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Ce qu’il y a de plus certain en tout ceci, c’est que Cervantes avait beaucoup vu, qu’il avait probablement observé des aliénés, et qu’avec le tact de l’artiste, encore plus qu’avec le tact médical, il a présenté la folie de son héros du côté le plus plausible et le plus acceptable, de manière à entraîner son lecteur. — Mais qu’il est donc difficile de garder la juste mesure dans l’admiration comme dans la critique, et quel ingrat métier que celui qui consiste à venir sans cesse dire gare à tout excès, à vouloir toujours remettre le cavalier d’aplomb sur sa monture !

1364. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Bien rarement il fait un feuilleton suivi, appliqué, consciencieux, à la manière de Sarcey : il échappe le plus qu’il peut, il fuit, il fait l’article à côté : mais ces articles à côté sont souvent de petites créations d’une extrême finesse : Lettre de Valérie à Mlle Bernardine , artiste dramatique, au théâtre des Célestins, à Lyon (voir l’Étendard du 17 septembre 1866) ; — un feuilleton sur Rossini (même journal, 2 décembre 1867) ; — sur Octave Feuillet, « le romancier des femmes » (même journal, 14 janvier 1867) ; — mais surtout sur George Sand et les Don Juan de village, une légère et adorable critique, du meilleur goût (13 août 1866).

1365. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Delavigne, en quittant la France, n’est pas une Marie Stuart qui laisse un trône pour aller chercher un autre trône, une prison et un échafaud ; comme il n’est pas même un mélancolique Byron qui fuit, en haine de la société, pour aller errer par le monde et s’immoler finalement à une cause sainte ; comme il est tout simplement un amateur, un artiste, faisant, par un beau temps, une courte traversée, je ne m’intéresse à ses adieux élégants et un peu fastueux qu’autant qu’ils me rappellent des adieux de famille, et en vérité je n’y peux rien voir de plus grave.

1366. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Ingres, comme on a l’œil rempli de l’éclatante variété pittoresque du grand maître flamand, on ne voit d’abord dans l’artiste français qu’un ton assez uniforme, une teinte diffuse de pâle et douce lumière.

1367. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Quelque chose manque, sans qu’on puisse encore dire clairement ce que c’est ; l’âme s’inquiète, et peu à peu, avec l’aide des écrivains et des artistes, elle va démêler la cause de son malaise et l’objet de son secret désir.

1368. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

L’artiste achève ce que la nature ébauche, et résume ce qu’elle disperse.

1369. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Sa technique est celle d’un vrai artiste.

1370. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Et sans doute, dans son tête-à-tête avec Elmire, il débute assez lourdement par l’emploi du « jargon de la dévotion » ; mais, insensiblement, il sait tourner ce jargon en caresse, et le rapproche enfin de la langue vaguement idéaliste que l’amour devait parler, cent cinquante ans après Molière, dans des poésies et romans romanesques et qui a plu si longtemps aux femmes… Mais, en outre, il a de la finesse et de l’esprit, et des ironies, et des airs détachés qui sentent leur homme supérieur et qui sont d’un véritable artiste en corruption.

1371. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

La valeur d’une œuvre d’art c’est d’être unique ; mais l’artiste ne doit pas être dupe de sa foi.

1372. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Satisfait de l’une clos formes qu’il lui a imposées, l’artiste laisse-t-il au temps le soin de sécher sa statue sous l’action de l’atmosphère, voici ce bloc d’argile désormais durci et rebelle à toute métamorphose, condamné à montrer toujours la même effigie, sinon à être brisé sous le marteau.

1373. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Ceux qui avaient applaudi avec le plus d’enthousiasme l’étrange poète à trois voix, ont mieux aimé se déclarer dupes d’un faux artiste que de reconnaître la force réelle d’un talent vrai.

1374. (1887) La banqueroute du naturalisme

Zola, — qu’il ne spécule point lui-même sur le mal que l’on dira de son roman, que les gravelures et les obscénités dont il l’a semé, c’est par scrupule d’observateur et conscience d’artiste, et que, s’il nous promène aussi complaisamment parmi de si sales images, ce sont toujours les excès de l’idéalisme ancien qui continuent de l’y obliger.

1375. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

S’il se porte à des figures plus hardies, elles sont suivies, raisonnables, tirées d’objets ordinaires, préparées de loin, sans rien qui puisse étonner ou choquer, simples effets d’une éloquence passionnée, simples moyens oratoires, au même titre que les raisonnements et les faits : « La religion de Pascal, dit-il, n’est pas le christianisme des Arnaud et des Malebranche, des Fénelon et des Bossuet ; fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur dans une âme bien faite et sagement cultivée ; c’est un fruit amer, éclos dans la région désolée du doute, sous le souffle aride du désespoir. » Telle est l’imagination de l’orateur, bien différente de celle de l’artiste, qui est brusque, excessive, aventureuse, qui se plaît aux images nouvelles, qui frappe et éblouit le lecteur, qui se hasarde parmi les figures les plus rudes et les plus familières, qui ne se soucie pas d’élever, par des transitions ménagées, les esprits jusqu’à elle, et dont la folie et la violence mettraient en fuite l’auditoire que l’orateur doit se concilier incessamment pour le retenir jusqu’au bout.

1376. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Ces mots magiques, nul raisonnement, nulle science ne les découvre ; ils sont le langage de l’imagination qui parle à l’imagination ; ils expriment un état extraordinaire de l’âme qui les trouve, et mettent dans un état pareil l’âme qui les écoute ; ils sont la parole du génie ; ils ne sont donnés qu’à l’artiste, et changent la triste langue des analyses et des syllogismes en une sœur de la poésie, de la musique et de la peinture.

1377. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

J’ai entendu des habitants de ces caves traiter de chimère l’histoire que font les philosophes et les artistes, et rejeter comme choses malsaines l’imagination passionnée de M. 

1378. (1914) Une année de critique

À ce spectacle, une vague désespérance envahit l’artiste ; il ne reconnaît plus qu’une besogne dans la tâche qu’il accomplissait avec amour ; il voit peu à peu redevenir matière la glaise où déjà il distinguait l’image future d’un dieu ; il se prend à douter s’il est des idées justes, et qui valent d’être revêtues de grâces verbales. […] Et, de ce monument, on devra graver l’image à la fin d’un des plus mauvais chapitres de notre littérature, le chapitre où l’on ne trouve que des « artistes », au lieu d’hommes. […] Anatole France lui-même ; les triomphateurs ne s’accommodent plus de votre pessimisme satisfait ; c’est qu’avec eux les croyants ont succédé aux artistes. […] c’est une chance d’être né grand artiste. […] Jean-Louis Vaudoyer, si j’étais littérateur ou tout au moins peintre, sculpteur ou musicien, je goûterais une satisfaction sans mélange, car ils propagent cette opinion que le monde, en y comprenant les femmes du monde, s’offre comme un verger à la fantaisie des artistes et des écrivains.

1379. (1897) Aspects pp. -215

Fonction splendide, conquête inaliénable de l’artiste sincère, affirmation de l’idéal humain qui fait de nous des dieux ! […] L’artiste complet se doit de produire beaucoup : c’est par la fécondité que se marque sa puissance. […] Comment l’artiste, cet écorché vivant que tous les souffles impressionnent, ne ressentirait-il pas les convulsions du milieu qui contribua, pour une part, à former son tempérament ? […] Moore : « Goncourt n’est pas un artiste malgré toute son affectation et ses prétentions. Ce n’est pas un artiste !

1380. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

C’est lui qui a fait le voyage avec Madame jusqu’à la frontière d’Espagne… » Dans la Correspondance de Garrick, je trouve, au tome second, une lettre adressée au grand acteur par un gentilhomme du nom de De Vigny, qui, retenu pour dettes à Londres, a l’idée de recourir à la générosité de l’artiste célèbre. […] Il serait curieux qu’elle fût d’un parent, d’un oncle peut-être de celui qui fera un jour Chatterton et qui réhabilitera l’artiste en regard du gentilhomme69.

1381. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les artistes en vogue y sont nommés et admirés sans aucune gradation, Boucher au niveau de Rembrandt, et Vanloo aux touches enflammées à côté de Voltaire. […] Nous avons voulu dire simplement que, quand Delille donnait une séance au Lycée, celle séance était rétribuée, comme pareille chose se pratique tous les jours pour d’autres artistes estimables, chanteurs, acteurs ; il n’y a, en fait, aucun mal moral à cela.

1382. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Eh bien, cela s’est vu deux fois de nos jours, à Paris, pour deux grands artistes. […] Ainsi quand je suis seul, ainsi quand je m’attriste Des misères de l’art et du métier artiste,         Écrire, alors m’est odieux.

1383. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Rousseau n’est pas un improvisateur ; les phrases s’arrangent lentement dans sa tête : il travaille, corrige, polit avec un soin d’artiste qui achève de le mettre à part parmi ses contemporains. […] Il a trouvé, pour peindre les paysages qu’il avait vus, une précision de termes, une netteté, une couleur, qui sont d’un artiste amoureux de la réalité des choses.

1384. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Il n’entend pourtant pas rivaliser avec les peintres ; il critique même les images qu’ils hasardent de la Vierge, « lesquelles ressemblent, dit-il, à leurs idées, et non à elle. » Il n’eût pas dit cela des vierges de Raphaël ; car c’est d’après le même modèle, gravé au fond de leur cœur par la foi et le génie, que le prédicateur par la beauté de ses paroles, l’artiste par les grâces de son pinceau, ont su représenter l’idéal de la plus touchante des croyances catholiques. […] Les grands écrivains ont quelquefois la superstition de l’artiste pour la façon ; le bien-dire les touche presque plus que le vrai ; ils nous laissent à nous le soin de le démêler parmi ces merveilleuses adresses de l’art, dont ils sont quelquefois épris jusqu’à en être dupes.

1385. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Pour moi, je déclare que, quand je fais bien, je n’obéis à personne, je ne livre aucune bataille et ne remporte aucune victoire, que je fais un acte aussi indépendant et aussi spontané que celui de l’artiste qui tire du fond de son âme la beauté pour la réaliser au dehors, que je n’ai qu’à suivre avec ravissement et parfait acquiescement l’inspiration morale qui sort du fond de mon cœur. […] L’homme vertueux est un artiste qui réalise le beau dans une vie humaine comme le statuaire le réalise sur le marbre, comme le musicien par des sons.

1386. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

C’est un homme à longs cheveux gris, d’une jolie figure fatiguée, l’œil vif, souriant et pénétrant et caressant ; une tête d’artiste et de médecin. […] Dieu ne me semble avoir fait à la main, et avec un caprice d’artiste, que les arbres d’Orient.

1387. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Je ne puis trouver son choix mauvais, moi qui dans Manette Salomon, ai chanté ces deux professions, comme fournissant les plus picturaux modèles de femmes de ce temps, pour un artiste moderne. […] La femme écrit, et j’ai lieu de la soupçonner d’être un artiste en style.

1388. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Phèdre se moque de certains artistes & écrivains de son temps qui, pour en imposer au public, mettoient à la tête de leurs ouvrages des noms Grecs extrêmement connus. […] Valincour le sage, Valincour l’ami des arts, des artistes & de la paix, arrêta toutes ces plaisanteries.

1389. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

. — En parlant ainsi, il ne saurait me venir à la pensée de faire injure à la Restauration, dont j’apprécie les mérites et les hommes : je ne songe qu’à l’unité dominante qu’on aime à voir dans l’étude d’une vie, à cette lumière principale qui tombe sur un front, et si en ceci je parais sentir un peu trop l’histoire en artiste, qu’on me le pardonne.

