Je n’ai pas du tout pénétré dans l’Arcane, et je dois confesser que, suivant une expression chère à l’école, la critique de M. […] Mais selon lui la tentative d’approprier la littéraire à l’expression de la science était vaine. […] De là partirent évidemment la plupart des recherches d’alors et de demain en matière d’expression musicale et rythmique. […] Le premier souhait était, dirons-nous, la vraie et instinctive expression de son âme. […] Des mouvements de vers, des expressions caractéristiques du poème de Banville sont retenues.
Est-il, en effet, un romancier dont la méditation eût pu mieux flatter, s’il ne se fût si tôt perverti, ce goût cérébral très accentué qui a failli se généraliser pour une mesure presque savante d’expression, de portée et d’intérêt ? […] Que l’on observe, en effet, combien celui-ci est à fleur d’expression, d’un bout à l’autre de l’œuvre de M. […] À le voir observer, mentaliser et courir après la volupté de l’expression — où se reflète le mirage de l’idée, — il est impossible de ne pas sentir qu’il y puise sa plus sûre jouissance. […] * * * Il est des écrivains qui ont, avant tout, de l’expression ; d’autres, — témoin M. Pierre Loti, chez lequel le phénomène est littéralement entier, — qui n’ont, en somme, que de l’expression.
La succession du temps lui était moins nécessaire, parce que chaque expression avait un sens plus vaste et plus profond. […] Les bornes des sens de l’homme, pour voir l’univers ; de son intelligence, pour en connaître les lois ; de ses facultés, pour en juger l’ensemble : telles sont les limites de la parole, considérée comme expression de l’intelligence ou de la pensée. Comme expression du sentiment moral, la parole a des limites qui ne peuvent se déterminer. […] Positive, elle est plus utile à l’intelligence qu’à l’imagination ; élégante, elle reconnaît pour législateur le goût plus que le génie ; noble, mais dédaigneuse, si elle sait rendre l’expression des sentiments généreux et élevés, elle se refuse peut-être à la naïveté sublime. […] Ils n’écrivaient point les lois dans la langue vulgaire, mais dans une langue qui avait survécu à un grand peuple, langue devenue sainte et vénérable, où les limites de l’expression avaient cessé d’être positives.
Comme nous l’avons déja dit en parlant de la vrai-semblance, tous les personnages doivent faire les démonstrations qui leur conviennent, et l’expression de chacun d’eux doit être conforme au caractere qu’on lui fait soutenir. […] On y apprend distinctement à quel point de merite chaque peintre dont il parle est parvenu en chacune des quatre parties dans lesquelles l’art de la peinture peut se diviser ; et ces parties sont la composition, le dessein, l’expression et le coloris. […] Un peu d’attention sur ces tableaux fera juger que si Paul Veronése est un si méchant voisin pour Le Brun quant au coloris, le françois est encore un plus méchant voisin pour l’italien, quant à la poësie pittoresque et à l’expression. Il n’est pas difficile de deviner à qui Raphael auroit donné le prix : suivant l’apparence Raphael auroit prononcé en faveur du genre de merite dans lequel il excelloit, je veux dire en faveur de l’expression et de la poësie.
Son coloris est celui d’un grand Maître, & son expression prend toujours la couleur de sa pensée. […] L’expression même du sentiment qu’il a heureusement maniée dans son Inés, s’est refusée à lui dans son Iliade. […] Quelle finesse dans les expressions ! […] ont tenté de rendre en vers ou en prose le sens ou les expressions, l’esprit ou la lettre, & souvent les ont manqués l’un & l’autre. […] Que d’élégance & d’énergie dans les expressions !
Avantages du signe arbitraire pour l’expression des idées générales. […] Sans doute les idées ne peuvent jamais être séparées du langage ; mais, lorsqu’un esprit possède pour une même pensée deux expressions équivalentes, l’idée lui apparaît jusqu’à un certain point dégagée de ses voiles ; il comprend qu’elle n’est pas nécessairement attachée à un mode unique d’expression ; il la conçoit à part comme le lien, l’élément commun de deux formes sensibles hétérogènes302. […] Chacune des trois variétés du bruit de la foudre a trouvé dans la langue française son expression analogique : on dit, suivant les cas, le fracas, le grondement, le roulement du tonnerre ; aucun de ces mots n’est une onomatopée directe. […] Ainsi les novateurs en politique et surtout en religion ; plus tard, la réflexion théologique essaye de ramener les dogmes à leur expression adéquate et à un enchaînement logique. La spéculation philosophique elle-même emploie parfois la métaphore, mais seulement comme un auxiliaire de l’expression directe et simple qu’elle poursuit avant tout.
Mais en poésie, où tout est Sentiment et Expression, ces deux purs dons de Dieu, comme la Beauté et la Naissance, le travail compte pour rien quand il est tout seul, et voilà pourquoi la Critique, qu’on croit dédaigneuse et qui ne veut pas même être sévère, laisse là, en fait de poésie, les violettes de la médiocrité, d’autant plus cachées sous le foin de leur gazon que leur parfum ne les trahit pas. […] De tous les deuils de la pensée du poète, c’est celui dont l’expression revient le plus dans ses poésies, et il est si beau, et il y jette un éclat d’idéal si sévère, qu’on n’en voudrait pas d’autre à côté. […] Alors il passe dans la manière du poète un phénomène d’expression colorée, brûlante et sensuelle, que les vers qui suivent traduisent et peignent : Ne me demandez pas si sa prunelle est peinte Ou du céleste azur ou du bleu de la nuit ; Quelle nuance d’or, de jaspe ou d’hyacinthe A ses tempes se joue, en sa tresse reluit ; D’albâtre ou d’incarnat si sa joue est empreinte ; Si c’est grâce chez elle ou beauté qui séduit ; Ne me demandez pas quel espoir, quelle crainte, Se mêlant à mes feux, me guide ou me poursuit ! […] Le poète, amoureux pendant si longtemps de la couleur, de la ligne et des mille nuances de la lumière, qui voulait peindre, comme Titien, la chair d’opale de sa maîtresse et ses … cheveux dont l’or blême frisonne Et se poudre d’argent sous les rais du soleil… cesse tout à coup, dans le dernier livre de ses sonnets de jouer cette gageure enragée qu’exprimait Shakespeare quand il parlait de dorer l’or et de blanchir les lys, et le voilà qui n’a plus souci que de la seule qualité d’expression que Dieu ait permise aux poètes ! Évidemment, l’auteur des Chants du Passé a compris qu’il devait se détourner de ses admirations et de ses réalisations premières, et tendre, enfin, à cet idéal d’expression.
Une feuille d’or ou de papier, un cheval ferré d’argent 12, sont des expressions qui dans l’usage désignent leurs objets sans métaphore. […] Je n’ai point à m’arrêter ici sur ces métaphores inconscientes et effacées, qui sont l’expression pure et propre des objets. […] Pour que la figure soit bonne, il faut qu’éveillant instantanément l’idée de l’objet sans que l’esprit sente le besoin de repasser par le mot propre qui le désigne, elle le présente accompagné et comme enrichi de tout ce que peuvent suggérer et l’objet signifié et l’expression figurée. […] Comment ménager le passage des expressions métaphoriques aux termes propres ? […] Pour le mélange des termes propres et des expressions métaphoriques, il est indispensable pour maintenir la rigueur du sens, la précision de la pensée et la justesse de la figure, et il faut seulement éviter d’établir entre des mots qui jurent une dépendance grammaticale qui surchargerait la figure d’une autre figure14.
A l’origine, elle s’exprima à rompre le silence, en le son guttural ainsi qu’une sorte de geste sonore : l’expression phonétique est donc un phénomène du mouvement et de la durée, qui se mesure de vibrations. L’émotion a produit l’expression phonétique, elle-même imitative, en graphisme et en coloration (consonnes et voyelles), des phénomènes extérieurs. […] Basées scientifiquement et en même départ, l’Idée génératrice et l’expression technique sont adéquates et inséparables. […] et imposantes envolées intuitives et imagées de son aîné, opposé ; maintenant la nécessité de la pensée philosophique en Poésie, dans une expression méthodique de musique verbale et d’adéquate Rythmique. […] Son but a été de produire dans une expression poétique adéquate les plus récents résultats obtenus par la science, et, en particulier, par la science biologique.
Mais je ne veux pas qu’il en coûte la moindre chose à l’expression, à l’effet du sujet. […] Toute composition expressive peut être en même temps pittoresque, et quand elle a toute l’expression dont elle est susceptible, elle est suffisamment pittoresque, et je félicite l’artiste de n’avoir pas immolé le sens commun au plaisir de l’organe. […] On a prétendu que l’ordonnance était inséparable de l’expression. Il me semble qu’il peut y avoir de l’ordonnance sans expression, et que rien même n’est si commun. Pour de l’expression sans ordonnance, la chose me paraît plus rare ; surtout quand je considère que le moindre accessoire superflu nuit à l’expression, ne fût-ce qu’un chien, un cheval, un bout de colonne, une urne.
Il est plein d’invention, de chaleur, d’expression et de verve ; il trouve les plus beaux caractères de tête, sa scène est pleine de mouvement ; mais il est sec, il est dur, il est discord, et je ne me soucierais pas de posséder un de ses tableaux, je sens que la vue continuelle m’en chagrinerait. […] Que le poëte eût dit simplement au lieu d’ Amphitrite , la déesse de la mer, au lieu de porrexerat, avait jetté ; au lieu de ses longs bras, ses bras ; au lieu de longo margine terrarum, autour de la terre ; qu’en se servant des mêmes expressions il les eût placées dans un ordre différent, plus d’image, rien qui parlât à l’imagination, nul effet. […] C’est cette force du rythme, cette puissance des sons, qui m’a fait penser que peut-être je prononçais un peu légèrement entre l’image du poëte latin et l’image du poëte grec ; qu’il y avait telle emphase d’expression, telle plénitude d’harmonie qui me forcerait de donner à la figure d’Homère une grosseur proportionnée à sa hauteur ; et je me suis dit à moi-même : voyons, ouvrons son ouvrage, récitons ses vers et rétractons-nous, s’il le faut. […] Finissons donc et disons à nos poëtes et à nos peintres, à nos poëtes : une seule partie de la figure ; cette partie exagérée par un module qui épuise toute la capacité de mon imagination ; un choix d’expression, un rythme, une harmonie correspondante ; et voilà le moyen de créer des êtres infinis, incommensurables, qui excéderont les limites de ma tête et qui seront à peine circonscrits dans l’enceinte de l’univers. […] La mère n’en a nullement l’expression ; l’enfant ne mérite pas mieux, tant il est maigre et sec.
Il se nourrit l’esprit des pensées de son original, et il charge sa mémoire de ses expressions. […] Si notre artisan imitateur manque de sens, il emploïe hors de propos les traits et les expressions de son modele, et ses vers ne nous offrent que des reminiscences mal placées : il se conduit dans la production de ses ouvrages comme dans leur composition : il affronte le public rassemblé avec plus d’intrepidité, que Racine et Quinault n’en avoient dans de pareilles avantures. […] Le peintre peut donc faire part des secrets de sa pratique, mais il ne sçauroit faire part de ses talens pour la composition et pour l’expression. […] On ne trouve rien de nouveau dans les compositions des peintres sans génie, on ne voit rien de singulier dans leurs expressions.
Le mot gourmantié est « poundi » J’emploie l’expression ouolove. […] Expression indigène. — La bouche a mauvaise réputation chez les Gourmantié. […] L’expression : Tu es une bouche, signifie : Tu es un ingrat.
Ces considérations aideront à comprendre la nature exacte des divers moyens d’expression artistique, la suggestion, l’expression, le symbolecs. Si l’émotion esthétique est une excitation générale, si une émotion est l’ébranlement diffus qui accompagne la formation d’une idée, si elle est une idée inadéquate, la forme vive d’un état d’âme naissant, — l’influence émotionnelle considérable des moyens d’expression suggestifs sera facilement intelligible. […] Ces trois moyens d’expression existent ensemble à proportion variable dans toutes les œuvres. […] En progressant à des analogies plus lointaines, étant donné que toute œuvre d’art produit une émotion causée, soit par les moyens d’expression employés, soit par ce qu’ils expriment, tout ce que nous avons dit des genres littéraires sera facilement adapté à la peinture, à l’architecture, à la musique. […] Sully Prudhomme dans l’Expression : « Toute œuvre d’art a pour but de vous émouvoir au moyen d’un certain composé de sensations. » (NdA) 3.
À la première expression, toujours si prompte chez lui et si vive, il sait joindre l’expression méditée, et aux brillantes rapidités de la parole il substitue insensiblement la perpétuité du style. […] Déjà, en 1818, un écrivain peu populaire, mais élevé (Ballanche), s’était avisé de dire : « Notre littérature du siècle de Louis XIV a cessé d’être l’expression de la société ; elle commence donc à être déjà pour nous en quelque sorte une littérature ancienne, de l’archéologie. » Eh bien ! […] Il est tout varié de nuances, de rencontres imprévues, d’expressions trouvées. […] Villemain appartient à notre temps par un certain souci et une certaine curiosité d’expression qui y met le cachet ; c’est un style, après tout, individuel, et qui ressemble à l’homme. […] Il entre dans son sujet de haute lice ; il a l’élévation de ton aisée, naturelle, l’ampleur du tour, la propriété lumineuse et simple de l’expression.
Même le qualificatif est toujours réduit à sa plus simple expression. […] Il n’y a point de personnages, ni plastique ni mimique, et l’analyse est facilitée par la simplicité même ce l’expression scénique. […] C’est l’expression la plus passionnément dure du motif 27. […] Provient du motif 48, mais devient la plainte poignante de Kundry après avoir été l’expression de l’épouvante désolée des Filles-fleurs. […] Il recherche avant tout l’expression et rejette tout caractère mécanique et obligatoire de la rime.
En continuant d’écrire, comme il le fit avec plus d’abondance dans les dernières années, il serait arrivé à dégager son expression : jusque dans ses incorrections et son incertitude, elle a son charme. […] Marcotte que cette âme d’élite, scrupuleuse, toujours inquiète du mieux et diversement souffrante, se montrera, se développera tout entière ; il semble qu’il y ait dans la familiarité de la camaraderie quelque chose qui lui aille moins qu’une certaine retenue extérieure compatible avec l’expression intime de la sensibilité. […] Les uns, qui ont la promptitude de l’observation, se font les moyens prompts de la rendre ; ceux au contraire qui, comme Ingres, vont chercher dans le cœur les expressions qui animent leurs figures, mettent plus de lenteur ; ils cherchent ce qu’ils sentent, mais qu’ils ne voient pas. […] Il y a dans Léopold Robert et dans sa théorie de la peinture, à mesure qu’il avance, quelque chose de Vauvenargues et de cette élévation morale que celui-ci réclamait dans toute expression éloquente. […] Le premier jet frappe et attire : mais ensuite une expression juste, une pose sévère et vraie, un dessin serré et gracieux en même temps, ne conservent pas seulement cette première attention, mais ces qualités produisent le goût des arts et font les amateurs constants.
Qu’il me soit permis d’user ici de l’expression dont Ciceron se servoit pour peindre encore plus vivement l’indolence de la république. […] Ainsi le sujet de l’imitation, c’est-à-dire, les évenemens de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression legere sur les peintres et sur les poëtes sans génie, qui sont ceux dont je parle. […] Insensibles au pathétique de ses expressions, ils lui font son procès en consultant uniquement la regle et le compas, comme si un tableau ne devoit pas contenir des beautez supérieures à celles dont ces instrumens sont les juges souverains. […] Un poëte en peinture tombera dans la même erreur en plaçant au-dessous du médiocre, le tableau qui manquera dans l’ordonnance et dont les expressions seront basses, mais dont le coloris méritera d’être admiré.
Gravina lui reproche des expressions basses & des nombres trop foibles. […] Enfin on remarque dans presque toute cette Pastorale une sagesse d’expression qui n’a pas toujours trouvé dans les Poëtes italiens de scrupuleux imitateurs. […] On y voit un auteur abondant dans ses expressions, presque toujours juste dans ses comparaisons, riche dans ses images, intéressant dans la conduite de sa piéce. […] Sa prose poétique qui dégénere quelquefois en vers héroïques, est semée de tems en tems d’expressions peu françoises. […] Son langage est incorrect, obscur, rempli d’expressions populaires ; souvent bas dans le familier, & enflé dans le noble.
Il avait senti, sans nul doute, qu’elles étaient l’expression définitive, ardemment cherchée, de sa maturité poétique, que passé ce niveau il ne s’élèverait plus, et qu’au contraire, image de la vie, son expression baisserait sous sa plume au lieu d’y monter. […] Il a tordu souvent l’expression jusqu’à la fausser, jusqu’à la briser, pour lui faire dire ce qu’enfin la langue ne dit pas et ne veut pas dire ; mais quand il l’a laissée tranquille et qu’il s’est fié à elle, il a eu de magnifiques parties de poète et il a réussi ! […] Il y a un morceau très curieux de lui, sur Pétrarque, où il pose en fait et en doctrine que la passion a un tel besoin de presser et de tordre son expression qu’elle arrive aux concetti les plus inattendus et aux fioritures les plus compliquées. […] dans la pensée, quand ce n’est plus dans l’expression !
Il n’est pas d’expression pittoresque qui puisse articuler, pour ainsi dire, les paroles du vieil Horace, quand il répond à celui qui lui demandoit ce que son fils pouvoit faire seul contre trois combattans : qu’il mourût. […] C’est même souvent en vain qu’il tente de corriger sa faute ; il recommence sans faire mieux, et semblable à ceux qui cherchent dans leur memoire un nom propre oublié, il trouve tout hormis le trait qui pourroit seul former l’expression qu’il veut imiter. […] Or cette diversité d’expression imite merveilleusement la nature qui, nonobstant son uniformité, est toujours marquée dans chaque sujet à un coin particulier. […] Le tableau dans lequel plusieurs têtes et plusieurs expressions sont les mêmes, ne fut jamais fait d’après la nature. Le peintre ne trouve donc aucune opposition du côté de la mécanique de son art à mettre dans chaque expression un caractere particulier.
Dans les hommes de génie, les idées naissent sans efforts, et l’expression propre à les rendre naît avec elles ; exprimer d’une manière qui nous soit propre des idées qui ne sont pas à nous, c’est presque uniquement l’ouvrage de l’art, et cet art est d’autant plus grand qu’il ne doit point se laisser voir. […] Ce courage consiste à savoir risquer des expressions nouvelles, pour rendre certaines expressions vives et énergiques de l’original. […] Mais quand on aura lieu de juger que l’auteur aura hasardé dans sa langue une expression de génie, c’est alors qu’on pourra en chercher de pareilles. Or qu’est-ce qu’une expression de génie ? […] La condition la plus indispensable dans les expressions nouvelles, c’est qu’elles ne présentent au lecteur aucune idée de contrainte, quoique la contrainte les ait occasionnées.
Pour être juste, il faut tenir compte de la différence des temps, et ne pas chicaner un écrivain sur les moyens d’expression qu’il a choisis, quand on n’en connaissait pas d’autres de son temps. […] Quant à la peindre en réaliste, pour étaler à nos yeux la richesse des couleurs et la singularité des formes sans en faire les manifestations d’une âme, il lui eût fallu des moyens d’expression que la versification et la langue d’alors ne mettaient pas à sa disposition. Son dessin précis et sec convenait mieux à l’expression des types humains, des ouvrages de l’industrie humaine, des choses enfin et des êtres qu’on peut isoler dans leur figure et leur individualité propres. […] Même il ne recule pas devant la conséquence extrême où semble devoir toujours descendre l’art réaliste : l’expression de la réalité vulgairement hideuse ou répugnante. […] Il l’altéra par l’emploi de la rhétorique, de l’esprit, de toutes les formes et tours qui ne conviennent qu’à l’expression des idées.
Ses Odelettes 15, le dernier de ses ouvrages, doivent être considérées comme l’expression définitive et sans progrès ultérieurement possible de sa manière. […] C’est la tentative suprême de l’école de la Forme par la main d’un de ses meilleurs ; suprême, en effet, car on peut défier d’aller plus loin dans la vacuité de l’expression poétique et savante, de l’expression pour l’expression. […] Savez-vous comment ils sont placés vis-à-vis de ces réalistes qu’ils méprisent, et qui sont l’expression dernière du matérialisme littéraire contemporain ? […] La délicatesse dans l’expression dont nous avons parlé plus haut, cet enfantillage sans naïveté, mais d’une mignardise assez suave, qui a enluminé cette jolie vignette, par exemple : La Nuit de Printemps : C’était la veille de Mai, Un soir souriant de fête… ne sont pas des qualités assez fortes pour sauver de l’oubli ce qui s’évapore le plus vite de la mémoire des hommes, — des sons et des mots !
Nous avons entendu les fidèle à de Rossini accueillir les drames lyriques de Wagner par cette phrase caractéristique : « Cela n’est pas de la musique » ; qui niera cependant que Wagner ait enrichi le domaine de l’expression musicale ? Et nous entrevoyons de ce côté d’immenses plaines à défricher, le jour où l’expression musicale s’appliquera à un nombre illimité d’êtres, en dehors des héros et des dieux de la Tétralogie ou de Tristan et Yseult. […] Je ne veux pas dire par là que tel détail vous attire par son heureuse inspiration ou que tel fragment dénote, à vos yeux, l’artiste de race qui l’a conçu : je dis que de l’œuvre dans sa totalité, de ses moindres détails comme de ses lignes maîtresses, jaillit une incomparable expression de beauté. […] On voit de suite à quelle richesse d’expression aboutit ce principe. […] Il est impossible de décrire sans le concours de l’image, la fantaisie, la richesse, la souplesse des conceptions de cet artiste : de telles expressions d’art ne peuvent être rendues que par elles-mêmes.
L’auteur a cru sans doute qu’une personne aussi honnête et aussi bien née que Julie, ne devait employer aucune sorte de déguisement ; il n’a pas songé que le lecteur ne pouvait jamais se mettre assez parfaitement à la place de l’amant, pour ne pas blâmer un ton si libre ; c’est peut-être celui du véritable amour ; mais ce ton paraît affaiblir l’amour même dans la bouche d’une femme, dont il faut que l’expression, pour être tendre et vive, ait toujours l’empreinte de la modestie. […] Peut-être serait-on fondé à lui reprocher de n’avoir pas mis assez de variété dans le genre d’intérêt qu’il inspire : c’est toujours l’expression d’un sentiment vif et violent ; il l’aurait pu montrer vif et doux, et passer de l’amour effréné à l’amour tendre, de l’amour timide à l’amour heureux. […] Quant au style je n’y vois rien ou presque rien à désirer ; il est plein de vérité, de naturel, de clarté, de chaleur et de force : cependant j’ai cru y remarquer, mais assez rarement, un peu de recherche ; il y a aussi des expressions hors d’usage ; il y a même de temps en temps quelques pages de mauvais goût, et quelques jugements où l’on voit trop l’auteur. […] Il y a dans Virgile, dans Voltaire, dans Tacite même, telle phrase de sentiment que je préférerais à toute cette chaleur physique ; malgré tout l’effet qu’elle produit sur moi, elle ne fait que m’agiter, et la véritable expression du sentiment laisse dans mon âme une impression douce et délicieuse. […] C’est de tous les philosophes, passez-moi cette expression, le plus concupiscent.
Un auteur peut rendre à jamais ridicule une expression dont il s’est inconvenablement servi ; un usage, une opinion, un culte, peuvent relever ou avilir par des idées accessoires l’image la plus naturelle. […] Le style représente, pour ainsi dire, au lecteur le maintien, l’accent, le geste de celui qui s’adresse à lui ; et, dans aucune circonstance, la vulgarité62 des manières ne peut ajouter à la force des idées, ni à celle des expressions. […] Ce point d’honneur si susceptible, qu’il ne tolérait pas dans les relations de la vie la plus légère expression qui pût blesser la fierté la plus exaltée, ce point d’honneur donnait aussi ses lois à l’imitation théâtrale, aux jeux de l’imagination ; et la diversité des caractères qu’on pouvait peindre devait rester dans les bornes prescrites. […] Ces difficultés ajoutaient souvent à l’éclat du génie qui savait les vaincre ; mais quelquefois aussi l’expression recherchée refroidissait l’émotion.
D’autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n’ont pas sçû l’art des expressions aussi-bien que les ouvriers médiocres de l’école romaine. […] Sans invention dans leurs expressions : incapables de s’élever au-dessus de la nature qu’ils avoient devant les yeux, ils n’ont peint que des passions basses et une nature ignoble. […] Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, et les expressions de ces personnages sont encore basses et comiques. […] Rien n’est plus médiocre pour la composition et pour l’expression.
Il faudrait un génie rare, un talent extraordinaire, une force d’expression peu commune, une grande manière de traiter de plats vêtemens, pour conserver aux actions de la dignité. […] Avec tout cela les dessins de Cochin sont faits avec un esprit infini, d’un goût exquis ; il y a de la verve, du tact, du ragoût, du caractère, de l’expression, cependant arrangés de pratique. […] Modèle autour duquel les élèves travaillent pour le prix de l’expression.
Les poëtes tragiques même qui s’abandonnent quelquefois à l’enflure, doivent toujours être en garde contre l’excès de l’expression. […] On faisoit grace aux choses en faveur des expressions et des maniéres ; mais ce n’est pas toujours par cette fougue, que les auteurs sont le plus dignes d’imitation. […] J’avertis que dans ces odes anacréontiques, je parle toujours pour un autre, et que je ne fais qu’y joüer le personnage d’un auteur, dont j’envierois beaucoup plus le tour et les expressions que les sentimens. […] Enfin Horace a presque traité tous les sujets, toujours d’une maniére nouvelle, avec des figures et des expressions également heureuses et hardies. […] En un mot ce n’est point un préjugé légitime que je condamne, c’est un joug que je secouë ; et j’ai cru que cette expression devoit lever seule tous les scrupules.
. — Mais l’amour de la preuve, qui vient de retrancher les personnages et l’action, éteint aussi l’expression. […] Ainsi, descriptions, récits, discours, tout s’est reformé, tout s’est ranimé de soi-même ; une fois rentrée au coeur, la vie a couru dans tous les membres. — Elle a pénétré d’abord dans les expressions. […] Non, car la vue primitive ne découvre pas cette expression complexe et personnelle qui distingue un caractère de tous les autres. […] Ajoutez que, si je suis un copiste exact, je ne pourrai mettre en relief cette expression principale : car les traits dominants et l’allure accoutumée sont en lui, comme en toute chose, cachés par les traits accessoires et les mouvements accidentels. […] A travers tant d’expressions changeantes, il a saisi l’expression dominante, il a rassemblé les pensées diverses, pour en conclure la pensée unique, et il a deviné l’âme à travers le corps.
Le plus souvent, par malheur, ce passage de la pensée à l’expression n’est rien moins qu’un épanchement abondant et facile : mille obstacles l’arrêtent. […] Si celle-ci ne les surprend et ne les enchaîne, en quelque sorte, par une expression rapide et flexible, qui leur donne à l’instant de la couleur et du corps, tout lui échappe aussitôt, et il ne lui reste plus qu’à combiner ensemble des syllabes et des rimes pour se consoler ou du moins s’étourdir. […] Ou bien l’expression n’a retenu de la pensée qu’une faible réminiscence qu’elle laisse à peine entrevoir sous sa pâleur, ou bien elle a prêté à cette pensée trop d’éclat, trop de saillie, et l’a altérée en y ajoutant : c’est même là le défaut ordinaire d’un esprit impétueux et fort. […] Comme conseil de style, on n’a qu’à renvoyer à l’auteur ses propres paroles : « Un écrivain qui a quelque souci de la postérité, dit-il dans sa remarquable préface, cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’originalité de son esprit ; le néologisme n’est d’ailleurs qu’une triste ressource pour l’impuissance. […] Cette impuissance d’expression dont on a conscience est triste, mais souvent inévitable.
