En quoi il diffère de l’esprit de quelques nations modernes […] C’est cet esprit français qui est une des plus grandes puissances du monde moderne. […] En quoi l’esprit français diffère de l’esprit des autres nations modernes. […] Tel n’est pas le caractère des autres littératures modernes, et particulièrement de celles du Nord. […] Notre langue est unique sous ce rapport, avec quelque langue, ancienne ou moderne, qu’on la compare.
Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. […] L’Atala de Girodet est, quoi qu’en pensent certains farceurs qui seront tout à l’heure bien vieux, un drame de beaucoup supérieur à une foule de fadaises modernes innommables. […] Je croirais volontiers que son idéal est une espèce d’idéal fait moitié de santé, moitié de calme, presque d’indifférence, quelque chose d’analogue à l’idéal antique, auquel il a ajouté les curiosités et les minuties de l’art moderne. […] Delacroix me paraît être l’artiste le mieux doué pour exprimer la femme moderne, surtout la femme moderne dans sa manifestation héroïque, dans le sens infernal ou divin. Ces femmes ont même la beauté physique moderne, l’air de rêverie, mais la gorge abondante, avec une poitrine un peu étroite, le bassin ample, et des bras et des jambes charmants.
Il a, lui, la notion de l’homme moderne, de la passion moderne : mais l’être de cet homme moderne et passionné se résout, pour Racine lui-même, en une fiction d’âme. […] Tout le roman moderne est en germe dans La Bruyère. […] Une erreur accompagne le nom de La Fontaine dans les mémoires modernes. […] Honoré de Balzac a inventé le monde moderne et l’a peint avec les pensées d’un homme moderne qui, de beaucoup, dépassait son heure. […] Toute la musique moderne française, pour rester toujours à ce seul point de vue (MM.
La peinture est, en effet, la forme appropriée au génie de l’art moderne. […] Elle tient la première place dans les plaisirs de la société moderne, pour qui l’art est surtout une affaire de plaisir. […] L’art moderne cherche le plus souvent ses effets dans le contraste, dans l’antithèse, dans la dissonance. […] Le bourdon de Notre-Dame a décidé la querelle des anciens et des modernes. […] On y rencontre même des effets qui ressemblent à la rime des langues modernes.
Les théories de la critique moderne ne sont pas les miennes. […] La civilisation moderne tout entière en est là. […] Or, la tolérance moderne, à peu près universelle, née d’une indifférence profonde, est un dissolvant plus sûr que l’oppression. […] Est-ce le désir de plaire à la race impure des Philistins modernes ? […] En réalité, l’influence de notre renaissance moderne a été nulle sur l’esprit français, et les professeurs de rhétorique disent vrai.
Virgile est de ces esprits parmi les anciens, et parmi nous, modernes, M. de Vigny. […] C’est un observateur, c’est un moraliste, c’est un inventeur à tout autre titre qu’au titre de poète, c’est un historien, c’est un romancier, c’est enfin un de ces esprits marqués du caractère essentiellement moderne, qui ont fait vibrer sous leur main un grand nombre de faits, de sentiments et d’idées, et chez qui l’imagination est devenue encyclopédique comme la mémoire. […] Ce n’est pas le Moïse vrai, historiquement peut-être, le Moïse hébreu et biblique, mais quel beau Moïse humain, profond à la manière moderne, car il n’y a que les modernes qui soient profonds ! […] Enfin, il y a un admirable artiste encore dans beaucoup de Poèmes antiques ou modernes du recueil publié aujourd’hui, par exemple, Dolorida, poème byronien, un bas-relief pour la netteté avec des personnages modernes pour la passion et pour le geste ; Suzanne au Bain et la Toilette d’une Dame romaine, intailles qu’on eût crues gravées par André Chénier ; Le Cor, la ballade de Roncevaux, où se trouvent de ces vers jaillis comme l’eau, d’une source, et quoi que deviennent les littératures décadentes qui se tordent dans leur convulsive agonie, éternellement limpides, jaillissants et frais : Oh !
En quoi le drame antique diffère essentiellement du drame moderne. — Histoire de l’Absolu. — Théorie de la tragédie. — III. […] Influence du christianisme sur l’art dramatique. — Parenté de la tragédie moderne avec la comédie. — VI. […] Grandes divisions de la comédie moderne. — IX. […] Mais voici entre la tragédie grecque et la tragédie moderne une différence profonde. […] Avec Euripide, cette contradiction s’efface ; dans la tragédie moderne, elle n’existe plus.
Ses versions ressemblent aux belles copies de l’antiquité, qui font revivre dans un travail moderne le feu & l’esprit de l’original ancien. […] Rhétorique des modernes. […] Gibert ne prétend pas cependant avoir épuisé son sujet, ni avoir parlé de tous les Rhéteurs anciens & modernes. […] Les anciens & les modernes avoient traité de l’Eloquence avec différentes vues & en différentes manieres, en Dialecticiens ; en Grammairiens, en Poëtes. […] Les jeunes Prédicateurs trouveront ici dans un seul volume les maximes & les regles des meilleurs Orateurs anciens & modernes.
C’était moins là, en effet, proposer un remède qu’opposer une résistance et porter un défi à la société moderne. […] Son malheur était d’avoir contracté, en quelque sorte, l’hydrophobie de tout ce qui était moderne. […] Cette conception de la famille-souche, cette reconstitution naturelle des grandes maisons sur une base moderne, qui est le noyau, le pivot, la pierre angulaire de la réforme proposée par M. […] Le Play s’en sépare nettement par sa manière d’entendre les rapports du Clergé avec l’État, par ses idées en matière de presse, par tant de vues neuves qui prouvent à quel point il se confie en la vertu et la fécondité du principe moderne, tout favorable à l’initiative individuelle. […] Pour être véritablement un homme du régime moderne, pour résister à l’idée et au premier mouvement qui porte (si on en a le pouvoir) à l’emploi de la force, pour réprimer l’attaque et faire taire l’adversaire, il faut avoir en soi une conviction bien ferme de la fécondité du régime moderne : il faut être bien sûr aussi qu’on a en soi et de son côté un principe plus énergique et supérieur à opposer à de telles attaques, et être bien déterminé à l’employer à armes égales, pour ainsi dire, afin de triompher non seulement en fait, mais dans l’opinion de tous.
En faisant de plus en plus prévaloir la vie industrielle, la sociabilité moderne doit donc puissamment seconder la grande révolution mentale qui aujourd’hui élève définitivement notre intelligence du régime théologique au régime positif. […] Sous cet aspect, il indique l’une des plus éminentes propriétés de la vraie philosophie moderne, en la montrant destinée surtout, par sa nature, non à détruire, mais à organiser. […] Quand l’astronomie moderne a irrévocablement écarté les principes astrologiques, elle n’en a pas moins précieusement conservé toutes les notions véritables obtenues sous leur domination : il en a été de même pour la chimie, relativement à l’alchimie. […] Leur essor initial respectif se rapporte, historiquement, à l’antiquité grecque, au Moyen Âge, et à l’époque moderne. […] Enfin, l’essor systématique de la positivité moderne, tendant ouvertement à un nouveau régime philosophique, est essentiellement résulté de la grande rénovation astronomique commencée par Copernic, Kepler et Galilée.
La seconde, c’est la conception moderne, en voie d’élaboration. […] Bornons-nous à constater que tout ce que le monde moderne a édifié de grand et de durable s’y rattache de près ou de loin. […] Il s’est mis en face de la réalité, celle d’hier, d’aujourd’hui et de toujours : et c’est avec une vision d’homme moderne qu’il la contrainte de révéler ses secrets. […] S’il y a vraiment un art moderne, — ce dont il paraît difficile de douter, à M. […] Huysmans, L’Art moderne (1883).
D’autres fouillaient les antiques souvenirs, les ruines, les arceaux et les créneaux, et du haut de la colline, assis sur les débris du château gothique, ils voyaient la ville moderne s’étendre à leurs pieds comme une image encore propre à ces vieux temps, Comme le fer d’un preux dans la plaine oublié ! […] C’est par une sorte d’abus, mais qui avait sa raison, que l’on a compris encore sous le nom de romantiques les poètes, comme André Chénier, qui sont amateurs de la beauté grecque et qui, par là même, sembleraient plutôt classiques ; mais les soi-disant classiques modernes étant alors, la plupart, fort peu instruits des vraies sources et se tenant à des imitations de seconde ou de troisième main, ç’a été se séparer d’eux d’une manière tranchée que de revenir aux sources mêmes, au sentiment des premiers maîtres, et d’y retremper son style ou son goût. […] Il paraît généralement accordé aujourd’hui que l’école moderne a étendu ou renouvelé la poésie dans les divers modes et genres de l’inspiration libre et personnelle ; et, quelque belle part qu’on fasse en cela au génie instinctif de M. de Lamartine, il en reste une très grande aux maîtres plus réfléchis, qui ont donné l’exemple multiplié des formes, des rythmes, des images, de la couleur et du relief, et qui ont su transmettre à d’autres quelque chose de cette science. […] Ils ont un grand point de ralliement d’ailleurs, le culte de l’art compris selon l’inspiration moderne rajeunie en ce siècle. […] Mais étendons notre vue et songeons un peu à ce qu’a été la poésie lyrique moderne, en Angleterre, de Kirke White à Keats et à Tennyson en passant par Byron et les lakistes, — en Allemagne, de Burger à Uhlandet à Ruckert en passant par Goethe, — et demandons-nous quelle figure nous ferions, nous et notre littérature, dans cette comparaison avec tant de richesses étrangères modernes, si nous n’avions pas eu notre poésie, cette même école poétique tant raillée.
Or ces Italiens ont été et sont restés toujours par leur nature la première race de la famille moderne sur le sol le plus vivace et le plus fécond de l’Europe. […] L’Europe moderne n’est que la réaction de tous les droits opprimés contre le despotisme militaire des consuls, des tribuns du peuple ou des Césars ! […] Évidemment non ; dans votre droit moderne, cette souveraineté est purement temporelle, elle subit ou peut subir les vicissitudes des temps : son nom le dit, temporelle ! Or qu’est-ce que la souveraineté dans le droit public moderne de l’Europe, depuis la décadence de ce que nous appelions le droit divin ? […] Que les États romains, comme tous les États du monde moderne, peuvent, s’ils le jugent à propos, se constituer dans l’intérieur de leur limite, sous telle forme de gouvernement qui réunira l’assentiment de la majorité des citoyens.
Je ne crois pas qu’il y ait trace dans la pensée moderne française d’une influence pareille. […] que la révolution fut un temps de désordre et d’horreurs qui devait préparer la centralisation à outrance et étouffante du régime moderne. […] Edmond, misogyne et renfermé, s’imagina naïvement être le peintre de la femme moderne. […] On ne veut plus de généraux dans les armées, ni de roi à la tête des peuples ; de même l’intelligence groupant les sensations est inutile à nos modernes. […] Comme on était loin, avec lui, des petites timidités de pensée, du misérable esprit de servitude moderne !
Les programmes de 1902, dont il s’agit, ont été conçus dans le but de préparer le petit Français « à la vie moderne ». […] L’enseignement moderne, seul, nous procurera de bons industriels. » Mais, si maintenant, il est démontré que cet enseignement moderne, que l’absence de culture générale, est plutôt nuisible qu’utile aux ingénieurs, aux hommes d’action, à tout le monde, que restera-t-il donc de cet argument-là ? […] L’Allemagne moderne y est, à chaque page, magnifiée. […] Confiés à des « remplaçantes », ces nourrissons de l’enseignement moderne seront à la merci de toutes les aventures qui guettent ceux élevés physiologiquement ainsi. […] Ce sont les modernes barbares.
Rencontrerait-on, avant Gui d’Arezzo et Jean de Murris, des traités ou des indications sur le système de musique moderne ? […] Tous traités spéciaux qui concerneraient l’art de la peinture sur verre, la fabrication ou l’emploi des couleurs, les teintures sur laine et sur soie, seraient encore d’une valeur inestimable pour la science et l’art modernes. […] Les questions se multiplient en avançant vers le xvie siècle, et je n’énumère pas tout ce qu’on pourrait demander d’utile et de nouveau à cette époque véritablement savante, où la connaissance directe de l’Antiquité et l’essor du génie moderne redoublent d’émulation. […] Les ouvrages en langue trouvère qui ont été composés dans un dialecte provincial particulier, méritent attention ; on pourrait en éclairer l’étude par la connaissance du patois moderne correspondant. […] Il ne sera pas indifférent d’examiner et de noter ces restes du passé avant que la civilisation moderne et l’usage de la langue générale les aient fait disparaître.
Pour un moderne, ce qu’il y a de plus beau dans l’homme, c’est encore le visage. […] De nos jours les Anglais ont à la fois créé l’industrie moderne et suscité, avec Shakespeare et Byron, la poésie moderne. […] Or, c’est ce qui arrive à l’homme moderne pour les émotions de l’art. […] Taine objectera que nos puissants coloristes modernes, comme V. […] Voir aussi Wilhem Tenint, Prosodie de l’école moderne, p. 89.
Pour parler de la sculpture moderne, tels sont le tombeau du cardinal De Richelieu, et l’enlevement de Proserpine par Girardon, la fontaine de la place Navonne, et l’extase de sainte Therese par Le Bernin, comme le grand bas-relief de l’Algarde qui représente saint Pierre et saint Paul en l’air ménaçants Attila, qui venoit à Rome pour la saccager. […] Je ne prétend pas loüer l’Algarde d’avoir tiré de son génie la premiere idée de cette execution, ni d’être l’inventeur du grand art des bas-reliefs, mais bien d’avoir beaucoup perfectionné par l’ouvrage dont il s’agit ici, cet art déja trouvé par les modernes. […] Les sculpteurs modernes, en cela mieux instruits que les anciens, confondent les traits des objets qui s’enfoncent dans le bas-relief, et ils observent ainsi la perspective aërienne. […] Ce trait qui ne se trouve pas dans l’antique, et qui appartient au sculpteur, exprime ingénieusement l’inutilité d’un grand nombre de tentatives, que les anciens et les modernes avoient faites pour parvenir jusqu’aux sources du Nil en remontant son canal.
Chacun sait et voit chaque jour plus nettement ce que c’est que la société moderne, et les devoirs laborieux qu’elle impose à chacun presque au sortir de l’enfance. […] Combien de fois, dans ces luttes parlementaires où la question de l’enseignement public moderne se débattait, les esprits impartiaux n’étaient-ils point partagés et ne souffraient-ils pas ? […] Lumières antiques et lumières modernes, voilà ce qu’il importait plus que jamais d’assembler, de graduer selon une méthode amie, et d’enseigner ouvertement dans un juste concert. […] Il n’en est point des anciens comme des modernes : les anciens sont des vieillards ; on ne les aborde qu’avec révérence et lenteur, il ne convient pas de les brusquer. […] Lorsque presque tous les livres en Europe étaient écrits en cette langue, l’étude en était essentielle dans tout système d’éducation ; mais maintenant on en a rarement besoin si ce n’est comme luxe et agrément, puisqu’il a partout cédé la place, comme véhicule de pensée et de connaissances, à quelqu’une des langues modernes. » — Franklin est un homme qui a tant de perspicacité et qui est tellement doué de l’instinct et du sentiment des temps modernes, que j’ai cru que son opinion, même paradoxale, méritait d’être rappelée avec toutes ses variantes et dans toute son étendue.
Prenez un ouvrage de science moderne, l’Astronomie physique de M. […] La lunette, au contraire, avec laquelle les modernes voient le monde est du plus parfait achromatisme. […] Des immenses travaux déjà accomplis par les indianistes modernes, quelques atomes à peine sont déjà devenus de droit commun. […] Ce qui convertit, c’est la science, c’est la philologie, c’est la vue étendue et comparée des choses, c’est l’esprit moderne en un mot. […] La vraie mythologie des modernes serait le christianisme dont les monuments sont encore vivants parmi nous.
Où a-t-il pris, entre autres choses, que la Morale n’a jamais été développée avec plus de vérité & plus de charmes que de nos jours ; que ce sont nos Ecrivains modernes qui ont réduit les Romans à être l’image de la Nature & l’Ecole de la Vertu ; que nos Tragédies modernes ont plus de pathétique & d’utilité que celles de Corneille & de Racine ; que les maximes des Tragédiens de nos jours sont plus vraies, & inspirent plus d’humanité ? […] De tout ce qu’il a publié, le Tableau de l’Histoire moderne, & la petite Histoire d’Euphranor, sont ce qui offre le moins à la critique.
Des Poetes latins modernes, 86 Chap. […] Des Orateurs anciens & modernes. […] Des Rhétoriques des modernes, 300 §.
Pour les modernes, à l’origine, les vrais, les seuls classiques furent naturellement les anciens. […] Cependant les littératures modernes étaient nées, et quelques-unes des plus précoces, comme l’italienne, avaient leur manière d’antiquité déjà. […] L’Italie moderne avait ses classiques, et l’Espagne avait tout droit de croire qu’elle aussi possédait les siens, quand la France se cherchait encore. […] Boileau vengeait et soutenait avec colère les anciens contre Perrault qui préconisait les modernes, c’est-à-dire Corneille, Molière, Pascal, et les hommes éminents de son siècle, y compris Boileau l’un des premiers. […] Et en arrivant au monde moderne, que serait-ce donc ?
Il y aurait une étude intéressante à faire : ce serait de tâcher de découvrir comment un auteur moderne aurait rendu tel morceau des ouvrages d’un auteur ancien. […] Les modernes sont en général plus savants, plus délicats, plus déliés, souvent même plus intéressants dans leurs compositions que les anciens ; mais ceux-ci sont plus simples, plus augustes, plus tragiques, plus abondants, et surtout plus vrais que les modernes. […] L’art d’écrire semble avoir suivi l’art de la peinture : la palette du poète moderne se couvre d’une variété infinie de teintes et de nuances ; le poète antique compose ses tableaux avec les trois couleurs de Polygnote.
Art moderne, 2 février 1902. — Jean de la Hire. […] , Art Moderne, 17 mai 1901. […] Revue Blanche, 1901, in-18. — Le Surmâle, roman moderne. […] Francis de Miomandre parus en 1903 (novembre) dans l’Art moderne. […] Nouvelle Revue Moderne, février 1903.
Une idée, d’ailleurs, que ne peut pas avoir l’auteur des Guise avec la trop rigoureuse conception de son esprit, c’est que les patries étaient plus vastes dans ce temps-là que les patries modernes. […] Forneron continue d’être, vis-à-vis de l’action et du gouvernement de Philippe II, l’homme moderne qui ne voit que les fautes et que les abus de ce gouvernement. […] Je l’ai dit, et avec assez d’insistance, Forneron est un esprit très politique et très moderne, et l’histoire du temps de Philippe II n’est pas que politique : elle est, avant tout, religieuse. […] Taine, non moins hardi dans ses Origines de la France moderne, reprit l’héroïque statistique et résolut de la compléter. […] Il s’est détourné, pour ne pas en avoir l’horreur, de tout ce qui, dans la Révolution française, révolte le plus le cœur et la pensée, et, chimérique, il a fait d’elle la grande Chimère que le monde moderne adore.
Le vers moderne est fait en horreur de ces lois et de ces coutumes que nous venons de rappeler, et le vers de M. Hugo est le vers moderne par excellence dans sa grossièreté insolente et sa turgescence de Titan raté. […] Être moderne, parler moderne, bayer aux corneilles modernes, comme les gaupes humanitaires du Progrès indéfini, n’est pas seulement un contresens pour M. […] Hugo, est celle-ci : Que lui a donc rendu le monde moderne en place du talent qu’il lui a sacrifié, en le lui consacrant ? […] Hugo doit au monde moderne dont il veut être à toute force, au lieu de rester simplement et fièrement soi ; telles sont les éclatantes beautés qu’il doit aux opinions de son siècle, devenues les religions de son cœur et de sa pensée !
Je me suis donc borné à parler de maint auteur ancien et moderne à tort et à travers, sans m’attaquer aux critiques mêmes de ma plus étroite connaissance. […] Quand il a écrit sur les modernes, c’est que ceux-ci le ramenaient encore à ses chers et incomparables anciens. […] Vécût-il cent années encore, il est dans l’impossibilité, dans l’impuissance de se teindre à aucun degré du style moderne, de s’initier aux procédés, aux motifs d’inspiration modernes, d’en connaître à fond, ou même de s’en informer. […] Mais il y a jusque dans sa solidité un certain montant qui était étranger à l’ancienne critique, et qui est bien du journaliste moderne. […] Il refuse aux amers ironiques et aux grands railleurs modernes une qualité qu’il accorde volontiers aux grands railleurs et aux mélancoliques de l’Antiquité, à Aristophane et à Lucrèce, l’élévation : « Tout écrivain parmi les modernes, s’écrie-t-il, que n’anime pas à un degré quelconque le sentiment chrétien, pourra être un déclamateur ; élevé, il ne le sera jamais. » Cet article de M. de Sacy est un de ceux où il se dessine le mieux et le plus au complet dans l’excellence de sa nature mixte, avec ses velléités, ses aspirations et ses répulsions, ses regrets ou ses désirs, son vœu d’alliance de la raison et de la foi, ses préférences païennes ou classiques, et ses adhésions chrétiennes.
Où parut la première lumière de l’esprit moderne ? […] L’idiome moderne commença, et fut d’abord le roman rustique. […] L’esprit moderne est arrivé là par un détour. […] Un autre élément de la poésie moderne, la rime était orientale. […] C’était une espèce de civilisation moderne, née dès lors par l’influence de quelques-unes des idées que l’esprit moderne a le plus repoussées.
C’est l’attitude du poète moderne, — elle atteint son plus haut période et sa plus grande expression en Don Juan. […] Et les individualités qui habitent ces villes modernes identiques ont entre elles aussi subi cette grande uniformisation. […] Le monde chrétien moderne est fondé sur cet équilibre du catholicisme et du protestantisme. […] L’autre, au contraire, plus sensuel, risque de tomber dans l’excès d’une sorte de matérialisme mystique et répond mal au désir philosophique de l’instant moderne. […] On entrevoit mal, dans la société telle que la constitue l’éducation moderne, que la juste part soit faite aux deux naturels conducteurs du monde, le poète et le savant.
Flourens promet de continuer cette série consacrée à populariser les méthodes des savants célèbres, et qui, remontant en arrière par les noms les plus en vue, complète très bien les éloges qu’il est chargé annuellement de faire des modernes académiciens décédés. […] La fameuse querelle sur la supériorité des anciens ou des modernes s’agitait déjà et était à la veille d’éclater. […] Pourtant il se rend compte du progrès particulier au monde moderne, et il en est, à sa manière, un organe et un instrument. […] Dans sa Digression sur les anciens et les modernes (1688), il a raison sur presque tous les points, excepté sur le chapitre de la poésie et de l’éloquence, surtout de la poésie, qu’il ne sent pas et qu’il croit posséder et pratiquer. […] On sourit de le voir plaider contre les partisans idolâtres des anciens en faveur de ces puissantes organisations modernes qui sont si peu semblables à la sienne ; il plaide pour Molière en le sachant, et pour Shakespeare sans le savoir.
Mais il faudrait s’entendre sur le caractère de la science moderne. […] La « loi », au sens moderne du mot, est justement l’expression d’une relation constante entre des grandeurs qui varient. La science moderne est donc fille des mathématiques ; elle est née le jour où l’algèbre eut acquis assez de force et de souplesse pour enlacer la réalité et la prendre dans le filet de ses calculs. D’abord parurent l’astronomie et la mécanique, sous la forme mathématique que les modernes leur ont donnée. […] Le premier mouvement de la science moderne devait donc être de chercher si l’on ne pourrait pas substituer aux phénomènes de l’esprit certains phénomènes qui en fussent les équivalents et qui seraient mesurables.
Voyez-vous un bon ou un mauvais signe en cette maîtrise de tous les arts, y compris celui d’écrire, par la critique moderne ? […] si un poète sachant ce qu’il fait (n’est-ce pas toute la définition du poète moderne ?) […] C’est donc pour mettre en paix sa conscience avec cet idéal lecteur et par honnêteté que le poète moderne prend la peine de se transformer en « esthète ». […] Il me semble qu’à grands traits l’histoire de la littérature moderne pourrait se résumer de la sorte que voici : À la grande différence des païens, pour qui la Forme, sans proscrire l’Idée, la primait, pour les modernes l’Idée, ou plutôt l’Ame Spirituelle, est l’objet principal de l’œuvre littéraire. […] Au commencement du siècle, le Romantisme, qui fut un peu factice et postiche, vécut d’une « religion littéraire » dont nos plus modernes catholiques duChat Noir nous donnaient la parodie.
Funck Brentano d’être un cartésien, comme le sont encore presque tous les philosophes modernes… Il toise très bien le cartésien Cousin, qui lui paraît quelque chose comme un sophiste, de talent à faire illusion. […] Le père du Spiritualisme moderne ne peut mourir que d’une flèche spiritualiste. […] — par deux dialogues de Platon, que sont, pour nous autres modernes des messieurs aussi profondément oubliés ou obscurcis que Mélissus, Protagoras, Euthydème et Dionysodore, et Prodicus, et Euthymaque, et Polus, et Antiphron et Callisthène ? […] Les formes que le génie artistique de la Grèce mettait à tout les grandissait… Quand nous les regardons à distance, nous nous trouvons bien loin de nos minces claque-dents, avec leur guenille noire moderne sur leurs maigres jambes. […] L’homme d’esprit, en face des modernes, est moins respectueux que le professeur en face des Grecs.
C'est de l’école romantique dont nous sommes, de 1828 à aujourd’hui ; l’auteur, qui a fait le tour du monde en amateur et qui est un homme de près de quarante ans, est artiste dans le vrai sens ; il a médité et mûri ses différentes pièces et descriptions, y mêlant un sentiment moral, et les appropriant par le tour ou le sujet à quelque artiste du jour : L'Etna est dédié à Victor Hugo ; Émile Deschamps a une pièce qui résume heureusement et savamment tout l’art poétique moderne. […] Le théâtre, ce côté le plus invoqué de l’art moderne, est celui aussi qui chez nous a le moins produit et a fait mentir toutes les espérances. […] Traductions des théâtres étrangers, analyses et explications critiques ; essais et échantillons de drames écrits : Barricades, États de Blois, Clara Gazul, Soirées de Neuilly, drames de M. de Rémusat, préfaces modernes, de Cromwell…, et puis quoi ?
. — Chants modernes (1855). — L’Eunuque, mœurs musulmanes (1856). — Le Salon de 1857 (1857). — Convictions, poème (1858). — Le Salon de 1859 (1859). — L’Expédition des Deux-Siciles (1861). — L’Homme aux bracelets d’or (1862). — Le Chevalier du cœur saignant (1862). — Les Buveurs de cendre (1866). — Les Forces perdues (1867). — L’Orient et l’Italie (1868). — Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie (1869) […] André Lemoyne Dans les Chants modernes, la désespérance de l’ancien romantisme jette çà et là sa note funèbre un peu incohérente, mais les hauts faits de la grande industrie contemporaine ont éveillé surtout le lyrisme de l’auteur, qui glorifie dignement les travaux herculéens des classes déshéritées. […] Maurice Tourneux La préface des Chants modernes est restée célèbre par sa violence contre l’Académie et l’influence néfaste qu’elle lui attribuait ; ce recueil et les Convictions forment une série à part dans l’œuvre très considérable de M.
C’est ce qui a été surabondamment démontré par les érudits modernes qui se sont occupés de ces questions. […] Magnin, va plus loin : dans ses ingénieuses recherches sur les origines du Théâtre moderne, il tendrait à admettre qu’il y a eu aussi peu d’interruption que possible dans l’exercice de cette faculté dramatique qui est inhérente à l’esprit humain, et il en recueille partout des vestiges. […] Moland, de même, pense que ce sont des « exercices de rhétorique » qui pourraient bien n’avoir jamais été joués, et qui n’appartiennent pas aux origines de l’art moderne, mais à la décadence de l’art ancien. […] Cependant les idiomes modernes, tels quels, étaient nés, ils étaient sortis de leurs langes et faisaient de toutes parts leurs vives et gaies enfances, leurs premières jeunesses ; le commun des gens, le peuple, avait besoin de drames à lui, avait faim de spectacles également dévotieux et émouvants, qu’il entendît, dans lesquels il intervînt et eût sa large part. […] — Les travaux du Père Cahour peuvent se lire dans les Études de Théologie, de Philosophie et d’Histoire, recueil publié par les Pères Daniel et Gagarin, septembre 1859, mars et juin 1860. — Mais, avant tout, il faut se reporter à la source et au puits d’érudition, aux Origines latines du Drame moderne, par M.
Ailleurs il se déclare nettement moderne, avec infiniment de sens et de mesure, il est vrai, en se gardant très adroitement. […] Tout cela nous explique le tour que prit la querelle des anciens et des modernes, et pourquoi en somme Boileau y fut vaincu. […] Telle que l’Académie est composée en 1687, elle compte bien six ou sept partisans hautement déclarés des anciens : vous n’en trouvez pas plus de trois ou quatre, et Boileau n’en nomme pas davantage, qui fussent en humeur de batailler pour les modernes. […] Les jésuites fleurissent la mémoire de leurs écoliers des plus beaux morceaux des orateurs et des poètes ; mais sensibles par-dessus tout aux surprises de l’esprit et aux élégances de la diction, ils élèvent moins le goût moderne qu’ils n’y rabaissent l’art ancien. […] Je ne rendrai pas même à Boileau la Henriade, sujet chrétien et moderne, tout à fait selon le goût de Desmarets et de Perrault.
Philippe de Commynes est, en date, le premier écrivain vraiment moderne. Les lecteurs même qui ne voudraient pas remonter bien haut, ni se jeter dans la curiosité érudite, ceux qui ne voudraient se composer qu’une petite bibliothèque française toute moderne ne sauraient se dispenser d’y admettre et Montaigne et Commynes. […] On suit à la fois distinctement le plan général comme dans une relation moderne, et chaque duel singulier comme dans un combat de l’Iliade. […] Il est pour le self-government, ou, du moins pour les taxes consenties, d’où le reste de la liberté moderne et de l’ordre constitutionnel dépend. Et ce ne sont pas des velléités ni des éclairs d’aperçus ; il y insiste et embrasse l’idée moderne dans sa portée.