1390. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Soit que ce dernier dans l’éloignement n’ait point assez connu les qualités tardivement développées et les mérites supérieurs qu’on a loués dans ce jeune prince ; soit qu’à titre d’ancien précepteur, il ait été trop disposé à le juger jusqu’au bout comme un enfant ; soit qu’à ce titre de maître et de précepteur toujours, il se soit montré plus sévère et plus exigeant envers lui comme un habile et consciencieux artiste l’est pour son propre ouvrage, il est certain que les lettres de Fénelon qui traitent du duc de Bourgogne sont continuellement remplies des censures les plus précises et les plus nettement articulées, excepté les dernières de ces lettres qui se rapportent aux huit derniers mois de la vie du prince.

1391. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Prenant l’homme pour centre de ses tableaux, il ne voulait étudier l’univers, les animaux, les plantes, les minéraux que par rapport à ce roi de la création et selon le degré d’utilité qu’il en pouvait tirer : c’était là un ordre moral et d’artiste plutôt que de savant.

1392. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Qu’il nous suffise d’avoir reconnu et, en quelque sorte, surpris sa sincérité, là seulement où nous avons droit de l’interroger et de l’atteindre, — sa sincérité, je ne dis pas de fidèle (cet ordre supérieur et intime nous échappe), mais sa sincérité d’artiste et d’écrivain.

1393. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Je n’irai pas pourtant jusqu’à en conclure qu’il n’y avait point une part de christianisme sincère en lui, même depuis qu’il eut connu Montaigne, et une part de christianisme plus grande et plus profonde qu’il ne le soupçonnait lui-même en certains moments où il s’entêtait en artiste de son idée de sagesse.

1394. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques.

1395. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

La Bruyère n’a manqué ni à la précaution ni à la règle, et, en grand artiste, il a disposé les choses de telle façon qu’on arrive à cette image par des degrés successifs, et comme par une longue avenue.

1396. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Sa théorie de l’utilité de l’art, et d’un but public et politique à lui donner, laisse bien à dire ; elle distingue essentiellement Béranger des artistes proprement dits et marquera plus tard sa séparation d’avec la nouvelle école littéraire.

1397. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Sieyès, cette tête profonde qui avait conçu avant 89 la reconstitution totale de la société et, qui plus est, de l’entendement humain, cet esprit supérieur a pu tomber dans le découragement et dans l’apathie quand il a vu la refonte sociale dont il avait médité et dessiné le plan échopper à son empreinte ; l’artiste en lui, l’architecte boudait encore plus que le philosophe ; il était injuste envers lui-même et envers son œuvre qui se poursuivait sous les formes les moins prévues, mais qui se poursuivait, c’est l’essentiel : qu’on relise sa célèbre brochure, et qu’on se demande s’il n’a pas gagné la partie et si le Tiers-État n’est pas tout.

1398. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan, dans ces opérations d’artiste et de chimiste consommé, a réussi autant qu’on le pouvait espérer raisonnablement ; mais la première moitié de son volume reste pourtant celle qu’on accepte le plus et qui continuera d’agréer le mieux.

1399. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

La critique des artistes et poètes est sans doute en certains cas la plus vive, la plus pénétrante, celle qui va le plus au fond ; mais elle est, de sa nature, tranchante et exclusive.

1400. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

C’est là que grandit, pour la gloire et le bonheur de l’espèce humaine, ce peuple artiste et poète qui s’éleva à la connaissance de la justice par le culte de la beauté. » Le livre de M. 

1401. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Mais comment résister aussi au désir d’user de ce rocher si propice comme de son bien propre, pour y élever « l’inaccessible forteresse de Mont-Royal », de laquelle, dans un accès de verve à la Vauban et dans son ardeur de fortification, il disait comme eût fait un artiste, et en s’applaudissant de son idée : « Rien n’est plus beau que le poste que j’ai été visiter sur la Moselle, qui mettra les frontières du roi en telle sûreté, et les Électeurs de Cologne, Trêves, Mayence et le Palatin en telle dépendance, que cette frontière-ci sera meilleure et plus aisée à défendre que n’est celle de Flandre. » Une telle utilité justifiait à ses yeux bien des moyens.

1402. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Quand un écrivain, quand un artiste a créé un idéal, on se précipite dans la trouée qu’il vient de faire, comme les bataillons suisses sur le corps de Winkelried.

1403. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Certes le progrès en science, en industrie, en civilisation générale, en réparation moins inégale du bien-être, est évident ; il se poursuit et se poursuivra ; mais aux yeux du philosophe, de l’artiste, du moraliste, de tous ceux qui conçoivent avec étendue et qui comparent, c’est toujours un progrès qui cloche et qui clochera, un progrès qui ne bat que d’une aile.

1404. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Benoît, auteur d’un Discours couronné par l’Académie : « Si, dans nos anciennes causeries, ce sujet (de Chateaubriand) s’est rencontré, vous m’aurez vu sans doute plus affecté que la postérité ne veut l’être de ses défauts qui heurtaient rudement le temps présent, mais qui se fondent aujourd’hui comme des nuances dans le caractère esthétique du grand artiste ou dans la perspective du passé.

1405. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

» Je ne propose pas ce raisonnement comme modèle aux philosophes et politiques, aux gens du monde, aux littérateurs et artistes ; mais je le trouvais tout naturel et facile dans l’esprit d’un catholique croyant comme  l’était l’abbé de La Mennais.

1406. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ce n’est pas même une comparaison que j’établis là, c’est une identité que j’exprime : l’art, pour l’artiste, fait partie de sa conscience et de sa morale.

1407. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin de la deuxième épître d’André Chénier ; l’idée au fond est la même, mais on verra, en comparant l’une et l’autre expression, toute la différence profonde qui sépare un poëte artiste comme Chénier, d’avec un poëte d’instinct comme La Fontaine.

1408. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

En un mot, Lesage est un réaliste, uni des grands artistes que nous ayons en ce genre.

1409. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Mme Geoffrin570 donne de petits soupers aux duchesses : elle a un dîner pour les artistes, un dîner pour les littérateurs.

1410. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Entendez qu’ici l’impuissance n’est pas la stérilité, mais vient du découragement de l’artiste à ne pouvoir atteindre la perfection.

1411. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Le sentiment de la ‘puissance, de la supériorité, du pouvoir proprement dit : le plaisir du riche propriétaire, du chef d’une manufacture, de l’homme d’Etat, du millionnaire, du savant qui découvre, de l’artiste qui réussit.

1412. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Et ce merveilleux penseur est un merveilleux artiste.

1413. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Dans l’histoire des savants, dans celle des artistes, on trouverait amplement à puiser.

1414. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Cette épidémie de constitutions politiques, « qui succéda alors en France et en Europe aux pantins et aux aérostats » (deux modes du jour), date de lui : Pas un commis-marchand formé par la lecture de l’Héloïse, dit Mallet du Pan, point de maître d’école ayant traduit dix pages de Tite-Live, point d’artiste ayant feuilleté Rollin, pas un bel esprit devenu publiciste en apprenant par cœur les logogriphes du Contrat social, qui ne fasse aujourd’hui une constitution… Cependant la société s’écroule durant la recherche de cette pierre philosophale de la politique spéculative ; elle reste en cendres au fond du creuset.

1415. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

L’artiste (si l’on ose employer ce mot en pareille matière), le metteur en œuvre chez Portalis fait un peu défaut quand il écrit : l’honnête homme n’en était que plus à nu quand il parlait.

1416. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

À ceux qui l’avaient connu dans l’intimité, et autrement que par son rôle public, il a laissé le souvenir d’un homme parfaitement bon, facile même dans l’ordinaire de la vie, ayant des négligences et des insouciances de soldat ou d’artiste, et parfois des accès de gaieté d’enfant.

1417. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Un roc sert de portique à la funèbre voûte :                    Sur ce fronton, Un artiste martyr dont les Anges, sans doute,                    Savent le nom, Peignit les traits du Christ, sa chevelure blonde,                    Et ses grands yeux, D’où s’échappe un rayon d’une douceur profonde                    Comme les cieux !

1418. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il est artiste même à travers ses négligences.

1419. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée est un artiste consommé : l’abbé Prévost ne l’est pas du tout, même lorsqu’il est un peintre si parfait de la nature.

1420. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Septembre Nous accompagnons Leroy, le graveur, et sa femme aux bains de mer à Veules, une pittoresque avalure de falaise, tout nouvellement découverte par les artistes.

1421. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

On complète l’appréciation du philosophe, de l’artiste, ou du poëte, par le portrait de l’homme.

1422. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

L’art était une mission, l’artiste un révélateur.

1423. (1912) Le vers libre pp. 5-41

» Mais l’historien qui vingt ans après jette un coup d’œil d’ensemble, qui fait rentrer dans ses catégories les uns et les autres, les Hugo et les Nisard, les Flaubert et les Pinard, les Berlioz et les Fétis, les Manet et les Albert Wolff, l’historien constate que les mouvements nouveaux furent moins nouveaux, moins artistes qu’ils ne le parurent, que presque toujours ils restent en route.

1424. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Un grand artiste qui respecterait sa pensée ne ramasserait pas à ses pieds ces feuilles d’un jour, qui n’ont plus le mérite qu’elles pouvaient avoir quand elles furent écrites sur le sable de la circonstance, maintenant effacé.

1425. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Il achevait son cours d’esthétique par l’aveu du même sentiment : « À la vue d’un arbre sur la montagne battu par les vents, nous ne pouvons pas rester insensibles : ce spectacle nous rappelle l’homme, les douleurs de sa condition, une foule d’idées tristes56. » À vous, peut-être ; mais combien d’hommes n’y verront rien de semblable, et combien d’artistes n’y verront qu’un sujet de tableau !

1426. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

« Le ciel de l’Italie inspire et produit les artistes. » Cela est douteux ; il n’est pas sûr qu’un Groënlandais transporté à Rome à l’âge de six mois, et occupé douze heures par jour à regarder le ciel, devînt un grand peintre.

1427. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Ou se, bornait à rechercher s’il n’y a pas certains rapports entre l’état de folie et l’état cérébral, généralement qualifié d’inspiration, quand il s’agit des artistes, des poètes et de tous ceux qui exercent particulièrement leurs facultés intellectuelles. […] Il est certain que beaucoup d’artistes, de poètes ou même d’écrivains fort graves ne peuvent travailler utilement que dans un état particulier que les hypnotiseurs appellent état second et que le vulgaire appelle état d’inspiration. […] Les musiciens et les artistes n’ont pas eu de moins curieuses méthodes d’inspiration. […] Chez d’autres, le moment du travail vient au commandement ; l’artiste compose, tel Théophile Gautier, quand il le veut et quand il le faut. […] Bien des écrivains, bien des artistes ont été accusés de folie par leurs contemporains, et cependant, dit M. 

1428. (1902) La poésie nouvelle

Il y eut parmi eux de tels artistes enfin qu’à la consonne d’appui nécessaire ils joignirent le luxe d’une syllabe d’appui, que dis-je ? […] Quelques poètes de cette école ont été de très grands artistes… Il n’est ici question que de métrique. […] Laforgue loue quelque part Corbière d’avoir été, plus que nul autre artiste en vers, « dégagé du langage poétique : chevilles, images, soldes poétiques ». […] Il ne l’aime pas seulement en artiste, d’une manière réfléchie ; mais, sans même qu’il s’y prête et sans qu’il y songe, elle l’émeut, le tourmente et l’emplit de mélancolie passionnée. […] L’artiste cherche à se débarrasser, en lui donnant une existence propre, d’une impression trop douloureuse à force d’être trop intensément ressentie.

