Il est facile d’en juger par plusieurs articles de l’Encyclopédie, copiés mot à mot de son Cours des Sciences, auxquels la prudence des Compilateurs n’a pas jugé à propos de mettre son nom : Sic vos non vobis, &c.
Il ajouta peu après : « Quand on attaque les conseils, c’est pour renverser celui qui les écoute : quand on veut abattre un arbre, on le déchausse. » Roederer savait ces choses ; il ne les appréciait pas seulement dans leur effet sur le caractère du premier consul, il les jugeait en tenant compte du caractère général des Français. […] Je n’insiste pas sur ce système qui n’a point été mis à l’épreuve et qui, dès lors, ne peut être qu’imparfaitement jugé. […] Dès ce moment, à bien juger de la portée des actes, l’Empire était fait, il l’était en principe ; ce qui vint après ne devait plus être qu’une consécration, une conséquence. […] J’avais chargé Talleyrand de vous le dire ; vous n’avez pas voulu. — Citoyen premier consul, repartit Roederer (à qui Talleyrand dans le temps n’avait dit que peu de chose), vous m’avez très bien jugé en ne me nommant pas. […] J’ai entendu juger diversement cette pièce : je suis de ceux qui, ayant peu d’avis sur le fond de ces choses et croyant qu’il y a plus souvent nécessité d’y recourir que de les dire, voient pourtant circuler dans la fin de la lettre une verve et presque une gaieté de Beaumarchais.
Mais comment jugeons-nous que cet objet est plus remarquable ? […] Mais alors nous pouvons nous demander si la position relative d’un objet par rapport à d’autres objets a varié ou non, et d’abord si la position relative de cet objet par rapport à notre corps a varié ; si les impressions que nous cause cet objet n’ont pas changé, nous serons enclins à juger que cette position relative n’a pas changé non plus ; si elles ont changé, nous jugerons que cet objet a changé soit d’état, soit de position relative. […] De toute façon, la question suivante se pose : pourquoi jugeons-nous que toutes ces représentations si différentes les unes des autres représentent pourtant un même point ? […] Pourquoi alors suis-je conduit à juger que ces deux sensations, qualitativement différentes, représentent une même image qui s’est déplacée ? […] Je suppose que l’image d’un objet rouge soit allée du centre A au bord B de la rétine, puis que l’image d’un objet bleu aille à son tour du centre A au bord B de la rétine ; je jugerai que ces deux objets ont subi le même déplacement.
Ainsi donc, a priori, rien qu’à regarder l’époque actuelle, dans ses plus nobles représentants, on ne peut que juger favorablement le siècle évanoui, au moins dans sa deuxième moitié. […] Supportable en poésie, ce manque extrême de mesure me fait juger sévèrement, et m’empêche d’aimer certains, et des plus réputés prosateurs de ce siècle. […] Étrange manière de juger la littérature en songeant uniquement à servir les besoins d’une cause ou d’un parti, et la passion politique peut-elle aveugler à ce point ? […] En tout cas, nous sommes mal placés pour en juger. […] Vouloir juger un espace de cent ans avec un recul de vingt ans, est une chimère.
Ces soixante personnes en font autant de leur côté, de sorte que le lendemain l’arrêt se trouve promulgué dans tout Paris et la pièce jugée. […] L’influence de Bonstetten sur son jeune ami fut salutaire et bienfaisante : il contribua à le confirmer dans cette courageuse entreprise d’une histoire de la Suisse, à laquelle lui-même, convié il y avait peu d’années, il ne s’était pas jugé suffisant. […] les émigrés jugeaient très bien les étrangers avec qui ils étaient appelés à vivre, et ne comprenaient jamais les hommes de leur propre pays. […] Tous jugeaient mal la Révolution, tous étaient clairvoyants dans les choses passées, et plus ou moins aveugles pour les choses présentes ! Le don de voir ce qui est mobile, celui de juger sainement ce qui est imprévu, serait-il refusé à qui voit de trop haut, ou le sentiment de la puissance de l’homme lui ferait-il croire qu’il commandera au temps de s’arrêter devant lui ?
Jugez de ma peine en particulier : l’empereur et votre frère (Maximilien) et le prince Albert (beau-frère) y seraient les premiers acteurs : l’idée seule me fait presque succomber, mais je ne saurais l’empêcher, et si je n’y succombe, mes jours seraient pires que la mort. […] Vous connaissez notre adversaire, qui tâche à frapper de grands coups au commencement : jugez de ma situation, y ayant des fils bien chers. […] Je n’entends pas assez les affaires pour en juger ; mais Mercy, qui ne me paraît pas trop content du fond, l’est beaucoup plus du style et de la tournure de celle-ci. » Ah ! […] Cela ira toujours en augmentant. » C’est à ceux qui s’occupent des affaires présentes de l’Allemagne et du conflit persistant entre Berlin et Vienne de juger jusqu’à quel point les craintes de Marie-Thérèse étaient fondées et se sont vérifiées. […] Dans cet article, en parlant avec une sorte de sévérité de Joseph II pour sa conduite dans l’affaire de la succession de Bavière, je dois dire que je suis loin pourtant d’abonder dans le sens de ceux qui ne jugent en tout de ce souverain que d’après les événements et le succès.
Fouquet jugea bien que ce qu’il avait fait avait utilement réussi. […] Fouquet, quand il le jugea stylé, l’employa à faire rentrer de l’argent. […] Vous pouvez juger qu’à l’âge où j’étais, il fallait que ma raison fît beaucoup d’effort sur mes ressentiments, pour agir avec tant de retenue. […] Fouquet, bien que surintendant, avait gardé sa place de procureur général au parlement de Paris, ce qui rendait impossible de le faire juger par commissaires en violation des droits et privilèges de sa compagnie. […] Louis XIV, par une suite de rigueurs qui doivent enfin paraître excessives, jugea à propos de commuer plus sévèrement la peine, et de changer le bannissement en une prison perpétuelle.
Renée jugeront qu’il a tenu tout ce qu’il promet. […] Les portions satisfaites de la nation auraient commencé à mieux voir, à revenir de l’excès d’exigence ou de confiance, et à juger de la tâche sociale avec plus de vérité. […] Il ne faudrait cependant pas juger absolument des masses et des foules, même aux jours d’orage, par les passions qui se démènent et font fureur aux premiers rangs.
On ouvrit à Hamptoncourt, palais de Henri VIII, des conférences pour juger le procès de Marie Stuart avec ses sujets. […] » Ils furent jugés et exécutés le 20 septembre avec Ballard et Babington. […] La reine d’Écosse protesta contre le droit de juger une reine, et de la juger en terre étrangère où on la retenait de force dans les prisons. […] Elle fut jugée par les passions, c’est-à-dire qu’elle ne l’est pas encore et qu’elle ne le sera jamais. Si elle est jugée par ses charmes, par ses talents, par les séductions magiques qu’elle exerça jusqu’à sa mort sur tous les hommes qui l’approchèrent, c’est la Sapho du seizième siècle.
Et puis, ce n’est pas tout encore : — quand on a peint, il faut juger. Comment Rémusat a-t-il jugé les hommes qu’il a essayé vainement de peindre ? […] Exagéré par tous les partis, Burke n’est pas mal jugé. […] Supposez Burke sans cette haine, Rémusat l’aurait mal jugé, et il n’en serait pas moins cependant, avec les talents qui firent illusion à son siècle, Burke le déclamatoire, le pédant de justice et de vérité, le pharisien, le philanthrope, tout ce qui nous le diminue, à nous, malgré sa haine anglaise contre la Révolution française, laquelle ne prenait pas sa source plus haut que dans les sentiments du whig.
Ce n’est qu’à cette condition que l’historien est un homme, ce n’est qu’à cette condition qu’il fait penser, sentir, juger son lecteur. […] Si, quand il s’agit de défendre ou d’honorer sa patrie, on ne saurait être trop national, il n’en est pas de même quand il s’agit de la juger. […] Vous vous appelez le droit, je m’appelle l’audace ; le sabre jugera ! […] L’infortunée, que les reines d’Europe auraient pu envier, à ne juger de son sort que par l’éclat extérieur dont elle était entourée, vivait dans les plus affreux soucis. […] Thiers trouve ici l’occasion de juger le plus grand homme de tribune, de conseil et de gouvernement en Angleterre, M.
Nous ne le jugerons pas sur ses Productions de Théologie, qui se réduisent pour la plupart à des discussions polémiques, ni sur ses Ouvrages de Mathématiques, dont on fait cas. […] Sa Rhétorique, ou l’Art de parler, sans être le meilleur Ouvrage que nous ayons dans cette partie, est néanmoins très-propre, par l’érudition & la profondeur des réflexions qui y dominent, à former l’esprit, & à lui faire contracter l’heureuse habitude de juger des choses sur des principes clairs & solides.
Pour bien juger d’une statue, c’est une règle assez sûre que de se mettre à sa place. Pour bien juger de l’ajustement d’un homme ou d’une femme, c’est aussi une règle assez sûre que de les transporter sur la toile.
Il ne faut donc pas juger de ce Poëte par les* Satires que M. de Voltaire a substituées aux éloges qu’il lui avoit d’abord accordés. […] Il ne faut pas non plus le juger d’après les louanges un peu outrées de M.
J’y vois surtout de l’originalité, et les hommes les plus compétents qui jugent aujourd’hui de Claude Perrault, médecin, physicien et architecte, lui accordent, sans hésiter, du génie pour ses vues dans l’anatomie comparée et la physiologie, dans la mécanique, et pour ses nobles conceptions dans les beaux-arts. […] Mais, à propos de ce crédit de Perrault et de ce rôle d’intermédiaire entre le ministre et les Académies, à en juger simplement, il m’est impossible, je l’avoue, de partager, l’opinion plus que sévère d’un critique respecté (M. […] il nous sera défendu de porter notre jugement sur les ouvrages d’Homère et de Virgile, de Démosthène et de Cicéron, et d’en juger comme il nous plaira, parce que d’autres avant nous en ont jugé à leur fantaisie ! […] Il croit qu’on peut juger des poètes par les traductions ; il parle d’Homère et de Théocrite sans prendre la peine de pénétrer dans leur génie de grandeur ou de délicatesse. […] Comme Perrault lui avait envoyé son Apologie des femmes, Arnauld se crut obligé de lui répondre par une longue lettre où il étalait ses arguments et ses raisons, et que la personne qu’il en avait chargée ne jugea point à propos de remettre, de peur d’aigrir encore plus les disputants que le vieux docteur voulait chrétiennement réconcilier.
Cet Ecrivain laborieux, après avoir donné beaucoup d’Ouvrages Latins & François sur la Médecine, [dont il ne nous appartient pas de juger le mérite] s’est livré tout entier à l’Encyclopédie. […] L’expérience l’a sans doute éclairé sur les principes de ces Messieurs, dont il est si facile de se détacher, quand on a été à portée d’en juger par la pratique.
C’est dans de tels Ecrivains qu’il faut apprendre à juger sainement de la Religion & de ses dogmes. […] Qu’ils la lisent attentivement, ils seront bientôt de notre avis ; & s’ils redoutent la peine de la lire, qu’ils n’en jugent du moins que d’après les Connoisseurs désintéressés, & nous serons également d’accord.
Aux xve et xvie siècles, on retrouvait d’hier cette Antiquité ; on sy mêlait, on ne s’en dégageait pas : on ne la jugeait pas d’une seule vue et avec netteté. […] Oui, il y eut et il dut y avoir de ces commencements de querelle — et chez les Grecs au moment de leur maturité déjà déclinante et la plus fleurie, au lendemain d’Alexandre, lorsque, regardant en arrière, ils se jugeaient à la fois riches par héritage et pouvant encore ajouter à la gloire des ancêtres — ; et chez les Romains surtout, à cette époque dominante de l’empire, au sein de cette unité puissante qui avait engendré des esprits universels comme elle-même, au temps des Sénèque, des Pline, et je dirais des Tacite si ce dernier n’était si pessimiste et morose : mais les plus belles paroles qui aient été prononcées sur cette question des anciens et des modernes, c’est peut-être encore ce grand et si ingénieux écrivain Sénèque qui les a dites, et on ne peut rien faire de mieux aujourd’hui que de les répéter : J’honore donc, disait-il à son jeune ami Lucilius, j’honore les découvertes de la sagesse et leurs auteurs ; j’aime à y entrer comme dans un héritage laissé à tous. […] Ainsi dogmatisait le triomphant bossu de M. de La Motte ; ainsi chantait en chœur avec lui ce public léger qui effleurait tout, jugeait tout, défaisait la gloire d’Homère en feuilletant une gazette, et tranchait sur L’Iliade aussi lestement que sur un opéra. […] On en jugera.
Si le goût n’est pas arbitraire, il est donc fondé sur des principes incontestables, et ce qui en est une suite nécessaire, il ne doit point y avoir d’ouvrage de l’art dont on ne puisse juger en y appliquant ces principes. […] Ce n’est pas ainsi que le vrai philosophe jugera du plaisir que donne la poésie. […] Le vrai philosophe se conduit à peu près de la même manière pour juger que pour composer : il s’abandonne d’abord au plaisir vif et rapide de l’impression ; mais persuadé que les vraies beautés gagnent toujours à l’examen, il revient bientôt sur ses pas, il remonte aux causes de son plaisir, il les démêle, il distingue ce qui lui a fait illusion d’avec ce qui l’a profondément frappé, et se met en état par cette analyse de porter un jugement sain de tout l’ouvrage. On peut, ce me semble, d’après ces réflexions répondre en deux mots à la question souvent agitée, si le sentiment est préférable à la discussion pour juger un ouvrage de goût.
Nous avons bien des histoires de France, dues à des plumes de notre temps plus ou moins habiles, et dans lesquelles le xviiie siècle est traversé et jugé, en passant, comme les autres siècles qui forment la longue vie de la monarchie et de la société françaises. […] Avec le choix qu’il avait fait des plus tristes années d’un règne qui tenterait par les côtés les plus brillants les imaginations vulgaires, nous pensions qu’il avait sur ces quinze années, jugées un peu trop par les hommes, ces valets de bourreau du succès, comme le sont les phases malheureuses, quelque juste réclamation à élever, quelque inscription en faux inattendue à introduire contre des opinions la plupart sans sagacité et sans largeur. […] Malgré beaucoup d’écrits publiés sur Louis XIV et sur son siècle, la dernière portion du règne de ce roi, la seule qui soit à juger (l’autre, on l’admire, ce qui est plus agréable et plus facile), n’est point encore jugée comme elle doit l’être, et si l’on peut tirer une induction des opinions d’un premier volume qu’on a lu à celles des volumes qui n’ont pas été publiés et qui doivent suivre, il est à craindre que le livre de Moret ne contribue pas beaucoup à ce jugement définitif.
La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne tait qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile ; mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Et lorsque je dis perfection, je parle au point de vue du romancier lui-même ; car, pour nous, madame de Warens est jugée, et toutes les femmes comme elle qui, pour une raison ou pour une autre, car elles ne pivotent pas toutes sur la cheville de la pitié, se livrent, dans les bras de leurs amants, aux petites singeries maternelles. […] Quelle que soit l’intention, que Dieu seul peut juger (et qu’il jugera, madame !)
La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne lait, qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très-bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile, mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Et lorsque je dis perfection, je parle au point de vue du romancier lui-même, car, pour nous, Mme de Warens est jugée, et toutes les femmes comme elle, qui, pour une raison ou pour une autre, car elles ne pivotent pas toutes sur la cheville de la pitié, se livrent, dans les bras de leurs amants, aux petites singeries maternelles. […] Quelle que soit l’intention, que Dieu seul peut juger (et qu’il jugera, madame), quelle que soit l’intention qui anime en secret Lui et Elle, c’est un scandale sans doute, que ce livre, un misérable scandale, qui n’est pas fait pour agiter deux jours une saine et honnête littérature ; mais, hors cela, c’est un coup manqué !
Aujourd’hui, dans ce retour de vogue, ce n’est plus que d’un intérêt de goût qu’il s’agit, et, selon nous, cette indifférence curieuse n’est pas la disposition la moins propice pour bien juger, pour rectifier ses anciennes impressions et s’en faire de définitives. […] Je pousserais même la licence jusqu’à ne pas exclure du concours tout d’emblée les femmes du xixe siècle, si le moment de les juger était venu. […] Tâchez donc de trouver un objet plus vaste que sa capacité, sans cela vous éprouverez toujours les dégoûts qu’inspire tout ce qui est médiocre. » C’est ainsi qu’elle le jugea jusqu’à la fin. […] Dans cet art enjoué de raconter, Mme de Staal est classique, et définitivement, si elle se jugeait aujourd’hui, elle n’aurait pas tant à se plaindre du sort. […] Trublet avait raison, et Fontenelle se trompait ; il était trop voisin de ces choses qu’il trouvait petites, pour en bien juger.
. — Après la paix de Riswick, le roi jugea à propos de l’envoyer à Vienne comme ambassadeur (1699-1701) ; le poste était important à cause de la question pendante de la succession d’Espagne, qui pouvait à tout moment s’ouvrir ; il s’agissait de négocier par précaution un traité de partage avec l’empereur, ce traité dût-il ne pas s’exécuter ensuite. […] Je vous supplie de vouloir bien que M. le maréchal de Catinat ne puisse juger, par les lettres dont vous l’honorerez, ce que je vous mande. […] L’ordre que vous avez donné au marquis de Villars y convient parfaitement, pourvu qu’il vous puisse joindre en cas que vous jugiez avoir besoin de lui : il peut y arriver le 10 ou le 12 au plus tard. Si vous vous trouvez à portée de faire quelque entreprise, n’appréhendez point que je vous rende garant du succès ; je prends sur moi tous les événements, et vous donne un plein pouvoir d’attaquer les ennemis et de les combattre forts ou faibles, lorsque vous les trouverez, en cas que vous le jugiez à propos ; tout ce que j’appréhende, c’est que vous ne vous retiriez en les laissant maîtres de l’Alsace et de la Sarre. […] J’ai ouï dire qu’il n’y a que ces trois petits points dans mon procès ; or c’est bien assez pour faire juger un homme pendable.
Il nous manque un élément important pour en bien juger. […] Mon cher Monnier, je viens de recevoir votre lettre du 20 ; vous devez juger à quel point j’en suis atterré. […] Le général de brigade Jomini, chef de l’état-major du prince de la Moskowa, a déserté à l’ennemi, sans avoir auparavant cessé ses fonctions : il va être jugé, condamné et exécuté par contumace. » Cette dernière menace n’eut aucun effet ; on avait désormais assez d’autres procès à suivre. […] Jomini, dans l’après-midi du 28 (août), ayant jugé nécessaire de faire quelque mouvement de troupes et en ayant parlé à l’empereur Alexandre qui l’approuva, fut chargé d’en porter l’avis au prince généralissime. […] Alexandre fit un mouvement : « Général, je vous remercie de votre zèle, mais c’est à moi seul d’en juger. » Cette circonstance ne laissa pas de jeter du froid sur la suite des relations de Jomini et de l’empereur Alexandre.
On n’en savait qu’imparfaitement des nouvelles, et par celles qui transpiraient on jugeait le roi seulement incommodé d’une légère indisposition. […] La Martinière286, sur la nouvelle de l’incommodité du roi, qui s’était répandue, avait accouru à Trianon, et y trouva le parti pris d’y faire rester le roi jusqu’à sa parfaite guérison, que l’on jugeait devoir être dans deux ou trois jours, cette incommodité n’étant alors jugée qu’une forte indigestion. […] Pour donner une idée de la manière brusque et souvent grossière dont La Martinière parlait au roi, je rapporterai que le roi, déterminé à suivre son avis, lui disait, en lui parlant de sa maladie et de la diminution journalière de ses forces : « Je sens qu’il faut enrayer. » — « Sentez plutôt, lui répliqua La Martinière, qu’il faut dételer. » M. de Beauvau, M. de Boisgelin, M. le prince de Condé, qui, par le manège de M. d’Aumont dont j’ai parlé, n’avaient pas encore pu voir le roi de la journée, le virent enfin à quatre heures ; et quoiqu’ils le trouvassent très-affaissé, très-inquiet et très-plaignant, ils jugèrent son état moins inquiétant et moins douloureux qu’il ne le disait, toujours par la connaissance de sa pusillanimité. […] Mais le roi n’en jugeait pas ainsi ; et, outre que l’habitude l’empêchait de s’apercevoir de cette importunité, qui aurait été pour tout autre insoutenable, l’inquiétude et la peur la lui rendaient précieuse. […] Il faut qu’ils sachent que, comme nous sommes obligés malgré nous de leur donner des marques extérieures de respect et de soumission, nous jugeons à la rigueur leurs actions, et nous nous vengeons de leur autorité par le plus profond mépris, quand leur conduite n’a pas pour but notre bien et ne mérite pas notre admiration ; et, en vérité, il n’était pas besoin de rigueur pour juger le roi comme il l’était par tout son royaume.
Nous ignorons absolument comment les Latins prononçaient la plupart de leurs voyelles et de leurs consonnes ; par conséquent nous ne pouvons guère juger en quoi consistait l’harmonie des mots de leur langue. […] Si nous savons que Cicéron a mieux parlé latin que les autres auteurs, c’est parce que toute l’antiquité l’a dit ; nous en jugeons sur la parole de ses contemporains et non d’après des nuances que nous ne pouvons sentir. […] Parmi les latinistes modernes, il en est un assez peu connu, je ne sais pourquoi, qui me paraît avoir approché plus qu’aucun autre de la latinité et de la manière de Cicéron ; je dis approché, autant qu’il est possible que nous en jugions, c’est-à-dire très imparfaitement. […] Il me semble qu’aucun moderne, autant encore une fois qu’il nous est permis d’en juger, n’a approché de si près de la manière de Cicéron. […] On jugera s’il n’y a pas autant approché, en apparence, de la manière d’Horace, qu’il a approché de celle de Cicéron dans sa prose latine.
Section 36, des erreurs où tombent ceux qui jugent d’un poëme sur une traduction et sur les remarques des critiques Que penserions-nous d’un anglois, supposé qu’il en fut un assez leger pour cela, que penserions-nous, dis-je, d’un anglois qui sans entendre un mot de françois, feroit le procès au Cid sur la traduction de Rutter, et qui le termineroit en prononçant qu’il faut attribuer l’affection des françois pour l’original aux préventions de l’enfance ? […] Si nous supposons encore que ce polonois raisonneur, vienne à bout de persuader à ses compatriotes qu’on est capable de juger d’un poëme dont on n’entend point la langue, après en avoir lû la traduction et la critique, ils ne manqueront pas de prononcer que Chapelain est meilleur poëte que le grand Corneille.
Il passait pour plus aimable qu’il ne devait être, à en juger par ses lettres et par ses discours imprimés ; il faisait profession de ce qui n’est bien que si on ne le professe pas, et que si l’on en use d’un air d’aisance et de naturel. […] Je cite ces deux noms à dessein, parce que le chevalier s’y est à jamais associé d’une manière fâcheuse et presque ridicule, et il serait trop rigoureux vraiment de le juger par là. […] Il vous reste encore une habitude que vous avez prise en cette science, à ne juger de quoi que ce soit que par vos démonstrations, qui, le plus souvent, sont fausses. […] La duchesse de Montbazon, qui s’avança vers elle, lui parla tout bas et lui fit ensuite des compliments mêlés de louanges, et de la meilleure, foi du monde, comme vous pouvez juger. […] Les plus grands de l’esprit, autant que j’en puis juger, c’est la véritable gloire et les belles connoissances, et je prends garde que ces gens-là ne les ont que bien peu, qui s’attachent beaucoup aux plaisirs du corps.
L’Académie Françoise n’a pas jugé à propos de couronner de même son Eloge de Descartes, mais elle l’a fait imprimer. […] On peut en juger par une petite Brochure de sa composition, intitulée Rousseau vengé, où il défend ce grand Poëte contre un petit Auteur parvenu de chute en chute au Fauteuil académique.
On peut juger si sa joie fut grande. […] Une seconde remarque à faire, c’est que les auteurs contemporains sont toujours jugés de leur temps, et que la vérité sur eux est connue et se dit, si elle ne s’écrit pas. […] Il a jugé que cette sorte d’éloquence ne pouvait souffrir deux Balzacs, non plus que l’empire d’Asie deux souverains, et le monde deux soleils ; que même la nature, je dis la jeune nature, lorsqu’elle était la plus féconde en miracles34, eût eu de la peine de produire en France deux hommes faits comme vous, et que sur son déclin, pour vous donner au monde, elle a épuisé ses derniers efforts. […] M. de Girac, poussé à bout, traité comme un sauvage qui, pour juger des élégances, sortirait tout hérissé de la lecture d’un rabbin ou du scholiaste de Lycophron, ne se contint plus, et, comme s’il eût voulu justifier le reproche, il se mit à puiser à pleines mains dans l’arsenal des Scaliger et des Scioppius, ou, si l’on aime mieux, dans le vocabulaire de Vadius. […] Balzac et Voiture étaient donc jugés déjà par quelques-uns à cette date de 1650 ; mais les juges n’avaient pas l’autorité ni ce qui la donne.
Si l’on prétendait juger de l’esprit qui se dépensait à ces fameux dîners de l’Opposition par les notes qu’en rapporte M. […] Voici cette lettre qui contient un jugement définitif impartial, et qui, si on pouvait oublier tout ce qu’on sait et négliger le détail pour ne juger que de l’ensemble, devrait être le dernier mot sur un grand esprit, trop souvent calomniateur de lui-même. […] Je l’avais jugé dès longtemps sans espérance ; je l’attendais, je dirai même que je ne la craignais pas pour lui, cette mort. […] En littérature même, il me semble fort supérieur à toute l’Académie qui le jugeait. […] Ce n’était pas seulement Béranger qui jugeait ainsi de près Benjamin Constant ; M. de Barante, qui avait du trait en causant, mais qui n’était pas précisément caustique, disait de lui ce mot terrible .
Ils ont dit : « Quel besoin l’historien a-t-il de juger ? […] Puisqu’il est ainsi forcé de choisir et partant de juger, nous sommes ramenés à chercher d’après quels principes il doit se prononcer. […] Qu’ils étaient simples et commodes les procédés de ceux qui se mêlaient autrefois de juger les auteurs ! […] Si l’on peut me dire quel est ce signe, je n’ai plus besoin de croire sur parole messieurs les critiques ; je possède leur secret ; je puis juger sans leur aide. […] N’est-ce pas la preuve que d’un consentement universel il y a sur bien des points chose jugée ?
C’était un singulier oubli et une inadvertance de l’amour-propre en ces rares intelligences : ils jugeaient l’humanité d’après eux-mêmes, et ils la mettaient très haut ; ils jugeaient des autres individus d’après eux aussi, et, sitôt qu’ils ne les trouvaient point à leur mesure et jetés dans le même moule, ils les jugeaient très inférieurs et tout à fait petits. […] Mais lui, il n’est pas de cet avis : « Les facultés de l’esprit qui doivent former le génie de l’administrateur, pense-t-il, sont tellement étendues et diversifiées, qu’elles semblent pour ainsi dire hors de la domination de la langue. » En parcourant toutes les qualités qu’il jugeait nécessaire à l’administrateur des finances, il n’en négligeait aucune de celles qu’il croyait posséder lui-même, et il n’avait garde d’omettre « ce tact aussi fin que rapide ; ce talent de connaître les hommes, et de les distinguer par des nuances fugitives, plus subtiles que l’expression ; cet art de surprendre leur caractère lorsqu’ils parlent et lorsqu’ils écoutent… ». […] Il y a des anachronismes frappants : il introduit jusque sous Louis XIV ce règne de l’opinion qui était en France une des puissances nouvelles du xviiie siècle, et il a l’air de supposer que Louis XIV n’a fait son choix que parce que « ce petit nombre d’hommes qui regardent et qui jugent, et dont l’opinion fait le mouvement public, avaient les yeux fixés sur Colbert ». […] Il faudrait se regarder à distance et se juger sans amour, sans aigreur, et comme une simple connaissance.
Mais depuis ce temps-là et l’ouverture du nouveau règne, qui n’a pu juger du peu d’influence qu’exercent les questions exclusivement religieuses sur les sentiments publics ? […] Selon lui, avant Hurter, le grand persécuteur des Albigeois n’avait pas été jugé, et le catholicisme à peine. […] Admiration et regret dont nous demanderons compte à Hurter, puisque nous avons à juger son livre. […] Le Pape qui eût profité de cette circonstance (mais pour cela il fallait la juger) aurait eu la plus magnifique page dans l’histoire. […] L’admiration de l’historien étant sans réserve, en jugeant le héros du livre nous avons jugé l’écrivain.