On dit souvent qu’il y a dans Virgile beaucoup de traits du génie moderne, et qu’il demeure par là original entre les Anciens. […] Et quant aux nuances et aux délicatesses du sentiment, on va voir que Médée n’en est pas plus dépourvue que Didon ni qu’aucune héroïne plus moderne. […] Les Modernes ont très-habituellement admis le jeu et le mensonge de l’amour, ce qu’ils aiment aussi à en appeler l’idéal, — les Anciens, jamais ; ils sont restés naturels. […] Chez les Anciens, on le sait, la foudre tombe presque à coup sûr ; les Modernes ont inventé les paratonnerres. […] En un mot, la maladie, chez les Modernes, persiste, mais extrêmement voilée.
En conséquence peut-être l’homme primitif fait-il, toutes proportions gardées, plus de choses variées que le moderne ; mais il les fera toutes avec les mêmes compagnons, dans les mêmes cadres, sous les ordres d’un même chef. […] Dans la plupart des États modernes, le nombre des sociétés existant juridiquement est relativement restreint. […] Le compagnon moderne ne saurait être aussi esclave de sa profession. […] Les modernes sont portés à demander, à tous les groupements, même à l’État, ce pour quoi ils sont constitués, et à mesurer en conséquence la part de liberté qu’ils leur aliènent. […] À l’origine de l’époque moderne les grands courants commerciaux, qui passent par les villes de l’Italie et du Rhin, fraient la voie à l’émancipation des hommes181.
On sait les défauts de Southey, de Wordsworth, de tous ces Alexandrins modernes, épiques et lyriques ; se résignerait-on aisément à les retrancher tous ensemble, à les rayer d’un trait ? Qu’on ose un peu essayer par la pensée, dans une littérature moderne, des effets analogues à ceux de la grande catastrophe qui a sévi sur l’antiquité et qui l’a plus que décimée, on s’arrêtera avec effroi. […] Et je me demandais (toujours dans mon songe), par un retour sur nos époques paisibles et sûres d’elles-mêmes, si de telles vicissitudes étaient à jamais loin de nous ; si, en accordant un laps suffisant d’années, les révolutions inévitables des mœurs et du goût, sans parler des autres chances plus funestes, n’infligeraient pas aux littératures modernes quelque chose au fond de plus semblable qu’on n’ose de près se l’imaginer. […] C’est chose convenue et qui se répète à satiété, que les sociétés modernes diffèrent absolument de celles d’autrefois, qu’elles en diffèrent par toutes les conditions essentielles, et sans doute aussi par celles de vie et de durée. […] Bref, par une cause ou par une autre, à un certain moment, il nous arrivera, à nous Modernes, comme à l’antiquité, un peu moins si vous le voulez ; le temps l’a décimée, on nous triera.
Qui en a pris souci depuis que Descartes et Bacon ont saisi le monde moderne et l’ont confisqué ? […] Réjouissons-nous de ce que, grâce à l’initiative de l’Académie, nous puissions parler, sans être moine et à d’autres qu’à des moines, d’un des plus grands esprits du temps passé, qui eut le malheur moderne d’être moine. […] C’est un plaidoyer insinuant, adroit, — accordant quelque chose pour obtenir beaucoup, quêtant la tolérance philosophique avec des airs aimables, — on quête toujours dans un sac de velours, — indiquant des rapports étranges et bons entre la philosophie de saint Thomas d’Aquin et les philosophes modernes, et poussant à ce qu’on se prenne la main et qu’on s’embrasse. […] Il y a mandé les doctrines les plus opposées, et en vertu de sa modération, vertu moderne, et de ce style modéré qui est le style de la maison dans laquelle il juge, il a tout arrangé à l’amiable entre la Scolastique et la Philosophie, entre les ténèbres du Moyen Âge et les lumières de cet Âge-ci, entre la foi et la raison… Les esprits absolus n’accepteront probablement pas les décisions onctueuses, gracieuses et officieuses de M. […] Un moment peut-être, au commencement de son enseignement, il inclina vers le côté qui est devenu la pente moderne et même la chute ; il alla du connu à l’inconnu, de l’homme à l’ange et à Dieu, mais bientôt il redressa ce faux pli de méthode.
Émile Penin comme un des maîtres de la mise en scène moderne. […] Il leur aurait tout au moins fallu le récit classique que justifie donc, dans certains cas, le procédé du maître moderne. […] L’éclairage plus que médiocre de nos scènes modernes n’admet pas l’abus du style polychrome. […] Le réel des pièces modernes disloque le talent des comédiens ; et quelques-uns gardent à perpétuité une souplesse d’acrobate. […] Tous les arts modernes, ainsi que toutes les sciences, ne cessent de croître en complexité et en hétérogénéité.
Tout point de vue dogmatique est absolu, toute appréciation sur des règles modernes est déplacée. […] Ozanam a montré d’une façon non subtile que Dante a conçu l’unité de l’humanité d’une façon presque aussi avancée que les modernes. […] Les anciens envisageaient la quantité dans son être actuel, les modernes la prennent dans sa génération, dans son élément infinitésimal. […] Les idées les plus avancées de la philosophie moderne, qui ne sont encore le domaine que d’un petit nombre, sont là doctrines officielles. […] L’Orient moderne est un cadavre.
Stahl, qui défend le merveilleux en homme d’esprit, et qui allègue, à l’appui des vieux contes, des anecdotes enfantines modernes, demi-gaies, demi-sensibles, et où il a mis une pointe de Sterne. […] Cette bizarrerie consistait à être accessibles à tous les goûts, à toutes les vues modernes, de science, d’art, d’inventions de toutes sortes, sans que le style littéraire parût la seule chose de prix à leurs yeux ; à être les moins exclusifs des esprits, à avoir de tous les côtés des jours ouverts sur la civilisation et la société actuelle et future. […] Perrault, pour justifier son sentiment, écrivit alors son Parallèle des Anciens et des Modernes, en quatre volumes, et la guerre fut ouvertement déclarée. […] Perrault et Fontenelle, par dégoût et aversion de toute superstition pédantesque, veulent qu’en jugeant les Anciens on ne conserve aucun respect pour leurs grands noms, aucune indulgence pour leurs fautes, qu’on les traite en un mot sur le même pied que les Modernes. […] Il réussit mieux à servir la cause des Modernes, en montrant, par ses Contes naïfs, qu’eux aussi ils possèdent un merveilleux qui n’a rien à envier à celui des Anciens.
Le second champion des modernes contre les anciens élève la querelle par les principes dont il s’autorise, par le choix des modernes qu’il oppose aux anciens, enfin par le mérite de ses écrits. […] Perrault rend la cause meilleure en adoptant la gloire de ces modernes, y compris Boileau, auquel il fait habilement une place parmi eux. […] Il n’est pas étonnant, selon lui, que les modernes soient les égaux des anciens : ils doivent les surpasser. […] Il n’y a pas d’apparence que, se trompant si fort sur les anciens, Perrault fut un bon juge des modernes. […] Le beau de sa tactique, c’est de mettre les Latins au-dessus des Grecs à titre de modernes, afin d’encourager les modernes à se croire supérieurs, par le bénéfice des siècles, aux Latins et aux Grecs à la fois.
Un poète moderne, amoureux du moyen âge, aurait pu les encadrer comme l’eût fait Walter Scott, comme Gœthe l’a fait pour le Roman de Renart. […] Il est à jamais à regretter que la connaissance précise de nos vieux textes n’ait pas coïncidé avec le premier essor de notre poésie moderne refleurissant il y a trente-cinq ans. […] On a vu là une autre espèce de duel en champ clos entre un glorieux moderne et l’ancien trouvère. […] S’étant mis en opposition déclarée avec Malherbe, et s’étant fait le défenseur des vieux poètes, il est devenu le premier nom auquel s’est rattaché volontiers le mouvement moderne quand on est allé rechercher ces vieux chefs par-dessus la tête de Malherbe. […] Il serait trop aisé de louer les modernes devant les modernes, et je n’en ferai rien.
Il serait peu généreux en toute autre circonstance de s’en souvenir et de venir rappeler des ouvrages de lui appartenant par leur nuance à la littérature la plus moderne, et qu’il semble avoir si parfaitement oubliés ; mais tout se tient, et il est des contre-coups bizarres à de longues distances. […] » Et il ne veut voir dans cette manière de présenter l’aveugle harmonieux qu’une perspective romanesque au service du commentateur moderne. […] « Une expression d’un goût aussi moderne que celle de l’héréditaire éclat suffit sans doute, ajoute-t-il, pour détruire toute l’harmonie de la couleur antique. » Et il continue de raisonner en ce sens. […] Qu’on relise la pièce originale, qu’on relise ensuite l’élégie xxxii de Chénier, et l’on verra, dans un excellent exemple, comment l’aimable moderne prend naturellement racine chez les Anciens, et par quel art libre il s’en détache. […] remy s’était borné à faire remarquer qu’André Chénier, malgré tout, était de son temps ; à indiquer en quoi il composait avec le goût d’alentour, comment dans tel sujet transposé, dans tel cadre de couleur grecque, il se glisse un coin, un arrière-fond peut-être de mœurs et d’intérêt moderne, on n’aurait eu qu’à le suivre dans ses analyses.
D’ailleurs, cet inventeur est venu en des temps où il pouvoit sçavoir tout au plus l’art de raisonner, tel qu’on l’enseignoit alors dans les écoles, art que les philosophes modernes méprisent avec tant de hauteur. […] Il semble que la destinée se soit plû à mortifier les philosophes modernes, en faisant arriver le hazard qui a donné lieu à l’invention des lunettes de longue vûë, avant le temps qu’ils marquent pour l’époque du renouvellement des esprits. […] Monsieur De Lisle qui a trouvé plus de fautes dans les géographes modernes que ceux-ci n’en reprochoient aux anciens, a montré que c’étoit les modernes qui se trompoient, quand ils reprenoient les anciens sur la distance que les anciens avoient établie entre la Sicile et l’Afrique, comme sur quelques autres points de géographie. […] Si les anciens n’avoient pas, pour ainsi dire, défriché la geométrie, il auroit fallu que les modernes nez avec du génie pour cette science, emploïassent leur temps et leurs talens à la défricher, et comme ils ne seroient point parti d’un terme aussi avancé que le terme dont ils sont partis ils n’auroient pas pû parvenir où ils ont pû s’élever. […] Après le caractere naturel de l’esprit, c’est l’expérience, c’est l’étenduë des lumieres, c’est la connoissance des faits qui font qu’un homme raisonne mieux qu’un autre, et les sciences où les modernes raisonnent mieux que les anciens, sont précisément celles où les modernes sçavent beaucoup de choses que les anciens nez avant les découvertes fortuites dont j’ai parlé, ne pouvoient pas sçavoir.
La querelle des anciens et des modernes était déjà engagée depuis longtemps, et Boileau gardait encore le silence. […] Cette contrée demeura longtemps étrangère au raffinement et à l’élégance de la civilisation moderne. […] En conclut-on la nécessité de recourir à des sujets du moyen âge ou des temps modernes, à des sujets religieux ou chevaleresques ? […] Une littérature empruntée aux anciens, disent-ils, ne peut être vraie pour les modernes. […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues.
D’honorables érudits protestaient sans doute çà et là par leur persévérance ; mais les plus brillants d’entre les littérateurs du jour se passaient aisément d’un fonds que deux siècles déjà d’une gloire toute moderne semblaient recouvrir et suppléer. […] Entre tant de richesses étrangères et modernes dont on est tour à tour tenté et séduit, elle seule donne au critique la vraie loi du goût, à l’écrivain les vrais secrets du style, les procédés sûrs et sévères qui servent de garantie à l’innovation même et à l’audace. […] Les Modernes à leur tour en étaient là et se guidaient sur les autorités, ce semble, les plus compétentes, lorsque la publication que fit en 1788 Villoison de la scholie de Venise sur l’Iliade est venue tout changer. Ce scholiaste de Venise, en donnant beaucoup de détails sur les procédés, les libertés et les dissidences des grammairiens-éditeurs à l’égard d’Homère, introduisit, en quelque sorte, la critique moderne dans les secrets de ménage des Anciens : rien n’est plus périlleux que les secrets incomplétement saisis ; on les commente sans fin, on les pousse à perte de vue, on en abuse. […] Pour moi donc, ce serait au nom du scepticisme même, de ce scepticisme légitime qu’il convient d’opposer aux conjectures systématiques des Modernes en des profondeurs si reculées, que je me retrancherais, s’il le fallait, dans la vieille foi sur le poëte.
En effet, on dirait qu’on l’oublie : l’organisation du travail, qu’on intitule la grande question des temps modernes, est une question éternelle. […] Maîtrisé par l’idée spéciale de son livre, il a passé vite sur tous les caractères qui distinguent le monde moderne de l’ancien monde ; car il n’y a qu’une grande division en histoire, et c’est la croix de Jésus-Christ qui l’a faite. Le monde ancien finit à cette croix qui s’élève ; le monde moderne y commence ; et ce qu’on a appelé le Moyen Âge n’est que la jeunesse du monde chrétien, qui ne finira plus sur la terre. […] En effet, le droit municipal des anciens (municipes) n’était qu’un droit d’émancipation personnelle en ces temps d’inégalité, tandis que le droit communal des modernes est le droit de tous à la communion sociale, en vertu de l’égalité humaine. […] Les jugements portés par lui sur les grands génies de l’utopie moderne, Fourier, Owen et Saint-Simon, sont d’une fermeté bienveillante, mais inflexible.
Chastel, Doisy, Mézières Études historiques sur l’influence de la Charité durant les premiers siècles chrétiens et considérations sur son rôle dans les sociétés modernes, par Étienne Chastel, professeur à Genève ; Assistance comparée dans l’ère païenne et l’ère chrétienne, par Martin Doisy ; L’Économie ou Remède au paupérisme, par L. […] Chastel passe de cette merveilleuse histoire, qui met toutes les notions du progrès en arrière de nous et non pas en avant, aux applications contemporaines, et c’est alors que le rationaliste moderne, ce double-fond du protestant, commence de montrer cette longue oreille que la dépouille lumineuse de ces lions de sainteté et de doctrine, les Chrysostôme, les Basile, les Pacôme, ne saurait entièrement cacher. […] Ce secret, ce dernier mot des influences de la charité chrétienne sur le monde ancien et sur le monde moderne, des protestants ne pouvaient pas le dire, mais s’ils ne le disaient pas, ils mutilaient l’histoire et les faits criaient, malgré l’habileté des mutilateurs. […] En expliquant la charité chrétienne par le célibat et les monastères, Martin Doisy a trouvé dans le célibat religieux, dont il fait avec raison le principe générateur de la perfection de l’homme et de l’assistance sociale, un puissant et nouvel argument contre ce Communisme moderne qui veut remplacer la charité par le droit de tous. […] Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.
Monsieur Woton qui a pris le parti des modernes en Angleterre, et qui a défendu contre Mylord Orery la même cause que Monsieur Perrault avoit soutenuë en France, abandonna son compagnon d’armes dans cette lice. […] Quand je dis que Monsieur Woton a défendu la même cause que Monsieur Perrault : je dois ajouter que Monsieur Woton en mettant le sçavoir des modernes au-dessus de celui des anciens dans la plûpart des arts et des sciences, tombe d’accord néanmoins que dans la poësie et dans l’éloquence les anciens ont surpassé les modernes de bien loin.
Que la couleur joue un rôle très-important dans l’art moderne, quoi d’étonnant ? […] Vidal un grand éloge de savoir rendre la beauté moderne. — Je ne sais pourquoi M. […] Vidal connaît la beauté moderne ! […] » Il y a donc une beauté et un héroïsme moderne ! […] » Il y a donc des artistes plus ou moins propres à comprendre la beauté moderne.
Ces messieurs sont, pour la plupart, trop sceptiques, trop éclectiques, trop philosophiques, — ces trois choses qui n’en font qu’une, comme la sainte Trinité à laquelle ils ne croient pas, — pour ne point placer le monde antique, fils du paganisme, bien au-dessus du monde moderne, fils de l’Église, et pour ne pas reprendre et ne pas recommencer incessamment son apothéose dans l’histoire. […] puis à de Champagny, dans ses Douze Césars, lorsque, pour être juste, il fallait peut-être remonter au prince de Ligne, qui, dans son adorable dictionnaire de ses grands hommes, se servit des formes de la langue moderne pour exprimer des choses antiques, avec le laisser-aller, le caprice et les familiarités d’un prince. […] Pour mon compte, il me satisfait à la fois dans ma double conscience de moderne et de chrétien. […] Mais ce rapprochement m’en faisait espérer de plus grands… non plus entre deux rhéteurs isolés, mais entre l’antiquité et la France moderne, par exemple, — la France, qui commence d’avoir le mal des Grecs et des Romains, et qui, si ce mal oratoire, sophistique et cabotin, dont elle est la proie, continue, périra par les mots, comme l’antiquité ! […] Elle n’a pas à entrer dans l’examen de conscience fait bien indiscrètement, selon moi, dans son épilogue expiatoire… dans la peur du reproche — immérité, dit-il, — d’avoir critiqué l’enseignement moderne à travers l’enseignement ancien, et d’avoir écrit « une satire, historiquement allégorique », du corps enseignant actuel.
La logomachie moderne pouvait seule inventer ce titre-là. […] Ces gens-là ne sont pas sots comme nous… Jetez une robe de moine, pour les élargir, sur les étroites et grêles épaules de Charles de Rémusat, et dressez devant lui l’Église dans la majesté d’un Concile, et vous n’aurez plus le petit philosophe moderne qui n’a plus d’hérésie à oser, dans ce xixe siècle incrédule et tolérant comme la prostitution ! […] Charles de Rémusat a reculé devant un type de femme qui n’avait pas effrayé Pope, ce poète moral, et, plus prude que le chaste Anglais, il nous a donné une Héloïse bas-bleu moderne en langage très moderne, mêlant joliment, et dans une bonne nuance, la métaphysique à l’amour ; — un bas-bleu comme il pouvait s’en trouver un, du reste, dans la société de Charles de Rémusat (de l’Académie française). […] Heureusement que l’ange de l’Église n’a pas eu besoin de dessécher le nerf de la cuisse d’un Jacob qui n’était plus jeune quand il voulait lutter encore, et qui ne fut jamais musculeux… L’Église, qui a condamné, en concile, Abélard, n’assemblera pas de concile pour juger les Abélards modernes.
Prenez les plus beaux travaux de la science, parcourez l’œuvre des Letronne, des Burnouf, des Lassen, des Grimm, et en général de tous les princes de la critique moderne ; peut-être y chercherez-vous en vain une page directement et abstraitement philosophique. […] Si tant de laborieux travailleurs, auxquels la science moderne doit ses progrès, eussent eu l’intelligence philosophique de ce qu’ils faisaient, s’ils eussent vu dans l’érudition autre chose qu’une satisfaction de leur vanité ou de leur curiosité, que de moments précieux ménagés, que d’excursions stériles épargnées, que de vies consacrées à des travaux insignifiants l’eussent été à des recherches plus utiles. […] On peut affirmer que, sans cet attrait, jamais les premiers érudits des temps modernes, qui n’étaient soutenus ni par une haute vue philosophique, ni par un motif immédiatement religieux, n’eussent entrepris ces immenses travaux, qui nous rendent possibles les recherches de haute critique. […] D’où vient que l’on regarde comme une occupation sérieuse de lire Corneille, Goethe, Byron, et que l’on ne se permet de lire tel roman, tel drame moderne qu’à titre de passe-temps ?
Ils se sont ressentis de la dépravation du goût moderne. […] On y a couvert tout récemment les deux partis de ridicule dans un ouvrage imprimé à Venise en 1740, in-8°., sous ce titre* : Observations critiques concernant la langue latine, moderne, par le seigneur Paul Zambaldi, gentilhomme de la ville de Feltre. […] voilà sept ans perdus, & vous perdrez encore tout autant d’années que vous en mettrez pour cela, parce qu’il n’est pas possible qu’un moderne soit jamais au fait d’une langue morte, qu’il connoisse parfaitement la propriété des termes, l’harmonie & la grace du discours. […] Combien les modernes ont-ils d’idées inconnues aux anciens ?
Ces éléments sont en quête de la « tendance moderne ». La peur de ne plus être modernes les tenaille et ils s’interrogent mutuellement pour savoir ce qu’ils doivent faire. […] Les modernes qui contestaient l’existence du péché, ne contestaient cependant pas l’existence des maisons de fous. […] La série d’Inconséquences qui caractérisent notre vie moderne découle du manque des principes sur lesquels on pourrait se baser : de là la faillite de la satire. […] Vandérem signale lui-même la critique qui lui est faite par Marcel Boulenger, notamment, de ne s’intéresser qu’aux modernes.
Nous en pourrions citer de piquants exemples chez les Modernes, mais qui égayeraient trop. […] Pour les Modernes, au reste, la question de théologie homérique devient chose très-secondaire. […] Chez les Modernes, la grandeur et la vertu se trouvent trop habituellement séparées ; elles ne se rejoignent pour nous dans un seul rayon qu’à cette longue distance. […] ignan, qui a honorablement tenté l’entreprise, sans doute impossible, d’une traduction complète en vers, a joint à sa seconde édition de l’Iliade un Essai instructif dans lequel il a résumé avec agrément les travaux de la critique moderne. […] Sa Junon aux blanches épaules se sent un peu trop de la nudité moderne.
Il voit avec raison les plus grands périls dans le défi porté par certains actes, certaines paroles, à la société moderne. […] Liberté de conscience et liberté de pensée, avec leurs conséquences, sont des principes que la société moderne n’examine plus, mais auxquels elle adhère avec une passion incroyable, avec la même passion que les croyants apportent à soutenir leurs symboles. […] Guizot accepte entièrement le principe de la discussion libre et tous les autres principes de la société moderne. […] En revanche, il demande à la société moderne d’accepter le christianisme, non pas comme un joug qui s’impose par l’autorité, mais comme une lumière, comme une force à laquelle l’âme se soumet librement. […] Il est évident que l’esprit moderne, quand on n’en conteste pas les conditions légitimes, n’a aucun droit de se refuser à l’examen qu’on lui demande.
LA Géographie se divise en ancienne & en moderne. […] La Géographie moderne a été traitée par un plus grand nombre d’écrivains que l’ancienne ; mais la plûpart n’étant que de compilateurs qui se copient les uns les autres, sans avoir vu un seul des pays dont ils parlent, il faut nécessairement se borner à quelques bons livres. Je mets de ce nombre la Géographie moderne abrégée par l’Abbé Nicolle de la Croix, 1766. deux volumes in-12. […] Aux observations de l’herboriste, il joint plusieurs remarques qui prouvent une grande connoissance de l’histoire ancienne & moderne & une vaste érudition. […] Tout ce qui peut intéresser la curiosité s’y trouve rassemblé ; mœurs anciennes & modernes, monumens, coutumes, religions, gouvernemens, commerce, histoire, physique ; tout cela est embéli par des traits historiques assez agréables, par de petites aventures romanesques, par des réfléxions & par des peintures singulieres.
Sans doute, si l’école était dans les temps modernes ce qu’elle était dans l’antiquité, une réunion d’hommes poussés par le seul désir de connaître et réunis par une méthode commune de philosopher, on permettrait à la science de s’y renfermer. […] Il est même à remarquer que les noms les plus illustres de la science moderne sont tous ceux de professeurs ; on chercherait en vain parmi les libres amateurs des Heyne, des Bopp, des Sacy, des Burnouf. […] Voyez Aristote ; certes l’appareil scientifique occupe chez lui une plus grande place que chez aucun savant moderne, Kant peut-être excepté. […] Comparez sa Rhétorique aux rhétoriques modernes qui n’en sont pourtant au fond que la reproduction affaiblie, vous aurez, d’une part, un ouvrage original, quoique d’une forme bizarre, une analyse vraie, quoique un peu vaine, d’une des faces de l’esprit humain ; de l’autre, des livres profondément insignifiants, et parfaitement inutiles en dehors du collège. […] Et à l’adventure encore sçay-je la prétention des sciences en général, au service de nostre vie : mais d’y enfoncer plus avant, de m’estre rongé les ongles à l’estude d’Aristote, monarque de la doctrine moderne, ou opiniastré après quelque science, je ne l’ay jamais faict : ny n’est art de quoy je puisse peindre seulement les premiers linéaments.
Les vers des comédies modernes par exemple, ou de Molière, n’ont rien de poétique ni ceux de la plupart des poèmes didactiques, des fables, de plusieurs épopées. […] Ce problème est un des plus délicats et des plus mal posés qu’aient suscité les controverses littéraires modernes. […] De là le pessimisme habituel de la plupart des écrivains français modernes, de Chateaubriand à Gautier, de Flaubert à M. […] De bas en haut la civilisation moderne est en condition de souffrance croissante. […] Poètes modernes de l’Angleterre.
De sorte que, selon Hugo, l’époque primitive fut lyrique, l’époque antique fut épique, et l’époque moderne est dramatique. […] [Suit une longue dissertation sur le grotesque]… Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. […] Les temps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. […] Poussée par la manie d’être complète, indifférente à la beauté, la philologie moderne a constitué un vaste bazar de textes et de « documents », au détriment de l’art et du sens historique. […] , de moyen âge, de temps moderne et d’époque contemporaine !
. — La part croissante des idées scientifiques dans les sociétés modernes produira, selon Guyau, une transformation de l’art dans le sens d’un réalisme bien entendu et conciliable avec le véritable idéalisme. […] Les sociétés modernes ont un esprit critique qui ne peut plus tolérer longtemps le mensonge : la fiction n’est acceptée que « lorsqu’elle est symbolique, c’est-à-dire expressive d’une idée vraie. » La puissance de l’idéalisme même, en littérature, est à cette condition qu’il ne s’appuie pas sur un « idéal factice », mais sur « quelque aspiration intense et durable de notre nature ». […] L’art moderne doit être fondé sur la notion de l’imparfait, comme la métaphysique moderne sur celle du relatif. » Le progrès de l’art se mesure en partie, selon Guyau. à l’intérêt sympathique qu’il porte aux côtés misérables de la vie, à tous les êtres infimes, aux petitesses et aux difformités : « C’est une extension de la sociabilité esthétique. » Sous ce rapport, l’art suit nécessairement le développement de la science « pour laquelle il n’y a rien de petit, de négligeable, et qui étend sur toute la nature l’immense nivellement de ses lois ». […] VII. — Un fait littéraire et social dont Guyau signale l’importance, c’est le développement du roman moderne, qui est « un genre essentiellement psychologique et sociologique. » M. […] Guyau estime que « la conception moderne et/ scientifique du monde n’est pas moins esthétique que la conception fausse des anciens.
Thierry lui a appliqué cette vue moderne, enfantine, orgueilleuse, qui ne veut être dupe de rien, qui tyrannise tous les historiens de ce temps et qui leur rend suspects tous les grands courants de la tradition historique. […] Il y a les Saints, ces pères du monde moderne, qui créaient une civilisation inconnue de miracles, de foi et de vertus ! […] Nous l’avons fait voir aussi prosaïque qu’un souverain qui entend les affaires, futé, maquignon, général à la dernière extrémité, temporisateur, le Fabius cunctator de la Barbarie, bonne caboche, du reste (comme disait le maréchal de Villars d’une fausse forte tête qu’il méprisait), et dont le front conique entrerait sans effort, à ce qu’il semble, dans le feutre gris des temps modernes. […] Chrétien moderne du xixe siècle, il continue de rapetisser et de racornir les plus merveilleuses traditions. […] Pourquoi n’ose-t-il pas affirmer en lui le prophète et aime-t-il mieux (page 239) nous le montrer habile dans le sens moderne qu’inspiré dans le sens divin ?
Les deux seuls beaux échantillons parfaits qu’on ait eus dans ce système dramatique moderne, tel qu’il était conçu alors par l’élite des esprits délicats, sérieux et élevés, ç'a été les deux pièces de Manzoni, Carmagnola et Adelchi. […] Les ingénieurs étaient donc à l’œuvre ; on essayait de tracer à la moderne bande des novateurs dramatiques une route qui tournât les temples de Racine et de Corneille et qui n’en fût pas écrasée ; car les vieux critiques, logés dans ces temples, en faisaient des espèces de forteresses d’où ils tiraient sur les nouveaux venus et croyaient leur barrer le passage. […] Voilà comment deux pièces estimables, dont l’une (Lucrèce) est très-supérieure à l’autre, mais dont aucune ne réalise le moins du monde l’idéal moderne qu’on avait, à un moment, entrevu, voilà comment ces deux pièces qui ne sont que de très-nobles essais de poëtes qui sembleraient à peine encore émancipés de la plus excellente des rhétoriques, ont été presque un événement : il y a vingt-cinq ans, à une époque qui comptait parmi les juges de la tentative dramatique, non-seulement les jeunes esprits sérieux de la France, mais des témoins attentifs et des juges européens, tels que Goethe, Walter Scott et Manzoni, en eût-il été de la sorte ?
Ici nous proposons d’ouvrir un nouveau sentier à la critique ; nous chercherons dans les sentiments d’une mère païenne, peinte par un auteur moderne, les traits chrétiens que cet auteur a pu répandre dans son tableau, sans s’en apercevoir lui-même. […] À la vérité, l’Andromaque moderne s’exprime à peu près comme Virgile sur les aïeux d’Astyanax. […] Cette humilité que le christianisme a répandue dans les sentiments, et qui a changé pour nous le rapport des passions, comme nous le dirons bientôt, perce à travers tout le rôle de la moderne Andromaque.
Telle est du moins l’esthétique moderne. […] On ne peut concevoir une tragédie sur un sujet moderne. […] Je ne sache qu’une œuvre moderne qui approche véritablement de l’esprit wagnérien : c’est le Fervaal de M. […] Son Tondrama est la tragédie moderne. […] Brahms nous touche aussi longtemps qu’il rêvasse intimement ou qu’il pleure sur lui-même ; en cela, il est moderne.