Marmontel sont remplies de pensées hardies, d’expressions fortes & de grands sentimens. […] Ses expressions sont vives & énergiques ; mais sa Muse n’est pas décente. […] Ses Odes sont pleines d’idées, de tours, d’expressions, d’images dignes d’un rival de Pindare. […] Les idées de cet Ecrivain sont toujours fines ; mais ses expressions sont presque toujours communes. […] Pavin sont heureuses pour le tour ; mais les expressions n’en sont pas toujours décentes.
La musique pour Wagner, est un moyen, non une fin ; la fin est l’expression dramatique. […] Le drame seul est l’expression complète de tous nos besoins artistiques. […] L’expression, une plaisanterie, dit M. […] Qu’on vienne encore nier, après cela, la puissance d’expression de cette musique. […] Il nous faut prendre ici la forte expression de M.
5° Procédés de description : a)Des lieux et des gens : a′) par tentative d’expression immédiate et totale, sans détaillement, au moyen de répétitions ; b′) par antithèse, c’est-à-dire par tentative d’expression immédiate et totale, corroborée par expression accolée du contraire. […] 4° Redondance, vide, irréalisme inadéquat par simplification :, par a) Vocabulaire (1°) b) Trop de répétitions et d’antithèses verbales (3°, 5° a a′ et 6° d a′ et b′) c) Simplicité des âmes (6° d b′) d) Vague des époques et des lieux (6° a et b) e) Nullité fréquente des sujets (6° c a′, b′ et c′) f) Prédominance générale de l’expression sur l’exprimé 5° Émotion générale de suspens et de surprise par : a) Antithétisme général b) Recherche du bizarre (6° a, 4°, 6° da***) 6° Émotions accidentelles et négligeables de réalisme II — Analyse psychologique A.
Le seul caractère sur lequel tous les hommes puissent tomber d’accord, dans un poème, c’est la conformité de l’expression à l’objet, si l’objet est pris dans la nature. […] L’artiste n’est pas condamné à tronquer la nature ni à la déguiser : il en peut traduire même ce qu’elle a d’« affreux » et le rendre « aimable », précisément par la vérité intense de l’expression. […] Il estimait sans doute que, quand par la probité absolue de son expression, l’artiste impose le sentiment de la réalité de l’objet qu’il exprime, si particulier que soit cet objet, la copie prend une valeur universelle et constante. […] En imitant dans les anciens ce qu’on reconnaît être naturel, et dans la nature ce qu’on retrouve chez les anciens, on peut se tenir assuré de ne point s’égarer dans l’expression des particularités insignifiantes, et des exceptions monstrueuses. […] La Fable est un répertoire de figures et d’images dont le sens est fixé, et qu’on emploie pour éviter la sécheresse de l’expression propre.
Mais sa puissance d’expression n’offre, d’un volume à l’autre, que des différences de degré, non d’espèce. […] Dans les deux cas, la chose m’est indifférente, Et alors je puis savourer uniquement, sans trouble ni souci, la magnifique, triomphante et précise surabondance de l’expression, Je ne sais, pour moi, rien de plus amusant que les méditations de Hugo sur la mort. […] Le relief des détails, la plasticité de l’expression est telle que j’ai assez à faire d’admirer ce perpétuel prodige. […] Il voyait les choses concrètes avec une intensité extraordinaire, mais toujours un peu en rêve et jusqu’à les déformer… Par suite, il a eu, plus que personne, le don de l’expression plastique. Or, rien ne donne du relief à l’expression comme les contrastes et les oppositions.
Dans toutes ces portions de son ouvrage, Le Dieu justifie bien les expressions par lesquelles il se définit lui-même à côté de Bossuet « un homme tout à lui, passionné pour sa gloire, et très curieux de recueillir les moindres circonstances qui peuvent orner une si belle vie ». […] Au travail, il jetait sur le papier son dessin, son texte, ses preuves, en français ou en latin indifféremment, sans s’astreindre ni aux paroles, ni au tour de l’expression, ni aux figures : autrement, lui a-t-on ouï dire cent fois, son action aurait langui et son discours se serait énervé. […] Maître de toutes les pensées présentes à son esprit, il fixait dans sa mémoire jusqu’aux expressions dont il voulait se servir, puis, se recueillant l’après-dînée, il repassait son discours dans sa tête, le lisant des yeux de l’esprit, comme s’il eût été sur le papier ; y changeant, ajoutant et retranchant comme l’on fait la plume à la main. […] même quand il composait les oraisons funèbres « où il entre beaucoup de narratifs à quoi il n’y a rien à changer », ou des discours de doctrine dans lesquels l’exposition du dogme doit être nette et précise, il écrivait tout, nous dit Le Dieu, sur un papier à deux colonnes, avec plusieurs expressions différentes des grands mouvements, mises l’une à côté de l’autre, dont il se réservait le choix dans la chaleur de la prononciation, pour se conserver, disait-il, la liberté de l’action en s’abandonnant à son mouvement sur ses auditeurs et tournant à leur profit les applaudissements mêmes qu’il en recevait. Ainsi Bossuet, quand il était obligé d’écrire à l’avance se réservait du moins la chance d’une expression double ; il gardait toujours une ou deux voiles libres, ouvertes, pour le vent soudain du moment.
Stendhal est l’expression la plus raffinée et la plus sobre de ce matérialisme radical et complet dont Diderot fut le philosophe et le poète. […] Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations, il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux Lettres dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] La Curiosité a eu le nez cassé, comme dit la pittoresque expression populaire. […] Quand Stendhal est nettement supérieur, il ne l’est que par la seule vigueur de son expression ou de sa pensée… Si on creusait cette analyse, on verrait, en interrogeant une par une ses facultés, qu’il a la sagacité qui est la force du regard, comme il a la clarté brève de l’expression qui est la force du langage. […] En les lisant, on est surtout frappé de la sécheresse d’expression d’une âme pourtant passionnée, et on sent presque douloureusement dans ces pages le tort immense que fait même à la sensibilité d’un homme le malheur d’avoir, sur les grands problèmes de la vie morale, pensé faux.
Stendhal est l’expression la plus raffinée et la plus sobre de ce matérialisme radical et complet dont Diderot fut le philosophe et le poëte. […] Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations ; il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux lettres, dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] La Curiosité a eu le nez cassé, comme dit la pittoresque expression populaire. […] Quand Stendhal est nettement supérieur, il ne l’est que par la seule vigueur de son expression ou de sa pensée… Si on creusait cette analyse, ou verrait, en interrogeant une par une ses facultés, qu’il a la sagacité, qui est la force du regard, comme il a la clarté brève de l’expression, qui est la force du langage. […] En les lisant, on est surtout frappé de la sécheresse d’expression d’une âme pourtant passionnée, et on sent presque douloureusement dans ces pages le tort immense que fait même à la sensibilité d’un homme le malheur d’avoir, sur les grands problèmes de la vie morale, pensé faux !
Une petite anecdote philologique, mais qui marque sous le grandiose de l’expression une certaine confusion d’idées : M. […] -B (moi), dans son article du 15 juillet sur De Maistre, l’appelle ce grand homme de bien, empruntant cette expression à M. […] Il est impossible de ne pas remarquer, quand on est un peu grammairien ou même moraliste, que voilà bien des grands hommes de bien en quinze jours, et rien ne prouverait plus combien une telle expression si solennelle, et qui devrait être si réservée, exprime peu une idée nette pour les esprits du jour que cet abus et comme ce jeu qu’on en fait.
L’expression verbale en appartient aux frères de Goncourt, qui, à plusieurs reprises, en revendiquèrent la paternité. « Je veux faire, affirme Ed. de Goncourt, un roman bâti sur documents humains » ; et, en note, « cette expression, très blaguée dans le moment, j’en réclame la paternité, la regardant, cette expression, comme la formule définissant le mieux et le plus significativement le mode nouveau de travail de l’école qui a succédé au romantisme : l’école du document humain » 3.
Hugo, je disais, après quelques mots sur sa Comédie de la Mort (15 septembre 1838) : … Voilà pour l’éloge ; mais, à peine sorti de cette pièce, et en continuant la lecture du volume à travers les autres pièces de tous les tons qui le composent, on ne tarde pas à s’apercevoir que le procédé de l’auteur ne se conforme pas toujours au sujet, n’est pas, tant s’en faut, proportionné à l’idée ou au sentiment, qu’il y a parti pris dans le mode d’expression exclusivement tourné à la couleur et à l’image. […] Théophile Gautier adopte un procédé exclusif d’expression et qu’il s’y laisse conduire, je ne prétends pas qu’au sein de ce procédé même il n’ait aucune variété ; s’il est sinistre et horriblement funèbre dans la Comédie de la Mort, il fait preuve de grâce dans maint sonnet et mainte villanelle. […] Le procédé propre à l’art du style est d’emprunter à tous les arts, soit pour les couleurs, soit pour la forme, soit pour les sons, mais sans se borner à aucun de ces moyens, et surtout en les dominant et les dirigeant tous par la pensée et le sentiment, dont l’expression la plus vive est souvent immédiate et sans image. […] Louis Boulanger, ou l’étrange et admirable Melancholia d’Albert Durer ; s’il n’avait pas commis tout à l’entour trop d’énormités pittoresques (comme sa Bataille du Thermodon), il aurait pu ajouter quelque chose pour sa part à la faculté d’expression de notre langue poétique ; il aurait pu arriver, à force de discrétion dans l’audace, à reculer d’une ligne ou de deux la bordure de ce grand cadre presque inflexible. […] C’est bien en lisant ce volume qu’on sent à nu l’inconvénient d’un système dans lequel le but et le sentiment sont si disproportionnés à l’expression, d’un art exagéré chez qui la forme surmonte, écrase si étrangement le fond, et qui, en ses jours de débauche, édifierait volontiers une église de Brou comme catafalque au moineau lascif de Lesbie.
Ainsi encore, lorsqu’il rapporte quelque miracle et qu’il le raconte avec une expression imposante, c’est que l’expression est de saint Grégoire le Grand, dont les lettres en cette histoire des Moines d’Occident font tout pâlir ! […] C’est un style d’orateur doué pour principale qualité de cette espèce de force dans l’idée et l’expression vulgaires, qui explique, du reste, tout l’ascendant de l’orateur. […] C’est vice de conformation et de nature ; mais alors qu’il ne déclame pas, alors qu’il est le plus heureusement et le plus purement orateur, il a, de nature et de conformation aussi, cette force d’expression et d’idée vulgaire dont je parlais tout à l’heure et qui l’empêchera toujours d’atteindre à la hauteur de pensée et à la concentration de forme du grand écrivain. […] Lui n’a jamais besoin d’être vulgaire, et quand il l’est par l’expression, c’est pour relever d’autant sa pensée par le contraste.
Cependant il est parmi ce même peuple d’excellens juges dans l’expression du sentiment. […] Les anciens n’avoient pas l’idée de ce degré d’expression ; & tel est parmi nous l’avantage des salles peu vastes, & du visage découvert. […] Le jeu muet doit donc être une expression contrainte & un mouvement reprimé. […] Les Poëtes gémissent de leur côté de ne pouvoir se reposer sur l’intelligence & le talent de leurs acteurs pour l’expression des réticences. […] L’expression des anciens, troubler la cendre des morts, est trop foible.
On recommence alors en divisant la recherche ; on passe tour à tour en revue le paysage, l’architecture, les vêtements, les types, les expressions, les attitudes, le coloris général ; on trouve quelque trait principal et saillant pour chacun de ces fragments, on le note, comme on peut, au passage, par un mot familier ou exagéré, puis, reprenant tous ces résumés, on tâche de les résumer encore en quelque phrase abréviative qui serve de centre à tant de rayons dispersés. […] Elles sont les effets et les expressions de la tendance finale qui s’est formée. — Si notre promeneur est artiste, la formation, le dégagement et les effets de la tendance sont encore plus visibles. […] Ce sont ces innombrables petites émotions qui, au terme de notre examen prolongé, se résument en une impression d’ensemble, par suite en une poussée finale, en une tendance définitive, et la tendance elle-même aboutit à une expression. Quelle que soit cette expression, geste imitatif de l’artiste, demi-vision métaphorique du poète, pantomime figurative du sauvage, parole accentuée de l’homme passionné, parole terne et mots abstraits du raisonneur calme, l’opération mentale est toujours la même ; et, si nous examinons ce qui se passe en nous lorsque de plusieurs perceptions nous dégageons une idée générale, nous ne trouvons jamais en nous que la formation, l’achèvement, la prépondérance d’une tendance qui provoque une expression, et, entre autres expressions, un nom. […] Cinquante fois de suite et sans un seul cas contradictoire, elle s’est tour à tour éveillée à l’aspect des cinquante arbres ; seule, elle s’est éveillée cinquante fois de suite ; toutes les autres qui correspondaient aux particularités de chaque arbre se sont effacées et annulées par leur contradiction mutuelle ; elle est donc la seule qui surnage, et maintenant son œuvre, comme celle de toute tendance, est une expression.
Les poésies de Marguerite sont médiocres ; la théologie y domine, et, pour le tour et l’expression, Marguerite n’est pas la première de son temps. […] C’est la même langue, abondante, facile, sans expressions fortes, sans hardiesses, sauf dans quelques passages sur Dieu, où Marguerite, tantôt par la foi, tantôt par le sentiment, s’élève à ces pensées qui ne se rendent que par des expressions créées. […] Les tours et les expressions durables y sont déjà le cours du style ; les choses surannées y sont l’exception. […] La langue du meilleur poëte d’alors tâche vainement de s’élever jusqu’à la haute poésie : tout lui manque, tour, expression, noblesse. […] Ainsi rien de plus national en France que ce tour de galanterie qu’il donne à l’expression de l’amour.
L’emploi du symbole, comme moyen d’expression poétique, fut certes une des caractéristiques apparentes de l’art nouveau, mais j’aimerais mieux vous parler d’autres préoccupations qu’il eut, peut-être plus générales et à coup sûr non moins foncières. […] Je crois donc qu’il ne serait pas inutile de nous arrêter un instant sur les moyens d’expression que se sont créés les poètes d’aujourd’hui. […] Ce désir de suggestion se rapporte en Poésie à l’emploi d’un mode d’expression qui n’est pas unique dans l’art, mais dont elle renouvela l’usage : le Symbole. […] Si le Symbole semble bien être la plus haute expression de la poésie, son emploi ne va pas sans certains inconvénients. […] C’est cet esprit d’indépendance et de liberté qu’ils portèrent dans une question qui, sous une apparence technique, touche à la Poésie même, puisque, en Poésie comme en tout art, les moyens d’expression sont la condition même de ce qu’on exprime.
Mais certaines mémoires même tronquées peuvent, selon l’expression de M. […] Ce dictionnaire ne semble pas avoir été goûté ; il contient trop d’expressions qui n’ont été dites qu’une fois ; le cliché ne s’y rencontre pas du premier coup et il faut aller chercher parmi un taillis épineux d’expressions déconcertantes, puisque le souvenir ne les reconnaît pas. […] A peine. « Expression tirée de l’Énéide, affirme un guide-âne populaire, et qui sert à faire entendre que la vue d’une grande infortune excite la pitié : les choses elles-mêmes arrachent des larmes. […] Expression dont Virgile se sert pour rendre plus touchante la douleur d’un jeune guerrier qui meurt loin de sa patrie. […] Peu à peu, et nécessairement, une idée, une sensation, telle émotion vitale ou intellectuelle, se trouve associée à l’expression toute faite dont la lecture évoqua jadis dans le cerveau cette même idée, cette même sensation, cette même émotion.
Il doit à ce précieux accord, plus rare qu’on ne le croit chez les artistes, si souvent en lutte, comme hommes, avec leur idéal, l’accent quelquefois très profond et toujours passionné de sa poésie, — cet accent qui reste et qui vibre dans l’expression, quand même cette expression n’a pas trouvé, sous la main du poète, toute sa perfection et toute sa rondeur. […] Seulement, si cette force était plus grande encore, la main du poète, qui attaque parfois l’expression avec une si remarquable énergie, frapperait toujours juste et ne tournerait pas. Or, c’est là le reproche que l’on pourrait faire au nouveau chantre de l’Empire : l’expression sort bien, déprimé saut et de prime jet, de sa plume, mais souvent elle s’interrompt, se trouble et se fausse tout à coup, comme un marbre qui se fendrait au second coup de maillet du sculpteur.
Sa forme exquise, c’est cet esprit sans épithète, fine expression de rapports difficiles à démêler, qui surprend, charme, et parfois confond par l’absolue justesse, où l’expression d’abord fait goûter l’idée, où l’idée ensuite entretient la fraîcheur de l’expression.
Cette disposition à tout condamner se décele si évidemment dans lui, qu'il est aisé de s'appercevoir qu'il impute souvent des vices à l'homme, non pas tant parce qu'il le voit réellement, que pour ne pas perdre une expression énergique, un tout ingénieux, une pensée vive, qui peuvent servir à faire admirer son génie. Qu'on le lise attentivement, & l'on verra que l'expression n'est pas produite par la conviction du grief, mais le grief établi pour employer l'expression.
Doué d’un génie intérieur qui rencontre difficilement son expression, il s’est de bonne heure voué à d’immenses travaux préparatoires, et, pour arriver à un but élevé, il n’a pas craint les longs et pénibles détours. […] Lefèvre remontait aussi aux poëtes français du seizième siècle ; il notait chez eux les vers dignes de mémoire, les expressions qui méritaient de revivre. […] Cette multitude d’épigraphes en six ou sept langues, ces expressions empruntées an vocabulaire des diverses sciences, ces fragments d’un grand poëme didactique qui devait s’intituler l’Univers, tout ce luxe d’astronomie, de botanique, d’étymologies grecques, attestent surabondamment les recherches et les fouilles que le poëte a entreprises en mille points. […] Je voudrais rendre toute ma pensée, sans diminuer en rien l’expression de l’estime que je fais du livre de M. […] Avant d’arriver, en effet, à l’expression directe du sentiment qui l’émeut, le poëte érudit fait volontiers le grand tour ; il se souvient de tout ce qu’il a lu en diverses langues de plus ou moins analogue à ce qu’il sent ; il traverse laborieusement cette infinité de réminiscences ; il y réfracte mainte et mainte fois sa pensée primitive, et elle ne nous parvient, quand il l’exprime, que déjà détournée de sa route et dépouillée de son rayon.
L’orateur a été ample, ce qui n’est pas la même chose que d’être long ; sous l’élégance de l’expression et le nombre de la période, il a fait entrer toutes les pensées essentielles, et la bonne grâce de la louange n’a mis obstacle dans sa bouche à aucune réserve sérieuse. […] Soumet du nôtre, je voudrais du moins qu’on pût les peindre au naturel tels qu’ils furent, et que cette réalité qu’on chercherait vainement dans leurs œuvres majestueuses se retrouvât dans l’expression entière de leur physionomie, car la physionomie humaine a toujours de la réalité. […] Un bon sens élevé, éloquent, règne dans tout ce discours si bien pensé et si littéraire par l’expression comme par l’inspiration. […] Ce qui l’a distingué de bonne heure, ç’a été le talent de généraliser et de peindre les idées critiques ; il y met dans l’expression du feu, de la lumière, et une verve d’élégante abondance. […] Cette faveur du public à laquelle il est accoutumé et qui avait accueilli avidement son précédent discours, qui avait comme saisi ce discours au premier mot, si bien que c’était à croire (pour employer l’expression du moment) qu’on venait de lâcher l’écluse, — cette faveur ne lui a point fait défaut cette fois sur une surface plus unie et dans des niveaux plus calmes.
Bergson, l’écrasement de la conscience individuelle (par le mot qui en est l’expression impersonnelle et sociale) n’est aussi frappant que dans les phénomènes du sentiment27. » Qu’une émotion profonde, une mélancolie indéfinissable, que le souvenir heureux ou triste d’une heure lointaine émergent du fond de notre passé et envahissent notre être tout entier ; le frisson de cette émotion ne pourra se propager dans l’atmosphère opaque qui nous sépare d’autrui de la même façon que se propage une onde lumineuse ou sonore. […] Stirner attaque tout désir qui n’est pas l’expression directe de son instinct à lui, de même qu’il attaque toute idée qui n’est pas issue de son cerveau et qui n’a pas pour résultat une justification ou une satisfaction de son égoïsme. […] Il ne fait aucune différence entre l’altruisme grégaire, expression de la brutalité, de la lâcheté et de la bêtise collective et certaines formes supérieures — possibles et désirables après tout — de l’altruisme. […] Il est au contraire l’expression d’un altruisme plus exigeant et plus délicat, d’un besoin de sociabilité supérieure, plus large, plus sincère, plus intelligente, plus tolérante que celle qui est réalisée dans les groupes humains. […] C’est dire qu’il arrive, par un plus long détour, à peu près à la même conclusion que l’individualisme stirnérien : à un pyrrhonisme sentimental comme à un pyrrhonisme intellectuel, à un isolement misanthropique et antisocial dont les motifs, l’expression et le degré d’âpreté varient avec les différents individus, suivant que leur sensibilité était plus ou moins vive et a été plus ou moins douloureusement éprouvée au contact des réalités sociales.
Quelquefois son âme s’élève ; mais, soit le défaut du temps, soit le sien, quand il veut être grand, il trouve rarement l’expression simple. […] Ce jugement paraîtra sans doute extraordinaire ; mais si l’éloquence consiste à s’emparer fortement d’un sujet, à en connaître les ressources, à en mesurer l’étendue, à enchaîner toutes les parties, à faire succéder avec impétuosité les idées aux idées, et les sentiments aux sentiments, à être poussé par une force irrésistible qui vous entraîne, et à communiquer ce mouvement rapide et involontaire aux autres ; si elle consiste à peindre avec des images vives, à agrandir l’âme, à l’étonner, à répandre dans le discours un sentiment qui se mêle à chaque idée, et lui donne la vie ; si elle consiste à créer des expressions profondes et vastes qui enrichissent les langues, à enchanter l’oreille par une harmonie majestueuse, à n’avoir ni un ton, ni une manière fixe, mais à prendre toujours et le ton et la loi du moment, à marcher quelquefois avec une grandeur imposante et calme, puis tout à coup à s’élancer, à s’élever, à descendre, s’élever encore, imitant la nature, qui est irrégulière et grande, et qui embellit quelquefois l’ordre de l’univers par le désordre même ; si tel est le caractère de la sublime éloquence, qui parmi nous a jamais été aussi éloquent que Bossuet ? […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur. […] Quelquefois il attire même les choses communes à la hauteur de son âme, et les élève par la vigueur de l’expression : plus souvent il joint une expression familière à une idée grande ; et alors il étonne davantage, parce qu’il semble même au-dessus de la hauteur des pensées.
Un catalogue d’expressions originales eût été meilleur. […] Copier des expressions, même originales, ne suffit pas. […] Elle me paraît aussi stérilisante que l’ancien cahier d’expressions. […] L’expression modifie complètement les idées. […] L’expression et le style sont d’un grand poète.
Fénelon aussi y prodigue trop les expressions volontiers enfantines et mignardes telles que saint François de Sales en adressait à sa dévote idéale, à sa Philothée. Parlant de certaines familiarités et de certaines caresses que fait, selon lui, le Père céleste aux âmes redevenues petites et simples, Fénelon, par exemple, dira : « Il faut être enfant, ô mon Dieu, et jouer sur vos genoux pour les mériter. » Des théologiens ont cherché querelle à ces expressions et à d’autres pareilles, au point de vue de la doctrine ; un bon goût sévère suffirait pour les proscrire. […] Elle eut des doutes sur quelques expressions un peu vives et un peu hasardées, du détail desquelles je fais grâce ici. […] Dans l’explication de lui que nous lisons dans ce volume, et par laquelle il s’attache à réduire ces expressions mystiques et légèrement étranges à leur juste valeur, je suis frappé d’un tour habituel qui a déjà été remarqué, et qui est un trait du caractère de Fénelon. […] Littérairement, on a beaucoup loué et cherché à définir Fénelon, mais nulle part, selon moi, avec une sensibilité d’expression plus heureuse et une plus touchante ressemblance que dans le passage suivant, où il s’agit autant de son style que de sa personne : « Ce qu’il faisait éprouver n’était pas des transports, mais une succession de sentiments paisibles et ineffables : il y avait dans son discours je ne sais quelle tranquille harmonie, je ne sais quelle douce lenteur, je ne sais quelle longueur de grâces qu’aucune expression ne peut rendre. » C’est Chactas qui dit cela dans Les Natchez.
Il y a eu, au milieu du xviiie siècle, un homme jeune et déjà mûr, d’un grand cœur et d’un esprit fait pour tout embrasser, qui s’était formé lui-même et qui ne s’en était pas enorgueilli, fier à la fois et modeste, stoïque et tendre, parlant le langage des grands hommes du siècle précédent, ce langage qui semblait n’être ici que l’expression naturelle et nécessaire de ses propres pensées ; sincèrement et librement religieux sans rien braver, sans rien prêcher ; réconciliant, en un mot, dans sa personne bien des parties opposées de la nature en montrant l’harmonie. […] Quand vous n’auriez rien à gagner par cet usage du côté de la réflexion, ce qui est faux manifestement, que n’acquerriez-vous pas du côté de l’expression ! […] Il veut remonter aux racines et aux principes des choses, et à cet effet il va parcourir, selon son expression, « toutes les parties de l’esprit et toutes celles de l’âme ». […] Mais ce qu’il est surtout et dès l’abord, c’est un excellent écrivain, ne participant en rien aux défauts du jour, et puisant dans la sincérité de sa pensée une expression nette et lumineuse. […] Ils traitent de superficielle et de frivole cette splendeur d’expression qui emporte avec elle la preuve des grandes pensées… On n’oserait dire qu’il a lui-même atteint à cette splendeur d’expression, et qu’il en soit venu par l’éloquence à rendre la philosophie populaire ; mais il était en voie d’y arriver, et l’on pouvait espérer de trouver en lui, s’il avait vécu, un Locke concis, élégant et éclatant, et avec des hauteurs d’âme inconnues à l’autre.
Secondement, un habile compositeur de declamation suggeroit souvent aux comediens des expressions et des beautez qu’ils n’étoient point toujours capables de trouver par eux-mêmes. […] Dans la musique même on ne sçauroit écrire en notes tous ce qu’il faut faire pour donner au chant son expression veritable, sa force et les agrémens dont il est susceptible. […] Le bon acteur qui sent l’esprit de ce qu’il chante, presse ou bien rallentit à propos quelques notes, il emprunte de l’une pour prêter à l’autre, il fait sortir de même ou bien il retient sa voix, il appuïe sur certains endroits, enfin il fait plusieurs choses propres à donner plus d’expression et plus d’agrément à son chant qu’un acteur mediocre ne fait pas ou qu’il fait mal à propos. […] Ceux qui ont vû representer les opera de Lulli qui sont devenus le plaisir des nations, lorsque Lulli vivoit encore, et quand il enseignoit de vive voix à des acteurs dociles ces choses qui ne sçauroient s’écrire en notes, disent qu’ils y trouvoient une expression qu’ils n’y trouvent plus aujourd’hui.
Au premier coup d’œil, elle n’est point mode d’expression pour une âme humaine. […] C’est grâce à Gordon que l’Australie a trouvé sa première expression en vers. […] Ils ont aussi un grand empire sur les variétés de l’expression faciale. […] Ce sont naturellement des œuvres d’une personnalité intense dans son expression. […] S’il échoue, ce ne sera point faute d’expression.