1429. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Le poète, l’écrivain, l’artiste se trouvent par là comme voués à une fatale, perpétuelle, et violente émulation de gloire. […] S’ils ont en effet essayé de réformer ou de transformer la langue, ce n’est pas en grammairiens ou, comme nous dirions de nos jours, en philologues, mais en artistes, pour la rendre capable de traduire leurs « sublimes et passionnées conceptions », selon l’expression de l’un d’eux, et surtout pour en dégager ce qu’elle contenait de beautés plus intérieures et jusqu’alors inaperçues. […] 2º L’Artiste, l’Écrivain et le Savant. — De quelques éloges extravagants que l’on a faits de B.

1430. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

L’amour enfin, quoique la littérature en ait abusé, quoiqu’on l’ait déshonoré par de fades peintures, et quoique la description d’autres passions puisse paraître plus intéressante à un artiste réfléchi, l’amour n’en garde pas moins un charme invincible, et qui nous sollicite et nous chatouille au plus profond de notre sensibilité. […] Et il a eu ce rare et difficile mérite de s’arrêter à temps ; il a su résister à cette terreur de l’oubli, à ce besoin de produire encore, quand les sources de la production sont à demi taries, à ce maladif besoin qui a joué, même à de grands artistes, de si méchants tours. […] Au foyer des artistes, le jour de la répétition générale du drame où la Célénia fait sa rentrée. […] En ces temps-là, les poètes n’avaient pas de style personnel ; l’« écriture artiste » n’était pas inventée ; tous parlaient la même langue, employaient les mêmes tours, usaient du même vocabulaire. […] Je vous ai connue toute petite ; déjà, vous me consultiez sur tout… Votre tour d’esprit, votre façon un peu « artiste » et généreuse de juger les choses, vos goûts intellectuels n’est-ce pas mon ouvrage ?

1431. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Procédé d’artiste, et coquetterie de peintre qui ne veut rien laisser échapper de ses modèles, que ces prétendues idées réformatrices du discret Marivaux ! […] A-t-on bien assez remarqué qu’il a presque le premier peut-être, dès le début de sa Marianne, réclamé pour « les petites gens », comme on les appelait alors, l’attention, la curiosité, la sympathie de l’artiste ? […] Si cela m’est arrivé, je vous en demande mille pardons… Permettez que mon ouvrage paraisse, et ne contraignez pas l’artiste à toucher à la figure principale contre son propre goût. […] Qu’est-ce que le beau, par exemple, pour l’œil de l’artiste, peintre ou sculpteur ? […] Car enfin, si la manière de Diderot n’est pas la bonne, si même peut-être elle est la pire, étant la moins instructive qu’il y ait pour le public et la moins profitable aux artistes, qu’a-t-il créé qu’un exemple de confusion, et que nous a-t-il légué qu’un modèle d’erreur ?

1432. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

C’est toujours là qu’il faut en revenir, à savoir que la matière n’est rien et que tout dépend de la forme qu’un écrivain, un artiste, lui a donnée, en y appliquant son esprit et ses qualités personnelles. […] Cela veut dire que l’artiste doit se désintéresser de toutes les choses de son temps, il doit être indifférent à ce qui préoccupe les autres hommes. […] Je ne dis pas du tout que Victor Hugo l’ait fait exprès, — bien loin de là ; mais c’était un très grand artiste, et justement, l’artiste, inconsciemment, d’instinct, fait ce qui est le plus artistique.

1433. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Pour découvrir et mettre en œuvre tous les trésors de cette mine féconde, il fallait plus qu’un ouvrier, plus qu’un lapidaire, il fallait un artiste éminent, et M.  […] Je regrette qu’il n’ait pas jugé à propos d’encadrer ce qu’il avait à dire de ces artistes éminents dans les divers chants de son poème ; nous aurions perdu les sonnets que nous aimons, mais l’unité du poème eût été plus complète. […] Barbier, par un caprice bien excusable, a préféré la forme du sonnet, et a écrit sur les grands artistes de l’Italie des hymnes très purs et d’une rare élégance. […] Dumas a contre lui tous les artistes sérieux. […] Si le génie de l’artiste est directement proportionnel à l’illusion, la cire colorée, vêtue de serge, est bien supérieure aux métopes du Parthénon, aux fresques du Vatican.

1434. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

L’artiste aspirant au bourgeois, comme le bouton rêve d’être fleur, c’est le comédien moderne, le peintre moderne, comme du reste c’est l’homme de lettres moderne, le romancier moderne, le peintre moderne et le musicien moderne. […] Silvain en a trop, elle n’en a pas assez : cela fait une moyenne ; mais la ligne est noble, la démarche belle et la voix excellente, et l’artiste est intelligente extrêmement. […] Elle s’est déclarée artiste supérieure. […] Boileau, je sais bien, recommande à l’artiste d’être un honnête homme, et écrit : « Le vers se sent toujours des bassesses du cœur. » Sans doute ; il y tient, et il a bien raison, et ce n’est qu’une vérité de bon sens qu’il exprime là en un bon vers ; il tient à l’union de la moralité et du talent dans l’artiste ; mais il n’a jamais dit, ni pensé, que le but de l’art soit la moralité, et que la mission de l’art soit de moraliser les hommes. […] Personne plus que moi, je ne dis pas mieux que moi, n’a soutenu avec énergie que les grands artistes du dix-septième siècle sont, en leur fond, des réalistes.

1435. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Prenez-y garde, vous faites votre service sans reproche peut-être ; vous savez même quelque chose des principes ; vous êtes des artisans ; vous irez à un certain point, mais vous n’êtes point des artistes.

1436. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

[NdA] Duclos disait de je ne sais quel artiste de son temps : « Il est bête comme un génie. » C’est bien là un mot d’homme d’esprit.

1437. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Mais ce qu’on peut dire après cette lecture, c’est qu’il y justifie assez bien sa définition, et que, dans cette correspondance de frère à sœur, il se met tout entier par un côté de sa nature, par le côté littéraire, le côté artiste, virtuose et bel esprit.

1438. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Tel est le Béranger cher aux Prudhommes et aux Plumeretsde tous les temps, celui même qui est en horreur aux artistes, aux fantaisistes, à la fleur de la bohême ou des salons, aux amateurs du fin, aux lecteurs de Musset, aux aristocrates de race ou d’esprit, à Pontmartin comme à l’auteur de Madame Bovary, aux frères de Goncourt comme à M. 

1439. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

On sent à quel point Vauban, comme tous les vrais artistes, a en lui la fibre de l’honneur ; je parle présentement de l’honneur du métier.

1440. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

C’est que c’est d’abord l’homme ennuyé et qui se fuit lui-même, puis c’est l’artiste surtout qui voyage en la personne de Chateaubriand : chez Montaigne, c’est le curieux amusé de la vie, et qui dépense la sienne sans compter.

1441. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Mais Ducis était encore moins artiste que père, fils, époux, veuf, ami : toutes ces belles qualités de cœur et de famille lui nuisaient autant qu’elles lui servaient.

1442. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation… « Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… » Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. » La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell.

1443. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

L’artiste n’a pas cessé de le révérer.

1444. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Il faut dire de plus que Jasmin lit à merveille ; que sa figure d’artiste, son brun sourcil, son geste expressif, sa voix naturelle d’acteur passionné, prêtent singulièrement à l’effet.

1445. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Non ; je reconnaîtrais, à l’évidence de l’unité de conception, l’unité d’artiste, et je m’écrierais : C’est Phidias !

1446. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Les peuples artistes veulent des harangues et des réflexions, comme celles de Thucydide.

1447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

L’auteur y mêlait, par une diversité agréable et judicieuse, les princes, les cardinaux, les ministres d’État, les hommes de guerre, les savants, les poètes, les ingénieurs, les artistes, ceux qu’on appelait encore à cette date les artisans.

1448. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Il me surprenait alors au milieu de ce qu’il appelait mon état-major : c’était un cercle de bons rieurs, de causeurs spirituels, d’artistes, où les aides de camp étaient majorité.

1449. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Sayous ne nous retrace pas avec moins de finesse et de vérité l’aspect naturel du pays en Savoie, ces frais paysages jetés dans un cadre grandiose, cette espèce d’irrégularité et de négligence domestique, et ce laisser-aller rural que peut voir avec regret l’économiste ou l’agronome, mais qui plaît au peintre et qui l’inspire insensiblement : « L’imagination, dit-il, est plus indulgente : elle sourit à ce spectacle qui a sa grâce, et l’artiste jouit en reconnaissant un instinct de l’art et comme un goût de nature dans ce confus arrangement qui semble avoir été abandonné au hasard. » Nous connaissions déjà, depuis les peintures de Jean-Jacques Rousseau, ce charme des vallons et des vergers de Savoie, si frais et si riants au pied des monts de neige ; mais, avant d’en venir à saint François de Sales, il était bon de nous le rappeler.

1450. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Les plaisirs mêmes de la vie organique produisent un sentiment de vitalité profonde qui, contrairement au préjugé, est déjà esthétique : aussi les sensations organiques sont-elles, pour l’artiste, un élément essentiel de la vraie et vivante beauté ; tout ce qui ne retentit pas jusqu’à cette profondeur n’est encore qu’un art de surface46.

1451. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

De là, luttes, antagonismes, coalitions, réclamations de ceux qui n’entendent point de leurs propres oreilles, et veulent rester fidèles auditeurs d’artistes qu’ils avaient eu déjà bien du mal à comprendre ; puis triomphe du point de vue nouveau, tant qu’il est bon, tant qu’une nouv elle transformation ne s’impose.

1452. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Peignez la nature avec vérité, mais avec choix, et sans marquer minutieusement ses moindres traits, comme cet artiste sans génie, qui trouve avec raison plus facile de tromper l’œil que de le charmer.

1453. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Artiste dans la plus forte acception du terme, il exprime sa pensée en phrases irréductibles et ne voit dans l’art que la science du nombre, le secret de la grande harmonie.

1454. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Organisé pour être mieux qu’un philologue, cerveau à plusieurs vocations, Édelestand du Méril, qui a débuté par un livre très pénétrant d’économie politique (la Philosophie du budget), aurait été tout aussi bien un penseur profond et un grand artiste que ce qu’il est présentement, c’est-à-dire un savant d’une science énorme… Il ne l’a pas voulu.

1455. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Il fait œuvre là d’auteur dramatique, et il n’est pas plus responsable de toute cette fureur que Shakespeare, par exemple, des rugissements d’Othello, Le comte de Maistre, en grand artiste qu’il est, invente une colère, mais il ne la ressent pas ; et, cependant, il n’y a pas que la haine et la violence contre lui qui s’y soient trompées !

1456. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

On voit trop clairement ici l’instinct aveugle de la nature artiste et créatrice, l’effort inné par lequel la matière dispersée s’organise, acquérant des propriétés et des perfections qu’elle n’avait pas.

1457. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Un conseiller au parlement de Paris, vingt ans après, lui fit élever un mausolée de marbre, orné d’inscriptions, avec une très belle statue, faite par le meilleur artiste du temps.

1458. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment.