La société romaine était sans doute profondément distincte de la société moderne ; l’industrie seule et la place restreinte qui lui était faite, en comparaison du rôle qu’elle remplit dans notre civilisation, suffiraient à marquer la différence. […] Troplong, la richesse, concentrée dans une seule classe, restait presque inaccessible aux autres classes, mais il y avait encore à Rome cette circonstance particulière et remarquable, que les riches attiraient à eux, par le prêt à usure, toute la substance des petits. » La conséquence est que « le luxe et la richesse, qui sont dans la société moderne un élément de fécondité, furent dans les sociétés anciennes un véritable embarras », une cause de ruine, et qu’à Rome particulièrement l’excès de prospérité, quand la paix intérieure eut immobilisé l’univers, aboutit à une sorte d’engloutissement de tout par quelques-uns et à une orgie que de loin on exagère sans doute quand on se la figure en permanence. […] Troplong applique au plus grand des historiens latins cette sévère méthode d’examen et d’analyse qui est un des instruments familiers de l’esprit moderne, et que nul ne dirige d’une main plus savante et plus ferme. […] Mais, les yeux fixés avec admiration sur les sommets les plus lointains et les plus âpres du passé, il ne voyait pas les moissons florissantes que l’équité et l’humanité des mœurs avaient fait naître dans le champ d’une civilisation plus moderne. […] On l’est comme chez les modernes, chez les parlementaires du temps de Louis XIV, comme on l’était à Bâville en se promenant dans le beau parc de M. de Lamoignon et en déclarant par manière de plaisanterie qu’on aurait poignardé César.
Ce roi absolu mais légitime se trouve placé entre le despote occidental et le souverain moderne. […] Toutes les fois qu’on lit dans Bossuet les triomphes de Dieu, on pense à ceux du prince ; le paradis qu’il décrit n’est pas fort différent de Versailles ; l’assemblée des élus est une cour où l’on distribue beaucoup de cordons bleus, et l’orateur lui-même, du haut de sa chaire, tonne par les mains de « son grand Dieu », comme l’ambassadeur en Hollande foudroyait les pauvres mynhers de la colère de son roi. — Et remarquez bien que ce dieu monarchique se trouve comme le roi placé entre le despote asiatique et le souverain moderne. […] Il est encore trop de son siècle pour ressembler au souverain moderne, il gouverne les êtres, comme le roi ses peuples, sans beaucoup d’égards pour leur bonheur. […] Ce grand coeur malheureux de l’homme moderne, tourmenté par le besoin et l’impuissance d’adorer, ne trouve la beauté parfaite et consolante que dans la nature infinie. […] Démocratie moderne.
Les civilisations47 I Si, au lieu d’Études sur les civilisations 48, Louis Faliés, dupe de ce grand mot moderne, qui dit moins réellement au fond qu’il ne semble dire, avait écrit sans sourciller : Histoire des civilisations, il aurait, pour les niais de ce temps, un titre de livre superbe et alléchant, et ils auraient tous mis le museau dans son panier. […] C’est le mot de l’orgueil moderne, le plus endiablé des orgueils ! […] Il reste dans les moindres toiles d’araignée, et se contente d’y bourdonner… Misérablement féru de ces sciences modernes, qui ne sont pas des sciences encore et qui s’agitent et se tracassent pour le devenir, il est, lui, déjà faible, énervé par elles, et son livre est littéralement empesté de leur odieuse terminologie. […] … On lui cherche partout des importances historiques… Et, d’ailleurs, il faut bien en convenir, il y a, dans l’histoire des peuplades de l’Amérique, — chez les Astèques, par exemple, les Mexicains, les Incas, à Quito, — de ces choses qui méritent bien pour les libres penseurs ce grand nom de civilisation, la flatterie moderne ! […] Le pédantisme des sciences modernes, voilà son caractère et celui de son livre, et c’est un caractère qu’il est bon de ne pas mépriser par le temps qui court.
Avant de légiférer pour son propre compte et en son privé nom, il nous a donné, en abrégé, l’histoire du duel en France, et cette histoire démontre, à toute page, l’inanité des législations quand il s’agit de changer et de modifier des mœurs toujours victorieuses d’elles… L’esprit moderne, dont la manie est de croire aux constitutions, qui sont les créations de son orgueil et que le vent de cette girouette a bientôt emporté, l’esprit moderne, qui méprise si outrageusement et si sottement le passé, apprend ici, une fois de plus, que tout dans l’histoire ne se fait pas de main d’homme, et que les coutumes ne s’arrachent pas du fond des peuples comme une touffe de gazon du sol… Saint-Thomas, dont le bon sens (heureusement pour lui) ne me fait point l’effet d’être dévoré par l’esprit moderne, semble l’avoir compris. […] Serait-il même possible de prévoir l’espèce de loi qu’ils décréteraient contre le duel, pour rester modernes et républicains, dans ce temps si béatement humanitaire et si pourri d’indulgence, qui a aboli la confiscation comme trop dure, et qui va peut-être demain abolir la peine de mort contre les assassins ? […] Verger de Saint-Thomas, qui n’est pas Louis XIV pour imposer sa législation, a ramassé en pièces l’idée de Louis XIV et l’a appliquée, comme il a pu, à une société qui n’a plus les hiérarchies sociales du temps de Louis XIV, et qui est nivelée et rongée par l’égalité et l’individualisme modernes.
… Ainsi, excepté quelques aperçus tout-puissants d’un grand écrivain oublié, de ce Saint-Évremond tué et enterré par Montesquieu en vertu de la loi cruelle qui veut que le génie tue toujours celui qu’il a pillé, excepté la préface si hardie des Études historiques de Chateaubriand et quelques pages profondes, majestueuses et amères de Bonald dans ses Mélanges de littérature, on n’avait rien de jugé, de satisfaisant, rien de conclu sur Rome par la raison moderne, quand le livre de Champagny parut. […] Selon nous, l’Empire romain n’est point l’institution que la plupart des écrivains modernes, en cela faibles comme des anciens, ont traitée avec un dédain qui n’honorait pas leur génie. […] Grand sujet qu’il n’a pas traité, et qui lui aurait servi à dégager les premiers rudiments de cette centralisation du pouvoir dont l’origine est romaine, et qui, depuis l’Empire jusqu’à nos jours, n’a pas cessé de se préciser parmi les modernes, à travers tous les retards et tous les obstacles ! […] Si l’auteur des Césars avait creusé, comme il le pouvait mieux que personne, les idées sur l’Empire que nous touchons à peine ici, il eût fait mieux encore (quoiqu’on ne puisse plus s’y méprendre) saillir les différences ou les analogies qu’il y a entre nous, modernes et chrétiens, et la vieille société romaine. Sans doute, en nous décrivant la famille romaine que le Christianisme sanctifia, mais ne changea pas, il nous a montré le lien qui existe entre nous et Rome, le rapport qui n’existe pas entre nous et la Grèce ; mais il l’aurait marqué davantage s’il avait vu que la famille romaine, analogue à la famille moderne, devait nécessairement et inévitablement aboutir à l’institution impériale.
… Pourquoi ne pas laisser tranquilles un temps et un homme qui ont eu assez d’historiens comme cela, et qui prouvent, avec la plus désagréable évidence, combien le passé l’emportait, dans ses idées, ses mœurs, ses institutions et ses hommes, sur les hommes, les institutions, les mœurs et les idées sortis de nos glorieuses et modernes révolutions ? […] Wallon, l’universitaire, le professeur d’École normale, n’a pas eu peur d’écrire l’histoire, un peu compromettante pour un moderne, de ce singulier Roi, qui n’était pas Tartuffe, et qui entendait ses trois messes par jour ; qui ne se donnait pas la discipline comme Tartuffe, mais qui se la faisait donner par son confesseur pour être plus sûr de la recevoir ; et qui, malgré tout cela, n’en était pas moins un grand homme !!! […] Wallon nous les dit toutes les deux de front, allant de l’une à l’autre, un peu troublé, dans son sens moderne, de ce qu’il voit dans l’une, à côté de son admiration pour l’autre… Infirmité qu’on appellera du nom qu’on voudra, mais qui invalide une histoire dans laquelle il n’y avait aucune précaution à prendre, et pas autre chose que des admirations intégrales et sans aucune réserve à fièrement et chaleureusement affirmer ! […] Venu le dernier dans l’ordre des historiens modernes, M. […] « Les dogmes de la foi — dit-il encore — étaient pour Saint Louis des vérités absolues… » Et c’est ainsi qu’avec des nuances et des adoucissements, il efface de la gloire de Saint Louis, pour le faire mieux accepter à l’esprit moderne, les taches de sainteté qui sont pour nous des gouttes de lumière.
Ses pièces portent, comme l’a remarqué un critique moderne, M. […] Enfin, j’ai mentionné un critique plus moderne, M. […] Hugo fait dater de l’Évangile les dogmes spiritualistes qui régissent la civilisation moderne. […] Victor Hugo faisait un repoussoir à l’idéal des modernes ? […] Se croit-on plus profond en substituant la moderne géologie à l’ancienne cosmogonie ?
Les Chants modernes, par M. […] Dans le volume qu’il intitule Chants modernes, il a eu plus d’un dessein : il n’a pas voulu seulement recueillir les vers personnels et lyriques dans lesquels il a célébré ses rêves, ses désirs, ses amours, ses tristesses et ses souvenirs, il a prétendu ouvrir la route à des chants nouveaux, à l’hymne des forces physiques, des machines et de l’industrie. […] Il y a quelques années, l’Académie proposait pour sujet de prix la Découverte de la Vapeur, qui est précisément un des thèmes recommandés dans le prograMme moderne de M. du Camp. […] de faire l’encyclopédie moderne (mais c’est à l’Institut en corps qu’il faudrait demander un tel travail !) […] Des trois divisions du volume, chants divers, chants de la matière, chants d’amour, il n’y a que ceux du milieu, ceux de la matière, qui rentrent dans la voie réputée moderne.
Je croyais qu’on était sorti depuis longtemps de cette lutte, de ce dualisme stérile, et que les modernes éclairés, depuis Galilée, Bacon et Descartes, n’hésitaient plus. […] Nos vaudevillistes modernes n’en ont pas dans leur genre. […] Il a aussi attaqué, dans une dissertation à part, l’industrie et ses prodiges modernes comme mortels à la poésie. C’est toute une croisade : on se demande à quel propos, et contre qui elle est dirigée : car l’industrie moderne, tout occupée à se développer, à conquérir le monde et à régner sur notre planète, ne pense guère pour le moment à se traduire en poésie. […] Les derniers écrits de M. de Laprade sont donc empreints d’une certaine hostilité générale contre le développement de la société moderne ; il y perce même desaccents d’un aigreur particulière encore plus marquée.
» C’est donc sur une plus grande échelle et avec des moyens d’action plus puissants que ceux dont disposaient les anciens, c’est avec des instruments et un outillage (le mot est lâché) bien autrement formidable, c’est aussi avec une conscience plus claire et plus réfléchie de leur tâche, que les modernes se remettent en marche et entreprennent désormais l’œuvre progressive de la civilisation proprement dite ; la différence des proportions et des mesures méritait en effet un mot tout nouveau. […] Napoléon s’y suppose en idée maître et roi durant dix ans, et il en ressuscite toutes les merveilles, étendues, agrandies, multipliées, selon les données incomparables du génie moderne ; je ne me refuserai pas à rappeler les principaux traits du tableau : « Mais à quel degré de prospérité, s’écrie tout à coup l’historien conquérant, pourrait arriver ce beau pays, s’il était assez heureux pour jouir, pendant dix ans de paix, des bienfaits de l’administration française ! […] c’est, selon lui, le mot d’ordre de la civilisation moderne. […] Ceux qui n’ont pas connu Condorcet, qui ne l’ont étudié qu’en gros et qui ne le jugent que par son dernier livre et par sa mort, croient qu’il avait en lui cet esprit du sacrifice moderne, ce feu sacré qui se passait d’autel. […] J’entendais parler, à cet endroit, du projet d’une Encyclopédie moderne, conçu ou adopté par MM.
Pour prendre, ici encore, un exemple moderne, lorsque M. […] Tandis que Copernic, au contraire, avec une précision digne des modernes, écrivait : Traité sur les révolutions des globes célestes. […] Bourget traitant la tragique histoire d’Hamlet dans un cadre moderne l’intitule André Cornélis ; outre qu’il ne donne pas la moindre indication sur son sujet, il affaiblit, semble t-il, le personnage, par des sons aussi quelconques. […] Et que d’autres, qui ne dépareraient pas les bibliothèques érotiques et comiques modernes ! […] Quand nous voyons ces mots : la Callipédie ou l’art de faire de beaux enfants par Claude Quillet, nous savons dès l’abord, à n’en pas douter, que ce traité n’est pas d’un élève de la moderne École de médecine.
Mais les institutions qui nous ont servi à mesurer le progrès de l’égalitarisme se rencontrent chez toutes les nations modernes occidentales, quelles que soient les races qui les composent. […] Est-ce dans nos nations modernes où chaque recherche met au jour des couches ethniques différentes ? […] La dolichocéphalie ne semble avoir garanti de la démocratie aucun peuple moderne. […] Et il est vrai que l’on considère ordinairement, du point de vue idéologique, l’apparition de l’égalitarisme dans nos sociétés antiques et modernes comme un phénomène unique, puisqu’on le regarde comme résultant de la transmission, à travers le temps et l’espace, d’une même théorie. […] Fouillée, L’idée moderne du droit, 1ers chapitres.
ai-je pensé maintes fois en écoutant quelqu’une des œuvres de la musique moderne. […] L’homme moderne s’agite sans cesse, comme s’il était piqué d’un taon invisible. […] C’est en cela qu’Hamlet est profondément moderne. […] pauvre esprit moderne, pauvre Werther ! […] Notre touriste moderne est trop pressé pour s’arrêter pour si peu.
Cette seconde période de la littérature moderne a été, suivant nous, magistralement inaugurée par Balzac. […] Tous les mois, à cette place, nous passerons en revue les publications récentes, ou nous étudierons quelque figure importante des lettres modernes. […] — Quel admirable cours d’anatomie et de philosophie morales offert, sous couleur de nouvelle ou de roman, à la société moderne ! […] Qui doute, en effet, que la poésie lyrique moderne ait été une inspiration directe du génie révolutionnaire ? […] La muse moderne, on devrait s’en apercevoir, ne fait que suivre leur exemple.
Il y a eu la querelle des anciens et des modernes ; cette question est loin d’être épuisée, et elle recommence toujours. MM. de Goncourt sont des modernes déterminés, résolus, d’aventureux oseurs, de hardis négateurs. […] Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers et la tragédie : Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d’art. […] Voici un petit rêve d’élégie bien française, bien moderne, qui vaut certes toutes les réminiscences des Ovide et des Tibulle : c’est léger, délicat, d’une tendresse de dilettante, d’un regret de xviiie siècle dans le xixe ; un idéal rapide de bonheur d’après Fragonard et Denon : « J’ai toujours rêvé ceci, — et ceci ne m’arrivera jamais : Je voudrais, la nuit, entrer par une petite porte que je vois, à serrure rouillée, collée, cachée dans un mur ; je voudrais entrer dans un parc que je ne connaîtrais pas, petit, étroit, mystérieux ; peu ou point de lune ; un petit pavillon ; dedans, une femme que je n’aurais jamais vue et qui ressemblerait à un portrait que j’aurais vu ; un souper froid, point d’embarras, une causerie où l’on ne parlerait d’aucune des choses du moment, ni de l’année présente, un sourire de Belle au bois dormant, point de domestique… Et s’en aller, sans rien savoir, comme d’un bonheur où l’on a été mené les yeux bandés, et ne pas même chercher la femme, la maison, la porte, parce qu’il faut être discret avec un rêve… Mais jamais, jamais cela ne m’arrivera ! […] Ce sont des modernes et de purs modernes ; ils marchent hors rang, courageux et unis, à leurs risques et périls, se tenant par goût aux avant-postes de l’art ; ils tentent constamment, ils cherchent sans cesse.
B. de Fouquières, qui a étudié de près le vocabulaire de Chénier et dressé un Lexique de sa langue, fait cette remarque que « son vocabulaire est riche, non pas à la façon des poëtes modernes, mais riche en mots justes et précis. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.
Dans les commencemens, on se contentoit d’indiquer l’usage des livres modernes, & d’en porter des jugemens sans aucun extrait ; mais peu à peu le Journal est devenu annalitique. […] le Clerc qui enfantoit en même tems quantité d’autres ouvrages, & sur toutes sortes de matieres, fit encore paroître la Bibliothèque ancienne & moderne, qu’il continua jusqu’à ce qu’affoibli par l’âge il fut obligé de quitter la plume. […] Ce sont celles qu’il intitula, Observations sur les écrits modernes. […] Freron & de Laporte, disciples de ce juge du Parnasse, donnerent des nouvelles feuilles, l’un sous le titre de Lettres sur quelques écrits nouveaux, l’autre sous celui d’Observations sur la Littérature moderne.
Les temps modernes antérieurs à notre âge présentent presque toujours le même spectacle. […] Elle adorait trop les anciens pour oser les juger, dédaignait trop les modernes pour en faire une sérieuse étude. […] La grande querelle des anciens et des modernes lui donna le signal. […] L’art des anciens fut lyrique et épique ; l’art moderne sera dramatique. […] Un critique moderne, partisan du reboisement des idées.
Je donnai entrée dès lors dans le domaine poétique « à la poésie des milieux modernes, des, villes, des champs », aux activités ouvrières, les usines, les trains par les horizons, les travaux aux âmes mécaniques, l’œuvre des champs et les Banques et l’Or ! […] Et loin, avec une peur de ses heurts, de la vie moderne, il se complaît aux poèmes « anciens et romanesques. » Eh 1887, M. […] Cette essentielle émotion créera plus tard, en toute son œuvre, cette sorte d’atmosphère hallucinée, hallucinante, dont s’imprègnent ses évocations les plus modernes et les plus actives. […] La mesure de l’alexandrin est gardée en tant que présence continue de l’unité de mesure… Car la mesure de douze pieds est tenue, par nous, pour nécessaire, organique : elle a son équivalent en toutes métriques premières, anciennes et modernes, L’explication s’en trouve évidemment en une raison physiologique : que ce mètre est la mesure du temps nécessaire à l’expiration du souffle. […] Emile Verhaeren en. 1887 (Art moderne, Bruxelles).
Comme on dit dans ce jargon moderne qui a remplacé la langue de Bossuet, « on a sécularisé l’histoire. » Les laïques et les philosophes, voilà les maîtres des temps futurs ! […] Mais l’ouvrage capital de cette période fut un livre d’histoire et sur le sujet le plus magnifique qui pût s’offrir à l’intelligence et au génie historique d’un moderne, puisque le monde moderne tout entier est contenu, comme le sens de l’énigme sous sa lettre, dans ce redoutable sujet. […] Certainement, dans les lettres modernes, — dans les lettres sérieuses, — on peut admettre sans témérité qu’il n’y a pas de talent plus véritablement jeune qu’Audin. […] Le monde moderne est surtout sorti de Calvin, ce fils de scribe qui n’avait rien de prêtre ; il en est sorti plus que de Luther, qui a du moine encore, même après son apostasie. […] Après avoir écrit le mot Civilisation avec la béate confiance d’un moderne, il en place l’idée dans le développement des lettres et des arts, et la diffusion des connaissances.
Ainsi les poëtes excellens qui ont travaillé en France et dans les païs voisins ont bien pu embellir, ils ont bien pu enjoliver, qu’on me pardonne ce mot, la poësie moderne ; mais il ne leur a pas été impossible de changer sa premiere conformation qui avoit son fondement dans la nature et dans le génie des langues modernes. […] Les peuples dont descendent les nations modernes et qui envahirent l’empire romain, avoient déja leurs poëtes quoique barbares, lorsqu’elles s’établirent dans les Gaules et dans d’autres provinces de l’empire.
— Idée moderne de la poésie. — Idée moderne du style. […] Aux approches du dix-neuvième siècle commence en Europe la grande révolution moderne. […] En cela consiste la grande révolution du style moderne. […] L’architecture bâtit des villas romaines dans nos climats du Nord, et des tourelles féodales au milieu de la sécurité moderne. […] Par cette honnêteté foncière et par cette large humanité, il s’est trouvé l’Homère de la bourgeoisie moderne.
Certaines hideurs modernes le requièrent. […] Voici pour la tendance contraire : « Peindre des bourgeois modernes et français, me pue au nez étrangement (ib. […] S’abstenant de toute répétition, de tout développement, il lui fallut des actes, des choses, des détails ; il dut être en roman moderne un réaliste, et en roman historique, l’érudit qu’i, fut. […] Evidemment, l’esprit surchagé par ces acquisitions, il ne put se borner à étudier et à décrire la vie moderne pour laquelle le vocabulaire lyrique du grand poète n’est point fait, est trop riche et reste en partie sans emploi. […] Et ce besoin le poursuivit toute sa vie, l’arrachant sans cesse au roman moderne qui ne représentait de ses facultés que quelques-unes, se satisfaisant, s’irritant de nouveau, et croissant sans cesse, de son noviciat artistique à sa mort.
Quelle source inépuisable de jets lyriques les plus puissants et les plus fougueux qui soient sortis d’un cœur moderne de poète ! La Grèce esclave et la Grèce héroïque, antiques évocations et modernes images, s’y associent ou s’y heurtent sans cesse, et l’ardeur, la soif vous en prend chemin faisant, comme au chantre voyageur lui-même. […] Grenier, en tête de son livre, a eu la loyauté et la modestie de nous recommander trois autres livres, excellents, dit-il, et déjà faits sur la Grèce moderne : l’un des trois est cette Grèce contemporaine de M. […] Grenier est un esprit essentiellement moderne ; il l’a assez prouvé dans une brochure curieuse intitulée : Idées nouvelles sur Homère (1861), dans laquelle il s’exprime en pleine liberté sur ce père de toute poésie, et en sens contraire de l’opinion commune. […] Je ne le puis faire ici, et je me borne à remarquer que sa conclusion, tout à fait dans le sens des Fontenelle, des Lamotte, des Terrasson et de quelques modernes de ma connaissance, a plus de chance qu’on ne le croit d’être reprise et accueillie un jour.
que tout dans ces contes est bien en effet spontané et moderne ! » Pourquoi « moderne » ? en quoi « moderne » ? C’est que » moderne » est piquant. […] C’est sans doute en cela qu’il est « moderne ».
Et ils portent tous, même, ou presque tous, pour montrer leur détachement de la littérature, un loup d’initiales ou de pseudonymes inutiles ; comme si l’on pouvait à présent cacher quelque chose, avec les palais de cristal que les mœurs modernes, qui ont mis nos amours-propres en bouteille, ont bâtis à nos vanités, et aussi avec celle de l’auteur, ce flacon qui fermente et fait tôt ou tard sauter le bouchon ! […] Mais la femme aussi de ce même roman, qui peint les mœurs modernes au vif, a l’originalité, non moindre, de n’être pas une adultère. […] Pas non plus de lymphe et de froideur, l’innocence physiologique qui, dans tant de romans modernes, remplace l’innocence morale par les scélératesses de l’impuissance. […] Larreau, ancien marchand de robinets, devenu l’un des plus grands industriels de France, et c’est cet industriel dans lequel Droz a cubé tout l’industrialisme moderne et dont il a fait une personnalité tout à la fois odieuse, redoutable et comique, c’est ce coquin à gilet blanc qui s’est imaginé qu’un miracle, comme celui de la Salette, par exemple, si on pouvait se le procurer, poserait bien cette source dans l’opinion, et ferait colossale la fortune des établissements qu’il médite de fonder autour d’elle. […] Exemple encore : toutes les figures secondaires de cette œuvre, où la Comédie, malgré le Drame, est en dominance, et entre autres cette excellente tête du baron Claudius, cette figure si moderne, qui fait de la haute politique en s’occupant d’assiettes cassées et parle de transformations sociales en cherchant de vieux pots… C’est vraiment parfait ; nous l’avons tous rencontré, ce fantoche.
est-il possible pour les âges modernes ? […] La filiation de cette poésie jusqu’à nos temps les plus modernes, la tradition tour à tour naïve ou raffinée qu’ont exploitée dans l’Europe du Nord tant de talents célèbres, les nouvelles créations ou du moins les nouvelles théories sorties de cette libre étude, ont trouvé d’habiles interprètes et d’habiles critiques. […] Ce fut celle de Gray, parvenu à une gloire éminente, dans le siècle dernier, avec de rares et courts essais de poésie, et célèbre encore de nos jours, après le grand éclat de poésie moderne qui lui a succédé et qui semblait devoir l’ensevelir. […] Parti d’abord pour le continent, avec un jeune lord dont il pouvait plus tard redevenir l’ami, mais ne voulait pas être le compagnon inégal, il avait vu la France et l’Italie en amateur passionné des lettres, écrivant la langue des Romains comme un érudit du seizième siècle et avec la pensée mélancolique d’un moderne. […] Nommé tard, et sans l’avoir demandé, professeur à la chaire de langues et d’histoire modernes fondée depuis 1723 à Cambridge, il ne fit pas même une première leçon, tout occupé qu’il était d’immenses études préparatoires, et retenu par cet embarras toujours croissant d’un début tardif.
Les deux premiers volumes de La Démocratie en Amérique (1835), qui, d’emblée, obtinrent à leur auteur tous les suffrages non seulement en France, mais dans les deux mondes avaient le mérite de faire très bien connaître la constitution américaine et l’esprit de ce peuple, de cette société neuve, en même temps que d’y joindre de fortes réflexions, de fines remarques à l’adresse des sociétés modernes et de la France en particulier. […] L’Amérique, depuis près de dix ans qu’il l’a quittée, n’est plus qu’un prétexte pour l’auteur ; elle n’est qu’un prête-nom, et c’est aux sociétés modernes en général, et à la France autant qu’à l’Amérique, qu’il s’adresse. […] Ne maudissons pas ceux à qui nous devons les commencements de l’égalité devant la loi, la première ébauche de l’ordre moderne qui nous a affranchis, nous et nos pères, et le tiers-état tout entier, de cette quantité de petits tyrans qui couvraient le sol, grands seigneurs ou hobereaux. […] Plongé dans les archives d’une seule province, il n’avait pas assez présent à l’esprit l’entier tableau de cet ancien régime dont il exagérait et dont il méconnaissait à la fois quelques derniers bienfaits ; car c’était un bienfait que ce qu’il y avait de régime moderne préexistant depuis cent soixante ans dans l’ancienne monarchie, mais ce n’était pas tout. […] Dans ses dernières années comme dans les premières, « le grand problème que présente l’avenir des sociétés modernes est sans cesse devant son esprit », et jusqu’à l’offusquer, jusqu’à l’empêcher de voir autre chose.
L’avènement de la tragédie moderne, la réalisation du tragique quotidien rêvé par les Goncourt55. […] Paul Souchon en avant-dire de Phyllis nous fait présenter son désir de créer une tragédie moderne. […] Il débuta par Ton Sang qui qui posait un problème éternel et moderne et la Lépreuse, évocation de légende et de sentiment. […] Roger Le Brun, dans Le Bonheur des Hommes essayait le drame moderne le plus simple et le plus émouvant, parce qu’éternel, la révolte du sang et l’orgueil du sacrifice. […] Charles Méré développe des théories intéressantes sur l’avenir et la vie de la tragédie moderne.
Mais eût-elle existé au degré où les historiens modernes l’ont poussée, que les Romains n’eussent pas été châtiés par les Barbares, même quand ils furent envahis par eux. […] Et je l’ai dégagée parce que j’aime, pour mon compte, les conclusions de cette forte thèse ; — parce qu’elle soufflette largement, comme les servantes de Boileau, les histoires modernes et toutes les idées sur la liberté politique dont la philosophie et le libéralisme les ont bourrées ! La bêtise moderne est de croire à la liberté chez les Anciens. […] Et je dis contemporains, car, dans une époque confisquée par l’esprit moderne, il n’a pensé à prendre son histoire que dans les écrivains des six premiers siècles. […] Il a traité l’Histoire écrite par les modernes avec le mépris qu’elle mérite.
France, après l’influence de l’humanisme, reçut celle de la science moderne. […] Anatole France, et surtout le charme anecdotique de l’histoire de l’église, des apôtres et des saints : la beauté plus directement plastique des lettres et des arts grecs et français ne l’attira pas moins ; ni la beauté intellectuelle de la philosophie déterministe, de la science moderne, si relativiste, et si sceptique. […] À coup sûr, aurez-vous lu le Lys rouge : c’est sa « rentrée », diraient les affiches Morris, dans le roman moderne. On peut regretter qu’il ait, comme les camarades, confondu roman moderne et roman mondain.
Les modernes croïant que carmen eut toujours la signification abusive qu’il a dans les vers de Juvenal qui viennent d’être rapportez, et où il veut dire simplement des vers, la signification propre de ce mot leur a échappé, et faute d’en avoir eu l’intelligence, ils n’ont pas connu que les anciens avoient une déclamation composée, et qui s’écrivoit en notes sans être pour cela un chant musical. Un autre mot mal interpreté a beaucoup encore contribué à cacher aux auteurs modernes l’existence de cette déclamation. […] Les critiques modernes ont donc entendu cantus comme s’il signifioit toujours un chant musical, quoique dans plusieurs endroits il veuille dire seulement un chant en general, une recitation assujetie à suivre une melodie écrite en notes : ils ont entendu canere comme s’il signifioit toujours ce que nous appellons proprement chanter. […] La réputation des auteurs modernes, que mon opinion contredit, exige de moi que je la prouve solidement.
Conclusion Pourquoi les idées égalitaires, telles que nous les avons définies, apparaissent-elles de préférence, à deux reprises, dans la civilisation occidentale, — se révélant une première fois, encore voilées et comme environnées de nuages, à la société gréco-romaine vieillissante, — une seconde fois, plus proches de la terre et plus prêtes à l’action, à nos jeunes sociétés modernes ? […] C’est d’abord dans l’univers romain, à la fin de l’Empire, c’est ensuite et surtout dans l’Europe et l’Amérique modernes. […] En la représentant comme l’âme des plus grandes révolutions modernes, ne lui avons-nous pas reconnu la capacité de modifier à son gré les formes sociales ? […] Par exemple, si l’on voulait expliquer pourquoi la différenciation a crû dans les sociétés modernes, pourquoi les groupements partiels s’y sont multipliés et entrecroisés, il faudrait tenir compte non pas seulement de l’augmentation du nombre des hommes agglomérés, mais des fins diverses qu’ils se sont fixées, et des moyens que la nature ou l’industrie a mis à leur disposition pour réaliser ces fins.
Aussi se prit-il à traiter des sujets relevant du moyen âge ou tout à fait modernes. […] Sur tous ses romans, les derniers surtout, semble planer une muse moderne, la muse de la Bonté. […] Pour le poète moderne comme pour les Pères de l’Église, Prométhée est le précurseur du Christ. […] Comment ramener le Paris de la civilisation moderne au Paris de Chilpéric ? […] Une troisième partie se déroule, consacrée au monde moderne.