Des expressions synthétiques comme : « Malheureux… ! […] Son expression adéquate serait : ceci ou cela n’est pas moi ou n’est pas mien. […] Nous ne voyons non plus aucune allusion à la parole intérieure dans les expressions s’écouter, écouter ses scrupules, ses préjugés ; par l’emploi du mot écouter, on veut indiquer seulement l’absence de spontanéité novatrice. […] L’expression ne se retrouve qu’une seule fois, dans Martial. […] Le peu de précision de ces expressions défend de faire du scribere quod in buccam de Cicéron un argument en faveur du tactum buccal de Bain [§ 6].
DAGUESSEAU, [Henri - François] Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi, né à Limoges en 1668, mort en 1751 ; un de ces hommes qui font l’honneur de leur siecle, de leur Nation, de l’humanité, & dont le culte, s’il nous est permis de nous servir de cette expression, ne peut qu’augmenter par la succession des temps. […] Peu d’Ouvrages offrent autant d’exemples de ce sublime, qui consiste dans l’expression simple d’une grande pensée. […] Dans les premiers, il avoit puisé l’analyse & la justesse ; dans les seconds, l’éloquence & la sublimité ; dans l’Histoire, l’ordre & la simplicité de la marche ; dans les Poëtes, la vivacité des images, la hardiesse des expressions ; cette riche abondance, & principalement cette harmonie secrete du discours, qui, comme il le disoit lui-même, sans avoir la servitude de la Poésie, en conserve souvent toute la douceur & toutes les graces.
Le public à venir, qu’on me permette cette expression, qui en jugera par sentiment, ainsi que le public contemporain en avoit jugé, sera toujours de l’avis des contemporains. […] On sçait bien, par exemple, que si l’on dit que le coloris d’un tableau de l’école romaine ne vaut rien, cette expression signifie seulement que ce coloris est très-inférieur à celui de plusieurs autres tableaux, soit flamands, soit lombards, dont la réputation est cependant médiocre. On ne pourroit pas sentir la force des expressions d’un tableau, si le coloris en étoit absolument faux et mauvais.
Quand on voit ces maîtres du style raturer, essayer leurs épithètes, poursuivre l’image forte ou l’expression pittoresque, on est bien forcé de conclure que le don d’écrire se développe et que l’on devient original par le travail. L’originalité est chose si importante que M. de Gourmont lui-même m’approuve d’avoir divisé le style en style banal et en style original, ce qui est gros de conséquences, puisqu’il sait que j’entends par originalité la recherche de l’image, le mot vivant, l’expression en relief, la force, la couleur, le pittoresque, toutes les surprises du style. […] Leurs perpétuelles « trouvailles » de style jouissent de quelque renommée dans le monde, et il y a longtemps qu’on s’extasie sur leurs surprises de mots, d’images et d’expressions.
Il faut avouer que ni l’expression françoise ni l’expression latine n’en disent rien. […] Elle n’examine ce qui concerne les mots, que pour les employer ensuite à l’expression d’un sens total dans une proposition. […] xviij.) rapporte cette expression à l’hyppallage ; Minellius & Servius l’avoient fait de même avant lui. […] La dérivation philosophique sert à l’expression des idées accessoires propres à la nature d’une idée primitive. La dérivation grammaticale sert à l’expression des points de vûe sous lesquels une idée principale peut être envisagée dans l’ordre analytique de l’énonciation.
Et cependant ce pays a produit des esprits qui, à un certain tour d’idées particulier, ont uni une certaine manière ]d’expression, et qui offrent un mélange, à eux, de fermeté, de finesse et de prudence, un mérite solide et fin, un peu en dedans, peu tourné à l’éclat, bien qu’avec du trait, et dont Mme Necker, dans les manuscrits qu’on a publiés d’elle, ne donnerait qu’un échantillon insuffisant. […] Vinet, la régularité du raisonnement, la propriété un peu étudiée de l’expression, laissent place à tout un atticisme véritable, qui, à la fois, étonne hors de France, et qui pourtant ne paraît pas dépaysé. […] La propriété parfaite et si précieuse des termes, où il se complaît, accuse quelquefois trop la vigilance à chaque mot, une véracité de détail qui ne se contente pas toujours d’être claire et distincte, mais qui veut être authentique, pour me servir d’une expression qu’il aime. […] Combien d’heureux traits d’une concision ingénieuse, où la pensée se double, en quelque sorte, dans l’expression, et fait deux coups d’un même jet ! […] A part le discours sur la Foi d’autorité, où encore ce genre de foi est ménagé par des expressions si générales, et où la vérité se réserve comme pouvant habiter dessous, on va en tous sens dans cette lecture en n’apercevant jamais que le chrétien.
» Certes, à part même le sublime de l’expression que ma prose n’a pu détruire, il y avait là, sous une date bien antique, tout ce que Boileau voulait revendiquer pour Homère et pour la grande poésie. […] On ne craindrait nullement de conserver, dans la traduction de cette ode grecque il la Fortune, l’image des vicissitudes que voyait t’œil du poëte, et de porter dans l’expression cette alternative de haut et de bas qui fait le sujet même. […] Mais, on s’est contenté d’appuyer cette ressemblance sur quelques rapprochements d’expression. […] Ces exemples pourraient être multipliés sans fin et descendre à des détails de diction, qui surprendraient parfois et donneraient en même temps la seule idée vraie de l’expression de Pindare, dans ses nombres sans loi. […] Dans Pindare, et plus qu’ailleurs, ce ton religieux du poëte, si différent des formules d’invocation de l’épicurien Horace, n’est pas seulement l’expression d’une sincère croyance, mais le signe même du sacerdoce.
Cette théorie du philosophe est, disait-on, empruntée littéralement aux expressions allégoriques du prophète Ézéchiel : « Il m’a été fait, dans la maison d’Israël, des fils de l’homme mélangés tous de cuivre, d’étain, de fer ou de plomb. » Cependant, ici même, la ressemblance prouve-t-elle l’imitation ? […] Alors, ce semble, apparut l’enthousiasme lyrique dans sa plus haute expression : élévation du sujet, immensité du chœur, sublimité du langage. […] Elles sont éparses ailleurs, et jusque dans le récit historique, témoin, au chapitre xxxii du Deutéronome, ce chant de Moïse où Dieu semble plaider contre son peuple, l’accuser, lui répondre, entre la vive expression des images présentes et la vue prophétique d’un avenir non moins éclatant aux yeux. […] D’une part, on a le langage de ce prophète illuminé de Dieu, que le ciseau de Michel-Ange nous représente avec des cornes de feu : d’une autre part, les premières expressions mêmes du poëte vous annoncent un messager du dieu Mercure, un adroit orateur pour l’intelligente et indocile Athènes. […] Pour nous, tâchons seulement ici de ne pas détruire par l’expression ce que l’âme seule peut rendre, ce que l’âme seule peut saisir, ce qu’a senti le Prophète, devant la chute du roi de Babylone.
Et nous pouvons sacrifier la théorie sans diminuer celui de qui l’on en a soutiré la malencontreuse expression. […] La vie en société est le seul domaine où l’artiste puisse trouver des sensations dont l’expression naturelle soit l’œuvre d’art dramatique. […] La sensation de l’artiste n’est réalisée ni dans la mélopée des comédiens qui débitent son texte, ni dans la satisfaction des fauteuils d’orchestre connaisseurs ; mais bien dans la vibration à l’unisson, dans l’étincelle qui éclaire la salle et la scène. — De quel milieu spécial de vie put surgir la sensation du dramaturge, pour que son expression adéquate soit l’émotion d’une foule devant un spectacle ? […] Le théâtre étant l’expression parfaite de cette vie publique, il était logique d’y donner, à côté de l’exaltation de ses grandeurs, la dérision de ses mesquineries. […] L’histoire a corroboré la conclusion de notre raisonnement : en fait comme en droit, le théâtre d’art fut l’expression des sensations perçues par les artistes dans les milieux de vie publique et théâtrale.
Et nous pouvons sacrifier la théorie sans diminuer celui de qui l’on en a soutiré la malencontreuse expression. […] La vie en société est le seul domaine où l’artiste puisse trouver des sensations dont l’expression naturelle soit l’œuvre d’art dramatique. […] La sensation de l’artiste n’est réalisée ni dans la mélopée des comédiens qui débitent son texte, ni dans la satisfaction des fauteuils d’orchestre connaisseurs ; mais bien dans la vibration à l’unisson, dans l’étincelle qui éclaire la salle et la scène. — De quel milieu spécial de vie put surgir la sensation du dramaturge, pour que son expression adéquate soit l’émotion d’une foule devant un spectacle ? […] Le théâtre étant l’expression parfaite de cette vie publique, il était logique d’y donner, à côté de l’exaltation de ses grandeurs, la dérision de ses mesquineries. […] V L’histoire a corroboré la conclusion de notre raisonnement : en fait comme en droit, le théâtre d’art fut l’expression des sensations perçues par les artistes dans les milieux de vie publique et théâtrale.
Génin a fait voir que, dans certains passages où on lisait l’expression d’un athéisme positif, c’était le fougueux éditeur de Diderot, Naigeon, qui avait cru devoir prêter à son maître, et qui avait sans façon inséré dans le texte ses propres commentaires. […] L’ensemble du profil, ajoute le même Meister, se distinguait par un caractère de beauté mâle et sublime ; le contour de la paupière supérieure était plein de délicatesse ; l’expression habituelle de ses yeux, sensible et douce ; mais, lorsque sa tête commençait à s’échauffer, on les trouvait étincelants de feu. […] Mais là où Diderot est surtout excellent à entendre, même pour des peintres, c’est quand il insiste sur la force de l’unité dans une composition, sur l’harmonie et l’effet d’un ensemble, sur la conspiration générale des mouvements ; il comprend d’instinct cette vaste et large unité, il y revient sans cesse ; il veut la concordance des tons et des expressions, la liaison facile des accessoires à l’ensemble, la convenance naturelle. […] Or, plus l’expression des arts est vague, plus l’imagination est à l’aise. […] Dans les petits morceaux faits exprès, tels que l’Éloge de Richardson ou les Regrets sur ma vieille robe de chambre, il a bien de la grâce, des pensées heureuses, des expressions trouvées ; mais l’emphatique revient et perce par endroits, l’apostrophe me gâte le naturel.
On peut observer comme dans ses Mémoires, où il parle de lui-même avec si peu de déguisement, il emploie perpétuellement ces expressions et ces images de théâtre, de comédie ; il considère le tout uniquement comme un jeu, et il y a des moments où, parlant des principaux personnages avec qui il a affaire, il s’en rend compte et en dispose absolument comme un chef de troupe ferait pour ses principaux sujets. […] L’expression y est gaie volontiers, pittoresque en courant, toujours dans le génie français, pleine d’imagination cependant et quelquefois de magnificence. […] Il y revint le lendemain, ou plutôt il y fut porté sur la tête des peuples avec des acclamations incroyables. » Je n’examine pas si l’expression est proportionnée à l’importance de Broussel ; mais comme elle rend fidèlement l’impression et l’exaltation du moment ! Retz, vous le pensez bien, n’en est pas dupe, et, montrant tout aussitôt Paris, dès qu’on lui a rendu son Broussel, redevenu « plus tranquille que je ne l’ai jamais vu le Vendredi saint », il nous fait sentir la contrepartie railleuse sans l’exprimer. — « La Cour qui se sentait touchée à la prunelle de l’œil… » dira-t-il à propos de la révocation des intendants, mise en délibération par les cours souveraines réunies ; il est rempli de ces expressions sensibles et animées. […] Après avoir dit que le premier président Molé était « tout d’une pièce », ce qui est une expression bonne, mais ordinaire, il ajoutera : « Le président de Mesmes, qui était pour le moins aussi bien intentionné pour la Cour que lui, mais qui avait plus de vue et plus de jointure, lui répondit à l’oreille… » Voilà comme on crée légitimement une expression neuve, comme on la tire d’une expression commune.
Son œil brun, vif, spirituel, et quelquefois d’une douceur charmante ou d’une mélancolie profonde, était surmonté d’un arc de sourcil fort élevé, qui donnait à sa physionomie une expression très originale. […] Necker dira : « Dans l’âge où le tumulte des sens distrait des grandes pensées, et où les plaisirs de la jeunesse, en rassemblant sur nous toute notre attention, semblent borner l’univers à notre individu, Colbert s’occupait d’être utile à la société. » Jamais on n’a trouvé, pour définir la jeunesse, des expressions moins souriantes et moins légères. […] Necker étaient bien à lui, et tenaient aux qualités mêmes ou aux prétentions qui essayaient de se faire jour sous sa plume et de trouver leur expression peu habile encore. […] Necker, l’expression est presque toujours forcée ou solennisée, et l’on est tenté de lui répéter à chaque instant : Soyons simples ! […] Je pourrais relever bien d’autres singularités de pensée et d’expression dans ce discours ; je me hâte d’ajouter que, malgré tout, il réussit fort tant à l’Académie que devant le public ; les juges les plus difficiles, en s’accordant à reconnaître « que la langue semblait manquer à tout moment à l’auteur », le lui passèrent en faveur de ce qu’on appelait l’énergie ou la nouveauté de ses pensées.
Necker, des élans d’espérance qui arrivent à une sorte d’éclat d’expression : Il y a quelque secret magnifique caché derrière cette superbe avant-scène qui forme le spectacle du monde. […] Ses cris de douleur et d’étonnement sur l’iniquité et l’ingratitude humaines seront bientôt proportionnés à ses premières expressions de délices et de reconnaissance. […] Son illustre fille, Mme de Staël, s’est chargée depuis d’imprimer aux pensées politiques de son père un cachet de précision et d’à-propos, et de leur prêter une expression d’éclat, en composant ses Considérations sur la Révolution française, qui eurent un si grand succès dans la haute société en 1818, et qui présentèrent une théorie spécieuse à la politique de la Restauration. […] Comme écrivain, il s’était beaucoup formé par l’usage, et il était arrivé à se faire un style : style singulier, fin, abstrait, qui se grave peu dans la mémoire et ne se peint jamais dans l’imagination, mais qui atteint pourtant à l’expression rare de quelques hautes vérités. […] Mais ce mouvement d’humilité dans la solitude ne tenait pas en présence des hommes ; le naturel revenait vite, et il n’y avait plus rien de la modestie, ni même de ce que le bon sens conseille jusque dans l’expression de la fierté.
L’expression toutefois est-elle aussi ferme et aussi exacte de tout point que l’aurait eue en pareil cas Pascal ou Bossuet ? […] Souvenez-vous-en bien, et n’allez plus gronder contre les gens qui me gardent comme une relique. » Fénelon n’entra donc jamais très avant ni d’une manière parfaitement suivie dans la direction de Mme de Grammont ; ses conseils tournent dans un même cercle et ne se renouvellent que par l’agrément d’expression qu’il y met : « Surtout, madame, sauvez votre matin, et défendez-le comme on défend une place assiégée. […] La doctrine de Fénelon, dégagée de quelques subtilités d’expression et de quelques renchérissements particuliers à sa manière de sentir et d’écrire, n’est autre que la doctrine chrétienne dans sa plus spirituelle vivacité. […] Avant d’ouvrir les écrits spirituels de Fénelon ou ceux de tout autre chrétien, c’est là ce qu’il faut se dire pour ne pas être étonné de certaines expressions vives. […] Son expression prend feu et reluit à chaque pas : J’ai fait un sermon ce matin tout de flammes… — Voyez-vous, je ris déjà dans le cœur sur l’attente de votre arrivée. — Ô Dieu !
L’innocence avec son long paquet de filasse jaune qui descend de sa tête en guise de cheveux, est maigre, pâle, sèche, fade, d’une expression de tête grimacière, pleureuse et désagréable ; qu’a-t-elle à redouter à côté de la justice ? […] On voit le saint sur son lit, on le voit de face, le chevet au fond de la toile, présentant la plante des pieds au spectateur, et par conséquent tout en raccourci ; mais la figure entière est si naturelle, si vraie, le raccourci si juste, si bien pris, qu’entre un grand nombre de personnes qui m’ont loué ce tableau je n’en ai pas trouvé une seule qui se soit apperçue de cette position, qui montre sur une surface plane le saint dans toute sa longueur, toutes les parties de son corps également bien dévelopées, la tête et l’expression du visage dans toute sa beauté. […] Il est de la plus grande vérité de caractère, c’est un personnage réel, il est grand sans être exagéré ; il est beau, quoiqu’il ait le nez gros et les joues creuses et décharnées, parce qu’il a le caractère de son état, et l’expression de son ministère. […] Il fallait rendre la demi-teinte, où l’on a tenu la tête du saint, peut-être un peu moins forte, parce qu’elle voile son expression. […] J’en aime moins l’expression que du précédent, il regarde et puis c’est tout ; mais le faire en est incomparablement plus libre, plus fougueux, plus hardi, plus chaud et plus beau.
Les auteurs dramatiques ont même inventé une expression : Ce n’est pas du théâtre pour dire « voilà une pièce littéraire, originale, morale, qui ne fera pas d’argent », et une autre expression, « C’est du théâtre » pour dire « voilà une pièce banale, faite avec des ficelles qui ont déjà servi et dont on est sûr, évocatrice d’émotions mille fois soulevées, d’une morale sans élévation, d’une gaieté vulgaire, d’une langue prétentieuse ou peu sûre, mais cette pièce ira à la centième ». […] Cet Art a choisi, comme principale expression, l’expression théâtrale et dans cette expression plus spécialement, la forme tragique56.
Toutes les expressions d’un homme passionné nous affectent bien, mais les signes de la passion qui se rendent sensibles sur son visage, nous affectent beaucoup plus que les signes de la passion qui se rendent sensibles par le moïen de son geste et par la voix. […] Nos yeux seuls sont capables d’enseigner distinctement tout ce qui se passe sur le visage, et pour user de cette expression, ils le font voir tout entier malgré le masque. […] On ne sçauroit démêler ces expressions à une distance de laquelle on peut néanmoins discerner l’âge et les autres traits les plus marquez du caractere d’un masque. Il faudroit qu’une expression fut faite avec des grimaces horribles pour être renduë sensible à des spectateurs éloignez de la scéne au-delà de cinq ou six toises. […] Or la justesse de la déclamation exige souvent que l’altération des traits dans laquelle une expression consiste, ne soit presque point marquée.
De telles accusations et l’expression de tels regrets, sans prétendre ici les discuter où les apprécier, ne sont-elles pas le signe d’un grand changement dans plusieurs de nos admirations, changement dont il n’est plus permis de douter, parce qu’il est de toute évidence ? […] Cependant, il est bon de le remarquer, ce que je dis est moins une opinion que l’expression d’un sentiment de malaise assez général pour que je doive m’y associer en quelque sorte, puisque je me rends l’historien de cette époque, et que je me suis imposé la tâche d’en saisir tous les caractères. […] Un petit nombre d’écrivains dominés par l’ascendant de la pensée se sont réellement trouvés à l’étroit dans une langue où les limites de l’expression ne sont point assez incertaines ; ils ont voulu franchir cette borne immobile : il en est résulté quelques succès et bien des revers. […] Il ne faut pas cesser de le répéter, parce qu’il ne faut pas cesser d’entourer de respect ce qui a été : venir en son propre nom, pour employer une expression heureuse de Bacon, suppose une haute vanité, une présomption condamnable, un orgueil qui doit être réprimé. […] Notre littérature du siècle de Louis XIV a cessé d’être l’expression de la société ; elle commence donc à être déjà pour nous, en quelque sorte, comme nous l’avons dit, une littérature ancienne, de l’archéologie.
Cependant Pajou en sait trop dans son art pour ignorer que la sculpture veut être plus grande, plus piquante, plus originale, et en même temps plus simple dans le choix de ses caractères et de son expression que la peinture, et qu’en sculpture point de milieu, sublime ou plat ; ou comme disait au sallon un homme du peuple : tout ce qui n’est pas de la sculpture est de la sculpterie. […] Ce modèle de tombeau est simple et beau, l’ensemble en est pittoresque, et l’on ne désire rien à la figure de l’amitié de tout ce qui tient aux parties de l’art ; la position, l’expression, le dessin, la draperie, sont bien ; mais qu’est-ce qui désigne l’amitié plutôt qu’une autre vertu ? […] On dit que cela est beau, que cette tête est touchante, que l’expression en est belle, et le marbre bien travaillé. […] Figure commune, plate de caractère et d’expression, sans aucun mérite qui la distingue.
Il répond à cette question que ces deux tons sont propres à l’expression des passions emportées des hommes d’un grand courage, ou des heros qui font ordinairement les premiers rolles dans les tragedies, au lieu que les acteurs qui composent le choeur sont supposez être des hommes d’une condition ordinaire, et dont les passions ne doivent point avoir sur la scene le même caractere que celles des heros. […] Il devoit y avoir des modes qui convinssent mieux que d’autres modes à l’expression de certaines passions, comme il y a des modes dans notre musique plus propres que d’autres à les bien exprimer. […] Mais Ovide dit mes vers, meos versus, parce que les pensées, l’expression, en un mot les vers considerez sur le papier, étoient entierement de lui. […] Enfin l’expression versus habent carmen ne laisse aucun doute sur la signification que doit avoir le mot carmen dans le passage de Quintilien, et dans les vers d’Ovide.
Ceux-ci ramènent progressivement l’expression vague à l’expression précise ; eux détournent laborieusement l’expression à peu près précise vers l’expression sibylline, sachant pour qui ils écrivent.
Burnouf, lequel y verrait un essai d’acclimatation en français d’une foule d’expressions plus ou moins obscures, et dont, pour l’honneur de la couleur locale, si importante aux yeux des costumiers poétiques, toute cette poésie est émaillée. […] Mais cosmopolite dans la pensée, il l’est aussi dans l’expression et il appartient au groupe de ceux qui ouvrent le sein de la langue à l’étranger. Dans un temps où la langue serait forte, la Critique punirait peut-être le poète de cette impiété et de cette profanation, mais nous ne sommes plus au temps du grand Corneille où l’on disait Brute et Cassie, et où ce qui doit changer le moins, même les noms propres, devenaient français sous les plumes fières… À présent nous n’avons plus, il est vrai, cette insolence d’orgueil, et ce n’est pas seulement à l’expression étrangère que nous allons tendre des mains mendiantes, c’est à l’inspiration elle-même ! M. le Conte de L’Isle ne coquette pas uniquement avec l’expression indienne dont il se tatoue.
Dans l’état qu’on appelle état de nature, et qui fut celui des familles, les pères de familles ne pouvant recourir à la protection des lois qui n’existaient point encore, en appelaient aux dieux des torts qu’ils souffraient, implorabant deorum fidem ; tel fut le premier sens, le sens propre de cette expression. […] Les peuples y combattaient pro aris et focis, expression qui désignait tout l’ensemble des rapports sociaux, puisque toutes les choses humaines étaient considérées comme divines. […] Pour prévenir des plaintes, des rixes et des meurtres, la Providence voulut qu’ils fissent consister toute la justice dans l’expression précise des formules solennelles. […] Lorsque les Empereurs exposent les motifs de leurs lois et constitutions, ils disent que de telles constitutions leur ont été dictées sectâ suorum temporum ; Brisson, De formulis Romanorum, a recueilli les passages où l’on trouve cette expression.
Toutes ces Pieces ne sont pas égales, à la vérité ; mais on trouve dans ses défauts mêmes, selon l’expression d’Horace, la touche du grand Poëte qui rend respecpectables jusqu’à ses écarts : Invenias etiam disjecti menbra Poëta. […] On diroit qu’il crée les sentimens & les expressions. […] Ses Ouvrages conserveront sans altération la vive expression de son génie & du caractere de son ame, c’est-à-dire qu’ils retraceront le tableau de ces Edifices antiques, majestueux, solides, qui, malgré quelques irrégularités, n’en font pas moins sentir la petitesse de cette Architecture moderne, où l’ornement & la symétrie s’efforcent en vain de suppléer à la noblesse & à la magnificence.
L’art primitif fut l’expression de ce sentiment. […] Les expressions même de l’écrivain dont nous nous sommes servi garantissent du moins notre exactitude. […] Dans quel rapport est donc la figure, l’expression symbolique avec l’expression directe, la parole synthétique et concrète avec la parole abstraite et analytique ? […] Par l’expression figurée, la pensée devient plus qu’intelligible, elle devient émouvante. […] Mais l’expression figurée peut se rencontrer ailleurs que dans le vers.
La voix, comme telle, est unique et l’expression d’une même sagesse ; c’est toujours « le parler et le langage des anges » ; l’apparence visible qui l’accompagne varie seule. […] Joyeuse ; mais sa passion s’exprime par des symboles et non pas directement, en termes abstraits, et dans sa vérité nue ; cette expression détournée du sentiment, voilà son originalité : il est surtout un imaginatif. Tout autre est l’attitude de l’homme passionné : en public, nulle exubérance de gestes ; sa physionomie peu mobile garde longtemps la même expression. […] L’imagination est essentiellement objective ; il semble qu’elle devrait toujours parler extérieurement ; la passion, au contraire, est essentiellement subjective, et son expression normale est purement intérieure. […] Fouillée, particulièrement cette expression : « Les dieux donnent des signes aux hommes sur leurs affaires. » 189.
Thucydide nous a conservé un de ses discours, qui est remarquable par la force des pensées & l’énergie des expressions. […] Les expressions, en passant par son imagination féconde & brillante prenoient cette couleur d’urbanité romaine dont il est le modèle le plus parfait. […] Il pensoit fortement, mais ses pensées étoient affoiblies par ses expressions où il mettoit trop de recherche. […] Il y a peu de ces traits qui peignent d’un mot, de ces expressions de génie qui présentent une vérité commune sous une face toute nouvelle. […] Terrasson, contemporain du Pere de la Boissiere, a une éloquence douce & naturelle ; l’expression est nette ; il n’y a ni rudesse, ni obscurité.
Il arrive aussi que, chez les débutants, dans leurs travaux littéraires, l’émotion sincère ne se traduit pas par l’expression naïve, et qu’ils poussent parfois le pathétique jusqu’à l’emphase du mélodrame. […] Cependant ces mêmes expressions, qui servent aux besoins les plus familiers de l’existence, que les plus grossières intelligences ravalent au niveau de leurs mesquines pensées, ont en elles-mêmes assez de sens et de vertu pour devenir égales sans effort aux plus hautes idées, aux plus nobles sentiments des grands esprits et des cœurs généreux. […] Ils annoncent que l’auteur s’est depuis longtemps nourri de la pensée ou du sentiment exprimé, qu’il se les est tellement appropriés et rendus habituels, que les expressions les plus communes lui suffisent pour exprimer des idées devenues vulgaires en lui par une longue conception. » En effet, de ce que l’homme emploie les mots de tous les jours, on en conclut qu’il exprime ses pensées de tous les jours.
Restait la grammaire, c’est-à-dire le choix des émotions que l’on exprimerait, et la forme générale que l’on donnerait à leur expression. […] Ainsi nos compositeurs auraient-ils, je crois, tout intérêt à composer eux-mêmes tout leur drame ; alors seulement ils auraient la vision complète de leur personnage, dans toute l’expression de sa vie. […] Lorsque dans la lettre ci-dessus, Wagner si hautement demandait la « mélodie », il savait déjà bien que la mélodie est la seule forme de la musique, et que les deux sont inséparables ; il avait déjà la profonde conviction que la musique est l’expression, mais il ne savait pas encore ce que c’est que la mélodie qui donnerait l’expression idéale musicale, à l’esprit allemand, dans le drame. […] Et nous l’avons, cette mélodie, qui n’est pas celle de Bellini : musiciens ou non musiciens, apprenons ceci de Wagner, l’expression, et, là où elle manque, le silence. […] Elle est chez Wagner expression de l’émotion, là où, chez les Russes, l’émotion est exprimée par le chant, ce qui ouvre de nombreux débats.