1459. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

De telle sorte, Messieurs, que l’histoire est ainsi non seulement le vrai théâtre des passions, le seul même où souvent le poète et l’artiste les puissent observer, mais elles y sont aussi plus violentes qu’ailleurs, presque toujours extrêmes, comme y étant débarrassées de toutes contraintes, et ne rencontrant d’obstacles sérieux que dans la volonté même de ceux qui les laissent se développer en eux. […] Car d’abord, nous ne nions pas la liberté de l’artiste, puisque, à vrai dire, nous ne nous en occupons seulement pas ; hypothèse ou réalité, nous n’en avons pas besoin ; et, qu’elle existe ou non, nos conclusions sont ou seraient absolument les mêmes37. […] C’est pour cela qu’il est trop poète ou trop artiste, et qu’il a trop subi, qu’il connaît trop le charme ou le prestige du passé ! […] Et c’est pourquoi, si le mot n’était pas une espèce d’anachronisme, je dirais, qu’en Racine, évidemment, dès l’époque de Phèdre ou d’Iphigénie, l’artiste commençait de tourner au dilettante. […] Il n’est que trop facile de se placer ainsi d’abord en pleine convention, hors de la nature ou de la commune vraisemblance, de ne jouer ainsi que contre soi-même ; et, dans cette partie que l’artiste ou le poète engagent avec leur sujet, de récuser par avance le seul adversaire sérieux : je veux dire la nature et la vérité.

1460. (1908) Jean Racine pp. 1-325

C’est un grand artiste, et qui a fait quelques-uns des plus beaux vers pittoresques de notre langue. […] Mais quel artiste ! […] Elle est beaucoup plus « artiste », comme nous dirions aujourd’hui, que celle de Molière. […] Et c’est un poète et un artiste, cet adolescent vaniteux et sensuel que la toute-puissance rendra monstrueux. […] Ce qu’il tue en lui, c’est l’attachement de l’artiste à son œuvre, le désir invincible de réaliser le beau qu’il conçoit.

1461. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Mais cette douce émotion passe comme un beau rêve, comme un bel air de musique, comme un bel effet de lumière, comme tout ce qui est bien, comme tout ce qui, nous touchant vivement, ne doit par cela même durer qu’un instant. » Certes de telles pages, négligemment jetées et venues comme d’elles-mêmes dans une brochure plutôt politique, attestent mieux que tout ce qu’on pourrait dire un coin de nature d’artiste bien mobile et bien franche (genuine), ouverte à toutes les impressions, et digne, à certains moments, de tout comprendre et de tout sentir. […] s’écrie-t-il et a-t-il droit de s’écrier dans cet égoïsme de l’artiste amoureux de son objet ; on m’a été prendre Alexandre du fond de l’antiquité, et on me l’a mis là, de nos jours, en uniforme de petit capitaine et avec tout le génie de la science moderne. » Pour la première fois donc l’historien a fait, a voulu faire un ouvrage.

1462. (1813) Réflexions sur le suicide

Les facultés nous dévorent comme le vautour de Prométhée, quand elles n’ont point d’action au dehors de nous, et le travail exerce et dirige ces facultés : enfin quand on a de l’imagination, et la plupart de ceux qui souffrent en ont beaucoup, on peut trouver des plaisirs toujours renouvelés dans l’étude des chefs-d’œuvre de l’esprit humain, soit qu’on en jouisse comme amateur, ou comme artiste. […] Depuis deux mille ans les penseurs, les héros, les poètes, les artistes ont consacré la mort de Socrate par leur culte ; mais ces milliers de Suicides causés par le dégoût et l’ennui dont les annales de tous les coins du monde sont remplies, quelles traces ont-ils laissées dans le souvenir de la postérité ?

1463. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

L’art appartient à l’artiste et non au copiste. […] — J’ai souvent entendu affirmer que la nature était toujours belle, dis-je, qu’elle était le désespoir de l’artiste, et qu’il était rarement capable de l’atteindre.

1464. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Les machinistes du roman populaire s’intitulent quelquefois des penseurs et des artistes. […] Nous sommes à la fin d’une chose très usée ; nous nous rajeunirons en n’écrivant plus pour la bourgeoisie élégante, ou pour les portières, ou les artistes, ou notre nombril, — mais vraiment et simplement pour le peuple, c’est-à-dire pour tous.

1465. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Ainsi procèdent l’orateur et l’artiste inspirés. […] Le dieu inspirateur des poètes et des artistes, c’est la marée montante des associations, où toutes les ondes nerveuses, sous l’attraction d’une force commune, se soulèvent et s’entraînent l’une l’autre dans la masse frémissante du cerveau.

1466. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Vinet crut que l’auteur de Madame de Pontivy avait cédé une fois de plus à son goût de psychologie subtile et qu’il n’y avait là qu’un caprice littéraire, une fantaisie d’artiste. […] Jamais, nous le pensons, la poésie n’a été plus personnelle ; jamais les poètes ne nous ont tant parlé d’eux-mêmes ; ils semblent avoir pris pour devise ces paroles de Montaigne : « Je me suis présenté moy mesme à moy pour argument et pour object ; je n’ay pas plus faict mon livre que mon livre m’a faict : livre consubstantiel à son aucteur, membre de ma vie…81 » ; en un mot, ils se déclarent hommes d’abord, artistes en seconde ligne et pour la forme ; ils le disent en vers dans le volume, ils le disent en prose dans la préface ; le moyen de ne les pas croire ? […] qu’importe encore, car il faut tout dire, si le goût est essentiellement dans la mesure, et si le problème de l’artiste est de se mouvoir avec force et avec grâce dans une étroite enceinte, sans en raser la barrière, et de faire beaucoup de chemin dans un espace borné ? […] Ce serait aux faits réels à nous certifier qu’un sentiment composé en grande partie d’illusions et de prestiges peut avoir deux éditions : une histoire inventée, où, pour lier deux extrêmes, on multiplie à plaisir les nuances, peut faire admirer l’artiste, mais ne prouve absolument rien ; et il n’y a sorte d’impossibilité morale qu’un esprit ingénieux ne puisse rendre vraisemblable dans une fiction. […] Quinet est une réclamation d’artiste.

1467. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il nous a tous sollicités, enfin, de sortir du cercle académique et trop étroitement français, et de nous mettre plus ou moins au fait du dehors ; il a été un critique, non pour le public, mais pour les artistes, mais pour les critiques eux-mêmes : Cosaque encore une fois, Cosaque qui pique en courant avec sa lance, mais Cosaque ami et auxiliaire, dans son rôle de critique, voilà Beyle.

1468. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Quoi qu’il en soit, Voltaire, même au début, avant le rire bouffon et le rire décharné, Voltaire dans sa fleur de gaieté et de malice était bien, par tempérament, comme par principes, le poète et l’artiste d’une époque dont le but et l’inspiration avouée était le plaisir, avant tout le plaisir.

1469. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Mais laissant de côté ce qui me regarde, je demande si cette sorte d’exaltation dans laquelle se place tout d’abord M. de Pontmartin, cette sorte de ferveur guerroyante d’un chevalier armé et croisé pour la défense de la société, est une disposition favorable pour juger sainement de l’œuvre d’un artiste, d’un romancier, d’un auteur dramatique.

1470. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Son talent toutefois s’annonçait d’abord avec un certain éclat et présageait un artiste d’un vrai mérite, capable à son tour et digne peut-être du laurier.

1471. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Fromentin a un privilège que je n’ai encore vu personne posséder à un degré égal : il a deux muses ; il est peintre en deux langues ; il n’est pas amateur dans l’une ou dans l’autre, il est artiste consciencieux, sévère et fin dans toutes deux.

1472. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin, si j’ose dire, a fait là, à sa manière, la critique des procédés différents du sien ; il a fait de la critique indirecte, comme il n’est donné qu’à l’artiste d’en savoir le secret ; il l’a mise en image et en action.

1473. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

« Tout à vous, « George S. » Cependant la fatalité avait son cours : cette nature exceptionnelle de femme et d’artiste, livrée à elle-même et sans appui, ne pouvait se retenir sur cette pente : il y eut, en ces mois avant-coureurs du printemps, des ennuis, des déchirements, des essais brisés et des reprises dont je ne fus parfaitement informé qu’un peu plus tard.

1474. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

A cet âge qu’accuse le chiffre moyen du cadran commun, artistes et poëtes, on est entré généralement dans la manière définitive.

1475. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Son père était artiste et graveur ; elle travailla quelque temps à l’être.

1476. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.

1477. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Comment ce gentil poète des dames de Caen, cet artiste faiseur de tragédies poétiques, ce bretteur qui se fit chef de bandes huguenotes et fut tué d’un coup de pistolet sur l’escalier d’une auberge, comment cet aventureux et incohérent personnage fit-il un traité d’économie, science pacifique ?

1478. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Un artiste à demi divin, un Phidias titanique, y travaille comme au chef-d’œuvre des êtres.

1479. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Moyennant ces mouvements de troupes, ces va-et-vient de régiments et de bataillons qu’il nous déduit par leurs numéros, on saisit, à n’en pouvoir douter, l’industrie toute spéciale avec laquelle Napoléon sait tirer de ses armées d’Allemagne et d’Italie, sans trop les affaiblir, des corps qu’il approprie à son échiquier nouveau ; on suit du fond de son fauteuil le grand artiste militaire dans ses habiletés et ses artifices d’organisateur.

1480. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Ce témoignage est formel ; il est d’accord avec la légende, avec la poésie, avec cette statuette pleine de grâce qu’une jeune princesse artiste a laissée de Jeanne d’Arc arrêtant court son cheval à la vue du premier cadavre29.

1481. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Il n’a pas la discrétion de la ligne, et en cela l’artiste en lui fait défaut.

1482. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

La langue dans laquelle Jasmin écrit est le patois du Midi ; mais ce mot est bien vague et ne donnerait pas une juste idée de son doux idiome et du travail d’artiste avec lequel il l’a réparé.

1483. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Car c’est ainsi que Buffon se corrigeait : dans son ampleur de forme, il était l’ennemi des remaniements ; comme un grand artiste, il trouvait plus simple, l’ouvrage une fois produit, de se corriger dans un ouvrage nouveau, dans un tableau nouveau, et en recommençant derechef comme fait aussi la nature.

1484. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Puis vint le marquis de Cubières, etc. » Ce n’était là qu’une fantaisie de femme artiste et l’amusement d’une soirée ; mais ce qui me frappe, c’est que, dans plus d’une ode de Le Brun, le travestissement est plus durable et subsiste encore.

1485. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Car Gourville est un artiste en intrigue, il aime l’aventure pour l’aventure, puis il aime encore à la raconter à des gens d’esprit qui s’y connaissent.

1486. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Le judicieux et louable historien n’a pas été en cela un artiste : mais même eût-il tout possédé sous sa main dès l’abord, il n’avait pas en lui la force de le devenir.

1487. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Des relations si intimes avec les puissances le mirent à même d’être souvent utile au mérite, et, si on le trouve parfois rigoureux ou quelque peu satirique dans ses jugements, les personnes qui l’ont le mieux connu assurent qu’il sut être bienveillant en secret ; il se plaisait à attirer l’attention de ses augustes correspondants sur les talents d’hommes de lettres et d’artistes à honorer ou à protéger.

1488. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Cette première inspiration fut suffisante à l’artiste pour le soutenir de loin ensuite dans l’exécution de son œuvre ; le reste lui vint de son génie littéraire et de son pinceau, de ce don divin de l’imagination qui avait été refusé à ses devanciers.

1489. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Vienne maintenant sur la scène un artiste de génie, un Talma, une Rachel (que n’a-t-on pu les unir ensemble !)

1490. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Saint-Simon, avant qu’il eût la conscience de son génie d’écrivain, avait en lui, plus profondément que l’artiste, un ambitieux, dont l’ambition avait encore plus d’intensité que son génie, et c’est l’ambitieux qui, dans sa vie, doit expliquer tout !

1491. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Enfin, on peut compter encore les sympathies personnelles d’un Roi très éclairé, le Roi de Prusse, qui aime le catholicisme en artiste, et qui pourrait s’en servir en homme d’état, et aussi la bonne volonté de Schelling, le plus grand nom de l’Allemagne actuelle, l’homme le plus puissant sur l’opinion de son pays.