Il n’en est pas de même chez les modernes. […] Pourtant les modernes y ont tendu de toutes parts. […] Volontiers le naturalisme moderne reprend cette parole. […] Avec les modernes, dont Descartes est le héraut, l’esprit scientifique domine. […] Telle est la racine du déterminisme moderne.
La sensation de plein-air, dont il parle, nous paraît comparativement moderne. […] Il fut copieusement injurié, et les Gobelins modernes, ainsi que les cartons de M. […] En ce qui concerne l’emploi de la tapisserie dans les temps modernes, M. […] Ils sont le récit d’une des grandes tragédies de l’Europe moderne. […] Il n’a rien de la sympathie moderne pour les vaincus.
La Vie moderne n’exige pas d’autres armes que l’esprit et la bravoure. […] Vous apercevrez dans le dramaturge contemporain, dans cet homme de lettres, moderne entre les modernes, un tour d’intelligence analogue, que dis-je ? […] Et réellement notre civilisation moderne ne nous inflige-t-elle pas ce contraste au tournant de chaque rue ? […] Cette fantaisie serait chez l’artiste moderne le plus condamnable manque de conscience. […] Elle est couronnée une des reines du drame, ancien ou moderne.
Les pauvres modernes passeront mal leur temps sous cette verge impitoyable ! […] Où un peu de beau éclate dans les œuvres modernes, elle ne chicane pas sur les détails. […] On peut dater d’André Chénier la poésie moderne. […] Singulier phénomène à notre époque qu’une âme d’où toute idée moderne est absolument bannie. […] On y sent la contemporaine par l’âme des grands élégiaques modernes.
Presque tous les modernes qui ont traité le même sujet, depuis ce grand homme, ont été de son avis. […] et si Virgile ou Horace revenaient au monde pour juger ces héros modernes du Parnasse latin, ne devrions-nous pas avoir grand-peur pour eux ? […] Leibnitz aurait eu plus d’honneur et de peine à faire les vers bons, supposé qu’un moderne puisse faire de bons vers latins. […] Les modernes, en adoptant aveuglément la définition des anciens, ont eu bien moins de raison qu’eux. […] Je ne sais par quelle raison un grand nombre d’écrivains modernes nous parlent de l’éloquence des choses, comme s’il y avait une éloquence des mots.
Quant au chevalier, c’est un frère d’Antony et de tous ces sombres héros modernes de la scène et du roman ; il a dès l’abord une vraie mine funèbre, un langage d’après Werther ; le duc de Richelieu et lui ne sont pas du tout contemporains. […] Dumas était un drame moderne accolé à une comédie de la Régence : le drame et la comédie sont en vis-à-vis dans cette scène, la comédie et le duc de Richelieu y ont le dessus heureusement. […] Le drame moderne reprend sa revanche et domine au cinquième acte : la lutte, encore une fois violente, entre mademoiselle de Belle-Isle dégagée de son serment, et le chevalier qui se croit éclairé trop tard, n’est adoucie que par l’approche du dénouement bien prévu, et par l’idée qu’il est impossible que la catastrophe ait lieu désormais. […] Voilà dix ans à peu près que Henri III a paru, et que les premières promesses du drame moderne ont brillamment et bruyamment éclaté.
S’ils osent prétendre qu’il a une bosse, cet esprit droit, il l’a roulée, du moins, dans tous les chemins du Seigneur, devenus pour lui des chemins maudits… Il sait la vie moderne comme pas un ; la vie qu’il méprise ! […] pour y rester… Tel que le voilà, c’est un livre, je n’en doute pas, absolument incompréhensible à l’esprit moderne, ce jeune sot qui a présentement le mépris de tout ce dont le vieux bonhomme que voici a l’admiration et le respect. […] C’est moins une histoire — comme le dit, du reste, son sous-titre, — qu’un Cours tout entier philosophique et critique de l’histoire moderne ; c’est une démonstration en sens contraire de tous les problèmes agités, à cette heure, par l’esprit révolutionnaire, et dont la solution dernière serait, sous le nom imposteur de progrès, de faire rétrograder la civilisation du monde… Après avoir, dans ses premières pages, comme donné le dictionnaire de la langue qu’il va parler en fixant l’origine et en déterminant la grandeur de la Monarchie française, en traitant de « la providence des dynasties inamovibles », de la propriété, du droit divin, dont il dit : « La primogéniture, le droit successif, la légitimité, le droit divin, ne sont qu’une même expression, une même vérité, une loi de raison », le métaphysicien politique aborde vaillamment l’Histoire. […] L’esprit moderne tout entier est devenu révolutionnaire.
C’était intelligible et net, sans jargon moderne, sans pesanteur et sans surcharge. […] Né à Loudun, en 1584, médecin et chirurgien, Renaudot, qui a fondé le journalisme moderne, est une des physionomies les plus modernes de son époque. […] Pour que rien ne manque à sa physionomie moderne, la philanthropie s’y ajouta.
Est-il pour les modernes ? […] Est-il du parti des modernes, il aura à peine commencé à parler que déjà on le tiendra pour suspect de manière et de trop de finesse. […] » Marivaux, très judicieux tant qu’il se tient ainsi dans le point de vue général, ne veut pas qu’en se mettant à écrire, un jeune homme imite personne, pas plus les modernes que les anciens ; car les anciens « avaient, pour ainsi dire, tout un autre univers que nous : le commerce que les hommes avaient ensemble alors ne nous paraît aujourd’hui qu’un apprentissage de celui qu’ils ont eu depuis, et qu’ils peuvent avoir en bien et en mal. […] Et quant aux modernes tout voisins de nous, et qui semblent mieux accommodés au goût et au ton de notre siècle, il ne faut pas qu’un jeune écrivain les imite davantage : car « cette façon a je ne sais quel caractère ingénieux et fin dont l’imitation littérale ne fera de lui qu’un singe, et l’obligera de courir vraiment après l’esprit ». […] Quand il a une vue, il la dédouble, il la divise à l’infini, il s’y perd et nous lasse nous-mêmes en s’y épuisant : « Un portrait détaillé, selon lui, c’est un ouvrage sans fin. » On voit à quel point il procède à l’inverse des anciens, qui se tenaient dans la grande ligne, dans le portrait fait pour être vu à quelque distance, et combien il abonde dans le sens et l’excès moderne, dans l’usage du scalpel et du microscope.
Quand il s’agissait des tentatives modernes, M. […] Mais quand il s’attaquait au faux classique, aux vieilleries modernes, à ces usurpations de succès qui tranchaient du légitime, oh ! […] Cela s’est vu surtout lorsqu’il a eu à parler, en ces derniers temps, de certaines représentations dramatiques, et, en général, dans ce qu’il a écrit sur les œuvres de l’école poétique moderne depuis 1830. […] Magnin de points de vue bien dominants ni de masses bien détachées ; on a plutôt la richesse, la fertilité et le détail infini d’une Hollande ; la Hollande, ç’a été la patrie et le berceau de cette critique moderne, de celle qui fait les bons journaux. […] Qu’il achève sans doute et couronne son important ouvrage commencé sur les Origines du Théâtre moderne.
Les modernes syndicats admettent l’idée d’une discipline plus tyrannique et plus unitaire encore que celle des anciennes corporations. […] On peut croire en tous cas que même dans les conditions les plus favorables, cet idéal d’humanité ne s’est jamais réalisé qu’en un assez petit nombre d’individualités privilégiées. — Quoi qu’il en soit, le portrait de l’homme moderne s’éloigne aussi loin que possible de cet idéal. […] Le fonctionnaire, l’intellectuel moderne en sont des exemples. « Les savants, les fonctionnaires, les intellectuels de toute sorte s’ils sont les représentants de la culture moderne, se trouvent en revanche, par suite du mécanisme de la vie contemporaine, presque privés de tout contact avec la sphère d’activité des politiciens et des hommes d’affaires. […] Ils se sont puissamment développés dans les temps modernes et la culture de l’avenir doit nécessairement tenir compte de ce fait nouveau, Puis, la culture de la Renaissance ne s’appliquait guère qu’à une élite assez peu nombreuse : la culture de l’avenir doit avoir des bases plus larges.
XIX On se figure volontiers que la civilisation moderne doit avoir un destin analogue à la civilisation ancienne et subir comme elle une invasion de barbares. […] Tout porte à croire, au contraire, que ce fait d’une civilisation étouffée par la barbarie sera unique dans l’histoire et que la civilisation moderne est destinée à se propager indéfiniment. […] Il ne s’agit pas de renaître, mais de continuer à vivre : l’esprit moderne, la civilisation est fondée à jamais, et les plus terribles révolutions ne feront que signaler les phases infiniment variées de ce développement. […] Tout ceci peut être appliqué trait pour trait à l’avenir de la civilisation moderne. […] Mais il est infiniment plus probable que la civilisation moderne sera assez vivace pour s’assimiler ces nouveaux barbares qui demandent à y entrer et pour continuer sa marche avec eux.
Je ne sais par quelle raison tant d’écrivains modernes nous parlent de l’éloquence des choses, comme s’il y avait une éloquence des mots. […] Quelques écrivains modernes ont prétendu que ce passage, bien loin d’être un exemple sublime, en était un au contraire de simplicité ; ils prenaient pour l’opposé du sublime ce qui en fait le véritable caractère, l’expression simple d’une grande idée. […] Les hommes, dit un philosophe moderne, ont tous à peu près le même fond de pensées ; ils ne diffèrent guère que par la manière dont ils les rendent. […] Il ne faut donc pas s’étonner si quelques modernes, en rendant justice d’ailleurs à l’éloquence de Démosthène, n’en ont pas paru échauffés au même degré que les Athéniens. […] Qu’on change l’ordre des mots, et qu’on mette comprobavit filii temeritas, il n’y aura plus rien, jam nihil erit. » Voilà, pour le dire en passant, de quoi ne se seraient pas doutés nos latinistes modernes, qui prononcent le latin aussi mal qu’ils le parlent.
Edmond Haraucourt C’est l’éternel refrain d’amour, mais qui, dans sa forme, apparaît moderne en ceci, qu’il constitue un type de cette condensation, de cette synthèse qui sont devenues le besoin moderne… Toi, c’est l’éternelle fiancée, celle qui meurt avec chacun de nos baisers, et qui revit avec chacun de nos désirs, le mirage consolant vers lequel nous marchons sans lassitude, qui fait notre désert moins nu et notre solitude presque aimée.
Et la guerre et la misère n’ont fait qu’accentuer cet Evangile moderne. […] Il a le goût des gares, des fumées lointaines, c’est le poète moderne à la casquette de voyage. […] Lui aussi a la fièvre du moderne. […] Han Ryner », Les Pages modernes. […] Itinéraires d’une pensée moderne, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 104).
Tout justement et uniquement ce qu’y vient ajouter la querelle des anciens et des modernes. […] Cournot, Considérations sur la marche des idées dans les temps modernes, t. […] Il existe des Œuvres de Fontenelle une édition moderne, sous la date de 1817. […] Les éditions modernes en sont innombrables. […] Les rééditions modernes sont innombrables.
. — L’Art moderne (Octave Maus). — La Jeune Belgique. […] Remacle). — Revue de la littérature moderne (A. […] REVUES. — La Plume (Deschamps). — La France moderne (Jean Lombard). — Le moderniste (Albert Aurier).
Ainsi, vers la moitié de ce siècle, les personnes d’une vie morale un peu intense se trouvaient dans cette alternative également fâcheuse de déserter les belles besognes de la critique moderne parce qu’elles n’y pouvaient contenter leurs aspirations religieuses, ou de s’y maintenir, mais en atrophiant une part de leur être. […] Oui, le bienfait dont nous remercions le maître qui vient de mourir, c’est qu’il a trouvé un joint pour conserver à l’esprit moderne le bénéfice de cette prodigieuse sensibilité catholique dont la plupart d’entre nous ne sauraient se passer, car elle a façonné trop longtemps nos ancêtres. Les jeunes gens et les femmes, à une certaine heure, suivirent l’auteur de la Vie de Jésus, l’aimèrent comme un apôtre, parce qu’il portait dans ses bras les beaux trésors héréditaires mêlés au bagage de la critique moderne.
Il aurait continué à prouver que « le vice interne dont souffre notre société française, c’est l’émiettement des individus, isolés, diminués aux pieds de l’État trop puissant, rendus incapables par de lointaines causes historiques et plus encore par la législation moderne, de s’associer spontanément autour d’un intérêt commun ». […] Voilà pourquoi nous avons si souvent proclamé le respect que nous inspirait une œuvre contre laquelle nous avons, d’ailleurs, deux objections très graves… Or, un jour que nous avions ici même exprimé nos regrets d’une belle œuvre interrompue par la mort, nous avons reçu (d’une source sûre, mais qu’il importe peu d’indiquer) les notes que Taine avait rédigées sur « l’Association » et qui devaient se placer immédiatement à la suite de son tome II du Régime moderne. […] » Le mal est ancien, héréditaire, il date de l’ancienne monarchie ; mais ce sont les législateurs modernes qui l’ont institué à demeure, par système, et qui, pour l’entretenir, l’étendre, l’empirer au-delà de toute mesure, ont employé la précision, la rigueur, l’universalité, la contrainte impérative et les plus savantes combinaisons de la loi4 » ∾ Vous venez d’entendre Taine par-delà le tombeau.
La poésie moderne se compose d’images et de sentiments. […] L’esprit qui les conçoit est sans cesse ramené vers elles ; et il serait impossible aux modernes de faire abstraction de tout ce qu’ils savent, pour peindre les objets comme les anciens les ont considérés. […] Rien n’est moins poétique que la plupart des coutumes modernes ; et chez les Grecs ces coutumes ajoutaient toutes à l’effet des événements et à la dignité des hommes. […] La vie des hommes célèbres était plus glorieuse chez les anciens ; celle des hommes obscurs est plus heureuse chez les modernes. […] L’approbation du peuple grec s’exprimait bien plus vivement que les suffrages réfléchis des modernes.
Pour la conscience moderne, antichristianisme et immoralisme se confondent ou à peu près, Les deux idées de christianisme et de morale ne sont pas dissociées. […] Notre morale moderne, même quand elle s’intitule rationaliste et scientifique, n’est pas autre chose qu’un prolongement de la morale chrétienne, une transposition de la morale chrétienne, une théorie seulement modifiée et rajeunie des valeurs morales chrétiennes : sacrifice de l’individualité, égalité des hommes, effacement de l’individu devant la communauté ; soumission à l’autorité, autrefois l’autorité religieuse ; maintenant l’autorité sociale, le point d’aboutissement logique de cette morale est un mysticisme social, une religiosité sociale qui divinise la société et invite l’individu à s’incliner devant elle comme devant le moderne Jéhovah. […] Il voit les cieux vides ; il oppose « le dédain à l’absence » et il professe pour la moderne idole : la société, le même dédain que pour l’ancien Jéhovah. Nietzsche déprécie les valeurs chrétiennes et les valeurs sociales modernes qui en procèdent.
Nous fîmes la guerre à cette guerre des idées modernes, trop introduites dans l’Histoire, — dans l’Histoire qui est un champ de morts, et non pas un champ de batailles ! […] Cette histoire se compose de quatre volumes, doublement substantiels par l’esprit et par la matière, lesquels représentent six années de recherches et de travail infatigable sur l’époque la plus passionnée et la plus féconde de l’histoire moderne, puisque le monde moderne, tout entier, est sorti de cette époque-là ! […] Au xvie siècle, dont il vient de nous donner l’histoire, il aurait été protestant, comme il est aujourd’hui, nous dit-il, purement théiste, comme il sera demain, si c’est possible, quelque chose de plus dégagé encore de la forme religieuse qu’un théiste, le progrès pour lui étant de briser de plus en plus la forme religieuse, comme l’oiseau qui, en croissant, briserait sa cage avec ses ailes : c’est enfin (je le regrette assez) un soldat sans chef, sans uniforme et sans discipline, de ce bataillon débandé et maraudeur du progrès indéfini, qui ne sait où il va, et qui prétend aller toujours ; mais malgré la fausse philosophie, malgré l’empoisonnement des théories modernes, malgré les amitiés d’idées et les prétentions candides d’une imagination bien assez poétique pour s’égarer, M. […] Ce sont là des idées modernes appliquées rétrospectivement et plus ou moins témérairement à l’histoire, Je ne sais pas si Michel de l’Hôpital eut conscience pleine et volonté entière de la liberté religieuse, telle que l’entendent et que la veulent les philosophes du xixe siècle, par la seule raison qu’il rédigea le fameux Édit de tolérance qui fut, jusqu’à l’édit de Nantes, le manifeste sans cesse repris des protestants et le prétexte de leurs rébellions obstinées, mais ce que je crois savoir, c’est qu’on n’est pas au-dessus de tous les partis parce qu’on se met entre tous les partis, et ce que je sais certainement, c’est que le portrait de cet homme de juste-milieu, de cette espèce de La Fayette en toge au xvie siècle a pris, sous le pinceau de M.
L’honneur de la philosophie moderne et du mouvement dirigé par M. […] Mais bientôt, pour qui l’observe de près, tout aboutit manifestement, ou du moins converge dans son esprit, aux origines de la civilisation moderne. […] Dans ce but, il croyait avoir à préparer l’imagination, l’intelligence de ce lecteur moderne, et devoir l’acheminer dans le passé avec lenteur et par voie de notions successives. […] Fauriel ne fit que produire ce qu’il avait de tout temps amassé sur Homère, sur Dante, sur la formation des langues modernes, sur les poésies primitives ; ainsi fait-il encore dans les articles qu’il tirait de là. […] C’est déjà le principe éclectique moderne dans son application historique.
Il s’était introduit sous les auspices très peu bourboniens du moderne Mécène dans la société très intime des sœurs de Bonaparte, et surtout d’Élisa Baciocchi. […] Il savait le grec ancien comme Homère, il savait le grec moderne comme un klephte. […] « Ce Vaï, qui revient à la fin de chaque couplet, comme un sanglot, est-il un mot grec ou étranger, une interjection improvisée, un dérivé du grec ancien ovaï, ou bien une construction du verbe grec moderne βαγἱζειν, vagir comme les enfants ? […] J’apprenais alors ses odes pour me familiariser avec le grec moderne, et je recherchais sa conversation, qui n’était jamais sans profit pour moi. […] Mais nous, Grecs modernes, nous n’avons pas consenti à traduire avec si peu de politesse envers la fille des rois ce mot de pharmakia : ses poisons étaient des médicaments aussi, et nous avons nommé notre village Thérapia, la guérison.
A côté du français singe-singer, il y a l’allemand affe-nachaffen ; le suédois apa-esterapa ; le danois abe-esterabe ; le flamand aep-waapen ; l’anglais ape-ape ; l’italien scimio-scimiottare ; le portugais : macaco-macaquear ; le polonais malpa-malpowac ; le grec moderne [mot en caractères grecs]. […] De même on s’explique assez facilement la fréquence linguistique du chèvrefeuille (ital. : caprifoglio ; all. : geissblatt ; holl. : geitenblad ; dan. : giedeblad ; suéd. : getblad), tous ces noms modernes ne sont peut-être que la traduction de caprifolium. […] Voici, semble-t-il, la marche de cette métaphore qui n’a pu naître qu’avec le costume moderne des femmes, lorsque, l’« ajustement » remplaçant la draperie, la robe dut se partager en deux moitiés, le haut et le bas. […] Nous ne pouvons reconnaître dans amadou le sens primitif d’appât, puisque la racine de ce mot est scandinave, mais nous trouvons réunies les deux significations dans l’esca des Latins, dans l’adescare des Italiens, dans l’[mot en caractères grecs] des Grecs modernes. […] Grec moderne : [mot en caractères grecs] et [mot en caractères grecs] 162.
La rage soulevée venait confirmer ce fait, que Zola avait touché juste en attaquant le vieux principe spiritualiste et dualiste, en s’affiliant au mouvement profond d’émancipation de la pensée moderne vis-à-vis de la philosophie traditionnelle directement issue du christianisme. […] « Littérature d’embaumement, — art réactionnaire d’aristocratie et de révélation… Je comprends, ajoute-t-il, que vous ne vouliez pas être confondus avec un homme qui aime les halles, les gares, les grandes villes modernes, les foules qui les peuplent, la vie qui s’y décuple, dans l’évolution des sociétés actuelles. […] La génération mystique, en se tenant à l’écart du monde moderne, s’est barrée par cela même l’avenir. […] Nous avons dû résumer en quelques lignes très imparfaites la transformation la plus profonde peut-être de la pensée moderne. […] Et voilà ce qu’en fin de compte, nous lui disons : « Vous avez combattu pendant plus d’un quart de siècle le plus magnifique combat de la pensée moderne, celui de la réalité contre le mensonge, de la loyauté contre l’hypocrisie, de la vie contre la convention, de la force contre l’artifice, de l’instinct naturel contre les cérébralités pourries.
Inversement, dans les sociétés modernes, lorsqu’on voudra déroger à l’égalité des citoyens posée en principe, c’est l’idée de la diversité des types ethniques qu’on invoquera : l’antisémitisme ne déclare-t-il pas que « la question de race prime tout » ? […] En ce sens, s’il est vrai que les similitudes ou les dissemblances extérieures sont capables d’influer sur nos sentiments et nos idées, la composition ethnique des sociétés modernes prépare les esprits au respect de l’humanité. […] S’imiterait-on moins, par suite, dans les sociétés modernes que dans les sociétés primitives ? […] Nous pouvons donc retenir que la nature de l’imitation qui porte d’homme en homme, dans les sociétés modernes, les habitudes et les croyances, est bien telle qu’elle les pousse vers l’idée des droits de l’homme ; car il est clair que la mode y gagne tous les jours sur la coutume. […] Parce que les sociétés occidentales modernes sont celles où la plus large homogénéité coexiste avec la plus profonde hétérogénéité, elles sont aussi celles où le respect de l’humanité, devait coexister avec le respect de l’individualité, — pour le plus grand profit des idées égalitaires.
M. de Tocqueville s’est-il épris d’enthousiasme pour cette loi des sociétés modernes, lorsqu’elle lui est apparue ? […] « Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse. […] « Ainsi, dit M. de Tocqueville, cette théorie (la nécessité de partager l’action législative en plusieurs Corps) à peu près ignorée des républiques antiques, introduite dans le monde presque au hasard, ainsi que la plupart des grandes vérités, méconnue de plusieurs peuples modernes, est enfin passée comme un axiome dans la science politique de nos jours. » Il y a loin de cette prudente et saine façon de raisonner à tout ce qu’imaginent encore les uns sur les vertus inhérentes à une Chambre aristocratique et de grande propriété qu’ils voudraient reconstituer artificiellement, et à tout ce que déduisent les autres d’extrêmement logique sur l’unité simple d’une Chambre ou Convention souveraine qu’aucun pouvoir collatéral ne contrôlerait. […] Le livre de M. de Tocqueville, si on le parcourait complètement, fournirait sujet à l’examen de toutes les questions capitales de la politique moderne ; nous n’avons voulu que le caractériser dans sa tendance et dans l’esprit qui l’a dicté.
Jules Girard est un de ces esprits qui ne sont pas encore les plus mauvais parmi les esprits modernes, car du moins ils ont le goût, l’atticisme, l’imitation réfléchie et savante pour orner leur sécheresse ou cacher leur stérilité, mais qui se payent de tout ce que leur a coûté leur archaïsme en ne concevant rien de plus beau que l’art et la civilisation des Grecs. […] Girard — rationaliste moderne en philosophie et archaïste en littérature — une supériorité tranchée et absolue, doit-il être pour nous une pareille supériorité ? […] Et, en effet, demandons-nous-le une bonne fois, qu’est-ce que l’art grec pour nous autres modernes, chez qui le Christianisme a doublé l’âme et approfondi la pensée ? […] Girard, du pittoresque, ce grand souci de l’art moderne, qui ne croit pas à la vie sans la couleur, pas plus dans les compositions littéraires que dans les compositions plastiques, — pas plus sur la toile que dans l’histoire, — et de cette insouciance, très inférieure selon nous, M.
. — Le génie philosophique de l’âge moderne. — Analogie probable des trois périodes. […] On peut les considérer comme les deux legs philosophiques que l’Allemagne moderne a faits au genre humain. […] C’est pourquoi on l’appelle panthéiste : ce qui, en bon français moderne, signifie fou ou scélérat. […] Gœthe, le maître de tous les esprits modernes, a bien su goûter tous les deux1451. […] Sortons de nos idées françaises et modernes, et entrons dans ces âmes ; nous y trouverons autre chose qu’une maladie noire.
6° Ici commence l’histoire de la critique moderne et avec elle une période nouvelle. […] Vous discutez la question que posèrent il y a deux cents ans, les Perrault et Fontenelle, vous débattez à votre tour la querelle des anciens et des modernes. […] Reste au compte des Modernes, et à l’actif de l’auteur du Parallèle, l’introduction de l’idée de progrès dans la critique littéraire. […] Oui, c’est bien elle qui a fait enfin triompher les modernes, et il était assez naturel que cela fût ainsi. […] Avec tous ces défauts, et peut-être en partie à cause d’eux, Nisard, dans l’histoire de la critique moderne, représente donc quelque chose.
Quand il abordait l’histoire de France, il voyait dans l’affranchissement des communes « une véritable révolution sociale, prélude de toutes celles qui ont élevé graduellement la condition du Tiers État » : remontant plus haut, il crut trouver dans l’invasion franque « la racine de quelques-uns des maux de la société moderne : il lui sembla que, malgré la distance des temps, quelque chose de la conquête des barbares pesait encore sur notre pays, et que des souffrances du présent on pouvait remonter, de degré en degré, jusqu’à l’intrusion d’une race étrangère au sein de la Gaule, et à sa domination violente sur la race indigène ». […] Dès 1820 il avait commencé à appliquer la même méthode à l’histoire de France : il s’était mis à lire la grande collection des historiens de France et des Gaules : et une indignation l’avait saisi en voyant comment les historiens modernes avaient « travesti les faits, dénaturé les caractères, imposé à tout une couleur fausse et indécise », combien de niaises anecdotes, de fables scandaleuses s’étaient substituées à la savoureuse simplicité de la vérité832. […] Il rêvait d’allier « au mouvement largement épique des historiens grecs et romains la naïveté de couleur des légendaires, et la raison sévère des écrivains modernes ». […] Éditions : Histoire de la Révolution d’Angleterre, 1827-28, 2 vol. in-8 ; Cours d’Histoire moderne, 1828-30, 6 vol. in-8 (dédoublé en Hist. gén. de la Civilisation en Europe et Hist. gén. de la Civil. en France). […] Biographie : Jules Michelet (1798-1874 . fils d’un imprimeur ruiné par le Consulat et l’Empire, répétiteur dans une pension en 1817, professeur au collège Sainte-Barbe en 1822, maître de conférences à l’Ecole normale en 1827. supplée Guizot à la Sorbonne (1833-1836), puis est désigné pour la chaire de morale et d’histoire du Collège de France (1838).Éditions : Principes de la philosophie de l’histoire ; Précis d’histoire moderne, 1828 ; Histoire romaine, 1831 ; les Mémoires de Luther, 1835. 2 vol. in-8 ; Du Prêtre, de la Femme et de la Famille, 1844. in-8 ; le Peuple, 1816. in-8 ; le Procès des Templiers, 1841-52, 2 vol. in-4 ; l’Oiseau, 1850, in-12 ; l’Insecte, 1857, in-18 ; l’Amour, 1858, in-18 ; la Femme, 1859, in-18 ; la Mer, 1861, in-18 ; la Sorcière, 1832, in-18 ; la Bible de l’humanité, 1861. in-18 ; la Montagne, 1868, in-18 ; Histoire de France (Moyen Age, 1833-13, 6 vol. in-8 ; Révolution, 1847-53. 7 vol. in-8 ; Renaissance et Temps modernes, 1855-67, 11 vol. in-8), 1878-80, Marpon, 28 vol. in-12 ; 1885 et suiv., Lemerre, 28 vol. pet. in-12. — Œuvres posthumes : Histoire du xixe siècle, 3 vol., 1876 ; Ma Jeunesse (pub. p.
Dans les genres qui se rapportent plus particulièrement aux tentatives modernes, on aurait à noter, pour être juste, des recueils qui s’adressent plutôt à quelques lecteurs isolés qu’au public. Dans un volume intitulé Arabesques et figurines (1850), et qui se rattache à l’école de l’art, le comte César de Pontgibaud, aujourd’hui retiré aux bords de l’Océan près des falaises de la Manche, s’est plu à consacrer, une dernière fois, les souvenirs ressuscités de l’art gothique, les religions, les fidélités de passé, tout ce qui nous émouvait encore vers 1836 et faisait un culte, avant que l’orgie de l’école moderne eût prévalu. […] Un des plus vieux genres restaurés par l’école moderne, le sonnet, a produit récemment des recueils dont on s’est occupé. […] Je voudrais pourtant donner quelque idée au lecteur ami des lettres, et que les préventions d’école n’aveuglent point, des richesses et des ressources que la poésie moderne recèle ; car on la calomnie souvent, et il y a des critiques instruits qui s’empressent de déclarer, à chaque rencontre, l’école moderne morte, et qui, de plus, ont l’air d’en triompher, comme si c’était le cas du proverbe : Tant plus de morts, tant moins d’ennemis. […] non, cette poésie française moderne, éclose vers 1819 sous forme lyrique, n’est pas morte, elle n’est qu’éparse et confusément dispersée.
La littérature italienne n’est pas sans doute la seule littérature moderne que Molière ait mise à contribution. […] D’autres comiques suivirent l’exemple, et bientôt le masque de Polecenella se répandit dans tous les théâtres d’Italie et d’Europe2. » Au fond, c’est là probablement la vraie histoire du seigneur Polichinelle et de plus d’un type de la commedia dell’arte ; seulement les uns prétendent qu’il faudrait peut-être la transporter dans l’antiquité, les autres qu’elle ne doit pas être reculée au-delà de l’âge moderne. […] Parmi les modernes, il faut citer M.