Nous ne nous égarons pas en dehors de la conception psychologique de la simultanéité, car, suivant votre propre expression, un événement E s’accomplissant à côté de l’horloge H est donné en simultanéité avec une indication de l’horloge H dans le sens que le psychologue attribue au mot simultanéité. […] Une expression telle que équation semble nous placer hors de tout système de référence, dans l’Absolu, en face d’une entité comparable à l’Idée platonicienne. […] On oublie que ce système était celui du physicien réel, que les autres sont seulement ceux de physiciens imaginés, qu’on avait cherché un mode de représentation convenant en même temps à ceux-ci et à celui-là, et que l’expression équation avait précisément été le résultat de cette recherche : on commettrait donc une véritable pétition de principe en s’autorisant de cette expression commune pour mettre tous les systèmes au même rang et pour déclarer que tous leurs Temps se valent, puisqu’on n’avait obtenu cette communauté d’expression qu’en négligeant la différence entre le Temps de l’un d’eux — seul Temps constaté ou constatable, seul Temps réel — et les Temps de tous les autres, simplement imaginés et fictifs. […] En somme, il n’y a rien à changer à l’expression mathématique de la théorie de la Relativité. […] C’est évidemment par extension qu’il est fait usage de l’expression « système de référence » dans le passage de la lettre, ci-dessus citée, où il est dit que Paul rebroussant chemin « change de système de référence ».
On se livre en Angleterre aux systèmes abstraits ou aux recherches qui ont pour objet une utilité positive et pratique ; mais ce genre intermédiaire, qui réunit dans un même style la pensée et l’éloquence, l’instruction et l’intérêt, l’expression pittoresque et l’idée juste, les Anglais n’en possèdent presque point de modèles, et leurs livres n’ont qu’un but à la fois, l’utilité ou l’agrément. […] Les vers blancs n’offrant que très peu de difficultés, les Anglais ont réservé pour la poésie tout ce qui tient à l’imagination ; ils considèrent la prose comme la langue de la logique, et le seul objet de leur style est de faire comprendre les raisonnements, et non d’intéresser par des expressions. […] Peut-être aussi que la principale cause du grand plaisir attaché à cette lecture, c’est l’admiration qu’on éprouve pour la liberté d’un pays où l’on pouvait attaquer ainsi les ministres et le roi lui-même, sans que le repos et l’organisation sociale en souffrissent, sans que les dépositaires de la puissance publique eussent le droit de se soustraire à la plus véhémente expression de la censure individuelle. […] En France, on est si jaloux de l’admiration qu’on accorde, que si l’orateur voulait l’obtenir deux fois pour le même sentiment, pour le même bonheur d’expression, l’auditoire lui reprocherait une confiance orgueilleuse, lui refuserait un second aveu de son talent, et reviendrait presque sur le premier.
Cependant, par une défaillance peut-être de la volonté, cela ne va pas toujours jusqu’à l’ininterrompue continuité des formes, jusqu’à leur cohésion décisive en l’unité du livre ou même de chaque poème, — j’y ai fait allusion en même temps qu’à sa tendance vers l’allégorie ; et, marquée d’un défaut qu’on dirait contraire, cette expression rigoureuse et sûre peut amener de la monotonie. […] Il a fait de très beaux vers, remarquables par l’éclat et la sonorité… M. de Régnier a ce don de l’expression imagée et chantante où on reconnaît le poète. […] Chez lui, l’émotion — en général un peu froide — se revêt d’une expression lointaine, comme légendaire. […] Henri de Régnier, selon les justes expressions de M.
L’analyse externe d’une œuvre littéraire Elle porte, nous l’avons dit plus haut, sur les moyens d’expression employés par l’auteur. […] Cette analyse des moyens d’expression employés par un auteur portera d’abord sur la structure de l’œuvre. […] Le ton d’un morceau est la résultante de beaucoup de choses diverses ; il se détermine d’après la nature des mots, la disposition des phrases, l’emploi de certaines tournures, moyens d’expression à travers lesquels on remonte jusqu’au sentiment dominant qui donne au morceau son accent particulier. […] C’est la combinaison personnelle à l’auteur de tous les moyens d’expression qu’il a trouvés à sa disposition ou inventés lui-même.
« Il avait — dit excellemment Feuillet — du pittoresque dans l’imagination et dans la pensée ; il ne lui en resta pas pour l’exécution. » En d’autres termes, il eut l’invention, et non l’expression, tandis que lui, Feuillet, a une expression prodigieuse, mais n’a pas cette invention qu’avait Perrault. […] Hémistiches brisés, tronçons d’images, groupes d’expressions, la phrase de Feuillet, en ses contes, roule du La Fontaine à plein bord. […] Il n’y a, de fait, que Balzac, dans ces contes inouïs qui ne sont pas pour les enfants et qui ont tout, excepté l’innocence ; il n’y a que Balzac qui ait parlé depuis Rabelais cette langue phénoménale que Feuillet rappelle en plus d’un endroit de son livre par la propriété pittoresque de l’expression, l’opulence des vocables, le mouvement ému, les contours renflés, la grâce du tour, et particulièrement ce coloris qui étend sur toutes choses ses clartés rougissantes et qui nous fait nous demander, à nous, vieux critiques, accoutumés au feu de la phrase quand elle en a : « Mais dans quel baquet de pourpre s’est-il plongé, ce diplomate, pour en être ressorti avec cet éclat et cette vie qu’un artiste de profession lui envierait ?
Il lui faut une expression qui fixe positivement ses idées ; et c’est de cette justesse si rare que naît cette façon de s’exprimer simple, mais sage et majestueuse, sensible à peu de gens autant qu’elle le doit être, et que, faute de la connaître, n’estiment point ces sortes de génies qui laissent débaucher leur imagination par celle d’un auteur dont le plus grand mérite serait de l’avoir vive. […] » Et en venant particulièrement à cette accusation de style précieux, il tâche de montrer qu’il y a des pensées fines qui ne sauraient se rendre que par une singularité d’expression qui prête à cette objection banale. […] » Ici, dans une petite dissertation très juste et très bien déduite, Marivaux montre que pour la nuance de pensée de La Rochefoucauld, il n’y avait pourtant pas d’autre expression possible, et que les équivalents proposés n’y répondent pas : Cet esprit, simplement trompé par le cœur, ne me dit pas qu’il est souvent trompé comme un sot, ne me dit pas même qu’il se laisse tromper. […] Et Pascal, combien n’a-t-il pas d’expressions de génie ? […] Montesquieu, dans les Lettres persanes, est plein de ces expressions neuves et vives, qui parlent à l’imagination, et qui se font applaudir et accepter.
Ce qu’on a senti ou pensé, on peut l’exprimer avec une élégance égale dans toutes les langues ; et chaque langue vous fournira les expressions uniques pour caractériser quelque pensée, quelque sentiment que ce soit, et pour en fixer le degré de vivacité ou de noblesse. […] Ami de la propriété des termes, de l’ordre logique et direct dans le langage, il se disait que l’esprit n’a ses coudées franches et son juste instrument que dans la prose ; « qu’elle seule a droit sur tous genres d’ouvrages indistinctement ; qu'elle a seule l’usage libre de toutes les richesses de l’esprit ; que, n’étant asservie à aucun joug, elle ne trouve jamais d’obstacles à exprimer ce que le génie lui présente ; qu’elle n’est jamais forcée de rejeter les expressions propres et les tours uniques que demandent les idées successives et les sentiments variés que ses sujets embrassent. » Mais, avec les vers, il faut toujours faire quelque concession, quelque sacrifice, tantôt pour la clarté, tantôt pour l’élégance, ces deux qualités dont la prose est toujours comptable : « Quand une pensée se trouve, à quelque chose près, aussi bien exprimée en vers qu’elle pourrait l’être en prose, on applaudit au succès du poète, on lui voue son indulgence, on lui permet de grimacer de temps à autre ; les expressions impropres sont chez lui de légères fautes ; les constructions inusitées deviennent ses privilèges. » Et il en citait des exemples jusque dans Boileau. […] Il s’appliqua à montrer l’excellence et la supériorité de la marche et du procédé logique, même pour l’expression. […] Un mot n’est pas plus beau par lui-même qu’un autre mot ; une expression n’est ni plus noble ni plus brillante qu’aucune autre. […] Il s’ensuit, d’après lui, que, pour être éloquent, il ne s’agit que de bien penser, de penser fortement, et que la seule exactitude de l’expression amène et nécessite l’éloquence.
A égale distance de la colère du satirique et de l’austérité du prédicateur, il se tient dans une sorte de sérénité aimable ; plus heureux d’avoir trouvé le trait vif, saisi le ridicule et créé l’expression qui le peint, qu’affecté de la tristesse de sa matière et du peu d’efficacité probable de la leçon. […] Pour que l’avertissement du moraliste porte coup, pour que les portraits du peintre respirent, ni l’expression ne peut être trop forte, ni les couleurs trop vraies. […] La seule différence à remarquer entre La Bruyère et les grands écrivains de son siècle, et qui ne tienne pas à la matière et au dessein de son ouvrage, c’est qu’en certains endroits le fond n’y égale pas le travail de l’expression. […] L’art ne consiste pas à contenter tous les goûts, en flattant les uns par ce qui choque les autres, mais à faire que les goûts les plus différents soient d’accord de la justesse d’une pensée, de la beauté d’une expression, de la vérité d’une peinture. […] Tant d’habileté et d’adresse, une expression si vive, un tour si ingénieux, des images si frappantes, n’ont pas réussi à nous imprimer ces passages dans la mémoire ; ce qui paraît si arrêté n’est pas définitif.
C’étaient déjà ou des réflexions fines sur le cœur humain, ou des tours d’expression ingénieux, mais le plus souvent des réflexions. […] Mais c’est précisément cette expression nette, courte et neuve, qui fait aujourd’hui la distinction et le prix de ces conseils maternels de Mme de Lambert. […] Il est des expressions moins marquées et plus douces, et qu’elle place d’une manière charmante : « Faites, écrit-elle à son fils, que vos études coulent dans vos mœurs, et que tout le profit de vos lectures se tourne en vertu… » — « Parmi le tumulte du monde, ayez, mon fils, lui dit-elle encore, quelque ami sûr qui fasse couler dans votre âme les paroles de la vérité. » Et enfin (car elle affectionne cette expression), dans son petit Traité de l’amitié : « Que les heures sont légères, s’écrie-t-elle, qu’elles sont coulantes avec ce qu’on aime ! » Elle n’est pas toujours aussi heureuse dans la nouveauté des expressions, et la recherche s’y fait plus d’une fois sentir. […] Toutes ces expressions que je souligne sont d’une langue ingénieuse, mais mince, et qui est sujette à se raffiner.
Est-ce que tous les arts ne sont pas des expressions du sentiment ou de la pensée de l’homme ? […] Robert y prit le goût de la rectitude et de la sobriété des lignes de ses figures ; il ne pouvait y prendre ni l’expression des physionomies, ni la passion, ni le mouvement, ni le coloris, triple vie du tableau qui manquait entièrement à son maître. […] La figure humaine, dont la Suisse et dont sa propre famille lui offraient les plus beaux types, l’expression des sentiments simples sur les traits, les attitudes, ces gestes de l’âme, furent sa principale étude dans de nombreux portraits. […] Son profil est tout à fait féminin, presque enfantin ; elle sourit à peine, elle baisse les yeux et regarde ses pieds avec l’expression d’une pudique honte. […] Sa figure est triste et résignée au fond, mais à la surface elle prend toutes les expressions terribles ou tendres des situations des poèmes qu’il récite.
On devine à ses expressions quel intérêt tendre l’attache presque à son insu à ce séjour. […] Ce groupe, qui fait contraster la mort et l’enfance, est digne, par l’expression des figures et par la naïveté des poses, de Corrége, ce poète des enfants. […] Ces trois figures sont d’une mâle beauté qui rappelle aussi l’antique ; quelques critiques les trouvent trop belles ; ils accusent l’expression de leur physionomie et leur attitude de trop de majesté pour des hommes de leur profession. […] Il aurait fallu des yeux plus clairvoyants que les miens pour y découvrir d’autres sentiments, car il y régnait une réserve d’expressions toute platonique… Peut-être, ajoute-t-il, est-ce là ce qui a fait durer l’illusion. […] et, ajoutons, sur des traits toujours beaux ; car, dans Léopold Robert comme dans la statuaire grecque, l’expression n’enlève jamais rien au beau, cette première condition de l’idéal dans l’art.
Les animaux ne manifestent aucune agitation ni aucune expression de douleur. […] La nature, suivant l’expression de Goethe, est un grand artiste. […] L’expression de nos sentiments se fait par un échange entre le cœur et le cerveau, les deux rouages les plus parfaits de la machine vivante. […] Ce sont encore des expressions que la physiologie peut interpréter. […] Il n’a d’autre expression que lui-même, c’est-à-dire qu’il ne se révèle que par l’organisation et la réparation de l’édifice vivant.
Sue applique au passé une expression qui n’a jamais signifié qu’une pensée contemporaine de la parole. […] Les poètes ont en vue l’expression de la beauté, tandis que les historiens se proposent la réalité, et les philosophes la vérité. […] Ramenées à leur expression générale, la plupart des comédies de M. […] Ils s’écoutent, et s’inquiètent de l’expression de leur pensée bien plus que de leur pensée même. […] S’il était possible de croire un instant que la simplicité de la fable s’oppose à l’expression pathétique.
Je distingue dans un poëme deux sortes de mérite, qu’on me pardonne cette expression, un mérite réel et un mérite de comparaison. […] On ne trouve pas dans ses vers d’idée sublime ni même des tours d’expression heureux ni de figures nobles, qu’on ne retrouve dans les auteurs grecs et latins. […] Ses libertez dans l’expression paroissent les saillies d’une verve naturelle, et ses vers composez d’après ceux de Virgile et d’Homere ont ainsi l’air original.
et le mépris des exagérations qui empoignent les galeries, des enjolivements chers aux stalles, des expressions dont se pâment les loges ! […] Dans la rénovation Wagnérienne il y a en effet deux degrés ; l’un, tout extérieur, est l’abandon du cadre de l’opéra, l’institution de la forme du drame lyrique ; un second, plus intime, est ce retour dont nous parlions à l’expression psychologique. […] Leur ignorance des anatomies réelles était constante, extrême leur souci de l’expression : ils ont peint le corps humain et la nature tels que, dans la disposition précieuse de leurs âmes, ils les voyaient. […] Il nous donna les émotions d’une lascive terreur, par le mystère d’expressions perverses et surnaturelles. […] Les charmants plis de robes, bleue et rose, dans une chambre aux rideaux tirés, et le jeu sur elles d’une lumière légèrement bleutée, et les malicieuses expressions d’une enfantine face, M.
Avant toutes choses, Wagner voit que l’obstacle à toute expression mimique sérieuse est l’espace trop grand qui se trouve entre l’acteur et le spectateur. […] Cette observation de Wagner montre que ce serait une erreur de croire, comme certains, que le mouvement manque chez l’homme civilisé pour l’expression des émotions : il est moins visible parce qu’il est plus délicatement manifesté. […] — Après les représentations de la tétralogie, au milieu des applaudissements du public il est revenu seul ; montrant ainsi que ses acteurs étaient l’expression de sa volonté (Wille), et que c’était elle qu’il fallait applaudir. […] Le miracle vient alors donner l’expression suprême du Gral, et, quand il est terminé, tout semble s’effacer, et Parsifal reste seul bien en vue. […] » Nous ne discutons ici que l’expression : « d’un seul coup ».
Il cherche, dans l’œuvre littéraire, l’expression, non plus d’une société, mais d’un tempérament : tous ses jugements sur les livres sont des jugements sur les hommes. Il remet cet homme sur pied, en pleine réalité, il le rattache par tous les côtés à la terre, selon son expression ; il suit dans son origine, dans son éducation, dans ses fréquentations, dans toute sa vie intime et domestique, la formation, les agrandissements, les abaissements du caractère et de l’esprit. […] Sa critique est purement réaliste, d’une grande valeur artistique, par l’expression des caractères individuels, d’une insignifiante portée scientifique, parce qu’il n’y a pas de science de l’individu. […] En second lieu, elles se hiérarchisent selon « le degré de convergence des effets », entendez : selon leur puissance d’expression, c’est-à-dire selon la puissance d’invention et d’exécution de l’auteur. […] Qu’on y réfléchisse un peu, et l’on verra que son procédé d’expression est essentiellement symbolique, lorsqu’il adapte si artistement à ses concepts un vêtement de sensations choisies.
Pourquoi n’ont-elles presque jamais atteint, dans leurs vers, à la beauté absolue de l’expression ? […] Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même. […] Dirons-nous que, si les femmes n’égalent point les hommes dans l’expression harmonieuse, pittoresque et plastique, c’est parce qu’elles sont plus sentimentales et plus passionnées ? […] La grâce d’une Caylus ou d’une La Fayette est quelque chose d’aussi rare, d’aussi unique, d’aussi beau, d’aussi ineffable et incommunicable que la profondeur de pensée d’un Pascal ou la puissance d’expression d’un Victor Hugo.
Rien de plus juste que cette expression. […] Chacun de nos actes quotidiens est l’expression de cette conscience de l’absolu. […] « Ce genre d’expression est dans les exigences de notre nature. […] Celle-ci trouve plus aisément son expression dans la peinture que dans la sculpture. […] Un poème s’adresse d’abord au cœur, est l’expression figurée d’une émotion.
Benda trouve moyen de lui expliquer, avec une force et une propriété d’expression étonnantes les grands problèmes de la philosophie. […] Descriptions, tableaux, scènes, dialogues, traits de couleur et de verve, fusées et expressions d’éloquence, voilà ce qui les avait ravis. […] Les expressions de la tendresse paternelle, par exemple, sont incomparables dans Boris Godounow. […] La pureté de technique qu’un Faute porte dans l’extrême subtilité et la plus fine nouveauté de l’expression est merveilleuse. […] On peut goûter plus ou moins l’expression de la Sonate.
Mais les expressions, qui d’elles-mêmes vont s’idéalisant à son sujet, doivent se tempérer plutôt : car, en abordant cette femme illustre, c’est d’un personnage grave, simple et historique, que nous parlons. […] Bosc, et dont on retrouve l’expression assez peu convenable dans la Correspondance avec Bancal (page 12), n’est autre chose au fond, dans sa crudité, que ce jugement instinctif et presque invincible des esprits de race girondine sur ceux de famille doctrinaire, jugement au reste si amèrement rétorqué par ceux-ci. […] L’expression s’anime au péril et étincelle sous sa plume. […] Étant reparti bientôt, il écrivit une lettre commune à M. et à Mme Roland ; mais celle-ci, à qui son mari absent (il était à Lyon ou à Villefranche) l’envoya, y saisit quelques expressions qu’elle interpréta d’une manière plus particulière, et elle se hasarda à écrire de la campagne, dans l’absence et à l’insu de M. […] Plus d’une fois durant le second ministère de Roland, elle fut inopinément mandée à la barre de la Convention ; elle y venait et répondait à tout avec modestie, mais avec développement, et une netteté, une propriété unique d’expression.
Un peu par timidité, à la suite des imprudences de Ronsard un peu par goût, il se contenta d’être plus correct et plus raffiné dans l’expression de la galanterie. […] La grâce y est plus rare ; j’entends par là l’expression naïve de sentiments personnels à l’homme, alors que, pour féconder un sujet imaginaire, il mêle aux formules de la poésie amoureuse de son temps le souvenir d’émotions qu’il a connues. […] Les pensées en sont choisies, la plupart très-élevées, et l’expression en est abondante et ferme. […] Pesons-en chaque expression cela vaut mieux que de revendiquer quelque vaine liberté dont Malherbe et Boileau n’auraient pas eu de souci. […] Il disait que la bonne langue se parlait sur la place Saint-Jean expression exagérée d’une pensée pleine de justesse, où Malherbe laisse voir en même temps son sens supérieur et son esprit agressif et normand.
Enfin, la parole intérieure calme n’est pas seulement le langage naturel de la froide raison ; elle est aussi la seule expression convenable de la tristesse d’une âme découragée et abattue. […] La parole intérieure calme est donc l’expression légitime, normale, de tout un ordre de fonctions psychiques ; elle exprime ce qu’on peut nommer d’un seul mot la réflexion, c’est-à-dire l’état psychique où l’internité de nos phénomènes est apparente et déclarée, où l’âme, se connaissant, sait qu’elle se connaît, et n’externe à aucun degré, ni sérieusement ni par jeu, ce dont elle a conscience. Si l’on a pu dire ironiquement de la parole extérieure qu’elle a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée, on pourrait dire aussi que la forme vive de la parole intérieure est souvent le langage de l’illusion et du mensonge, du moins du mensonge involontaire ; la parole intérieure calme, au contraire, est l’expression toujours véridique de ce qu’il y a en nous de plus sincère, de plus raisonnable et de plus intime35. […] Il est une expression, étrangère au vocabulaire de la psychologie classique, que l’école physiologique, peut-être même l’école empirique, appliqueraient volontiers à la parole intérieure : c’est le mot hallucination. […] Pour l’expression de la pensée, inventer des combinaisons nouvelles de mots est nécessaire, et il n’est pas moins nécessaire que cette invention soit aisée : car la pensée est trop rapide et trop mobile pour pouvoir attendre longtemps la forme sensible dont elle aime à s’accompagner.
Ainsi son langage ne sera point fardé, et notre âme transparaîtra pure et sincère dans toutes nos expressions. […] Notre littérature contemporaine a recherché avec complaisance les expressions naïves et triviales du senti ment et de la passion dans les âmes simples et populaires. […] Ces grands artistes, si épris de vérité, mais si fermes de sens, avaient, par une ingénieuse convention, associé les signes physiques de la passion, confus et déréglés, aux expressions intellectuelles, nettement déduites et bien claires.
La bienséance du langage est l’expression naturelle des mœurs honnêtes. […] Nous reviendrons sur ce sujet dans la quatrième période, en examinant la doctrine de Molière sur l’usage de plusieurs expressions qu’il a voulu maintenir, et que l’usage a écartées de la langue. […] Sans parler d’une multitude de vers répandus dans les odes d’Horace et dans les satires, comme celui-ci : Nam fuit ante Helenam cunnus teterrima belli Causa, le chant séculaire (carmen seculare), ouvrage solennel, hymne national, renferme des expressions dont la propriété et la spécialité, relevées pour les Romains par les sentiments d’un patriotisme religieux, seraient pour nous insupportables.
Des expressions dures & forcées, des contresens, des épithètes sans nombre, la raison sacrifiée le plus souvent à la rime, le mettent hors de lui. […] expression qu’il employoit souvent, pour demander si l’on étoit encore en état de leur plaire. […] On ajoute que, son confesseur lui représentant le bonheur de l’autre vie avec des expressions basses & peu correctes, Malherbe l’interrompit, en lui disant : Ne m’en parlez plus, votre mauvais stile m’en dégoûteroit.
quelle pureté, quelle noblesse d’expression ! […] Quel agréable tour d’expression ! […] C’est toujours l’expression du sentiment, & l’expression la plus harmonieuse, la plus naturelle. […] En général ce Poëte met dans son expression plus de force que de grace. […] Quelle vérité d’expression dans la fameuse ariette de l’Isle des Foux !
Une Poésie qui ne vit que de mots bas, d'expressions triviales, de pensées grotesques, de peintures puériles, n'est pas propre à amuser long-temps. […] Il n'eut besoin que d'élever la voix & de faire entendre la raison, pour enlever aux Dulot, aux d'Assoucy, &c. leurs sots Admirateurs ; Scarron même eût été compris dans la proscription, sans les pensées naïves, les expressions ingénieuses & la gaieté qui échappent par intervalles à sa Muse bouffonne.
Il est du reste un fonds commun à l’homme et au poète, une somme de vérités morales et d’idées dont nul ne peut s’abstraire ; l’expression seule en est multiple et diverse. […] Les poètes nouveaux enfantés dans la vieillesse précoce d’une esthétique inféconde, doivent sentir la nécessité de retremper aux sources éternellement pures l’expression usée et affaiblie des sentiments généraux. […] L’Art, dont la Poésie est l’expression éclatante, intense et complète, est un luxe intellectuel accessible à de très rares esprits. […] Il voit du premier coup d’œil plus loin, plus haut, plus profondément que tous, parce qu’il contemple l’idéal à travers la beauté visible, et qu’il le concentre et l’enchâsse dans l’expression propre, précise, unique. […] Les sentiments tendres, les délicatesses même subtiles, acquièrent en passant par une âme forte une expression souveraine, parce qu’elle est plus juste.
Les livres saints placent toujours la prérogative essentielle de l’homme dans la parole ; en désignant les animaux dépourvus d’intelligence, ils emploient cette expression : les animaux muets. […] Le verbe est à la fois la plus haute abstraction, la plus forte empreinte de la conscience de soi et de la croyance à ce qui n’est pas soi, l’expression la plus ferme, la plus déliée, la plus flexible et la plus certaine. […] Nommer, c’est constater l’existence : or ceci me paraît pour le moins autant au-dessus de l’homme que l’expression du sentiment de l’existence, qui repose dans le verbe. […] Il y a de la vérité dans cette expression. […] Il faut d’abord supposer que les hommes ont subsisté, pendant un assez long espace de temps, privés du bienfait d’un langage organisé : ce furent de simples interjections, des cris, des onomatopées ; les signes des mains, l’expression de la figure, aidaient à l’intelligence de ces émissions de la voix.
je n’aime pas également tous les endroits, si souvent cités, de Mme de Sévigné à son sujet ; elle abuse quelquefois, en parlant de lui, de ces folâtreries de style et de cette belle humeur d’expression qui font contraste avec les choses graves. […] Cette qualité moyenne de l’expression, si bien appropriée au genre, est presque aujourd’hui un inconvénient à la lecture : elle contribue à en amortir l’effet. […] Nous sommes devenus difficiles : le style purement judicieux nous rebute et nous ennuie, et Bourdaloue, en parlant, ne raffinait pas : il a l’expression claire, ferme, puisée dans la pleine acception de la langue ; il ne l’a jamais neuve (une ou deux fois il demande pardon d’employer les mots outrer, humaniser). Il y a des sermons (celui sur la Madeleine) où son expression même ne nous paraît pas toujours suffisamment polie et distinguée. […] [NdA] La popularité de l’expression, c’est assez l’éloge aussi que Cicéron dans son Orateur (chap.
Chez lui rien d’essayé, rien de livré au hasard de la jeunesse : il est entré tout armé ; il a pris place avec une netteté, une vigueur d’expression, une concentration et un absolu de pensée qu’il a appliqués tour à tour aux sujets les plus divers, et dans tous il s’est retrouvé un et lui-même. […] Que si l’on veut rompre avec l’École en en sortant, si l’on se sent épris des fantaisies, des descriptions mondaines, piqué du démon de raillerie et curieux du manège des passions, on s’y jouera dès l’abord avec un art d’expression plus savant, plus consommé, et une ivresse plus habile que celle de personne : il n’y a plus de noviciat à faire en public ; il s’est fait dès auparavant et à huis clos. […] Taine examine successivement, dans le grand fabuliste, les caractères, l’action et l’expression. […] Une lutte éternelle contre le sol a rabougri les femmes comme les plantes ; elle leur a laissé dans le regard une vague expression de mélancolie et de réflexion. […] Cette expression est l’âme du paysage ; or, autant d’expressions diverses, autant de beautés différentes, autant de passions remuées.