1492. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Nous pourrions citer bien d’autres contradictions qui font du livre de Heine un modèle d’inconsistance dans le fond des choses, et qui altèrent jusqu’à sa forme de grand artiste.

1493. (1901) Figures et caractères

Il aimait ce double chef-d’œuvre, et se plaisait à revivre ainsi deux fois par le pinceau hardi et par le subtil crayon de deux ; grands artistes qui tous deux furent ses amis. […] Bourget, par exemple, pourrait mener à Londres, fréquentant les artistes et les salons, les restaurants et les notabilités mondaines, tout ce qui intéresse un homme instruit et élégant qui sait penser et qui sait vivre. […] La puissante vie britannique n’alimente pas que des travailleurs et des marchands ; elle entretient des savants et des artistes. […] À dire vrai, et pris en leur ensemble, ce furent d’honnêtes et probes artistes que ces Parnassiens. […] Ils substituèrent le calque au dessin et le moulage à la sculpture et furent plus, peut-être, des artisans que des artistes.

1494. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Nous combattrons avec toutes les armes de la raison les artistes de la parole qui se fourvoient et qui se trompent ; avec toutes les flèches du ridicule ces bateleurs de la fantaisie qui passent leur temps à peigner des phrases soyeuses, à retaper des paradoxes centenaires et à faire miroiter au soleil les verroteries de leur style. […] Philoxène Boyer a eu du génie pendant six mois, c’est-à-dire tout le temps qu’a duré une fortune qu’il a servie à ses admirateurs temporaires avec l’insouciante prodigalité d’une généreuse nature d’artiste ; aujourd’hui, l’auteur du poème dialogué de Sapho n’est plus même compté parmi les poètes de la génération nouvelle. […] En horreur de ces effroyables caricatures, artistes, poètes et public retournèrent de plus belle aux « merveilles de grâce, aux trésors d’enchantement, aux prodiges de beauté ». […] Les directeurs de l’Odéon ont donc fait preuve d’habileté en confiant l’illustration de leur foyer à, des artistes qui ont. pu, comme tout le monde, avoir le diable dans leur bourse, mais qui n’ont jamais eu le diable à la brosse.

1495. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

De là ces formules : « Si jamais quelque artiste s’empare des seuls ornements convenables au temps, au sujet, à la nation, ceux qui viennent après lui trouveront la carrière remplie » ; et encore : « Il ne faut pas croire que les grandes passions tragiques et les grands sentiments puissent se varier à l’infini d’une manière neuve ou frappante » ; et enfin : « On est réduit ou à s’imiter ou à s’égarer ». […] Ce n’est pas, en effet, le moindre inconvénient de ces vastes généralisations que l’on soit forcé d’en éliminer volontairement d’abord, et puis bientôt nécessairement, toute considération du génie particulier, du talent original, de la personnalité de l’artiste. […] Et qu’est-ce qu’un roman de mœurs, dans sa forme originelle, avant que l’artiste en ait extrait pour ainsi dire l’œuvre d’art, sinon, réciproquement, des Mémoires particuliers sur les hommes et les choses de son temps ? […] Qui ne se rappelle ces morceaux justement célèbres, dans les Caractères, où l’on n’a vu, comme, par exemple, dans le fragment d’Émire, tout narratif, que des moyens ingénieux de l’artiste pour diversifier la monotonie de son plan, et soutenir une attention qu’il pouvait craindre de voir languir ? […] Richardson, lui, sentit d’abord ce que cette même forme procurait de facilités particulières à la prédication morale, et l’artiste qui était en lui, survenant à son tour, en découvrit à l’épreuve la merveilleuse richesse.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Tels sont les grands artistes, ordinairement mauvais ouvriers sous des maîtres.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

De cette sorte, et si l’on s’en tenait à cette règle, la connaissance des faits irait s’accroissant en réalité ; on entendrait successivement bien des témoins, mais des témoins toujours utiles ; on ne recommencerait pas sans cesse d’éternels récits qui n’ont de prix que chez les narrateurs vraiment originaux et compétents, en attendant qu’ils aient rencontré l’artiste définitif et suprême.

1498. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Et nous-mêmes qui savons le fort et le faible, qui vous avons vu naître, briller et mourir, nous y applaudirons et nous y applaudissons déjà, à ce commencement d’illusion, parce qu’après tout votre renommée charmante, si elle dépasse un peu vos œuvres, ne fera pourtant qu’égaler votre génie, — ce que ce génie aurait été si vous en aviez daigné pleinement user et en artiste plus maître de sa force

1499. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Tous deux sont blasés, et expriment ce fond d’ennui dont ils sont pleins, sous la forme d’un petit livre qui reste leur chef-d’œuvre : mais l’un, grand artiste, ajoute à son ennui la flamme, et l’on a René ; l’autre y met de son ennui et de sa tristesse partout, et l’on a Adolphe, qui, pour les connaisseurs psychologues, ne le cède pourtant point à l’autre, mais qui n’a ni l’action sur le public ni le prestige.

1500. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

73 Ses premiers goûts, sa première vocation, le portaient vers la sculpture : il y réussissait et promettait un artiste distingué ; il avait remporté, je ne sais en quelle année au juste, le premier prix dans un des concours pour Rome.

1501. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Pauline, n’être que poëte, n’être qu’artiste au milieu de toutes les faims dévorantes des ours et des loups qui courent les rues… J’ai l’âme triste comme la tienne, et je crois que c’est tout dire… » Dans les trois ou quatre dernières années de sa vie, Brizeux avait notablement changé ; après chaque disparition, il revenait autre et presque pas reconnaissable, plus saccadé, plus brusque, plus négligé : ces longues solitudes ne lui étaient pas bonnes.

1502. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

 » La campagne d’Iéna, comme celle d’Ulm, « devait servir de modèle un jour pour apprendre aux généraux l’art de réunir à propos leurs forces, et de les diviser ensuite quand elles ont frappé : je dis modèle, si tant est qu’il y en ait à pareil jeu ; car tout jeu savant suppose le joueur, tout art suppose essentiellement l’artiste ; et la variété, la nouveauté dans l’application, qui se différencie et recommence sans cesse à chaque cas imprévu, c’est l’habileté souveraine, c’est le génie35.

1503. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

En accueillant ces images qui étaient de mise à cette date dans les genres réputés nobles et que paraissait réclamer en particulier la dignité de l’histoire, Jomini ne faisait que suivre le courant public et les exemples d’alentour : il eût fallu de sa part un grand effort d’artiste pour atteindre, en 1820, à la simplicité d’Augustin Thierry ; il lui suffisait, quand il tâchait, d’écrire comme Lacretelle.

1504. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Les poëtes et artistes, s’inspirant moins à la source de toute vie et de toute création, déchurent du premier rang où ils siégeaient dans la personne de Dante, et la plupart finirent par retomber à ce sixième degré où Platon les avait relégués au bas de l’échelle des âmes, un peu au-dessus des ouvriers et des laboureurs.

1505. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Les artistes furent plus désintéressés : Girodet peignit son immortel tableau, les Funérailles d’Atala, multiplié par la gravure.

1506. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Un premier fond est fourni par la tradition orale qui s’est perpétuée depuis la plus haute antiquité, vivant et circulant sous la littérature artiste des Grecs et des Romains, y pénétrant parfois et y laissant quelque dépôt : comme certains sujets de la Comédie nouvelle, ou ce conte scabreux, qui bien des siècles avant de se fixer chez nous dans un fabliau, fournit à Pétrone sa Matrone d’Éphèse.

1507. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Cependant elle ne peut tout à fait s’abriter contre les souffles nouveaux : Jean Le Maire de Belges, qui fut historiographe de Louis XII, écrit les Illustrations des Gaules 162, vaste compilation de récits fabuleux, où se heurtent singulièrement l’érudition saugrenue du moyen âge et l’enthousiasme poétique de la Renaissance : le même qui fait des vers dignes de Molinet est un adroit ouvrier qui prépare avec un certain sentiment d’artiste l’instrument de la poésie future ; Clément Marot tiendra de lui quelques excellents secrets de facture163.

1508. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Son style n’est nullement artiste.

1509. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type de la taxation : à propos de tout ; donc aussi à propos des productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’État, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose.

1510. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Messieurs, et qu’on en peut tirer de belles choses, quand un artiste habile se trouve à côté de lui, pour faire jaillir en son cœur la source des larmes, de la prière intime et de l’amour !

1511. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Mais encore une fois, le tableau d’une époque peut être présenté de mille façons diverses et je me reprocherais la seule apparence de vouloir enfermer en un plan uniforme la libre inspiration de l’artiste que doit être l’historien digne de ce nom.

1512. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

La main de l’artiste, la parole du poète n’avaient pas dégrossi ces dieux ébauchés.

1513. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

ce jeune artiste si affectueux pour son père, si tendre à sa jeune femme qu’il lui adressait, tout à l’heure des litanies, comme à une sainte Vierge, le voilà qui, d’un jour à l’autre, se transforme en fils dénaturé, en mari sans cœur !

1514. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Madame Guichard est encore un type admirable, accentué sans charge, aussi profond que saillant, pétri, de main d’artiste, en pleine pâte plébéienne.

1515. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Je suis trop poli pour dire ce que je pense de cette manière d’interpréter les écrits, d’user et d’abuser de quelques paroles plaintives, et après tout senties, de poète et d’artiste ; je croyais que M. de Pontmartin laissait ce procédé trop facile et trop simple à M. 

1516. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Un jour, devant le buste ou le médaillon de La Fayette par David, quelqu’un faisait cette remarque, que ce front fuyait beaucoup : « Oui, répondit l’artiste, et encore j’ai soutenu le plus que j’ai pu. »

1517. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Semblable en cela aux artistes, il se sentait pourvu d’un prodigieux instrument, et il en jouait devant tous.

1518. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

On ajoute que dans ces sortes d’arbitrage, qui d’ordinaire embarrassent et ennuient, il ne s’ennuyait pas ; il aimait à prolonger la discussion, à tout balancer, à tenir compte des moindres circonstances en artiste, presque en casuiste : c’était amour de la forme.

1519. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Seulement, alors je croyais à une suite autographe des Mémoires, peut-être perdue, peut-être enfouie dans quelque collection inconnue ; à l’heure présente je n’y crois plus guère ; je suis presque convaincu que la paresseuse artiste, que l’écriture n’amusait pas, s’est arrêtée à la quatorzième page, et que les mémoires manuscrits que j’ai entre les mains, — sauf le commencement, — par un certain Talbot, sur la commande de Loiseau, n’ont pas été rédigés, dis-je, sur un brouillon de la chanteuse, mais bien d’après ses confidences et ses conversations.

1520. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Puis on passe dans l’atelier, et les yeux amusés par les japonaiseries des murs, et la cigarette à la lèvre, c’est quelque belle musique d’artiste, quelque sonate de Beethoven, vous remuant les dedans immatériels de votre être.

1521. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Les armes même dont il était curieux, — mais non à la manière des artistes et des antiquaires, — il ne les aimait que parce qu’elles sont des forces ajoutées à la force humaine, dormant pour s’éveiller, quand il le faut, sous notre main.

1522. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

— que les nerfs du grand artiste ; mais de ces nerfs, sur lesquels la passion, qui prend sa revanche, aurait joué comme Réményi sur son violon, il serait sorti la chose la plus résonnante et, pour nous tous, la plus délicieusement vengeresse.

1523. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Jamais l’âme du prêtre n’a été scrutée à une telle profondeur, avec une pareille maîtrise, par un tel psychologue, triplé d’un penseur et d’un artiste de premier ordre.