C’est ce que l’expérience confirme, puisque nous jugeons le motif vertueux supérieur en dignité et en beauté, impératif, sacré. […] On ne le jugea ni hautain, ni insociable, ni malade ; et lorsqu’on parlait de lui en son absence, la sympathie ne manquait jamais au respect. […] Jouffroy ne la jugea pas oppressive. […] Après un peu d’hésitation, il refusa encore ; non qu’il dédaignât les honneurs : au contraire, il y était secrètement très-sensible ; mais il s’était jugé. […] Jouffroy étudia les œuvres de l’illustre prédicateur français ; il le jugea moins observateur que logicien, moins logicien qu’orateur, moins orateur que politique.
Le propre des critiques en général, comme l’indique assez leur nom, est de juger, et au besoin de trancher, de décider. Prenez tous les hommes considérables auxquels s’est appliqué jusqu’ici ce titre de critique, Malherbe, Boileau (car tous deux étaient des critiques sous forme des poètes) ; le docteur Johnson en Angleterre ; La Harpe chez nous, même M. de Fontanes : tous ces hommes, qui ont eu de l’autorité en leur temps, jugeaient des choses de goût avec vivacité, avec trop d’exclusion peut-être, mais enfin avec un sentiment net, décisif et irrésistible. […] Au contraire, quand il avait affaire à une œuvre qu’il jugeait belle, il prenait parti hautement, et la vengeait des injures des sots en toute rencontre. […] Ainsi dans ce tableau littéraire du xviiie siècle, lorsqu’il a La Henriade à juger, il donne toutes les bonnes raisons de ne point l’admirer, de ne la ranger à aucun degré à côté des œuvres épiques qui durent ; mais quand il faut conclure formellement, il recule, il fléchit ; le juge se dérobe, et, en quatre ou cinq endroits tout à fait évasifs, il essaie d’espérer que La Henriade traversera les siècles, qu’elle est après tout une œuvre durable, qu’elle tient un rang à part, une première place après les œuvres originales.
il ne l’a pas… La réflexion de son esprit est plus haute que le succès de ses œuvres, puisqu’il sait si bien se juger. […] Edmond de Goncourt ne sont pas, pour lui, le ruisseau de Narcisse, et qu’il a l’esprit de se juger et la courageuse volonté de se corriger, la correction devrait aller jusqu’au retranchement absolu d’un système qu’il a tant de peine à s’arracher de la pensée. […] Le fils de Don Juan s’est assez mûri et froidi pour juger son père… Il n’est pas, en effet, de siècle plus scélérat parmi tous les siècles. […] Ulysse se bouchait les oreilles au chant des sirènes ; mais avec quoi se boucher l’imagination tout entière, l’imagination qui les voit et qui les entend quand elles ne sont plus et qu’il faut les peindre, et, après les avoir peintes, les juger et les condamner ?
Pourquoi ne serait-il pas jugé, en toute sincérité et en toute indépendance, à la place même où il écrit ?… J’ai souvent cité un mot magnifique de Mme de Staël, et je l’ai répété parce que, selon moi, c’est le mot suprême de la Critique : « Quand on me conduirait à la mort, — disait-elle, — pendant le trajet , je crois que je jugerais mon bourreau. » Un auteur ennuyeux, n’est-ce pas un bourreau que la Critique juge ? […] s’il a du talent… fourvoyé, mais, après tout, du talent ; s’il intéresse ou seulement s’il amuse, — ce qui est le petit intérêt après le grand ; — si enfin il prend l’âme ou l’esprit par un côté quelconque, c’est plus difficile de le juger, mais c’est ce qui me tente. […] Féval ne savait ni la grammaire de leur langue, ni la grammaire de leurs mœurs, comme si dans leur insularisme susceptible et hautain et tout aussi intellectuel que politique, les Anglais, enragés de nationalité blessée et justes comme des bœufs qui saignent, ne dénigreront pas toujours l’étranger qui voudra les peindre ou s’avisera de les juger !
Quand on est assez aveugle pour ne rien voir de tout ce qui existe, ou pour n’en juger que comme des frénétiques dont les organes sont entiérement dépravés, n’est-ce pas le comble de l’ineptie, que d’oser s’ériger en Précepteurs du Genre humain ? […] Quel doit donc être un cœur philosophe, à en juger par l’odieuse morale qui en découle ? […] Si malheureusement la Postérité devoit juger de notre Siecle, par l’idée qu’un tel Livre est capable d’en donner, balanceroit-elle à croire que nous avons renchéri sur ce que les Siecles barbares peuvent offrir de plus monstrueux ?
Je vous l’ai déjà dit, c’est une habitude de juger, sûrement préparée par des qualités naturelles, et fondée sur des phénomènes et des expériences dont la mémoire ne nous est pas présente. […] La mémoire des expériences et des phénomènes ne nous étant pas présente, nous n’en jugeons pas moins sûrement, nous en jugeons même plus promptement ; nous ignorons ce qui nous détermine et nous avons ce qu’on appelle tact, instinct, esprit de la chose, goût naturel.
Je répons : Aulugelle et Martial ne disent point que les tragédies d’Euripide ni les comédies de Menandre aïent été jugées mauvaises, mais bien que d’autres pieces plurent d’avantage. […] Peut-être même trouverions-nous que le spectateur auroit bien jugé. […] Le public ne s’assemble point parmi nous pour juger des poëmes qui ne sont pas dramatiques comme il s’assembloit chez les anciens.
Cependant sa mère commençait à craindre trop de penchant en elle vers les bonnes carmélites ; elle croyait trouver que ce blond et angélique visage ne s’apprêtait pas à sourire assez au monde brillant qui l’allait juger sur les premiers pas. […] En jugea-t-il l’accomplissement par trop impossible dans cette bouche retentissante ? […] Nicole, cet esprit si délicat aussi, et qui la fréquenta si longtemps, l’a très-bien jugée. […] si du sein du monde sérieux où elle est entrée, elle pouvait sourire à l’effet, au charme de son nom seul sur ceux qui la jugent elle y sourirait. […] Pour juger de deux femmes, il ne serait pas tout à fait équitable d’aller prendre la plus sérieuse un soir de bal, et la plus légère un jour de vendredi saint.
Je n’étais alors nullement renseigné sur Forneron, et je ne hais pas cette ignorance quand il s’agit de juger le livre d’un homme. […] L’Aréopage acquitte Phryné… Juger ce qui plaît tant, est presque impossible ! […] Jusqu’à lui, on avait été plus ébloui par les Guise, ces hommes esthétiques, qu’on ne les avait jugés. […] Nul n’a mieux jugé l’immense capacité et les immenses services des Jésuites que lui. […] Croyait-il plus facile de le juger ?
Il n’avoit pas encore vingt-six ans, qu’il avoit déjà rempli avec distinction plusieurs Chaires de la Capitale ; & à juger de ses lumieres & de son talent par son Eloge de Louis Dauphin, pere de Louis XVI, proposé par une Société de Gens de Lettres, qui lui a adjugé le prix d’une voix unanime, nous pouvons assurer qu’il égalera les plus grands Orateurs Evangéliques, s’il a soin d’employer avec plus de sobriété l’antithese, & de rendre son style plus nombreux. […] On peut en juger par le morceau où il croit entendre l’héritier du Trône s’adresser à la Religion, & lui dire, dans une tendre effusion de son ame : « Divine Religion, viens, unissons-nous ensemble pour concourir un jour au bonheur de l’Empire auquel m’appelle ma naissance.
Eh bien, toute cette considérable moitié, et plus que moitié, de son tableau, nous a été enviée, elle est détruite ; et nous allons le juger comme si nous possédions le tout et comme si nous considérions l’ensemble ! […] Michelet, sa vie de travail, son effort constant, ses fouilles érudites et ses ingénieuses mises en scène, cette faculté de couleur voulue et acquise où il a l’air de se jouer désormais en maître, mais quand je considère de quelle manière il a jugé et dépeint des événements et des personnages historiques à notre portée, et dont nous possédons tous autant que lui les éléments ; quand je le vois toujours ambitieux de pousser à l’effet, à l’étonnement, j’avoue que je serais bien étonné moi-même qu’il eût deviné et jugé les choses et les hommes de l’histoire romaine plus sûrement que Tite-Live. […] L’ouvrage sur Les Philosophes français du xixe siècle (1857) n’a été couronné par aucune académie ; l’auteur l’a essayé en articles successifs dans la Revue de l’Instruction publique, mais c’est d’aujourd’hui seulement qu’on en peut bien juger d’après l’ensemble. […] Ici je me récuse ; je demande à ne pas entrer dans ces guerres de méthode, dans ces dissections délicates qui pénètrent jusqu’au vif, et à rappeler simplement que, à quelque point de vue qu’on se place pour le juger, M.
Ce café de la veuve Laurens était donc une espèce de café Procope du temps ; on y politiquait ; on y jugeait la pièce nouvelle ; on s’y récitait à l’oreille l’épigramme de Gacon sur l’Athénaïs de La Grange-Chancel, le huitain de La Grange en réponse aux critiques de M. […] On peut juger du scandale. […] Ses allégories sont jugées tout d’une voix : baroques, métaphysiques, sophistiquées, sèches, inextricables, nul défaut n’y manque. […] Puis vient la comparaison avec Orphée et la prière aux trois sœurs filandières pour le comte du Luc ; on y trouve quelques strophes assez touchantes, que La Harpe, d’ordinaire peu favorable à Jean-Baptiste, mais attendri cette fois comme Pluton, a jugées tout à fait dignes d’Orphée. […] A le juger impartialement, on conçoit que l’abbé d’Olivet et d’autres contemporains de mérite, sous l’influence et l’illusion de l’amitié, aient pu dire, en parlant de lui, l’illustre malheureux.
L’idiome, l’accent indigène, fait partie trop essentielle de la poésie pour qu’il soit permis de la juger quand ce secours nous manque. […] Les hymnes mélancoliques de l’Edda, les chants guerriers de Sigurd, l’Aatla-mal et les Niebelungen ont été jugés, parfois reproduits avec autant d’exact savoir que de vigueur et de coloris. […] Cette belle poésie grecque, si négligée alors, hormis par quelques éditeurs allemands, si mal jugée et si défigurée dans les préfaces ou les imitations tragiques de Voltaire, il la connut à fond, en antiquaire, en artiste, en poëte. […] L’étrangeté de la pensée et l’irrégularité du vers ont été jugées d’ordinaire le seul moyen de ressembler à Pindare. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.
Sur ceux qui ont beaucoup écrit et surtout qui ont jugé les écrivains, on écrit beaucoup. […] Sur Malherbe, sur Boileau, sur Pope, sur Johnson, non content de les juger par leurs ouvrages, on a fait des livres, on a recueilli leurs moindres mots, on les a étudiés et poursuivis jusque dans le détail domestique de leur vie. […] Cette tragédie de Timoléon, dès le premier jour (1er août 1764), « fut écoutée, jugée et condamnée par le public avec beaucoup de tranquillité », sauf deux ou trois endroits applaudis. […] Ami et précurseur d’André Chénier, il sentait tout ce qu’il y avait de faible, d’incomplet et de court dans le goût de La Harpe, lorsque celui-ci prétendait juger des vers. […] Pour juger d’un livre, il y a une épreuve sûre : quand vous en avez retranché tous les défauts, s’il y reste de grandes beautés, l’ouvrage mérite de vivre.
Contentons-nous d’examiner le principe, laissant à chacun le droit de juger, comme il l’entend, des conséquences. […] Donner au cœur le droit de juger entre le vrai et le faux, le bien et le mal, c’est dire que le cœur est le juge du cœur, ce qui implique une sorte de pétition de principe. […] On objectera encore que dans beaucoup de circonstances nous ne jugeons pas par nous-mêmes, mais que nous nous en rapportons au jugement d’autrui. […] Ils se croient assez éclairés pour les gérer eux-mêmes, c’est-à-dire pour juger de ce qui convient et de ce qui ne convient pas à leurs intérêts. […] Dans la pratique, il est vrai, il sera bon que l’autorité des sages guide et éclaire l’inexpérience des humbles, mais c’est encore en s’adressant à leur liberté de penser et de juger, — non pas en se réservant le privilège des lumières, et en laissant au peuple celui de la servitude et de l’ignorance.
La plupart de ceux dont le métier est de penser ne se jugent nettement qu’à l’impression. […] Il jugeait le fond sans importance ; il essaya de le recouvrir de spirituelles broderies. De là des milliers de corrections, des intercalations de feuillets manuscrits, un dénouement entièrement nouveau, tous les pétards que ce Ruggieri tirait sur ses épreuves, toutes les bombes que l’homme, sans cesse en état de défense, lançait sur les marges pour protéger une œuvre qu’il ne jugeait pas suffisamment défendue.
Mais l’experience apprend bientôt à changer l’objet de l’imitation : aussi les poëtes romains ne furent pas long-tems à connoître que leurs comedies plairoient davantage s’ils en mettoient la scene dans Rome, et s’ils y joüoient le peuple même qui devoit en juger. […] Presque tous nos poëtes comiques les ont imitées jusques à Moliere qui, après s’être égaré quelquefois, prit enfin pour toujours la route qu’Horace a jugé être la seule qui fût bonne. […] Il n’est qu’un certain nombre de personnes qui aïent assez frequenté les originaux dont on expose des copies, pour juger si les caracteres et les évenemens sont traitez dans la vrai-semblance.
Il a accepté les Mémoires de Marmont pour juger l’auteur de ces Mémoires, et le Marmont qu’il en a tiré, c’est précisément celui-là qui ne voudrait pas s’y reconnaître ! […] Quand il s’est agi de juger la conduite de Marmont, rien n’a offusqué le bon sens de l’historien, rien n’a fait fléchir sa droiture. Il a appelé la chose par son nom, et il a ajouté : « Des militaires jugeront plus sévèrement que nous ne le faisons nous-même la conduite de M. de Raguse.
Diderot, on le regarderoit comme un Grand Homme, & on ne balanceroit pas de le placer parmi les cinq Auteurs du Siecle dernier, les seuls jugés par lui capables de fournir quelques articles* à l’Encyclopédie. […] Peut-être est-ce en faveur de son caractere, qu’on a jugé Perrault digne d’être agrégé au Corps philosophique.
Il parlait de lui comme d’un roi qui aurait vécu mille ans auparavant ; il jugeait les actes du peuple envers lui comme il aurait jugé les actes de Cromwell et du long parlement envers Charles Ier. […] Lisez et jugez si j’ai flatté ce crime. […] « Louis XVI ne pouvait être jugé en politique ni en équité que par un procès d’État. « La nation avait-elle le droit de le juger ainsi ? […] Le roi ne pouvait pas plus, en cas de victoire, juger le peuple, que le peuple ne pouvait légalement juger le roi.
Ils y sont décrits par ce descripteur infatigable et quelquefois fatigant, mais, en définitive, ils n’y sont pas jugés. Au nom de quoi les jugerait-il ?… Pour juger, il faut être un homme, — il faut avoir des principes, une morale, un bâton de longueur pour prendre la hauteur des choses, et M. […] Taine en citations prises à des Mémoires contemporains, mais choisies et isolées de la page à laquelle elles appartiennent, cette société ne devrait être que décrite, et à tout instant elle est jugée et sévèrement jugée. […] Et lui seul, de sa rude voix de puritain, avait parlé d’autre chose que de littérature politique, quand il s’était agi de juger la Révolution française et de déterminer son origine… Il avait entre-aperçu, sortant de sa bauge, la Bête humaine que M.
Aussi voïons-nous que les hommes qui ne s’accordent pas sur les choses dont la verité s’examine par voïe de raisonnement, sont d’accord sur les choses qui se jugent par voïe de sentiment. […] Non-seulement nous ne nous égarons pas en décidant des choses dont on peut juger par sentiment, mais il n’est pas encore possible que les autres nous fassent égarer dans ces matieres. […] Enfin les contemporains de Virgile jugerent de l’éneïde comme nos peres ont jugé des satyres de Despreaux et des fables de La Fontaine dans la nouveauté de ces ouvrages. […] L’esprit philosophique qui n’est autre chose que la raison fortifiée par la refléxion et par l’expérience, et dont le nom seul auroit été nouveau pour les anciens, est excellent pour composer des livres qui enseignent à ne point faire de fautes en écrivant, il est excellent pour mettre en évidence celles qu’aura faites un auteur, mais il apprend mal à juger d’un poëme en general.
Nous pourrions juger par nous-mêmes et sans aide les ouvrages que nous lisons ? — Oui, Messieurs, pourvu que vous ayez du bon sens ; mais si vous croyez que ce soit une qualité fort commune, j’ai bien peur que vous ne soyez jamais propres à rien juger. […] Ce n’est pas un trop grand âge pour la connaissance des choses et des hommes, nécessaire à qui veut juger autrui. […] Les lettres grecques et romaines, le moyen âge et les temps modernes, la France et les pays étrangers, ont comparu, à leur tour devant cet infatigable tribunal qui commence aujourd’hui à se juger lui-même.
On a de moins, enfin, tout ce qui a causé le malheur ou la faute, et si, nonobstant, on les prend à son compte tous les deux par l’approbation qu’on leur donne, c’est, sans doute, pour prouver qu’il peut y avoir plus coupable que le coupable : c’est-à-dire le juge, qui n’ose pas ou ne sait pas juger. […] Alors, nous qui le jugeons maintenant comme il a jugé Clément XIV, nous aurions le droit de lui dire l’immense : Vous l’avez voulu ! […] Quelques années seulement à partir de cette abolition, on en put juger !
La prudence est encore plus nécessaire aux princes qu’aux simples particuliers… » Et il parlait avec sensibilité de la prochaine réunion des États Généraux, exhortant chacun de ceux qui y étalent appelés à faire effort pour le bien dans sa ligne et dans sa mesure, à concourir au règlement de la chose publique, au rétablissement de l’ordre dans les diverses parties de l’administration, « afin de redonner à notre bon roi, disait-il, la tranquillité et le bonheur qu’il a perdus et dont il est si digne. » Celui qui lui aurait prédit alors, et ce jour-là, que trois ans et demi après, nommé membre d’une Convention avec mandat de juger ce même roi, il aurait hâte d’en finir au plus tôt avec lui et de faire le plus sommairement tomber sa tête, — celui qui lui aurait prédit que son premier discours à cette Convention nationale serait non plus pour louer ce bon roi, mais pour célébrer « le bon peuple » qui l’y avait porté et qui venait de lui conférer à ses collègues et à lui une mission terrible, souveraine, une mission de nivellement estimée par lui légitime, irrésistible et régénératrice, l’aurait certainement bien étonné. […] Jean-Bon n’avait pas été de ceux que les électeurs envoyèrent tout d’abord à l’Assemblée constituante ; il est possible que s’il avait été membre de cette première Assemblée comme le fut son collègue dans le ministère pastoral, l’estimable Rabaut Saint-Étienne, et s’il avait vu les choses de plus près, il se fût mûri, assagi, et que, son premier feu jeté, il eût bientôt jugé les événements d’un autre œil. […] Ce n’est point avec la froideur des années apaisées et régulières qu’il convient de juger les hommes et les produits d’une époque toute volcanique. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève. […] Ses amis, toutefois, jugèrent prudent de l’éloigner, et on le fit nommer consul de France à Alger en 1795.
Nous sommes déjà si loin de ces temps, que, pour bien juger d’un homme, d’un auteur qui y a vécu, il ne suffit pas toujours de lire ses productions, il faut encore les revoir en place, recomposer l’ensemble de l’époque et l’existence entière du personnage ; en un mot, il faut déjà faire un peu de cette étude et de cet effort qu’on fait pour les anciens. […] Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] Ceux qui, à en juger par une lecture légère, croiraient Chaulieu un petit poète abbé, musqué et mythologique, se tromperaient fort : c’était une nature brillante et riche, un génie aisé et négligé, tel que Voltaire nous l’a si bien montré dans Le Temple du goût. […] Louis XIV, avec son principe de monarchie absolue asiatique, y est jugé sans illusion ; les diverses fautes de sa politique sont marquées avec un rare bon sens. […] Pour juger en dernier résultat de la philosophie de Chaulieu, il convient de montrer La Fare, non le La Fare élégant et mince des petites éditions classiques, mais le La Fare complet, celui de l’histoire et de Saint-Simon.
Il en est du mérite d’un homme comme de ses ouvrages, personne ne peut mieux les juger que lui, parce que personne ne les a vus de plus près, et plus longtemps. […] L’éducation qu’ils reçoivent, toute bornée à l’extérieur, peut leur servir à imposer au peuple, mais non pas à juger les hommes. […] C’est avec ce riche fonds d’idées et de lumières que tant de grands seigneurs jugent et décrient ce qu’ils devraient respecter. […] Ces considérations semblent devoir être principalement utiles à ceux qu’on appelle beaux-esprits, et dont les ouvrages étant faits pour être lus, sont aussi plus mal jugés. […] Les premiers n’y ont vu qu’une fierté estimable, les autres qu’une vanité révoltante ; c’est au public à juger si les premiers m’ont rendu plus de justice que les seconds.
Est-ce pour juger des ouvrages ? […] Est-ce pour juger des ouvrages, en d’autres termes, est-ce lire en critique ?
On jugera de ce qu’il sçavoit faire en ce genre, par ce couplet contre Fontenelle, à sa réception à l’académie Françoise : Quand le novice académique Eut salué fort humblement, D’une Normande rhétorique, Il commença son compliment, Où sottement, De sa noblesse poëtique, Il fit un long dénombrement. […] Ils l’emportèrent enfin, & la tragédie de Pradon fut jugée la meilleure. […] Celui de l’histoire l’eût peut-être également immortalisé, à juger du moins par celle que Racine avoit faite de Port-royal & dont la seconde partie a été perdue.
Les villes se sont disputé l’honneur de lui avoir donné la naissance : on s’est intéressé par tout à le connoître et à en juger. […] Il employe des comparaisons fréquentes ; il faut juger du choix et de la justesse de ses comparaisons. […] Nous en pouvons juger par nos meilleurs ouvrages françois : où ne trouveroit-on pas des fautes ? […] Il faut donc juger d’Homere, par les progrès qu’il a faits, eu égard à la grossiereté de son siécle ; et il faut juger de son ouvrage, par les beautés et les défauts qui s’y trouvent, eu égard aux lumieres du nôtre. […] La seconde condition que j’ai jugée nécessaire au poëme, c’est d’être intéressant.
L’enthousiasme ou la haine ont souvent jugé cet homme singulier. […] Peut-elle connaître aussi peu les faits, les époques et les écrivains qu’elle veut juger ? […] Ce que Boileau jugeait impraticable sera peut-être tenté quelque jour avec succès. […] Voulez-vous mieux juger combien l’orateur moderne est faible ? […] Nul ne pouvait mieux le peindre et le juger.
C’est d’après les difficultés vaincues, qu’on doit juger du travail des hommes, & non d’après le résultat. […] Cordemoi annonce par-tout des idées saines sur la maniere d’écrire l’Histoire, & celle de France en particulier ; on peut en juger par quelques-unes de ses réflexions.
MÉPHISTOPHÉLÈS Elle est jugée. […] C’est comme les tapisseries de haute lice, dont on travaille les peintures à l’envers, jusqu’à ce que, mises en place, on en puisse juger l’effet. […] Juger, c’est n’incliner pour aucun parti ; la femme incline toujours du côté du cœur, madame de Staël inclinait nécessairement du côté de son père. […] Quiconque ne discerne pas cette double philosophie de la révolution française ne peut ni la comprendre, ni la juger, ni l’aimer, ni la raconter. […] Malgré l’état de faiblesse auquel madame de Staël était réduite, elle voulut que ses enfants lui fissent la lecture de cet ouvrage, et elle le jugea avec toute la force de son esprit.
Jugez-vous que leur suppression soit désirable ? […] Jugez-vous que leur suppression soit désirable ? […] Les juges qui peuvent juger le mieux ne sont pas toujours ceux qui peuvent donner l’argent. […] Quant aux autres membres de son Académie — à part deux ou trois, dont notre grand Rosny aîné — qu’on les pende, puisqu’ils s’arrogent le droit de juger et d’écarter des œuvres supérieures aux leurs. […] Jugez-vous que leur suppression soit désirable ?
L’indépendance des idées est nécessaire à l’indépendance de l’admiration. » Ils veulent du présent, du vif, du saignant dans les œuvres : « En littérature, on ne fait bien que ce qu’on a vu ou souffert. » L’Antiquité leur paraît encore à juger ; ils ne paraissent accepter rien de ce qu’on en dit ; ils croient que tout est à revoir, et que le procès à instruire n’est pas même commencé ; ce respect du passé en littérature, ce culte des anciens à tous les degrés, qu’il s’agisse des temps d’Homère ou du siècle de Louis XIV, est, selon eux, la dernière des religions qu’on se prendra à examiner et à percer à jour : « Quand le passé religieux et politique sera entièrement détruit, peut-être commencera-t-on à juger le passé littéraire. » Ils ne font grâce entre les anciens qu’à Lucien, peut-être à Apulée, à cause de l’étonnante modernité qu’ils y retrouvent : ce sont pour eux des contemporains de Henri Heine ou de l’abbé Galiani. […] Quand ils ont vu du grand dans le xviiie siècle (et il y en a eu), ils l’ont étrangement placé : « Il y a eu du grand dans le xviiie siècle, disent-ils, mais on ne veut pas le voir : on masque avec Brimborion les écuries de Chantilly. » D’autres verraient le grand du siècle dans l’Histoire naturelle, dans l’idée de l’Encyclopédie, dans la monarchie universelle de Voltaire ; mais ce sont les abstraits qui jugeraient ainsi : MM. de Goncourt sont des plastiques. […] Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant. […] Sur tous ces points importants, ils sont bien du xviiie siècle encore, ils me rappellent des noms de gens d’esprit de ce temps-là par leur manière de juger.
Quoique la publication des dernières parties continue encore en feuilletons, on peut dire que ces Mémoires sont jugés sous cette première forme, et que l’impression du public est faite ; mais, comme ouvrage, ils ne sont pas encore jugés définitivement. […] Ceci est pour dire qu’à aucun moment le goût de M. de Chateaubriand n’a été très mûr et tout à fait sûr, bien que, dans un temps, à juger par quelques-uns de ses écrits, il ait paru tel. […] « Si j’étais encore maître de ces Mémoires, écrit-il dans la préface, ou je les garderais en manuscrit, ou j’en retarderais l’apparition de cinquante années. » En se mettant, en effet, dans l’obligation de laisser publier, le lendemain de sa mort, des Mémoires où tant d’hommes vivants sont jugés, et le sont en général sans aucune indulgence, tandis qu’il se donne toujours à lui-même le beau rôle, M. de Chateaubriand s’est exposé à des représailles sévères. […] Il y a de ces mots déterminants, dit Pascal, et qui font juger de l’esprit d’un homme.
L’Académie elle-même, l’Académie, qui juge les morts (en France on n’est jugé que par ses pairs) et qui met au concours la rédaction de leurs épitaphes, est entrée dans la sympathie universelle et a dernièrement couronné un éloge de l’auteur de ces Mémoires, dont la gloire doit se mesurer à la grandeur monumentale de son livre. […] Et cependant, ne nous y trompons pas, ni le talent qui est suprême en ces Mémoires, — qui va jusqu’au génie, quand il ne s’agit que de peindre, mais qui n’y va pas, quand il s’agit de juger, — ni le sujet de ce récit, grand, varié, et pour nous, les démocrates du xixe siècle, déjà merveilleux comme une lointaine épopée, ni les hasards d’une publication qui a aiguisé le goût public et l’a fait attendre avant de le satisfaire, ni même, ce que nous ne comptions pas tout d’abord, la rareté des livres sur le siècle de Louis XIV, rareté étonnante et qui vient de la peur qu’inspirait Voltaire, lequel l’avait pris pour sa part de lion et faisait trembler d’y toucher les superstitieux de son génie, ne peuvent suffisamment expliquer l’amour que Saint-Simon, presque inconnu, presque dédaigné au xviiie siècle, a trouvé tout à coup parmi nous. […] Ce regard, qui jugeait plus vite que le compas et l’équerre de Le Nôtre que cette fameuse fenêtre de Trianon n’était pas droite, avait-il vu que Saint-Simon, l’ami du duc d’Orléans, — nos amitiés donnent la mesure de nos discernements, — n’était pas non plus parfaitement droit d’intelligence ? […] Cette grande femme d’État avait peut-être jugé et pénétré Saint-Simon avant Louis XIV, mais sur ce point comme sur tous les autres, elle ne domina pas le roi, elle avait vu comme il devait voir, elle le devinait… Elle lui parlait sa propre pensée et le Roi se reconnaissait à l’instant. […] Michelet, dont il a dit hautement avec une légèreté qui eût compromis un autre qu’une femme en colère, « lorsque je lui aurai arraché sa perruque, on verra ce qui lui restera » ; quand ce Louis XIV aura paru, on pourra juger lequel des deux meurtriers, par le talent ou la couleur, aura le mieux accompli son régicide ; mais nous sommes certain à l’avance que ce sera encore Saint-Simon8.