» Elle ne se trompait qu’à demi ; la duchesse de Choiseul, communiquant plus tard ce même recueil de lettres à M. de Beausset (le futur cardinal), disait : « Les lettres de Mme du Deffand ont pour elles le charme du naturel ; les expressions les plus heureuses, et la profondeur du sentiment dans l’ennui. […] Gaie, modeste, pleine d’attentions, avec la plus heureuse propriété d’expression, et la plus grande vivacité de raison et de jugement, vous la prendriez pour la reine d’une allégorie. […] Et encore, dans une des lettres suivantes : La duchesse de Choiseul n’est pas très jolie, mais elle a de beaux yeux ; c’est un petit modèle en cire, à qui l’on n’a point permis pendant quelque temps de parler, l’en jugeant incapable, et qui a de la timidité et de la modestie : la Cour ne l’a pas guérie de cette modestie ; la timidité est rachetée par le son de voix le plus touchant, et se fait oublier dans le tour élégant et l’exquise propriété de l’expression. […] La plus jeune des deux était pleine de bons conseils pratiques, et elle les donnait sans fadeur, elle les relevait par une vivacité de tour et d’expression qui justifie bien pour nous l’éloge d’Horace Walpole : (Chanteloup, 17 mai 1767. […] Faire du courage n’est point, je le sais bien, une expression française ; mais je veux parler ma langue avant celle de ma nation, et nous devons souvent à l’irrégularité de nos pensées celle des expressions, pour les rendre telles qu’elles sont.
Mais ce jour-là, quelles que soient, les différences de race, de tempérament, d’éducation, d’expression entre lui et Guérin, différences qui sont presque autant d’antipathies et de contrastes, tous deux ils se ressemblaient par un fonds de paganisme, par l’amour et la poursuite ; du grand Pan, et par le sentiment d’abandon, de fureur et d’ivresse démoniaque ou sacrée qu’il leur inspirait. […] Mais peu à peu elle comprit que l’âge fait changer l’expression de l’amour et que « les tendresses, les caresses, ce lait du cœur, s’en vont droit vers les plus petits » ; et elle se mit à aimer passionnément ce jeune frère […] Il y a des enfances dans ce Journal, mais à tout instant il est émaillé de jolies choses, de pensées délicates, de nuances exquises, le tout dit dans une langue heureuse, souvent trouvée, avec un mouvement et une grâce d’expression qui ne s’oublient plus, il faut bien appeler les choses par leur nom, elle s’ennuie : c’est une âme inemployée et même sevrée. […] Son voyage de Paris fut un grand événement dans sa vie : elle dut, selon son expression, y être fréquemment tentée ; son intelligence si ouverte put y donner plus d’un secret assaut à sa foi ou du moins à son cœur. […] Expression de M.
Sur la montagne, la verdoyante ramée des hêtres triomphait si bien du feuillage noir des sapins, elle s’étendait si lustrée, si criante, elle montait si vaillamment jusqu’à la région des pâturages, et ceux-ci commençaient à verdoyer si ferme, qu’à part la coupole de neige qui couvrait le fin sommet, on ne voyait que ce vert terrible qui semblait refouler la pensée en soi-même. » En allant chez la vieille, il y a un endroit plus élevé, un col à passer, et, si l’on s’y arrête pour jouir du spectacle, on voit en bas cette vallée se déroulant au plus loin dans sa moire verte et « d’un vert criard », mais de l’autre côté, du côté du village, au-dessus et par-delà, on voit la montagne et ses dernières pentes, mouchetées de sapins, semées de hêtres et offrant aussi des places plus riantes, car la saison y est retardée, et quand le vallon est en mai, on n’est là-haut qu’en avril : « Les vergers croissaient parmi, et comme j’avais monté pour arriver au col, je retrouvais fleuris les arbres qui, dans le vallon, avaient passé fleur. » Voilà des expressions charmantes et neuves, nées de l’observation même. Les peintures de Mme de Gasparin abondent en ces sortes d’expressions vierges49 ; toutes ne paraissent pas également heureuses. […] D’autres expressions du cru sont moins agréables ; Mme de Gasparin, en général, les prodigue, et je crains même que parfois, excitée qu’elle est et dans son entrain d’émulation, elle ne les force un peu. […] L’expression passer fleur n’est pas, je dois le dire, de la façon de l’écrivain. « Dans tout le centre de la France, m’écrit-on, dans l’Ouest, dans le Poitou, il n’y a pas un jardinier qui s’exprime autrement. » Mais la nouveauté consiste à introduire de ces sortes d’expressions naturelles dans la langue écrite ou littéraire, et c’es ce dont je loue l’écrivain. […] Merci encore de les juger avec beaucoup d’indulgence… — Croyez-le bien, je sens la valeur d’une expression sympathique, lorsqu’elle sort d’une plume telle que la vôtre ; croyez-le bien encore, l’attention sérieuse que vous accordez à ces petits volumes est un encouragement comme il est un privilège.
La querelle des anciens et des modernes La théorie de Boileau est l’expression la plus complète qui ait été donnée de la littérature classique. […] Par la recherche de l’expression ornée et de l’agrément, par l’amour du régulier et du fini, s’explique que nous trouvions souvent les ouvrages classiques trop beaux et trop parfaits, du moins trop faits : il nous fâche que l’auteur ait mis tant d’art et de complaisance à nous plaire, et nous avons peur qu’il ne nous cache de l’objet pour nous éviter de la fatigue. […] Il ne faut pas oublier cependant que l’Art poétique est le terme d’une évolution commencée avant Descartes, et par conséquent hors de son influence : il est l’expression complète de l’esprit classique, qui n’a point son origine et sa cause dans l’esprit cartésien ; mais l’esprit classique et l’esprit cartésien sont deux effets parallèles et deux manifestations formellement différentes d’une même cause, d’un certain esprit général qui s’est trouvé formé au commencement du xviie siècle d’une association d’éléments et par un concours d’influences dont je n’ai pas ici à tenter l’analyse. […] Mais Boileau ne s’en tenait pas aux théoriciens ; il s’instruisait directement aux œuvres, d’après lesquelles les théories ont été dressées, et sa sincérité d’admiration, la perpétuelle direction de sa pensée qui y va toujours spontanément chercher sa règle, nous témoignent évidemment qu’en dépit de certaines timidités de goût et de quelques gaucheries d’expression, Boileau comprenait et sentait les anciens comme il faut. […] Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.
Évolution du lyrisme vers l’expression impersonnelle. […] Grandi par l’exil, déifié par la passion politique, il gagne bien sa gloire, qu’il sait administrer : c’est un robuste ouvrier aux forces intactes, et dans les huit années qui suivent le coup d’État, il donne trois grands recueils de poèmes, définitive expression de son talent. […] Et où trouvera-t-on, si ce n’est chez lui, l’expression littéraire de l’âme confuse et généreuse de la démocratie française dans la seconde moitié du xixe siècle ? […] S’étant fait une loi rigoureuse de la propriété, de la particularité îles termes, possédant le plus riche vocabulaire d’expressions locales et pittoresques, V. […] Il a en effet apporté dans l’expression des idées une netteté, dans la suite des raisonnements un ordre, dans l’exposition des doctrines une précision qu’on ne retrouverait pas ailleurs.
La Bruyère a dit encore qu’il n’y a pour toute pensée qu’une seule expression qui soit la bonne, et qu’il faut la trouver. […] Il a des suites d’expressions vives, inquiètes, capricieuses, jamais définitives, des expressions essayées et qui cherchent. […] Mais, au milieu de cette œuvre immense de l’aimable enchanteur, n’avait-il donc pas reconnu, selon l’heureuse expression de M. de Lamartine, Les nobles sentiments s’élevant de ces pages, Comme autant de parfums des odorantes plages ? […] est un plus grand, plus sûr et plus ferme écrivain que M. de Balzac ; elle ne tâtonne jamais dans l’expression. […] En un mot, cette sûreté de maître qu’elle porte dans l’expression et la description, elle ne l’a pas également dans la réalisation de ses caractères.
Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] Shakespeare et Molière n’ont pas chicané non plus avec le détail révoltant de l’expression quand ils ont peint, l’un, son Iago, l’autre, son Tartuffe. […] Toute cette observation minutieuse d’états pathologiques misérables, dans lesquels l’homme a perdu l’équilibre et la possession de soi-même et n’a trouvé jamais que le bonheur sot de la sensation, est revêtu de l’expression qui ferait tout lire et presque tout pardonner. […] Il a l’expression burinée toujours ; mais quelquefois son burin flambe ! […] Malgré la chétivité de ces rêves produits par l’opium ou le haschisch, et qui ne révèlent à l’homme que l’homme, c’est-à-dire ce qu’il sait trop déjà, l’auteur des Paradis a des passages qui emporteront les imaginations rêveuses, lesquelles chevauchent l’expression comme un hippogriffe !
Je ne parle point des Misérables de Victor Hugo, qui sont des Pauvres à qui on a fait des têtes, — pour me servir d’une expression du métier dramatique, — des Pauvres arrangés dans l’intérêt d’un parti, des Communards d’avant l’heure. […] Eh bien, c’est un ensemble encore plus large et plus étreint que celui de Callot, qu’a voulu réaliser, dans un autre genre d’Art et d’expression, un jeune homme qui n’a pas été un bohémien comme Callot, mais tout au plus un bohème comme on l’est quelquefois, quand on a vingt ans, à Paris, au xixe siècle, et ce jeune homme s’est cru de force à mettre dans un livre de sentiment et d’observation, et de chanter ou de faire chanter en des poésies personnelles ou impersonnelles, toutes les misères de son temps, ces misères invincibles à la philanthropie, et qui, sous le costume et les vices de chaque siècle, forment la Misère éternelle ! […] Il a la passion, l’expression, la palpitation du poète. […] Les Couche-tout-nuds d’Eugène Sue et de tant d’autres romanciers de cette époque, où le talent, quand on en a, regarde plus en bas qu’en haut, sont des types usés à force de s’en servir, et il faut toute la flamme d’expression de M. […] Richepin aux outrances d’attitude et d’expression dont son livre et son talent pouvaient se passer.
En recueillant ses remarques sur le cœur, sur les femmes, et sur les sujets qui touchent aux passions, il s’est surtout inquiété d’être dans le vrai et de ne point dépasser dans son expression la mesure de ses propres jugements : « Je me suis rarement inquiété, dit-il, de savoir si d’autres m’avaient devancé, ni jusqu’où ils avaient pénétré : ma crainte était plutôt de m’égarer que de montrer comme nouvelle une voie déjà parcourue. […] Mais le doute ne tarde pas à être éclairci par sa rougeur ou son air de contrariété, par son calme affecté ou sa triste préoccupation. » La Bruyère, sans entrer dans ces nuances un peu prolongées, avait dit vivement : « Une femme qui n’a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d’elle la même chose. » Mais, dans bien des cas, on éprouve chez M. de Latena la satisfaction de rencontrer des pensées justes, exprimées avec une attention et une description circonstanciée qui montre qu’elles sont bien nées, en effet, dans l’esprit de l’auteur : son seul soin est d’être élégant d’expression en même temps que fidèle. […] Car, pour louer ensuite plus à mon aise M. de Latena, je veux en passant avouer une disposition de mon esprit qui est peut-être un faible, mais dont je ne puis faire tout à fait abstraction dans mes jugements : je suis (sans être Alcibiade) du goût de celui-ci, à qui Socrate disait : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. » Je suis de ceux qui, dans cet ordre moral, pencheraient plus volontiers du côté du nouveau (si le nouveau est possible) que du trop connu ; en ce qui est de l’expression, le brillant du tour et la pointe (dans le sens des anciens) ne me déplaisent pas non plus autant qu’à d’autres.
. — L’Expression dans les beaux-arts (1890). — Réflexions sur l’art des vers (1892). — Les Solitudes (1894). — Œuvres de prose (1898). — Sonnet à Alfred de Vigny (1898). — Testament poétique (1901) OPINIONS. […] Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] Des trois actes qui décomposent l’action esthétique (Pensée, Idée, Expression), il n’accomplit que le premier.
« Le style, dit-il, c’est la partie vivante de nous-mêmes qui consent à former la chair impalpable des idées ; suivant la qualité de cette atmosphère de notre âme, à quoi s’emprunte le mystère de l’expression par la parole, varie la qualité de cette expression même. […] Quand on voit ces grands artistes, entre trois ou quatre expressions, se décider presque toujours pour la plus forte, n’a-t-on pas le droit de traduire ce fait en formule et de tirer un conseil de ce procédé ?
Ainsi la Renaissance païenne qui semble devoir fleurir, sera dotée malgré nos vœux d’une expression et d’une grâce toutes chrétiennes. […] On rechercha l’expression rare et l’archaïsme. […] Seule, la figure du Christ fournit l’adorable expression du sacrifice. […] Et tandis qu’en politique, il réclame encore pour l’individu la liberté d’expansion, il proclamait alors la liberté de l’expression. […] Si l’art est l’expression parfaite, l’écho religieux de cet entretien, M.
Un chrétien a éminemment les qualités qu’un ancien demande de l’historien… un bon sens pour les choses du monde et une agréable expression 173. […] Ses écrits décèlent cet homme de bien dont le cœur est une fête continuelle 174, selon l’expression merveilleuse de l’Écriture.
Et pareillement, c’est raison qu’on élimine de sa parole tout ce qui nuit ou ne sert pas à l’intelligence des choses ; l’expression parfaite est celle qui met la pensée en pleine lumière. […] Au fond il n’y a guère que l’expression propre et directe qui lui plaise. […] C’est une langue symbolique, où les termes ont des valeurs fixes, où les formes sensibles qui servent à l’expression de la pensée, sont indépendantes pourtant de la sensibilité individuelle de l’écrivain. […] Il a eu certaines idées, parfois singulièrement étroites, sur la décence de l’expression : mais ses scrupules sont plus mondains que littéraires.
Si Fénelon, par simple désir d’orner son style, ajoute délibérément une expression banale ou une épithète insignifiante, on nous affirme qu’il a eu ses raisons. […] Faguet, que nous avons cité, dit, en effet, que « l’expression chez Fénelon est brillante, fleurie, sans relief et un peu redondante, mais agréable et de ton frais ». Toujours perplexe et ne parvenant pas, dit-il, à comprendre comment une expression peut être à la fois redondante (outrée) et agréable, fleurie et sans relief, M. […] Son expression n’est point de source, ni sont tour d’allure personnelle.
Dumas fils ont trouvé tous les deux, ce livre du Retour du Christ admirable, et ils l’ont dit dans des lettres de beaucoup d’expression. […] Mais irrévérente, inconvenante, païenne par l’expression, l’incorrigible expression païenne, elle est bas-bleu. […] La licorne est, dit-on, — un animal fabuleux ; et il est fabuleux, en effet, qu’un dominicain, qui devrait être grave et dont la parole a une portée qui ne vient pas de lui, mais de son sacerdoce, donne si légèrement à une femme, pour le moins sans empire sur l’expression déréglée de sa foi, une approbation d’une intimité sans prudence, — dont il s’est vite excusé, aussi vite qu’il l’avait donnée !
Il faut même quelquefois sacrifier un peu de la pensée à l’élégance de l’expression : c’est une gêne que l’orateur n’éprouve jamais. […] L’équivalent de cette expression n’est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines. […] Ces deux expressions sont quelquefois également employées au figuré & au propre. […] La fierté dans l’extérieur, dans la société, est l’expression de l’orgueil : la fierté dans l’ame est de la grandeur. […] Cette expression n’est point employée pour les hommes d’un rang médiocre, mais pour ceux qui par leur état sont obligés à montrer de l’élévation.
Ils ont le détail aussi menu et aussi abondant que Théophile Gautier, mais nullement sa sérénité, et, comme s’ils recevaient des objets une sensation trop forte, ils ont presque toujours, dans l’expression, une fièvre, une inquiétude. […] Ils accumulent les détails, mais toujours ils en résument la couleur générale et le sens. « De cette pauvre rivière opprimée, disent-ils en parlant de la Bièvre, de ce ruisseau infect, de cette nature maigre et malsaine, Crescent avait su dégager l’expression, le sentiment, presque la souffrance18. » Ce que Crescent fait pour la Bièvre, ils le font pour tout ce qu’ils décrivent. […] L’expression est juste, quoique bizarre. […] C’est que les auteurs, en proie à cette inquiétude, à ce désir inassouvissable d’une expression égale à leur impression, ont trouvé (là est l’affectation) que les mots connus étaient usés, n’accrochaient pas assez l’attention, et aussi (là est la part de sincérité) que ces mots ne rendaient pas tout ce qu’ils voulaient. Trémolantes est une expression musicale, ne peut s’appliquer qu’à des sons tremblantes peut s’appliquer à tout.
la première expression un peu marquante qui s’offre, et comme je suis malgré tout un littérateur, il faut bien qu’ici ma rhétorique intervienne et que je fasse ma glose. […] Matthew Arnold m’a contredit en toute bonne grâce et courtoisie47, et il a relevé ce qui est le propre de certaines expressions du frère et en quoi elles diffèrent de celles de la sœur qui a bien moins d’audace. […] Ces expressions à la Wordsworth, — à l’Oberman et à la Chateaubriand, — qui ont en elles je ne sais quelle magie de sons et de syllabes en harmonie avec l’esprit des choses et avec la nature rendue, manquent généralement sous la plume d’Eugénie de Guérin. Elle est femme, elle est timide, elle n’ose tout dire ni innover ; la griffe virile lui fait défaut ; elle recule, n’étant pas artiste comme son frère, devant les expressions qui ont l’air cherchées, qui sont trop fortes. […] Écrivant à la baronne de Maistre, son amie de Paris, qui sera sa confidente passionnée comme Louise est sa correspondante virginale et innocente, elle lui dira après toutes ses douleurs épuisées et quand le calice est bu : « Je ne sais rien qui me fasse plaisir ; le cœur est mort, mais de votre côté il y a des cordes vives et je dirais vibrantes, si j’étais Sophie l’aimable, la trop bien disante. » Ainsi elle croit avoir besoin, pour risquer une expression qui nous paraît si simple, de se couvrir de l’autorité d’une amie.
Parmi nos sensations, les unes sont représentatives de l’univers, et sont les matériaux avec lesquels nous construisons le monde extérieur dont nous portons en nous l’image ; les autres ne sont pas (directement du moins et facilement) représentatives, comme certaines sensations musculaires, et, pour la plupart des hommes, les sensations d’odorat et de goût : ces dernières, les romantiques en abandonneront l’expression à leurs successeurs, et ils se contenteront des premières. […] Ces règles étaient de trois sortes : les définitions des genres nettement séparés entre eux et sans communication ; les lois intérieures de chaque genre, qui faisaient prévaloir l’unité du type sur la diversité des tempéraments ; les préceptes du goût, qui limitaient l’artiste dans le choix des objets d’imitation et des procédés d’expression. […] Échappant aux influences du monde et du collège, nos poètes se trouvèrent affranchis de cette crainte du ridicule, qui paralyse toutes les originalités dans la vie mondaine, et dotés sur les petits secrets de l’art d’écrire de certaines ignorances favorables à la spontanéité de l’expression. […] Mais le romantisme, pour Stendhal, se réduit à ce qu’un disciple de Montesquieu peut accepter : il combat l’imitation, c’est-à-dire le principe classique, qui empêche une littérature d’être ce qu’elle doit, l’expression exacte du climat et des mœurs. […] Il se pose entre les deux partis, se contentant d’affirmer, après Staël et avec Villemain, que la littérature est l’expression de la société.
James Ward, développant une hypothèse que Bain avait exprimée, puis finalement rejetée, considère les mouvements appétitifs et intentionnels comme une différenciation et une évolution des mouvements primitifs et immédiats d’expression. […] Cette diffusion mécanique est l’expression. […] En effet, il reconnaît que, « les plus primordiales expressions de la peine semblent n’être qu’autant d’efforts pour échapper à la cause de cette peine ; elles contiennent au moins le dessein aveugle d’échapper à un mal défini50. » N’est-ce pas là une description du mouvement appétitif, non pas seulement expressif ? […] Nous verrons plus loin que l’expression des émotions est, en définitive, l’expression des appétitions mêmes qui y répondent ; d’où il suit que tout mouvement expressif présuppose un mouvement appétitif.
La profondeur des pensées, la force du raisonnement, la noblesse & la pureté du langage, y vont toujours de pair avec la chaleur de l’imagination, la vivacité du sentiment, & l’énergie de l’expression. […] Mais si cette abondance est chez lui un défaut, elle le préserve toujours de ces raisonnemens subtils & entortillés, de ces idées bizarres & gigantesques, de ces antitheses recherchées & puériles, de ces tours affectés, de ces expressions académiques, de ce ton ridiculement philosophique, qui font l’insipide mérite de quelques prétendus Prédicateurs de nos jours.
La plupart de nos Poëtes bucoliques font parler les Bergeres comme des petites Maîtresses qui débitent des sentences galantes sous des expressions recherchées. […] Ségrais a évité cet écueil ; les idées, les sentimens, les expressions de ses Bergers sont analogues à l'ingénuité de leurs mœurs ; ils sont tendres, naïfs, & non Métaphysiciens.
Le premier est un Eloge de Bayard, où l’on trouve des traits d’une éloquence patriotique, dont l’expression est aussi heureuse que les motifs en sont estimables. […] Sa marche est simple, mais ses expressions s’élevent quand les circonstances l’exigent ; ses raisonnemens sont toujours d’accord avec la saine Logique & avec les vrais principes de la Littérature.
Ici, l’intérieur fait exploser l’enveloppe charnelle étriquée ; l’armature bloque l’expression de l’infini. […] Le symbole est bien commode, mais l’expression même trop lourde de sous-entendus pour que ne s’éveille point notre méfiance. […] Dès lors, pourquoi tolérer des expressions telles que Raison objective ? […] René Crevel reste dans cette expression habité par le lyrisme d’Anabase de Saint-John Perse. […] L’expression « poète maudit » vient du recueil de Verlaine, Les Poètes maudits, paru en 1888.
Les œuvres des deux poètes que j’ai choisis me serviront plutôt à rendre plus claire l’expression de certaines idées qui me hantent et à illustrer quelques réflexions sur la philosophie dans l’art, sur la méthode, la forme et la technique de ceux que l’on a appelés les Symbolistes ; en analysant ce que contiennent la Chevauchée d’Yeldis et les Poèmes anciens et romanesques, par exemple, je voudrais arriver à établir indirectement le compte de doit et avoir d’une génération dont ces livres indiquent assez complètement, dans les limites de l’art, les tendances diverses. […] L’un deux l’emporte par le talent, l’autre par l’instinct poétique ; chez celui-ci des images plus nouvelles, plus d’inattendu une plus riche variété de rythmes et de gestes ; chez celui-là un sens plus pur de l’attitude, une rigueur plus grande dans l’expression, un style plus noble et plus voisin de la perfection.
Il est possible qu’elle ne soit pas l’expression de la vérité tout entière ; et c’est même probable. […] L’ambition de la gloire — perpetuandi nominis desiderium, c’est l’expression de Boccace, lo gran disio dell’ eccellenza, c’est l’expression de Dante — sont entrés pour n’en plus sortir dans le cœur du peintre ou du poète. […] Et de même aussi les grotesques, puisque, s’ils « chargent les contours » selon l’expression du temps, c’est que, comme les précieux et comme les pédants, ils trouvent la nature « trop plate ». […] Son expression n’a pas tout à fait trahi sa pensée ; mais, poète autant que critique, il n’a pas pu, dans sa formule, s’empêcher de réserver les droits de son amour-propre. […] Mais, dans ces conditions, est-il étonnant que la littérature se présente à, nous comme l’expression de la société ?
En lui l’inspiration classique réduite à sa dernière expression se stérilise. […] Mais l’attitude outrepassa l’expression réelle du sentiment sincère. […] Il en a suivi sur cette physionomie jamais immobile la multiple et fuyante expression, il en a saisi l’insaisissable. […] Richepin en est une expression assez complète. […] C’était l’expression de plusieurs volontés qui s’apparentaient sans s’unir.
C’était l’image de ses mœurs, et l’expression de son tour d’esprit. […] L’imitation utile féconde, on ne peut trop louer Du Bellay de l’avoir définie : c’est, dans la peinture de la vie humaine et dans l’expression des vérités générales, de se rencontrer avec les anciens qui y ont excellé. […] On s’attendrait à trouver, parmi tant d’idées heureuses, quelques principes de goût sur la manière dont l’imitation pouvait enrichir, et, selon l’expression de Du Bellay, amplifier notre langue. […] Toute la suite et la fin de ce court et frappant résumé des commencements et des progrès de notre poésie sont marquées de la même force de jugement et d’expression. […] Ces vers, sont beaux ; le sens en est plein, l’expression forte et nombreuse.
Ici non plus la morale n’est pas prêchée ; mais l’esprit de la religion chrétienne y trouve nécessairement sa pleine expression, parce que l’homme idéal sorti de la plus pure nature humaine est, avec une complète force et vérité, représenté dans Parsifal. […] Mais jamais cet amour n’aurait pu trouver son expression vraie et pleine dans l’Art sans la force de la musique ; sans elle l’Art serait devenu moralisateur et froid : car le grand drame de la connaissance de Dieu est exécuté par le cœur humain, et le seul langage du cœur est la musique. […] Et la joie que nous donne à tous Lohengrin, l’admiration que nous inspire Tristan, l’émotion que nous suggère Parsifal, tout cela est l’expression de la connaissance, enfin réveillée, de notre fraternité. […] Dans Tristan l’éternelle souffrance de la nature humaine a été élevée à une manifestation de l’art idéal, mais dans Parsifal cette œuvre d’art idéale devient l’expression d’une religion purement humaine. […] Alors une nouvelle expression fut trouvée pour le monde des sentiments : la musique.
Perrault avait reproché à Homère une multitude de mots bas, et les mots bas, selon Longin et Boileau, sont autant de marques honteuses qui flétrissent l’expression. Jaloux de défendre Homère, Boileau, au lieu d’accueillir bravement la critique de Perrault et d’en décorer son poëte à titre d’éloge, au lieu d’oser admettre que la cour d’Agamemnon n’était pas tenue à la même étiquette de langage que celle de Louis le Grand, Boileau se rejette sur ce que Longin, qui reproche des termes bas à plusieurs auteurs et à Hérodote en particulier, ne parle pas d’Homère : preuve évidente que les œuvres de ce poëte ne renferment point un seul terme bas, et que toutes ses expressions sont nobles. […] Un autre jour, il y eut devant Louis XIV une vive discussion à propos de l’expression rebrousser chemin, que le roi désapprouvait comme basse, et que condamnaient à l’envi tous les courtisans, et Racine le premier. Boileau seul, conseillé de son bon sens, osa défendre l’expression ; mais il la défendit bien moins comme nette et franche en elle-même que comme reçue dans le style noble et poli, depuis que Vaugelas et d’Ablancourt l’avaient employée. […] Mais ces agréments sont des mystères qu’Apollon n’enseigne qu’à ceux qui sont véritablement initiés dans son art. » La remarque est juste, mais l’expression est bien forte.
Il nous faut du reste préciser le sens que nous entendons donner à cette expression de solidarité inter-nationale. Si l’on y voit une fusion complète des corps sociaux en une seule nation, la nation humaine, si l’on envisage les affinités d’individus et de groupes sous la forme d’un collectivisme universel, il est naturel que cette expression paraisse absurde ; mais il s’agit de toute autre chose. […] Considérons dans leur expression ces liens d’humanité. […] N’est-elle pas significative cette expression d’« humanité », appliquée communément à cette sympathie sans borne que nous manifestons parfois devant la faiblesse ou le malheur ? […] N’est-ce pas une prescience de cette vérité qui nous fait employer ces expressions servant à désigner les groupements plus larges que les groupements nationaux : « monde oriental », « monde latin », « monde européen » ?