1524. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Il a, en outre, comme les réalistes les plus récents, une coquetterie verbale assez drôle, une espèce de virtuosité pittoresque et, parfois, un bagout d’artiste fameusement doué. […] Aristide Truffaut, artiste découpeur. […] Un peintre, un artiste : elle a eu la certitude de n’être pas née pour épouser ce frivole. […] Brusque réveil d’un amateur d’idées : l’artiste n’est plus qu’un bon Français pareil à tous les autres. […] Que de discours ; les modèles dans tous les genres, et de tous les tempéraments, et de toutes les occasions ; quels artistes, et avec une sincérité parfaite, avec du talent, du génie !

1525. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Malherbe, ni plus ni moins, a rempli sa mission à son heure : « Grammairien-poète, ai-je dit moi-même autrefois, sa tâche, avant tout, était de réparer et de monter, en artiste habile, l’instrument dont Corneille devait tirer des accords sublimes, et Racine des accords mélodieux. » Il ne vint à Paris et à la Cour qu’en 1605. […] Vu de près, l’homme est moins grand ; il a établi une école de grammaire dans l’entre-deux des colonnes ; il est comme ces anciens artistes à qui on donnait un logement au Louvre : il habitait volontiers une soupente à deux pas de la Colonnade.

1526. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Il ne remonte pas à la source du beau du premier coup, comme les vrais artistes, par la violence et la lucidité de l’inspiration naturelle ; il s’arrête dans les régions moyennes, parmi les préceptes, sous la conduite du goût et du sens commun. […] L’enfant, l’artiste, le barbare, l’inspiré leur échappent ; à plus forte raison tous les personnages qui sont au-delà de l’homme : leur monde se réduit à la terre, et la terre au cabinet d’étude et au salon ; ils n’atteignent ni Dieu ni la nature, ou, s’ils y touchent, c’est pour transformer la nature en un jardin compassé et Dieu en un surveillant moral.

1527. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Ces orateurs avaient rendu l’oreille du peuple exigeante comme un auditoire d’artistes ; des instruments donnaient le diapason à la voix de l’orateur. […] Mais, si ces derniers discours étaient aussi envenimés, ils n’étaient pas aussi oratoires : l’homme y était animé à la vengeance, l’artiste en discours n’y était pas aussi complet.

1528. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Le second mobile qui me sollicitait intérieurement à écrire cette histoire à la fois dramatique et critique de la Révolution française, était, je l’avoue, un mobile humain, une ambition d’artiste, une soif de gloire d’écrivain toute semblable à la pensée d’un peintre qui entreprend une page historique ou un portrait, et qui n’a pas pour objet seulement de faire ressemblant, mais de faire beau, afin que dans le tableau ou dans le portrait on ne voie pas uniquement l’intérêt du sujet, mais qu’on voie aussi le génie du pinceau et la gloire du peintre. […] XVI Bien jeune encore et lorsque mes premiers succès littéraires m’avaient donné le pressentiment d’une carrière aussi complète, que mes modestes facultés d’amateur plutôt que d’artiste me permettaient de former un plan de vie plus ou moins illustre, je m’étais dit et j’avais dit bien souvent à mes amis de jeunesse : « Si Dieu me seconde, j’emploierai les années qu’il daignera m’accorder à trois grandes choses qui sont, selon moi, les trois missions de l’homme d’élite ici-bas. » (J’aurais dû dire les trois vanités, maintenant que toutes ces vanités sont mortes en moi et que je les expie par autant d’humiliations sur la terre, afin qu’elles me soient pardonnées là-haut.)

1529. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Mais, pour me retrouver dans cette surabondance de documents, je suis bien forcé de recourir à l’artifice des divisions et d’étudier tour à tour, dans Louis Veuillot, bien qu’en réalité ils s’y confondent (aussi m’arrivera-t-il sans doute de les mêler un peu), l’homme, le catholique et l’artiste. […] Il lui arrivait à chaque instant d’être séduit comme artiste par ce qu’il était tenu de réprouver comme chrétien ; et de là de réelles angoisses.

1530. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Suppose-t-on ce que vaudrait ce bout d’ivoire, si l’artiste italien l’avait signé de son poinçon. […] Samedi 6 février Un artiste, nommé Desboutin, que je ne connaissais pas, a apporté chez Burty, jeudi, deux ou trois portraits à la pointe sèche : des planches suprêmement artistiques.

1531. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

C’est intéressant cette famille, où se sent dans une aisance très restreinte, une allègre insouciance mêlée à un certain désordre artiste. […] Je remarque un portrait, d’une très blonde couleur, de Nadar fils, une spirituelle grisaille de Daumier, représentant un Don Quichotte ridicule, des Guys terribles, un chef-d’œuvre de Manet, une lettre du peintre, au bas de laquelle sont trois prunes lavées à l’aquarelle, qui sont des merveilles de lavis et du coloriage artiste.

1532. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Le charme n’en a pas moins opéré ; et comme il arrive quand un artiste de génie a produit une Oeuvre qui nous dépasse, dont nous ne réussissons pas à nous assimiler l’esprit, mais qui nous fait sentir la vulgarité de nos précédentes admirations, ainsi la religion statique a beau subsister, elle n’est déjà plus entièrement ce qu’elle était, elle n’ose surtout plus s’avouer quand le vrai grand mysticisme a paru. […] Pour en référer à elle, l’artiste avait chaque fois à donner un effort, comme l’œil pour faire reparaître une étoile qui rentre aussitôt dans la nuit.

1533. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Ceux-là, par confiance et par sociabilité, avec un instinct d’artiste et une subite compréhension imitative, prennent involontairement le ton et la disposition des hommes et des choses qui les environnent, et leur dedans se met tout de suite en équilibre avec le dehors. […] Il écrivait, non par impulsion, et sous le seul contact des choses, mais en lettré, en humaniste, savamment, avec l’aide des livres, apercevant les objets autant à travers les écrits précédents qu’en eux-mêmes, ajoutant à ses images les images des autres, reprenant et refondant leurs inventions, comme un artiste qui resserre et multiplie les bosselures et les orfévreries entrelacées déjà sur un diadème par la main de vingt ciseleurs. […] Les cosmogonies des peuples sont de sublimes poëmes, et le génie des artistes n’atteint son comble que lorsqu’il est soutenu par de telles conceptions.

1534. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

J’ai convié aussi des artistes : J. […] C’est un des maîtres de l’écriture artiste. […] Nous avons ici des artistes dont les préoccupations sont autres. […] Moi, j’adore les artistes.

1535. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Combien, de l’aveu même de l’artiste, pour saisir cet accident il a fallu voir couler de bougies ? […] C’est une question de fait sur les Arts ; nous nous en rapportons aux artistes. […] Depuis que je lis Homere, dit un artiste célebre de nos jours (M.  […] Qu’ont fait les Artistes ? […] C’est donc à l’artiste à se mettre à la place de la nature, & à disposer les choses suivant l’espece d’émotion qu’il a dessein de nous causer, comme la nature les eût disposées elle-même, si elle avoit eu pour premier objet de nous donner un spectacle riant, gracieux, ou pathétique.

1536. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

À propos d’artistes sérieux, le lecteur sera quelque peu étonné de rencontrer M.  […] C’était le beau temps de Florence, le temps des grands princes, des riches marchands, des belles dames, des artistes célèbres, des poètes et des conteurs. […] à ce bruit inattendu, à ce coup terrible, le malheureux artiste se sent défaillir. […] Mais autant il était sans pitié pour les humiliations méritées, autant il était plein de grâce et de bienveillance paternelle pour l’artiste découragé, pour l’écrivain mal compris, pour le révolutionnaire convaincu, pour l’âme grande et souffrante, pour l’intelligence épuisée avant l’heure ; alors il apaisait, il calmait, il consolait, il relevait, il encourageait son malade. […] C’est le seul moment où ce malheureux artiste ait oublié son rôle de Figaro ; on eût dit, à entendre ce sanglot caché, qu’il allait enfin échapper à ce tour de force inexplicable, affreux.

1537. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Le vrai littérateur doit lire en artiste. […] Chateaubriand va aussi loin dans le neuf, le pittoresque, le néologisme et l’écriture artiste que les Goncourt et Loti. […] Tout l’art est là, et c’est en cela que Vallès est suprêmement artiste. […] Ceci est d’un artiste qui sait voir et montrer les choses. […] Il s’agit de trouver des combinaisons de mots qui évoquent chez le lecteur l’objet lui-même tel que l’artiste l’a perçu avec ses sens à lui, avec son tempérament particulier.

1538. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Elle a été cultivée par les plus grands esprits : moralistes, écrivains comiques ou satiriques, artistes, tous ont trouvé moyen de saisir les nuances les plus délicates du monde intérieur et de les fixer. […] Pour faire une œuvre une vivante il faut se passionner pour elle : artistes, écrivains ne réussissent qu’en se passionnant pour leur objet. […] L’artiste trouve épars dans la réalité ce qu’il réunit dans son œuvre ; mais il crée l’unité sous laquelle sont organisés les éléments qu’il trouve par l’observation. […] De même que les mots n’ont pas de sens par eux-mêmes, les formes que l’artiste emploie ne servent qu’à rendre sensible l’idéal conçu par l’artiste. […] L’artiste idéaliste nous montre les hommes et les choses avec des proportions plus grandes que nature.

1539. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

L’émulation a gagné ses compatriotes, jusque dans son lieu natal : la ville de Valenciennes sa patrie a décidé, il y a quelques mois, qu’il lui serait élevé une statue, et elle a confié le soin de l’exécution à un habile artiste né dans les mêmes contrées, M. 

1540. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

L’artiste historien, une fois à l’œuvre, s’en est servi librement, en a pris ou rejeté ce qui convenait ou non à son dessein, et puis il les a détruits ou ne s’en est plus soucié.

1541. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

L’artiste, après avoir lu, désire quelque chose : l’homme est satisfait.

1542. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

J’ai lu des articles sur Tocqueville qui étaient plus bienveillants, je n’en ai pas lu un seul qui sût, aussi bien que les vôtres, mettre en relief ce qui dans ses écrits est vraiment beau, ce qui plaît en eux, ce qui charme : sympathie intellectuelle, confraternité d’artiste, quelque nom qu’on donne au sentiment qui vous fait agir, c’est encore de la bienveillance, et la plus sûre, car elle vient de l’instinct plus que de la volonté.

1543. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce fut pour les artistes qui avaient cru au sérieux de cet engagement une déception cruelle ; mais le poète y gagna de voir la grande terre, les grands horizons et les paysages aimés de Virgile.

1544. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Sa littérature, très-étendue, très-fine, très-élaborée, surprend ceux même qui n’ignorent pas de quelles études secrètes l’artiste consommé a dû partir.

1545. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Qu’ils sont rares ceux qui, dans l’ordre de la pensée, se fixent à temps et adhèrent sans réserve à la vérité reconnue par eux perpétuelle, universelle et sainte ; qui, non contents de la reconnaître, s’y emploient tout entiers, y versent leurs facultés, leurs dons naturels : riches leur or, pauvres leur denier, passionnés leurs passions ; orgueilleux s’y prosternent, voluptueux s’y sèvrent, nonchalants s’y aiguillonnent, artistes s’y disciplinent et s’y oublient ; qui deviennent ici-bas une volonté humble et forte, croyante et active, aussi libre qu’il est possible dans nos entraves, une volonté animant de son unité souveraine la doctrine, les affections et les mœurs ; véritables hommes selon l’esprit ; sublimes et encourageants modèles !