Au lieu de cela, placez-vous à la frontière, dans un pays encore français, n’ayez nulle chance de rencontrer dans un salon le soir l’écrivain que vous avez jugé le matind, de le rencontrer, lui ou l’un de ses amis intimes, de ses proches par le sang ou par le cœur, et vous pouvez avec convenance en parler comme d’un ancien, comme d’un mort, sans embarrasser votre pensée dans toutes sortes de circonlocutions, en appelant faux ce qui est faux, puéril ce qui est puéril, en entrant dans le vif de la pensée à tout coup. […] Hâtons-nous d’ajouter qu’il serait souverainement injuste de juger du talent de Lamennais d’après des morceaux de ce genre. […] On pouvait croire qu’il manquait tout à fait de tendresse et d’onction ; mais, par un ou deux chapitres de ces Paroles même d’un croyant qu’on vient de voir si sévèrement jugées, il a commencé de prouver qu’il n’était pas tout à fait dépourvu de cette fibre-là. […] [1re éd.] l'écrivain que vous avez à juger le matin e.
On pourroit faire revivre les Provinciales : il est injuste que les Jésuites en fournissent toujours la matière, et vous jugeriez si je réussis dans ce style-là. […] En comprenant d’ailleurs que Prevost, de l’humeur dont on le connaît, a dû avoir inévitablement à se plaindre des préventions et des tracasseries monacales, on ne saurait juger que ces préventions aient été tout à fait sans motif et sans fondement : il se chargeait lui-même de les justifier par l’issue. […] Les hommes en jugent à leur façon, mais ma conscience me répond que le Ciel en juge autrement, et cela me suffit. […] Lui-même il a dit avec un mélange de satisfaction et d’humilité qui n’est pas sans grâce : « On se peint, dit-on, dans ses écrits ; cette réflexion serait peut-être trop flatteuse pour moi. » Il a raison ; et pourtant cette règle de juger de l’auteur par ses écrits n’est point injuste, surtout par rapport à lui et à ceux qui, comme lui, joignent une âme tendre et une imagination vive à un caractère faible ; car si notre vie bien souvent laisse trop voir ce que nous sommes devenus, nos écrits nous montrent tels du moins que nous aurions voulu être.
Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse. […] Trop grand pour s’occuper sérieusement d’objets frivoles, & s’il faut le dire trop amoureux de la gloire pour daigner rabaisser quiconque ignore qu’il en est une, il ne jugera dignes de ses coups que ceux qui par leur puissance influent sur la destinée des Etats, & s’il médit, ce ne fera des Rois de leurs Ministres & du vice des Empires.
Le Père lui a exclusivement transmis le droit de juger 708. […] Jésus ne doit pas être jugé sur la règle de nos petites convenances. […] Son rôle sera de le juger, de le renouveler. […] Lui qui doit juger le monde, il ne connaît pas le jour du jugement 725.
Ce qu’il ne doit pas faire, c’est juger, ni dogmatiquement, à savoir d’après des principes, ni, non plus, impressionnellement, à savoir d’après les émotions qu’il a eues. […] Il ferait de l’histoire littéraire, comme on faisait de l’histoire proprement dite au XVIe ou encore au XVIIe siècle, quand l’historien jugeait les rois et les grands personnages de l’histoire, les louait ou les blâmait, se révoltait contre eux comme eût fait une province ou les couvrait de fleurs comme à une entrée de ville ; enfin dirigeait l’histoire tout entière et l’inclinait à être une prédication morale. […] Ils n’avaient pas lu, ils avaient des idées générales, ils avaient des idées préconçues, ils jugeaient de haut et sans réplique : ils remplissaient la définition du grand critique. […] Ce qui sera de l’enfant, ce sera une composition bien ordonnée, une disposition claire et peut-être déjà adroite des idées, et un style déjà plus ou moins formé, et ce sera toujours sur ces choses qu’il faudra juger un devoir d’enfant.
Le premier article de l’arrêté ministériel propose une prime de cinq mille francs « à l’auteur d’un ouvrage dramatique en cinq ou quatre actes, en vers ou en prose, représenté avec succès pendant le cours de l’année sur le Théâtre-Français, et qui sera jugé avoir le mieux satisfait à toutes les conditions désirables d’un but moral et d’une exécution brillante ». Le second article du même arrêté propose une prime de trois mille francs « à l’auteur d’un ouvrage en moins de quatre actes, en vers ou en prose, également représenté avec succès pendant le cours de l’année sur le Théâtre-Français, et qui, dans des proportions différentes, serait jugé avoir rempli au plus haut degré les mêmes conditions ». […] La Commission n’a pas eu à examiner si les auteurs qui ont eu des ouvrages représentés en 1853 sur la scène française ne se sont pas jugés plus sévèrement qu’elle ne l’eût fait elle-même ; mais il nous semble entrevoir, si on osait porter son regard au-delà de 1853 et sans anticiper sur les jugements futurs, que le Théâtre-Français, si riche de tout temps en charmantes et vives productions, ne se dérobera pas toujours si obstinément aux autres conditions indiquées.
Aussi le gouvernement directorial a-t-il été communément jugé avec beaucoup de sévérité, de mépris, mais en même temps, il faut le dire, avec bien peu d’étude et d’intelligence. Par cela même qu’il en a saisi l’esprit, la marche et les ressorts, et qu’il s’est mis, pour le juger, au vrai point de vue des conjonctures, M. […] Aussi inaccessible aux craintes qu’aux séductions, aux menaces d’assassinat qu’aux insinuations amicales, il persiste dans ses projets de fructidor, une fois qu’il les a jugés nécessaires à la liberté, et, sous les poignards des chouans, continue paisiblement ses promenades de chaque soir au Jardin des plantes.
Elle n’a jamais douté, d’abord, de sa puissance et de son droit de dogmatiser, de juger d’après des dogmes littéraires. […] J’ai dit que les Grecs, les Romains, les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, la plupart de ceux qui écrivent ou qui causent, ont toujours dogmatisé en littérature et jugé d’après des dogmes. […] De quelle façon pourrez-vous éviter par-là dans vos jugements littéraires (car vous jugez aussi) l’étroitesse, l’exclusisme et la passion ?
Il eût fallu entrer dans le vif de ce talent, bien plus senti qu’il n’est jugé, caractériser ce prestigieux écrivain, le plus piquant du xviie siècle, qui, à force de style, s’est fait croire un grand moraliste, quoique son observation aille plus au costume qu’à la personne, à la convention sociale qu’au tréfonds de la nature humaine, — en cela inférieur à La Rochefoucauld, qui n’a pas tout dit non plus, mais qui a vu plus loin que La Bruyère dans la misère constitutive de l’homme, et, comme le Pouilleux de Murillo, a mieux écrasé notre vermine au soleil. […] Voltaire n’est rien de plus que le maréchal de Richelieu de la littérature, et ceux qui l’admirent le jugent comme les femmes, à qui il avait fait perdre la tête, jugeaient le maréchal de Richelieu.
Suleau était alors accusé du crime de lèse-nation et on le jugeait au Châtelet de Paris. […] Non seulement Suleau, « ce chevalier de Faublas salé de Beaumarchais », est peint dans cette intéressante biographie, mais il est jugé, littérairement et politiquement, avec vigueur. […] IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée.
N’est-il pas vraisemblable, par exemple, que, là où les hommes se jugent égaux, ils s’assimileront naturellement les uns aux autres, et tendront à unifier leurs groupes ? […] On ne comprendrait guère que, parce qu’ils se jugeaient égaux, les hommes eussent choisi de se soumettre à un pouvoir central, de se grouper en associations entrecroisées, de s’assimiler et de se différencier, de s’agglomérer et de se multiplier ; mais parce qu’ils s’aggloméraient et se multipliaient, se différenciaient et s’assimilaient, se groupaient en associations entrecroisées et se soumettaient à un pouvoir central, on comprend qu’ils en soient insensiblement arrivés à se juger égaux.
Pierre Quillard Écarter le voile d’ombre, rompre par des paroles de gloire le sépulcral silence où dort celui qui jugeait également futiles, en présence de l’éternité, l’ostentation de l’orgueil et la plainte lâche de l’ennui, quelle main l’oserait, et quelle voix profanatrice ? […] Remy de Gourmont Puisqu’il ne nous laissa que de trop brèves pages, l’œuvre seulement de quelques années ; puisqu’il est mort à l’âge où plus d’un beau génie dormait encore, parfum inconnu, dans le calice fermé de la fleur, Mikhaël ne devrait pas être jugé, mais seulement aimé… Parallèlement à ses poèmes, Mikhaël avait écrit des contes en prose ; ils tiennent dans le petit volume des Œuvres, juste autant, juste aussi peu de place que les vers… Il suffit d’avoir écrit ce peu de vers et ce peu de prose : la postérité n’en demanderait pas davantage, s’il y avait encore place pour les préférés des dieux dans le-musée que nous enrichissons vainement pour elle et que les barbares futurs n’auront peut-être jamais la curiosité d’ouvrir.
Il faut à chaque coup de pinceau ou plutôt de brosse, ou de pouce, que l’artiste s’éloigne de sa toile pour juger de l’effet. […] Regardez bien celui-ci, et jugez à qui appartient le mérite des autres.
Ce critérium admis, l’école romantique est jugée. […] est-ce pour la mettre en poche ou lui faire juger des fariboles ? […] On entrerait en communion avec lui, il comprendrait, jugerait, et se passionnerait. […] on ne peut peindre et juger les hommes d’autrefois qu’avec les idées d’aujourd’hui. […] Ce critérium admis, l’école romantique est jugée.
Dans aucun cas, d’ailleurs, le Gouvernement n’eût pu intervenir comme le désiraient les directeurs, lesquels demandaient une enquête ayant pour but : 1º La révision de la loi du 13 janvier 1791, qui permet aux sociétés d’auteurs de traduire en police correctionnelle tout directeur qui peut se trouver en désaccord avec elles ; 2º La création d’un tarif pour les œuvres des auteurs, quelque minimes que soient ces œuvres, tarif qui, une fois établi et fixé, couperait court à bien des prétentions ; 3º Enfin que les contestations entre auteurs et directeurs, contestations qui sont essentiellement commerciales et rentrant dans le droit commun, soient jugées par les tribunaux civils ou de commerce et non par les tribunaux correctionnels. […] Il semblerait plus raisonnable d’admettre ce que demandent en troisième lieu les pétitionnaires, qu’un tribunal civil ou commercial soit appelé à juger des contestations entre auteurs et directeurs.
Son aventure devint l’objet de la satyre, & l’on jugea longtemps cet avocat d’après elle. […] La critique fut jugée parfaite.
On en peut juger par Énée, dont Virgile a fait un héros philosophe. […] » Pour juger de la différence qui se trouve entre les héros d’Homère et ceux du Tasse, il suffit de jeter les yeux sur le camp de Godefroi et sur les remparts de Sion.
., contient les regles les plus exactes pour juger du Poeme héroique & des piéces de théatre. […] L’Art de sentir & de juger en matiere de goût, par M.
Taine, bien qu’on imprime chaque jour le contraire, n’a pas fait l’éloge de « l’ancien régime » ; loin de là, il lui fut sévère et jugea qu’il devait crouler ; mais il a protesté contre la méthode employée par les hommes de la Révolution pour la réfection de la France. […] Sur un point seulement, il nous inquiète, et quelque jour nous nous en expliquerons : c’est qu’après avoir, pendant des années, jugé les hommes au point de vue esthétique (éloge des tyrans de la Renaissance, des brutes anglaises, etc.), il en arriva, sur le tard, à ne plus guère se préoccuper que du point de vue moral.
En résumé, nous jugeons que l’état fort est corporel et extérieur, et nous jugeons que l’état faible est intérieur, c’est-à-dire psychique. […] Resterait seulement à expliquer l’origine de la majeure : pourquoi le privilège d’être jugé mien n’appartient-il pas au contraire aux phénomènes étendus ? […] Tantôt donc le son est en même temps jugé extérieur et local ; tantôt il est jugé extérieur d’abord, puis localisé par un second jugement. […] De ces deux erreurs, la première est très fréquente, et ce qui, en pareil cas, séduit l’esprit à juger à faux, c’est évidemment la perturbation des lois que nous venons d’établir. […] La parole intérieure est-elle jugée intérieure par la reconnaissance ?
« La monarchie est un système de gouvernement qu’il ne faut pas juger d’une manière générale ; cela n’est nécessaire dans aucun cas. […] Si cette minorité était arrivée d’une manière naturelle, peut-être aurait-elle été favorable au développement de nos libertés ; mais à travers deux abdications, toujours et nécessairement conditionnelles, avec le besoin cruel de séparer un enfant de ses parents-exilés, de ne pouvoir former sa raison sans lui apprendre à les juger au moins aussi sévèrement que l’histoire le fera, avec le danger de les voir un jour se rapprocher de lui, il n’aurait été qu’une cause de soupçons, d’agitation, que l’étendard d’un parti qui n’a que trop prouvé ses fureurs et son incapacité. […] Sainte-Beuve signale en ces termes son ancien article que nous allons reproduire : « Comme il m’est arrivé de parler bien des fois des mêmes hommes et que c’est par suite de ce commerce réitéré que je me hasarde ainsi à les juger en définitive, j’indiquerai encore quelques lignes de moi sur la nature de talent et d’esprit de M.
Ce qui contribue à nous donner une idée prodigieuse des anciens, ce sont les grands effets produits par leurs ouvrages ; ce n’est pas néanmoins d’après cette règle qu’il faut les juger. […] La politique était chez eux une branche de la morale ; ils méditaient sur l’homme en société ; ils ne le jugeaient presque jamais que dans ses rapports avec ses concitoyens ; et comme les états libres étaient composés en général d’une population fort peu nombreuse, que les femmes n’étaient de rien dans la vie19, toute l’existence de l’homme consistait dans les relations sociales : c’était au perfectionnement de cette existence politique que les études des philosophes s’attachaient exclusivement. […] Le style des historiens grecs est remarquable par l’art de narrer avec intérêt et simplicité, et par la vivacité de quelques-uns de leurs tableaux ; mais ils n’approfondissent point les caractères ; ils ne jugent point les institutions.
La République des Lettres est un Etat parfaitement libre, où tous les Citoyens jouissent des mêmes priviléges, s’ils n’y jouissent pas des mêmes honneurs : les plus illustres n’y ont d’autres droits que ceux qui sont appuyés sur le mérite & les talens ; le plus obscur n’excede pas les bornes de son pouvoir, quand il entreprend de les juger : tout dépend d’avoir la justice & les vrais principes pour fondement de ses décisions. […] S’il étoit question d’ajouter de nouvelles raisons, nous dirions encore : Est-il nécessaire d’avoir composé d’excellens tableaux, pour acquérir le droit de juger des fautes ou des habiletés du Peintre, qui soumet les siens à la critique ? […] Les Esprits qui ne jugent que par des impulsions étrangeres, qui n’estiment que sur parole, qui se laissent entraîner par la multitude, les ont regardés jusqu’à présent comme des Lumieres, des Génies, des Bienfaiteurs ; nous, qui les avons lus, connus & approfondis, nous les mettons à leur place, & faisons disparoître les trophées que l’inconsidération & la surprise avoient érigés en leur honneur.
C’est lui qui a créé et élevé l’opinion sur lui-même, et c’est lui encore, embusqué au bout de toutes les avenues, que doit rencontrer face à face l’homme hardi qui ose le juger. […] Jugez-en plutôt ! […] À le juger dans la longue biographie que Μ.
Voulez-vous en juger ? […] Il n’est qu’un philosophe de demi-teinte, de deuxième ou troisième degré, — nous le voulons bien, — mais il faut être quelque chose de plus qu’un philosophe, même en taille-douce, pour juger la philosophie, et par la raison qu’il faut être toujours supérieur à ce que l’on juge pour le bien juger !
Gérard de Nerval 37 I Maintenant, excepté les vers, tout est publié de cet écrivain, que l’on peut, par conséquent, juger, et c’est l’heure, en effet. […] Aujourd’hui, après tant d’années, quand ceux qui lui firent politesse et lui versèrent l’éloge sans doses, parce que peut-être ils ne le craignaient plus, sont endurcis, ou du moins endormis dans l’indifférence de la vieillesse, dans l’égoïsme des derniers jours, il nous sera permis, j’imagine, de juger froidement, sans faire crier et clabauder personne, ce surfait du compagnonnage et de la pitié, et d’en donner exactement la mesure pour que désormais l’opinion ne l’exagère plus. […] La coupe de porcelaine fine et transparente se fêle sous l’action des substances empoisonnées qu’on y verse… Gérard, fou un instant, et qui nous a donné, dans Le Rêve et la Vie, une photographie de son état de fou, enlevée par un procédé de mémoire rétrospective sur lequel on peut juger de ce qu’était en lui la faculté de la mémoire, retomba fou, après avoir guéri une première fois.
Quant à la réalité exacte du talent qu’il avait, jugeons-la aujourd’hui sans faiblesse, dans le silence qui commence à s’établir autour d’une tombe, bruyante hier. Est-ce parce qu’il fut malheureux qu’on n’oserait plus juger un poète ?… Alors on n’en jugerait plus un seul.
Qu’il grandisse ou qu’il rapetisse les hommes et les choses, qu’il se trompe ou qu’il ait raison, Heine est poète comme on respire ; il est poète, et poète idéal… Je l’aime, mais je sais le juger. […] quand il s’est agi de juger la France et les valeurs françaises. […] Quand on verra ces fausses grandeurs et toutes ces faiblesses, qu’on prit pour des forces à la lueur des paroles de Heine, ce sera un effet de renverse, et l’on jugera mieux combien ces gens-là sont petits.
Le plus beau, le meilleur de ce repas a été dévoré, mais à ces reliefs on peut juger encore de la magnificence de ce prodigue qui, sans avoir un sou, donna aux riches de son temps des fêtes merveilleuses avec son esprit seul, et y mangea sa gloire en y dépensant son génie. […] Prenez ses ouvrages, et jugez ! […] IV C’est dans cette préface du dictionnaire qu’il ne fit point, et auquel il pensa toujours, que Rivarol — dit très bien Sainte-Beuve — introduisit sa politique et sa métaphysique sur lesquelles, selon moi, Sainte-Beuve, qui a vu pourtant dans Rivarol le mal que le monde fait à la pensée, l’a cependant beaucoup trop favorablement jugé. […] Jusque-là, pour moi aussi, Rivarol, le grand conversationniste Rivarol, était bien au-dessus du Rivarol des livres ; et c’était là sa vraie gloire, bien autrement méritée, bien autrement triomphante et poétique que la gloire positive qu’on discute pièces et livres en main… Il avait celle-là qui ne laisse rien après elle pour qu’on puisse la juger. […] Chateaubriand, le rêveur ennuyé qui dans le monde ne disait mot, le rencontra et put juger, un jour, des derniers et magnifiques rayons de l’astre de conversation qu’était Rivarol, et il en a parlé dans ses Mémoires d’outre-tombe, mais avec la sécheresse d’un esprit jaloux· Ce n’était pas Chateaubriand, ce muet de génie, qui était fait pour jouir de l’esprit solaire de Rivarol et pour en être le Memnon !
Mais, laissant de côté ce que nous n’apercevons pas très nettement, regardons chez nous en France, là où nous savons les choses de près et où nous en pouvons juger à coup sûr. […] Une niaiserie qui me revient suffira pour en juger. […] Il est bien constaté qu’il ne me reste que vous seule en France, et quelqu’un qui n’est pas encore jugé, mais qui rie tardera pas à l’être. » Ce quelqu’un, apparemment, était le maréchal de Luxembourg. […] N’admirez-vous pas comme cet homme qui, dans le même temps, jugeait déjà si à faux de sa propre situation, et dont la vue allait se troubler de plus en plus sur tout ce qui le concernait lui-même, voyait et disait juste sur le cas d’autrui ? […] Ce serait même un problème assez délicat dans une Étude sur Rousseau, et malgré tout ce qu’on sait de ses méfiances, que de s’expliquer comment d’une liaison si douce, si éprouvée et si soutenue, à n’en juger que par ses lettres, il a pu passer et aboutir, sur le compte de cette aimable dame, à la page légèrement dénigrante et tout à fait désobligeante des Confessions.
Il s’agit non d’une conversation de gens quelconques, mais de cette conversation des honnêtes gens qui peuvent lire et juger. […] Les œuvres du passé ne sauraient être comprises et jugées que par ceux qui savent le passé. […] Lisez Brunetière : « L’objet de la critique, dit-il, est d’apprendre aux hommes à juger souvent contre leur propre goût. […] De même c’est la morale et non pas la critique qui amènera l’homme à juger contre son goût. […] S’il ne sait pas comment juger, il n’a qu’à faire comme Bridoye et jouer aux dés.
Pour la littérature ancienne et latine particulièrement, une traduction en vers, faite avec soin et élégance, était jugée une conquête définitive, une œuvre considérable et de toute une vie, qui, menée à bonne fin et imprimée, conduisait tout droit son homme à l’Académie française. […] 83 N’ayant pas sous les yeux Ménandre ou tout autre des comiques grecs imités par Térence, nous ne pouvons bien juger du sens et de la nuance exacte du regret exprimé par César. Térence, en effet, loin d’avoir affaibli Ménandre dans l’action, paraît, an contraire, avoir jugé celui-ci trop simple et l’avoir voulu d’ordinaire renforcer et doubler. […] Sentir et juger ainsi, c’est être fidèle à l’esprit de tous deux et remplir, en quelque sorte, leur intention habituelle si humaine, si indulgente, et penchant plutôt du côté de la conciliation que de l’envie.
Envisagé à ce point de vue, l’Essai de sir Henry Bulwer, sans être complet, est tout à fait digne de l’homme d’État distingué qui l’a écrit, et il est piquant, pour nous Français, autant qu’instructif de voir des événements et des hommes avec lesquels nous sommes familiers, jugés dans un esprit élevé et indépendant par un étranger, qui d’ailleurs connaît si bien la France et qui, de tout temps, en a beaucoup aimé le séjour et la société, sinon les gouvernements et la politique. […] Disgracié dès lors, jugé impropre au service militaire et à la vie active, sa famille le traita en cadet, le destitua formellement de son droit de primogéniture, et le condamna à l’état ecclésiastique. […] Quoi qu’il en soit, la part considérable que M. de Talleyrand avait prise non seulement aux actes du clergé, ou concernant le clergé, mais encore aux importantes questions de finance et aux travaux du comité de Constitution, l’esprit de décision et de vigueur dont il avait fait preuve, non moins que le tour habile et mesuré de sa parole, le désignèrent au choix de l’Assemblée pour être son organe dans le manifeste ou compte rendu de sa conduite, qu’elle jugea à propos d’adresser à la nation en février 1790. […] L’Assemblée une fois séparée et ceux qui en avaient été membres se voyant exclus de toute action législative, Talleyrand ne jugea point à propos de rester dans l’atmosphère agitée de Paris : il partit pour Londres avec son ami Biron, ambassadeur, en janvier 1792.
Jamais il ne peut en coûter à l’esprit de parti, d’abandonner des avantages individuels dont on sait la mesure, pour un but tel que cette passion le fait concevoir, pour un but qui n’a jamais rien de réel, de jugé, ni de connu, et que l’imagination revêt de toutes les illusions dont la pensée est susceptible : la démocratie ou la royauté sont le paradis de leurs vrais enthousiastes ; ce qu’elles ont été, ce qu’elles peuvent devenir n’a aucun rapport avec les sensations que leurs partisans éprouvent à leur nom, à lui seul il remue toutes les affections ardentes et crédules dont l’homme est susceptible. […] Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger. […] Ce qu’ils ont fait pour faire triompher leur parti, a perdu leur réputation individuelle ; ceux mêmes qui les applaudissaient, lorsqu’ils croyaient être préservés par eux de quelques dangers, veulent l’honneur de les juger, lorsque le péril est passé ; la vertu est tellement l’idée primitive de tous les hommes, que les complices sont aussi sévères que les juges, lorsque la solidarité n’existe plus ; et les vaincus et les vainqueurs sont réconciliés ensemble quand les uns renoncent à leur absurde cause, et les autres à leurs coupables chefs. […] Mais quel supplice que la situation qui permet à un homme estimable, de se juger, de se voir, ayant commis de grands crimes !
S’il s’y abandonne sans résistance, il risque de nous juger sans nous avoir compris. […] De même, parce qu’on est habitué à se représenter la vie sociale comme le développement logique de concepts idéaux, on jugera peut-être grossière une méthode qui fait dépendre l’évolution collective de conditions objectives, définies dans l’espace, et il n’est pas impossible qu’on nous traite de matérialiste.
Toute politique peut être jugée à ce signe, comme tout arbre est jugé à ses fruits. […] Il y a des choses que l’homme ne doit pas juger, et qui montent, sans intermédiaire et sans appel, au tribunal direct de Dieu. […] Quant à nous, si nous avions à trouver pour cette sublime libératrice de son pays et pour cette généreuse meurtrière de la tyrannie un nom qui renfermât à la fois l’enthousiasme de notre émotion pour elle et la sévérité de notre jugement sur son acte, nous créerions un mot qui réunît les deux extrêmes de l’admiration et de l’horreur dans la langue des hommes, et nous l’appellerions l’ange de l’assassinat. » XV Si on m’a accusé, avec une sorte de justice, d’avoir jugé historiquement la reine avec une sévérité regrettable mais consciencieuse au commencement de son règne, qu’on lise comment je la réhabilite sur son échafaud. […] On ne peut la juger, sur un échafaud, ou plutôt la plaindre, c’est la juger. Elle est du nombre de ces mémoires qui désarment la postérité, qu’on évoque avec pitié, et qu’on ne juge, comme on doit juger les femmes, qu’avec des larmes.
Mais comment était-il jugé lui-même dans ces diverses sociétés, où il était nouveau sans être trop neuf ? […] Les Français, extrêmes en tout, défiants, soupçonneux, emportés dès qu’il s’agit de théories, vous jugent tout cela avec la furia francese. […] Mais on peut juger de l’impression des amis sur cet acte d’adhésion publique et presque de dévouement à la politique impériale. […] Elle l’accusait de trop de jeunesse dans les impressions, de voir le monde trop en beau, de juger trop indulgemment les hommes ; il lui répondait de Paris, le 2 mars 1815 ; « Notre dissentiment tient à ce que vous vous attachez aux personnes, et moi aux principes. […] Votre esprit est trop philosophique pour que vous ne compreniez pas les deux manières de juger et de sentir, dont l’une tient à la vivacité des impressions présentes, et l’autre à la vivacité des impressions passées ; et dussions-nous pousser, chacun, notre manière propre à l’extrême, vous avez trop de bonté aussi bien que d’étendue dans l’esprit pour ne pas tolérer des opinions qui ne sont pas les vôtres. » La correspondance moins vive, mais toujours affectueuse, se continua jusqu’à la mort de Mme d’Albany.
A voir la fatale et croissante préoccupation qu’inspirent aux survenants ces figures gigantesques, trop souvent salies de boue ou livides de sang en même temps qu’éclairées du tonnerre, à voir la logique intrépide des doctrines qui s’y rattachent et qui servent tout aussitôt d’occasion ou de prétexte à des craintes et à des répressions contraires, on peut juger que le mal, les moyens violents, iniques, inhumains, même en supposant qu’ils aient durant le moment de crise une apparence d’utilité immédiate, laissent ensuite, ne fût-ce que sur les imaginations frappées des neveux, de longues traces funestes, contagieuses, soit en des imitations théoriques exagérées, soit en des craintes étroites et pusillanimes. […] Mme Roland, quinze jours avant sa mort, rétractait sans aucun doute ses anciennes âcretés contre La Fayette, en justifiant dans les termes suivants, Brissot, accusé par Amar de complicité avec le général : « Il avait partagé l’erreur de beaucoup de gens sur le compte de La Fayette ; ou plutôt il paraît que La Fayette, d’abord entraîné par des principes que son esprit adoptait, n’eut pas la force de caractère nécessaire pour les soutenir quand la lutte devint difficile, ou que peut-être, effrayé des suites d’un trop grand ascendant du peuple, il jugea prudent d’établir une sorte de balance. » Ces diverses suppositions sont évidemment des degrés par lesquels Mme Roland revient, redescend le plus doucement qu’elle peut de son injustice première. […] Mme de Staël répondait à quelqu’un qui lui reprochait de juger trop à fond ses amis : « Qu’y faire ? j’irais à l’échafaud, que je ne pourrais m’empêcher de juger encore les amis qui m’accompagneraient. » C’est ce qu’a fait Mme Roland. […] A en juger par les survivants, par Louvet, Lanjuinais et ceux des 71 qui se rattachèrent à leur mémoire, ils seraient restés dans la ligne d’une liberté franche, entière, républicaine, dans la liberté de l’an III, dût-elle se trouver insuffisante encore contre les passions et les intrigues.