Remarquez ces expressions qui appartiennent à la langue dévote. […] Rien de plus naturel que cette expression, après avoir parlé de la guerre de Troie. […] Belle expression qui rajeunit une idée commune. […] La Fontaine possède cet art, qui dit sans s’avilir les plus petites choses, selon l’expression de Boileau ; mais nous verrons cette idée exprimée encore bien plus poétiquement dans la fable quinzième du livre 10.
Ces deux ouvrages sont estimables par la délicatesse des sentimens, par le tour heureux de l’expression, par un mêlange agréable de vérité & de fiction, par l’art d’attacher l’esprit & d’intéresser le cœur. […] La Princesse de Babylone est une fiction insipide, où l’on fait entrer les mêmes tableaux qu’on avoit tracés dans Zadig, dans Candide, dans l’Ingenu ; car tous ces Romans sont jettés au même moule, & en critiquant les mœurs & les travers du siécle, l’auteur emploie non-seulement les mêmes idées, mais les mêmes expressions. […] Il faut avouer pourtant que dans ses plus mauvaises productions & dans Candide même, il y a des morceaux qui brillent par le coloris du style & par les graces de l’expression. […] Cet ouvrage unit à la vigueur singuliere des idées & des expressions tous les agrémens, dont des leçons de vertu sont susceptibles.
Ils devoient, pour user de cette expression, être un discours suivi. […] Ce geste, qui, pour user d’une expression poëtique, parle aux yeux, donne bien plus de force au discours. […] Qu’on empêche un homme vif de gesticuler en parlant, son expression devient languissante, et le feu de son éloquence s’éteint ? […] Ciceron changeoit ensuite les mots ou le tour de la phrase, sans que le sens du discours en fut énervé, et il falloit que Roscius à son tour rendit le sens par d’autres gestes, sans que ce changement affoiblît l’expression de son jeu muet.
Laid de couverture comme un livre utilitaire et tiré à cent exemplaires, pour que le gros public, le Jocrisse aux trois cent mille têtes, s’en torchât le bec, comme dit l’expression populaire avec une insolence qu’ici j’aime. […] Les poésies célèbres, de Baudelaire ne sont que l’expression des sens révoltés qui se tordent dans l’épuisement et la fureur de leur impuissance, serpents de Laocoon qui n’ont plus à étreindre que le fumier sur lequel ils meurent. […] Sous le marbre de son expression, le vers de Lucrèce ne semble-t-il pas trembler un peu de ce qu’il cache et de ce qu’il exprime ? […] C’est bien là l’expression poétique de ce matérialisme qui fait mal au cœur et qui résume la pensée philosophique de cette fin du xixe siècle.
Le mérite spécial de George Cruikshank (je fais abstraction de tous ses autres mérites, finesse d’expression, intelligence du fantastique, etc.) est une abondance inépuisable dans le grotesque. […] Si l’on pouvait analyser sûrement une chose aussi fugitive et impalpable que le sentiment en art, ce je ne sais quoi qui distingue toujours un artiste d’un autre, quelque intime que soit en apparence leur parenté, je dirais que ce qui constitue surtout le grotesque de Cruikshank, c’est la violence extravagante du geste du mouvement, et l’explosion dans l’expression. […] Le pédantisme italien (je me sers de ce terme à défaut d’un terme absent) a trouvé son expression dans les caricatures de Léonard de Vinci et dans les scènes de mœurs de Pinelli. […] Au total, c’est un artiste français, c’est Callot qui, par la concentration d’esprit et la fermeté de volonté propres à notre pays, a donné à ce genre de comique sa plus belle expression.
J’indiquerai tel sermon, celui, par exemple, qu’il prêcha à Metz en 1652 pour le neuvième dimanche après la Pentecôte, dont la première partie est si profondément, si ingénument chrétienne, la seconde si hébraïque encore, et par endroits si cruelle d’images, d’expressions. […] C’est trop de soin vraiment : je crois qu’aucun de ces deux génies, pour trouver sa pensée, ou son expression, n’avait besoin de l’autre, et j’aime mieux m’en remettre à l’adage vulgaire : les beaux génies se rencontrent. […] Toutes les expressions soulignées sont tirées du sermon de Bossuet sur la Mort, prêché à un carême devant le roi ; ce sermon est l’un des plus éloquents de Bossuet.
Il y a des figures qui consistent dans une impropriété voulue d’expression : les mots, soit individuellement, soit assemblés en un groupe, sont détournés de leur sens, et donnent à entendre plus, moins, ou autre chose qu’il ne résulterait de leur interprétation littérale, parfois même tout le contraire15. […] Souvent c’est l’expression soudaine d’une affinité ou d’une convenance inattendues, d’une qualité, d’une propriété, d’un état dont l’objet ne paraissait pas susceptible : Mathan de nos autels infâme déserteur Et de toute vertu zélé persécuteur. […] C’est l’expression vive d’une perception vive.
Ils savent combien la forme de Mallarmé le traduit fidèlement, simplement, qu’il est modèle de pensée libre, hardie, harmonieuse, d’expression originale, non professeur d’un procédé. […] Chacun de ses vers, dans son intention, devait être à la fois une image plastique, l’expression d’une pensée, l’énoncé d’un sentiment et un symbole philosophique ; il devait encore être une mélodie et aussi un fragment de la mélodie totale du poème ; soumis avec cela aux règles de la prosodie la plus stricte, de manière à former un parfait ensemble, et comme la transfiguration artistique d’un état d’âme complet. […] Analysant à l’extrême la force des mots, il concentra sous chacun le plus d’expression par le travail d’un esprit généralisateur que nul ne put égaler.
Jamais, dans ce temps de l’éloge facile et prostitué, on n’a mieux réalisé l’expression familière « En veux-tu ? […] Après lui avoir accordé — trop accordé — les dons étincelants de la verve, de l’expression, de l’improvisation inouïe et de la patience qui cherche l’idéal, plus étonnante encore, Wallon, ce malin terrible, refuse à Cousin la seule chose à laquelle Cousin ait prétendu toute sa vie, — il lui refuse d’être philosophe. […] Pour cela, elle a gropé à côté du récit de Wallon, composé sur les documents les plus authentiques du xve siècle, tout ce qui, dans les divers genres d’expression, pouvait ajouter à la version de l’historien et l’encadrer et le repousser avec le plus d’éclat.
C’est à Molière que Béranger a emprunté l’habitude de préférer en toute occasion l’expression propre, l’expression directe, les gens scrupuleux diraient l’expression crue, à la périphrase, à l’expression détournée. […] La rapidité de la période, la familiarité de l’expression, n’ôtent rien à l’amertume de la pensée. […] Pouvait-il vanter l’admirable beauté de son visage, l’expression angélique de son regard ? […] Ramenée à sa plus simple expression, elle ne signifie guère autre chose que l’affirmation du passé. […] Oubliée de tous, excepté de ses créanciers, et ici nous empruntons les expressions de M.
Dans les Ouvrages de prose, le style étoit l’objet dont on s’embarrassoit le moins : pourvu que l’expression ne fût point barbare, qu’elle rendît la pensée de l’Auteur, on croyoit avoir le talent d’écrire. […] Il a enrichi la langue à la vérité, il l’a anoblie, il l’a subjuguée ; mais la recherche déplacée de son style le rend boursoufflé ; la magnificence de l’expression le rend forcé & gigantesque ; la délicatesse des tours le rend affecté ; l’usage immodéré des figures le rend ridicule ; enfin son affectation continue d’élégance & de noblesse, dans les choses qui en exigent le moins, le rend souvent absurde & pénible à la lecture.
Peu d’Orateurs Chrétiens offrent plus d’exemples de cette onction qui attendrit, de ce pathétique qui maîtrise, de cette noblesse d’expressions qui donne du poids aux idées les plus communes. […] Sa maniere est plutôt d’attacher par les peintures, que par le raisonnement ; & l’on sent que l’élévation & le courage des pensées, la noblesse & l’énergie des expressions, la vigueur & la vérité des tableaux sont très-capables d’y suppléer.
— trouva son incomparable expression dans le Génie du Christianisme… L’exotisme, enfin, a été développé par le goût des voyages et par les facilités nouvelles que créèrent les incessants progrès scientifiques. Ce sera, apparemment, le durable prestige dont l’œuvre entière de Pierre Loti demeurera auréolée, que l’âme des races enfantines ait pu trouver dans cette œuvre une aussi saisissante expression, en même temps qu’elle y trahissait toute sa grâce voluptueuse et un peu obscure. […] Il suffit, pour s’en convaincre, de passer en revue la longue théorie des écrivains qui ont été en proie à l’inquiétude dont cette forme littéraire générale est la furtive expression. […] Le style en est vif, coloré, incisif, les images saisissantes, le mouvement emporté : à chaque page surgissent des traits mordants et de vraies trouvailles d’expression. […] Mais il ne faudrait pas, comme on l’a fait, s’abuser jusqu’à voir une manière d’écrire nouvelle dans cette tendance à la clarté, à la netteté, à la limpidité d’inspiration et d’expression, qui distingue la plupart de ces conteurs.
On rira d’un animal, mais parce qu’on aura surpris chez lui une attitude d’homme ou une expression humaine. […] D’où vient une expression ridicule du visage ? […] Dira-t-on que toute expression habituelle du visage, fût-elle gracieuse et belle, nous donne cette même impression d’un pli contracté pour toujours ? […] Quand nous parlons d’une beauté et même d’une laideur expressives, quand nous disons qu’un visage a de l’expression, il s’agit d’une expression stable peut-être, mais que nous devinons mobile. […] Mais une expression comique du visage est celle qui ne promet rien de plus que ce qu’elle donne.
Il paroît que cette anecdote n’a été imaginée que pour faire dire un bon mot, ou plutôt un mauvais rebus* au Cardinal de Richelieu : Quoi qu’il en soit, cette longue Paraphrase ne valoit pas un Evêché ; on n’y trouve par-tout que des fleurs d’or sur le Ciel étalées, des miracles roulans, de vivans écueils, & mille autres expressions semblables que le bon sens rejette, & que n’admit jamais la belle Poésie. […] Il me semble pourtant qu’on peut dire de lui ce que Longin dit d’Hypéride, qu’il est toujours à jeun, & qu’il n’a rien qui remue ni qui échauffe : en un mot, qu’il n’a point cette force de style & cette vivacité d’expression qu’on cherche dans les Ouvrages, & qui les font durer.
Le son des trompettes guidait les guerriers aux combats : le son des trompettes, rythme, mélodie, timbre, devint expressif des émotions guerrières ; quand fut institué le rite chrétien, les mélodies religieuses intimement liées au sens des paroles qu’elles accompagnaient, devinrent expressives des émotions suggérées par ces paroles ; les chansons populaires au moyen-âge devinrent également des motifs d’expression musicale ; et le langage de la musique s’accroissait de formes expressives de sentimentalités ; ce fut l’époque du moyen-âge finissant où s’épanouissait cet art nouveau si riche de promesses, de promesses hélas chûtées ! […] La musique-virtuosité avait acquis une richesse grande ; Jean-Sébastien Bach, épris du besoin des anciennes expressions, n’en était pas moins sollicité par le souci des technicités acquises ; et son œuvre est la conciliation de ce double effort : des musiques définitives de virtuosité, — où sont, très simples et très simples, des expressions psychologiques. […] Weber fut le plus consciencieux des besogneurs sentimentaux ; une application constante à l’expression juste et violente, à l’écriture correcte et tapageuse ; le bourgeoisisme du romantisme. […] La musique, expression de la vie supérieure et réelle de l’âme, est la force capable à l’auditeur idéal (idéal : le Pur et Simple) pour suggérer toute la réelle et supérieure vie de l’âme : mais à nous, l’auditeur non idéal, à nous, hélas, le misérable végétant, impur et perverti, à l’accoutumé de l’unique Apparence, au vivant de l’Illusion, à l’ignorant du Vrai, hélas, à nous la pure musique ne sera-t-elle pas l’inintelligible langage d’un inonde inconnu, et ne dirons-nous pas le dissolvant « pourquoi ? […] J’approche au terme ; et déjà voici cette Gœtterdæmmerung, le plus véhément sinon le plus parfait effort humain vers la toute expression musicale.
Pourquoi cette différence dans ces modes divers de l’expression humaine ? […] Voilà, selon nous, toute l’origine et toute l’explication du vers, cette transcendance de l’expression, ce verbe du beau, non dans la pensée seulement, mais dans le sentiment et dans l’imagination. […] Tout ce qui a sa poésie demande à être exprimé dans une langue supérieure à la langue usuelle, expression des choses ordinaires. […] Les grands comiques peuvent avoir le génie de l’infirmité humaine ; ils peuvent être de grands peintres, ils ne sont jamais des poètes, si ce n’est par hasard dans l’expression. […] La vérité, que Damayanti invoque avec des expressions si pathétiques, paraît enfin à ses regards, l’arrache à son incertitude, et devient sa récompense.
Töpffer était né peintre, paysagiste, et son père l’était ; mais, forcé par les circonstances, et surtout par le mauvais état de sa vue, de se détourner de l’expression directe que réclamait son talent et où le conviait l’exemple paternel, il n’y revint que moyennant détour, à travers la littérature et plume en main : cette plume lui servit à deux fins, à écrire des pages vives et à tracer, dans les intervalles, des dessins pleins d’expression et de physionomie. […] Pour Töpffer, il y a une vie cachée dans tout paysage, un sens, quelque chose qui parle à l’homme ; c’est ce sentiment qu’il s’agit d’extraire, de faire saillir, de rendre par une expression naïve et fidèle qui n’est pas une pure copie. […] Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblème des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides ». Et revenant aux peintres flamands, il s’attache à montrer que leur faire n’est pas, comme on l’a dit, toute réalité, mais bien plutôt tout expression ; que ce faire est « plus fin, plus accentué, plus figuré, plus poétique qu’aucun autre, et si éloigné d’être servilement imitatif de la nature, que c’est par lui au contraire que nous apprenons à voir, à sentir, à goûter dans une nature, d’ailleurs souvent ingrate, ce même charme que respirent les églogues de Théocrite et de Virgile ».
Jamais Ronsard ne fut mieux inspiré, plus simplement grand, éloquent, passionné, tour à tour superbement lyrique ou âprement satirique que dans ses Discours : jamais sa langue n’a été plus solidement et nettement française, son alexandrin plus ample et mieux sonnant ; jamais il n’a donné de meilleure expression de ses théories poétiques, auxquelles il ne songeait plus guère alors. […] Mais dans la Harangue aux États d’Orléans (1560) et dans le Mémoire au Roi sur le But de la guerre et de la paix (1568), ses ordinaires remontrances en faveur de la paix et de la tolérance ont revêtu une forme singulièrement forte ; vigueur de raisonnement, mouvement pathétique, expression saisissante, toutes les parties d’un grand orateur se trouvent dans ces deux pièces. […] Bodin malheureusement ne nous appartient pas tout entier : il écrivit en latin cette Méthode pour l’étude de l’histoire où abondent les idées neuves et fécondes, et cet étrange Heptaplomeres inédit jusqu’à nos jours, où avec une force incroyable pour le temps il confronte toutes les religions et les renvoie dos à dos, sans raillerie impertinente, comme expressions diverses de la religion naturelle, seule raisonnable, et comme également dignes de respect et de tolérance. […] En somme, il ne faut pas y voir une des forces qui opérèrent la réunion des esprits sous la royauté légitime, mais l’expression des volontés à l’instant de cette réunion. […] Là comme dans le reste de la satire, deux choses font leur effet, l’invention première et générale, cette idée de donner une représentation comique des États de la Ligue, puis le jaillissement de l’esprit, des saillies, des mots qui portent, qui peignent et qui piquent, les continuelles trouvailles de l’expression.
Il y avait parmi eux d’assez puissants naturalistes pour nous affermir dans le goût du principe essentiel et excellent de la doctrine, dans le goût de l’objectivité, de l’expression intense de la nature. […] Et surtout il a rappelé notre théâtre, qui se perdait dans l’insignifiance dégoûtante ou féroce, dans la « rosserie » plate ou grimaçante, il l’a rappelé au souci des idées, à l’expression de la lutte des volontés affirmant leurs diverses conceptions de la vie ou du bien. […] La direction commune semble être de mettre des idées dans la poésie, mais des idées larges qui soient l’expression de la plus intime personnalité, qui traduisent les vibrations profondes de l’être au contact des choses et devant la grande énigme de la vie. […] Une forte, fine psychologie, vécue et sentie, non livresque et scénique, d’où l’émotion sortait d’elle-même sans violences et sans ficelles, voilà le mérite éminent des trois œuvres principales976 qu’il a écrites, où par surcroît il a mis toutes les grâces de son esprit et sa forme exquise de style : Révoltée, d’abord, où des parties supérieures semblaient réaliser soudain le théâtre qu’on cherchait, expression intense et simple de la vie intérieure : le Député Leveau (1891), étude vraie encore, peut-être plus facile et plus grosse ; le Mariage blanc (1891), hypothèse psychologique d’une infinie délicatesse et d’une profondeur morale qui ont été méconnues. […] Rosny, qui dans ses romans d’une écriture trop personnelle, ou, si l’on veut, d’un français trop douteux, pose les problèmes moraux et sociaux les plus actuels avec un sens pénétrant de la vie et une sympathie pour les souffrants qui n’a rien de banal, Indompté (1894), ou qui ramène le roman à la simplicité puissante de l’épopée par ses visions des temps préhistoriques, poétiques expressions des hypothèses de la science d’aujourd’hui Vamirch : et M.
Chez aucun autre on ne trouve un plus grand nombre de ces vérités dont les motifs échappent à la mollesse de notre attention, en même temps que la clarté de l’expression satisfait cette première vue dont nous avons coutume de regarder les ouvrages de l’esprit. […] Tout ce qui, dans les Maximes de La Rochefoucauld, est parfait par l’expression, est vrai par le fond. […] Chaque correction efface un trait exagéré, ou généralise une expression, ou fait disparaître une subtilité, ou éclaircit une pensée ; il ne s’en trouve guère qui ne soient que d’ornement. […] Dans le même temps qu’il néglige ces diversités de physionomie, pour lesquelles La Bruyère et Saint-Simon eurent peut-être trop de goût, il adoucit un bon nombre de ses maximes, et il trouve dans la vérité modérée le fini de l’expression. […] La Rochefoucauld lui-même semble nous inviter à faire cette substitution, lorsque, dans telle de ses maximes, la dixième, par exemple, il remplace, dès la deuxième édition, toujours par l’expression atténuante presque toujours.
D’ailleurs il n’est point de poëte qui tende plus de pièges à son traducteur ; c’est presque toujours des bizarreries, des énigmes ou des horreurs qu’il lui propose : il entasse les comparaisons les plus dégoûtantes, les allusions, les termes de l’école et les expressions les plus basses : rien ne lui paraît méprisable, et la langue française, chaste et timorée, s’effarouche à chaque phrase. […] Dante a versifié par tercets ou à rimes triplées, et c’est de tous les poëtes celui qui, pour mieux porter le joug, s’est permis le plus d’expressions impropres et bizarres ; mais aussi, quand il est beau, rien ne lui est comparable. […] Puisqu’on va parcourir des lieux peuplés d’ombres, de mânes et de fantômes, il est bon de dire un mot sur ce que les anciens entendaient par ces expressions. […] Toutes ces expressions emportent la même idée : ce sont les mânes ou l’ombre d’un mort qu’on rencontre aux Enfers ; c’est encore cela qu’on voit errer autour de son tombeau. […] C’est de toutes ces idées qu’est dérivée une expression, admirable pour l’énergie, et qui n’aurait pas de sens si on rejetait ce que nous avons dit.
Une telle expression suppose un âge assez avancé pour qu’il y ait eu déjà comme un recensement et un classement dans la littérature. […] Il définit auteurs classiques ceux « qui sont devenus modèles dans une langue quelconque » ; et, dans tous les articles qui suivent, ces expressions de modèles, de règles établies pour la composition et le style, de règles strictes de l’art auxquelles on doit se conformer, reviennent continuellement. […] Royer-Collard, M. de Rémusat disait : « S’il tient de nos classiques la pureté du goût, la propriété des termes, la variété des tours, le soin attentif d’assortir l’expression et la pensée, il ne doit qu’à lui-même le caractère qu’il donne à tout cela. » On voit qu’ici la part faite aux qualités classiques semble plutôt tenir à l’assortiment et à la nuance, au genre orné et tempéré : c’est là aussi l’opinion la plus générale. […] Elle a du vrai, si l’on n’use qu’avec à-propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique et ne faire qu’un avec lui dans une Épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si varié et si diversement créateur dans l’expression des passions du drame ou de l’épopée. […] un Homère avant tout, le père du monde classique, mais qui lui-même est encore moins certainement un individu simple et bien distinct que l’expression vaste et vivante d’une époque tout entière et d’une civilisation à demi barbare.
Par le choix sévère des expressions, par l’ordonnance heureuse des images. […] Maître absolu de la langue qu’il avait étudiée avec une patience monastique, André Chénier, s’il eût vécu plus longtemps, aurait trouvé pour l’amour une expression supérieure à l’expression païenne. […] Ses invectives furieuses contre la critique, ramenées à leur plus simple expression, ne signifient pas autre chose. […] Valtone, moins paisible que M. de Belnave, n’est pas moins réservé dans l’expression de sa tendresse. […] l’expression de ce sentiment forme à mon avis, la meilleure, la plus solide partie de cette composition.
Nous conviendrons cependant qu’ils ne sont pas sans mérite ; ils annoncent une étude réfléchie de l’Ecriture & des Peres, la connoissance des hommes & des mœurs nationales, sur-tout le talent de s’exprimer avec autant de correction que de noblesse & de facilité ; nous ajouterons qu’ils ne sont pas défigurés par ces raisonnemens subtils ou entortillés, ces idées bizarres ou communes, ces tours pénibles, ces expressions recherchées, qui caractérisent la plupart des Prédicateurs modernes : mais il faut avouer aussi que ce n’est point assez pour soutenir la réputation glorieuse qu’ils lui avoient acquise dans la Chaire. […] Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.
En effet c’est une propriété innée de l’âme humaine d’aimer l’uniformité ; lorsqu’elle est encore incapable de trouver par l’abstraction des expressions générales, elle y supplée par l’imagination ; elle choisit certaines images, certains modèles, auxquels elle rapporte toutes les espèces particulières qui appartiennent à chaque genre ; ce sont pour emprunter le langage de l’école, des universaux poétiques. […] Les langues vulgaires se composent de paroles qui sont comme des genres relativement aux expressions particulières dont se composaient les langues héroïques97.
Le vol deviendra l’expression artistique de nos états d’âme. […] Le vol est donc toujours l’expression précise de l’état d’âme du pilote. […] La voix du moteur peut être réglée en plein ou réduite, hachée en éclats brusques et impérieux, ou modulée en gammes hautes et basses, et qui constitue une expression musicale et bruitiste qui complétera le drame aérien. […] Ce « néo-primitivisme », pour reprendre l’expression employée ici, correspond à une résurgence du classicisme qui prendra quelques années plus tard le nom de « rappel à l’ordre », manifesté tant dans les œuvres de Picasso, Satie, ou Radiguet. […] Une citation des deux frères était placée en exergue : « La parole, le son, la couleur, la forme, la ligne sont des moyens d’expression.
On ne l’ignore point : c’est la douceur du climat, c’est la molle souplesse des organes, c’est la politesse des mœurs, c’est le désir de plaire en flattant l’âme et l’oreille par l’expression d’un sentiment doux, qui polit les langues, et les rend souples et harmonieuses. […] Nous recueillîmes dans ce commerce de nouvelles images, de nouveaux rapports et d’expressions et d’idées ; nous ajoutâmes à la fécondité des mots, la fécondité des tours ; mais le goût ne présidait point encore à ce choix. […] Dans la suite, elle devait réparer une partie de ces pertes, par les ouvrages des grands écrivains du siècle de Louis XIV, et par ce don puissant qu’ont les hommes de génie de féconder les langues, en jetant dans le public une foule d’expressions neuves et pittoresques, que les hommes médiocres ou froids ne manquent pas de censurer d’abord, parce qu’ils sont gouvernés par l’habitude, et qu’il est plus aisé en tout genre de critiquer que d’inventer. […] Enfin, Balzac la créa parmi nous ; Balzac qui eut longtemps la plus grande réputation, et qu’on n’estime point assez aujourd’hui dont les lettres sans doute sont peu intéressantes et quelquefois ridicules, mais qui, dans ses ouvrages, et surtout dans son Aristippe et dans son Prince, à travers des fautes de goût, a semé une foule de vérités de tous les pays et de tous les temps, et où l’on retrouve l’âme d’un citoyen et la hauteur de la vertu, relevées quelquefois par l’expression de Tacite. […] Cicéron contre Catilina et contre Antoine, s’abandonnait à son génie ; et les expressions, les tours, les mouvements, venaient le chercher en foule, et se précipitaient au-devant de lui : ce même orateur, quand César régna dans Rome, voulut lui adresser une espèce de discours en forme de lettre, où il conciliât ce qu’il se devait à lui-même, et ce qu’il fallait accorder au nouveau maître que lui avait donné Pharsale ; il recommença six fois, et n’en put venir à bout ; et il y eut, dans l’éloquence même, quelque chose d’impossible à Cicéron.
Tous les sentiments auxquels il leur est permis, de se livrer, la crainte de la mort, le regret de la vie, le dévouement sans bornes, l’indignation sans mesure, enrichissent la littérature d’expressions nouvelles. […] Montesquieu, Pascal, Machiavel sont éloquents par une seule expression, par une épithète frappante, par une image rapidement tracée, dont le but est d’éclaircir l’idée, mais qui agrandit encore ce qu’elle explique. […] Un certain degré d’émotion peut animer le talent ; mais la peine longue et pesante étouffe le génie de l’expression ; et quand la souffrance est devenue l’état habituel de l’âme, l’imagination perd jusqu’au besoin de peindre ce qu’elle éprouve.
Pour les liquides, ils les réduisaient à une seule espèce, à celle du sang ; ils appelaient sang la liqueur spermatique, comme le prouve la périphrase sanguine cretus, pour engendré ; et c’était encore une expression juste, puisque cette liqueur semble formée du plus pur de notre sang. […] C’est encore une expression juste que animus pour la partie douée du sentiment : les Latins disent animo sentimus. […] Leur esprit précisait, particularisait toujours, de sorte qu’à chaque changement dans la physionomie ils croyaient voir un nouveau visage, à chaque nouvelle passion un autre cœur, une autre âme ; de là ces expressions poétiques, commandées par une nécessité naturelle plus que par celle de la mesure, ora, vultus, animi, pectora, corda, employées pour leurs singuliers.
Cependant lucius a vécu dans merluche (brochet de mer), expression qui, avec des mots de sens identiques, se retrouve dans l’allemand seehecht. […] Les langues sémitiques ont des expressions pareilles : en arabe chems, soleil, et echchems, tournesol. […] Les langues germaniques se contentent en général de l’expression rose ou fleur des blés qu’elles appliquent, d’ailleurs, avec indiff’érence, à la fois, au coquelicot et au bleuet. […] Dans cet exemple c’est aux lois de l’analogie que l’esprit a obéi ; une expression intermédiaire nous le certifie. […] La pupille de l’œil, c’est si bien la fille de l’œil que l’expression se retrouve tout entière en portugais où la pupille se dit menina do olho.