1546. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Comme poëte, comme artiste, comme écrivain, on a souvent rabaissé sa qualité de sentiment, sa manière de faire ; il a eu peine à se pousser, à se classer plus haut que la vogue, et malgré son talent redoublé, malgré ses merveilleuses délicatesses d’observation, à monter dans l’estime de plusieurs jusqu’à un certain rang sérieux.

1547. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Et, avant tout, qu’on me permette une remarque que j’ai eu très-souvent occasion de faire en ce temps où la littérature et la société sont dans un tel pêle-mêle, et où la vie d’artiste et celle d’homme du monde semblent perpétuellement s’échanger.

1548. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il est, à coup sûr, plus littéraire, plus artiste, plus sensible aux beautés de la forme, et j’ajouterai, plus insoucieux du résultat.

1549. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Pour le comprendre, l’esprit du spectateur découvre sans peine et monte avec une sorte d’orgueil paisible l’échelle d’idées par laquelle a passé le génie de l’artiste.

1550. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Scribe est un artiste : en ce sens d’abord que ses combinaisons dramatiques n’ont d’autre fin qu’elles-mêmes.

1551. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Les vieilles divinités du Nord sont des êtres fort mal définis, faute de poètes qui les aient chantées, d’artistes qui les aient peintes.

1552. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’idée de placer la France du dix-septième siècle à la tête de l’Europe intellectuelle, de faire accepter de tout le monde l’appellation du Siècle de Louis XIV, de présenter à l’esprit humain, comme sa plus parfaite image, l’esprit français personnifié dans nos écrivains, nos savants et nos artistes, cette idée-là ne vint à Voltaire ni d’un besoin public, ni d’une invitation de la mode.

1553. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Sans doute, beaucoup de ces pages qui ont ébloui nos pères sont aujourd’hui ternies, comme certains tableaux où, pour avoir trop cherché l’effet de la fresque, l’artiste a manqué les tons solides de la peinture à l’huile.

1554. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Les Goncourt s’inquiètent de l’intrusion de la femme dans la vie de l’artiste, lui reprochent d’amollir les courages, d’éteindre l’inspiration, d’étouffer le libre génie.

1555. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Hors de la famille, il a sa cour ; il a ses journaux qui paraissent tout exprès pour lui ; il a une armée de conteurs qui travaillent à l’amuser et à l’instruire ; il a des artistes pour le peindre, des poètes pour le chanter, et parmi ceux-ci vous trouverez les plus grands.

1556. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Les vertus bourgeoises sont souvent raillées de l’artiste et méprisées du militaire.

1557. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Ceux-là sont les envieux, qui ne font pas plus faute aux bons jurisconsultes qu’aux grands artistes.

1558. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Et c’est pour cela que tout en reconnaissant qu’on n’est pas forcé d’être un moraliste, que quand on est un grand artiste on peut se passer d’être un moraliste, je dirai que ce n’est pas La Fontaine qui a tort, c’est nous qui avons tort de donner La Fontaine à lire à nos enfants.

1559. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Nous voyons à travers le poète, l’artiste ou le savant, l’homme, l’homme de partout et de toujours, cet éternel vaincu dans la course du monde.

1560. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Ainsi le plan du poème est identique au plan même de la vie ; le milieu naturel de l’homme, la famille, est aussi celui dans lequel se développe l’action poétique ; les situations principales ne sont que les faits pour ainsi dire élémentaires dont se composent nécessairement les destinées les plus obscures ; le héros, enfin, appartient à la foule, non point à cette foule pompeuse que l’artiste drape à l’aise dans une misère d’apparat, et à qui sa bassesse même peut servir à l’occasion de piédestal. […] Et qu’on n’aille point prétendre que les accidents monotones de la vie bourgeoise ne sauraient offrir à l’artiste une matière assez noble. […] Goethe, quelle que soit la réalité, ne peut s’empêcher de la voir avec des yeux d’artiste : on en conclut que les joies et les souffrances de la vie réelle n’atteignent point son cœur et n’ont de prise que sur son imagination. […] Ce que le travail manuel est pour les hommes de labeur, le jeu régulier des facultés de l’intelligence l’est, non point seulement pour les grands philosophes et pour les grands artistes, mais encore pour le plus humble et le plus infime des hommes d’étude et d’imagination. […] Les poètes mêmes, les artistes oublient le chemin de la maison où achève d’expirer ce qui reste de Henri Heine ; pour l’art qui n’a d’autre culte que la vie, c’est un vilain spectacle que celui d’une agonie qui semble sans cesse près de finir et qui, sans cesse, recommence.

1561. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Leur grandiose et leur sévérité les mettent à son niveau ; ils ne sont pas tentés, à l’exemple des peuples artistes et bavards, de remplacer la religion par le conte agréable ou beau. […] Un d’entre eux, cet Adlhem, parent du roi Ina, qui sur le pont de la ville chantait à la fois des ballades profanes et des hymnes sacrées, trop imbu de la poésie nationale pour imiter simplement les modèles antiques, décora les vers latins et la prose latine de toute « la pompe anglaise72. » Vous diriez d’un barbare qui arrache une flûte aux mains exercées d’un artiste du palais d’Auguste, pour y souffler à pleine poitrine comme dans une trompe mugissante d’auroch.

1562. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Guérin, Louis Payen, Maurice Magre, Marcel Boulenger, Binet Valmer, Ad. van Bever, St G. de Bouhélier, Léo Larguier, les frères Leblond, Mmes Myriam Harry, Lucie Delarue-Mardrus, Nicolette Hennique, Yvonne Vernon ; Une réunion d’artistes au Mercure de France ; Les rédacteurs de l’Ermitage, etc.). — Ernest Gaubert. […] Miniatures, Société des Artistes Français, 1898.

1563. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Leurs paradoxes (j’allais dire leurs charges), cette intransigeance dans les jugements qui est la marque d’esprits cantonnés, et jusqu’à ce modernisme farouche des deux frères, qui, à tout propos, part en campagne contre la tradition, un peu comme don Quichotte contre les moulins, sourions-en, si ce sont les inévitables petits côtés de leur nature d’artistes. […] Car il est d’abord d’un artiste, ce minuscule livret de deux cents pages. […] Et pour être d’un artiste, le livre de M.  […] Comme prosateur, on lui doit encore une très fine étude de la vie d’artiste, La Princesse pâle, écrite en collaboration avec M. 

1564. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Toute sa vie s’est consumée dans un labeur ingrat ; il s’est toujours pris pour un ouvrier, et s’il lui est arrivé de faire œuvre d’artiste, ç’a été comme à son insu et presque par hasard. […] Les sentiments qui circulent dans ce livre sont des sentiments vrais et deviendraient facilement poétiques sous la plume d’un artiste consommé ; mais M.  […] Le rêveur et l’amant n’ont trouvé dans l’artiste qu’un écho infidèle. […] Je sais que chacun des récits inventés par cet artiste laborieux est plein de vie dans la plus haute acception du mot, non de cette vie bruyante dont se composent les aventures, mais de cette vie intellectuelle et morale qui forme le fonds même de la poésie.

1565. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

On voyait les artistes de tout près. Quels artistes ? […] Il n’est pas d’homme plus profondément amoureux de la terre, et il est peu d’écrivains aussi artistes. […] Déjà, dans Ménages d’artistes et dans Blanchette, M.  […] Au reste, nullement « artiste » de façons.

1566. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. […] Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art. […] Artistes à jamais admirables, les Grecs ont créé un type de vérité suprasensible, comme de beauté sensible, dont il est difficile de ne pas subir l’attrait.

1567. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il était cependant resté l’ami intime et familier de son ancien camarade, M. d’Esparbès de Lussan, mort récemment conseiller à la Cour de cassation, et il n’était pas moins intimement lié avec Adolphe Nourrit, l’artiste au cœur sympathique et chaud, un autre enfant de Sainte-Barbe.

1568. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Ce qui remplit désormais ma vie, c’est mon affection pour ma femme ; elle me tient lieu de tous les autres liens ; elle ne me laisse désirer ni regretter aucune autre société… Je ne fais plus d’efforts pour plaire aux autres… C’est ainsi que le bonheur lui-même nuit peut-être à notre perfectionnement. » Il avait raison ; pas trop de bonheur, pas tant de plénitude conjugale et domestique, pas de béatitude, qui que vous soyez, artiste ou philosophe, si vous voulez avoir encore de l’aiguillon.

1569. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Les trois fondations Trémont, Lambert et Leidersdorf, originairement, sont toutes trois de pure bienfaisance et destinées à soulager des infortunes littéraires, des veuves, des filles pauvres d’artistes, d’écrivains, etc.

1570. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

C’est presque là un secret de procédé qu’il faudrait se garder entre artistes pour ne pas décréditer le métier.

1571. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

C’est l’esprit de Rousseau, « l’esprit républicain588 » ; il a gagné toute la classe moyenne, artistes, employés, curés, médecins, procureurs, avocats, lettrés, journalistes, et il a pour aliments les pires passions aussi bien que les meilleures, l’ambition, l’envie, le besoin de liberté, le zèle du bien public et la conscience du droit.

1572. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Ce n’est pas de l’art, c’est de la nature ; mais choisir ce trait est d’un suprême artiste.

1573. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je le commençai très-modéré ; blâmant les excès de plume de ce grand artiste et louant son merveilleux talent.

1574. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Cette lettre me fait le plus grand plaisir, car j’aime les morceaux de sculpture au-delà de toute expression ; je ne saurais me lasser d’admirer l’habileté d’un artiste qui sait travailler le marbre au point d’imiter la nature elle-même.

1575. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Je ne le sais pas ; mais, de même que certains éléments matériels possèdent, à formes égales, plus de vie et de durée que d’autres, et sont mieux faits par le Créateur pour résister au temps ; de même, entre le vers et la prose, il y a la même différence qu’entre le marbre statuaire ou le bronze et la terre dont l’artiste construit sa statue.

1576. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Si vous n’osez suivre un si bel exemple, c’est que vous sentez qu’il y a des conventions dans les beaux-arts et qu’elles forment une partie essentielle de la théorie des grands artistes.

1577. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Le vrai philologue doit être à la fois linguiste, historien, archéologue, artiste, philosophe.

1578. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

L’alvéole, c’est le vers ; le miel, c’est la poésie80. » Les grands poètes, les grands artistes redeviendront un jour les grands initiateurs des masses, les prêtres d’une religion sans dogme81.

1579. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ce même chapitre que j’écris souvent avec passion, avec amour, avec le bonheur de l’artiste qui sent son instrument s’échauffer sous ses doigts, je vais l’écrire aujourd’hui d’une plume languissante et affaissée ; vous cependant, quand vous devriez m’encourager, vous me prenez en traître, et vous m’écrasez sous vos injures ; vous me reproche ; mon admiration pour Molière, qui est mon soutien, mon appui mon Dieu !

1580. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

S’agit-il non plus seulement des habits ou des usages, mais des arts, on remarquera que les arts n’ont presque plus de patrie, qu’un peintre italien peint comme un belge, que les styles s’universalisent, — et d’autre part que chacun veut sa manière, qu’il n’y a plus d’écoles, que les artistes, divisés sur tout, n’ont plus qu’un parti pris commun, celui de l’individualisme148.

1581. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

La Renaissance, ne visait pas si haut ; son poëte n’était qu’un artiste ému qui plaisait à l’imagination, sans exalter les courages.