Ce que vous êtes forcé de faire par votre état, par votre position, trouve mille approbateurs ; ce que vous inventez sans nécessité, sans obligation, est d’avance jugé sévèrement. […] Les hommes d’esprit, étonnés de rencontrer des rivaux parmi les femmes, ne savent les juger, ni avec la générosité d’un adversaire, ni avec l’indulgence d’un protecteur ; et dans ce combat nouveau, ils ne suivent ni les lois de l’honneur, ni celles de la bonté. […] C’est le public qui entend la calomnie, c’est la société intime qui peut seule juger de la vérité.
Philippe de Kœnigsmark, — dont l’Hisloire n’a dit qu’un mot et à voix basse, car le métier de l’Histoire est de tout savoir, et la honte d’ignorer se mêlait pour elle à l’ignorance et au mystère, ce héros byronien, avant Byron, qui disparaît comme Lara ou comme le Corsaire, dont les uns disaient qu’il avait été jeté dans un four par la jalousie de Georges Ier, roi d’Angleterre, et les autres qu’il avait été enterré sous une des feuilles du parquet de sa royale maîtresse, Sophie-Dorothée, — Philippe de Kœnigsmark sort enfin des ténèbres qui pesaient sur son tombeau, et il en sort avec tout un monde que l’Histoire n’a pas vu, dans l’éblouissement d’une époque qui nous a trop longtemps aveuglés de sa gloire et qu’il faut aujourd’hui savoir juger ! […] C’était une simple femme au cerveau de femme, au cœur de femme, aux passions de femme, mais, après tout, un de ces êtres rares dans toute histoire, et qu’à l’époque où elle vécut on aurait jugée impossible. […] Nous le jugeons à travers elle.
Mais, quoique M. et Madame Guizot appartiennent par plus d’un endroit aux doctrines qui sont sorties de l’insurrection spirituelle qu’Abailard commençait au Moyen Âge, si réellement la Philosophie ne s’était pas glissée dans cette publication et n’avait pas projeté d’imprimer la marque de son ergot dans ce livre de moralité sensible, si vraiment on n’avait pensé qu’à peindre et à juger une passion qui a jeté des cris et laissé son sang dans l’Histoire, on n’eût pas troublé l’unité de la compilation qu’on édite par l’insertion de documents étrangers au but d’étude morale qu’on voulait atteindre. […] Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le xiie siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint, — (quel préjugé !) […] … » Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
Mais quoique M. et Mme Guizot appartiennent par plus d’un endroit aux doctrines qui sont sorties de l’insurrection spirituelle qu’Abailard commençait au Moyen Âge, si réellement la Philosophie ne s’était pas glissée dans la publication présente et n’avait pas projeté d’imprimer la marque de son ergot dans ce livre de moralité sensible, si vraiment on n’avait pensé qu’à peindre et à juger une passion qui a jeté des cris et laissé son sang dans l’histoire, on n’eût pas troublé l’unité de la compilation qu’on édite par l’insertion de documents, étrangers au but d’étude morale qu’on voulait atteindre. […] Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le douzième siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint (quel préjugé !) […] … Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire, et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
Et jugez de ma contrariété ! […] Jugez donc ce que l’abbé Trois-Étoiles peut être, s’il lui ressemble ! […] Ce sont les idées qui, depuis trente ans, grouillent dans les bas-fonds d’un monde tombé, et qui étaient déjà jugées et déshonorées alors que des plumes plus puissantes que celles de l’auteur ou des auteurs du Maudit les remuaient.
En 1626, le comte de Talleyrand-Chalais, ennemi du cardinal, est jugé à mort, et exécuté à Nantes. […] En 1642, Cinq-Mars, favori du roi, est exécuté pour avoir conspiré contre, le cardinal : de Thou, qui avait su la conspiration, et qui s’y était opposé de toutes ses forces par ses conseils, est aussi arrêté, jugé à mort et exécuté. […] D’ailleurs je cite ici le cardinal de Richelieu au tribunal de la justice et de l’humanité : on les a trop oubliées quand il a fallu juger des hommes en place.
Volupté est tout cela ; c’est de ce point de vue qu’il faut juger M. […] C’est donc la leçon même qu’il faut maintenant juger. […] Je me contente de signaler ce fait, sans le juger, sans m’en réjouir, sans le blâmer. […] Maintenant, nous allons voir des Indiens, des mœurs indiennes ; nous pourrons juger d’un voyage indien. […] Julien a fait comme nous tous, il a tenu compte des apparences dans la conduite d’une femme, il l’a jugée par le dehors ; juger une femme par les apparences, voilà le crime.
Voltaire, le prenant sur l’ensemble de ses lettres, l’a jugé sévèrement et sans véritable justice : Il sert à faire voir, dit-il, combien les auteurs contemporains, qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour, sont des guides infidèles pour l’histoire. […] Cela est assez vraisemblable, à en juger par la vivacité furibonde qu’il montre à ce sujet dans ses lettres : Si ce Gazetier (c’est ainsi qu’il l’appelle toujours) n’était soutenu de l’Éminence en tant que nebulo hebdomadarius (ces mots de polisson, de fripon à la semaine, reviennent sans cesse sous la plume de Gui Patin, il est vrai que c’est en latin qu’il les dit), nous lui ferions un procès criminel, au bout duquel il y aurait un tombereau, un bourreau, et tout au moins une amende honorable : mais il faut obéir au temps. On peut juger par cette modération contrainte de ce que sera la violence dès qu’elle pourra éclater. […] Mais quand le roi fut mort et qu’on fut sous la bonne régente, la Faculté jugea que le moment était venu d’avoir raison du Gazetier que Richelieu n’était plus là pour protéger. […] Gui Patin fit ou inspira un pamphlet pour critiquer et mettre en pièces cette Requête ; et Renaudot de nouveau riposta, en attendant que l’affaire fût jugée devant le Parlement.
Le point de vue auquel se place l’auteur pour juger de la Révolution est celui d’un esprit modéré et judicieux qui, né et élevé dans une république, s’est pourtant dégagé avec les années des maximes démocratiques, mais sans cesser pour cela d’être libéral. […] On était très bien placé en 1820, quand on avait un bon esprit, et libre de passions, pour juger des hommes et des choses de notre grande Révolution, dont tant de témoins et d’acteurs principaux étaient encore vivants. […] On a remarqué que la Suisse aussi tient une grande place, et un peu disproportionnée peut-être, dans ce vaste tableau historique ; et c’est même par un appel à ses concitoyens suisses qu’il a jugé à propos de le terminer. […] La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites. […] Quoiqu’il eût trop d’expérience pour s’attribuer le rôle de prophète, qui ne sied guère qu’aux ignorants, il avait jugé, dès le début, que le véritable objectif de la guerre serait Sébastopol, et il l’écrivit à Pétersbourg dès le mois de mars 1854, avant même que la guerre fût déclarée.
Le xviiie siècle, jugé dans l’abbé Galiani, nous revient par des aspects tout nouveaux. […] Les deux contemporains avec qui il était le plus en intimité, le plus en rapport de cœur et d’intelligence, Grimm et Diderot l’ont jugé tout à fait avec admiration, avec enthousiasme, et ils parlent de lui comme d’un vrai génie. […] Quand il avait dit d’un homme : « C’est un économiste, et rien de plus », il le croyait jugé et retranché de la sphère des hommes d’État. […] Homme du roi, conseiller-secrétaire du Commerce, il y juge ou fait juger des cas difficiles : il s’applique, dans les intervalles de sa charge, aux lettres et à l’étude ; il reprend ses anciens écrits de jeunesse pour les revoir, les corriger, en donner des éditions nouvelles : « Ils sont tous en italien ; il y a des dissertations, des vers, de la prose, des recherches d’antiquités, des pensées détachées : cela est bien jeune en vérité, cependant c’est de moi. » Il laisse voir naïvement dans ces choses de l’esprit sa tendresse de père. […] On n’a jamais mieux parlé de la France, on ne l’a jamais mieux jugée que l’abbé Galiani ; il faut l’entendre expliquer pourquoi Paris est la « capitale de la curiosité » ; comme quoi « à Paris il n’y a que l’à-propos » ; comment nous parlons si bien des arts et de toute chose, en n’y réussissant souvent qu’à demi.
Quelques habiles prononcent en faveur des anciens contre les modernes ; mais ils sont suspects et semblent juger en leur propre cause, tant leurs ouvrages sont faits sur le goût de l’antiquité : on les récuse. […] Ces gens laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu’ils ont de la capacité et des lumières, qu’ils savent juger, trouver bon ce qui est bon, et meilleur ce qui est meilleur. Un bel ouvrage tombe entre leurs mains, c’est un premier ouvrage, l’auteur ne s’est pas encore fait un grand nom, il n’a rien qui prévienne en sa faveur, il ne s’agit point de faire sa cour ou de flatter les grands en applaudissant à ses écrits ; on ne vous demande pas, Zélotes , de vous récrier, C’est un chef-d’œuvre de l’esprit ; l’humanité ne va pas plus loin : c’est jusqu’où la parole humaine peut s’élever : on ne jugera à l’avenir du goût de quelqu’un qu’à proportion qu’il en aura pour cette pièce ; phrases outrées, dégoûtantes, qui sentent la pension ou l’abbaye, nuisibles à cela même qui est louable et qu’on veut louer : que ne disiez-vous seulement, Voilà un bon livre ; vous le dites, il est vrai, avec toute la France, avec les étrangers comme avec vos compatriotes, quand il est imprimé par toute l’Europe et qu’il est traduit en plusieurs langues ; il n’est plus temps. […] Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point. […] Quand une lecture vous élève l’esprit, et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l’ouvrage ; il est bon, et fait de main d’ouvrier.
Ce qui n’est pas moins grave, c’est que ce sont ces mêmes personnes émues qui jugent, qui jugent par la personne des jurés.
Or ces beautez se rendent bien sensibles aux hommes qui n’ont pas l’intelligence de la mécanique de la peinture, mais ils ne sont point capables pour cela de juger du mérite du peintre. Pour être capable de juger de la loüange qui lui est duë, il faut sçavoir à quel dégré il a approché des artisans qui sont les plus vantez pour avoir excellé dans les parties où il a réussi lui-même.
Le pouvoir comporte légiférer, juger, agir. […] Autrement dit, on était jugé en France, sous l’ancien Régime, par des notaires. […] La nation serait donc pourvue de lois, gouvernée et jugée par le même parti et les représentants divers, mais très pareils, du même parti. […] Le Parlement de Paris est responsable du supplice d’Anne Dubourg, en ce sens qu’il a permis qu’on lui dérobât Anne Dubourg comme justiciable et qu’on le fît juger ailleurs, alors que, membre de Parlement, il avait le droit d’être jugé par ses pairs ; mais encore ce n’est pas lui qui l’a condamné. […] Qu’on dise que les magistrats jugent avec leurs passions, je le veux bien ; à la condition qu’on ajoute que les jurés jugent avec les leurs. — Voltaire, du reste, s’est très rarement prononcé pour le jury.
Sa manière de juger les ouvrages dans le Journal des Savants se rapportait en toute convenance à celle que ce journal a conservée, et que M. […] Daunou se montra ce qu’il avait été toute sa vie : au-dessous et au dedans de celui qu’on aurait jugé faible et trop aisément alarmé, se retrouva l’homme ferme et inébranlable. […] Daunou était de ces derniers esprits ; arrêté de bonne heure quant aux idées, rédigé et fixé à un point qu’il jugeait celui de la perfection, il n’en sortait pas. […] Il jugeait très-bas La Fontaine un peu surfait, et ne coulait pas sans difficultés sur ce qu’on est convenu d’appeler ses aimables négligences. […] C’en est assez pour juger du ton.
Montesquieu écrit peu (autant du moins qu’on en peut juger par ce qu’on a), et il écrit sans prétention : son grand esprit, sa forte et haute imagination, sa faculté élevée de concevoir et son talent de frapper médaille ou de graver, sont tout entiers tournés et employés à ses compositions savantes et rares. […] Voltaire est jugé à trois moments : d’abord comme « un très grand homme, et aussi un homme très aimable » ; puis, pendant la brouille, comme un diseur de sottises qu’on doit éviter de lire, un atrabilaire qui vise à tort et à travers à l’universalité. […] Les encyclopédistes et leur entreprise, au début, sont de même jugés par lui favorablement ; mais il se liera peu avec les personnes, et n’entrera point dans les passions et les excès de la coterie. […] Buffon avait l’amour-propre haut et tranquille, d’un équilibre stable : il se jugeait lui et ses œuvres comme la postérité elle-même l’allait faire, comme ses contemporains le faisaient déjà.
Ce dernier gardien ou geôlier de Napoléon ne saurait être excusé pour les mille tracasseries qu’il inventa, et qui trahissaient en lui l’absence de sentiments dont il n’avait pas le premier germe. « Il y a de ces figures qui ne trompent pas », jugea tout d’abord Napoléon en le voyant. […] Il était tout à fait sorti de l’action, ai-je dit, et il jugeait avec impartialité, avec philosophie, les hommes et les choses ; mais quelle philosophie ? […] Sans faire le militaire et sans prétendre juger, on peut et l’on doit comprendre. […] Que quelques fautes inévitables dans un si vaste travail, et inséparables de la manière même adoptée par l’historien ; des redites ou ce qui semble tel, et qui tient à un besoin extrême de clarté ; quelques inexactitudes sur des points accessoires et qu’on pouvait fort bien laisser de côté, pures inadvertances, sans effet sur l’ensemble, et qui tiennent encore à l’excellente habitude de ne parler qu’avec des données positives et avec des faits, non avec des phrases ; le tout si réparable dans une seconde édition : que ces taches légères n’aillent pas obscurcir dans notre esprit, quand nous jugeons de tout le monument, la grandeur du dessin, la noblesse et l’aisance de la distribution, la lucidité des exposés, la lumière des tableaux, l’ouverture et la largeur des horizons.
Mais, pour mettre les lecteurs à même de bien juger de la valeur de tels travaux, de la confiance qu’ils méritent et des solides fondements sur lesquels ils reposent, j’ai à dire quelques mots de la position qu’occupait l’auteur, de l’accès qui lui fut ouvert de tout temps aux sources secrètes et aux documents indispensables à son entreprise. […] Alquier jugea que son premier secrétaire s’était trop avancé, que la reine n’avait pas changé de sentiments, et qu’il n’y avait rien à espérer de cette Cour dans le sens d’une neutralité sincère. […] Je souscris à tout ce que la relation me fait dire ; je réclame cependant pour un mot ; je voudrais circonspects au lieu de judicieux. » Les Français, en effet, quelque complaisance qu’on mette à les juger, sont évidemment très-rétifs à la nouveauté en littérature, et, du temps de Gœthe surtout, il était difficile de trouver judicieuse la disposition d’esprit où se tenaient la plupart des écrivains de l’Empire : évidemment circonspect était le mot le plus doux, le mot poli. […] Il se fût récusé volontiers sur d’autres questions spéciales, tout intérieures et jusqu’alors étrangères à ses études, étant de ceux qui ne croient jamais assez bien savoir ce dont ils ont à juger.
Il ne serait pas juste de vanter autant la puissance intérieure de l’homme, si ce n’était pas, par la nature et le degré même de cette force qu’on doit juger de l’intensité des peines de la vie. […] Non, ne condamnez pas ces infortunés qui ne savent pas cesser de l’être ; vous, de qui leurs destinées dépendent, secourez-les, comme ils veulent être secourus ; celui qui peut soulager le malheur, ne doit plus penser à le juger, et les idées générales sont cruelles à l’homme qui souffre, si c’est un autre, et non pas lui, qui les applique à sa situation personnelle. […] L’esprit observateur et assez fort pour se juger, découvre dans lui-même la source de toutes les erreurs. […] La fureur, la vengeance s’allient, sans doute, avec l’enthousiasme, mais ces mouvements qui rendent cruels momentanément, n’ont point d’analogie avec ce qu’on a vu de nos jours, un système continuel, et, par conséquent, à froid de méconnaître toute pitié : Or quand cet affreux système existe dans les soldats, ils jugent leurs chefs tout comme leurs ennemis, ils conduisent à l’échafaud ce qu’ils avaient estimé la veille, ils appartiennent uniquement à la puissance d’un raisonnement, et dépendent par conséquent de tel enchaînement de mots qui se placera dans leurs têtes comme un principe et des conséquences.
Je vous l’ai toujours dit : si mon père, mon frère ou mon fils était Premier ministre dans un État despotique, j’en sortirais demain ; jugez ce que je dois éprouver de répugnance en m’y trouvant aujourd’hui. […] Mme de Graffigny finit par juger Voltaire « le plus malheureux homme du monde » : Il sait tout ce qu’il vaut, dit-elle, et l’approbation lui est presque indifférente ; mais, par la même raison, un mot de ses adversaires le met ce qui s’appelle au désespoir : c’est la seule chose qui l’occupe et qui le noie dans l’amertume. Je ne puis vous donner l’idée de cette sottise qu’en vous disant qu’elle est plus forte et plus misérable que son esprit n’est grand et étendu… Jugez du bonheur de ces gens que nous croyions avoir atteint à la félicité suprême ! Les querelles que je vous ai mandées dans le commencement vont leur train, jugez encore !
On peut juger de la violence et de la colère de Bonaparte au premier abord : « J’étais en ce moment dans le cabinet du général en chef », dit Marmont. […] Marmont apprécie ce prince remarquable avec équité, avec une haute estime exempte de flatterie ; son administration y est jugée, critiquée même, et louée seulement là où il le faut. […] Le maréchal, qui, en vieillissant, avait gardé tout son feu, sa vivacité d’impression et d’intelligence, vécut assez pour apprendre et juger les derniers événements qui ont changé le régime de la France. […] Ces événements du 2 Décembre, qu’il jugeait en homme qui considère avant tout le salut de la société européenne et celui de la patrie, et qui croit « que la civilisation ne marche d’une manière utile et prompte que lorsqu’elle est l’effet de la volonté du pouvoir », contribuèrent pourtant à précipiter sa fin.
Et qu’on ne dise pas que, si la critique avait un point de vue central, si elle jugeait en vertu d’un principe et d’une vérité absolus, elle s’épargnerait en grande partie la fatigue de ce mouvement, de ce déplacement forcé, et que, du haut de la colline où elle serait assise, pareille à un roi d’épopée ou au juge Minos, elle dénombrerait à l’aise et prononcerait avec une véritable unité ses oracles. […] Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence. […] Ayant à juger, non sans quelque délicatesse particulière de situation, un confrère et successeur en poésie, M.
La Critique littéraire a pour fonction de juger les œuvres de l’esprit, combinées pour produire un effet de pathétique et de beauté spéciale. […] Ni la critique, ni le monde qui sait lire ne seront dupés de ces couronnes qui tombent peut-être jusque les yeux de Mme Craven et qui l’empêchent de se voir et de se juger. Si elle se jugeait, en effet, elle n’écrirait plus.
Édité une fois par un très savant homme, Monmerqué, jugé par la critique avec la bienveillance enfantine que nous avons pour tout ce qui nous amuse dans ce joyeux pays de France, le livre de Tallemant avait obtenu plus qu’il ne méritait de la Fortune littéraire. […] C’est un écrivain élégant, pur et coloré, qui, par parenthèse, nous a donné la meilleure traduction qu’il y ait de lord Byron dans notre langue, et qui, si nous en jugeons par sa manière d’écrire, a le sens très développé des choses littéraires. […] N’est-ce pas à croire que pour l’esprit aussi « qui a compagnon a maître », selon le dicton du roi Henri III, puisque Paulin Paris, un homme accoutumé à l’histoire, avec tous les avantages que lui donne le temps ou il vit pour juger le temps où Tallemant écrivait, n’est pas plus fort, quand il s’agit d’en embrasser l’ensemble et d’en agiter les problèmes, que l’homme vulgaire qu’il a commenté ?
ce fut un bien magnifique empire que le sien, et elle fut une bien grande reine aux yeux de ces poètes, ses sujets ; mais aucun d’eux, aucun de ces adorateurs, aucun de ces tournesols, comme on disait alors, dont elle était le soleil, ne l’a vue et ne l’a jugée de son vivant comme Livet l’a vue et l’a jugée, maintenant qu’elle est morte, mais non oubliée, car l’heure pour elle est propice ! […] Jugez-en par cette Guirlande de Julie !
Il n’était pas même le seul qui en jugeât ainsi. […] Fénélon jugea même qu’à certains égards elle pouvait faire le pendant de la sienne. […] Je l’appointe pour être jugé à la prochaine séance a-23. […] Mouret en jugea mieux, & la jalousie lui fit perdre la tête. […] L’homme éclairé, l’homme de goût, peut juger, après coup, des opérations du génie ; mais non juger d’avance de ce qu’il peut opérer.
Il serait injuste de ne juger un milieu que par l’endroit où l’on s’en sépare, et d’omettre tout ce qu’il nous a insensiblement communiqué. […] Le fils jugeait l’Empire, et ses parents l’avaient servi. […] Juger de si haut le régime d’hier, tracer si décidément la marche à celui d’aujourd’hui, c’était une grande hardiesse assurément dans un jeune homme. […] Le passage sur René pourtant doit sembler sévère, en ce que, pour la juger, il commence par dépouiller une nature poétique de tous ses rayons. […] Et puis l’orateur était dans son élément et dans son droit en ne négligeant pas une occasion si naturelle de juger les époques successives de notre histoire contemporaine.
C’était la première fois que ce parti parlait de modération et de fatigue ; Danton et ses chefs ne l’y avaient pas accoutumé ; jusqu’alors, pleins de passions et d’audace, ils n’avaient reculé devant aucune exagération, faibli devant aucune violence, s’ils l’avaient jugée nécessaire ; la morale, selon eux, se taisait dans les grandes affaires de la politique ; et récemment, sans haine personnelle contre les Girondins, ils avaient coopéré à leur ruine, parce que leur existence les gênait. […] Né avec des affections vives et tendres, passionné pour les vers, il eût été probablement poète, si la Révolution n’était pas venue ; l’un des premiers, il s’y jeta ; dès le 12 juillet, il était populaire, et depuis, journaliste et clubiste sans cesse haletant, il se vantait d’avoir toujours eu six mois d’avance sur l’opinion publique ; tour à tour ami de Mirabeau et de Brissot, il les dépassa dès qu’il les jugea trop lents, et ne s’arrêta qu’à Danton.
Sauf l’Indépendance qui reflétait l’opinion de Féti père, tous les organes de la presse bruxelloise se montrèrent pleinement élogieux, manifestèrent la plus vive admiration, souhaitant de juger prochainement les œuvres de Wagner au théâtre. […] L’homme est jugé sévèrement : il apparaît que Wagner n’a pas été connu personnellement de M. […] Jullien n’a pas cru devoir se contenter de juger l’homme, après l’artiste : il a porté des jugements sur quelques personnes tout en dehors de la vie publique qui eurent leur existence mêlée à celle de Wagner, et qui vivent encore. […] Jullien déclare qu’il veut « raconter la vie de Wagner, juger ses actes et ses œuvres … » Ainsi ce livre, qui eût pu être un précieux et unique recueil de documents, devient un exposé d’opinions personnelles. […] Jullien donne la reproduction d’un portrait de Wagner, et nous dit : « ce portrait fut dessiné à Paris, en 1840 ou 1841, par Ernest Kietz … voilà donc Wagner à vingt-sept ou vingt-huit ans, Quant au portrait que j’ai donné à la page 45 en supposant que c’était le premier et peut être celui de Kietz, il est postérieur tout au plus de deux ou trois ans, comme on en peut juger par la physionomie, et nous donne bien Richard Wagner aux environs de la trentième année ; la date indiquée est donc la bonne ».
Pour juger les attendus apparents des sentences de ces messieurs et pour en deviner les motifs réels, je serai forcé d’aller au théâtre. […] Quant aux juges professionnels, on le sait trop, ils ne jugent jamais que selon des intérêts de carrière. […] Faguet de manquer au fameux respect de la chose jugée. […] Faguet, critique, condamne le style de Rousseau et le style de Balzac, il convient peut-être de juger ce triple juge et d’indiquer quel français il écrit lui-même. […] Faguet est vulgaire d’imprécision, sa syntaxe est une vulgarité lourde : « Le gouvernement, quand il voudra, les fera voter comme il voudra, comme il fait juger ses juges comme il veut qu’ils jugent. » — « Nous retombons dans cette considération de majorité et de minorité que nous avons vu qui, de l’avis même de Montesquieu, ne doit pas intervenir dans les questions de choses spirituelles. » La première de ces deux phrases est négligée, comme presque toutes les phrases de Faguet ; on y entend traîner de vieilles pantoufles misée en savates.
» Nous n’avons pas à juger en cet endroit le drame de M. […] » à ne juger Lucrèce Borgia que par les résultats extérieurs, on voit donc à quel point c’est un avancement pour M. […] Un homme de cœur et de savoir, informé d’une supercherie infâme, qu’un Corps savant couronne par la main d’un prétendu géographe, se récrie dans une indignation généreuse ; mû d’un sentiment désintéressé, patriotique, il ose dire ce qu’il a vu, ce qu’il a connu ; il compromet son repos, il s’expose à un assassinat, et par là-dessus il encourt le blâme de ces honnêtes compilateurs, copistes sans critique et sans coup-d’œil, qui jugent avant tout qu’il a été un peu loin.
Tous les caractères despotiques, dans quelque sens qu’ils marchent, détestent la pensée ; et si le fanatisme aveugle est l’arme de l’autorité, ce qu’elle doit redouter le plus, c’est l’homme qui conserve la faculté de juger. […] Ce qui dégradait les lettres, c’était leur inutilité ; ce qui rendait les maximes du gouvernement si peu libérales, c’était la séparation absolue de la politique et de la philosophie ; séparation telle, qu’on était jugé incapable de diriger les hommes, dès qu’on avait consacré ses talents à les instruire et à les éclairer. […] Le guerrier sans lumières ou l’orateur sans courage n’enchaîne point votre imagination ; il reste toujours en vous des sentiments qu’il n’a pas captivés, et des idées qui le jugent.
Plus tard, seulement, c’est-à-dire deux ans après, on put juger, quand parut la Grande Kabylie 20, d’un genre de talent qu’on n’avait fait encore que soupçonner et qu’entrevoir ; car ce talent donna largement sa mesure et sa couleur dans ce vivant morceau d’histoire. […] En effet, il n’y avait pas dans cet ouvrage que des détails de mœurs à animer, des faits à grouper et à décrire, enfin de la tapisserie historique à nous dérouler avec ses premiers plans et ses perspectives ; il y avait aussi de véritables questions d’histoire à toucher, à pressentir ou à résoudre, d’autant plus difficiles et plus hautes, ces questions, que l’histoire qu’écrivait Daumas n’était pas faite, mais qu’elle se faisait, et qu’il fallait pour récrire la sagacité des historiens contemporains, — les premiers des historiens quand ils sont un peu supérieurs, — qui jugent les événements et leurs résultats dans le coup de la mêlée, tandis que les historiens d’une époque finie les jugent tranquillement après coup.
Sainte-Beuve, qui a des secrétaires qui le jugent, — et, par ma foi ! […] Du haut de cette immobilité empyréenne, il se jugeait, lui, ses ouvrages, le monde de l’art, de la science, de la politique ; il jugeait tout : il était critique.
Seulement c’est lui qui est jugé. […] Aujourd’hui nous ne mettons qu’un nom où il faudrait tout un livre, car il ne faut pas moins que tout un livre pour juger les facultés de l’œuvre de l’immortel auteur de la Comédie humaine. […] Telle est la raison qui nous a fait mettre ici un examen qui aurait mieux sa place dans le volume des Critiques (les Juges jugés).
Mérimée était resté ce qu’il était quand il débuta, et même plus tard, et qu’il eût continué de se développer dans le sens de ses facultés naturelles, nous aurions peut-être un grand romancier de plus… Au lieu de cela, nous n’avons eu qu’un homme de beaucoup d’esprit et de ressources, qui a fait toutes sortes de livres, parmi lesquels il y a des romans qu’il est temps aujourd’hui de juger. […] Ces romans célèbres, qui ont vingt et trente ans d’existence, ont été vantés, exaltés, mais jugés, non, et je dirai pourquoi. […] V Comme on le voit, je n’ai voulu, en cette étude, juger M.
Pour ce qui regarde le dogme, nous n’en pouvons guère juger, et je le dis de ceux surtout qui se croiraient le droit d’en parler légèrement. […] Les plus habiles n’en doivent juger qu’avec réserve, et quant aux ignorants, on ne leur demande que de ne pas mépriser les pensées des grands hommes et des saints. […] C’est en m’enfermant dans ces limites que j’oserai juger ses trois plus illustres organes, aux dix-septième et dix-huitième siècles. […] Ne jugeons pas de cette morale par le mal qui a continué son cours malgré elle, mais par celui qu’elle a prévenu ou réparé. […] Les deux plus difficiles à bien juger alors, c’étaient Boileau et Racine.