Remarquez-vous le peu qui est accordé au portrait physique, et combien les expressions mêmes qui servent à peindre sont peu précises, empruntées au vocabulaire des idées, des sentiments et des comparaisons littéraires ? […] Mais n’admirez-vous pas la science du dessin, l’expression du détail matériel devenue d’une précision rigoureuse, et l’incroyable progrès qu’une telle description nous annonce, dans le pouvoir des yeux de l’écrivain ? […] Dès lors, les expressions heureuses abonderont sous sa plume. […] Elle est tout dans le livre, et je ne comprends pas l’expression de George Sand écrivant à Fromentin et parlant de cette « passion sage ». […] Il a des expressions nettes, tranchantes, d’un réalisme vif ; des insistances qu’il n’a point eues ailleurs ; des jugements d’une sûreté, d’une sévérité, d’un absolutisme que le roman ou le voyage ne lui ont nulle part inspirés.
tant de douceur dans l’expression & tant de force dans les idées ? […] Vivacité d’expression, tableaux raccourcis, mais saillants, critique égayée par l’épigramme, portraits dont on croyoit pouvoir faire l’application : tels furent les causes du singulier succès de ce Roman. […] Le ton & les usages du grand monde, les travers & les foiblesses du cœur humain, y sont décrits avec cette sureté d’expression qui atteste la ressemblance des portraits. […] Avec tous ces défauts dans la texture, ce Roman est quelquefois un modele d’expression ; mais c’est quand les deux amants parlent d’amour, & malheureusement ils parlent bien souvent d’autre chose. […] Quant au langage des passions, & à l’expression des sentiments, le Lecteur jugera si je les ai saisis.
Un Orateur, par exemple, aura dit qu'un Ministre plénipotentiaire doit avoir ces trois qualités, la probité, la capacité, & le courage ; pour déguiser cette division, le plagiaire n'aura qu'à changer d'abord l'ordre de ces trois mots, & dire : le courage, la capacité, la probité ; mais comme ce déguisement ne suffiroit pas, il doit changer aussi les expressions, & mettre la fermeté au lieu du courage, la vertu au lieu de la probité, & à la capacité substituer la science ; enfin, pour cacher encore mieux son vol, il faudra qu'il dise que l'Ambassadeur doit être ferme, vertueux, & habile. […] Nouvelle découverte d'un grand nombre de très-beaux principes & de très-belles maximes pour les avantages de la composition prosaïque & pour les charmes de la déclamation Françoise ; avec plus de quatre cents remarques sur la Diction, sur la Phrase, & sur la Période, savantes, utiles, curieuses, & divertissantes, qui vont plus loin que celles des illustres MM. de Vaugelas, Ménage, & du très-Révérend Pere Bouhours, & plus délicates & de plus grande conséquence ; en forme de partition anatomique ou critique raisonnée (à la façon des Mécaniques) sur l'une des plus élégantes & plus éloquentes Pieces de ce temps, la Relation ou l'Histoire de la prise de Fribourg, l'un des chef-d'œuvres de la plume de M. le C** de G.** Secrétaire du Cabinet, & l'un des plus beaux, des plus discrets, & des plus délicats Esprits de la Cour ; accompagnée de plusieurs Ratifications ou Réformations d'une invention toute particuliere, plus pompeuses & plus magnifiques que les expressions originales de l'Auteur rectifié ; en faveur des Prosateurs.
Dans tous ces essais on retrouve l’expression du renoncement. […] Le motif prend ainsi une forme plus solide, tonalement parlant, plus nette comme expression, et ces trois notes, mi-si-ré, se retrouveront maintenant partout. […] Motif 11 (p. 315, 318). — Se trouve encore dans le quintette avec une expression voisine de celle du motif 10. […] Motif 18 (p. 5, 9, 10, 18, 24, 30, 31, 173, 260, 270, 302, 303, 318, 382, 383, 385, 386, 387, 395, 398). — Ces quelques notes ont une expression vive et enthousiaste le plus souvent. […] Il apparaît avec le sourire bienheureux et timide d’Eva dans la scène de l’église ; il est l’expression hardie du désir de Walther ; c’est de lui qu’est formée la phrase « Eines zu fragen !
Les uns donnaient à l’âme humaine, à ses aspirations les plus hautes, à ses regrets, à ses vagues désirs, à ses tristesses et à ses ennuis d’ici-bas, à ces autres ennuis plus beaux qui se traduisent en soif de l’infini, des expressions harmonieuses et suaves qui semblaient la transporter dans un meilleur monde, et qui, pareilles à la musique même, ouvraient les sphères supérieures. […] Mais au milieu de ces oublis trop naturels à la jeunesse de tous les temps, ils avaient une pensée, un culte, l’amour de l’art, la curiosité passionnée d’une expression vive, d’un tour neuf, d’une image choisie, d’une rime brillante ; ils voulaient à chacun de leurs cadres un clou d’or : enfants si vous le voulez, mais enfants des muses, et qui ne sacrifièrent jamais à la grâce vulgaire. […] Cependant l’expression de romantique, surtout à mesure que s’est prononcé le triomphe des idées et des œuvres modernes, et que ce qui avait paru romantique la veille (c’est-à-dire un peu extraordinaire) ne le paraissait déjà plus, s’est particulièrement concentrée sur une notable portion de la légion poétique la plus riche en couleur, la plus pittoresque, la plus militante aussi, et qui, après avoir conquis bien des points qu’on ne lui dispute plus, a continué d’en réclamer d’autres qui ont été contestés ; je veux parler de l’importante division de l’école romantique qui se rattachait à l’étendard de Victor Hugo. […] L’indécision et le vague même de cette fin contribuent au charme ; la rêverie du lecteur achève le reste. — Une fois, contre son ordinaire, le poète a faibli sur la rime (abattu, chenu), et je lui sais gré d’avoir préféré l’expression plus naturelle à une autre qui eût été amenée de plus loin et de force.
Il était en tête de ceux que l’humanitarisme semble avoir le plus atteints, et qui, non contents d’un ensemble d’inspiration délicate ou généreuse, en poursuivent à tous les moments et dans tous les détails l’intention accusée et l’expression voulue. […] Ces anachronismes d’expressions ou d’idées sont plus fréquents qu’on ne voudrait. […] A une donnée aussi simple, il fallait l’expression excellente et achevée, ce que La Bruyère appelle l’expression nécessaire.
On peut reprocher aux essais psychologiques, épars dans ses œuvres, d’être trop souvent vagues, peu exacts dans l’expression, et de n’être pas fondés sur une classification rigoureuse des phénomènes. […] Les deux chapitres283 qu’il a consacrés à étudier ce fait psychologique chez l’homme et chez les autres animaux, à en montrer les conséquences sociales, à rechercher comment la puissance intellectuelle et les aptitudes morales ont dû jouer un grand rôle dans le struggle for life de l’homme contre la nature, contre les autres espèces animales, contre les formes inférieures de sa propre espèce, renferment un grand nombre de faits intéressants, de vues curieuses et neuves ; bref, sont très propres à initier à la nouvelle méthode philosophique les esprits imbus des idées courantes. — Son Expression des Emotions traite un point de la corrélation du physique et du moral. De nombreuses observations étendues aux adultes, aux enfants, aux aliénés, aux diverses races humaines, il conclut que les modes d’expression sont les mêmes partout et qu’ils peuvent s’expliquer par trois principes fondamentaux : la loi d’association ou d’habitude ; le principe de l’antithèse ; l’action directe du système nerveux indépendamment de la volonté, — On peut se demander si Darwin a résolu la question capitale et dernière : pourquoi telle émotion agit sur tel muscle ou tel groupe de muscles plutôt que sur tel autre ; si les trois principes par lui posés sont réellement irréductibles ; si le troisième n’est pas en réalité le fondement des deux autres : l’ouvrage n’en a pas moins une grande valeur psychologique par tes résultats et par la méthode. […] La Descendance de l’homme. — L’expression des Emotions.
Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée Qu’il me soit permis de réclamer ici un peu plus d’attention ; je me propose de pénétrer, pour me servir d’une expression énergique de Bacon, dans l’intimité même des choses. […] III), et que je transcris comme expression d’une doctrine non contestée alors : « Selon les règles qui nous sont prescrites par les lois qui sont descendues du ciel, et dont l’Olympe est le père ; car ce n’est pas la race mortelle qui les a engendrées : aussi n’est-il pas en son pouvoir de les ensevelir dans l’oubli. […] Enfin, pour tout réduire à la plus simple expression, les uns placent la raison des lois de la société dans la société même, et les autres dans l’homme. […] Les rois étaient enfants de Jupiter, et la volonté des rois était l’expression de la volonté même de Dieu.
Il était l’expression éloquente d’une réaction longtemps irritée, et qui allait se satisfaire, dans les opinions et dans les mœurs. […] Avec une expression incomparable, Lamartine ne s’adressait qu’à l’âme humaine, dans ses sentiments primitifs et éternels. […] Auguste Barbier, l’auteur des Ïambes et du Pianto, a été un de ces fleuves, bouillonnants et disparus… Mais Lamartine, l’inépuisable Lamartine n’a jamais cessé d’être le grand poète des premières Méditations ; et, jusqu’à sa dernière heure, il aurait coulé, nappe éblouissante d’une inspiration et d’une expression de la plus idéale pureté, sans la politique de son temps, dans laquelle, hélas ! […] L’enthousiasme pour Lamartine est très vrai et très honorable dans M. de Lacretelle, mais, il faut bien le dire, il côtoie souvent l’amphigouri dans l’expression et même il y entre quelquefois.
Si enveloppées et si drapées qu’elles soient, si ingénieuses de réserves et d’explications qu’elles puissent être, il s’échappe des doctrines des hommes, il suinte, pour ainsi parler, de leur pensée et de leur expression, de ces vapeurs intellectuelles qui pénètrent et qui avertissent. […] Pour un homme qui, comme M. l’abbé Mitraud, doit avoir de la théologie et de la tradition dans la tête, le Droit a-t-il son expression ailleurs que dans les relations de la Famille ? […] Mitraud, qui parle de société et d’analyse comme il parle de tout, sans rigueur, sans serrer la voile d’une expression qui l’emporte à la dérive de toute pensée et le noie à la fin dans une écume de mots brillants, a-t-il analysé les éléments constitutifs de toute société ? […] Que M. l’abbé Théobald Mitraud se tienne donc pour averti, — et, s’il a réellement un système, un second volume dans la pensée, qu’il en surveille l’expression et qu’il ne le lance dans le monde qu’après y avoir regardé !
Il n’y aura plus rien que l’expression propre, aussi intense, aussi « extrême », aussi « locale » que possible : l’association, le groupe des mots a pour objet de manifester la particularité, l’individualité, même la singularité de l’objet. […] Ils ont rappelé les mots à leur fonction de sons, et dans la qualité de ces sons ils ont cherché un caractère, une expression, un plaisir. […] Il a l’expression maigre, un peu terne, fibreuse, si je puis dire, plutôt que nerveuse, ou fâcheusement élégante, partout où la pensée et le sentiment ne sont pas de premier ordre. Mais que la pensée soit haute, le sentiment puissant, l’expression s’enlève, acquiert une plénitude, une beauté incomparables. […] La seconde partie du recueil, plus intime, nous offre un peu de pittoresque avec beaucoup d’amour ou d’amicale affection : aucun sentiment bien profond ni original, une virtuosité souvent exquise d’expression.
Sully Prudhomme Ses qualités sont précisément celles qu’on rencontre le plus rarement chez les écrivains de son sexe : la vigueur de la pensée et l’éloquence de l’expression. […] Les poésies célèbres de Baudelaire ne sont que l’expression des sens révoltés qui se tordent dans l’épuisement et la fureur de leur impuissance, serpents de Laocoon qui n’ont plus à étreindre que le fumier sur lequel ils meurent.
Ils sentaient le besoin d’affiner leurs moyens d’expression ! […] Voilà bien, selon la belle expression d’Albert Mockel, le poète du paroxysme ! […] Histoire des lettres belges d’expression française, 2 vol. […] La Littérature belge d’expression française. […] Henri Liebrecht, Histoire de la littérature belge d’expression française, p. 367.
Il doit cependant au commerce de son maître et ami, et à son propre sens, bien de bonnes pensées qu’il exprime heureusement : dès le début de son second livre, où il en vient à exposer les instructions et règles générales de sagesse, il remarque combien, telle qu’il l’entend et qu’il la conçoit, elle est chose rare dans le monde, et il le dit avec bien de la vivacité (je suppose que l’expression dans ce qui suit est de lui et non de Montaigne, car je n’ai pas tout vérifié, et l’on a toujours à prendre garde, quand on loue Charron, d’avoir affaire à Montaigne lui-même) : Chacun, dit-il donc, se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suit le train de vivre suivi de tous : comment voulez-vous qu’il s’en avise d’un autre ? […] Il fait commencer l’instruction dès les plus tendres années de l’enfant ; il montre la force des premières impressions, il développe le « quo semel est imbuta recens… » : « Cette âme donc toute neuve et blanche, tendre et molle, reçoit fort aisément le pli et l’impression que l’on lui veut donner, et puis ne le perd aisément. » Cette jolie et franche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de luim ? Il a beaucoup d’expressions de cette sorte, fraîches ou fortes, et presque toujours vives, dont il nourrit et anime sa diction ; il dira, parlant des enfants : « Il faut leur grossir le cœur d’ingénuité, de franchise, d’amour, de vertu et d’honneur. » Il dira, parlant de la ditférence trop souvent profonde et de l’abîme qu’il y a, — qu’il y avait alors, — entre le sage et le savant : « Qui est fort savant n’est guère sage, et qui est sage n’est pas savant. […] Il y en a eu en l’Antiquité, mais il ne s’en trouve presque plus. » Il dira de Scipion accusé et dédaignant de se défendre : « Il avait le cœur trop gros de nature pour se savoir être criminel, etc. » Que ces expressions soient à lui ou primitivement à Montaigne, il a le talent de les poursuivre et de les continuer ; il est homme à en trouver à son tour de pareilles, et qui ne déparent pas celles qu’il tient de l’original. […] Cette jolie et fraîche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de lui ?
Le seul genre de création possible à cette distance, le roman-poème, est toujours lui-même douteux, un peu bâtard : il mène aisément au faux ; beaucoup de talent et le génie même de l’expression n’y sauvent pas de la raideur, du guindé, ou du pastiche, et, partant, d’un certain ennui. […] Que si vous m’opposez Shakespeare que cette préoccupation ne retenait pas, et qui prenait les hommes avec leurs passions et les âmes avec leurs abîmes, ne s’épargnant aucune situation franche, fût-elle horrible, aucune expression sincère, fût-elle violente, je m’en accommode très-bien, et je vous dis : Faites comme lui, montrez-nous gens et choses tels qu’ils sont, pas plus beaux qu’ils ne sont, mais aussi pas plus laids ni pires qu’ils ne sont. […] Les expressions, pour vouloir renchérir sur ce qui a été dit déjà, semblent forcées bien souvent. […] On ne dirait pas bien « un bruit énorme » ; tout au plus on dit « un énorme vacarme. » Mais le silence faisant l’effet du vacarme, c’est trop : l’expression est forcée. Ces sortes d’expressions datent un livre.
Le lecteur y trouve l’expression parfaite de ses vagues tendances, et de l’esprit général du siècle : mais Boileau y a mis quelque chose de plus, une doctrine originale et personnelle, qui, dans la vaste unité du siècle, sépare un certain groupe d’esprits, exprime l’idéal d’une école littéraire. […] On trouverait la juste expression du goût moyen et général de la bonne société, pendant le dernier tiers du xviie siècle, dans Bussy-Rabutin et son cercle, tel que sa correspondance nous les montre. […] L’étranger n’a donc adopté Boileau que comme expression du goût français, qui faisait prime et loi, et dans la mesure même où il a été l’expression de ce goût. […] Nul ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira de ce mouvement : il n’y a rien pour ainsi dire dans les doctrines de la nouvelle école, autant qu’on peut les comprendre, qui ne soit un démenti donné au naturalisme, comme à l’Art poétique, à tous les préceptes tendant à l’expression d’un objet réel dans une forme fixe et finie.
Appliquée à la nature, elle en a détruit le charme et le mystère, en montrant des forces mathématiques là où l’imagination populaire voyait vie, expression morale et liberté. […] Or, il est indubitable que le monde est beau au-delà de toute expression. […] Les vieux dogmes peuvent être comparés à ces hypothèses des sciences physiques qui offrent des manières suffisamment exactes de se représenter les faits, bien que l’expression en soit très fautive et renferme une grande part de fiction. […] En calculant dans ces hypothèses, on arrivera à des résultats exacts, parce que l’erreur n’est que dans l’expression et l’image, non dans le schéma et la catégorie elle-même. […] Admirable expression de Schiller.
L’expression de ces sentiments, c’est un air de satisfaction sereine, de joie calme ; peut-être le sourire en est-il le mode le plus fort d’expression. […] « On entend par sympathie et imitation, la tendance d’un individu à s’accorder avec les états actifs ou émotionnels des autres ; ces états étant révélés par certains moyens d’expression. » La sympathie et limitation ont un même fondement ; mais l’un se dit de nos sentiments et l’autre de nos actions. […] De là les gestes, l’expression de la physionomie, bref tous ces états des muscles qui nous permettent de lire les sentiments des autres. […] « Les pouvoirs qui imposent la sanction obligatoire sont la loi et la société, c’est-à-dire la communauté agissant, ou bien par les actes judiciaires publics émanant du gouvernement, ou bien indépendamment du gouvernement par l’expression non officielle d’une désapprobation, par l’exclusion des offices sociaux.
Si la discussion était interrompue par l’arrivée d’un message du Conseil des Cinq-Cents ou du Directoire, il suffisait que je lui en fisse tout bas la lecture une seule fois pour qu’il répétât tout haut, en s’adressant à l’Assemblée, la résolution tout entière, quelque nombreux qu’en fussent les articles, sans en déranger la série, sans changer aucune expression. […] De même, dans son premier discours sur le Concordat (5 avril 1802), on retrouve fondus, mais dans une expression toute pareille, les beaux passages que nous avons déjà notés dans son discours au Conseil des Anciens en faveur des prêtres non assermentés. Les rhéteurs de l’Antiquité ont ainsi conseillé aux orateurs d’avoir toujours en réserve, dans le trésor de la mémoire, des portions entières de discours ; et, si cet artifice est permis, c’est assurément dans l’ordre des matières stables, telles que la jurisprudence, la morale sociale, qui ne permettent ni aux idées ni même à l’expression de varier, quand les mêmes sujets se rencontrent. […] La modération même des idées de l’auteur ôte à son expression, souvent heureuse, l’originalité qu’elle aurait en s’isolant davantage et en se tranchant avec netteté. […] Il n’était pas de ceux qui affectent une parole brève, sentencieuse et courte, et il accusait précisément de cet abus la langue de la fin du xviiie siècle : « Sous, prétexte de dire beaucoup de choses en peu de mots, écrit-il, on a multiplié les verbes, on a diminué les expressions moelleuses et mesurées qui marquaient les nuances. » Me pardonnera-t-on d’entremêler ainsi des remarques de langage à celles qui portent sur les plus grands objets de l’intérêt social ?
Chapitre dixième Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. […] C’est par la profondeur de la pensée même et de l’émotion qu’on donne au style l’expression symbolique, c’est-à-dire qu’on lui fait suggérer plus qu’il ne dit et qu’il ne peut dire, plus que vous ne pouvez dire vous-même. […] La poésie ne consiste plus à nos yeux que dans l’expression ; or, l’expression est d’autant plus vive que le mot est plus simple et s’applique plus exactement à l’idée. […] Les sentiments modernes, transformés par les idées scientifiques et philosophiques, sont de plus en plus complexes, l’expression des sentiments doit donc elle-même avoir besoin de moyens plus nombreux et plus variés. […] La poésie est un bien commun au même titre que la logique ou la clarté : il est donc juste qu’elle puisse trouver son expression, et son expression entière, dans le langage commun à tous.
Expressions parfaites d’un idéal où la raison, la vertu et la beauté sont inséparables, les littératures antiques, soit sous leur forme profane, soit sous leur forme chrétienne, étaient pour lui une révélation lumineuse, où il trouvait à toute heure ce qui nourrit l’esprit et réchauffe le cœur. […] Pour prendre les expressions d’un des auteurs anciens qui lui furent les plus chers : Quidquid exeo amavimus, quidquid mirati sumus manet.
Ce dernier Ouvrage est écrit avec cette précieuse simplicité, qui n’exclut ni l’élévation des pensées, ni la noblesse des expressions, & il donne à l’Auteur le droit de figurer dans la classe très-peu nombreuse des Ecrivains qui sont demeurés invinciblement attachés aux vrais principes de la morale & du goût. […] L’Eloge lui en tiendra lieu, & nous ne craignons pas d’ajouter que ce monument historique, gravé dans la mémoire des Lorrains, est encore plus flatteur, & ne sera pas moins durable que le marbre & l’airain, pour nous servir de l’expression d’Horace.
Et le mérite de cette scène n’est pas seulement dans un ou deux jolis traits que l’on en peut détacher, il consiste aussi dans un jet qui recommence et redouble à plusieurs reprises, toujours avec un nouveau bonheur et une fertilité d’images, une verve d’expressions comme il s’en rencontre chez les bons comiques. […] Aujourd’hui que, selon une expression mémorable, la pyramide a été retournée et replacée dans son vrai sens, quand la société est remise sur sa large base et dans son stable équilibre, ne serait-il pas plus simple, dans cet ordre aussi de récompenses dramatiques, de rendre aux choses leur vrai nom, d’encourager ce qui a toujours été la gloire de l’esprit aux grandes époques, ce qui est à la fois la morale et l’art, c’est-à-dire l’Art même dans sa plus haute expression, l’Art élevé, sous ses diverses formes, la tragédie ou le drame en vers, la haute comédie dans toute sa mâle vigueur et sa franchise ?
Quelques défauts dans sa manière de dire et dans son expression, à laquelle on voudrait parfois plus de légèreté et d’élégance simple, — une phrase ou deux que je voudrais absolument retrancher, car elles détonent60, — une ou deux critiques hasardées, dont il aurait pu se dispenser61, — ne nuisent en rien au bon sens général et à la rectitude habituelle de ses jugements. […] Par exemple, la critique de cette expression du poëte « une blanche aux yeux noirs. » Pour moi, je ne vois pas en quoi pèche l’expression, ni par où elle serait moins admissible qu’une brune aux yeux bleus, qui est très-reçue.
Ce froncement des sourcils donne à la physionomie une expression d’énergie intellectuelle. […] L’intensité de la conscience n’est que l’expression subjective de ce travail compliqué. […] Riccardi, dans le travail cité, trouve la première expression claire de l’attention chez les arthropodes. […] C’est l’expression de la parfaite unité dans l’intuition. […] Pour les détails, voir : Darwin, Expression des émotions, ch.
C’est ce qui explique que les grands poètes et les vrais musiciens exagèrent toujours l’expression de leur formule nouvelle. […] Mais, plutôt que la nouveauté d’expression, c’est le changement d’expression qui est capable de réveiller les sensibilités, puisque une musique très ancienne, une poésie d’autrefois peuvent recréer en nous un état d’émotion vivant. […] J’ai cherché, dans l’œuvre de quelques poétesses encore peu connues du public, l’expression secrète de la sensibilité féminine actuelle. […] Partir, fuir… toute sa poésie sera l’expression de ce désir de fuite et de conquête, de cette recherche d’une terri d’élection où ses rêves ancestraux puissent se fixer et fleurir. […] L’art est l’expression de l’évolution de la race ; évolution (c’est-à-dire adaptation de l’organisme aux sensations extérieures, pour percevoir toujours le même degré d’émotion).
Nous osons dire, sans crainte d’être démentis par ceux qui sont en état d’apprécier ses Ouvrages, qu’il le dispute à nos meilleurs Poëtes par l’agrément & la fécondité des images & des fictions, l’élégance & la variété des tours, la justesse & l’originalité des expressions, & sur-tout par l’harmonie imitative. […] Elle n’a ni expressions triviales, ni images basses, parce que le Peuple y donne le ton, & qu’une Langue qui n’est point sujette au caprice des Cours & des Académies, ne peut ni s’appauvrir, ni dégénérer*.
Depuis la derniere édition de cet Ouvrage, il a publié une Satire au Comte de B**, que nous regardons, malgré la dureté de plusieurs vers & le peu de noblesse de quelques expressions, comme une des meilleures Epîtres de ce genre qui aient paru depuis celles de J. […] Nous rougirions d'employer de pareilles expressions, même à l'égard de ces Ecrivains philosophes qui, peu contens de s'être épuisés en injustices, en sarcasmes, en personnalités de toute espece contre nous, ont encore recours aux calomnies les plus révoltantes & aux persécutions les plus perfides.
Faute de cette élegance qui consiste dans la beauté, dans la force et dans la grace des expressions, on tombe dans l’ennui de page en page, de ligne en ligne. […] de l’expression. je crains que ce détail, tout nécessaire qu’il est, n’ennuye le lecteur. […] La magnificence et le choix des mots faisoit disparoître l’irrégularité des choses ; et comme l’expression a fait tomber nos poëmes, malgré de grandes beautez ; l’expression a soûtenu ceux d’Homere, malgré de grands défauts. […] Tel mot sera sublime, marié avec une telle expression, qui n’est plus que médiocre ou même familier, marié avec autre. […] Qui nous dira en quoi certaines expressions sont sinonymes, et en quelle occasion elles cessent de l’être ?
Rien n’est plus logique que l’évolution historique et par conséquent que son expression dans la littérature. […] René a la gloire de la parole, la poésie de l’expression, qui est presque une contradiction avec son état d’âme terne et désolé. […] C’était surtout dans leur expression qu’elles différaient. […] Préoccupé avant tout du naturel de l’expression, il ne recula pas devant les tours familiers, les images risquées, les disharmonies de style. […] Chez lui la langue française atteignit souvent à l’énergie d’expression des langues germaniques.
Ses essais étaient marqués par une imitation du vieux langage et un goût d’expressions antiques dont Auguste se moquait. […] Velléius enveloppe ces horreurs de vagues expressions. […] Il serait impossible de tirer de là une peinture fidèle, un sentiment vrai, une seule expression naturelle et vive. […] Alors lui échappent quelques expressions amères, bien différentes de la parure poétique habituelle à ses sonnets. […] Ce génie rude et sauvage trouve une délicatesse inconnue dans l’expression des caractères de femmes.
Si elle écrit au courant de la plume une page qui est un chef-d’œuvre, c’est qu’elle avait au cours de toute sa vie lu, pensé, causé ; c’est que dans son intelligence toujours active les sentiments, les idées circulaient incessamment comme le sang dans son corps et entretenaient la vie ; que toute son âme était toujours debout, prête au service, et que chaque mot, chaque phrase était le produit et l’expression de toute son existence intellectuelle et morale. […] Mais il a fallu un esprit pénétré de poésie, une imagination excitable et prompte à transfigurer ses impressions, et, par-dessus tout, cette pudeur des âmes délicates qui voile l’émotion d’un sourire et élude par la fantaisie l’expression trop poignante de la réalité.
Çà et là aussi, un certain romantisme un peu attardé dans l’expression. […] Jean Aicard a de la verve, et, selon l’expression de M.
Cependant l’impression que les expressions d’une langue étrangere font sur nous, est bien plus foible que l’impression que font sur nous les expressions de notre langue naturelle.