Qu’il croie en Dieu ou aux dieux, à Pluton ou à Satan, à Canidie ou à Morgane, ou à rien, qu’il acquitte le péage du Styx, qu’il soit du sabbat ; qu’il écrive en prose ou en vers, qu’il sculpte en marbre ou coule en bronze ; qu’il prenne pied dans tel siècle ou dans tel climat ; qu’il soit du midi, du nord, de l’occident, de l’orient ; qu’il soit antique ou moderne ; que sa muse soit une muse ou une fée, qu’elle se drape de la colocasia ou s’ajuste la cotte hardie. […] il lui semble que jusqu’ici on a beaucoup trop vu l’époque moderne dans le siècle de Louis XIV, et l’antiquité dans Rome et la Grèce ; ne verrait-on pas de plus haut et plus loin, en étudiant l’ère moderne dans le moyen-âge et l’antiquité dans l’Orient ?
Mais il n’en est pas moins certain que le Roman, production toute moderne, a pris en ces dernières années une importance et un développement extraordinaires, qu’aucune forme littéraire n’a plus à un égal degré. […] Le Roman, tel que nous le concevons, nous autres modernes, devait être nécessairement le fruit tardif des civilisations excessives. […] Le nombre est tout, — dit la lâcheté moderne, qui a mis sur le nombre la vérité.
Louis Veuillot, avec le profond repli des modernes, met un enfant de trois ans à la place de ce gredin. […] « Toute la différence entre le moyen âge et le monde moderne est là-dedans ! […] Mais je me souviens que le mufle moderne a horreur de l’onde claire et je me persuade ainsi d’avoir été plus que discret. […] Que la reine des cœurs modernes, que la glorieuse Industrie se lève enfin sur cette question et qu’elle prononce ! […] Il a troqué son sac à farine contre l’habit noir et, par-dessous cet infâme habit, il a mis la flanelle du plus joli petit enfer moderne.
Philosophe du moi moderne, savez-vous ce que c’est que le point d’honneur ? […] Est-ce la main du parlementaire moderne (Semichon est homme de robe : il est avocat) qui s’est placée, sans le vouloir, sur les yeux de l’historien ? […] Dans le résumé de son histoire, il donne pour conséquence de la paix de Dieu la civilisation moderne et l’égalité politique de notre temps. […] On cherche en vain par quel développement de faits analogues et logiques la poussière de l’individualisme moderne serait sortie de cet écrin !
I Ce volume, très intéressant, est moins une histoire qu’une dissertation historique sur ce grand événement dont le monde moderne est sorti, — la Réforme. […] Pour lui, qui n’a pas d’autre conception de la vérité politique que celle-là que le monde du Moyen Âge avait réalisée, la Réforme a introduit dans le monde moderne un mal sans compensation et sans remède, et par-delà ce mal, qui n’est pas près d’être épuisé, et qui, dans sa conviction, sera la fin de tout, non seulement il ne voit rien, mais il ne regarde même pas… Que cette tristesse désespérée ait ou n’ait pas sa raison d’exister, je ne veux point l’examiner. […] En effet, si la Réforme est une destruction, et une destruction abominablement criminelle, surtout au point de vue des idées et de la conscience modernes, puisque cette destruction n’était pas seulement celle d’une certaine organisation, mais de l’organisation de la majorité d’un peuple, brisée par la minorité, Henri IV, qui fut le plus près d’un tel événement et qui pouvait le mieux élever une digue contre le fleuve, Henri IV a, dans cette destruction, la main qu’il n’y a pas mise pour l’empêcher, en supposant (supposition pure !) […] L’Hôpital lui-même n’était allé que jusqu’à un simple édit de tolérance : or, l’Édit de Nantes reconnaissait un droit… Enfin, il y a plus encore : les idées modernes existaient si peu sur l’égalité des cultes et la liberté religieuse, que ces idées, maintenant en possession de tous les esprits, sans l’Édit de Nantes n’auraient peut-être jamais existé.
II C’est cet état de débilitation philosophique que le Dr Athanase Renard nous a mis à même de vérifier et de juger, dans l’histoire critique qu’il vient de faire de la Philosophie moderne. […] Il a, lui, la science moderne, la science dont le moindre grimaud est fier, la science qui fait tous les genres de cuisine, à cette heure, dans l’affreux baquet des sorcières de Macbeth, qui est l’état intellectuel de ce temps ! […] Elles ont été vaincues, ces misérables philosophies, par le Matérialisme, qui a voulu faire aussi des systèmes et qui n’en avait pas besoin, tant il a pénétré dans le fin fond corrompu de la pensée et de la vie modernes ! […] Quoique sans génie, sans talent, sans esprit, sans homme d’intelligence première, elles s’emparent de l’esprit moderne avec un effroyable ascendant, et elles rencontrent précisément dans le « sens commun » d’un temps matérialisé de mœurs par une corruption de deux siècles, le plus redoutable auxiliaire.
Hallucinations, névropathies mystérieuses, monomanies, dans lesquelles l’homme paraît, d’après tous les témoignages de la science, être obsédé, ou possédé, ou dominé par « les esprits », toutes ces affections épouvantables qu’il a étudiées avec le sens exercé du médecin qu’ont-elles inspiré à la science moderne, si ce n’est des « hypothèses malheureuses pour remplacer un vieux dogme oublié » ? […] L’auteur y examine d’abord l’influence des lieux fatidiques ou du domaine privilégié des esprits, les hauts lieux, les lieux déserts, certaines sources, les béthyles ou les pierres mystérieuses élevées en commémoration des faits merveilleux, les animaux subissant, dans certains lieux fatidiques, la même influence que ceux qui les guident ; et sur toutes ces questions, prises à revers des solutions de la science moderne, le terrible savant ne cesse de marcher au flambeau allumé de la critique historique. […] Les témoignages des voyageurs épuisés, il invoque ceux des magnétistes anciens et modernes qui, tous, reconnaissent l’intervention d’un « principe étranger ». […] À part ses conséquences, — et ces conséquences, si elles étaient légitimes, feraient table rase de tout ce que le monde moderne tient pour vrai en philosophie et replaceraient la théologie à sa vraie place, c’est-à-dire à la tête de toutes les sciences, même naturelles, — à part ces conséquences à outrance, ne manqueront pas de dire certaines gens, le mémoire adressé par M. de M*** à l’Académie des sciences morales et politiques a encore une importance considérable.
de dire une fois, sous forme d’idées générales, la part qu’il faut faire à cette chose moderne et envahissante qui entre partout et pénètre tout, et monte jusque dans le roman : la Physiologie ! […] En effet, même là où j’approuve et où j’apprécie l’influence de la physiologie sur le roman, dont elle sera, dans le monde moderne, une des gloires, je dirai que, même là, il ne faut procéder qu’avec des précautions infinies, car savez-vous de quoi il retourne ? […] Tenté par toute voie d’invention nouvelle, Balzac, l’innovateur, a, dans un de ses derniers romans27, un roman de sa maturité, fait un emploi tout moderne du somnambulisme, et malgré sa puissance d’illusion, malgré le don qui était en lui de vivifier des chimères, il a troublé l’harmonie d’une de ses plus délicieuses créations. […] Celui de tous qui a le plus réussi dans cette découverte moderne, la physiologie appliquée aux choses de l’âme, que, très-grand spiritualiste, il a aussi et à degré égal !
Je l’avoue, lui dit le Poëte moderne, & vous savez quel en fut le succès. […] Il adressa la parole aux détracteurs du Poëte moderne. […] Un moderne le prouva encore d’une maniere plus étendue. […] C’est ce qu’a fait le Poëte moderne. […] Nos Modernes ont osé davantage.
C’était bien par là le seul écrivain raisonnable de notre langue, et voilà pourquoi Boileau mettait ce moderne-là au-dessus de tous les anciens. […] Il a mal interprété les œuvres antiques, et préoccupé de l’usage où le goût moderne appliquait le genre pastoral, il a trouvé dans Virgile et dans Théocrite de quoi légitimer une des formes les plus caduques et les plus fausses de la poésie de son temps. […] De là la nécessité où il nous réduit de nous ranger une fois du côté de Desmarets et de Perrault, précurseurs ici de Chateaubriand et de la poésie moderne, quand il s’obstine à nier que le christianisme puisse avoir place dans un poème épique et en accroître la beauté. […] Mais comme il serait difficile à un moderne, à un chrétien, de maintenir cette assertion au sens littéral du mot, Boileau recourt pour la justifier à une conception très fausse et très en vogue alors de l’épopée : l’épopée est un poème allégorique, et la mythologie est vraie, comme forme d’art exprimant l’abstrait par le concret, selon de certaines conventions. […] Il devait arriver que tantôt il interprétât l’antiquité avec ses idées modernes, et que tantôt il opprimât la pensée moderne par les formes antiques : comme il était fort malaisé de dégager toujours sûrement le fond commun des œuvres anciennes et de l’expérience moderne, il devait tendre à faire une trop large part à l’immuable et à l’absolu dans la nature et dans l’esprit humain.
Si le socialisme était la conséquence logique de l’esprit moderne, il faudrait être socialiste ; car l’esprit moderne, c’est l’indubitable. Plusieurs, en effet, dans des intentions opposées, soutiennent que le socialisme est la filiation directe de la philosophie moderne. D’où les uns concluent qu’il faut admettre le socialisme, et les autres qu’il faut rejeter la philosophie moderne. […] Or cela semble contradictoire ; car il semble, au premier coup d’œil, que l’abjection de quelques-uns et même de la plupart soit une condition nécessaire de la société telle que l’ont faite les temps modernes, et spécialement le XVIIIe, siècle. […] Car, depuis l’invasion qui fait la limite de l’histoire ancienne et de l’histoire moderne, il n’y a pas de fait comme celui-là, et peut-être n’y en aura-t-il pas avant des siècles.
Là est le secret de la foi de cette jeunesse catholique dorée, profondément sceptique, dure et méprisante, qui trouve plaisant de se dire catholique, car c’est une manière de plus d’insulter les idées modernes. […] Obligés de haïr tout ce qui a aidé l’esprit moderne à sortir du catholicisme, ces frénétiques s’engagent à haïr toute chose : Louis XIV, qui, en constituant l’unité centrale de la France, travaillait si efficacement au triomphe de l’esprit moderne, comme Luther, la science comme l’esprit industriel, l’humanité en un mot. […] En France, on à peine à concevoir un milieu entre la lourde érudition du XVIIe siècle et la spirituelle et sceptique manière des critiques modernes 195. […] Une des plus nobles âmes des temps modernes, Fichte, nous assure qu’il était arrivé au bonheur parfait et que par moments il goûtait de telles jouissances qu’il en avait presque peur 199. […] Il y a des époques où toute la question est dans la politique : ainsi, par exemple, à la limite du Moyen Âge et des temps modernes, à l’époque de Philippe le Bel, de Louis XI, les docteurs et les penseurs étaient peu de chose, ou n’avaient de valeur réelle qu’en tant qu’ils servaient la politique.
L’ordre est inverse dans l’histoire moderne. […] Saint-Réal avait compris les conditions de l’histoire dans les temps modernes ; il en avait pressenti les progrès. […] L’histoire moderne n’a pas de plus beau récit. […] Faire des chrétiens avec des livres païens est la tâche des sociétés modernes, surtout dans notre pays qui en tient la tête. […] Comparé aux maîtres modernes, il est loin d’être aussi pénétrant que Fénelon et d’un détail aussi fin.
Mais si simples que soient ces choses, elles sont au-dessus ou au-dessous de l’artiste moderne. […] Et l’enfant gâté, le peintre moderne se dit : « Qu’est-ce que l’imagination ? […] Par sa manie d’habiller à l’antique la vie triviale moderne, elle commet sans cesse ce que j’appellerais volontiers une caricature à l’inverse. […] Si un seul homme avait pu retenir l’école française moderne dans son amour impertinent et fastidieux du détail, certes c’était lui. […] La langueur de ces formes menues quoique grandes, l’élégance paradoxale de ces membres est bien le fait d’un auteur moderne.
. — La Farce de Maître Pathelin, avec traduction en vers modernes (1872). — Histoire de la butte des Moulins (1877). — Le Mystère de Robert-le-Diable, transcrit en vers modernes (1879)
Nous ne connoissons pas d'Ecrit moderne plus capable que celui-ci d'affermir dans leur foi les ames chancelantes, & de ramener au Christianisme celles qui en ont secoué le joug. […] Oter à l'homme son immortalité, c'est non seulement l'insulter, l'avilir, c'est encore l'outrager dans cette raison même, dont la Philosophie moderne prétend se servir pour l'éclairer.
En fait de poëtes modernes, il les ignore. […] Guillaume Colletet, ce rimeur né suranné, est son seul poète moderne contemporain. […] J’ai passé par la philosophie scholastique sans devenir éristique, et par celle des plus vieux et modernes sans me partialiser : Nullius addictus jurare in verba magistri. […] La reprise moderne des vieux systèmes lui remet en mémoire ces deux cent quatre-vingts sectes de l’antiquité toutes fondées sur la recherche et la définition du souverain Bien. […] Avec Naudé on a, en fait de sagesse, le sub rosa exactement opposé à l’ex cathedra. — Un moderne des plus modernes, qui, assurément, ne connaissait pas l’épigramme et l’historiette mythologique de la Rose, l’élégant et brillant comte d’Orsay, a dit un mot qui en rend à merveille l’esprit et qui en est pour nous le meilleur commentaire.
D’autre part, ce sont des spéculations mystérieuses où, comme hanté des vieilles religions philosophiques de l’Orient, le poète trouve les formes des vérités naturelles et éternelles, qu’il accorde avec les données de notre science moderne. […] de notre moderne Savoir qui ne m’a paru que retrouver le sens sacré, par quoi, sous les signes monstrueux, les Initiés portaient occultement le poids du peuple, — des temps étaient maintenant révolus, remueurs des diaprures aux strophes, et du double mouvement de la poitrine animale scandés ! […] Œuvre qui, retournant au primogène tact sensationnel la digression luxuriante des sensations, des émotions et des idées et les renouvelant dans la phonalité et l’idéogramme primordiaux, de nouveaux associés, — et reprenant tout ainsi qu’aux racines du Monde : d’une part (et tandis que son centre est situé en l’âme et le milieu modernes de l’Individu et des nécessaires agglomérats ethniques gardant le sens de Races, en notre instant), remonte à la Genèse cosmique et à la prime danse du Feu et du Serpent de l’être anthropoïde. […] Donc, nous n’invoquerons pas non plus de multiples autorités anciennes et modernes, à l’appui d’une théorie qui ne se peut plus discuter. […] Parlons en premier lieu, de la nature du Vers : le vers premier et résumant étant le vers de douze pieds. — Il en est ainsi pour lui, parce que, équivalent du vers-principe en toutes les métriques anciennes et modernes, lui aussi se ramène à une unité de mesure qui est le temps nécessaire à l’expiration : il tient sa nature métrique organiquement, des nécessités de l’appareil vocal.
Mme de Lambert, qui n’était pas du même parti qu’elle en littérature et qui penchait décidément pour les modernes, mais qui avait de l’élévation et de l’équité, a dit à son sujet dans une lettre adressée à ce même père Buffier sous la Régence : J’aime M. de La Motte, et j’estime infiniment Mme Dacier. […] S’agissait-il d’Anacréon, il savait bien discerner dans le recueil d’Odes, qui porte le nom de ce vieux poète, ce qui était de l’antique Ionien et tout ce qu’on y avait mêlé de plus moderne et d’anacréontique plus ou moins délicat ou médiocre. […] La querelle des anciens et des modernes, qui avait commencé du temps de Perrault, dut suggérer à Mme Dacier l’idée (si elle ne l’avait eue déjà) de faire connaître Homère, sur lequel on déraisonnait si étrangement ; après de longs efforts, elle fut prête en 1711, et publia l’Iliade. Cette traduction qui ralluma la guerre des anciens et des modernes, et qui fut suivie de l’Odyssée en 1716, donne à Mme Dacier un rôle imprévu et assez considérable dans l’histoire de la littérature française. […] Je sais bien que je ne dois pas exiger qu’on ait pour moi la même complaisance qu’on a eue pour de grands hommes, anciens et modernes, qui, dans la même situation où je me trouve, se sont plaints de leur malheur ; mais j’espère que l’humanité seule portera le public à ne pas refuser à ma faiblesse ce qu’on a accordé à leur mérite : jamais on ne s’est plaint dans une plus juste occasion.
Les philosophes grecs ne se sont point mis, comme les philosophes des pays monarchiques, en opposition avec les institutions de leur pays ; ils n’avaient pas l’idée de ces droits d’héritage qui fondent la plupart des pouvoirs chez les nations modernes depuis l’invasion des peuples du Nord. […] Un auteur moderne, développant ces deux caractères dans la suite de leur vie, nous a fait voir Alceste généreux et dévoué dans l’amitié, et Philinte avide en secret et tyranniquement égoïste. […] Or, la mythologie n’est pour les modernes ni une invention, ni un sentiment. […] Mais les modernes ont observé les mouvements de l’âme avec une telle pénétration, qu’il leur suffit de savoir les peindre pour être éloquents et passionnés ; et s’ils adoptaient les fictions antérieures à cette profonde connaissance de l’homme et de la nature, ils ôteraient à leurs tableaux l’énergie, la nuance et la vérité. […] Il faut étudier les modèles de l’antiquité pour se pénétrer du goût et du genre simple, mais non pour alimenter sans cesse les ouvrages modernes des idées et des fictions des anciens : l’invention qui se mêle à de semblables réminiscences, est presque toujours en disparate avec elles.
Le duc de Saint-Simon, pour prendre un exemple moderne, à force de saisir au vif ses originaux, et de les faire saillir aux yeux, en a pu malmener et outrager quelques-uns. […] Je ne conseillerai certes à personne d’imiter Tacite, comme on l’a vu faire à quelques modernes. […] Mais oublie-t-on que c’est l’histoire de l’Empire qu’il écrit, et celle du plus grand capitaine des temps modernes ? […] On arrive enfin à Saragosse, à ce siège unique, effroyable, qu’on est bien forcé d’admirer au milieu de l’horreur, et qui restera comme le plus fameux exemple de la résistance patriotique en face d’une invasion étrangère : Rien dans l’histoire moderne, dit M. […] Encore l’horreur de l’événement moderne dépassait-elle l’horreur des événements anciens de toute la puissance des moyens de destruction imaginés par la science.
N’avoir pas deviné la grandeur des sociétés protestantes ni la grandeur des sociétés libres, c’est avoir eu les yeux fermés sur les plus grands faits des temps modernes, sur l’esprit moderne lui-même, tel qu’il est sorti du xvie siècle, génie momentanément interrompu dans ses destinées par la halte glorieuse de Louis XIV, mais qui devait en avoir de tout autres que celles que rêvait Bossuet. […] » Je m’explique : Bossuet savait l’histoire ancienne et l’histoire de l’Église ; mais ces deux histoires ne lui servent de rien pour comprendre les temps modernes. Ce que Bossuet ne savait pas, ce qu’on ne savait pas de son temps, c’était l’histoire de notre pays, de ses crises, de ses révolutions, de ses institutions changeantes, autrefois libres dans une certaine mesure, peu à peu supprimées et absorbées par le pouvoir absolu ; c’était l’histoire de l’Europe au moyen âge, au xve , au xvie siècle, dans ces temps où l’ordre politique des temps modernes s’était lentement et péniblement élaboré. Enfin dans ce magnifique Discours sur l’Histoire universelle, fait à l’usage d’un prince moderne et d’un prince français, il ne manque que deux petites choses : l’histoire moderne et l’histoire de France.
Il est très vrai que la plupart des nations modernes ont été faites par une famille d’origine féodale, qui a contracté mariage avec le sol et qui a été en quelque sorte un noyau de centralisation. […] La considération ethnographique n’a donc été pour rien dans la constitution des nations modernes. […] III. — La religion ne saurait non plus offrir une base suffisante à l’établissement d’une nationalité moderne. […] Refuser de participer à un tel culte était comme serait dans nos sociétés modernes refuser le service militaire.
Remarquons d’abord que dans tous les gouvernements anciens les institutions politiques ont toujours été fondées sur les institutions religieuses ; remarquons ensuite que dans les gouvernements modernes les institutions politiques se sont toujours appuyées sur les institutions religieuses ; remarquons enfin que toutes les questions qui tiennent à l’existence de la société sont des questions religieuses. […] Les philosophes modernes n’ont pu fonder d’école, et faire secte, parce qu’ils voulaient renverser une religion positive, qui a tout prévu. […] Le seul avantage que conservèrent les religions anciennes, ce fut de perpétuer le sentiment religieux chez les peuples qui leur furent soumis ; car, comme nous l’avons déjà remarqué, l’erreur même sert quelquefois à conserver la vérité ; et c’est le sentiment religieux, toujours si respecté par les philosophes anciens, que les philosophes modernes ont tenté d’ébranler, parce qu’ils parce qu’ils toujours, comme nous venons de le dire, de retomber tout vivants dans le christianisme. […] Bonaparte, l’homme le plus antique des temps modernes, Bonaparte y avait songé ; car toutes ses conceptions étaient très harmonieuses entre elles.
Et comme tout se tient dans les sociétés, dans les idées et dans le langage, et que le désordre introduit quelque part amène le désordre partout, si les comédiens des sociétés modernes et chrétiennes sont mis là où la bassesse romaine et païenne mettait avant leur mort les empereurs, sous qui elle tremblait, où ces sociétés mettront-elles leurs vrais grands hommes, — ceux qui honorent, éclairent et servent la patrie, et, quand il le faut, meurent pour elle ? […] C’est l’image de la critique moderne s’inclinant sous le comédien. […] Élevée par des maîtres sceptiques, gouvernée longtemps par des hommes de juste milieu pour qui jamais la vérité ne fut qu’un jeu d’escarpolette, tourbillon d’individualités sans le ciment qui les relierait et leur donnerait la solidité d’un monde, la société moderne, privée du profond et sympathique intérêt des doctrines communes, n’a plus que le théâtre pour toute ressource. […] Entre le tabac, qui narcotise l’esprit des modernes dans des proportions que la science et l’histoire constateront plus tard, et le théâtre, cette passion de gens fatigués et de nation en décadence, l’esprit meurt, la conversation s’éteint.
Henri Martin n’entend pas assurément le celtisme comme l’entendait cet excentrique La Tour-d’Auvergne, d’une solidité de dolmen, avec sa tête étroite, dure et enragée de Breton, et pourtant, tout moderne qu’il est, M. […] Et vraiment peut-on dire à tort, quand on a lu cette histoire de France et ces claires paroles dans l’avertissement de l’édition de 1854 : « la philosophie de l’histoire est en mesure aujourd’hui de restituer au druidisme la part très considérable qui lui revient dans le développement de l’humanité, et au génie celtique une part plus grande dans le développement moral du moyen âge et de l’âge moderne » ? […] Henri Martin, si druidant qu’il soit, n’a pas été assez hardi pour affronter son propre ridicule en promenant des Druides à travers les temps modernes, quoique pourtant Fénelon, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, etc., soient au fond aussi des druides, mais des druides de robe courte comme nous avons des jésuites de robe courte, — d’anciens druides déguisés ! […] Il a la bonté de parler moderne et de raconter l’histoire sans en faire un carnaval.
C’est que ces deux livres nous transmettent la lumière inattendue qui vient de frapper l’un des faits de l’Histoire moderne qui semblait le plus devoir se passer de lumière, l’événement classique, à force d’être fameux, qu’on pouvait appeler le grand lieu commun de la rhétorique de l’Histoire. […] À cela, il y a beaucoup de raisons ; mais la principale est certainement l’espèce d’horreur qu’inspire la théocratie à l’esprit moderne. […] Voilà pourquoi, jusqu’à l’arrivée des Bourbons, qui introduisirent l’esprit moderne dans cette Péninsule, restée du Moyen Âge, et fermée par ces Pyrénées que Louis XIV abaissa, elle a dans son histoire, cette vieille et étonnante Espagne, des grandeurs de choses qui ressemblent aux mystérieux colosses de l’Égypte, et des grandeurs d’hommes presque aussi indéchiffrables que le Sphinx. […] Il est essentiellement moderne.
Mais que dire de ces plagiaires français modernes, impertinents jusqu’à prendre non seulement des sujets et des canevas, mais même la manière et le style ? […] Il unit à la gaieté, à la jovialité, à la satire espagnole du bon temps de Cervantès, un esprit beaucoup plus moderne, ou du moins qui a été beaucoup plus cherché dans les temps modernes, l’amour de l’insaisissable, le sentiment des contrastes violents, des épouvantements de la nature et des physionomies humaines étrangement animalisées par les circonstances. […] Je ne puis le comprendre ni en déterminer positivement la raison ; mais souvent nous trouvons dans l’histoire, et même dans plus d’une partie moderne de l’histoire, la preuve de l’immense puissance des contagions, de l’empoisonnement par l’atmosphère morale, et je ne puis m’empêcher de remarquer (mais sans affectation, sans pédantisme, sans visée positive comme de prouver que Brueghel a pu voir le diable en personne) que cette prodigieuse floraison de monstruosités coïncide de la manière la plus singulière avec la fameuse et historique épidémie des sorciers.
Dans sa forme indigente de langue synthétique dégénérée, l’ancien français enveloppe et manifeste déjà un génie analytique : organisme mixte qui relie les formes extrêmes, et nous aide à passer du latin, si riche des six cas de sa déclinaison, au français moderne qui n’en a pas. […] Dans l’âge moderne, les frontières de l’État sont à peu près les limites de la langue, et l’instrument littéraire est le même pour les Français du nord et du midi. […] Dans l’époque moderne, la Révocation de l’Édit de Nantes a jeté en Hollande un petit monde de théologiens érudits et militants, qui firent pour un temps de ce pays étranger un grand producteur de livres et de journaux français.
Nous avons fait, dans ces derniers temps, un grand bruit de notre science en politique ; on dirait qu’avant nous le monde moderne n’avait jamais entendu parler de liberté, ni des différentes formes sociales. […] Remarquons que les publicistes modernes ont vanté le gouvernement républicain, tandis que les écrivains politiques de la Grèce ont généralement donné la préférence à la monarchie.
Comment les droits modernes se constatent-ils, messieurs ? […] A ceci, que ce n’est nullement la vérité, ce qui semble tel à un individu, même le plus respectable, qui doit être la mesure de la loi et du droit dans le régime moderne. […] En effet, quelque opinion qu’on ait personnellement sur telle ou telle de leurs doctrines, ils présentent évidemment le double caractère qui rend un ordre de citoyens respectable dans l’État moderne : le nombre d’abord, le nombre croissant (je l’affirme, et en pourrait-on douter, quoiqu’il n’y ait pas de recensement ni de statistique officielle ? […] messieurs, je vous en conjure, que les représentants et les organes de l’État moderne, que les hommes vraiment politiques ne mettent pas le pied sur ce terrain glissant de la discussion métaphysique ; ce terrain-là, pas plus que celui de la théologie, n’est bonet sûr pour qui accepte l’établissement de la société présente et à venir. […] l’hypocrisie sociale, cette grande plaie moderne, comme l’appelait lord Byron !
Pour montrer à quelle hauteur Wagner a porté l’art de la musique, il est nécessaire de considérer l’état de dégradation où il est tombé dans notre théâtre moderne. […] Au point de vue de la mimique, voilà donc les défauts que Wagner a surtout signalés dans le théâtre moderne. […] Nous ne traiterons que ces quelques points, car nous devons nous arrêter ici : il faudrait un volume pour noter, simplement, les ridicules de notre monstrueux art dramatique moderne. Après avoir exposé les critiques de Wagner sur la mimique moderne, il nous faut maintenant étudier la mimique telle qu’elle se pratique à Bayreuth. […] L’Art Moderne : Article wagnérien de M.
Le Tableau de l’Histoire moderne, Paris 1766. trois vol. […] Venons aux modernes. […] Il y fait voir que la Tactique des anciens peut fournir beaucoup de lumieres pour la Tactique des modernes. […] Ce défaut est celui de presque tous les latinistes modernes. […] Rollin, ce qu’a heureusement exécuté l’auteur de l’histoire moderne.
Mignet évoque et introduit le souvenir de Jouffroy qui se trouve ainsi singulièrement agrandi et présenté comme un des oracles modernes, comme un puissant démonstrateur des vérités invisibles et comme le théoricien religieux de l’ordre universel. […] d’une voix lamentable ; mais que faut-il penser de ces philosophes modernes ou de ces esprits académiques qui, lorsqu’ils ont dit du temps présent et du régime où l’on vit : Tout est mal ! […] Que si l’on prend philosophie dans le sens purement moderne, comme l’a entendu, par exemple, l’école de M. […] On ne sait pas bien l’histoire de notre école éclectique moderne. […] Ce qui y manque peut-être en éveil et en sagacité ne serait bien sensible que si l’on voyait cette même méthode appliquée à une histoire toute moderne.
On aurait voulu qu’au lieu de décrire minutieusement les constitutions et le gouvernement d’Athènes et des anciennes républiques, Barthélemy fît mieux sentir les différences tranchées qu’elles ont avec la société moderne, l’esclavage qui en était le fondement, l’oppression des races vaincues, les droits de citoyen exclusivement réservés à un petit nombre d’habitants, là même où il semble que la multitude domine. […] L’abbé Barthélemy, en introduisant et en faisant parler constamment un personnage du passé, se retranchait la ressource des considérations modernes et vraiment politiques ; mais, eût-il parlé en son propre nom, il se les fût également interdites : elles n’entraient pas dans la nature de son esprit. […] Chateaubriand, dans son premier et confus ouvrage, dans son Essai sur les révolutions, est parti, en quelque sorte, du Voyage d’Anacharsis, pour les comparaisons continuelles de l’Antiquité avec le monde moderne ; mais, dès les premiers pas qu’il fait sur les traces de son devancier, comme on sent qu’il pénètre bien au-delà ! […] La conclusion à tirer pour moi de cette longue suite d’essais où l’on a été tour à tour dans les extrêmes et où l’on a si rarement atteint le point précis, c’est qu’on ne transporte pas une littérature dans une autre, ni le génie d’une race et d’une langue dans le génie d’un peuple différent ; que, pour bien connaître la Grèce et les Grecs, il faut beaucoup les lire et en très peu parler, si ce n’est avec ceux qui les lisent aussi, et que, pour en tirer quelque chose dans l’usage courant et moderne, le plus sûr encore est d’avoir du talent et de l’imagination en français. Si l’abbé Barthélemy avait eu plus de cette originalité naturelle et de cette inspiration vive, on lui pardonnerait dans l’exécution quelques infidélités ; malgré tous ses soins en effet, malgré son application à ne point cheminer sans ses notes érudites, son livre peut se considérer, dans certaines parties, comme une production moderne et personnelle.