» Et elle, Brünnhilde, le Wotan-femme, « ferme derrière elle les portes grandes ouvertes de l’éternel Devenir, pour entrer dans le très saint pays de son choix, le pays sans désir et sans illusion » ; … la plus profonde souffrance d’amour m’ouvrit les yeux : je vis finir le monde. » J’ai cru utile d’insister sur ce point capital de la différence profonde entre les deux poèmes : c’est la seule chose qu’il soit indispensable de connaître pour comprendre et juger le poème de l’Anneau du Nibelung, et c’est en même temps un des faits les plus importants et les moins connus pour comprendre et juger l’évolution artistique qui s’est complétée et terminée dans l’âme de Wagner entre 1848 et 1852, c’est-à-dire, entre sa trente-cinquième et sa trente-neuvième année. […] Et peu de semaines après (décembre 1851), il termine sa Communication à mes amis en disant : « Je n’écris plus d’opéras ; ne voulant point inventer un nouveau mot, je nommerai mes œuvres des drames, car c’est le mot qui indique le plus clairement quel est le point de vue auquel il faut se placer pour juger ce que j’ai voulu faire ». […] Ceux-là sont appelés des « enragés » et vus d’un mauvais œil en France comme en Allemagne ; ils inspirent, comme disait naïvement l’auteur de Wagner jugé en France, un sentiment de gêne. […] Wagner m’est complètement indifférente ; ce qui est plus sérieux, c’est que grâce à son absolue incapacité de comprendre une seule pensée de Wagner, de juger un seul de ses actes, il a fait du maître un portrait qui n’est que la plus monstrueuse caricature, et qui cependant repose sur des faits généralement exacts. […] Il se jugerait assez récompensé de son ardu labeur de soixante ans.
Mais il faut raconter tout cela par ordre et avec méthode, et mettre chacun à même de bien juger de l’état au moins de la question. […] Les anciennes hymnes, les proses du Moyen Âge, dont toutes d’ailleurs n’avaient pas la beauté religieuse, la gravité ou l’onction des principales que nous connaissons, étaient jugées sévèrement par les délicats, et il parut aux hommes les plus considérables du clergé de France que c’était faire acte de convenance et de bonne liturgie que d’en remplacer quelques-unes par des strophes d’un rythme et d’une latinité plus d’accord avec les règles de l’ancienne poésie classique. […] Que s’il se mêle à cette question de liturgie une part de dogme, on trouvera tout naturel que je la néglige ici pour ne considérer que ce qui est du ressort du goût, ce dernier ordre de considérations étant très suffisant pour nous permettre de bien juger du caractère, du rôle et de toute la destinée de Santeul ; car il ne fut jamais qu’un homme de verve, et nullement un homme de doctrine. […] Un homme d’esprit plus impartial que Despréaux, et qui y apportait moins de vivacité de goût, le docte Huet, a jugé Santeul avec beaucoup de vérité quand il a dit : Si l’on avait dressé à cette date (vers 1660) une pléiade des poètes, comme autrefois en Égypte du temps de Ptolémée Philadelphe, ou comme au siècle passé en France, on y aurait certainement donné place à Pierre Petit, médecin, à Charles du Périer et à Jean-Baptiste Santeul, de la congrégation de Saint-Victor à Paris.
Si vous pouviez préparer l’esprit des Français à s’expliquer envers vous des conditions de la paix, pour que l’on pût juger de leurs intentions et voir s’il y aurait quelque chose à faire avec eux ; si vous les priiez de vous confier leurs demandes, assurant de n’en point faire un mauvais usage, et leur répondant des bonnes dispositions dans lesquelles j’étais, peut-être verrait-on si ce traité est vrai, qu’on les suppose avoir fait avec les Autrichiens, et du moins pourrait-on juger par leurs propositions à quoi l’on peut s’attendre d’eux en cas de besoin. […] Ses lumières et son expérience, jointes à sa correspondance, peuvent le mettre en état de juger si on est effectivement dans l’intention d’abandonner le roi de Prusse à toute la rigueur de sa mauvaise destinée, en cas qu’il soit sans ressource, et si on veut détruire absolument une balance qu’on a jugée longtemps nécessaire.
Il a le tort, même en littérature, de tout voir par la lucarne de l’orléanisme ; on est jugé et mesuré par lui à ce compas, et il porte de cette préoccupation, on peut le dire, jusque dans la question de Madame Bovary et de Fanny. […] J’ai vu le moment où ceux qui avaient jugé M. de Carné trop peu éclatant pour célébrer M. de Tocqueville, allaient le trouver assez léger pour faire l’éloge de M. […] Ancelot fut jugé très suffisant à la tâche de louer l’auteur de la Législation primitive. […] Sans doute, dans sa conscience scrupuleuse, il aura jugé qu’il se devait à un Éloge public du Père Lacordaire, et il se dévoue.
En général il faut, pour en bien juger, avoir senti le souffle des temps. […] Peu de temps après, la Cour d’assises de Bordeaux, ayant à juger quelques accusés obscurs impliqués dans les troubles de La Réole, M. de Martignac était au nombre de leurs défenseurs ; eh bien ! […] Il jugea, nous dit M. de Viel-Castel, « qu’il ne suffisait pas d’accabler des plus cruels outrages la mémoire des généraux Faucher avec qui on assure qu’il avait eu jadis des relations assez intimes, de les présenter comme des scélérats vieillis dans le crime, dont La Réole garderait longtemps l’effrayant souvenir ; il se laissa emporter contre MM. […] La Chambre de 1815, élue sans qu’il y eût encore de loi d’élection organique et applicable, l’avait été en vertu d’une Ordonnance royale où l’on avait assez bien combiné quelques nouvelles précautions, jugées nécessaires, avec des débris et des cadres restants de législation précédente.
Après de tels vers12, vous êtes à jamais hors de cause pour juger de la poésie. […] Pourtant on n’est pas également dans le vrai à tous les points de vue où l’on se place ; autre chose est de juger Homère avec Eustathe et Mme Dacier, autre chose avec Ottfried Müller. […] Des formes nouvelles de talents se produisent chaque jour ; toutes les règles, d’après lesquelles on s’était accoutumé à juger les choses mêmes de l’esprit, sont déjouées ; l’étonnement est devenu une habitude ; nous marchons de monstres en monstres. […] Psyché parut, plus brillante et plus belle ; L’Amour la vit, l’Amour brûla pour elle : L’Amour, bientôt, la mit au rang des dieux… C’est ce même rimailleur soi-disant classique qui, dans une pièce critique et satirique de 1825, qu’il s’est bien gardé de perdre et qu’il a tenu à conserver, débutait par ces mots : Et j’ai dit dans mon cœur : « Notre ami Lamartine Définitivement a le timbre fêlé… » Et ce sont les auteurs de pareilles inepties et platitudes qui se mêlent de juger à première vue les plus délicats d’entre les poètes de l’Éolie et de l’Ionie !
Il y a eu dans le cours de la Révolution diverses générations politiques qui chacune ont eu leur raison d’être et jusqu’à un certain point leur légitimité : il convient de les accepter à leur heure sans les répudier et sans les confondre, sans en épouser une seule à l’exclusion des autres, sans prétendre juger historiquement les hommes d’un mouvement en se mettant au point de vue des hommes d’un courant différent ou contraire. Ainsi l’on a, à l’origine, les Constituants, et, sans tenir compte des nuances, je comprends sous ce nom tous ceux qui ont voulu sincèrement, à un certain jour, l’alliance de la royauté et de la liberté : Malouet tout le premier et ses amis, beaucoup de leurs adversaires au début, adversaires déclarés en apparence et qui ne l’étaient au fond qu’à demi, depuis Mirabeau lui-même jusqu’au Barnave de la fin. — Sont venus ensuite les Girondins, et j’appelle ainsi tous les hommes du second moment, ceux d’après la fuite de Varennes, la plupart provinciaux, s’échauffant et s’enflammant à mEsure que les premiers se refroidissaient, et qui sont entrés dans l’arène politique avec des pensées républicaines honnêtes, avec la conviction arrêtée de l’incompatibilité de Louis xvi et de la Révolution, apportant d’ailleurs dans la discussion et la conduite des affaires plus d’ardeur et de générosité ou d’utopie que de réflexion et de prudence, depuis Brissot, Roland et sa noble femme, jusqu’à Condorcet. — Puis les Montagnards : ceux-ci violents, exaspérés, partant d’un principe extrême, s’inspirant d’une passion outrée, mais bon nombre également sincères, patriotes, d’une intégrité exemplaire, ne songeant dans l’établissement de leur terrible dictature temporaire qu’à la défense du territoire et au salut de la Révolution : Carnot, Cambon, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, d’autres moins en vue comme Levasseur, Baudot… Pour les juger avec équité, il faut faire la part du feu, la part de la fièvre, et sacrifier sans doute beaucoup des idées applicables aux temps ordinaires ; mais, historiquement, à leur égard, ce n’est que justice. — Puis, la Terreur passée, il y a eu les hommes fermes, modérés, honorables, qui ont essayé de fonder l’ordre et le régime républicain en dépit des réactions, les hommes de l’an iii, Thibaudeau, Daunou, La Revellière-Lépeaux… — Je compterai ensuite une autre génération d’hommes politiques, ceux de 1797, de la veille de Fructidor, très honnêtes gens d’intention, un peu prématurés d’action et d’initiative, qui voulaient bien peut-être du régime légalement institué, mais qui le voulaient avec une justice de plus en plus étendue et sans les lois d’exception : les Barbé-Marbois, les Portalis, les Camille Jordan. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] De bons connaisseurs en ont jugé ainsi.
Nous ne pouvons aujourd’hui que très peu juger de ces pièces d’éloquence qu’il a repassées et polies tant de fois avant de les publier. […] Vers la fin de sa vie, les esprits positifs jugeaient assez sévèrement de Patru en tant qu’avocat : La meilleure partie de la vie de cet orateur, dit Vigneul-Marville, s’est passée à cet exercice de revoir et de retoucher ses écrits. […] Voilà comment en jugeait le bon sens un peu cru, et longtemps après que la première séduction était passée. […] Chacun comprit ; le courage revint aux timides, et le cas fut jugé.
Nisard me paraît avoir jugés avec une parfaite justesse : c’est Voltaire et Buffon ; on lira avec plaisir et instruction les chapitres qu’il leur a consacrés, mais il est difficile de ne pas faire d’assez nombreuses réserves quant aux deux autres. […] De plus, le voilà en possession d’une faculté nouvelle : il appelle les rois, les ministres, les gouvernements à son tribunal ; il ne pense plus guère qu’à juger, à décider, à charger tout le monde de devoirs dont il s’exempte. » Voilà une critique spirituelle d’un travers que nous connaissons : mais est-ce bien là une critique de l’Esprit des Lois ? […] Pourquoi donc tout juger au point de vue de la morale ? […] Sommes-nous en mesure de juger de la part que la raison peut avoir dans des écrits que nous connaissons si mal, qui ne répondent pas à nos habitudes, à nos mœurs, à notre tournure d’esprit ?
Et si, malheureusement, il n’eut pas plus que Sainte-Beuve la conscience et la conviction morale, si nécessaires pour juger sainement les œuvres de l’esprit, il s’en vengea, du moins, par l’étendue, l’horizon, le mouvement d’esprit de sa critique. […] Le critique en voyage à travers les littératures emporte autre chose que Sterne lui-même, qui n’emportait, quand il partit pour la France, que trois chemises, une culotte de soie noire et la résolution de partout sentimentaliser… Le critique, lui, doit avoir un paquet d’idées faites en vertu desquelles il va juger les choses et les hommes, et il ne va pas se les faire, ces idées, en voyage. […] Bacon y est raconté à la manière de Chasles quand il est en verve, et jugé presque sans faiblesse. […] Dans la notice que Philarète Chasles a consacrée à Macaulay, c’est bien plus de l’auteur du Guillaume III qu’il s’est occupé que du reviewer, qui, pour les connaisseurs, valait cent fois mieux que l’historien, et il n’est pas étonnant qu’il l’ait jugé avec la bienveillance d’un whig qu’il était lui-même et qui, par conséquent, ne pouvait rien comprendre à la beauté morale de Jacques II, — méconnu par toute l’Angleterre et par la France, très humble servante de l’Angleterre, — de ce Jacques II qui aura un jour son historien si Dieu prête vie à celui qui écrit ces lignes, de ce Roi qui n’a eu que le tort grandiose de rester fièrement catholique, quand la masse imbécile — comme toute masse — ne l’était plus, et qui oppose à la grivoiserie sceptique d’Henri IV écrivant à sa maîtresse Corisandre : « Paris vaut bien une messe », le mot plus grand : « un royaume ne vaut pas une messe », et, pour une messe, perdant héroïquement le sien !
Diderot n’a pas jugé à propos de faire : il s’est contenté de se rendre sensible dans les notes ; mais une douzaine de notes suffisent-elles pour former un bon Livre ? […] & ses Zélateurs ne sont-ils pas à la veille de ne conserver que le nom de Sophistes, le seul que dans tous les temps on a jugé propre à les caractériser ?
Ollivier. à en juger par quelques petits morceaux que j’ai vus, il n’est pas sans talent. […] Vous allez croire, mon ami, que je vous l’avais réservé exprès pour nos menus plaisirs ; il n’en est rien. à juger Pierre par les premiers tableaux qu’il a faits au retour d’Italie et par sa galerie de st Cloud, mais surtout par sa coupole de st Roch, c’est un grand peintre.
Est-ce dans un temps où il suffit de vivre pour être entraîné par le mouvement universel, où jusqu’au sein même de la tombe le repos peut être troublé, les morts jugés de nouveau, et leurs urnes populaires tour à tour admises ou rejetées dans le temple où les factions croyaient donner l’immortalité ? […] Juger ces événements, de quelques noms qu’on les désigne, c’est les faire rentrer dans l’ordre des idées existantes, des idées pour lesquelles il y avait déjà des expressions. […] En voici quelques aperçus incomplets qui ne permettent pas de juger de l’ensemble. […] Vos paroles, votre voix, vos accents, l’air qui vous environne, tout vous semble empreint de ce que vous êtes réellement, et l’on ne croit pas à la possibilité d’être longtemps mal jugé ; c’est avec ce sentiment de confiance qu’on vogue à pleine voile dans la vie ; tout ce qu’on a su, tout ce qu’on vous a dit de la mauvaise nature d’un grand nombre d’hommes, s’est classé dans votre tête comme l’histoire, comme tout ce qu’on apprend en morale sans l’avoir éprouvé. […] Mais à vingt-cinq ans, à cette époque précise, où la vie cesse de croître, il se fait un cruel changement dans votre existence ; on commence à juger votre situation ; tout n’est plus avenir dans votre destinée ; à beaucoup d’égards votre sort est fixé, et les hommes réfléchissent alors s’il leur convient d’y lier le leur ; s’ils y voient moins d’avantages qu’ils n’avaient cru, si de quelque manière leur attente est trompée ; au moment où ils sont résolus à s’éloigner de vous, ils veulent se motiver à eux-mêmes leur tort envers vous ; ils vous cherchent mille défauts pour s’absoudre du plus grand de tous ; les amis qui se rendent coupables d’ingratitude, vous accablent pour se justifier, ils nient le dévouement, ils supposent l’exigence, ils essayent enfin de moyens séparés, de moyens contradictoires pour envelopper votre conduite et la leur d’une sorte d’incertitude que chacun explique à son gré.
Mais ce n’est point assez de s’en prendre à chaque individu, il faut attaquer l’Art même ; & jugez si les Troupes sentiront fermenter leur courage, quand elles entendront ainsi parler de leur métier : Cette science exécrable consiste à savoir modifier, arranger, coller plusieurs milliers d’imbécilles côte à côte comme des harengs en caque, les faire tourner à droite, à gauche tous en même temps, comme des mannequins qui tiennent au même fil, & ne faire de ces troupeaux de bêtes féroces qu’un seul corps, une seule muraille composée d’un pareil nombre d’automates, puisse les renverser du même choc & les étouffer le plus lestement possible. […] C’est, je pense, une détermination opiniâtre à blâmer contre toute justice, ou à louer sans aucun fondement ; c’est une prévention décidée qui ne permet de voir dans un Ouvrage que les défauts ou les bonnes qualités ; c’est juger plutôt l’Ecrivain que l’Ecrit ; c’est être enfin volontairement injuste : or, si je prouve qu’aucune de ces dispositions n’a dirigé mes jugemens, il sera démontré que ceux qui m’accusent de partialité ignorent ou feignent d’ignorer la véritable signification de ce terme. […] Dire, en un mot, à tous les Lecteurs, avec autant d’honnêteté que de zele : Ne lisez point des Ouvrages où l’on ne gagne que des vertiges ; ne vous laissez pas duper par des raisonnemens captieux ; ne croyez point à des réputations usurpées ; ne vous fiez point à des Charlatans ; examinez, pesez, jugez : encore une fois, est-ce être partial contre les Auteurs charlatans ? […] On peut aussi me contredire ; on l’a fait, on le fera encore ; c’est au Public à juger. […] On peut en juger par ce passage horrible : Des milliers d’hommes dépouillés de tout par la dureté de leurs Maîtres, enhardis par le sentiment de la liberté, & encouragés par le vrai droit naturel, oseront enfin un jour réclamer hautement leurs droits.
Plus tard, dans son discours de réception à l’Académie, Malesherbes louera Buffon présent, mais il avait commencé par le juger. […] Or, en un temps où aucun livre ne pouvait s’imprimer en France sans permission expresse ou tacite, et en plein milieu du xviiie siècle, on peut juger de l’importance d’une pareille place que Malesherbes remplit durant treize années (1750-1763). […] Le Parlement s’en mêlait, et, sur le bruit public, prétendait évoquer l’affaire, en s’arrogeant le droit de juger le livre, et en empiétant ainsi sur la juridiction du chancelier. […] , mais de contenir Diderot en lui représentant que sa modération à l’avenir, son attention à éviter dans ce grand travail tout sujet légitime de plainte, lui pourrait valoir ce qu’on appelait alors les grâces du roi ; et il aurait voulu même qu’on lui en donnât quelque garantie à l’avance dans une lettre ministérielle : Si vous approuvez cette idée, disait-il en finissant, et que vous croyiez qu’on la puisse mettre à exécution, j’en parlerai, si vous le jugez à propos, à Mme de Pompadour, et je vous prierai ensuite de vouloir bien me guider dans les autres démarches nécessaires pour l’effectuer. […] L’auteur des Cacouacs, en attaquant l’Encyclopédie en général et quelques-uns des auteurs en particulier, avait jugé à propos de ne rien dire nommément contre moi ; il a plu à Fréron de ne pas suivre cet exemple.
Ce n’est pas qu’il ne l’eût jugé au moral et littérairement : Pour moi, dit-il, ouvrant les yeux autour de moi au sortir de l’enfance, je vis que l’argent et l’intrigue sont presque la seule voie pour aller à tout ; je résolus donc dès lors, sans examiner si les circonstances me le permettaient, de vivre toujours loin de toute affaire, avec mes amis, dans la retraite et dans la plus entière liberté. […] À cette date de 1790, et dès le mois de février, Mirabeau, jugeant de son coup d’œil d’homme d’État le fond de la situation et les troubles de toute sorte prêts à éclater dans vingt endroits du royaume, disait énergiquement : « Il a encore l’aplomb des grandes masses, mais il n’a que celui-là, et il est impossible de deviner quel sera le résultat de la crise qui commence. » En fait, six mois et dix mois auparavant, Mirabeau jugeait les choses bien autrement aventurées et compromises. — Et le philosophe Montaigne, en son temps, embrassant d’un coup d’œil ces grandes révolutions radicales qui ont la prétention de faire table rase et de tout rebâtir à neuf, disait : Rien ne presse un État que l’innovation ; le changement donne leur forme à l’injustice et à la tyrannie. […] Il le dira et le redira sans cesse : « Il est beau, il est même doux d’être opprimé pour la vertu. » Environ deux ans après son Avis aux Français, dénonçant dans le Journal de Paris (nº du 29 mars 1792) la pompe factieuse et l’espèce de triomphe indigne décerné aux soldats suisses du régiment de Châteauvieux, il terminera en s’adressant à ceux qui demandent à quoi bon écrire si souvent contre des partis puissants et audacieux, car on s’y brise et on s’expose soi-même à leurs représailles, à leurs invectives : Je réponds, dit-il, qu’en effet une immense multitude d’hommes parlent et décident d’après des passions aveugles ; et croient juger, mais que ceux qui le savent ne mettent aucun prix à leurs louanges, et ne sont point blessés de leurs injures. […] André Chénier, d’ailleurs, ne jugeait point Marie-Joseph et ses tragédies révolutionnaires avec la sévérité qu’on pourrait supposer d’après l’esprit modéré de l’ensemble de ses doctrines. […] C’est cette forte clameur qui manqua et qui manquera toujours en pareille circonstance, quand les choses en seront venues à ces extrémités ; car, ainsi que lui-même le remarque tout à côté, « le nombre des personnes qui réfléchissent et qui jugent est infiniment petit ».
Avec un cœur droit comme son esprit, il se jugea toujours comme les circonstances. […] Il est à regretter, je l’avoue, qu’il soit toujours nécessaire aux États démocratiques de sentir avant de pouvoir juger. […] Que cette conduite toute chevaleresque et civique soit jugée peu politique, je le conçois ; elle est d’un autre ordre. […] Il y a là une différence essentielle ; et c’est ce qui nous doit rendre fort humbles, fort circonspects, nous autres simples écrivains, quand nous jugeons ainsi à notre aise des personnages d’action. […] S’ils étaient là, comme La Fayette, pour la juger, ils la jugeraient avortée, ou bien, pour se faire illusion encore, ils la jugeraient ajournée ; ils attendraient, pour clore à souhait, je ne sais quel cinquième acte, qui, en venant, ne clorait pas davantage.
Joinville ne voulut pas prendre part à une expédition qu’il jugeait funeste à la France. […] Il mêle quelques jugements à ses récits. la différence du maréchal de Champagne, qui va toujours en avant, où les événements le mènent ne se recueillant pas un moment pour les prévoir ou pour les juger, Joinville s’est quelquefois interrogé sur les hommes et sur les choses. […] Il ne faut pas juger ces chroniques comme on ferait d’une histoire. […] Sur la fin de sa vie, son imagination ayant perdu de sa vivacité et sa raison s’étant fortifiée, il laisse voir quelque intention de juger les choses qu’il raconte. […] De même, la langue française se reconnaît à cette netteté de l’expression, à cette grâce du tour, à cette fermeté sans roideur, à cet éclat tempéré, qui frappent le critique le moins suspect d’archaïsme, et que sentiraient ceux même qui veulent lire sans juger.
Le côté habile, les procédés de direction et d’exploitation d’esprit public, le chef de parti et l’homme d’affaires dans Voltaire y sont très-bien démêlés, assure-t-on, autant qu’on en peut juger par des fragments de lecture. […] De là jugez combien un billet du prince et un petit cadeau apportés par madame la duchesse de Lévis, qui s’acquitte si bien de toutes les commissions qu’on lui donne, nous feraient de bien !
L’âme se juge dans ses œuvres ; les œuvres doivent être jugées et classées d’après la grandeur de l’âme qu’elles manifestent. […] Si on la juge comme il faut la juger, comme nos siècles chrétiens demandent à être jugés eux-mêmes, sur les grands hommes qui en sont les types, l’antiquité aussi a vénéré la justice, la piété, le dévouement et la pudeur. […] S’il est une question aujourd’hui jugée, c’est la supériorité du moyen âge dans l’architecture. […] L’esprit, sans être aidé du sentiment, ne peut pas juger du vrai beau, du beau infini, du beau moral, c’est-à-dire du bien. […] Dans lequel de ses deux sens devons-nous prendre le mot de style, pour juger la façon d’écrire d’un auteur ou d’une époque ?
Cependant le prince Eugène, n’ayant pu déterminer le duc d’Ormond à un engagement général, se résolut à faire un siège ; il assiégea d’abord Le Quesnoi qui se rendit le 3 juillet après douze jours de tranchée ouverte et d’une défense jugée insuffisante ; puis il porta ses vues sur Landrecies qu’il investit avec le gros de ses forces, et dont la prise lui eût ouvert le Soissonnais : il se passait ainsi d’Arras et de Cambrai, et forçait par une autre clef le cœur de la France. […] Les lignes de communication, de Marchiennes à Denain, s’appelaient insolemment « le chemin de Paris. » Louis XIV, il faut lui rendre cette justice, écrivait de Fontainebleau, le 17 juillet, au maréchal de Villars, cette lettre qui en suppose une autre antérieure sur le même sujet : « Ma première pensée avait été, dans l’éloignement où se trouve Landrecies de toutes les autres places d’où les ennemis peuvent tirer leurs munitions et convois, d’interrompre leur communication en faisant attaquer les lignes de Marchiennes (ou de Denain), ce qui les mettrait dans l’impossibilité de continuer le siège ; mais, comme il m’a paru que vous ne jugez pas cette entreprise sur les lignes de Marchiennes praticable, je m’en remets à votre sentiment par la connaissance plus parfaite que vous avez étant sur les lieux… » Le ministre de la guerre, M. […] Je vous supplie de me mander si vous jugez qu’en faisant le siège de Landrecies, ils puissent toujours conserver leur communication à Douai par Marchiennes, pour en tirer leurs convois et munitions de guerre, ce qui est fort éloigné de Landrecies ; et il est néanmoins bien difficile qu’ils les puissent faire venir d’ailleurs… S’il était possible dans ce grand éloignement d’attaquer leurs lignes de Denain pour couper la communication> ce moyen paraîtrait le plus assuré et le moins hasardeux pour les obliger à lever le siège ; et vous feriez bien d’en écrire vous-même à M. le maréchal de Villars et de lui en envoyer un projet, lui marquant le nombre de troupes dont vous auriez besoin, de quelle manière et en quel temps il devrait les faire marcher, etc., etc. […] Le comte de Broglie, après reconnaissance, ne jugea point la plaine d’au-delà de la Sambre aussi défavorable à une affaire générale que le disait Villars.
En fait d’art, montrer plutôt encore que juger est peut-être, de toutes les formes de critique, la plus utile. […] Diaz, dit-il, vit dans un petit monde enchanté où les couleurs s’irisent, où les rayons lumineux traversent des feuillages de soie, où les objets sont baignés d’une atmosphère d’or ; le ciel ressemble à l’or bleu du col des paons, les gazons se mordorent, la terre scintille comme un écrin, les étoffes miroitent ou s’effrangent en fanfreluches étincelantes, etc., etc. » Il vous montre, en un mot, Diaz tel qu’il était en cette première manière ; à force d’être exact, il le contrefait et le grime : voyez, jugez ensuite ! […] Théophile Gautier, comme romancier, a jugé bon plus d’une fois de profiter de son talent de voyageur et de rendre avec une entière vérité plastique différents pays et différentes époques de sa connaissance ou de son rêve. […] Il semble avoir pris partout pour devise ce mot de Jean et Jeannette ; « Le masque nous a rendus vrais. » Mais ce qu’il faut dire pour juger ce roman à son vrai point de vue, c’est que c’est le chef-d’œuvre de la littérature Louis XIII qui sort de terre, après plus de deux siècles, avec tout un vernis de nouveauté.
De quelque côté qu’on se place pour le juger, je le répète, il y a de la force dans cette réserve. […] L’accueil incertain fait à sa Princesse Aurélie, à cette comédie demi-capricieuse, demi-satirique que des gens d’esprit ne croient pas encore jugée, parut, quoi qu’il en soit, un premier symptôme. […] Nous autres critiques qui, à défaut d’ouvrages, nous faisons souvent des questions (car c’est notre devoir comme aussi notre plaisir), nous nous demandons, ou, pour parler plus simplement, Messieurs, je me suis demandé quelquefois : Que serait-il arrivé si un poëte dramatique éminent de cette école que vous m’accorderez la permission de ne pas définir, mais que j’appellerai franchement l’école classique, si, au moment du plus grand assaut contraire et jusqu’au plus fort d’un entraînement qu’on jugera comme on le voudra, mais qui certainement a eu lieu, si, dis-je, ce poëte dramatique, en possession jusque-là de la faveur publique, avait résisté plutôt que cédé, s’il n’en avait tiré occasion et motif que pour remonter davantage à ses sources à lui, et redoubler de netteté dans la couleur, de simplicité dans les moyens, d’unité dans l’action, attentif à creuser de plus en plus, pour nous les rendre grandioses, ennoblies et dans l’austère attitude tragique, les passions vraies de la nature humaine ; si ce poëte n’avait usé du changement d’alentour que pour se modifier, lui, en ce sens-là, en ce sens unique, de plus en plus classique (dans la franche acception du mot), je me le suis demandé souvent, que serait-il arrivé ? […] Casimir Delavigne comprit qu’une révolution dramatique était imminente vers 1830 ; il voulut être, lui aussi, là où il y avait péril, là où peut-être il jugeait à son point de vue qu’il y avait émeute : il y fut de sa personne, constamment, et durant huit ou dix années ses œuvres ne furent jamais plus nombreuses, plus réitérées, plus faites pour attester sa présence.