1582. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Appartenant par les traditions de sa famille au passé, à l’avenir par son esprit, homme nouveau issu des temps anciens, voyageur au nouveau monde, soldat, exilé, gentilhomme et novateur littéraire, un moment entraîné vers les idées philosophiques et politiques du dix-huitième siècle par le courant de l’époque, puis ramené au christianisme et à la monarchie par le souvenir d’une parole de sa mère mourante, et par l’expérience qui commençait pour lui à vingt-cinq ans, c’était un néophyte qui parlait du christianisme en poëte, en artiste, en philosophe, en littérateur, en politique, en homme du monde, comme il fallait en parler à des auditeurs encore si éloignés ; enfin, un de ces prédicateurs extérieurs qui annoncent la bonne nouvelle sur le parvis de l’église, et ramènent vers le sanctuaire les populations qui plus tard y entreront pour écouter des voix plus autorisées. […] Partout accueillie avec un empressement sympathique, dû à la supériorité de son esprit et à ses malheurs, en relation d’amitié avec tous les hommes éminents de l’Allemagne, avec ses philosophes comme avec ses poëtes et ses artistes, successivement assise au foyer de Goethe, de Schiller, de Humboldt, Ancillon, Schlegel, Wieland, madame de Staël avait vu surtout en Allemagne ce qu’on pouvait louer, et son regard avait glissé sur les défauts qui auraient appelé le blâme. […] Ce n’était pas tel on tel trait particulier de l’Allemagne ; c’était l’Allemagne tout entière avec sa physionomie extérieure, ses sites, ses traditions, ses mœurs, ses institutions, ses idées, sa littérature, ses hommes d’État, ses poëtes, ses philosophes, ses historiens, ses artistes, qui apparaissait tout à coup devant la France, en se couronnant de cette auréole que le talent des grands peintres fait rayonner sur les personnages de leurs tableaux.

1583. (1910) Rousseau contre Molière

A la vérité ; on ne le voit, dans la pièce taquiner qu’Alceste et un peu Oronte ; mais c’est qu’Alceste est un admirable objet de taquinerie ; c’est qu’il rend admirablement ; c’est que c’est un plaisir d’artiste de le faire aller jusqu’au bout de ses foucades et de le pousser à suivre sa pointe ; et c’est ainsi, parce que, dans les taquineries de Philinte, il y a un fond de très bons conseils donnés à Alceste. […] Sans doute ces grands artistes du XVIIe siècle sont surtout de purs hommes de lettres, et l’on peut dire que si l’humanité leur appartient, ils appartiennent aussi à l’humanité. […] Dans ses premières pièces, on a assez dit qu’il y a une certaine fantaisie d’artiste qui ne se retrouve plus dans les dernières.

1584. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Puis vient la Renaissance, personnifiée chez nous par ces trois noms : François Ier (avec sa prodigieuse couronne d’artistes, de poètes, d’érudits), Rabelais, Montaigne et ce qui s’ensuivit. […] La vie n’est ni un volcan, ni une fosse d’aisances, et sa complexité insaisissable (que l’artiste s’évertue à saisir) passe bien au-dessus des jeux limités de la flamme, de la cendre, ou du purin. […] Injustice qui a fait souvent tenir à ces grands artistes, légitimement irrités, des propos révolutionnaires, d’ailleurs parfaitement idiots ; car la sottise provoque la sottise. […] Le grand artiste rompt avec ces routines et fait pleurer hors des mains, rager sans poing tendu, implorer en avant, etc. […] De même en littérature, où un écrivain, un artiste, un poète, un musicien de tendances hardies mais classiques (car le classique est hardi et franc, comme tout ce qui est sublime) est traité de révolutionnaire, d’incompréhensible, etc., et de désespoir, tourne en effet au désordre et à la confusion.

1585. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Si par hasard c’est un artiste distingué, croyez qu’il n’est sincère ni avec vous ni avec lui-même. […] Je ne le lis guère, parce qu’il m’offre sans cesse un artiste épris de son talent, qui, la baguette à la main, me marque l’excellence de sa composition, que j’aimerais autant admirer ailleurs que sur son chevalet. […] toujours le souvenir d’une bonne action. » Une femme célèbre par son esprit, ses ’amis et sa bienfaisance294, disait : « Il fut un temps où j’occupais les grands artistes ; aujourd’hui j’aime mieux occuper les artistes indigents. […] Les écoles particulières, plus instructives, où l’élève travaille de lui-même et s’exerce aux opérations, vont aux cimetières : on corrompt les fossoyeurs, on force les grilles, on escalade les murs, on s’expose aux animaux qui veillent dans ces enclos publics, et aux châtiments de la police, pour s’emparer de corps à demi pourris, et funestes à l’artiste qui les ouvre, et à l’auditeur qui les approche.

1586. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Il y a dans ce petit chef-d’œuvre quelque chose du secret des artistes, l’arrangement qui échappe à toute décomposition, cet enchâssement créateur que les anciens comparaient volontiers au bouclier de Minerve.

1587. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

L’Académie de Fourvière, espèce de société de gens doctes et considérables, d’érudits et même d’artistes, dans le goût des académies d’Italie, et qui devançait la plupart des fondations de ce genre, date du commencement du xvie  siècle.

1588. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

toi qui prolongeas la puissante vieillesse de Goethe, et qui rendis souvent une force surhumaine à la verve épuisée des plus grands artistes, pardonne si j’ai parlé des dangers de ton amour !

1589. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ce serait pourtant se tromper beaucoup que de le juger un artiste si désintéressé ; et l’Hermès nous le montre aussi pleinement et aussi chaudement de son siècle, à sa manière, que pouvaient l’être Haynal ou Diderot.

1590. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Philosophe et démonstrateur éloquent encore plus qu’écrivain, la forme, qui a tant d’attrait pour l’artiste, convie peu M. 

1591. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Le froid le saisit ; il rentra chancelant dans sa chambre solitaire, chercha lentement l’inspiration, tantôt dans les palpitations de son âme de citoyen, tantôt sur le clavier de son instrument d’artiste, composant tantôt l’air avant les paroles, tantôt les paroles avant l’air, et les associant tellement dans sa pensée qu’il ne pouvait savoir lui-même lequel de la note ou des vers était né le premier, et qu’il était impossible de séparer la poésie de la musique et le sentiment de l’expression.

1592. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Iront-ils perdre leur nom monumental et les noms de leurs grands citoyens nés de la gloire et de la liberté, poètes, historiens, artistes, hommes d’État, par lesquels l’Italie vit tout entière dans la bouche de l’étranger, les noms de Dante, de Machiavel, de Boccace, de Michel-Ange, des Capponi, des Pazzi, des Médicis, de Léopold le novateur couronné, le précurseur de Turgot et de 89 ?

1593. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Artiste matinale, elle écrit du pinceau Des poèmes de fleurs au bruit des chants d’oiseau.

1594. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Augier, lui qui sent si bien et prend sitôt le beau dans son âme d’artiste.

1595. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Pour rendre cet effet aussi agréable qu’il était puissant, il fallait que l’artiste ajoutât à l’intelligence la suprême beauté, afin que l’imagination ravie ne pût pas rêver plus beau que l’image reproduite à ses yeux.

1596. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

n’est-ce pas le métier des artistes ?

1597. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

(Artistes, ne l’oublions pas !)

1598. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Dans l’histoire, il ne nous suffit pas de savoir qu’une bataille est gagnée, nous voulons encore connaître le vainqueur ; dans les arts, après avoir admiré l’œuvre, nous cherchons le nom de l’artiste.

1599. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

* * * — Expression d’un marchand d’eau-de-vie artiste : « Oui, c’est de l’eau-de-vie… mais pas de l’eau-de-vie qui donne chaud sous les ongles. » Vendredi 9 février Zola disait hier chez Daudet « que nous avions un malheur… que nous avions trop besoin de nous faire plaisir… qu’il fallait, que la page que nous écrivions, nous donnât aussitôt, après sa fabrication, le petit bonheur d’une harmonie, d’un tour, d’un orné, auquel nous sommes habitués dès l’enfance. » * * * — M…, un modiste de filles, déclarait qu’il n’habillait pas les femmes du monde, parce qu’elles manquaient de conversation.

1600. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Je voulais que la France créât le budget des lettres ; je voulais que l’écrivain, le savant, l’artiste de tous les genres de culture d’esprit, après avoir consacré onéreusement sa vie à l’utilité ou à la gloire, cette utilité suprême de son pays, ne reçût pas pour tout salaire de cette noble abnégation de vie, un misérable subside de douze cents francs, inférieur aux gages d’un mercenaire, et distribué parcimonieusement à quarante privilégiés de la détresse à la porte d’une académie ouverte de temps en temps par la mort.

1601. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Ainsi, dans sa visite au château de Richelieu, il évitera de dire « des colonnes rostrales », trouvant le mot trop architectural, trop du jargon, c’est-à-dire trop de la langue particulière des artistes.

1602. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Cela a beaucoup ému Barrès, car les artistes étaient excellents.

1603. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Tandis que la culture d’esprit et la supériorité de nature révèlent à l’œil ou à l’oreille de l’artiste tant de grands ou charmants spectacles, tant de sublimes ou ravissantes harmonies, n’est-il pas vrai que tout cela est lettre close pour l’œil et l’oreille d’un idiot, d’un rustre, ou même d’un homme simplement vulgaire ?

1604. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Necker, l’homme à la mode, mais le moins naturel des écrivains ; sa femme, vertueuse mais prétentieuse ; sa fille, madame de Staël, capable de tout comprendre, mais non de tout faire ; Buffon, qui ne pouvait écrire qu’à l’ombre des créneaux de la tour de Montbard, et qui rendait dans ce cénacle les oracles de l’emphase ; Thomas, esprit bon et pur, corrompu par la rhétorique ; l’abbé Galiani, Napolitain de sens exquis, mais qui se nourrissait du sel de l’esprit au lieu de la substance du cœur ; enfin quelques grands artistes du temps, juges de forme plus que de fond, tel que le fameux peintre de marine Vernet, faisaient partie de l’auditoire. […] Cet artiste célèbre montait souvent dans le petit donjon que M. de Saint-Pierre occupait alors, rue Saint-Étienne-du-Mont.

1605. (1887) Essais sur l’école romantique

Dans ce temps-là, du moins, un homme pouvait marcher du berceau à la tombe, d’un pas ferme et sûr, sans trébucher, sans hésiter entre mille chemins ; une main visible, au nom d’un pouvoir invisible, le menait à travers toutes les vicissitudes de la vie sociale, soldat, artiste, ouvrier, confesseur, l’œil fixé sur l’Église, hors de laquelle on disait : « Point de salut », c’est-à-dire point d’avenir. […] Ce n’est point l’Art qui est solitaire, c’est l’artiste ; Michel-Ange s’enferme dans son atelier, mais c’est pour y méditer dans le silence les formes les plus propres à rendre la pensée de son siècle ; il s’isole du monde, mais c’est pour mieux le comprendre et l’embrasser. De nos jours, c’est l’Art qui est solitaire, ce n’est point l’artiste. L’artiste se mêle à la foule, il écoute ses innombrables voix ; mais, n’y apercevant ni discipline commune et universelle, ni vigoureuse croyance, ni rien de ce qui donne à un siècle un grand caractère, il ne sait pas quelle y peut être sa mission, et il se retire, réduisant son art à des détails de vie privée, à des compositions de caprice sur le foyer paternel, sur l’amour ; il ferme sa porte au peuple, il n’admet aux mystères de ses inspirations qu’un petit nombre d’amis, qui rient avec lui du siècle, et qui fatiguent d’amers sarcasmes son involontaire surdité. […] Qui a jamais parlé d’un poète qu’on peut scinder en deux, admirable pour le fond, mauvais pour la forme, grand artiste qui ne sait pas manier son pinceau, poète qui a les idées et point la langue ?

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