À eux deux, en attendant le troisième, qui viendrait ou qui ne viendrait pas, ils étaient devenus la plus éclatante expression de la poésie moderne. […] Aujourd’hui, la Poésie n’est qu’une Ophélie sans pureté et sans amour… Mais quelque démente qu’elle puisse être, cette poésie moderne, au cerveau plus ou moins lézardé, cette fille de l’Égarement universel n’en est pas moins toujours la Poésie, c’est-à-dire la plus belle ou la moins laide des choses humaines ! […] Tout est, en ce moment du xixe siècle, plongé dans un matérialisme qu’on ne sait plus, pour peu qu’on respecte sa langue, même comment nommer, mais les poètes modernes, de cela seul qu’ils sont des poètes, ont l’horreur instinctive de cette fange dont ils veulent dégager leurs pieds divins, et ils les en arrachent pour ne pas être étouffés par elle. […] Et c’est ainsi que nous avons eu un poète moderne de plus. […] C’est évidemment un poète de la famille du Dante, qui a mal tourné en tombant dans le monde moderne.
Temps héroïques de la littérature moderne ! […] Ils écrivent le poème de l’Espagne moderne. […] Les Goncourt disent par la voix d’un de leurs personnages : « Le moderne, tout est là. […] Tout le monde est Valera, et cela fait qu’on l’étudiera bientôt plus comme un classique que comme un romancier moderne. […] Je me suis proposé de connaître le roman moderne.
, que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.
Deux Auteurs modernes ont eu la gloire de lutter avec Lucien. […] On ne sçauroit trop en recommander la lecture, sur-tout aux partisans fanatiques de certains auteurs modernes, qui se sont permis dans le genre historique autant de liberté que s’ils avoient fait un poëme épique.
Il a écrit sur cette question tant agitée des anciens et des modernes quelques pages qui sont des meilleures et qui terminent noblement son livre des Considérations sur l’esprit et les mœurs. L’amour de la gloire et la vertu, qu’il trouvait si absents dans le train de vie moderne, lui paraissaient avec raison l’âme du monde antique en ses beaux temps. […] Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] S’il a, comme je l’ai dit, le sentiment de la fatigue et de l’épuisement des sociétés, de ce caractère blasé qui est le produit de l’extrême civilisation, il retrouve aussi en idée, et par saillies, cet autre sentiment de la jeunesse et de la vigueur première du monde, et il le reconnaît aux anciens dans tous les ordres de travaux et de découvertes : il sait que pour tout ce qui est de l’observation et de l’expérience, et dans les sciences qui en dépendent, les modernes l’emportent de beaucoup : Il me suffit, ajoute-t-il, d’avoir remarqué que les anciens ont été plus promptement éclairés que les modernes, qu’ils ont volé dans la carrière où les autres se sont traînés. […] M. de Meilhan, qu’on a vu apprécier les anciens et regretter que la vie publique fût trop rétrécie et trop étouffée chez les modernes, se demande si la Révolution dont il est témoin va rouvrir en effet toutes les sources généreuses.
Les principaux et les plus fins de la littérature moderne y ont passé ; très-peu d’essentiels y manquent encore, et nous n’allons bientôt plus avoir qu’à nous tenir au courant des nouveaux-venus et des chefs-d’œuvre quotidiens qui pourront surgir : nous aurons épuisé tout ce passé d’hier auquel nous nous sommes montré si attentif et si fidèle. […] Il y a plus : on peut, en thèse générale, soupçonner qu’il ne se trouvera plus guère, dans les chemins battus par l’école moderne, de fruits immédiats à cueillir, et que, si l’on a encore à courir quelque temps ainsi, ce n’est qu’en sortant de ce qui fait déjà ornière que l’imprévu recommencera. […] Lorsqu’il y a un ou deux ans, le prince Metcherski publia ses ingénieuses poésies, tout empreintes du cachet romantique le plus récent, je ne sais quel critique en tira grand parti contre la façon moderne, et affirma qu’on n’aurait pas si aisément contrefait la muse classique ; c’est une sottise. […] Aimé de Loy a eu également plus de sensibilité que de style ; il est de cette première génération de poëtes modernes qui n’a pas dépassé la première manière de Lamartine, et sa plus grande gloire, il l’a certainement atteinte le jour où une pièce de vers, signée de ses initiales A. […] Plus d’un de nos modernes poëtes, depuis 1828, a usé du procédé ; on a même abusé de ces petits vers durs, qui sont les cailloux du courant.
On découvre sans peine que la société moderne lui est redevable de ses principales améliorations. […] Autant vaudrait préférer les tranchantes affirmations de la vieille science, qui n’était jamais embarrassée, aux prudentes hésitations et aux fluctuations de la science moderne. […] L’oscillation, au contraire, est le caractère du développement véritablement humain, et les constitutions modernes sont conséquentes quand elles se posent des termes périodiques auxquels elles peuvent être modifiées. […] Dans l’Europe moderne, un homme, plutôt que de mourir de faim, trouve plus simple de prendre un fusil et d’attaquer la société, guidé par cette vue profonde et instinctive que la société a envers lui des devoirs qu’elle n’a pas remplis. […] ORGANISER SCIENTIFIQUEMENT L’HUMANITÉ, tel est donc le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse mais légitime prétention.
Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. […] On se nourrit des anciens et des habiles modernes, on les presse, on en tire le plus que l’on peut, on en renfle ses ouvrages ; et quand enfin l’on est auteur, et que l’on croit marcher tout seul, on s’élève contre eux, on les maltraite, semblable à ces enfants drus et forts d’un bon lait qu’ils ont sucé, qui battent leur nourrice. Un auteur moderne prouve ordinairement que les anciens nous sont inférieurs en deux manières, par raison et par exemple : il tire la raison de son goût particulier, et l’exemple de ses ouvrages. […] Quelques habiles prononcent en faveur des anciens contre les modernes ; mais ils sont suspects et semblent juger en leur propre cause, tant leurs ouvrages sont faits sur le goût de l’antiquité : on les récuse. […] Balzac, pour les termes et pour l’expression, est moins vieux que Voiture, mais si ce dernier, pour le tour, pour l’esprit et pour le naturel ; n’est pas moderne, et ne ressemble en rien à nos écrivains, c’est qu’il leur a été plus facile de le négliger que de l’imiter ; et que le petit nombre de ceux qui courent après lui, ne peut l’atteindre.
Rien ne peut remplacer l’audace et la franchise de vivre : aucune vertu ni aucun vice, aucune patience ni aucune finesse, aucune intelligence ni aucune délicatesse ne peuvent valoir le clair et libre accomplissement d’un acte naturel et libre, pas même l’art prodigieusement esthétique et raffiné auquel peut parvenir l’égotisme dans tous les mondes, et spécialement — selon l’intention de cet article — dans une partie de la jeunesse littéraire moderne. […] Panizza Poussé par un sentiment d’amertume à l’égard d’un groupe d’artistes, que je me permis de nommer, non sans flatterie pour eux, les Narcisse modernes, j’écrivis contre cette école bizarre un réquisitoire assez violent, dont un livre de vers m’avait fourni le thème. […] » C’est une grande surprise pour nous d’entendre, chez un moderne et chez un indépendant, l’écho d’un sophisme aussi vieux que le catholicisme. […] En renonçant à m’attaquer à la doctrine tellement surnaturelle du moderne « vierge et martyr », je me demande ce qu’il faut le plus admirer, du courage de celui qui écrivit un livre semblable au sien, ou de l’inépuisable sympathie de ceux qui eurent la constance de prendre pour autre chose que ce qu’elle est au fond, cette amusante comédie dont l’auteur est le seul personnage, et à laquelle il voudrait nous voir participer. […] Comme il y a loin pour moi de ceux que je viens de nommer, aux grands harmonieux, aux intellectuels-sensuels, aux plus grands des Grecs tout d’abord, et parmi les modernes, aux Shelley, aux Goethe et aux Whitman !
Seules les extériorités, chez elles, sont modernes, par le bénéfice du milieu : leur âme est ancienne. […] Ceux qui ont repoussé la Réforme ont par là refusé d’effectuer leur entrée dans le monde moderne. […] Nous constations tout à l’heure que les peuples latins sont demeurés en deçà du monde moderne. […] Il n’y aurait d’ailleurs en cette matière qu’à s’inspirer de l’éducation grecque, corrigée et complétée par les méthodes modernes de gymnastique. […] L’instant viendra fatalement où chacun, tour à tour, cessera de compter parmi les nations modernes.
On s’est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul, la liberté chez les modernes a été mise en péril. »7 D’un point de vue plus général, on pourrait aussi montrer que la Révolution française exprime un Bovarysme idéologique dont le mécanisme caché sera l’objet par la suite d’un complet examen, et qui, en la circonstance, a pour effet de substituer une réalité rationnelle à la réalité historique, de mettre le fait concret sous le gouvernement de l’idée abstraite. […] Il semble en effet difficile de faire honneur à l’antiquité, si pauvre sous ce rapport, de l’étonnant essor de l’esprit scientifique et il paraît plus équitable de voir, en cette manifestation de l’esprit où excellera l’humanité moderne, le fruit venu à maturité de la discipline et de l’ardeur intellectuelle du moyen âge. […] Pour ce qui est de l’art de construire, si une même disposition naturelle a permis à nos architectes d’accommoder en quelque mesure le goût antique aux besoins si différents des temps modernes et aux nécessités d’un autre climat, il est trop évident que c’en est fait, dès la Renaissance, de notre architecture religieuse.
Sans la mythologie, on n’entend rien aux auteurs anciens, aux monuments, ni à la peinture, ni à la sculpture, même modernes, qui se sont épuisées à remettre sous nos yeux les vices des dieux du paganisme, au lieu de nous représenter les grands hommes. […] Il y a la géographie ancienne et la géographie moderne : il n’en faut point faire des études séparées : il en coûterait si peu pour joindre au nom d’une ville ou d’une rivière celui qu’elle portait autrefois. […] On consultera, sur la géographie ancienne, Strabon, Ptolémée, Pomponius Mêla et surtout les ouvrages modernes de Cluvier, de Cellarius et de notre d’Anville.
Après Barthélemy, Choiseul-Gouffier et Chateaubriand, il aborde les augustes ruines de la Grèce et leur récrépissage moderne avec l’irrévérencieuse plaisanterie d’un enfant de Paris (pour ne pas dire un autre mot), et, comme ce gros obèse intellectuel d’allemand qui sautait par la fenêtre pour se faire vif, il saute, lui, en pleine ironie, — tenant infiniment, sans doute, à nous montrer qu’il sait, quand il le faut, s’éponger de sa science et s’alléger du pédantisme de ses études et de ses fonctions ! […] En effet, après avoir été surfait longtemps dans l’antiquité, le peuple grec a été surfait dans les temps modernes encore davantage. […] Pour donner une idée de cette indifférence à conclure, il raconte quelque part, avec une lestesse de plume et un faire de romancier moderne, l’histoire de cette femme à trois maris vivants qu’il appelle Jante, qui voyait la meilleure compagnie d’Athènes, et il ne tire pas une seule conclusion — une conclusion quelconque !
Que la philosophie moderne ait eu, à maintes reprises, mais surtout à ses débuts la velléité d’en changer, cela ne nous paraît pas contestable. […] La science moderne, comme la science antique, procède selon la méthode cinématographique. […] En quoi consista la première des grandes transformations de la géométrie dans les temps modernes ? […] Même, à l’envisager d’un certain côté, elle n’est qu’un prolongement de la métaphysique des modernes et une transposition de la métaphysique antique. […] Mais la science moderne roule sur des lois, c’est-à-dire sur des relations.
. — Les Joyeuses Commères de Paris, scènes de la vie moderne, avec G. […] zut alors, si Nadar est malade ; sous les décors bleus et autour des aquariums du moderne Parnasse, ce ne sont que gloussements et piaillements de toutes sortes ; mais le chant du rossignol est assurément devenu le plus rare de tous ; aussi l’hymne tendrement éploré de la nouvelle Philoméla a-t-il singulièrement stupéfié les premiers philistins qui l’ont entendu. […] Point de livret, une musique très distinguée et d’un tour parfaitement moderne. […] Catulle Mendès aborde un sujet moderne et accepte ainsi notre milieu contemporain, il a certainement tort de le faire sans modifier ses croyances. Dans un sujet moderne, l’idéal n’est plus le réel, et cet idéal devient un singulier embarras.
Il est pressé d’arriver aux modernes. Des deux fondateurs de la philosophie moderne, Descartes est le mieux traité. […] Il nous faut sacrifier résolûment, bien qu’à regret, tout ce qui dans l’histoire de la philosophie moderne sort de notre sujet, pour montrer seulement comment M. […] Il supprime l’esprit comme entité, et le réduit à une série d’impressions, ou, comme dirait la psychologie moderne, à une série d’états de conscience. […] Son voyage d’Allemagne, en 1824, lui fit connaître le moderne Proclus : Hégel, qu’il accommoda au goût du public parisien236.
Pour le jour de l’an prochain un ancien élève de l’École Centrale, cette nursery des vaudevillistes, vient de trouver un « numéro » plus compliqué, plus littéraire, plus moderne, moderniste même et tout à fait « couchant de siècle ». […] Avant six mois je compte lui prouver qu’un médiocre élève de sixième moderne peut écrire un lied comme Camille Mauclair.
Cela est si vrai que quand les modernes ont voulu faire quelques essais de culte naturel, ils ont été obligés de s’en rapprocher. […] Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ? […] L’esprit qui aspire à une haute culture réfléchie doit préalablement s’affranchir du catholicisme ; car il y a dans le catholicisme des dog-mes et des tendances inconciliables avec la culture moderne. […] La présence et le rôle essentiel de la femme dans nos sociétés modernes en est sans doute la cause. […] On aura beau faire, ces pratiques modernes ne seront jamais que niaises.
À propos des vers libres modernes, que nous n’entendons pas condamner en principe, mais dont les modalités diverses ne relèvent encore que du laisser-aller, disent les uns, ou que du pis-aller, disent les autres, on a reposé le fameux problème de la prose, des vers et de la poésie, — où finit celle-ci, où commence celle-là ? […] Le lecteur moderne est ce personnage. […] Et cette caution, c’est le savoir moderne. […] S’il n’est vraiment l’initiateur et le voyant, tel qu’il le fut aux temps passés, le poète n’a plus rien à dire aux temps modernes.
Mais l’esprit de parti et l’esprit moderne sont plus forts que tout, — l’esprit de parti et l’esprit moderne, qui ont furieusement usurpé leur nom et qui ne sont pas l’esprit du tout ! […] Henri de Lacretelle, en nous parlant beaucoup trop des amis de Lamartine, cette pâle constellation de médiocrités comme les hommes supérieurs en voient toujours rouler autour d’eux dans la vie, et l’esprit moderne n’oublie pas sa réclame, qui est le genre d’esprit de ce gros utilitaire ! […] Du moins, il en souffrit trop pour un poète qui devait savoir que l’aumône, déshonorée par l’infernal orgueil moderne, n’abaisse, dans un pays chrétien, que ceux-là qui ne la font pas !
Voici une des dernières lettres confidentielles d’un homme d’État qui a été le plus grand écrivain politique de l’Italie moderne tout entière. […] Nous sommes étonné qu’on ne mette pas le commentaire de Machiavel sur Tite-Live dans les mains de la jeunesse moderne qui se destine à la vie publique : ce serait un cours de sagacité. […] Le monde moderne n’a eu qu’une tête de cette force, Bacon ; nous vous le ferons connaître un jour. […] Que s’était-il passé de nouveau dans la Péninsule qui pût autoriser le monde moderne à dire au fantôme de l’Italie unitaire : Lève-toi et marche ! […] Ses ministres réformateurs et philosophes, tels que Tanucci et Acton, introduisaient dans la législation, dans l’administration, dans la marine et dans l’armée de son royaume, tout ce qui, dans les principes et dans les progrès modernes, n’offensait pas jusqu’à la révolte les mœurs féodales des provinces et les superstitions du bas peuple de la capitale.
Je me gardais bien de l’interrompre ; je me contentais de voir éclore ainsi le premier ces pensées pétrifiées qui allaient ravir d’admiration le monde moderne. […] « C’est à la forme humaine que semble empruntée cette symétrie, qui n’est pas la symétrie froide de notre architecture classique moderne ; c’est à la forme humaine sans doute, bien plutôt qu’à la nature inanimée, que les architectes grecs ont dû la pensée de ces courbes dont j’aurai plus tard à parler, et qui corrigeaient par je ne sais quoi d’organique la sécheresse de la géométrie. […] Ce moment-ci y ressemble en Europe, et surtout en France, cette Athènes vulgaire des temps modernes. […] LV L’inégalité de l’éducation et de la lumière est le grand obstacle à notre civilisation complète moderne. […] Ce n’est plus ainsi ; voilà pourquoi la démocratie, nécessaire en droit, semble impossible encore en fait dans les grandes populations modernes.
À ce point de vue, les tisseurs de Kachemyr sont les plus grands peintres modernes. […] Au lieu de vêtir le costume moderne et de prendre la tunique blanche des lévites, elle s’est affublée de toges usées et de pourpoints troués au coude. […] Si jamais un gouvernement sage et ami des lettres forçait ces bonnes gens à s’occuper des choses modernes et de notre temps « fertile en miracles », ils demanderaient une indemnité et prétendraient qu’on leur arrache le pain de la bouche. […] — À ce que la littérature n’a point encore osé aborder les œuvres modernes et réellement vivantes. […] Nous avons tout ce qu’il faut devant nous ; l’arsenal des temps modernes est bien garni, et les armes y sont assez riches pour que nous daignions les prendre et nous en servir.
C’est toujours un étonnement pour moi, je l’avoue, de voir qu’un esprit aussi supérieur que Fontenelle n’ait pas mieux compris, tout berger normand qu’il était, qu’en ce parallèle des anciens et des modernes il y avait des genres dans lesquels les anciens devaient presque nécessairement avoir la prééminence, quelle que fût la revanche des modernes sur d’autres points. […] Y eut-il là entre le jeune prince et le poëte une de ces confraternités d’études aussi puissantes dans l’antiquité que dans les temps modernes ? […] Bien des poëtes modernes ont rendu ce déchirant contraste : les anciens, sous d’autres formes, arrivaient aux mêmes pensées. […] nous ne sommes pourtant pas si loin encore de l’amour moderne, toutes les fois que cet amour se rencontre (ce qui est rare) dans toute son énergie et sa franchise. […] Ce même sentiment qui est celui de la puissance et du triomphe définitif du talent, je le retrouve chez quelques modernes qui sont de la grande famille aussi.
Les poëmes modernes n’étoient pas jugés plus susceptibles d’instruire. […] Les modernes, qu’on eût pu leur opposer avec raison, furent ceux qui se déclarèrent le plus fortement pour l’antiquité. […] Les modernes n’eurent en général, pour eux, que la voix & la plume des auteurs décriés, ou du moins médiocres. […] En Italie, le célèbre Paul Béni tenoit pour les modernes, & ne voyoit rien de comparable à Guichardin, au Dante, à l’Arioste & au Tasse. […] L’amour de la patrie ne les aveugla point, comme il arrive quelquefois chez les nations modernes.
Mais l’imperfection des instruments modernes de l’Heuristique n’a rien de nécessaire. […] Madvig, cependant, n’avait pas une haute opinion des travaux de la philologie moderne. […] Des érudits modernes (M. […] Qu’est-ce que le groupe des gens parlant grec, le groupe chrétien, le groupe de la science moderne ? […] Les historiens seront alors obligés de se replier de plus en plus sur les périodes modernes.
Elle se moque d’une de ces critiques qui porte à la fois sur la conduite d’Hélénus, d’Hector et de Diomède, qu’Homère donne pour sages et qui, au moment même, se seraient emportés comme des imprudents : « Voilà un beau coup de filet pour M. de La Motte, dit-elle assez gaiement, d’avoir pris en faute trois héros d’Homère tout à la fois. » Quand elle en vient au travestissement en vers qu’il a donné de l’Iliade, elle en fait ressortir tout le chétif et l’indignité ; elle montre très bien, par exemple, que les obsèques d’Hector, exposé sur un lit dans la cour du palais, avec l’entourage lugubre des chanteurs et les gémissements de tout un peuple de femmes qui y répondent, sont devenues chez M. de La Motte quelque chose de sec et de convenu : « On croit voir, dit-elle, un enterrement à sa paroisse. » Mais ces traits d’esprit, que Mme Dacier oppose à ceux de l’adversaire, se mêlent trop d’images, de comparaisons et de citations qui juraient avec le goût moderne. […] Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison. Jamais on n’a exprimé la confiance moderne marchant droit devant elle en toute matière, avec plus de résolution et plus d’intrépidité que l’abbé Terrasson. […] — Mais imaginez cependant la gaieté des espiègles modernes et des irrévérents mondains lorsqu’ils virent les partisans de l’Antiquité aux prises entre eux et ne pouvant s’accorder sur le sujet même du poème qu’ils offraient comme modèle à l’admiration et à l’imitation de tous. […] Mme de Staal de Launay, dans ses ingénieux Mémoires, a immortalisé cette petite scène de raccommodement qui eut lieu à souper, le 5 avril, dimanche d’avant Pâques de 1716 : ce jour des Rameaux n’était pas choisi sans dessein pour le pardon chrétien des injures : Avant que je fusse à la Bastille, écrit Mlle de Launay, M. de Valincour m’avait fait faire connaissance avec M. et Mme Dacier ; il m’avait même admis à un repas qu’il donna pour réunir les anciens avec les modernes.
Je ne crois pas que si l’Université moderne avait eu à produire un échantillon d’elle-même, elle eût pu choisir un plus parfait modèle entre les élèves dont elle s’honore ; car il n’était pas comme d’autres également brillants, mais infidèles : il n’aspirait pas à en sortir. […] C’est le temps où Agrippa d’Aubigné savait quatre langues et traduisait le Criton de Platon « avant d’avoir vu tomber ses dents de lait. » Aujourd’hui les mœurs scolaires sont plus douces, et vos maîtres s’en applaudissent les premiers ; la place du grand fouetteur Tempête est supprimée dans l’Université, et le délicat Érasme vanterait les bons lits et la bonne chère de la jeunesse moderne. […] On peut être critique de bien des sortes : 1° sur des écrivains d’autrefois, sur d’anciens sujets qu’on traite et qu’on rajeunit sans les altérer et sans les fausser ; 2° sur des auteurs modernes et des sujets à l’ordre du jour. 3° On peut être un critique polémique encore, soutenant des luttes, débattant des questions contre des adversaires. 4° On peut être aussi critique dissertateur et moraliste, essayant de tirer de chaque sujet d’observation qui s’offre une moralité pratique, une leçon. […] Baour-Lormian est-il un sujet ancien ou moderne ? […] Le livre de la Querelle des Anciens et des Modernes m’a occupé autrefois, et je n’y reviendrai pas ici : il fut l’occasion, pour Rigault, d’un de ses grands succès.
Renan ; ses instruments sont analytiques, sa forme et son fond sont pour l’idéal et pour l’infini ; c’est un brahme affilé jusqu’aux dents de la science moderne et qui en use, mais qui a gardé sur son front et dans son processus quelque chose de l’empreinte originelle. […] Dans son beau livre sur Averroès, sur ce philosophe arabe dont le nom signifiait et représentait, bien qu’à tort, le matérialisme au Moyen-Age, il a parlé excellemment de Pétrarque, de ce prince des poëtes et des lettrés de son temps, qu’il proclame le premier des hommes modernes en ce qu’il a ressaisi et inauguré le premier le sentiment de l’antique culture, et « retrouvé le secret de cette façon noble, généreuse, libérale, de comprendre la vie, qui avait disparu du monde depuis le triomphe des barbares. » Il nous explique l’aversion que Pétrarque se sentait pour l’incrédulité matérielle des Averroïstes, comme qui dirait des d’Holbach et des Lamettrie de son temps : « Pour moi, écrivait Pétrarque cité par M. […] Ferrari, s’arrêtant sur le rôle et la fonction historique de la Rome moderne, et cherchant en vain à se la représenter sous une figure nouvelle digne de son passé, il va jusqu’à la vouer à jamais à la destinée mélancolique et pittoresque de gardienne des tombeaux ; il est poëte et peintre à outrance ce jour-là, ni plus ni moins que Chateaubriand : « Pour moi, s’écrie-t-il, je ne puis envisager sans terreur le jour où la vie pénétrerait de nouveau ce sublime tas de décombres. Je ne puis concevoir Rome que telle qu’elle est, musée de toutes les grandeurs déchues, rendez-vous de tous les meurtris de ce monde, souverains détrônés, politiques déçus, penseurs sceptiques, malades et dégoûtés de toute espèce ; et si jamais le fatal niveau de la banalité moderne menaçait de percer cette masse compacte de ruines sacrées, je voudrais que l’on payât des prêtres et des moines pour la conserver, pour maintenir au-dedans la tristesse et la misère, à l’entour la fièvre et le désert. » Un des plus avancés d’entre les esprits modernes, et des plus voués à l’idée du progrès quand même, M.
Ceux qui ne le connaissent que par ses savantes éditions des auteurs anciens, par ses belles éditions des classiques modernes, par les bijoux d’éditions d’Horace ou d’Anacréon, par sa traduction de Thucydide qu’il reprend et revoit à soixante-quinze ans avec la vigilance et les scrupules d’un helléniste consommé, ne s’imagineraient point aisément à quel point il est hardi, avancé, presque téméraire, pour les réformes qu’il propose d’introduire dans l’orthographe : et en cela cependant il n’est que logique et conséquent. […] Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants. […] Ce ne fut qu’à la troisième édition de son Dictionnaire, celle qui parut en 1740, que l’Académie se fit décidément moderne et accomplit des réformes décisives dans l’orthographe. […] Mais ce ne fut que dans la cinquième édition, publiée de nos jours, en 1835, que l’innovation importante, déjà admise par la généralité des auteurs modernes, trouva grâce aux yeux de l’Académie, et que la réforme prêchée par Voltaire fut consacrée. […] Et, par exemple, si je veux définir la manière de tel historien moderne qui, à force de dramatiser l’histoire, l’a énervée ; qui, en peignant les hommes de la Révolution, les a décrits dans un détail minutieux et impossible, comme Balzac fait pour ses héros de roman ; si, parlant de cet historien, je dis : « L… (Lamartine), dans son Histoire de la Révolution et dans les scènes qu’il y retrace, ne se contente pas d’exciter les sentiments de pitié ou d’indignation, il ébranle les nerfs ; il ne se contente pas d’émouvoir, il veut émotionner » ; — eh bien !
« Je ne rencontre, disait-il, que des gens qui veulent me ramener à des opinions que je professe, ou qui prétendent partager avec moi des opinions que je n’ai pas. » … « Je plais, a-t-il dit encore, à beaucoup de gens d’opinions opposées, non parce qu’ils m’entendent, mais parce qu’ils trouvent dans mon ouvrage, en ne le considérant que d’un seul côté, des arguments favorables à leur passion du moment. » L’entreprise originale de M. de Tocqueville a donc été de considérer la démocratie comme un objet, non de démonstration, mais d’observation, et si l’on veut repasser dans son souvenir les noms des plus grands publicistes modernes, on verra qu’il n’y en a pas un qui ait eu cette idée et qui ait accompli ce dessein. […] Quant à Montesquieu, le plus grand observateur politique des temps modernes, il n’a vraiment étudié de près que deux grandes formes politiques, la monarchie et le gouvernement mixte. […] On n’a pas assez remarqué que sur les républiques anciennes ce sage politique a exactement les mêmes idées que Mably et que Rousseau : ce qu’il appelle la république n’est pour lui qu’un rêve des temps antiques ; il n’a eu aucun pressentiment de la démocratie moderne. […] Les démocrates modernes parlent sans cesse de la foi démocratique, de la religion démocratique. […] M. de Tocqueville, l’un des premiers, sinon le premier, a soutenu à la fois ces deux principes : que la démocratie est la forme nécessaire de la société moderne, et que la démocratie doit avoir pour bases et en même temps pour limites toutes les libertés.
) Vous ne bâtissez pas des églises pour le plaisir de faire des églises, vous ne faites pas de pèlerinage pour le plaisir de faire des pèlerinages ; vous cherchez à faire la guerre à l’esprit moderne. […] Mais la question n’était pas serrée d’assez près ; il ne suffisait pas de démontrer l’opposition radicale et inéluctable du monde moderne et de l’Église : il aurait fallu en analysant à fond le projet de loi et la formule du « Vœu national », démontrer avec la même éloquence et la même justesse ce que nous allons tâcher d’exposer. […] L’adhésion d’une partie du clergé à la République n’a d’autre but que de ressaisir, par une feinte concession au monde moderne, la direction des consciences qui se dérobent lentement à son étreinte glaciale. […] Adhérer encore une fois à ce symbole de réaction et d’antique servitude spirituelle, ce serait raturer l’immense effort de la pensée moderne pour son indépendance, souffleter l’humanité qui se lève, consciente de sa force, rejetant une à une toutes les pesantes et funèbres défroques d’erreur. […] L’Église en accaparant le sommet de la colline, en y élevant un emblème de sa domination sur les cerveaux et sur les consciences, y a imprimé le cachet de laideur dont sont marquées toutes ses manifestations modernes.
Il connaît la vie et la vie moderne, lui qui souvent, dans ses romans, nous en a exprimé les passions, les ridicules et les vices. […] Il l’a mêlée même à des choses modernes, que, polémiste autant qu’historien (le polémiste de Jésuites !) […] Mais telle que la voilà, cette histoire, avec son échevèlement dramatique « l’orateur et ces trouées dans le monde moderne, — ce monde moderne qui marche à toute minute sur le cœur chrétien de Féval et le fait crier ! […] La critique moderne n’en conviendra pas. La critique moderne, qui sourit de l’histoire universelle et providentielle de Bossuet, aura pour l’auteur des Merveilles du Mont Saint-Michel le même sourire.
On est au courant de la pensée moderne, les cerveaux sont pénétrés de la philosophie panthéiste. […] Le jour approche où l’on apprendra la vaillance de ce héros moderne qui, lui surtout, a su mener une « Vie de Cristal » et qui ne s’est pas contenté de s’écrier « de la lumière ! […] Nourri de la science moderne, il voulait chanter la descendance des races sur la terre, évoluant et se métamorphosant, dans la tempête des éléments. […] Toujours séduit par les problèmes de la sélection et de l’hérédité des espèces, il se tourna vers la vie moderne. […] Il semble avoir été confirmé, vérifié par les récentes découvertes de la science moderne.