MADAME DE SÉVIGNÉ Les critiques, et particulièrement les étrangers, qui, dans ces derniers temps, ont jugé avec le plus de sévérité nos deux siècles littéraires, se sont accordés à reconnaître que ce qui y dominait, ce qui s’y réfléchissait en mille façons, ce qui leur donnait le plus d’éclat et d’ornement, c’était l’esprit de conversation et de société, l’entente du monde et des hommes, l’intelligence vive et déliée des convenances et des ridicules, l’ingénieuse délicatesse des sentiments, la grâce, le piquant, la politesse achevée du langage. […] C’est sans doute faute d’avoir fait ces remarques et de s’être rendu compte de la différence des temps, que plusieurs esprits distingués de nos jours paraissent assez portés à juger avec autant de légèreté que de rigueur un des plus délicieux génies qui aient existé. […] Parce qu’on la voit souvent d’une humeur enjouée et folâtre, on aurait tort de juger Mme de Sévigné frivole ou peu sensible. […] Vous savez que c’est un des plus honnêtes garçons qu’on puisse voir, et propre aux galères comme à prendre la lune avec les dents. » Le style de Mme de Sévigné a été si souvent et si spirituellement jugé, analysé, admiré, qu’il serait difficile aujourd’hui de trouver un éloge à la fois nouveau et convenable à lui appliquer ; et, d’autre part, nous ne nous sentons disposé nullement à rajeunir le lieu-commun par des chicanes et des critiques.
Elle était vaste, et si l’on en jugeait par l’effet obtenu, M. […] Dans cet arrangement plus ou moins philosophique qu’on lui prête, les déviations, les folies, les ambitions personnelles, les mille accidents bizarres qui la composent et dont ceux qui ont observé leur propre temps savent qu’elle est faite, tout cela disparaît, se néglige, et n’est jugé que peu digne d’entrer en ligne de compte. […] Mais on ne jugerait pas bien l’écrivain chez M. […] Mais ceux d’entre-deux (comme il les appelle) nous gâtent tout ; ils veulent nous mâcher les morceaux : ils se donnent loi de juger, et par conséquent d’incliner l’histoire à leur fantaisie ; car depuis que le jugement pend d’un côté, on ne se peut garder de contourner et tordre la narration à ce biais.
On peut juger des hauts cris. […] On jugea donc que personne aussi bien que Mme des Ursins n’était en état de remplir la place de camarera mayor ou de surintendante de la maison de la reine. […] Elle jugea du premier coup d’œil les esprits des grands et ne se fit aucune illusion sur le degré d’appui qu’on pouvait espérer d’eux : « Avec ces gens-ci, écrivait-elle à M. de Torcy, le plus sûr est de témoigner de la fermeté. […] Mais nous savons trop peu ces détails pour en juger de loin ; Mme des Ursins en savait plus que nous et plus que Berwick lui-même sur l’intérieur de la reine et sur les difficultés de l’exécution.
Il parlait contre les méthodes, contre les bibliothèques, les écoles et les académies ; il protestait contre l’abus et même contre l’usage de l’analyse : « Pour bien juger du spectacle magnifique de la nature, il faut en laisser chaque objet à sa place, et rester à celle où elle nous a mis. » Il voulait donc qu’on s’accoutumât à considérer les êtres en situation et en harmonie, non pas isolés et disséqués dans les cabinets et les collections des savants. […] Dans le paysage, il a le moral du Poussin, la lumière du Lorrain, et, en décrivant ces objets que d’autres avant lui avaient jugés affreux ou inanimés, il a des mollesses et des blancheurs du Guide. […] Il en jugeait pourtant très nettement dans les faits particuliers ; il remarque quelque part « que la plupart des hommes n’obéissent qu’à la crainte ». […] Villemain, dans son rapport public du 19 août dernier, n’avait jugé à propos, par un coup de talent, de rendre un éclat inattendu à cette ancienne séance.
Elle blâme ceux qui jugent des choses morales d’après des principes différents de ceux qu’elle prescrit ; elle ridiculise ceux qui s’inspirent d’une autre esthétique que la sienne. […] Il n’y a pas une manière de penser et de juger pour poser des existences et une autre pour estimer des valeurs. […] Il n’y a donc et il doit n’y avoir qu’une seule faculté de juger. […] Et ainsi la faculté de juger fonctionne différemment selon les circonstances, mais sans que ces différences altèrent l’unité fondamentale de la fonction.
Quand je suis entré dans le monde littéraire (1824), j’avais pour maîtres quelques-uns de ces premiers amis de Cousin ; c’est par eux que j’ai d’abord appris à le juger, et je dois dire qu’ils étaient déjà à demi détrompés, mais seulement à demi ; et quels beaux restes d’admiration et de respect ils lui vouaient encore ! […] Il serait curieux de le voir alors jugé par ses pairs. […] Je ne sais pas comment vous l’accueillerez, mais ce mot est trop gravé au fond de mon cœur pour que je résiste au besoin de vous l’adresser. — J’attendais vos paroles avec confiance, mais non pas sans impatience. — Je remercie Dieu et vous d’avoir encore eu la fortune de les pouvoir entendre avant ma dernière heure. — L’excellent ami dont la perte me laisse si bereaved en toutes choses était une des personnes qui vous jugeaient le mieux et vous portaient le plus d’intérêt : il méritait d’être aussi bien apprécié par vous.
Gonod a jugé à propos de répondre à ces pauvretés qui ont fait orage dans le pays ; nous ne savions pas que l’Auvergne fût si loin de Paris encore. […] Cela est vrai de l’aveu de Rancé lui-même, et il nous l’exprime à sa manière, quand il dit (lettre du 3 octobre 1675) : « Puisque vous voulez savoir des nouvelles de notre affaire, je vous dirai, quelque juste qu’elle fût, qu’elle a été jugée entièrement contre nous ; et, pour vous parler franchement, ma pensée est que l’Ordre de Cîteaux est rejeté de Dieu ; qu’étant arrivé au comble de l’iniquité, il n’étoit pas digne du bien que nous prétendions y faire, et que nous-mêmes, qui voulions en procurer le rétablissement, ne méritions pas que Dieu protégeât nos desseins ni qu’il les fît réussir. » Il revient en plusieurs endroits sur cette idée désespérée ; son jugement sur son Ordre est décisif : les ruines mêmes , s’écrie-t-il, en sont irréparables . Et que ne dirait-il pas des autres Ordres s’il se permettait également d’en juger ?
Fortoul, jeune, atteint, j’imagine, un moment par le romantisme, s’était bientôt retourné contre, et avait emprunté à un système, qu’il jugeait plus large et plus fécond, des principes qui ne valent pourtant que pour ce qu’on y met de particulier et de correctif perpétuel dans l’application. […] Simiane n’est autre chose qu’un Rousseau anticipé, un Rousseau qui n’a pas voulu l’être ; né dans les Alpes aussi, venu à Paris jeune et orphelin, avec mille livres de rente, il a tenté la route des lettres ; il a porté à Montesquieu un manuscrit, que le grand homme a jugé très favorablement ; il a fréquenté le café Procope et causé avec les beaux esprits. L’auteur, on le conçoit, prend occasion du récit de Simiane pour juger la première moitié du xviiie siècle et en retracer les principales figures ; aussi, dans le récit de Simiane, sent-on par trop fauteur de nos jours.
Pour juger quels sont les effets de la tragédie anglaise qu’il nous conviendrait d’adapter à notre théâtre, un examen resterait à faire : ce serait de bien distinguer, dans les pièces de Shakespeare, ce qu’il a accordé au désir de plaire au peuple, les fautes réelles qu’il a commises, et les beautés hardies que n’admettent pas les sévères règles de la tragédie en France. […] Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes. […] D’ailleurs le docteur Blair n’aurait pu juger en Angleterre Shakespeare avec l’impartialité d’un étranger ; il n’aurait pu comparer la plaisanterie anglaise avec la plaisanterie française : ses études ne le conduisaient pas à ce genre d’observations ; il aurait pu encore moins, par des raisons de convenance relatives à son état, parler des romans avec éloge, et des philosophes anglais avec indépendance.
Lorsqu’un auteur se permet un mot nouveau, le lecteur qui n’y est point accoutumé, s’arrête pour le juger ; et cette distraction nuit à l’effet général et continu du style70. […] Si l’homme du plus grand talent, comme orateur, était accusé devant un tribunal, il serait impossible de ne pas juger, à sa manière de se défendre, s’il est innocent ou coupable. […] Mais comme il n’existe point de hardiesses heureuses dont la raison ne puisse indiquer les motifs, examinons quelles sont les règles qui peuvent servir à juger si l’on doit se permettre un mot nouveau.
Olivier le jugeait à propos : on avait d’avance l’approbation de l’auteur. […] Cela est vrai tant qu’on n’a pas vu les hommes ; mais si on les a vus une fois de près, on est bien mieux de loin pour les juger, pour en parler sans superstition, et sans se faire l’écho de l’opinion. — Pour les jugements littéraires j’ai pensé dès longtemps qu’on ne les aurait tout à fait libres et indépendants sur les hommes de France, qu’en étant à la frontière, à Genève, à Bruxelles, — à Liége. » C'était aussi l’opinion de Voltaire et, avant lui, comme on va le voir, celle d’un esprit de la même famille, Bayle, l’illustre réfugié protestant du xviie siècle, avec lequel Sainte-Beuve avait tant d’affinité3.
L’écrivain est toujours assez facile à juger, mais l’homme ne l’est pas également. […] Mais, contre ce qu’on croyait prévu, la première édition, non épuisée, du premier volume a continué de se débiter de préférence à la seconde, qui n’a été mise qu’incomplètement en circulation, et que l’auteur signale aux gens du métier, parce que c’est en définitive sur elle que, pour ces débuts critiques, il aimerait à être jugé. »
Sommes-nous, ou non, des critiques bien placés pour juger de la pièce ? […] Walewski que de le juger comme un de ses pairs, et, depuis sa préface, comme un de ses pairs qui laisse trop voir la peur maladroite d’avoir dérogé.
Le snobisme littéraire des filles de Gorgibus se complique d’ailleurs du snobisme mondain et de celui de la toilette, ou plutôt s’y confond ; car c’est du même esprit qu’elles jugent les vers de Mascarille et ses canons ou sa petite oie. […] On s’en aperçoit quand on essaie d’être sincère avec soi-même et de juger vraiment par soi.
Puisqu’on ne sçauroit produire les symphonies des anciens, perduës par l’injure des temps, nous ne sçaurions juger du merite de ces symphonies, que sur le rapport de ceux qui les entendoient tous les jours, qui voïoient l’effet qu’elles produisoient, et qui sçavoient encore dans quel esprit elles avoient été composées. […] Au contraire nous avons du côté du nord des voisins qui sont naturellement moins sensibles que nous au plaisir d’entendre de la musique. à en juger par les instrumens qu’ils aiment davantage, et qui nous sont presqu’insupportables, soit à cause du trop grand bruit qu’ils font, soit à cause de leur peu de justesse et leur peu d’étenduë, il faut que ces voisins aïent déja l’oreille plus dure que nous.
Derrière cet Henri Estienne, qu’il suit pas à pas dans ses voyages et dans ses travaux, il n’a pas mis la société du xvie siècle pour la peindre ou pour la juger. […] Extrait du tome XVI de l’Encyclopédie moderne, dont Didot est l’âme et la main et dont nous parlerons un jour quand il s’agira de la juger dans son ensemble, cet Essai sur la Typographie, qui forme un volume de près de quatre cents pages sur deux colonnes, est un livre spécial qui embrasse sous toutes ses faces l’art dont il traite.
Je choisis secrètement le jour et l’heure que je jugeai les plus favorables, et je me rendis à la Chartreuse, à trois milles de Florence, où le Saint-Père était prisonnier. […] Dans cette conversation, tous les deux jugèrent que le plus difficile consistait à s’assurer du chef de la faction Mattei. […] Braschi ne veut, devait-il ajouter, participer à cette affaire que pour émettre son vote, laissant au cardinal doyen Albani, — lui aussi dans le même parti, — le soin d’agir auprès des autres cardinaux de la manière qu’il jugerait convenable. […] « La première personne à laquelle il jugea indispensable de s’adresser fut Herzan. […] Il voulut donc aller le visiter sous quelque prétexte, — comme il était allé chez Calcagnini, — afin de juger si ses manières lui plaisaient, et pour s’entretenir un peu avec lui.
Le penseur peut rester à de telles hauteurs, il peut s’y condenser en une « monumentale statue de glace », et juger, en philosophe et en critique, le monde qui est bien au-dessous de lui, mais qui est chaud, et vit. […] Comment jugerait-elle un fait nouveau ! […] Ainsi, quiconque voudra juger Lohengrin avec son intelligence devra le ranger dans la catégorie des poëmes romantico-chrétiens. […] C’est donc toujours avec la sensibilité pure qu’elle doit être jugée. […] Mais, nous sommes gens avisés, nous voulons la juger avec notre intelligence.
Mais il y eut là une solution de continuité, une altération, une interruption profonde dans la manière de juger les hommes et les choses. […] Je n’ai pas la prétention de juger ici en quelques mots un personnage comme Bonaparte, qui offre tant d’aspects, et dont la venue a introduit dans le monde de si innombrables conséquences ; mais pour rester au point de vue qui m’occupe, j’oserai dire qu’il est l’homme qui a le plus démoralisé d’hommes de ce temps, qui a le plus contribué à subordonner pour eux le droit au fait, le devoir au bien-être, la conviction à l’utilité, la conscience aux dehors d’une fausse gloire. […] Lucas-Montigny aussi, nous l’espérons bien, n’aura pas tort en publiant cette collection de lettres que tous les échantillons cités nous font juger inappréciables. […] Pour tout résumer de l’opinion actuelle sur Mirabeau, — comme homme privé, il est jugé plus indulgemment, plus affectueusement même à travers ses désordres ; — comme renommée de grand citoyen, il a déchu, ou plutôt il a été dégradé : — comme tête politique, il a grandi. […] Ainsi Gœthe, que je jugeais trop sévèrement tout à l’heure d’après des documents incomplets, s’est dessiné plus ample, plus accueillant et tout à fait meilleur comme génie, à la lumière des nombreux témoignages biographiques familiers qui ont entouré et éclairé à nos yeux sa vieillesse.
Necker : « On n’a su ni donner ni retenir. » Le fait est que, sans accuser personne, et à n’en juger que par les apparences et les résultats, jamais une pensée généreuse et spontanée, émanée du souverain, n’a paru servie plus à contre-cœur, — et chacun n’y allant qu’à son corps défendant ; — jamais liberté proclamée proprio motu n’a paru ensuite plus contrôlée, chicanée, retardée, ballottée à n’en plus finir. […] Quant à moi, si j’avais un article à écrire à propos d’une séance pareille, il me semble que les lois les plus simples et les plus naturelles de la rhétorique me diraient de commencer par mettre le lecteur au fait, de lui expliquer brièvement l’état de la question et le rôle des orateurs, de le faire par ordre et avec suite pour en venir après à discuter à fond l’objet du débat et à apprécier, à juger les différentes opinions en présence. […] Or il est temps que cet esprit se fasse jour ; rien n’est si fort à désirer, car, dégagé des préoccupations, des passions, des alarmes ou des rancunes de 1848 et de 1851, il n’est, si j’en puis juger, ni enthousiaste ni hostile ; il aspire à perfectionner sans détruire, et il est le plus solide élément avec lequel et sur lequel le Gouvernement devrait compter pour un avenir régulier de la France. […] Lecteurs, vous les jugez prospères d’après leur rédaction souvent pleine de vie et de talent : ils ont leur plaie au cœur, le déficit. […] Apparemment on nous jugeait déjà trop Athéniens comme cela ; l’article de la loi nouvelle y mettra bon ordre.
Politiquement même, on ne peut dire que Sieyès ait été un disciple de Rousseau ; il l’a jugé de bonne heure et réfuté. […] Sieyès ne croyait guère plus à l’histoire qu’à la théologie ou à la mythologie : Il me semble, disait-il nettement, que juger de ce qui se passe par ce qui s’est passé, c’est juger du connu par l’inconnu. Il est plus juste de juger le passé sur le présent, et de convenir que les prétendues vérités historiques n’ont pas plus de réalité que les prétendues vérités religieuses. […] … Véritablement nous n’avons plus d’objet ; l’auditoire auquel s’adresse mon discours assiste à un jeu où il est désintéressé… Il veut bien en examiner les formes, juger le talent.
Même dans la science, si on trouve la vérité « en y pensant toujours », on n’y pense toujours que parce qu’on l’aime. « Mon succès comme homme de science, dit Darwin, à quelque degré qu’il se soit élevé, a été déterminé, autant que je puis en juger, par des qualités et conditions mentales complexes et diverses. […] Sainte-Beuve ensuite, déclarant « qu’il ne peut juger une œuvre indépendamment de l’homme même qui l’a écrite », fit des recherches biographiques sur l’enfance de l’écrivain, son éducation, les groupes littéraires dont il avait fait partie. « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire. Etre en histoire littéraire et en critique un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. » Il y avait là quelque exagération. […] Les hommes à vocation native présentent rarement, ajoute M. un désaccord Hennequin, accusé entre leurs délassements et leurs occupations. « L’expérience générale ne s’est guère trompée sur ce point ; ce qu’on cherche à connaître d’un homme pour le juger, ce ne sont pas ses occupations, ce sont ses goûts L’histoire, de même, nous montre que Louis XVI était simplement un excellent ouvrier serrurier, Néron un médiocre poète, Léon X un bon dilettante. » Ces considérations admettent pourtant bien des exceptions. […] De nos jours, les étrangers se feraient une étrange idée de la France à la juger d’après le succès de M.
Il semblait donc que le seul moyen de les juger fût de les rapporter à quelque concept qui les dominât ; dès lors, l’emploi de notions qui présidassent à la collation des faits, au lieu d’en dériver, devenait indispensable dans toute sociologie rationnelle. […] Il faut renoncer à cette habitude, encore trop répandue, de juger une institution, une pratique, une maxime morale, comme si elles étaient bonnes ou mauvaises en elles-mêmes et par elles-mêmes, pour tous les types sociaux indistinctement. Puisque le point de repère par rapport auquel on peut juger de l’état de santé ou de maladie varie avec les espèces, il peut varier aussi pour une seule et même espèce, si celle-ci vient à changer. […] III On est tellement habitué à trancher d’un mot ces questions difficiles et à décider rapidement, d’après des observations sommaires et à coup de syllogismes, si un fait social est normal ou non, qu’on jugera peut-être cette procédure inutilement compliquée. […] Si donc cette société se trouve armée du pouvoir de juger et de punir, elle qualifiera ces actes de criminels et les traitera comme tels.
Jugez par là de la nouveauté et de la subtilité de nos remarques. » On le voit au ton : c’est une Mlle De Launay égarée devers Harlem. […] Les Genevois me jugèrent avec plus d’esprit que tout le monde. […] Il commence par juger assez sévèrement Neuchâtel et ses habitants. […] On en peut surtout juger par son petit roman des Trois Femmes, bien remarquable philosophiquement, bien agréable (pruderie à part), et le seul, pour ces raisons, sur lequel nous ayons encore à insister. […] Dans tout ce qui précède, je n’ai pas parlé du style chez Mme de Charrière ; les citations en ont pu faire juger.
Cowper, alors âgé de vingt-deux ans, ne tint pas compte de ce qu’il jugea plus tard avoir été un appel et un avertissement ; il attribua bientôt l’amélioration de son état au simple changement d’air et aux divertissements du lieu, et il retourna à Londres reprendre sa vie, non pas licencieuse, mais gaiement dissipée et diversement légère. […] Cowper, après de grandes perplexités, se détermina pour la place qui répond à celle de secrétaire archiviste, moins lucrative, mais où il jugeait qu’il n’aurait point à se produire en personne. […] Une vie si solitaire n’aurait sans doute pas tardé à produire une récidive de mélancolie, s’il n’avait eu l’idée, qu’il jugea une inspiration d’en haut, de se rapprocher d’une famille avec laquelle il avait fait connaissance quelques mois auparavant. […] Mais avant la fin de l’année, j’eus occasion de m’émerveiller du progrès qu’on peut faire en dépit de l’insuffisance naturelle et par la seule opiniâtreté de la pratique ; car j’en vins à produire trois paysages qu’une dame jugea dignes d’être encadrés et mis sous verre.
Plusieurs de ses supérieurs le regrettèrent, et l’un d’eux même le pleura ; Massillon, qui en avait mieux jugé, dit en riant : « Mon Père, est-ce que vous avez jamais cru qu’il nous resterait ? […] Celui qui me paraît l’avoir jugé à la fois avec indulgence et une mesure équitable, est le marquis d’Argenson, dans le portrait qu’il a tracé de lui : « Le président Hénault, dit-il, ne tiendra peut-être point au temple de Mémoire une place aussi distinguée que les deux autre, (c’est-à-dire que Fontenelle et que Montesquieu, qui n’était point encore, à cette date, l’auteur de L’Esprit des Lois). […] S’il n’y avait dans l’édition à laquelle est attaché le nom d’un arrière-neveu de l’auteur que des inexactitudes légères, en si grand nombre qu’elles fussent, j’aimerais à les passer sous silence : malheureusement toute la partie historique en est atteinte et compromise, ainsi qu’on va en juger. […] Il est question (p. 24) du comte de Verdun « dont la fille, dit-on, avait épousé la fille aînée du maréchal de Tallard. » Je serais dans une grande inquiétude et perplexité pour savoir, dans ce mariage, qui des deux était la fille ou le garçon, si Saint-Simon ne nous disait : « Le maréchal de Tallard s’en alla en Forez marier son fils aîné à la fille unique de Verdun, très riche héritière. » Le cardinal de Bouillon, qui a mécontenté Louis XIV, reçoit l’ordre de quitter Rome et d’aller en exil dans une de ses abbayes ; mais s’il quitte Rome, où le doyen des cardinaux se meurt, il court risque de ne pas devenir doyen du Sacré-Collège à son tour ; car il faut être à Rome pour succéder : « On peut juger de l’embarras du cardinal de Bouillon, entre l’exil et le décanat. » Ici on lit (p. 17) la même phrase avec cette différence : « … outre l’exil et le décanat », ce qui n’a aucun sens.
Il appréciait son zèle et son courage, mais il augurait trop peu de son habileté ; il le croyait une tête légère, sans modération, toujours prêt à se piquer d’honneur et à tout risquer au moindre mot de défi : « Le papillon, disait-il, se brûle à la chandelle ; aille jugeait trop sur ses paroles et ne lisait pas dans ses pensées. « Je vous assure, monsieur, écrivait Villars au ministre en lui peignant sa situation, que ces contradictions (que je rencontre) rendent le fardeau que j’ai bien pesant. […] Voisin, l’armée de Flandre n’est pas désirée par le soldat, et l’on en peut juger par la grande désertion des troupes qui ont eu ordre de s’y rendre. […] Mais sur cette entrée dans les conseils, le roi demanda du temps et se rejeta sur des arrangements futurs : apparemment il jugeait que Villars, avec ses éminentes qualités de capitaine et même ses utilités de négociateur, n’était pas précisément un conseiller. […] Enfin il l’aperçoit, et lui voit faire sa disposition pour l’attaquer ; et dans le moment, il jugea le retranchement perdu et forcé.
Nous nous flattons particulièrement, sinon d’avoir inventé l’histoire, du moins d’en avoir retrouvé la vraie clef, et nous en usons : nous en abusons aussi ; nous remettons perpétuellement en question ce qu’on pouvait croire réglé et jugé. […] Il semblait que toutes les façons de juger et de voir, toutes les manières de raconter, de raisonner et de déraisonner se fussent produites, et qu’il allait y avoir clôture. […] On est à l’aise dans son cabinet pour juger des faits de guerre, des faits de révolution et de terreur. […] Il était en train d’y réussir, d’y acquérir l’estime dans sa province, et il s’appliquait fort à une profession qu’il jugeait définitive, quand la Révolution éclata et le jeta brusquement dans une sphère d’orages, où il eut besoin de toute son énergie et de tout son caractère.
Elle lisait de tout, histoire, morale, romans, philosophie, idéologie, théologie même, et, sans faire la savante, elle jugeait aussi de tout dans une mesure très-raisonnable. […] Au chevalier Baldelli, alors à Paris, elle écrit, le 24 novembre 1803 : « Vous pouvez juger, mon cher Baldelli, de ma douleur par la manière dont je vivais avec l’incomparable ami que j’ai perdu. […] Tous jugerez comme cette cruelle me me persécute ; je suis malheureuse à l’excès. […] Vous jugez ce que c’est qu’une habitude de vingt-six ans, et de la manière dont nous vivions ensemble !
Bonhomme : il n’est pas commode de parler à fond de ce poète-là dans un journal ; je compte y revenir ailleurs ; mais sur Collé, nous avons et allons avoir tous les moyens d’en juger. […] Soldat de fortune dans les lettres, je me suis jugé incapable d’y remplir les fonctions d’officier général. […] Si Rousseau est la bête noire de Collé, Voltaire ne lui agrée guère davantage ; il ne se contente pas de le juger sévèrement à la rencontre, il avait entrepris une réfutation en règle de ses tragédies, et M. […] Il est bon, lorsqu’on prétend juger les hommes célèbres et d’un grand talent, vers qui, pourtant, on ne se sent pas porté de goût, de se contrarier un peu, de faire effort pour être juste ; il est bon, en un mot, d’être un peu gêné ; et Collé, n’écrivant contre Voltaire que pour lui seul ou pour des amis intimes, ne se gêne pas du tout.
Sur la fin de ce séjour et pendant l’exercice de cette garnison si bien établie et consolidée, Louis XIV jugea à propos de le détacher pour lui confier le commandement de la petite armée qu’il envoya en 1686 au duc de Savoie : elle devait l’aider à chasser des vallées des Alpes les religionnaires désignés sous le nom de Vaudois et qui vivaient là cantonnés depuis des siècles ; on les appelait aussi Barbets les jours de mépris et d’insulte, à cause de l’ancien nom de leurs pasteurs (barbas). […] Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois. […] Mais bientôt, la guerre recommençant, on le jugea plus utile ailleurs. […] Ses relations « critiques et dogmatiques » sont des plus intéressantes ; il a fait l’histoire critique de quelques-unes des campagnes de son temps en s’appliquant à juger les opérations selon les principes de l’art et « à mettre en lumière les rapports des événements avec ces principes ».
C’est à Mallet du Pan, alors retiré en Suisse, que Joseph de Maistre, sans le connaître personnellement, adressait son premier écrit politique en manuscrit, avec prière de le faire imprimer s’il l’en jugeait digne. […] En même temps qu’il jugeait avec ce bon sens sévère les déportements et les délires de la philosophie, Mallet du Pan savait garder des mesures. […] Quand il se décida à se transporter à Paris avec sa famille, vers 1783 ou 1784, Mallet avait près de trente-cinq ans ; il était mûr, et il arrivait sur le grand théâtre avec toutes les qualités et dans les dispositions les plus propres pour le bien juger. […] Mallet n’était point ainsi : il appartenait à l’école historique et morale qui est exacte et sévère, et qui n’entre point dans ces compositions, dans ces mélanges où l’imagination et une fausse sensibilité, sous de beaux prétextes, se mettent au service des peurs, des lâchetés et des intérêts : Les contemporains et la postérité, disait-il en exposant ses principes et sa méthode de rédaction, doivent sans doute juger une Assemblée législative sur ses actes, et non sur ses discours : ils imitent en cela l’histoire et la loi, qui se borne à prononcer sur les actions des hommes.
Lorsque les Mémoires de Mme de Motteville parurent pour la première fois en 1723, les journalistes et critiques du temps, en y louant le ton de sincérité, jugèrent qu’il y avait trop de détails minutieux, trop de petits faits. […] Mme de Motteville, née vers 1621, était de son nom Françoise Bertaut, nièce du poète-évêque, illustre en son temps et encore remarquable pour le sentiment et l’élégance, de ce Bertaut que Boileau a loué de sa retenue, et que Ronsard avait jugé un « poète trop sage ». […] c’est sa maxime quand il ne se croit pas sûr des gens : Comme il ne connaissait pas mes intentions, et qu’il jugeait de moi sur l’opinion qu’il avait de la corruption universelle du monde, il ne pouvait s’empêcher de me soupçonner de me mêler de beaucoup de choses contraires à ses intérêts. […] Mme de Motteville les a bien jugés, et, en ne se donnant que le rôle d’une femme timide, elle a des réflexions qu’il serait à souhaiter qu’eussent faites alors beaucoup d’hommes.
Quand la réputation des auteurs est établie, il est aisé d’en parler convenablement, on n’a qu’à se régler sur l’opinion commune ; mais à leurs débuts, au moment où ils s’essayent et où ils s’ignorent en partie eux-mêmes, et à mesure qu’ils se développent, les juger avec tact, avec précision, ne pas s’exagérer leur portée, prédire leur essor ou deviner leurs limites, leur faire les objections sensées à travers la vogue, c’est là le propre du critique né pour l’être. […] Grimm n’a jamais fait étalage d’érudition, mais toutes les fois qu’il s’est agi de juger ce qui avait rapport aux anciens, il s’est trouvé plus en mesure que la plupart des hommes de lettres français : il avait un premier fonds de solidité classique, à l’allemande. […] Ainsi maître de la langue, lancé dans les meilleures compagnies, armé d’un bon esprit et muni de points de comparaison très divers, il se trouvait aussitôt plus en mesure que personne pour bien juger de la France. […] Horace Walpole, Franklin, Galiani, au xviiie siècle, nous jugent à merveille et avec sûreté dès le second coup d’œil, Mais Grimm nous juge plus pertinemment qu’aucun : il est plus en pied chez nous qu’Horace Walpole ; il n’a pas cette inquiétude spirituelle, ce trémoussement continuel de Galiani, qui lui fait dire sans cesse : Je suis et je veux être amusant.
Le premier article de cet arrêté propose une prime de 5 000 francs à l’auteur d’un ouvrage dramatique en cinq ou quatre actes, en vers ou en prose, représenté avec succès, pendant le cours de l’année, sur le Théâtre-Français, et qui sera jugé avoir le mieux satisfait à toutes les conditions désirables d’un but moral et d’une exécution brillante. […] Elle n’a pas trouvé davantage à placer la seconde prime de 3 000 francs proposée « à l’auteur d’un ouvrage en moins de quatre actes, en vers ou en prose, représenté avec succès, pendant le cours de l’année, sur le Théâtre-Français, et qui, dans des proportions différentes, serait jugé avoir rempli, au plus haut degré, les mêmes conditions ».
Quelqu’un nous souffle à l’oreille une pensée : il en est des esprits comme des navires ; ils peuvent avoir à bord toutes sortes de richesses plus ou moins précieuses, mais il les faut juger avant tout sur leur pavillon. […] A les juger impartialement, et en n’attachant aux mots aucune défaveur, mais en y mettant tout le sens précis, on reste vrai en disant : Cousin n’est pas un vrai philosophe, pas plus que Guizot n’est un grand historien : ce sont deux très-grands professeurs, l’un d’histoire et l’autre de philosophie.
Puis, au lieu de le considérer dans les plus sérieux de ses travaux (qu’ils n’avaient point lus), et notamment dans toute la partie de son œuvre antérieure aux Dialogues philosophiques, les badauds l’ont jugé presque uniquement sur certaines fantaisies, délicieuses d’ailleurs, où il avouait lui-même que son imagination s’était donné carrière. Ils l’ont aussi jugé sur des causeries improvisées à des banquets, sub rosâ, et où ce sage pliait par instants sa sagesse à une extrême indulgence pour les faiblesses ou la frivolité des personnes qui l’entendaient.
Jugez quand il s’agit de problèmes religieux, philosophiques, historiques, sociaux. […] Je vous supplie, mes chers camarades, de ne pas la juger émolliente.
Tout le monde sent qu’il y aurait un parfait ridicule à venir dire aux gens : Voilà un livre que je vous offre : vous pouvez le lire et non le juger. La seule chose qu’on puisse raisonnablement demander au public, c’est de juger avec indulgence.
Sa comparaison d’Hypéride et de Démosthène nous apprend (jugez de sa rigueur !) […] Vous en jugerez. […] Ce ne sera point moi qui jugerai si La Harpe eut autant de lumières que de zèle. […] Ceux-là ne risquent point d’être jugés précipitamment, et frappés à jamais d’un seul coup. […] Jugez avec quelle force doit s’épancher le pathétique des discours en une telle situation.
L’instinct du public en jugeait mieux que l’enthousiasme des érudits. […] Fontenelle, dans la Vie de Pierre Corneille, son oncle, a dit : « Pour juger de la beauté d’un ouvrage, il suffit de le considérer en lui-même ; mais pour juger du mérite d’un auteur, il faut le comparer à son siècle. » Il aurait dû ajouter : Et à ses devanciers. Pour juger du mérite d’un génie créateur, il faut le comparer au chaos d’où sont sorties ses créations. […] Il se jugeait lui-même comme il eût fait d’un autre ; aimant ses qualités jusqu’à les admirer, comme s’il n’y avait eu aucun mérite ; critiquant ses défauts sans les grossir par fausse modestie, ni les atténuer par vanité. […] Le public d’un jour jugea comme la postérité.
Mais des pratiques bien diverses et qu’il est habituel de juger répugnantes ou stupides si on ne les pratique pas — et même parfois si on les pratique — la polygamie ou la monogamie, l’inceste ou la prohibition du mariage entre parents, des habitudes particulières de prendre certains aliments ou de s’en abstenir, peuvent parfaitement être bonnes ou mauvaises selon le temps et le lieu, le climat, la race, la nature des hommes et des groupements sociaux. […] Quand nous appelons déviation un mouvement qui a été enrayé ou corrigé, nous jugeons souvent par rapport au résultat final. […] Je rangerais volontiers dans les déviations qu’ils expriment l’indulgence excessive dont jouissent les crimes « passionnels » et les désirs « irrésistibles » qui devraient être jugés d’autant plus sévèrement qu’il est plus difficile de les vaincre. […] L’idée du libre arbitre est admirable pour vicier les jugements moraux, en les faisant dépendre, non pas de la nature de l’être à juger, mais de l’emploi d’un pouvoir hypothétique qui ne dépend pas de cette nature, et de la résistance même à cette nature, comme si un homme pouvait résister à ses désirs et à ses idées avec quelque chose qui ne soit pas aussi son idée et son désir ! […] Et ce fut un étrange et tragique conflit que peu de personnes ont pu juger sainement dans sa complexité, tant les « vertus » s’exaltaient et faussaient les esprits.
Je le crois assez neuf, et vous en jugerez, à mesure que nous avancerons. […] Balzac a écrit trente ans ; et c’est être injuste à son égard que de ne le juger, comme on fait habituellement, que sur ses premiers écrits. […] Et, pourvoir, il faut comparer, sortir de soi, se juger du dehors, en comptant avec les sentiments des autres. […] On jugerait mal de Pindare si l’on ne connaissait les lois du lyrisme grec ; on jugerait mal d’Aristophane, si l’on ne connaissait l’histoire de la démocratie athénienne ; et aussi mal, ou plus mal encore, de Démosthène ou de Cicéron si l’on ne connaissait l’histoire grecque et romaine. […] Mauvaise condition, quoi que l’on en dise, pour juger équitablement les œuvres et les hommes : il y faut plus de recul et de perspective.
Sur le Télémaque, il y a tant de gens qui, après l’avoir lu enfants, l’ont oublié ou qui le rejettent d’un air d’ennui s’ils essayent de le relire, qu’on est surpris d’abord de voir un homme si sage et que de loin on jugerait un peu froid (pour ceux qui le connaissent, il ne l’est pas du tout), nous raconter comment il a passé par trois impressions successives au sujet du livre relu, et nous faire l’histoire de ces trois époques, de ces trois âges du Télémaque en lui. […] Elles sont, si la comparaison est permise, comme les œuvres mêmes de la nature et de Dieu : c’est une matière infinie d’étude et de contemplation. » M. de Sacy, certes, a ses défauts, et je puis dire qu’ayant habituellement suivi une tout autre voie, une tout autre méthode que la sienne en critique littéraire, j’y suis sensible, à ces défauts, comme il doit l’être aux miens : il a ses redites, il a ses longueurs ; il a des excès de louange sans nuances à l’égard de certaines personnes ; il a des humilités soudaines par lesquelles il se dérobe et s’interdit presque le droit de juger en des cas où il serait sans doute très compétent : voilà les inconvénients de sa manière et qui sont presque des conséquences de ses vertus. […] M. de Sacy est de l’Académie, et à ce titre il a charge, pour sa part, d’entendre et de juger chaque année nombre de pièces de poésie et de prose qui y sont adressées pour les concours.
Il fut pris, à dix-sept ans, de ce que son compatriote Segrais appelait la petite vérole de l’esprit, c’est-à-dire qu’il voulut se faire religieux ; par bonheur pour ses lecteurs futurs et pour le bien du genre humain (c’est lui-même qui nous le dit aussi naïvement qu’il le pense), on le jugea trop faible de santé pour soutenir les exercices du chœur, et sa fièvre de vocation eut le temps de se dissiper. […] La Bruyère, qui jugeait ainsi l’abbé de Saint-Pierre sur l’écorce et d’après une première visite, l’eût-il jugé bien différemment s’il l’avait mieux connu ?
Mais plus ils sont décidés à juger une femme selon les avantages ou les défauts de son sexe, plus ils détestent de lui voir embrasser une destinée contraire à sa nature. […] L’imagination peut créer, embellir par ses chimères, un objet inconnu ; mais celui que tout le monde a jugé, ne reçoit plus rien d’elle. […] En quittant un moment l’examen de la vanité, j’ai jugé jusqu’à l’éclat d’une grande renommée ; mais que dirai-je de toutes ces prétentions à de misérables succès littéraires pour lesquels on voit tant de femmes négliger leurs sentiments et leurs devoirs.
Il va au-devant des barbares, ou les gagne aussitôt après leur entrée ; service énorme ; jugeons-en par un seul fait : dans la Grande-Bretagne, devenue latine comme la Gaule, mais dont les conquérants demeurèrent païens pendant un siècle et demi, arts, industries, société, langue, tout fut détruit ; d’un peuple entier massacré ou fugitif, il ne resta que des esclaves ; encore faut-il deviner leurs traces ; réduits à l’état de bêtes de somme, ils disparaissent de l’histoire. […] En ce temps de guerre permanente, un seul régime est bon, celui d’une compagnie devant l’ennemi, et tel est le régime féodal ; par ce seul trait, jugez des périls auxquels il pare et du service auquel il astreint. « En ce temps-là, dit la chronique générale d’Espagne, les rois, comtes, nobles et tous les chevaliers, afin d’être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux dans la salle où ils couchaient avec leurs femmes. » Le vicomte dans la tour qui défend l’entrée de la vallée ou le passage du gué, le marquis jeté en enfant perdu sur la frontière brûlée, sommeille la main sur son arme, comme le lieutenant américain dans un blockhaus du Far-West, au milieu des Sioux. […] Sous Louis XV le dernier brigand féodal, le marquis de Pleumartin, en Poitou, est pris, jugé et décapité (1756).
Aujourd’hui que la question peut être considérée comme jugée, résumons les diverses objections sous lesquelles la phrénologie a succombé. […] Suivant eux, les circonvolutions du cerveau, siège des facultés intellectuelles et morales, se manifesteraient extérieurement par des protubérances, vulgairement appelées bosses, qui peuvent servir à juger de l’intérieur par l’extérieur. […] La question la plus importante soulevée par la doctrine phrénologique, et qui même aujourd’hui n’est pas encore entièrement jugée, est de savoir si les parties antérieures du cerveau, et que l’on appelle les lobes frontaux : ne seraient pas le siège spécial des facultés de l’entendement.
Il provient, je crois, de ce fait que la France ne voit qu’elle-même dans le monde, et qu’il lui est, dès lors, impossible de se juger, suivant la réalité ; manquant de points de comparaison, elle s’illusionne jusqu’à se croire d’une manière permanente et, pour ainsi dire, cosmique, à la tête de la civilisation et de l’humanité. […] Pour se juger exactement, il faut se voir dans l’ensemble du monde, et la France ne voit qu’elle-même. […] » On ne peut pas imaginer quelque chose de plus simple : c’est le critérium des critérium, grâce auquel vous pouvez juger tout ce qui existe sur le globe.
Sans répondre à ce qu’aurait de trop direct la question, et d’embarrassant pour l’orgueil ou pour la modestie, il est permis d’affirmer, selon l’entière évidence, que la victoire de l’école nouvelle se prouve du moins dans la ruine complète de l’ancienne, et que dès lors on a loisir de juger sans colère et de mesurer en détail celle-ci, dût quelque partisan de l’heureux Pompée de cette poésie nous venir dire : Ô soupirs ! […] On verra qu’il a été de tout temps jugé, et que les bons mots sur son compte ont été dits il y a beau jour. […] Ginguené a jugé l’Homme des Champs avec un mélange de sévérité et de bienveillance qui fait honneur à son esprit et à la critique de son temps. […] Ginguené encore a jugé dans la Décade la traduction de l’Énéide, et cette fois sa sévérité plus rigoureuse va chercher les négligences et le faux jusque dans les moindres replis de ce faible ouvrage45. […] Sans y rien trouver qui réfute directement les traits semés dans cet article, nous avons pu y voir des marques d’une nature franche, dévouée, sincère, et il nous a paru très-concevable en effet que ceux qui ont connu madame Delille l’aient jugée autrement que le monde, les indifférents, ou les simples amis littéraires du poète.
Il ne sait pas juger le passé ; il le méprise. […] Si le roi Auguste, sévèrement jugé en 1731, est presque innocent en 1750, c’est que Voltaire tient à n’être pas mal avec son fils, le maréchal de Saxe. […] Gil Blas est Français par ce genre d’esprit finement moqueur dont nous jugeons tout ce qui n’est que fausse apparence et mérite d’enseigne. […] S’ils s’en sont bien trouvés, on l’a vu à la façon dont tous les deux ont jugé l’Iliade, et dont le second l’a traduite. […] Vérité, justesse, beauté, autant de choses qu’on ne peut juger sans les sentir, ni sentir sans que la conscience soit de moitié avec l’esprit.
Pour bien juger du ton de cette correspondance, il ne faut pas oublier la position respective des deux personnages. […] Pour bien juger de l’esprit de ces lettres, il ne faut point les prendre par telle ou telle phrase détachée, mais il convient de les lire dans leur ensemble. […] que de gens font et jugent, et que peu font bien et jugent bien !
D’Argenson, arrivé à cette date du milieu du siècle, en vient donc à le juger moins désespéré et moins incurable qu’il ne l’avait déclaré d’abord. […] Il a bien jugé les autres et s’est mal jugé lui-même ; il s’est éloigné de son bonheur, et est plutôt le juif errant que le philosophe Socrate, il est tout nerf et tout feu ; il est malheureux pour lui, et délicieux pour ses lecteurs. […] Mme de Sévigné est jugée sévèrement et avec assez de dédain, qu’elle partage avec tout son sexe.
Jugeons-en nous-mêmes par quelques exemples. […] Gœthe a pensé à tout ; il a jugé d’un coup d’œil le jeune homme qui lui arrive ; il va l’essayer et se l’attacher comme auxiliaire : « Il ne faut pas que vous partiez si tôt, lui dit-il ; il faut que nous fassions plus ample connaissance. » Cette fois il paraît tout autre que la veille ; il a l’air vif et décidé comme un jeune homme. […] Ils sont maintenant si loin de moi que je ne suis plus compétent pour les juger. […] Saint-René Taillandier a publié par articles, dans le Magasin de librairie, et doit donner en volumes dans la Bibliothèque-Charpentier cette Correspondance de Goethe et de Schiller, réduite à ce qui est jugé pour nous intéressant, et avec les suppressions estimées nécessaires.
» Horace reste Français de cœur à l’étranger ; ce n’est pas un mal, puisque cela ne l’empêche ni de bien regarder ni de juger. […] » — On n’est jamais plus à l’aise pour juger que quand on s’est mis à cheval sur un point de vue bien étroit. […] Autrement ils écoutent, ne répondent qu’après avoir jugé et regardent attentivement leur interlocuteur ou ce qui se passe sous leurs yeux. […] jugez-en vous-mêmes.
Si l’on prétendait juger du xviie siècle par sa littérature, on se tromperait fort et l’on serait loin du compte ; celle du siècle suivant, moins haute et plus étendue, représente plus fidèlement les mœurs ; elle sent davantage son fruit. […] Une fille est trop voisine des auteurs de ses jours pour les juger froidement et pour faire la part entre eux ; dans le doute et le partage inégal, elle est tentée, par générosité, de se porter du côté du plus faible. […] Cet homme estimable, intègre, instruit, laborieux, mais sec, épineux et désagréable, est connu, jugé ; il l’est par sa femme même qui, en le louant beaucoup, lui refuse le tact avec lequel on manie les hommes : elle le voulait Caton, et Caton l’Ancien ; il le fut, et avec tous les inconvénients d’un rôle transposé. […] Tâchons nous-mêmes, au lieu de tant juger les autres, de n’y pas faire trop méchante figure, quand nous y serons.
L’ennemi était en forces ; l’Électeur de Bavière, avec un corps considérable de troupes, ayant joint le duc de Savoie, Catinat n’eut plus qu’à se tenir sur la défensive, et il parut, dans le reste de cette campagne, « prendre continuellement la leçon de ses adversaires et ne régler ses mouvements que sur les leurs. » C’est ainsi, du moins, qu’en jugeaient les critiques sévères. […] Ceux qui en jugeront malicieusement et superficiellement, n’étant touchés que des événements heureux, diront ce qu’ils voudront de quantité de choses mal arrangées et qui pourraient se détruire par maintes bonnes raisons et sans réplique. […] Je lui ai répondu qu’il fallait se laisser juger ; que les campagnes heureuses sautaient aux yeux, que les autres demandaient trop de discours en public pour en faire connaître le mérite. […] Catinat, sourd à tout, ne pensait qu’à justifier la confiance du roi, à se rendre digne de son nouvel honneur, et dès que le duc fut remis de sa maladie et que les hostilités recommencèrent, il se vit avec peine réduit d’abord à l’immobilité, à une défensive presque inerte ; il dut se résigner à voir Pignerol investi et se retirer du poste de La Pérouse qu’il jugea intenable.
cette façon de louer nous paraît fade ; nous voulons mieux quand nous parlons d’un écrivain : malgré la difficulté de juger plus à fond et de percer plus avant quand il s’agit d’un contemporain, d’un ami, notre plaisir est d’y viser, de nous jouer même autour de la difficulté : …. […] Il y a plus : comme, dans les critiques que nous faisons, nous jugeons encore moins les autres que nous ne nous jugeons nous-mêmes, il est assez bon que le critique, tout en n’étant que cela, tout en ne portant aucun trésor personnel, aucun bagage apparent, n’ait pas à être au dedans trop préoccupé de soi, qu’il ne se sente pas un goût secret trop marqué, qu’il ne caresse pas tout bas un idéal trop cher. […] Il reçut de la Grèce sa façon de sentir, de juger, de s’exprimer ; il fut Athénien par ses idées sur l’art, sur le beau.
Pourtant, si, pour mieux voir, l’auteur ici se mettait volontiers en idée à la place de ceux qu’il jugeait, il n’abdiquait pas la sienne. […] Ainsi il jugeait le xviie siècle et le xviiie , rendant au premier sa part, sans immoler le second. […] Nous voudrions surtout ici tâcher d’en bien expliquer et d’en raconter en quelque sorte la pensée, en nous servant presque de la méthode de l’auteur, c’est-à-dire sans trop prétendre juger d’abord, et il se trouvera peut-être que tout naturellement ensuite le jugement ressortira. […] Pourtant, de cette habitude générale de continuellement juger le passé au point de vue du présent, était né en quelques esprits élevés le désir bien naturel d’une méthode contraire, où l’on irait d’abord à l’objet pour l’étudier en lui-même et en tirer tout ce qu’il contient.
Ceux qui ont eu le mieux occasion de le juger pensent que son rare bon sens est quelquefois gâté par un esprit de contradiction et par un grain de caprice, et aussi par une habitude de calcul trop continuel et trop raffiné. […] M. de Pontmartin s’est quelquefois souvenu de ces anciennes relations ; j’ai été étonné pourtant que l’écrivain homme du monde et de bonne compagnie se fût permis, à d’autres fois, de juger si lestement et si souverainement de mes pensées et de mes sentiments intérieurs, comme lorsqu’il a écrit que « je n’avais jamais rien aimé et jamais cru à rien ». […] Moi aussi, j’ai jugé pour mon plaisir M. de Pontmartin comme j’avais jugé autrefois Béranger, et voici la note, depuis longtemps écrite, que je tire du même cahier familier d’où j’ai extrait quelques-unes de mes impressions de fond sur le poète national.
Boucher, qui ne transmettrait que celles qu’il jugerait convenables. […] Mirabeau écrivain est, en général, jugé assez sévèrement. […] Ceux qui ne le jugeaient que par le dehors ont souvent comparé le Mirabeau de cette époque intermédiaire à une grosse éponge qui se gonflait des idées d’autrui et de tout ce qui circulait dans l’atmosphère d’alentour ; et son père, juge sévère, même lorsqu’il était radouci, est revenu souvent sur cette image d’une grosse éponge, à laquelle il compare l’organisation avide de son fils. […] Ne jugeons donc pas ces querelles de races et où, dans le fond, les génies de deux époques étaient aux prises, de notre point de vue domestique et bourgeois d’aujourd’hui.
Lui, selon l’expression de son père, qui le jugeait très bien cette fois, il avait « des manières nobles et le faste des habits en un siècle de mode dépenaillée ». […] Lui qui jugeait si bien les hommes par le dedans, il savait que la plupart ne se forment une idée des autres que par leur dehors et par leur autour (l’expression est de lui). […] Necker qui dirigeait alors, et Mirabeau ne jugeait certes pas que ce fût un pilote. […] Peu de jours après, la reine répondit elle-même à M. de La Mark : Je n’ai jamais douté de vos sentiments, et, quand j’ai su que vous étiez lié avec Mirabeau, j’ai bien pensé que c’était dans de bonnes intentions ; mais vous ne pourrez jamais rien sur lui ; et quant à ce que vous jugez nécessaire de la part des ministres du roi, je ne suis pas de votre avis.
On avait fait à cet écrivain une réputation toute particulière d’absolutisme ; on le jugeait sur une page mal lue d’un de ses écrits, et on ne l’appelait que le panégyriste du bourreau, parce qu’il avait soutenu que les sociétés qui veulent se maintenir fortes ne peuvent le faire qu’au moyen de lois fortes. […] Il vécut trois ou quatre années en Suisse, particulièrement à Lausanne, y vit tout ce qui y passait de distingué, surtout Mme de Staël, à qui il tint tête, et qui le jugea dès lors un homme de génie. Pour lui, il la jugeait plus diversement et plus gaiement : Je ne connais pas, dit-il dans une lettre, de tête aussi complètement pervertie ; c’est l’opération infaillible de la philosophie moderne sur toute femme quelconque ; mais le cœur n’est pas mauvais du tout : à cet égard on lui a fait tort. […] C’est vers le temps de ce séjour à Lausanne, que M. de Maistre publia, sans y mettre son nom, ses Considérations sur la France (1797), ouvrage étonnant où la Révolution est jugée, non seulement dans ses causes prochaines et dans ses effets immédiats, mais dans ses principes et ses sources, dans toute sa portée et dans son développement, dans ses phases même les plus éloignées, où la Restauration future est prédite et presque décrite dans ses voies et moyens.
Je voudrais faire équitablement les deux parts, et juger cette personne de mérite en toute liberté, mais avec égards toujours et avec respect. On peut juger un homme public, mort ou vivant, avec quelque rudesse ; mais il me semble qu’une femme, même morte, quand elle est restée femme par les qualités essentielles, est un peu notre contemporaine toujours ; elle l’est surtout quand elle n’a cessé de se continuer jusqu’à nous par une descendance de gloire, de vertu et de grâce. […] Marmontel qu’il faut toujours citer quand il ne s’agit que de tableaux de société et de critique littéraire, et qui, dans cet ordre d’idées, nous offre le type excellent du talent secondaire le plus distingué, a jugé Mme Necker dans une page à laquelle il n’y a rien à ajouter ni à retrancher. […] Tout en sentant d’abord ce qui lui manquait à Paris, elle en jugeait pourtant très bien le séjour en ce qu’il a bientôt d’indispensable pour ceux qui en ont une fois goûté : « Il est certain, écrit-elle, qu’on peut et qu’on doit être plus heureux ailleurs, mais il faut pour cela ne pas connaître un enchantement qui, sans faire le bonheur, empoisonne à jamais tous les autres genres de vie. » En écrivant ces paroles, elle était encore à demi sous le charme (1773).
En 1781, ayant hérité d’une somme d’argent, six mille livres environ, son embarras fut de l’employer : Parmi mes amis, dit-il, les uns voulaient que je jouisse du fonds, les autres me conseillaient de m’en faire des rentes : je fis mes réflexions, et je jugeai cette somme trop faible pour ajouter sensiblement à mon revenu, et trop forte pour être dissipée en dépenses frivoles. […] L’événement prouva que je n’avais pas mal jugé cette affaire, puisque l’Assemblée nationale, aussitôt qu’elle en fut instruite, interdit à tous ses membres d’accepter aucune fonction à la nomination du roi. […] Il acheta à cet effet le domaine de la Confina près d’Ajaccio, qu’il jugea favorable à ses expériences et qu’il appelait ses Petites-Indes. […] Il jugeait que c’était le grand intérêt de l’État et la garantie de la société nouvelle.
Un des moyens les plus sûrs pour juger si le style a cette simplicité si précieuse et si rare, c’est de se mettre à la place de l’auteur, de supposer qu’on ait eu la même idée à rendre que lui, et de voir si, sans effort et sans apprêt, on l’aurait rendue de même : Ô malheureux Phocas ! […] c’est aux gens d’esprit à le juger, et à la multitude à lui obéir. […] Pindare fut certainement un grand poète ; plus à portée que nous d’en décider, toute l’antiquité l’a jugé tel, et elle s’y connaissait ; mais est-ce une raison pour que nous l’admirions comme des enfants jusque dans ses écarts même ? […] On peut juger sur ces principes, combien il y a loin de la véritable éloquence à cette loquacité si ordinaire au barreau, qui consiste à dire si peu avec tant de paroles.
Quant à l’égalité économique enfin, si elle est, de toutes, la moins réalisée, on peut juger, par les efforts que font tous les gouvernements pour réglementer les rapports du capital et du travail, que les aspirations qu’elle suscite se traduiront à leur tour dans les institutions. […] N’est-ce pas à cette idée qu’obéit le droit lorsqu’il détache, pour le juger, l’individu de son groupe, et déclare que les fautes, comme les mérites, sont personnelles ; — l’administration publique, lorsqu’elle enlève ses fonctions aux familles qui en faisaient des propriétés transmissibles, pour les prêter aux individus qu’elle adjugés capables de les remplir, — la politique, lorsque, dans ses systèmes électoraux elle compte, non par ordres, corporations ou lignages, mais par individus, — l’économie enfin, lorsqu’elle refoule toutes les espèces du communisme pour chercher une organisation qui assure à chaque individu sa part ? […] N’est-ce pas un fait que toutes nos sociétés occidentales supportent, plus ou moins docilement, une sorte de hiérarchie mondaine qui les divise en groupes plus ou moins distingués, considérés ou suspectés, et que la façon dont on y traite un individu dépend le plus souvent du groupe auquel, d’après son habit, ses manières ou son ton, on aura jugé qu’il appartenait ? […] Il n’en reste pas moins que si l’on compare, pour juger du chemin parcouru, l’état actuel de nos institutions, non pas à leur état rêvé, mais à leur état passé, le sens de leur marche est indubitable : l’idée de l’égalité et la mesure de leur progrès comme de leurs retards.
Qu’on lise le parallele qu’en a fait, avec Terence, l’auteur du siecle de Louis XIV. le plus digne de les juger, la Bruyere. […] L’esprit peut critiquer un rhéteur subtil ; mais le coeur seul peut juger un philosophe éloquent. […] quelle étude pour être en état de le juger ! […] Il n’en est aucune dont les beautés forment un modele générique : on ne peut juger Cinna d’après OEdipe, ni Athalie d’après Cinna. […] La prétention à juger de tout, fait qu’on ne jouit de rien.
Je ne veux pas vous dissimuler l’espèce d’effroi qui m’a saisi en me voyant tirer du demi-jour qui me convenait si bien vers une lumière si vive et si inattendue ; ce sentiment est excusable : il y va de trop pour moi, sous toutes sortes de sérieux rapports, d’être jugé avec une si extrême bienveillance dans un article dont vous êtes l’auteur et que vous avez signé. […] La mienne s’attache à vous depuis longtemps, c’est-à-dire à vos ouvrages ; et quoique vous m’accusiez avec douceur de juger des hommes par leurs livres, je veux bien vous donner lieu de me le reprocher encore, et vous avouer que c’est votre pensée intime, votre vrai moi, qui m’attache souvent dans vos écrits.