Or en italien, grâce à Dante et à la faculté qu’a tout poëte moderne de se rapporter à ces hauts exemples et de s’élever au-dessus du niveau du jour, la poésie a gardé son rang suprême, ou du moins elle le recouvre toutes les fois qu’un vrai poëte se rencontre. […] Les poëtes anciens (et peut-être en est-il ainsi dans quelques langues modernes autres que la française) ont eu à manier une étoffe bien plus disposée pour la poésie, ils ont trouvé plus aisément sous leurs doigts ce tissu des saintes mélodies que déployait Homère pour parler avec André Chénier.
Vérités fondamentales : 1º Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes : ainsi, avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes. […] 3º Les costumes modernes conviennent peu aux arts d’imitation : mais le culte catholique a fourni à la peinture des costumes aussi nobles que ceux de l’antiquité130.
La Dame aux camélias est un roman de mœurs modernes. […] C’était le costume et le décor de la vie moderne. […] Il le restera, alors même qu’il sera le plus profondément engagé dans le courant moderne. […] C’est ce qui rend la vie moderne si pénible et si âpre. […] « Le moderne, tout est là !
Turquety a cherché à se créer un rôle propre parmi les poètes modernes ; retiré dans sa Bretagne, il a consulté les graves et habituelles préoccupations d’une vie monotone que les seuls rayons mystiques éclairaient parfois. […] Ses beaux volumes, magnifiquement imprimés, ne le sont pas à ses frais (chose rare parmi les poètes modernes). […] Un sentiment évangélique et chrétien les a inspirés, en effet, non sans mélange toutefois d’un certain humanitarisme moderne, d’un certain culte optimiste et confiant de la création et de la nature, qui fait songer à Jocelyn et qui l’a précédé : Ô Nature, immense Évangile Que rien ne saurait altérer !
. — Poèmes antiques et modernes (1826-1837) […] Il y avait en lui du prêtre ; il avait tout l’hiératisme qui peut entrer dans une âme moderne, la conscience du sacerdoce qu’exerce l’intelligence. […] Il se retira « dans sa tour d’ivoire », et là, sur le plus haut degré, l’œil baigné de ciel, il continuait son œuvre ; il écrivait les Destinées, poèmes philosophiques plus graves peut-être encore, plus sévères que les Poèmes antiques et modernes.
Vers le commencement de l’année 1735, il obtint un privilège du roi pour faire des observations sur les écrits modernes. […] C’est dans ces écrits périodiques que Desfontaines a paru aux yeux de ses partisans l’Aristarque de nos jours : c’étoit à leur gré un critique judicieux, qui avoit le tact sûr, avec un talent singulier pour saisir les beautés & les endroits foibles d’un ouvrage ; pour les présenter au public dans leur vrai point de vue, pour les lui présenter d’une manière élégante & enjouée ; un observateur qui mettoit de l’intérêt dans les moindres choses, qui sçavoit l’art d’amuser & d’instruire, de fondre habilement, dans l’occasion, toute cette érudition qu’il avoit puisée dans les meilleurs écrivains anciens & modernes. […] Cet excès de vengeance ne fut, dit-on, qu’une réponse au Préservatif ou Critique des Observations sur les écrits modernes.
Je l’ai dit, et avec assez d’insistance, c’est un esprit très politique et très moderne, et l’histoire du temps de Philippe II n’est pas que politique ; elle est, avant tout, religieuse. […] C’est, en effet, pour cette Cause sacrée que le XVIe siècle combattit… malheureusement avec toutes armes, mais c’est précisément le fanatisme de cette Cause, — à qui tant d’écrivains ont imputé toutes les horreurs du temps, — c’est ce fanatisme religieux, dont l’indifférence d’un esprit moderne et sans croyance et froidi par l’étude des faits s’est tranquillement détournée, c’est ce fanatisme, qui, lui seul, a pourtant arraché le XVIe siècle à l’outrage mérité du genre humain, et qui l’a sauvé du mépris absolu de l’Histoire ! […] Henri IV n’a pas le fanatisme religieux qui fut la plus honorable passion du XVIe siècle, et pour cette raison, qui n’est pas la seule, du reste, mais qui est la plus puissante, il est peut-être la seule figure de son histoire qui soit entièrement sympathique à Forneron, l’écrivain politique de ce temps, qui, au temps de Henri IV, se serait certainement rangé dans le parti des politiques, qui mirent fin à la guerre civile et tirèrent de la vieille Constitution de la monarchie catholique, qui avait été la monarchie française, une monarchie d’un autre ordre, — la monarchie des temps modernes.
Or, ce qui est vrai de tant de grands hommes, ce qui est vrai de Charlemagne et de Cromwell, sera peut-être vrai longtemps encore du plus grand homme des temps modernes : de Napoléon. […] Elle s’imaginait que l’Empire et l’Empereur étaient un accident, quelques coups de canon, un passage, la grande aventure des temps modernes, et rien de plus. […] Mettre le trait d’union qui conserve entre l’ancienne France monarchique, brisée par la Révolution, et la France moderne, qui mourait si elle ne redevenait pas une monarchie ; ôter cette proie à la Révolution, retrouvée sans cesse aux pieds de son œuvre pendant qu’il relevait et qui lui gêna tant de fois la main, quoiqu’il l’eût puissante, telle fut l’entreprise de Napoléon.
Il n’y a chez lui rien de moderne, et croire à une imitation, à un pastiche gothique, ce serait se tromper gravement. […] C’est cette veine de langage qui leur déplaît dans les poètes modernes en général et chez Hugo en particulier. […] Ne pouvant porter tout à fait le costume de son talent, il essayait de modifier l’affreux habit moderne. […] L’Allemagne le connaissait et l’applaudissait ; on le nommait parmi les grands maîtres modernes. […] On peut dater d’André Chénier la poésie moderne.
La leçon des Lamentations de Jérémie porte un caractère particulier : elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paraît hébraïque ; car il ne ressemble point aux airs grecs du plain-chant. […] Au reste, en ne parlant que des chants grecs de l’Église, on sent que nous n’employons pas tous nos moyens, puisque nous pourrions montrer les Ambroise, les Damase, les Léon, les Grégoire, travaillant eux-mêmes au rétablissement de l’art musical ; nous pourrions citer ces chefs-d’œuvre de la musique moderne, composés pour les fêtes chrétiennes, et tous ces grands maîtres enfin, les Vinci, les Leo, les Hasse, les Galuppi, les Durante, élevés, formés, ou protégés dans les oratoires de Venise, de Naples, de Rome, et à la cour des souverains pontifes.
La troisième, où « donner vie aux idées modernes, selon la science, sur l’avenir des mondes et de la Vie » : donc, philosophique et sociologique. […] Léon d’Orfer me fait remarquer que le clan Kahn et Cie, vous « oubliera » probablement dans le « Salon de la Revue Moderne ! […] D’elle désormais, la moderne langue littéraire est le plus sûrement déterminée). […] Taine a prévu la possibilité d’une Métaphysique moderne, il faut convenir que M. […] René Ghil, dont la curieuse influence sur la poésie moderne est indéniable ».
Il trouvait que le tout était fortement mêlé de vers à la moderne, à la Victor Hugo ; il me citait, par exemple, cette apostrophe de Brutus qui se dit à lui-même de dissimuler encore : Noble sang des aïeux, qui me gonfles le cou, Redescends, indigné, dans les veines du fou ! […] A toutes ces critiques je répondais peu ; il y avait du vrai dans ces objections ; ce que j’aurais pu surtout répondre à l’avantage de ce classique moderne, de ce néoclassique opposé à l’ancien classique tout francisé et plus effacé, je ne l’osais trop par condescendance, et parce qu’il aurait fallu dire qu’il y avait là derrière un nouveau Malherbe nommé André Chénier.
Depuis Voltaire, on a trop oublié l’esprit, en poésie ; M. de Musset lui refit une large part ; avec cela, il eut encore ce qu’ont si peu nos poëtes modernes, la passion. […] Sa Nuit de Mai restera un des plus touchants et des plus sublimes cris d’un jeune cœur qui déborde, un des plus beaux témoignages de la moderne Muse.
J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique. […] Nous saurons maintenir la tradition de l’esprit moderne et contre ceux qui veulent ramener le passé et contre ceux qui prétendent substituer à notre civilisation vivante et multiple je ne sais quelle société architecturale et pétrifiée, comme celle des siècles où l’on bâtit les Pyramides.
Et en effet, les « races » de l’Europe moderne ne représentent que des formations historiques, dont les littératures ne sont pas tant l’expression que l’un des multiples « facteurs ». […] Enfin, — et par rapport à la rapidité de succession des idées ou des formes d’art dans nos littératures modernes, dans nos littératures contemporaines surtout, — l’immobilité de la littérature du Moyen Âge en fait un dernier caractère. […] C’est ce que ne sauront pas ceux qu’on verra plus tard s’en moquer, ni peut-être ceux qui, de nos jours, essaieront d’en faire sortir les commencements du théâtre moderne. […] VIII. — Les Mystères 1º Les Sources. — Onésime Leroy, Études sur les mystères, Paris, 1837 ; — Charles Magnin, « Les origines du théâtre moderne », Paris, 1846, 1847, 1858, Journal des savants ; — Édelestand du Méril, Les Origines latines du théâtre moderne, Paris, 1849 ; — Coussemaker, Drames liturgiques, Rennes, 1860 ; — Léon Gautier, « Les origines du théâtre moderne », dans le journal Le Monde, 1873 ; et Les Tropes, Paris, 1887 ; — Marius Sepet, Le Drame chrétien au Moyen Âge, Paris, 1877 ; — et Les Prophètes du Christ, 1878 ; — Petit de Julleville, Les Mystères, Paris, 1880 ; — A. d’Ancona, Origini del teatro in Italia, Florence, 1872 ; — W. […] Les meilleures éditions modernes sont celles de Mlle Dupont, Paris, 1840 ; — et l’édition Chantelauze, Paris, 1881.
C’était la première fois qu’un poète dramatique, parmi les nouveaux et les tout modernes, montait résolument à l’assaut et s’emparait du théâtre pour y planter son drapeau comme sur une brèche ; mais ce drapeau ainsi planté hardiment et avec témérité, en lieu si escarpé et si abrupt, tiendrait-il ? […] Magnin fût pour cela un archéologue, un connaisseur direct en fait de monuments, de statues, de morceaux de sculpture et d’architecture antiques ou modernes ? […] Quant au drame moderne et aux dernières productions de l’école romantique au théâtre, l’interruption de quelques années que M. […] comment a commencé et a repris le théâtre moderne ? […] Le drame moderne n’a guère rien à faire là dedans.
Mais elle a des origines plus modernes et tout immédiates. […] Au moment où Fénelon dut écrire la lettre à l’Académie, la querelle des anciens et des modernes s’était réveillée : les deux partis en appelaient à lui ; il lui fallut bien en parler. Désireux de plaire à tout le monde, il proposa une dizaine de raisons pour et contre l’une et l’autre opinion, encouragea les modernes en approuvant les anciens, et finit par s’échapper sans conclure. Toute sa lettre concluait pour lui : partout il y citait les anciens pour les louer, les modernes pour les critiquer ; d’un bout à l’autre, elle exprimait l’impression de la supériorité des anciens. […] Ne pas oublier que ces Dialogues sont postérieurs à ceux de Fontenelle (1683), qui pourtant ont un air plus moderne.
. — Quel type moderne peut en donner l’idée. — Ses analogies avec la sublimité oratoire de Bossuet. […] Quoique très familière avec l’antiquité, elle n’y portait pas l’investigation méthodique et la pénétrante curiosité de la philologie moderne. […] À vrai dire, et pour faire notre aveu complet, même dans le grand siècle qui venait de finir, un seul homme nous semblerait avoir réuni en soi de tels dons et en offrir l’idée à l’homme de goût qui, n’ayant pas le temps de chercher Pindare dans sa langue, et ne le retrouvant pas dans nos versions modernes, voudrait à tout prix le concevoir et se le figurer par quelque frappante analogie, à peu près comme Saunderson, aveugle-né, voyait l’éclat de la pourpre dans le bruit retentissant du clairon. […] Par toutes ces préférences, Bossuet, le plus grand lettré, comme le plus grand inspiré des siècles nouveaux de l’Église, et le moderne du génie le plus antique, touchait intimement, sans le vouloir, à cette poésie lyrique et gnomique, dont Pindare fut l’Homère. […] Une autre disposition encore rapprochait naturellement le langage de l’évêque moderne et celui du chantre thébain.
Il sait à fond les langues, anciennes, les langues modernes, les philosophies et les littératures ; il a la clef de tous les styles. […] Pourtant, on a beau être savant et d’une pénétrante intelligence, comme on est jeune, comme on a soi-même ses excès intérieurs de force et de désirs, comme on a ses convoitises et ses faiblesses cachées, il y a des illusions aussi que peuvent faire ces œuvres toutes modernes du dehors et qui s’adressent à la curiosité la plus récente ; on les voit comme les premières jeunes femmes brillantes qu’on rencontre et à qui l’on croit plus de beauté qu’elles n’en ont ; on leur suppose parfois un sens, une profondeur qu’elles n’ont pas, on leur applique des procédés de jugement disproportionnés, et on les agrandit en les transformant. […] Rigault nous donnait un ouvrage de littérature sur les anciens et les modernes, où l’origine du travail est entièrement dissimulée ; il est besoin de savoir qu’il y a eu là-dessus débat, conflit, soutenance en Sorbonne, comme disent les gens du métier ; à simple lecture on ne s’en douterait pas. […] ce serait La Fontaine. — Un jour que, devant une toile de Raphaël, un de nos peintres modernes, grand esthéticien encore plus que peintre, homme à vastes idées et à plans grandioses, avait développé devant quelques élèves une de ces théories sur l’art chrétien et sur l’art de la Renaissance, où le nom de Raphaël sans cesse invoqué sert de prétexte, il se retourna tout d’un coup en s’éloignant, et, en homme d’esprit qu’il est, il s’écria : « Et dire que s’il nous avait entendus, il n’y aurait rien compris ! […] Nous aurons à le suivre dans son Essai sur Tite-Live et dans son livre sur les philosophes modernes.
Il y a des genres qui sont à l’état d’arbustes dans l’Antiquité et qui ne sont devenus des arbres que dans les temps modernes. […] Qu’on me laisse un moment parler de ce roman ancien, le seul ou presque le seul que nous ait légué la littérature latine (car le livre de Pétrone n’est pas un roman proprement dit), qu’on m’en laisse parler comme je le ferais de tel ou tel de nos romans modernes. : il les vaut bien. […] Il ne tarde pas à engager l’affaire qui marche vivement ; et ici se trouvent des scènes d’amour telles que les Anciens osaient les peindre ; les savants et les critiques érudits modernes qui ont à en parler font d’ordinaire les dégoûtés en public, et ils s’en donnent à lèche-doigt dans le cabinet. […] Psyché est devenue pour les modernes un de ces thèmes à éternelles variations, où se sont joués et complu bien des talents, bien des pinceaux. […] Chez les modernes, il s’est développé avec ampleur et puissance dès la première formation d’une société polie ; il a été l’un des grands instruments de l’éducation au Moyen-Âge : qu’on se rappelle les longs romans si célébrés et si lus de la Table-Ronde.
J’ignore si la pièce qui m’a fait plaisir est susceptible d’être représentée à la scène ; je suis très-peu juge de la différence qui existe entre un drame fait pour rester écrit et un drame jouable ; un spectacle dans un fauteuil me suffît très-bien, à défaut d’autre : je m’attacherai donc ici simplement à un ouvrage d’esprit qui porte avec lui son caractère de distinction aisée et qui a un cachet moderne. […] Je n’essayerai pas d’approfondir le cas pour les grands fats historiques modernes ; mais, à première vue, je ne vois pas que les Lauzun, les Bonneval, les Richelieu soient si mal tombés en se mariant. […] Ce que j’aime surtout dans cette pièce dont le canevas est un peu artificiel et romanesque comme la plupart des canevas dramatiques, c’est que la sève moderne y circule et qu’on a bien affaire à des personnages de notre temps qui ont vécu et qui vivent. Herman, en présence du baron Fritz, ce beau-frère entiché de sa noblesse et des vieux préjugés germaniques, maintient lui-même le rôle du noble moderne converti aux idées du siècle : il répond à l’accusation banale d’être un déserteur de sa caste et de n’avoir ni foi ni principes : « Croyez plutôt, dit-il en parlant des Biron, des Custine, des La Fayette, qu’il a fallu une foi bien ferme à ces déserteurs qui, dans la solitude de leur conscience, se sont voués à la haine de ceux qu’ils abandonnaient, à la méfiance de ceux qu’ils voulaient servir, sans autre espoir que la justice tardive de la postérité. » Mais ce commencement de discussion entre Herman et Fritz est arrêté à temps par un-geste d’Emma qui n’entend pas que ses deux adorateurs, comme elle dit, combattent sur ce terrain, et qui les rappelle à l’ordre. […] As-tu oublié ma honte et ma douleur premières à ces fatals soupers où tu réunissais, au milieu des bacchantes, artistes, écrivains, compositeurs, poëtes, où chacun excellait en quelque chose, les uns types modernes de la beauté an’ique, les autres étincelants de saillies, servant aux convives leur esprit toujours présent, celui-ci sa verve satirique, celui-là son intarissable gaîté de sublime bohème ; saturnales du génie, vrai paradis du vice !
Joubert, c’était un Athénien touché de la grâce socratique : « Il me semble, disait-il, beaucoup plus difficile d’être un moderne que d’être un ancien. » Il était surtout un ancien en ce qu’il avait le sentiment calme, modéré ; il ne voulait pas qu’on forçât les effets, qu’on appuyât outre mesure. […] Sur Pigalle et la statuaire moderne opposée à l’antique, sur la peinture, on aurait, de lui, à citer des pensées du même ordre, des pages entières qui marquent à la fois très nettement en quoi il procède de Diderot et en quoi il s’en sépare. […] Joubert demande surtout aux modernes, c’est de ne pas insister sur leurs défauts, de ne pas verser du côté où ils penchent, de ne pas s’y jeter de toutes leurs forces. […] Par ce côté, il est un critique essentiellement moderne. […] Joubert n’est pas un classique, mais un moderne, et c’est à ce titre qu’il me paraît propre peut-être plus qu’un autre à donner de l’accent au bon conseil et à nous enfoncer le trait.
Il semble qu’entre les poètes français La Fontaine seul ait, en partie, répondu à ce que désirait Fénelon lorsque, dans une lettre à La Motte, cet homme d’esprit si peu semblable à La Fontaine, il disait : « Je suis d’autant plus touché de ce que nous avons d’exquis dans notre langue, qu’elle n’est ni harmonieuse, ni variée, ni libre, ni hardie, ni propre à donner de l’essor, et que notre scrupuleuse versification rend les beaux vers presque impossibles dans un long ouvrage. » La Fontaine, avec une langue telle que la définissait Fénelon, a su pourtant paraître se jouer en poésie, et donner aux plus délicats ce sentiment de l’exquis qu’éveillent si rarement les modernes. […] Plus loin, après avoir cité des strophes d’Horace sur la paix, Fénelon arrive à rappeler une stance de Malherbe : « Voilà l’antique, dit-il, qui est simple, gracieux, exquis, voici le moderne qui a sa beauté. » Comme cela est bien dit ! comme la proportion, la nuance du moderne à l’antique est bien observée, et comme on sent qu’il préfère l’antique ! […] Parmi les plaisanteries qu’on y rencontre, il en est quelques-unes qui ont trait à la querelle des Anciens et des Modernes, laquelle était alors flagrante au sein de l’Académie et qui se rallumait de plus belle, précisément quand la paix se signait en Europe. […] C’est de l’antique ressaisi naturellement et sans effort par un génie moderne, par un cœur chrétien, qui, nourri de la parole homérique, s’en ressouvient en liberté et y puise comme à la source ; mais il la refait et la transforme insensiblement, à mesure qu’il s’en ressouvient.
Les artistes des siècles passés mieux connus, je rapporterais la manière et le faire d’un moderne, au faire et à la manière de quelqu’ancien la plus analogue à la sienne ; et vous auriez tout de suite une idée plus précise de la couleur, du stile et du clair-obscur. […] Ajoutez à ces causes la dépravation des mœurs, ce goût effréné de galanterie universelle qui ne peut supporter que les ouvrages du vice, et qui condamnerait un artiste moderne à la mendicité, au milieu de cent chefs-d’œuvre dont les sujets auroient été empruntés de l’histoire grecque ou romaine. […] Pour bien saisir cette théorie très abstraite, il faut remarquer que ce que notre Platon moderne appelle ici l’ idée générale, le Platon ancien l’appellait la vérité ou le premier type. […] Ainsi la vérité, le type, l’idée générale de la beauté n’existe pas dans la nature ; le Platon ancien vous dira qu’elle existe dans l’entendement divin, le Platon moderne, que c’est un être idéal. […] C’est du plus habile d’entr’eux que le Poussin a dit qu’il étoit une aigle en comparaison des modernes, et un âne en comparaison des anciens.
Là, il a été moderne dans le vrai sens du mot, que les modernes actuels sont en train de fausser. Il a été moderne comme il faut l’être, et pas plus, et presque chrétien. […] » dit-il, avec un charmant rapport de vérité, et il ajoute excellemment, pour conclure une thèse soutenue avec une raison étincelante : « L’immense supériorité du monde moderne sur le monde antique, c’est, tout en gardant la beauté physique, de l’avoir reconciliée avec la beauté morale », et rien n’est plus vrai. […] Xavier Aubryet, dans cette plate société moderne, n’en a pas pris la platitude.
Voilà que tout à coup quelque chose s’en vint de Bretagne, un chant, — simple, avant tout, agreste et triste aussi ; car la poésie moderne, même celle qui vit aux champs et qui les aime, est vouée à d’indicibles et fatales tristesses. […] Georges Farcy, si ce n’est par la raison déplorable et déjà donnée de cet incroyable besoin d’être un lettré moderne, quand on est de naissance, et qu’on s’en vante assez, un poète breton ! Ainsi, dès Marie, dès son premier souvenir et son premier poème, le Breton s’interrompt dans Brizeux, et l’homme moderne, l’homme des langages les plus communs de ces temps, apparaît. […] Les gens de Paris l’avaient trouvé si agréablement Breton qu’il s’est dit, connaissant peu son monde du reste, qu’il allait leur donner de la Bretagne ancienne avec de la Bretagne moderne, puisque la moderne leur avait plu ; et il se mit à écrire en vingt-quatre chants son poëme épique et populaire intitulé Les Bretons.
On lui reproche La Guerre des dieux et on a raison ; mais les élégies restent, ces élégies sont un des plus agréables monuments de notre poésie moderne. » Fontanes, Projet de rétablissement de l’Académie française, 1800. […] Ici il n’a voulu que masquer sous des noms anciens le déplaisir tout moderne d’un amant qui sent sa maîtresse lui échapper aux approches de Pâques. […] Mais au moins aucun trait ne heurte et n’arrête ; ce qu’on ne saurait dire de bien des élégies plus modernes et passionnées de nos illustres romantiques. […] Il y a de lui quelques petites pièces qui seraient de parfaites épigrammes au sens antique : Vers gravés sur un oranger… Au gazon foulé par Eléonore… Réflexion amoureuse…, mais surtout les vers Sur la mort d’une jeune fille, le chef-d’œuvre des modernes épigrammes à inscrire sur une tombe : Son âge échappait à l’enfance ; Riante comme l’Innocence, Elle avait les traits de l’Amour.
En elles-mêmes ces théories n’ont rien d’aussi extravagant qu’on a dit quelquefois : dans l’ensemble, et pour l’essentiel, elles représentent assez bien ce qui s’est fait, même après Ronsard, ce qui lui a survécu pour être la substance et la forme de notre poésie moderne. […] On fera des sonnets, selon « Pétrarque et quelques modernes Italiens » ; de « plaisantes églogues, rustiques à l’exemple de Théocrite et de Virgile, marines à l’exemple de Sannazar, gentilhomme napolitain » ; de coulants et mignards hendécasyllabes, à l’exemple d’un Catulle, d’un Pontan et d’un Second ; des comédies et tragédies, dont on sait bien où sont les « archétypes ». […] Et c’est là, avec nos procédés de composition, le principal moyen de développement du français moderne. […] Ce que Villon seul avait fait en deux ou trois endroits, d’exprimer les plus intimes réactions de l’individualité au contact de la vie, de mettre par conséquent une sincérité sérieuse au fond de l’œuvre poétique, Ronsard et son école en firent la loi et comme l’essence de la poésie moderne.
Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots dont jouaient les uns, et que prenaient au sérieux les autres, que prenaient au sérieux tous les premiers ceux mêmes qui en jouaient. […] La Bruyère marque décidément l’ère nouvelle, et il inaugure cette espèce de régime tout à fait moderne dans lequel la netteté de l’expression veut se combiner avec l’esprit proprement dit, et ne peut absolument s’en passer pour plaire. […] Si j’en voulais donner une idée par quelque production moderne, je renverrais à la jolie fantaisie du Merle blanc, d’Alfred de Musset. […] Je compte bien, à propos des réimpressions modernes de nos classiques, me donner ainsi la permission de revenir de temps en temps sur ces auteurs d'autrefois qui, de tous, sont encore les plus vivants.
Trouver en sa langue les mots propres, et les expressions équivalentes à celles dont se sert l’auteur ancien ou moderne qu’on traduit : sçavoir leur donner le tour necessaire, pour qu’elles fassent sentir l’énergie de la pensée, et qu’elles presentent la même image que l’original, ce n’est point la besogne d’un écolier. […] Ils sont bien aises d’avoir l’occasion de réciter les vers du poëte ancien, pour les comparer avec les vers de l’imitateur moderne qui a voulu lutter contre son original. […] On peut s’aider des ouvrages des poëtes qui ont écrit en des langues vivantes, comme on peut s’aider de ceux des grecs et des romains ; mais je crois que lorsqu’on se sert des ouvrages des poëtes modernes, il faut leur faire honneur de leur bien, sur tout si l’on en fait beaucoup d’usage.
Passons à l’histoire moderne. […] La civilisation moderne est jeune, et la philosophie moderne encore plus. […] C’est donc de 1657 que date la philosophie moderne ! […] Histoire moderne : explication du seizième siècle par la philosophie de Descartes. […] La méthode psychologique a été mise au monde par Descartes, et elle n’abandonnera jamais la philosophie moderne, à moins que la philosophie moderne ne consente à s’abdiquer elle-même.
À cette première cause de l’infériorité de nos historiens, tirée du fond même des sujets, il en faut joindre une seconde, qui tient à la manière dont les anciens ont écrit l’histoire ; ils ont épuisé toutes les couleurs ; et si le christianisme n’avait pas fourni un caractère nouveau de réflexions et de pensées, l’histoire demeurerait à jamais fermée aux modernes. […] Quelle route historique, non encore parcourue, restait-il donc à prendre aux modernes ?
L’outil moderne est là. […] L’argent a émancipé l’écrivain, l’argent a créé les lettres modernes. […] Nous ne faisons que constater ce qui a lieu dans nos lettres modernes. […] Ce Jeoffrin est un héros moderne, comme l’appelle M. […] Tout l’art moderne est là.
Dans leur éclat qui ne ternit aucun mélange, ils sont les exacts reflets de l’âme moderne, et de ce qu’elle a eu de plus mystérieux, de plus sombre, de plus triste et de plus exquis. […] Les discuter sur ce point, c’est contester dès l’origine une des causes fondamentales par où ils existent, c’est presque mettre en question leur existence et celle de la poésie ou du roman modernes. […] Et, nos thèses ne seraient elles que de simples hypothèses, faut-il, en dépit de la doctrine philosophique moderne, les condamner en bloc, alors même qu’elles sembleraient et plausibles et fécondes ? […] La bonne foi cependant peut-elle être soupçonnée quand on voit le même système répandu, avec plus ou moins de persistance, chez tous les artistes modernes ? […] Ce sont là des tendances, bien en rapport sans doute avec son tempérament original, par contre bien peu conformes à la doctrine et aux principes vers lesquels semblent incliner ses romans modernes.
L’érudition moderne s’est efforcée de mettre ces poètes en leur milieu, dans leur époque ; avec raison, certes ; ce n’est pourtant qu’un commencement ; si l’on cherchait une fois les conflits de leur personnalité avec l’esprit et avec les formes de leur époque, j’ose croire qu’ils y gagneraient. […] Ceux qui, devant ces poèmes insipides, répètent que « le Français n’a pas la tête épique », obéissent encore au même préjugé des « genres » que Chapelain, s’attachent à une ombre, à un simulacre, et ne voient pas le roman, forme moderne de l’épopée. […] Par le merveilleux chrétien aussi bien que par la mythologie elle contredit au goût moderne et surtout à la vraisemblance si chère à l’esprit français. Était-il possible de renouveler cette forme dans un esprit moderne ? […] (et ce même Hervieu a fait pourtant un des meilleurs drames modernes : La Course du flambeau…) Le seul nom de Phèdre, ou Hermione, ou Néron, suffit à reconstituer toute la tragédie ; mais de quel caractère dépend l’intérêt d’une pièce moderne ?
[Revue de la littérature moderne (15 janvier 1892).] Alfred Mortier Dans tels poèmes, dans certains de ses contes, j’ai trouvé un artiste magnifiant ses pensées dans la forme large et belle d’un symbole en intime communion avec la nature profondément sentie et non à l’aide des artificiels joyaux dont parent l’idée tant de modernes poètes.
Son Discours sur la Poésie en général & sur l’Ode en particulier, ses Réflexions sur la critique, offrent un enchaînement de réflexions judicieuses, instructives, présentées avec grace & d’un ton séduisant dont il faut se défier dans quelques autres de ses Ouvrages, ceux, entre autres, où il veut prouver qu’on peut faire de bonnes Tragédies & de belles Odes en prose, ou détruire la supériorité des Anciens sur les Modernes. […] Ajoutons à ce passage ce que l’illustre Fénélon disoit de la Mothe, que son rang étoit réglé parmi les premiers des Modernes.