Hugo, l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses. […] Soumet, sur le ton solennel d’un prône ou d’un ordre du jour : « Les lettres sont aujourd’hui comme la politique et la religion ; elles ont leur profession de foi, et c’est en ne méconnaissant plus l’obligation qui leur est imposée que nos écrivains pourront se réunir, comme les prêtres d’un même culte, autour des autels de la vérité ; ils auront aussi leur sainte alliance ; ils n’useront pas à s’attaquer mutuellement des forces destinées à un plus noble usage ; ils voudront que leurs ouvrages soient jugés comme des actions, avant de l’être comme des écrits ; ils ne reculeront jamais devant les conséquences, devant les dangers d’une parole courageuse, et ils se rappelleront que le dieu qui rendait les oracles du temple de Delphes, avait été représenté sortant d’un combat. » Une fois qu’on en venait à un combat dans les formes avec les idées dominantes, on était certain de ne pas vaincre.
Et qu’on ne dise pas que, si la critique avait un point de vue central, si elle jugeait en vertu d’un principe et d’une vérité absolus, elle s’épargnerait en grande partie la fatigue de ce mouvement, de ce déplacement forcé, et que, du haut de la colline où elle serait assise, pareille à un roi d’épopée ou au juge Minos, elle dénombrerait à l’aise et prononcerait avec une véritable unité ses oracles. […] Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence.
De cette affection ravis et transportés ceux qui sont constitués pour en juger, prononcent pour sentence la conception qu’ils ont apportée de leur maison. » En 1500 : « Voilà pourquoi tous les Etats d’un commun accord conspirent à condamner tant nous que notre doctrine. Ceux qui sont constitués pour en juger, étant ravis et transportés de telle affection, prononcent— » 1541 : « Or à toi appartient, Roi… » 1560 : « Or c’est votre office, sire… » 1541 : « Et ne te doit détourner le contemnement de notre abjection. » 1560 : « Et ne devez être détourné par le contemnement de notre petitesse. » 1541 : « Mais nous ne lisons point ceux avoir été repris qui aient trop puisé… » 1560 : « Mais nous ne lisons point qu’il y en ait eu de repris pour avoir trop puisé. » 1541 : « Cestuy étoit Père, qui… » 1560 : « C’étoit un des Pères, qui… » 1541 : « Voysent maintenant nos adversaires… » 1560 : « Que maintenant nos adversaires aillent…261 » Et pareillement Calvin remplace en 1560 loquacité par babil, abnégation par renoncement, diriger par adresser, subjuguer par dompter, expéter par désirer, promouvoir par avancer, médiocre par moyen, cogitation et présomption par pensée, locution par façon de parler, etc.
Un impertinent conseiller désirait qu’il mît au bas des feuillets la traduction de toutes les phrases latines que le docte Spiagudry sème dans cet ouvrage, pour l’intelligence — ajoutait ce quidam — de ceux de messieurs les maçons, chaudronniers ou perruquiers qui rédigent certains journaux où pourrait être jugé par hasard Han d’Islande. […] Il a instamment prié le mauvais plaisant d’apprendre que tous les journalistes, indistinctement, sont des soleils d’urbanité, de savoir et de bonne foi, et de ne pas lui faire l’injure de croire qu’il fût du nombre de ces citoyens ingrats, toujours prêts à adresser aux dictateurs du goût et du génie ce méchant vers d’un vieux poëte : Tenez-vous dans vos peaux et ne jugez personne ; que pour lui, enfin, il était loin de penser que la peau du lion ne fût pas la peau véritable de ces populaires seigneurs.
L’expérience leur a fait connoître qu’on est trompé rarement par le rapport distinct de ses sens, et que l’habitude de raisonner et de juger sur ce rapport conduit à une pratique simple et sûre, au lieu qu’on se méprend tous les jours en operant en philosophe, c’est-à-dire, en posant des principes generaux et en tirant de ces principes une chaîne de conclusions. […] De même tous les hommes qui jugent par sentiment, se trouvent d’accord un peu plûtôt ou un peu plus tard sur l’effet et sur le mérite d’un ouvrage.
Ils avoient de grandes dispositions naturelles pour y réussir, à en juger par leurs compatriotes, qui sont nos contemporains. Ces acteurs s’appliquoient beaucoup à leur profession, comme nous le dirons tantôt, et s’ils manquoient ou s’ils se négligeoient, les spectateurs qui étoient capables d’en juger avoient le soin de les redresser.
qui faisaient contre-sens, mais le grand sens, le sens humain, l’émotion, la profondeur de la pensée, le grandiose de l’image, fût-elle exprimée par une mauvaise plume, comme une tête de buste qu’on déterre est cassée par un extracteur maladroit, nous l’avions pourtant, nous pouvions en juger, — et il y a plus : ce n’est peut-être que dans de mauvaises traductions que l’on peut avoir l’essentiel, l’indestructible, la partie irréductible des grands poètes. […] Valéry Vernier serait donc suffisante alors qu’elle serait inférieure à ce qu’elle est, pour juger de Leopardi et de son prétendu génie.
Dans ces premiers temps où l’esprit humain n’avait point tiré de l’art d’écrire, de celui de raisonner et de compter, la subtilité qu’il a aujourd’hui, où la multitude de mots abstraits que nous voyons dans les langues modernes, ne lui avait pas encore donné ses habitudes d’abstraction continuelle, il occupait toutes ses forces dans l’exercice de ces trois belles facultés qu’il doit à son union avec le corps, et qui toutes trois sont relatives à la première opération de l’esprit, l’invention ; il fallait trouver avant de juger, la topique devait précéder la critique, ainsi que nous l’avons dit page 163. […] Enfin, pour goûter, pour juger des saveurs, ils disaient sapere, quoique ce mot s’appliquât proprement aux choses douées de saveur, et non au sens qui en juge ; c’est qu’ils cherchaient dans les choses la saveur qui leur était propre : de là cette belle métaphore de sapientia, la sagesse, laquelle tire des choses leur usage naturel, et non celui que leur suppose l’opinion.
Les caractères. — Nous avons jugé le principal en parlant des imitations. […] Jugeons, en peu de mots, les deux ouvrages. […] Mais nous avons résolu, le lecteur et moi, de ne juger jamais sur parole. […] Les scènes. — Nous les avons jugées, en parlant des imitations. […] Boileau et madame Dacier préféraient, dit-on, la pièce latine ; mais persistons à ne pas juger sur parole.
Et encore : « Il démontrera que la morale de la Réforme trouve son origine dans l’usage de la bière ; et, devant un tableau, ayant à juger la chevelure d’une femme, il essayera de compter les cheveux. » La phrase est amusante ; mais, en admettant que cette plaisanterie des cheveux comptés puisse s’appliquer à M. […] Et je ne trouve pas que ce soit juger M. […] A-t-on le droit de juger ainsi ceux que l’on sert, ou, les jugeant ainsi, de continuer à les servir, c’est-à-dire à vivre d’eux Je ne sais ; les choses, dans la réalité, ne se présentent point aussi simplement. […] » Jugez plutôt. […] Taine, non point avec mon cœur, mais avec mon imagination ; que d’ailleurs, après l’homme, l’œuvre resterait à juger, et qu’il faut donc attendre ; que, si les deux chapitres de M.
Plus tard, par un règlement spécial, voulant se défendre de l’illusion des lectures, ils décidèrent qu’on ne lirait aucun discours dans la compagnie, sans en apporter en même temps l’analyse à part, afin que l’Académie pût juger du corps aussi exactement que des parties. […] L’injustice décourage ; mais une justice froide, qui ne s’étourdit pas des beautés et ne s’irrite point des défauts, est un puissant aiguillon pour les hommes supérieurs, secrètement d’accord avec ceux qui les jugent. […] L’Académie refusa cet excès de pouvoir ; elle laissa chacun libre d’employer tels termes qu’il voudrait, et de n’user des mots approuvés par le corps que s’il les jugeait les plus propres à rendre ses pensées. […] Le temps où nous vivons nous prépare mal à juger cette censure exercée par une compagnie sur le travail d’un de ses membres. […] On jugea qu’il fallait répondre au père Sesmaisons, et l’on en chargea Arnauld.
Il en jugea ce que je viens de dire, et en un mot que cet orateur, bien éloigné du sublime, n’y parviendrait jamais. […] Dès qu’il parut et qu’il en eut vu le premier tome, il le jugea écrit d’un style efféminé et poétique, outré dans toutes ses peintures, la figure poussée au-delà des bornes de la prose et en termes tout poétiques. […] L’opulence de sa maison est pour la grande place qu’il remplit et pour des bienséances d’état ; ce sont des dehors qui l’environnent ; mais, dans sa personne, tout est simple et modeste comme auparavant ; ses manières même et ses discours sont, comme autrefois, pleins d’affabilité ; c’est, en effet, la même personne que j’ai eu l’honneur de pratiquer à Germigny, il y a dix-sept ou dix-huit ans et plus… Jugez si je suis content de mon voyage !
Il est loin le temps où, la critique française commençant à peine, l’abbé de Saint-Réal déclarait qu’on ne devait critiquer par écrit que les morts, et qu’il fallaitse borner à juger en conversation les vivants. […] L’Empereur avait fondé un prix de 30,000 fr. pour l’œuvre ou la découverte que l’Institut jugerait la plus propre à honorer le génie national. […] Quand il arrive à Voltaire, « auquel l’histoire de l’ironie s’arrête, car on a atteint le sommet », vous jugez s’il énumère de nouveaux meurtres.
Il ne faut pas trop vieillir pour bien juger les romans de son temps ; le roman est un genre essentiellement contemporain. […] Jugez si cela plaît aux femmes, bourgeoises ou non, à tout ce qui est légitime et qui retrouve le compte de la coquetterie jusque dans le devoir. […] Sans revenir sur des ouvrages si connus, si bien jugés de tous, et dont chacun demanderait une analyse à part, je prendrai pour sujet de quelques-unes de mes remarques la Petite Comtesse, qui est un récit entre les deux, ni trop court, ni trop long, et qui par là même est plus commode.
Gaullieur, nous montrera comment un étranger, homme d’esprit, jugeait Racine, après en avoir causé sans doute avec quelque courtisan railleur et caustique. […] Cependant Racine, qui avait toutes les appréhensions pour l’amour-propre royal et qui supposait le prince des monarques aussi chatouilleux qu’un prince des poètes, craignit que cette seule apparence d’une gloire partagée ou préparée ne déplût au vainqueur de Mons : sur son conseil, le marquis de Dangeau, qui s’était chargé de lire au roi l’Epître, eut soin en la lisant, de passer par dessus la tirade jugée périlleuse. […] Vous jugez aisément à quel point M. de Cavoye en est touché, car vous connaissez mieux qu’un autre son cœur pour ses amis.
L’on ne peut juger jusqu’à quel point les ménagements employés par Wieland sont politiquement nécessaires ; mais je répéterai59 que, sous le rapport du mérite littéraire, l’on se tromperait en croyant donner plus de piquant aux vérités philosophiques par le mélange des personnages et des aventures qui servent de prétexte aux raisonnements. […] Sans doute, avant de grossir le nombre des sectateurs d’un système, on applique toute son attention à le juger, on se décide pour ou contre, par l’exercice indépendant de sa raison. […] Sans doute je n’ai pu traiter un tel sujet, sans citer beaucoup d’écrivains et beaucoup de livres ; mais c’était à l’appui de mes raisonnements que je présentais ces exemples, et non avec l’intention de juger et de discuter le mérite de chaque auteur, comme on pourrait le faire dans une bibliothèque universelle.
Si ces principes, connus ensuite de Louis XIV, plus de quinze ans après, occasionnèrent la disgrâce de Fénélon, on peut juger de la manière dont La Fontaine aurait été reçu, s’il se fût avisé d’imiter jusqu’au bout l’original italien. […] Car, à l’égard du cœur, il en faut mieux juger. […] S’offrit de les juger sans récompense aucune.
Je commençais de connaître, de juger cette société, cette civilisation, ces prétendus sages. […] Il jugeait qu’un peuple baptisé devrait restreindre leur part dans l’éducation de ses enfants, et agrandir celle des auteurs chrétiens. […] Certaines inquiétudes morales de ce temps lui sembleraient d’un heureux augure : il les jugerait semées dans les esprits par une suprême « prévenance » de la bonté divine. […] Joseph est toujours ridicule, quoi qu’il fasse : jugez quand il se confesse ! […] Dans ces heures-là, heures d’humaine détente ou d’humaine détresse, est-ce que, ayant à me juger, vous m’eussiez envoyé, vous, au feu éternel ?
Pour moi, c’est bien plus un caractère qu’un génie : un caractère veut toujours la même chose, — un caractère dans l’ordre du talent, bien entendu, car dans l’ordre de la moralité nous aurons aussi à juger Gœthe dans cette étude, et vous verrez ce qu’il pesait. […] Voulez-vous en juger ? […] Et ici qu’on nous permette d’insister sur ce point capital pour bien juger Gœthe. […] Porchat, est maintenant épuisé, et on a pu juger ici, en connaissance de cause, de la force de sa littérature et de la légitimité de sa gloire. […] Faivre a lu attentivement les œuvres scientifiques de Gœthe, — c’est déjà bien joli comme cela, — et, dans un livre substantiel en tout ce qui ne touche pas directement à Gœthe, il les a jugées… timidement, il est vrai ; car le formidable coup de gong de la réputation de Gœthe a dû agir sur les nerfs mandarins du professeur, puisque M.
Jugez quel mal vous me faites. […] Mais jugez de l’état de mon âme à la lecture des choses touchantes que j’y ai trouvées. […] Point du tout, il perdit ses deux procès, parce qu’on les jugea l’un après l’autre. […] Jugez de notre misère par la vivacité de mes sollicitations. […] Je ne sais pas juger d’une autre pièce qu’un autre lit.
De telles chutes dépassent si prodigieusement les fautes, qu’à Dieu seul il appartient de les juger. […] C’est aux générations qui nous suivront à juger nos témoignages et à rendre le verdict. […] Juger des ouvrages, c’est affaire de conscience. […] Juger demande donc beaucoup de considérations, de soin et d’impartialité. […] La majorité en jugea ainsi, et M.
le souvenir de tes vertus pratiques, de ta prodigue bonté, de ta délicatesse de sentiments, vivra à jamais chez tous ceux qui t’ont connu et ne mourra qu’avec eux. » Les lecteurs peuvent en juger maintenant. […] Je laisse à des grammairiens plus délicats que lui à juger si quittions n’est pas ici très-légitime, puisque le désir auquel on répond n’est pas seulement au passé, mais qu’il dure et persiste jusqu’au dernier moment.
Diderot, qui avait déjà aimé plus d’une fois et avec passion, mais qui avait fini par trouver à sa femme trop peu d’esprit, et à madame de Puisieux trop peu d’honneur, recueillit toute son âme, toute sa chaleur égarée de cœur et de vertu, toutes ses facultés surabondantes de sensibilité et de génie, pour les consacrer à tout jamais au seul être qu’il en jugeât digne. […] Il le surpasse de beaucoup par le ton et la couleur, lorsque, parlant d’une femme de sa connaissance que mademoiselle Voland jugeait coquette, il dit : « Vous vous trompez ; elle n’est point coquette ; mais elle s’est aperçue que cet intérêt vrai ou simulé que les hommes portent aux femmes, les rend plus vifs, plus ingénieux, plus affectionnés, plus gais ; que les heures se passent ainsi plus rapides et plus amusées ; elle se prête seulement : c’est un essaim de papillons qu’elle assemble autour de sa tête, le soir elle secoue la poussière qui s’est détachée de leurs ailes, et il n’y paraît plus. » C’est avec madame Legendre surtout que notre philosophe aime à marivauder, comme il dit, à l’égal de la fée Taupe de Crébillon.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] Pour juger de l’amitié même, il faut l’observer dans les hommes qui ne parcourent ni la carrière militaire, ni celle de l’ambition, et peut-être verra-t-on alors que ce sentiment est le plus exigeant de tous dans les âmes ardentes ; on veut qu’il suffise à la vie, on s’agite du vide qu’il laisse, on en accuse le peu de sensibilité de son ami, et quand on éprouverait l’un pour l’autre un sentiment semblable, on serait fatigué mutuellement de l’exigence réciproque.
L’attention qu’exige l’étude, en détournant de songer aux intérêts personnels, dispose à les mieux juger. […] faites qu’il s’aide du plus beau de vos présents, de la faculté de penser, pour juger la vie au lieu de l’éprouver !
On peut en juger par la correspondance de madame de Sévigné avec madame de Grignan. […] Au reste, nous avons vu la fin de 1677, nous allons voir 1679 ; par le point d’arrivée et par le point de départ nous jugerons des intermédiaires.
N’est-il pas arrivé à Virgile lui-même de mettre à contribution plusieurs Poëtes de son temps, comme on peut en juger par les citations de Macrobe ? […] « Les deux Poëmes Latins de M. l’Abbé de Marsy, l’un sur la Peinture, l’autre sur la Tragédie, sont presque dignes de Virgile & d’Horace, & fort au dessus de Lucrece, autant qu’on en peut juger dans ce Siecle ».
Or, ces tableaux qui nous sont toujours présens, et dont le rang est certain, dont le mérite est décidé, servent, s’il est permis de parler ainsi, de pieces de comparaison, qui donnent le moïen de juger sainement à quel point l’ouvrage nouveau qu’on expose sous nos yeux approche de la perfection où les autres peintres ont atteint, et dans quelle classe il est digne d’être placé. […] Mais pour acquerir ce goût de comparaison qui fait juger du tableau présent par le tableau absent, il faut avoir été nourris dans le sein de la peinture.
Despreaux en daigna parler, et notre scene a même conservé quelques vestiges ou quelques restes de cette declamation qu’on auroit pû écrire si l’on avoit eu des caracteres propres à le faire, tant il est vrai que le bon se fait remarquer sans peine dans toutes les productions dont on peut juger par sentiment, et qu’on ne l’oublie pas, quoiqu’on n’ait point pensé à le retenir. […] Il faut faire plusieurs reflexions avant que de bien juger si un raisonnement qui roule sur des possibilitez est sensé, au lieu que l’experience met au fait dans l’instant.
Il n’en est aucun qu’on ne puisse prendre ici pour juge, pourvu qu’on lui donne à juger les vers d’autrui, et non pas les siens. […] Elle n’a pas eu lieu de s’en repentir ; et le public, par ce qu’il vient d’entendre et d’applaudir avec justice, peut juger des espérances et des ressources qui lui restent.
Des milliers de plumes, sous prétexte d’histoire, se voueront au service de sa renommée, mais il n’aura pas d’historien digne de son génie, qui le comprenne et qui le juge ; car, pour comprendre et juger le génie d’un homme, il en faut presque la moitié. […] Après l’homme senti, il doit y avoir l’homme jugé.
Si on jugeait, on n’aimerait peut-être plus ! […] Ce sera une question longtemps encore de savoir si une traduction est possible quand l’homme qui la fait est de taille, d’aplomb et de sang-froid à juger de haut et l’œuvre et l’auteur qu’il reproduit et qu’il interprète.
Pour bien juger de son mérite ou de ses défauts, il faudrait le lire soi-même. […] « Prince, pour juger des hommes, rapportez-vous-en à la renommée ; c’est elle qu’il faut croire, et non pas quelques hommes : car quelques hommes peuvent et séduire, et être séduits, mais personne n’a trompé un peuple entier, et un peuple entier n’a jamais trompé personne37.
Si l’on veut juger d’une philosophie, il faut regarder ses effets ; ses œuvres ne sont point ses livres mais ses actes. […] S’il analyse une littérature, par exemple celle de la Restauration, il institue devant le lecteur une sorte de jury pour la juger. […] La grande cour du parlement allait siéger, selon les formes transmises depuis les jours des Plantagenets, et juger un Anglais accusé d’avoir exercé la tyrannie sur le souverain de la sainte cité de Bénarès, et sur les dames de la maison princière d’Oude. […] Mais probablement les hommes d’État la jugeront complète1384. […] Un peu plus loin, quand il s’agira de punir le crime, et que Guillaume, ayant châtié sévèrement les exécuteurs, se contentera de révoquer le maître de Stairs, Macaulay compose une dissertation de plusieurs pages pour juger cette injustice et pour blâmer le roi.
Ce n’est donc pas au nom des principes posés par une école qu’il est possible de juger Béranger. […] Ces essais qu’il a jugés indignes de voir le jour, qu’il a condamnés au feu, n’ont pas été sans profit pour lui. […] Il n’est guère en mesure de juger lui-même ce qui est digne d’attention dans les épreuves diverses dont sa vie se compose. […] Si c’est une gageure, nous nous récusons, car la critique littéraire n’est pas appelée à juger de telles parties. […] Quant aux trois pièces en prose qui sont venues après ces odes dialoguées, elles sont jugées depuis longtemps avec la même unanimité.
», la question est jugée : vous n’êtes pas né pour le roman. […] Résumez l’ouvrage, jugez-le en toute simplicité ; dites en quoi et pourquoi il vous paraît bon ou mauvais. […] Pellisson raconte qu’un jeune auteur fut si malheureux de la façon dont on jugea sa pièce, qu’il s’en retourna de dépit dans sa province. […] Peu de gens sont capables de juger leurs propres ouvrages. […] On jugea que c’était de la pure rhétorique et qu’il fallait tout recommencer.
Pour juger Giusti avec équité, il faut commencer par accepter sa foi politique. […] Bulwer en a jugé autrement ; car, dans sa pièce, Louise de La Vallière s’enfuit au couvent. […] Tout ce que l’auteur dit de Louis XIV et de sa cour, des personnages historiques jugés par les contemporains et jugés par la postérité, est parfaitement insignifiant. […] Vouloir le juger, d’après les principes de notre poétique, serait donc tout simplement faire preuve de cécité. […] Cependant il ne faudrait pas juger la valeur intellectuelle de M.
L’affaire fit tant de bruit qu’elle fut jugée en effet criminelle. […] Ils jugeront facilement de mes intentions par la censure & par ma lettre ». […] A juger les choses sans prévention, il paroît qu’il ne se glorifioit de rien de trop. […] On peut juger du nombre des personnes de distinction qui grossirent la pompe funèbre. […] L’université jugea les jésuites des gens suspects.
Il jugea son autorité blessée. […] On jugera de quoi dépend notre vie ou notre mort, & combien est cruelle la variation dans les méthodes de ces messieurs. […] Comment peut-on même juger sur la déclaration d’un tiers contre celle de la personne intéressée ? […] Ils jugèrent qu’il n’avoit qu’un talent médiocre. […] On jugera s’il étoit fondé dans ses craintes, lorsque j’aurai donné une idée des catacombes.
Attendez pour juger le monde que vous ayez vu le monde, et ne vous croyez pas maîtres quand vous êtes écoliers. […] Jugez de la belle occasion pour mistress Bute, respectable mère de famille, digne épouse d’un ecclésiastique, habituée à composer les sermons de son mari ! […] Nous jugeons ces sermons vrais, mais rebattus. […] Au fond, comme toute littérature, elle est une définition de l’homme, et pour la juger, il faut la comparer à l’homme. […] Nous avons le droit de juger de la copie par l’exemplaire et de contrôler la définition que ses romans rédigent par la définition que son caractère fournit.
Nous ne pouvons guères juger de la Tragédie Latine, que sur les pièces qui nous restent sous le nom de Séneque, bien inférieures en tout aux Tragédies Grecques. […] On peut juger de la célébrité de ces Ecoles, du mérite & de l’habileté des maîtres qui y présidoient, par leurs disciples, au nombre desquels on trouve les noms illustres de Cesar & de Cicéron. […] Pour juger des motifs de cette jalousie, il suffit de dire que le Cardinal de Richelieu se glorifia d’être Auteur, & malheureusement il n’en avoit que l’amour-propre, & non le talent. […] Il ignoroit, de son aveu, quelle étoit l’Ode d’Horace à laquelle Jules Scaliger donnoit la préférence ; il ne savoit pas même juger quelle étoit la plus belle Ode de Malherbe, pour l’opposer aux Anciens. […] Qui devoit par conséquent juger avec plus d’autorité, de connoissance & d’intérêt les beautés & les défauts des ouvrages des Anciens ?
À l’Université, et surtout pendant son séjour chez sir Temple, Swift avait beaucoup écrit, mais il avait lui-même jugé et condamné la plupart des essais de sa jeunesse. […] « L’auteur, écrivait le judicieux Atterbury, a raison de se cacher, car les touches profanes de cet ouvrage nuiraient plus à sa réputation et à son intérêt dans le monde que son esprit ne peut lui faire de bien. » Plus tard, Voltaire en jugea de même. […] La famille royale et Walpole furent impitoyablement raillés dans cette Rhapsodie sur la poésie 54, qui eut été poursuivie, si les jurisconsultes ne l’eussent jugée inattaquable. […] Si l’homme ne vivait que pour lui-même, et s’il fallait juger toutes ses actions par le profit qu’il en tire, le passage de Swift en ce monde ne serait qu’une rigueur inutile de la destinée, et ce serait à bon droit qu’il demandait compte au ciel de cette existence, qui avait commencé dans les dégoûts, langui dans les déceptions, et qui devait finir dans les tortures. […] C’est de plus haut qu’il faut juger de telles existences, puisqu’elles laissent des traces qui intéressent le genre humain.
Le langage, si utile aujourd’hui pour l’expression de nos pensées, est lui-même un instrument d’erreur quand il s’agit de retracer l’évolution de nos pensées ; il nous fait juger l’animal d’après l’homme, l’enfant d’après l’adulte et même d’après l’adulte civilisé du XIXe siècle. […] S’apercevoir d’un changement, y faire attention et se préparer à agir en conséquence, c’est juger. […] C’est donc juger et raisonner. […] Tout ce qui eût passé inaperçu est aperçu, jugé. […] Juger que la table est carrée, c’est commencer à se mouvoir par l’imagination jusqu’au centre de cette table pour se donner la sensation de ses quatre côtés.
Quant à Mlle de Scudéry, il suffit de lire Segrais, Huet et autres, pour voir quel cas on faisait de cette incomparable fille et de l’illustre Bassa, et du grand Cyrus, et de ses vers si naturels, si tendres, que dénigrait Despréaux, mais où il ne saurait mordre ; et ce que Segrais et Huet admiraient en de pareils termes devait n’être pas jugé plus sévèrement dans un monde dont ils étaient comme les derniers oracles. […] » et l’on comprendra combien il ne faut pas tout redemander à ces amitiés qui ne sont point uniques et sans partage, puisque les plus délicates jugent ainsi. […] M. de La Rochefoucauld, qui les goûtait l’un et l’autre comme écrivains, ne leur trouvait qu’une seule sorte d’esprit et les jugeait pauvres d’entretien hors de leurs vers. […] La Vérité vous jugera, et vous n’êtes au monde que pour la suivre, et non pour la juger. […] Seulement elle jugeait ceux qu’elle avait protégés.
Nous allons à regret nous séparer de son sens historique dans deux graves circonstances très bien racontées, mais mal jugées par lui, selon nous : le Concordat de 1801 et la mort du duc d’Enghien. […] « À en juger donc par sa conduite ordinaire et constante, l’homme a besoin d’une croyance religieuse. […] Le fils du prince de Condé, le duc d’Enghien, jeune prince de grande race militaire et de haute espérance, se trouve à sa portée, quoique sur un territoire étranger et inviolable ; il le fait arrêter, conduire à Paris, juger par une commission, fusiller dans le fossé de Vincennes, les pieds sur sa tombe. […] Le danger passé, j’avais laissé à un conseil de guerre le soin d’examiner les papiers trouvés et de les envoyer au gouvernement s’il le jugeait utile. » « Moreau, interrogé sur la nature du complot auquel on lui avait proposé de s’associer, persistait à soutenir qu’il l’avait repoussé. […] Lisez ceci : « Dès quatre heures du matin Napoléon avait quitté sa tente pour juger par ses propres yeux si les Russes commettaient la faute à laquelle il les avait si adroitement encouragés.
Pensez-vous que, l’affaire étant jugée et absolument finie, quand il m’arrive de mettre mon discours par écrit, je sois en courroux, la plume à la main ? […] « Il y a des cas, dit-il, où il ne faut pas juger d’une nation par les usages et par les superstitions populaires. […] XIV Autant qu’on en peut juger par les lambeaux de cet ouvrage sur la République, il était à la fois historique, didactique, philosophique, c’est-à-dire que Cicéron appuyait ses théories sur la nature, sur l’expérience, sur l’histoire de Rome. […] Mais cependant lisez mes écrits, que vous ne trouverez pas trop en désaccord avec la doctrine des péripatéticiens, puisque je suis le disciple fidèle de Socrate et de Platon en même temps ; lisez-les, jugez du fond des choses avec la plus parfaite indépendance, je n’y mets point d’obstacle ; mais soyez certain que le style vous fera mieux connaître toutes les richesses de notre langue latine. […] « Enfin la vieillesse ne doit pas s’effrayer de la mort, qu’elle contemple de plus près, et qui lui paraît, lorsqu’elle sait bien la juger, le terme d’un long et pénible voyage, le port longtemps souhaité.