Dans la tragédie moderne, on a supprimé les chœurs, si nous en exceptons l’Athalie et l’Esther de Racine et l’Œdipe de Voltaire. […] Le grand Corneille répond à ces objections, que cet usage a été établi pour donner du repos à l’esprit, dont l’attention ne pourrait se soutenir pendant cinq actes, et n’est point assez relâchée par les chants du chœur, dont le spectateur est obligé d’entendre les moralités ; que, de plus, il est bien plus facile à l’imagination de se figurer un long terme écoulé dans nos entr’actes, que dans les entr’actes des Grecs, dont la mesure était plus présente à l’esprit ; qu’enfin la constitution de la tragédie moderne est de ne point avoir de chœur sur le théâtre, au moins pendant toute la pièce.
Il n’y a dans les temps modernes que deux beaux sujets de poème épique : les Croisades et la Découverte du Nouveau-Monde : Malfilâtre se proposait de chanter la dernière ; les Muses regrettent encore que ce jeune poète ait été surpris par la mort avant d’avoir exécuté son dessein. […] Or, c’est un autre principe de toute vérité, qu’il faut travailler sur un fonds antique, ou, si l’on choisit une histoire moderne, qu’il faut chanter sa nation.
Enfin le christianisme a produit l’honneur ou la bravoure des héros modernes, si supérieure à celle des héros antiques. […] Les poètes modernes ont tiré une foule de traits nouveaux du caractère chevaleresque.
Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle La marche que nous avons tracée ne fut point suivie par Carthage, Capoue et Numance, ces trois cités qui firent craindre à Rome d’être supplantée dans l’empire du Monde. […] Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.
Cousin ayant abandonné la chaire d’histoire de la philosophie moderne, un homme autrefois son disciple, aujourd’hui maître, et maître en apparence peu soucieux de se rattacher à l’école du traducteur de Platon, M. […] En voici le résumé : « Aujourd’hui les destinées de l’homme et de l’humanité s’agitent ; elles sont représentées par le pays qui a toujours marché à la tête de la civilisation moderne, en sorte que, si ces destinées peuvent être trouvées par la France, elles le seront pour l’Europe et pour le monde entier. […] « La science moderne, en fouillant cette terre, a découvert les restes informes de races d’hommes, d’espèces informes aussi, immenses ; … d’autres mondes, d’autres globes existent, auprès desquels celui-ci n’est rien… Les royaumes se succèdent et se détruisent ; une civilisation est remplacée par une civilisation.
Si nous concevons que l’esprit humain, dans sa légitime impatience et sa naïve présomption, ait cru pouvoir, dès ses premiers essais et en quelques pages, tracer le système de l’univers, les patientes investigations de la science moderne, les innombrables ramifications des problèmes, les bornes des recherches reculant avec celles des découvertes, l’infinité des choses en un mot, nous font croire volontiers que le tableau du monde devrait être infini comme le monde lui-même. […] Une conséquence de cette méthode fragmentaire et partielle de la science moderne a été de bannir de la philosophie la cosmologie, qui, à l’origine, la constituait presque tout entière. […] etc Il faudrait donc que le chercheur possédât l’ensemble de toute l’ethnographie moderne, dans ses parties certaines et hypothétiques, et les connaissances d’anatomie et de linguistique sans lesquelles l’ethnographie est impossible.
C’est peut-être celui de nos écrivains modernes qui a lu ces vieux auteurs avec le plus de fruit. […] L’Angleterre nous a donné l’idée d’une sorte d’ouvrages dont les copies se sont multipliées, le Spectateur, le Mentor moderne, le Babillard : productions remplies d’excellentes choses, dont Addisson donna l’idée & fit la plus grande partie ; mais qu’il faut lire en anglois ; car la traduction françoise est platte & languissante. […] Il y a plusieurs choses bien vues dans ce livre ; mais il y a aussi des paradoxes & quelques-unes de ces opinions modernes que tout le monde n’adopte pas.
Malheureusement, Hayem l’a énervé de métaphysique… C’est la métaphysique, et la plus mauvaise des métaphysiques, — la métaphysique moderne, qui donne l’égalité des choses apprises à la pensée et au style des hommes qui ont une valeur propre et qui devraient rester personnels, — c’est cette métaphysique générale qui noie tout, inféconde même quand elle a la prétention d’être positive, qui est le défaut capital du livre. […] III Tel donc est ce livre de l’Être social, au titre d’une grandeur trahie, écrit par un de ces esprits modernes qui n’est sûr de rien, et qui est adressé à des gens qui non plus ne sont sûrs de rien comme lui, — et pas même de la valeur de son livre. […] » Et, ailleurs encore, avec la conscience de la petitesse des temps présents, l’auteur de l’Être social affirme que la micrographie (logomachie moderne), qui nous perd dans les infiniment petits de la science totale, n’est que la nécessité du moment.
L’arbitrage et l’élite L’épanouissement du sens d’humanité et de solidarité au sein des nations modernes a produit ce résultat. indiscutablement grand : la fondation d’un droit international. […] Depuis la plus lointaine antiquité, la cité possédait un droit destiné à régler par la justice, substituée à la violence, les différends entre concitoyens A l’aube des temps modernes, lorsque l’esprit humain vint à prendre conscience de l’inter-dépendance des peuples, l’idée qu’il pouvait peut-être y avoir une justice, présidant aux rapports inter-nationaux, et par conséquent un droit dont ressortiraient les conflits entre « grands êtres » sociaux, germa dans les cerveaux d’élite. […] Mais le monde antique « fermé », sans lien réel avec l’en-dehors, ne pouvait adopter une conception qui suppose admise la solidarité entre nations et « la plus large des communautés. » Il semble qu’Henri IV, à l’aurore du monde moderne, conçut le premier l’idée d’une juridiction dont les États de l’Europe auraient à invoquer l’autorité, pour régler leurs conflits.
Dans le traité sur l’art et la Révolution (Leipzig, 1849), Wagner revient à la critique de l’art moderne ; mais déjà ses reproches reposent sur la claire voyance de l’art futur. […] Puis, critique de l’opéra et de la musique modernes : tous ces genres reposent uniquement sur l’Air, qui est, à l’origine, la chanson populaire et devient la mélodie, puis le duo ou l’ensemble. […] Le Maître raconte ses hésitations devant l’opéra moderne : c’est un genre italien, français, mais impossible aux Allemands, De ce dégoût pour l’opéra, naît en lui l’intuition de l’œuvre future. […] L’Art moderne (15 mars) : M. […] Article hardi, très agressif aux ennemis ou demi-ennemis de Wagner ; l’Art moderne est à l’avant-garde du mouvement wagnérien.
Dumas m’ont été un prétexte pour analyser plusieurs nuances de l’amour moderne et pour indiquer les perversions ou les impuissances de cet amour sous la pression de l’esprit d’analyse. […] Et c’est bien là, en effet, le bilan complet des sentiments, des inquiétudes et des tourments imaginés et subis par l’âme moderne. […] Leconte de Lisle et, en général, de tous les écrivains purement « artistes » (si moderne que soit d’ailleurs chez eux le fond de philosophie latente), il ne semble pas que M. […] La situation de cet Hamlet moderne, d’un caractère si décidé, et qui n’hésite d’ailleurs pas un instant sur son droit, cette situation est telle que d’abord, étant donné le caractère de ce personnage, elle n’implique chez lui qu’un assez petit nombre de sentiments et fort simples, dont la description sans cesse recommencée devient un peu monotone, et qu’en outre nous ne nous intéressons pas très fortement à ce qu’il éprouve. […] Sauf erreur, l’Hamlet moderne n’essayerait même pas de tuer son beau-père — surtout quand ce beau-père est le plus charmant des assassins, au point qu’on voudrait trouver, pour le lui appliquer, un mot plus doux.
M. de Maistre peint quelque part la science moderne « sous l’habit étriqué du Nord…, les bras chargés de livres et d’instruments, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur la route de la vérité, baissant toujours vers la terre son front sillonné d’algèbre ». […] Le soir des jours d’émeute, comme le soir des jours où il avait combattu de sa plume au National à côté de Carrel, il se reposait dans sa mansarde en préparant une édition d’Hippocrate, ou en traduisant les œuvres les plus importantes de la critique moderne, ou en rassemblant les matériaux de cet admirable Dictionnaire historique de la langue française qui sera, sans doute, un jour surpassé, si nous finissons le nôtre… Grandes et fortes natures de l’âge héroïque de notre race ! […] Ce furent ses renseignements qui fournirent à Colerus les traits de cette Vie admirable qui, bien plus que l’Éthique démontrée géométriquement, a fait de Spinoza un des saints de l’âge moderne. […] … » Sa foi ne fut nullement atteinte par l’affaiblissement des organes. « Dans les temps modernes, dit-il à la fin du morceau que je citais tout à l’heure et qui est en quelque sorte son testament philosophique, est survenu un grave événement d’évolution, qui n’est plus ni une hérésie ni une religion nouvelle. […] Il est bien vrai aussi que, dans la tourmente morale qui s’ensuit, plusieurs, renonçant aux doctrines modernes, retournent au giron théologique.
Chez les modernes, au Moyen Âge, il y eut un genre lyrique vrai, naturel et vivant. […] Là est l’écueil de l’ode moderne. […] Or, chez les modernes, à part de très rares circonstances, une telle réunion de sentiments, un tel accord sympathique n’a guère lieu que dans le genre de la chanson, à table et au dessert. […] Il sera toujours difficile de répondre à ce genre de plaisanterie, et même de n’y pas prendre part, lorsqu’on relit de sang-froid les odes, même célèbres, des modernes, où il entre tant d’emphase, de grands mots, d’images fastueuses, eu disproportion avec la réalité, et où il faut, pour se mettre au ton, imiter tout d’abord, en les récitant, ce qu’on a appelé le mugissement lyrique. « La poésie est tenue de faire ouvrir de grands yeux », répétait souvent le célèbre lyrique italien Chiabrera, le type des modernes Pindares.
Mais, je le répète, par suite de cet esprit d’intolérance que la philosophie (surtout dans les temps modernes) a toujours pratiqué à l’égard d’elle-même, bien des choses excellentes sont toujours menacées par les révolutions des systèmes, de même que les bonnes lois, indépendantes des systèmes politiques, sont cependant entraînées souvent par les révolutions des États. […] Sous ce rapport, les anciens sont supérieurs aux modernes ; ils ne sont point, comme ceux-ci, esclaves du systématique. […] Dans l’ordre de la pure philosophie, Leibniz, de tous les modernes est le plus près des anciens pour avoir uni le génie dans les systèmes à l’ouverture de l’esprit, et avoir recueilli le plus d’idées possible, sans les violenter pour les faire entrer de force dans un cadre artificiel et fermé : s’il n’a pas la grâce des Grecs, il en a la liberté. […] De ce défaut fondamental, commun à presque tous les philosophes modernes, naît une sécheresse et une sorte de pauvreté relative, lorsqu’on compare leurs œuvres à celles des anciens. Plus scientifique quant à la forme, la philosophie moderne est moins vraie que la philosophie antique : car la vérité ne se mesure pas à la rigueur apparente de la méthode, mais au don naturel qui nous la fait sentir et goûter.
Lyon aussi avait ses rhéteurs, et peut-être, avec un peu de bonne volonté, eût-on déjà pressenti en eux quelque chose de ces formes rondes, un peu molles, un peu émoussées, élégantes, qu’on reconnaît dans les périodes de tel écrivain lyonnais moderne (Ballanche, Camille Jordan, etc.). […] C’est du ve au Xe siècle que se fait le grand mélange, le travail sourd et comme le broiement d’où sortirent les idiomes modernes. […] Fauriel sur ces origines des langues modernes, et en tant qu’ils s’appliquaient à la langue et à la littérature des trouvères, nous ont été présentés d’une manière plus nette et plus vive, par un des anciens maîtres de cette école, M. […] La règle que se sont imposée ces modernes éditeurs a été, en général, de reproduire fidèlement le manuscrit qu’ils avaient sous les yeux : règle excellente, mais provisoire. […] Diez, de Bonn, qui s’est dès l’origine occupé des troubadours, a produit surtout de beaux et consciencieux travaux sur l’étymologie des idiomes modernes néo-latins.
La sculpture seule subsiste éternellement, parce que le marbre et le bronze sont éternels ; les vestiges de la sculpture antique que nous possédons ou que nous retrouvons tous les jours dans les deux patries du beau, l’Asie et la Grèce, sont des exemplaires de perfection devant lesquels pâlit l’art moderne. L’œil et l’esprit s’abîment d’admiration à la vue de ces marbres ; un groupe de Phidias détaché des bas-reliefs du Parthénon d’Athènes et transporté dans les musées de Londres par lord Elgin, ce missionnaire de l’art indignement calomnié, fait mesurer à l’esprit des distances incalculables entre la perfection de l’antiquité et la décadence des modernes. […] David, qui vient de mourir, génie plus romain que grec, n’a pas emporté son marteau ; de jeunes émules rêvent le beau moderne sur sa tombe, et le rêve dans l’art précède toujours le réveil. […] Mais elle n’entra en possession de tout son génie, de toute sa popularité, de toute sa gloire, qu’à l’époque où cette papauté elle-même, devenue puissance politique en Italie, régna avec toutes les pompes du trône universel des intelligences sur la catholicité, et, chose remarquable, la naissance de la peinture moderne à Rome coïncida avec la renaissance des lettres, de la philosophie et de la mythologie grecques à la cour des papes. […] Le christianisme eut avec les Médicis et Léon X son siècle de Périclès ; ce fut l’apogée de l’architecture moderne avec Bramante, de la sculpture avec Michel-Ange, de la peinture avec Raphaël et avec son école.
Le christianisme, qui a détruit la conception antique de la nation et de la patrie, s’est substitué chez les peuples modernes à cette grande culture nationale, et longtemps il y a suffi. […] Au premier réveil du libéralisme moderne, on put croire un instant que l’absolutisme ne reposait que sur la force des gouvernements. […] C’est pour cela qu’il faut juger tout autrement les persécutions de l’Église au Moyen Âge et dans les temps modernes. […] La mort de Jean Hus m’indigne déjà, car Jean Hus représentait l’avenir ; la mort de Vanini et de Giordano Bruno me révolte, car l’esprit moderne était déjà définitivement émancipé. […] Plaçons-nous encore à l’origine du rationalisme moderne.
Elle apparaît pour la première fois assez nettement chez le philosophe Anaximandre, dont les spéculations sur la nature contiennent à l’état d’ébauche quelques-unes des hypothèses les plus hasardeuses de la science moderne. […] Flint le développement chez les écrivains chrétiens jusqu’au seuil des temps modernes. […] L’antique Orient, c’est le monde immobile de l’infini ; la société gréco-romaine, c’est le développement de l’idée du fini ; la civilisation moderne, c’est l’expression du rapport entre le fini et l’infini. […] Barthélémy Saint-Hilaire, qui ne croirait avoir affaire à un moderne ? […] Aristote tient légitimement compte de ce qu’on pourrait appeler le moral des bêtes, et l’auteur distingué des Prolégomènes à la psychogénie moderne, M.
Le roman dit moderne mêle à la peinture des mœurs quelques prétentions de philosophie, d’ironie ou même de polémique. […] Marius-Ary Leblond ont étudié l’officier à travers le Roman moderne. […] Les livres modernes poussent au découragement, à la lassitude, ils décrivent avec complaisance l’universelle neurasthénie. […] C’est peut-être le plus féminin des romans modernes, le plus amèrement sincère, l’appel le plus désespéré qu’a jeté Mme Bertrand de Jarzé. […] Toute l’Espagne moderne avec son aspect bigarré, ses joies bruyantes et populaires, ses haines tragiques, revit ici.
Ces fragments de poésie primitive y restèrent, dit-on, ensevelis sous les vagues, jusqu’au règne plus moderne d’un souverain lettré qui les rendit au jour. […] Le drame indien finit comme finirait logiquement le drame chrétien, si le drame moderne, plagiat des littératures antiques, n’était pas plus véritablement païen qu’il n’est chrétien. […] X Il y a dans le théâtre indien, ajoutent les commentateurs, une singularité que n’offre aucun théâtre moderne, et qui atteste assez le prodigieux développement de l’éducation publique chez ces peuples, c’est que les personnages parlent plusieurs idiomes dans le même drame. […] Kalidasa, se rapprochant de la noble et douce pureté de Sophocle, n’a rien de cette dégénérescence, de cette vulgarité d’intrigues qu’Euripide semble emprunter d’avance au roman moderne plutôt qu’à l’antique épopée. […] Le scrupule des langues modernes jette un voile sur ces épanchements des deux époux.
Quelques Ecrivains modernes l’ont critiqué assez durement. […] Tous les défauts de nos tragiques modernes sont ingénieusement détaillés dans cette tirade agréable. […] Quel langage romanesque & prosaïque que celui de toutes nos Eglogues modernes ! […] Mais ces petites taches n’empêchent point qu’il ne soit le premier parmi les modernes, & qu’il n’ait surpassé les anciens. […] Mais celui de tous les fabulistes modernes qui s’est le plus distingué dans cette carriere, est M. l’Abbé Aubert.
Il n’est pas dénué de cette espèce d’avantage et de dédommagement qui semble revenir surtout aux œuvres modernes : il peint les mœurs modernes, les coutumes et costumes d’un temps ; il en est un témoignage. Le beau semble appartenir plus exclusivement à l’Antiquité : l’intérêt, la curiosité, l’expression fidèle et variée de tout ce qui se fait et de tout ce qui se passe sous nos yeux, sans aucune préoccupation de l’idéal, sont des parties plus volontiers réservées aux modernes : « Le vrai est ce qu’il peut, », semble être le plus souvent leur devise. C’est ainsi que le roman, le drame sont essentiellement plus modernes que le poëme épique et que la tragédie.
Des procédés, des instruments nouveaux, ont sans doute porté les sciences modernes à un degré qu’elles ne pouvaient atteindre autrefois. […] Les plus grands génies modernes ont regardé les anciens comme leurs maîtres. […] Une femme de nos temps modernes ne ressemble pas sans doute à la femme d’Ulysse. […] Ceux qu’avaient prévenus les plaisanteries de l’incrédulité moderne s’étonneront de leur erreur, en découvrant les beautés du système religieux. […] Voulez-vous mieux juger combien l’orateur moderne est faible ?
Ce sentiment-là, par rapport à la Grèce, ne se retrouve dans la littérature française que depuis l’école moderne. […] On voit dans la querelle des Anciens et des Modernes, où Racine et Boileau défendent Homère contre Perrault, combien il y avait peu, de part et d’autre, de sentiment vrai de l’antique.
Raffaëlli à Jersey ; l’entretien vint à porter sur les articles que l’on a pu lire dans la Vie Moderne ; ils se résumaient en somme en une prédilection marquée pour les peintres émotifs, si l’on peut dire ainsi, les peintres donnant une émotion de couleur, et pour leur représentant, M. […] « La critique du Salon dans la Vie Moderne, dit M.
C’est ce qui fait la beauté des temps chevaleresques, et ce qui leur donne la supériorité, tant sur les siècles héroïques que sur les siècles tout à fait modernes. […] Si au contraire vous chantez l’âge moderne, vous serez obligé de bannir la vérité de votre ouvrage et de vous jeter à la fois dans le beau idéal moral et dans le beau idéal physique.
La vie seule de Raimond Lulle est un sujet magnifique, où tout ce qui concerne cette question, obscure et brillante tout à la fois, de l’illuminisme, que la science n’a pas encore osé poser, mais qui attire et qui tourmente l’imagination moderne, trouverait aisément sa place. […] On reprend, en la fortifiant des découvertes des sciences naturelles, la thèse spiritualiste et religieuse du Moyen Âge, qui, en face de la science de Dieu, dressait, avec sa logique catholique, la science du diable, quand la philosophie moderne a nié l’une et l’autre du même coup.
Comme on s’obstina bien longtemps dans la comparaison fatale entre la Restauration des Bourbons et la Restauration des Stuarts, et, plus tard, comme on voulut voir de mystérieuses identités entre la Révolution de 1830 et la Révolution de 1688, de même aujourd’hui la fin d’une République, l’ascendant dynastique d’un homme qui semble avoir absorbé si profondément dans sa gloire le nom de César que, quand on le prononce, c’est à Napoléon qu’on pense, aux qualités impériales retrouvées dans le neveu du César moderne de manière à rappeler involontairement le neveu du César ancien, toutes ces diverses circonstances ont introduit dans les esprits la préoccupation de la grande époque romaine et fait regarder beaucoup la nôtre à travers… Le titre du livre de l’abbé Cadoret semble tout d’abord rappeler cette préoccupation contemporaine. […] Ce ne sont pas les philosophes, du moins ceux-là qui, négateurs impitoyables de la vérité chrétienne, pourraient s’appeler les radicaux du rationalisme moderne.
Ces trois hommes sont bien modernes, et plus moderne est leur réunion. […] Les procédés modernes d’art que nous aimons le plus manquent à ce court récit. […] La différence est grande cependant entre Benjamin et ses deux frères modernes en excès d’analyse. […] Mais en présence de la complexité d’un homme moderne, la logique a bientôt fait de perdre ses droits. […] La poésie se fait psychologique et, comme les jeunes gens le proclament, parisienne et moderne.
Faguet appelle « le grain de sottise nécessaire au lyrique moderne » : la persuasion qu’il ne passe rien en lui qui n’intéresse l’univers, ou qui se passe comme ailleurs dans l’univers. […] Son dessein était de « prouver que, de toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres ; que le monde moderne lui doit tout ; … qu’il n’y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; … qu’elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l’écrivain, et des moules parfaits à l’artiste649…. » Ce vaste dessein d’apologie se développait à travers quatre parties : Dogmes et doctrines, Poétique, Beaux-Arts et Littérature, Culte. […] Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] On laissera tomber tout cela : et l’on ne prendra que les parties franchement modernes de son inspiration.
Fidèle d’ailleurs au principe de Du Bellay sur l’imitation des modernes, il avait payé à l’école d’Italie un tribut de sept cents sonnets. […] Il fallait donc, pour fonder ce grand art, dont la discipline devait être commune à tous les genres, il fallait rendre à l’esprit français son indépendance ; et le délivrer aussi bien de la superstition de l’antiquité que de la livrée des modernes, de Pindare que de Pétrarque. […] Tous s’étudiaient à emprunter à l’antiquité ce qui y est plus particulièrement le fruit des mœurs des formes de la société civile et politique, des religions, du sol, tout ce qui la fait différer essentiellement des temps modernes, et en particulier de la France. […] Ils avaient transporté l’Olympe tout entier dans la même langue poétique qui s’essayait à traduire les Psaumes, et ils mêlaient dans des fictions bizarres la France et Jupiter, des personnifications modernes et des divinités païennes. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles.
Toutes ces impressions d’une âme sympathique avec l’esprit nouveau des temps, cette croyance à une philosophie plus réelle et plus humaine, cette liberté morale reconquise, cette spontanéité reconnue, cette confiance accordée aux facultés les plus glorieuses et les plus désintéressées de notre être, toutes ces qualités et ces vues de madame de Staël, en passant dans les livres d’art qu’elle composa, leur donnèrent un tour unique, une originalité vraiment moderne, des trésors de chaleur, d’émotion et de vie, une portée immense quoique parfois hors de mesure avec la réalité. […] Quand M. de Chateaubriand, bien autrement artiste que madame de Staël, voulait s’enfermer dans l’art pur, il composait son poème des Martyrs, qui ressemble si peu au monde dans lequel il vivait, qui se détache si complètement des affections et des sympathies contemporaines ; véritable épopée alexandrine, brillante, érudite, désintéressée ; hymne auguste né du loisir, de l’imagination, de l’étude, et consacrant un passé accompli ; groupe harmonieux en marbre de Carrare restitué par le plus savant ciseau moderne sur un monument des jours anciens. […] Aristocrate d’origine et d’inclination, mais indépendante de nature, loyale et cavalière à la façon de Montrose et de Sombreuil, elle se retourna vers le passé, l’adora, le chanta avec amour, et s’efforça dans son illusion de le retrouver et de le transporter au sein du présent ; le moyen âge fut sa passion, elle en pénétra les beautés, elle en idéalisa les grandeurs ; elle eut le tort de croire qu’il se pouvait reproduire en partie par ses beaux endroits, et en cela elle fut abusée par les fictions de droit divin et d’aristocratie prétendue essentielle qui recouvraient d’un faux lustre le fond démocratique de la société moderne.
Benjamin Constant a même pu, dans son Discours sur la liberté à l’antique et la liberté à la moderne, établir une véritable antinomie entre ces deux libertés. — Qu’est-ce, en effet, que la liberté politique ? […] Mais il n’en va plus de même pour l’individu moderne épris avant tout de liberté individuelle. « L’indépendance individuelle, dit encore Benjamin Constant, est le premier des besoins modernes. » « En conséquence, il ne faut jamais en demander le sacrifice pour établir la liberté politique… » « il s’ensuit encore qu’aucune des institutions nombreuses et trop vantées qui, dans les républiques anciennes, gênaient la liberté individuelle, n’est admissible dans les temps modernes90 ».
C’est un protestant d’une autre espèce, un protestant moderne, c’est-à-dire à peine un protestant. […] … C’est un livre moderne, d’un de ces esprits sans passion spirituelle et qu’une civilisation comme la nôtre a rendus à peu près indifférents à tout ce qui n’est pas le bien-être ou le mal-être matériel. […] Mais c’est précisément à cause de cette froideur, que les bonnes gens prendraient peut-être pour de l’impartialité, c’est surtout à cause de son point de vue et de son sentiment, exclusivement modernes, que la Critique, qui ne relève d’aucune époque et qui tient à rester impersonnelle, doit avertir.
Il en reconnaît la grandeur, quand la plupart des médecins modernes, métaphysiciens pourtant, mais malgré eux, et aveugles, l’insultent et la repoussent, comme un piège, plein de trahison, que l’esprit humain se tend à lui-même. […] Tessier avec infiniment de justesse, Cabanis, qui avait contre l’Église et les idées religieuses les haines perverses de son époque, voulait, dans la civilisation de l’avenir, remplacer les prêtres, dont le rôle était fini (pensait-il), par les vingt mille médecins qui allaient toucher en haut et en bas à toutes les réclamations de la société moderne et la gouverner en la retournant sur son lit de douleur. […] S’il veut détruire le physiologisme moderne, il sait aussi ce qu’il veut mettre à la place, et c’est précisément ce qui y était.
La grande et complète édition de Ronsard par Prosper Blanchemain a consacré cette Résurrection, qui commence la poésie moderne par un miracle. […] Quelques fragments de ce grand poète, qui est à la langue poétique moderne ce que Rabelais est à la langue de la prose, avaient suffi, en 1830, pour que la vie — la vraie vie — apparût dans ce qu’on croyait la mort, et pour que le génie de la poésie française, révolté enfin des compressions et des mutilations qu’il avait lâchement endurées depuis près de trois siècles, se reconnût, avec orgueil et acclamation, dans Ronsard. […] C’est Ronsard, le paterfamilias du Romantisme moderne, qui a été l’homme de l’avenir, devenu le présent à cette heure.
Dès le titre, on se sent ici à soixante lieues du roman moderne et de ses mièvreries corrompues. […] Le surnaturel d’une voix sortant d’un crucifix a épouvanté le moderne dans Fabre, qui, avec plus de foi ou plus d’imagination peut-être, n’eût pas été épouvanté. […] L’esprit moderne nous rabougrit donc tous, pour que les forts, les bien portants, les bien organisés, aient de ces faiblesses ?
Cette remarque-là, c’est à peu près toute l’histoire moderne. […] Le chrétien moderne lui-même croit à la création, mais n’y songe pas. Le chrétien moderne n’est pas philosophe chrétien. […] Il paraissait très moderne, saisissant si bien le nœud même de la question, telle que les modernes la posent ; il ne paraît plus (souvent) qu’un scolastique répétant des arguments très anciens, sans les rajeunir par le plein contact des objections mêmes. […] Il n’en est pas moins vrai qu’elle a raison, et que tout ce que nous apprend l’érudition moderne va à confirmer ce qu’elle affirme.
Ne peut-on dire que c’est le sort non pas de tel ou de tel individu, mais de l’homme moderne lui-même ? […] Précisément, cette grandeur et cette noblesse préservent le poète de tomber dans ce que l’on a flétri du terme moderne de « cabotinage ». […] Dans notre société moderne, deux sortes d’esprits très différents se partagent la royauté des pensées. […] Comme vous, je reconnais volontiers que la forme poétique est rebelle aux exigences du théâtre moderne. […] Vous chercheriez en vain un roman moderne où il en soit tenu compte.
Et maintenant, parmi cette libre et riche variété de tant de littératures modernes, Virgile n’a pas perdu sa puissance. […] Ce n’est pas le roman tel qu’il est entré dans le domaine du génie moderne. […] Ce petit livre, à tout prendre, est d’une lecture agréable, et, pour le fond des aventures, aussi neuf que beaucoup de romans modernes. […] Il y passa plusieurs années dans l’ardeur de l’étude, et embrassa presque toutes les connaissances humaines, antiquités, langues modernes, histoire, philosophie, mathématiques. […] « La tourbe de nos poètes modernes, dit-il, demande l’ostracisme de Pope, parce qu’ils sont, comme l’Athénien, fatigués de l’entendre nommer le juste.
Tout moderne qui a l’insolente témérité d’entrer en lice avec ces vieux athlètes est digne, selon ces messieurs, d’un souverain mépris. […] La divine Iliade n’était entendue que des érudits, on leur enviait avec respect ce dépôt sacré ; ils insultaient impunément à nos meilleurs écrivains, l’injustice leur tournait même à honneur, parce qu’on se persuadait que les beautés modernes, comparées par eux aux merveilles antiques, leur devaient faire une impression moins vive. […] Je n’ai à suivre cette querelle des anciens et des modernes qu’en tant que l’abbé de Pons y intervient et y figure. — Il eut affaire avec Gacon. Gacon, un chétif et déshonorant défenseur des anciens, s’était mis en effet du jeu : sous le titre d’Homère vengé, il publia en 1715 le livre le plus incohérent et le moins solide, mi-partie de vers et de prose, folâtre de ton, tout bariolé de fables et de rondeaux, le tout à l’honneur du père de la poésie et contre son moderne détracteur. […] Elle est toute moderne, très sensée à bien des égards, très propre en effet à former un galant homme.