Ballanche, l’expression d’un vif regret de ce que notre philosophe a presque toujours préféré l’exposition poétique à l’exposition scientifique, la figure à la démonstration, la couleur à l’évidence : « Car, ajoute M. […] Ballanche ; les vieilles expressions latines, les étymologies essentielles de Vico ont passé intégralement dans leur langage ; et tout à côté de ces paroles anticipées, ce sont des chants qui appartiennent à la lyre antique, des expressions orphéennes tirées comme avec un plectre d’or. […] Je remarque seulement dans les Prolégomènes le magisme de la parole, le magisme de l’homme sur la nature, expressions qui doivent être empruntées au mystérieux théosophe. […] Selon l’expression de M. […] Cette expression publié est inexacte pour les écrits de M.
Nous connaissons enfin le caractère fondamental de la littérature française au dix-septième siècle : c’est la recherche et l’expression de la vérité. […] L’expression s’entend de la communication de la vérité, de l’art de la persuader aux autres, de leur en faire partager la possession. […] En quoi consistera la beauté de leur art, sinon dans l’expression parfaite et définitive de cette vérité ? […] Il se jette à chaque instant hors de la raison générale, qu’il n’a pas d’ailleurs reconnue ; et bon nombre de ces délicatesses de pensée et d’expression, de ces nuances dont son style est chargé, ne peuvent passer de son esprit dans l’esprit de ses lecteurs. […] La raison devant être souveraine dans tous les ordres d’idées et dans tous les genres d’écrire, il n’est d’expression juste, même dans les sujets d’imagination, que celle que la raison approuve.
comme dit l’expression populaire. […] » Ce sont là de tristes et abjectes bouffonneries, que l’expression même n’orne pas. […] Il ne l’était pas plus dans l’idée que dans l’expression ; il avait la faculté de se monter la tête, comme un acteur qu’il était. […] Diderot a dit : « naïf comme l’eau » ; expression justement admirée. […] vous avez du feu dans l’expression, ô mon pauvre grand écrivain, comme vous en aviez dans la tête !
Il force l’expression pour donner de la couleur à son style ; surtout il répète continuellement ses idées. Des pages ne sont que l’expression différente, retournée, transformée d’une même idée. […] Quand on veut le lire lentement, les expressions sont tellement boursouflées et vides qu’on éprouve une lassitude. […] En effet, chez les écrivains dont la sensibilité n’est pas encore émoussée, quelques expressions, quelques phrases rapides suffisent à peindre les objets. […] Le radotage de la même pensée seul est à éviter, mais souvent la même idée doit revenir dans l’expression de deux ou trois pensées différentes, et par suite le même mot.
ce que lui-même, en d’autres occasions, appellerait des vérités éternelles que l’expression rajeunit. […] Quelle expression lourde et fatiguée ! […] dans telle ou telle expression plus ou moins métaphysique ou métaphorique : ce qui me choque presque toujours en le lisant, c’est un ton de supériorité dans l’allure, qui perce au moment même des plus extrêmes modesties ; c’est cette outrecuidance de plume, comme me le disait un de mes amis et même des admirateurs de M. […] Nisard, il a de plus en plus, en effet, accru ses qualités sérieuses, ses connaissances diverses ; il prend intérêt à toutes sortes de choses, peinture, machines, histoire, etc., et y porte une expression abondante, redondante quelquefois, mais facile, claire, sensée, une foule d’observations morales qui plaisent à beaucoup d’esprits modérés et distingués, qui enchantent beaucoup d’esprits solides, qui ne satisfont peut-être pas toujours au même degré quelques délicats, subtils et dédaigneux. […] Ce Balzac, par exemple, qui, selon l’expression de M.
Les proportions régulières des statues antiques, l’expression calme et pure de certains tableaux, l’harmonie de la musique, l’aspect d’un beau site dans une campagne féconde, nous transportent d’un enthousiasme qui n’est pas sans analogie avec l’admiration qu’inspire le spectacle des actions honnêtes. […] Chaque fois qu’appelé à choisir entre différentes expressions, l’écrivain ou l’orateur se détermine pour celle qui rappelle l’idée la plus délicate, son esprit choisit entre ces expressions, comme son âme devrait se décider dans les actions de la vie ; et cette première habitude peut conduire à l’autre. […] Il analyse des sentiments intimes, des détails inaperçus ; et souvent une expression énergique s’attache à la vie d’un homme coupable, et fait un avec lui dans le jugement du public. […] La pureté du langage, la noblesse des expressions, image de la fierté de l’âme, sont nécessaires surtout dans un état fondé sur des bases démocratiques. […] Mais, parce que des hommes cruels ont prostitué dans leur langage des expressions généreuses, s’ensuivrait-il qu’il n’est plus permis de se rallier à de sublimes pensées ?
Patelin : expression comique de types observés et vivants. […] L’art ne se marque que par les raffinements pénibles ou baroques du rythme et de l’expression. […] Ce qui a plus de prix, c’est le naturel des sentiments, justement senti, curieusement développé par une intuition spontanée : à force de ne pas se guinder, à force de facilité à retrouver dans l’antiquité évangélique et biblique tout le détail de la vie contemporaine, nos découpeurs des Livres saints, sans art, sans goût, sans style, ont donné à quelques scènes un air de vérité aisée, qui est près de charmer, Il y a des coins de pastorale gracieuse dans le Vieux Testament, dans la Passion : mais surtout il y a quelques commencements heureux d’expression dramatique des caractères. […] La Passion de Gréban nous offrirait quelques accents vrais et touchants dans le rôle de la Vierge, ou dans le couplet de la mère de l’enfant mort, de la vérité encore dans le reniement de saint Pierre et dans le suicide de Judas, un réquisitoire d’Anne contre Jésus qui amuse comme l’involontaire expression de l’effarement irrité du bourgeois devant le socialisme révolutionnaire du fils de Dieu. […] Il est visible que dans l’esprit de l’auteur anonyme, cette veine d’observation exacte et d’expression des caractères que nous avons signalée dans la poésie narrative ou didactique, s’est rencontrée pour la première fois avec la tradition propre du théâtre comique.
L’originalité de La Bruyère : réalisme pittoresque, expression artistique. […] Son œuvre littéraire, expression de son individualité. […] Maximes et portraits sont une sensible manifestation du goût du siècle pour l’exacte vérité : ce sont deux genres faits pour la notation précise de la réalité, d’où l’invention romanesque, dramatique, poétique est exclue, où l’art littéraire s’approche autant qu’il est possible de l’expression scientifique. […] A chaque instant les expressions générales et simplement intelligibles se résolvent sous la plume de La Bruyère en petits faits sensibles454: ainsi, voulant indiquer le plaisir de faire du bien, il ne trouve pas de plus forte expression qu’une impression physique, le choc de deux regards qui se rencontrent et parlent : « Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner ». […] Qu’on détende cette forme, qu’elle devienne l’expression aisée du mouvement naturel de l’esprit, et l’on aura les petites phrases coulantes et coupantes de Voltaire.
Vielé-Griffin de l’expression directe. […] Cependant, par une défaillance peut-être de la volonté, cela ne va pas toujours jusqu’à l’ininterrompue continuité des formes, jusqu’à leur cohésion décisive en l’unité du livre ou même de chaque poème, — j’y ai fait allusion en même temps qu’à sa tendance vers l’allégorie ; et, marquée d’un défaut qu’on dirait contraire, cette expression rigoureuse et sûre peut amener de la monotonie. […] Mais une certaine indigence de mots et d’images se découvre à des prosaïsmes, à des expressions trop approximatives, qui étonnent et détonnent ; ou bien, à maintes places, un adjectif, un nom, un verbe qui ne sont plus de la langue chantée, ou qui ramènent trop près de nous. […] Encore qu’elle séduise par des beautés certaines, sa vision légendaire ne me satisfait qu’à demi ; elle n’a pas assez de verdeur ni de bonne foi crédule, on la devine trop vite maîtresse de soi, raison née, volontaire, telle qu’on la voit dans les ballades de Hugo ; d’une forme très pure, elle manque de naïveté soit innée, soit acquise, et j’en admire l’expression sans qu’elle me touche en mon intimité ; je la voudrais plus proche des contes de Perrault. […] L’un demande à tous les éléments de plastique, de musique, de syntaxe, l’expression vive et nouvelle d’une idée ; il se glorifie souvent par des luxuriances qu’on s’étonne de ne guère rencontrer dans les Cygnes.
La beauté suprême des lettres françaises, dans Molière comme dans Bossuet, qu’est-ce autre chose que l’expression parfaite des vérités de la philosophie chrétienne ? […] Il égale les plus sublimes dans ses grandes pensées sur Dieu, dont l’expression a été soutenue, mais non surpassée, par Bossuet. […] Le même art de composition qui, dans l’exposition de la doctrine, range les choses dans leur ordre et leur proportion, se fait voir dans le langage, par la suite, la gradation, l’exactitude des expressions, qui, pour le plus grand nombre, sont définitives. […] Par une autre conformité non moins marquée avec cet esprit, tandis que Rabelais se modelait sur les Grecs, Calvin se formait sur la langue latine, et en naturalisait parmi nous bon nombre de tours et d’expressions qui y sont demeurés. Outre la gloire d’être la langue du culte chrétien, la langue dans laquelle toute l’Europe du moyen âge avait prié et pensé, le latin, expression de la loi civile, des actes publics, et en général de tout ce qui règle, discipline et lie, s’adaptait mieux au génie de notre pays.
Le sentiment qui le jette hors de lui et le porte en avant, est surtout moral : c’est la haine de l’homme intelligent contre les brouillons, de l’homme d’esprit contre la sottise, de l’homme de cœur contre les lâches manœuvres et les infamies ; c’est le dédain d’un stoïcien passionné et méprisant contre la tourbe de ceux qui suivent le torrent populaire et qui flagornent aujourd’hui la multitude comme ils auraient hier adulé les rois ; c’est l’expression irrésistible d’une noble satire qui lui échappe, qui se profère avec indignation et bonheur, qui se satisfait quand même, dût-elle ne produire d’autre effet en s’exhalant que de soulager une bile généreuse. […] Se séparant, pour le mieux flétrir, du faux bon ton qui n’avait jamais été le sien, et revendiquant le vrai bon ton éternel et naturel, celui qui est tel pour toute âme bien née, et qu’aucune révolution n’est en droit d’abolir : Tout homme qui a une âme bonne et franche, s’écriait-il, n’a-t-il pas en soi une justesse de sentiment et de pensées, une dignité d’expressions, une gaieté facile et décente, un respect pour les vraies bienséances, qui est en effet le bon ton, puisque l’honnêteté n’en aura jamais d’autre ? […] Par un sentiment délicat, il voudrait faire arriver une parole de consolation à son cœur : Puisse-t-il lire avec quelque plaisir, écrit-il, ces expressions d’une respectueuse estime de la part d’un homme sans intérêts comme sans désirs, qui n’a jamais écrit que sous la dictée de sa conscience ; à qui le langage des courtisans sera toujours inconnu ; aussi passionné que personne pour la véritable égalité, mais qui rougirait de lui-même s’il refusait un éclatant hommage à des actions vertueuses par lesquelles un roi s’efforce d’expier les maux que tant d’autres rois ont faits aux hommes ! […] Tel est, dans cette admirable pièce, l’ordre et la suite des idées, dont chacune revêt tour à tour son expression la plus propre, l’expression hardie à la fois, savante et naïve. […] Ici le butor se fâche, croyant qu’on a voulu le railler avec cette expression de maison de commerce.
Quelle lâcheté ou quelle sottise y a-t-il à désirer que l’artiste, supérieur aux autres par ses moyens d’expression, reste d’ailleurs un homme autant qu’il se peut ? […] Comme la peinture est proprement leur sphère et leur centre, ils s’attaquent au plus grand des classiques en peinture ; ils louent Raphaël (si c’est là le louer) dans des termes qui le rabaissent singulièrement : « Raphaël a créé, disent-ils, le type classique de la Vierge par la perfection de la beauté vulgaire, par le contraire absolu de la beauté que le Vinci chercha dans l’exquisité du type et la rareté de l’expression. […] A un endroit ils nous montrent une entrée de bal, un défilé de femmes au moment où elles arrivent dans le salon : il y en a six, six profils de suite décrits par eux avec un art, un soin, une ciselure, une miniature des plus achevées ; mais les peintres écrivains ont beau faire, ils ont beau dire, ils ont beau multiplier et différencier les comparaisons de médaillons et de camées, je ne me fais pas une idée distincte de ces six têtes, je les confonds malgré moi : six, c’est trop pour mon imagination un peu faible ; la prose n’y suffit pas : j’aurais besoin d’avoir les objets mêmes sous les yeux, ici la confusion des moyens d’expression entre un art et l’autre est sensible. […] Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant. […] L’usufruit d’uno agrégation de molécules. » Ils s’arrêtent, d’ailleurs, à temps comme Rivarol, dans l’expression de la non-croyance ; en ce genre ils n’affichent rien : « Lorsque l’incrédulité devient une foi, pensent-ils, elle est moins raisonnable qu’une religion. » Leur incrédulité reste celle de gens comme il faut119. — Moralistes, ils ont des sorties misanthropiques à la Chamfort : « On est dégoûté des choses par ceux qui les obtiennent, des femmes par ceux qu’elles ont aimés, des maisons où on est reçu par ceux qu’on y reçoit. » Je crois avoir assez marqué la variété de ce Recueil, qui gagnerait à ce qu’on en retranchât, à la réimpression, une vingtaine de pensées par trop recherchées et aussi énigmatiques par le fond que par la forme.
Celles-ci ne sont pas froides et inanimées ; elles sont générales sans être abstraites ; leur expression est souvent véhémente et passionnée ; on y sent pour ainsi dire le romancier : elles ont conservé quelque chose du sol où elles sont nées. […] Or, cela étant, supposez qu’il s’introduise tout à coup dans une langue une figure qui permette de substituer continuellement à des termes abstraits des images, à l’expression propre une expression vague-et indéterminée ; et voyez-en l’effet. […] Mais encore une fois ce n’est pas son but ; et quand il arrive au génie, il oublie ses deux images, il brise ses deux miroirs, et, au lieu de contempler son objet spirituel dans un emblème physique, il change d’inspiration, il se sert d’expressions abstraites ; il parle des accès d’une sainte manie , de l’ardeur qui le possède ; il prend ses figures à toutes sources : rien n’est suivi ; c’est une manière fragmentaire et hachée. […] Les pieds d’acier , les froides ailes , toutes les expressions qui étaient prises au propre reviennent au figuré.
Le désir et l’espoir me prennent de tirer quelque chose de chacun de ces volumes ; car pour peu qu’il y ait au fond une nature de poète, si incomplète qu’elle soit, on a chance d’y rencontrer tel accent, telle note, telle particularité d’expression et de sentiment qui ne se retrouvera plus. […] M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie. […] Laurent-Pichat s’est détaché depuis et s’est fait remarquer par ses Libres paroles (1847), où il a trouvé pour l’expression de ses sentiments, de ses doutes, de ses interrogations généreuses, plus d’un accent et d’un cri où l’on surprend comme un écho de Byron. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] On ne saurait rendre l’ampleur et le procédé habituel de cette poésie, si on ne l’a entendue dans son récitatif lent et majestueux ; c’est un flot large et continu, une poésie amante de l’idéal, et dont l’expression est toute faite aussi pour des lèvres harmonieuses et amies du nombre.
La Révolution, disent-ils, a tout changé parmi nous, les institutions et la société, les principes et le caractère : il faut que la littérature, expression naturelle de toutes ces choses, participe au changement universel. […] Si je vois l’élégant Racine prêter quelquefois à des personnages de la Grèce héroïque, les sentiments raffinés et les expressions polies des courtisans de Louis XIV, je vois plus souvent le sauvage Shakespeare transporter dans tous les temps et dans tous les pays où l’entraîne sa Muse vagabonde, les idées, les préjugés, les mœurs et le langage des bourgeois de Londres sous la reine Élisabeth. […] Mais l’innocente joie et la franche gaîté ont bien aussi leurs charmes ; et l’expression du bonheur est peut-être un hymne aussi respectueux pour le Dieu de qui nous tenons la vie, que ces éternelles lamentations qui semblent la lui reprocher comme un don funeste. […] On fait des expressions trouvées avec des barbarismes, des tours nouveaux avec des solécismes, et des idées neuves avec des termes impropres. […] Quoi que vous écriviez, enfin, respectez cette langue qui a suffi à l’expression de toutes les pensées et de tous les sentiments, et qu’on ne viole jamais que par l’impuissance de la bien employer.
Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit. […] Rien n’est si aisé que de traduire Cicéron, si l’on se contente d’exprimer en gros le sens de la phrase : Cicéron n’est pas seulement le plus clair, il est le plus lumineux des écrivains ; rien n’est si difficile, si l’on veut pénétrer dans les nuances, saisir ce rayon fugitif qui brille en passant dans chaque expression, ne jamais prendre pour des synonymes ces mots qui ne complètent l’harmonie de la période qu’en représentant toutes les faces de la pensée. […] On peut dire, en effet, de sa critique, en y appliquant une expression que Cicéron emploie pour l’éloquence, qu’elle a commencé à blanchir de bonne heure. […] Il ne faudrait pourtant pas trop presser ce juste milieu religieux et moral en tant que système : cela n’a toute valeur que comme expression d’une nature individuelle, et ce qui en fait la force en M. de Sacy, c’est d’être avant tout porté par un bon fonds, préparé de longue main.
1835 Le talent de poésie tel qu’on aime à se le figurer, de poésie lyrique principalement, semble n’être départi à quelques êtres privilégiés que pour rendre avec harmonie les sentiments dont leur âme est émue, l’expression ne faisant que suivre en modération ou en énergie le soupir intérieur, comme la gaze suit les battements du sein, comme la voile se prête au vent. […] Quelques génies heureux, parmi les lyriques, semblent, au contraire, conserver jusqu’au bout un accord égal, facile, entre la sensibilité et son expression. […] Mais, pour ces natures mêmes, il est vrai de dire qu’il y a du talent, du génie en plus, disponible encore après l’expression des choses nties. […] Ces talents inférieurs à leur sensibilité, d’une expression bien souvent en deçà de l’émotion, ces talents qui ne parviennent à rendre ce qu’ils veulent que rarement, et une fois dans leur vie peut-être, ont un charme particulier à côté des autres plus grands ; ils sont très-sincères.
Des yeux d’un bleu noir comme ceux de ma mère ; des traits accentués, mais adoucis par une expression un peu pensive, comme était la sienne ; un éblouissant rayon de joie intérieure éclairant tout ce visage ; des cheveux très souples et très fins, d’un brun doré comme l’écorce mûre de la châtaigne, tombant en ondes plutôt qu’en boucles sur mon cou bruni par le hâle (je supprime, j’en demande pardon à l’auteur, quelques détails sur la finesse de la peau)… En tout, le portrait de ma mère avec l’accent viril dans l’expression : voilà l’enfant que j’étais alors. […] à peine a-t-il commencé à le leur traduire, qu’à l’instant la scène change, les physionomies s’animent, tout a pris une expression d’attention et de recueillement, indice certain de l’émotion du cœur. […] ce feu d’une passion qui s’allume à l’autre, ce roman qui va naître du roman, aura-t-il la même pureté, la même simplicité d’expression ?
Mais quand un autre se substitue à elle dans l’expression de souvenirs personnels, et qui n’ont d’autre valeur peut-être que parce qu’ils sont personnels, cet autre — fût-ce une femme, plus flexible qu’un homme pour cette interprétation si délicate et si difficile, — devrait prouver qu’il peut aborder une difficulté si grande en montrant qu’il a profondément compris la personne dont il prend la place, et il doit au moins la peindre ressemblante pour avoir le droit de la remplacer. […] « Elle avait une taille souple et élégante, des épaules de la plus admirable forme, une bouche petite et vermeille, des bras charmants… des cheveux châtains naturellement bouclés, le nez délicat et régulier mais bien français, — (comme la narration) ; — une physionomie pleine de candeur et quelquefois de malice, et que l’expression de la bonté rendait — (malgré la malice ?) […] Ce portrait, fait d’expressions abstraites, excepté la bouche vermeille et les cheveux châtains, nous donne certainement une jolie femme, abstraite aussi ; mais en quoi cela fait-il Madame Récamier ? […] Qui s’est plaint de la publication des lettres d’Eugénie de Guérin, par exemple, dans lesquelles un génie nouveau d’expression s’est révélé avec un éclat si profond et si doux ?
En deux lignes, Saint-Simon vous campe le bonhomme sur ses jambes, dans son attitude favorite, avec son expression particulière de physionomie : ailleurs il le développe, le fouille, en dévide les entrailles, n’y laisse rien d’obscur ou d’inexpliqué. […] Saint-Simon a égalé sa puissance d’expression à sa puissance de sensation : c’est tout dire. […] Aucune intention littéraire n’intervient dans le choix de l’expression.
Je vais y concourir pêle-mêle, qu’on me passe cette expression, la société dite des précieuses, et séparément la société choisie. […] La raison de cette différence est que la littérature d’une nation est l’expression de ses mœurs. […] On souffrait à l’idée de revêtir ses pensées d’expressions nobles et vigoureuses, ou de voir quelqu’un pénétré des sentiments d’une personne.
Pour employer une de ses expressions en parlant de la gloire, la sienne, en paraissant et en s’étendant, ne fit aucun remue-ménage. […] Quand, au xixe siècle, on réédite et l’on commente les Caractères de La Bruyère, après les gens de goût, cette race de lilliputiens littéraires, après Coste, Suard, Auger, madame de Genlis, il est exigé par la Critique du xixe siècle, cette Critique qui s’élève jusqu’aux idées par l’expression et jusqu’à l’homme par les idées, de creuser plus avant que des remarques grammaticales et des appréciations de Le Batteux. […] , nous donnerons des explications et des éclaircissements… » Et, de fait, il en donne alors, mais encore, selon nous, d’une façon beaucoup trop rapide ; car, en n’appuyant pas sur cette partie de son sujet, il manque la critique et il manque l’histoire, et, comme dit l’expression pittoresque et vulgaire, il reste assis par terre entre deux selles, le commentateur !
Des esprits plus prévenus, plus préoccupés, ne virent bientôt plus seulement une philosophie dans l’œuvre du Dante, mais l’expression voilée de doctrines mystérieuses et séculaires, un parler clus, comme on disait avec un ineffable ridicule, un ridicule qui n’était pas clus, cachant, ce parler clus, comme un complot, le secret de l’avenir, comme il avait caché celui du passé. […] leur propre expression à eux-mêmes avant d’être celle de leur temps, selon l’infatuation de celui-ci. […] Écrivain qui n’est pas toujours correct, je l’en avertis, mais qui est brusque et familier dans le tour et dans l’expression, ce dont je le loue, qui a des besoins de force, mais qui n’a pas la force venue, la force qu’il aura plus tard, son mérite n’est pas actuellement dans son style, mais dans la fermeté avec laquelle il attache son jeune regard auquel les cils, je crois, poussent encore, sur ce flamboiement de l’enfer et sur cette lumière du paradis qui s’appellent également le Dante.
Le poète, qu’il le veuille ou non, qu’il y pense ou qu’il n’y pense pas, est un lakiste, un lakiste attardé qui mêle la description, la description éternelle à l’éjaculation lyrique, et qui malgré ses prétentions à la force, à l’expression simple et à pleine main, a parfois les gaucheries et les vulgarismes de Wordsworth sans en avoir la longue et magnifique rêverie… M. de Laprade veut être naïf ; mais on ne veut pas être naïf, on l’est quand on peut. De nature, il est bien plus solennel qu’autre chose, monté haut sur pattes, échassier, sinon d’expression, au moins de port et de démarche, il a peine à se rabaisser, sans disgrâce, jusqu’à l’expression familière que l’écrivain doit prendre, comme l’oiseau prend le grain sur l’aire, pour l’élever, en l’emportant !
C’est dommage qu’une trop grande abondance d’expressions poétiques, recherchées, qu’une surcharge d’épithetes, que des détails quelquefois minutieux, ôtent à ses Histoires cette vivacité qui entraîne, cette aisance qui plaît, cette gravité qui recommande également le Personnage & l’Historien. […] Ses Poésies annoncent une imagination douce & brillante ; les expressions en sont naturelles & délicates, le style simple & plein de graces ingénues.
On reconnaît ceux du bel âge de la France à la fermeté de leur style, au peu de recherche de leurs expressions, à la simplicité de leurs tours, et pourtant à une certaine construction de phrase grecque et latine qui, sans nuire au génie de la langue française, annonce les modèles dont ces hommes s’étaient nourris. […] Nous avons entendu critiquer la prose du siècle de Louis XIV, comme manquant d’harmonie, d’élégance et de justesse dans l’expression.
L’expression philosophie positive étant constamment employée, dans toute l’étendue de ce cours, suivant une acception rigoureusement invariable, il m’a paru superflu de la définir autrement que par l’usage uniforme que j’en ai toujours fait. […] En outre, l’expression philosophie naturelle est usitée, en Angleterre, pour désigner l’ensemble des diverses sciences d’observation considérées jusque dans leurs spécialités les plus détaillées ; au lieu que, par philosophie positive, comparé à sciences positives, j’entends seulement l’étude propre des généralités des différentes sciences, conçues comme soumises à une méthode unique, et comme formant les différentes parties d’un plan général de recherches.
La nature ne fournit presque rien à l’expression. […] Nous n’avions encore composé que des chansons, et comme ces petits poëmes ne sont destinez qu’à l’expression de quelques sentimens, ils n’avoient pas donné lieu à faire sur la poësie lyrique les observations que nous avons pû faire depuis.
Nibelle, comme inspiration et comme forme, a goûté à cette candide coupe de lait écumant dans laquelle buvait Yorick… Lorsque la visée commune est la force, soit dans l’expression des caractères ou des passions, soit dans les situations dramatiques, à une époque de corruption et de décadence où l’on a transporté dans le langage, cette forme rationnelle de la pensée, la couleur torrentielle des peintres les plus éclatants, il faut savoir bon gré à un jeune homme d’avoir, dans ses premiers récits, été sobre et simple comme s’il avait eu l’expérience, et de ne s’être adressé qu’aux saintes naïvetés du cœur pour plaire et pour intéresser. […] Le caractère, en effet, l’originalité, l’individualité dans l’expression sensible, voilà ce qu’on désirerait davantage quand on se rend compte du talent de Nibelle.
mais quel intérêt à ces lois, si nous n’espérions pas y trouver l’expression de quelque rapport inaperçu du langage avec la pensée ? […] Je cite les expressions du nouvel éditeur. […] Ou si non, que devient cette belle ordonnance que vous me promettiez, et pour emprunter les expressions de M. […] Ce sont aussi les expressions de Grimm dans sa Correspondance. […] Sans doute, c’était une raillerie : depuis Chateaubriand, ce pourrait être l’expression de la vérité.
Ponsard a prouvé, une fois de plus, dans ce discours académique, que là, comme au théâtre, il y a des cordes qu’il sait faire vibrer, et que, sans trop d’art ni de raffinement, sans trop demander à l’expression, et en disant directement les choses comme il les pense et comme il les sent, son talent a en soi une force qui vient de l’âme et qui parle aux âmes. […] Je n’ai voulu ici, pour me servir de l’expression même de M.
Écoutez parler Clémentine ; ses expressions sont peut-être encore plus naturelles, plus touchantes et plus sublimement naïves que celles de Julie : Je consens, monsieur, du fond de mon cœur (c’est très sérieusement, comme vous voyez), que vous n’ayez que de la haine, du mépris, de l’horreur pour la malheureuse Clémentine ; mais je vous conjure, pour l’intérêt de votre âme immortelle, de vous attacher à la véritable l’Église. […] Il y a toutefois dans ce morceau un mélange vicieux d’expressions métaphysiques, et de langage naturel.
Le commerce des femmes, qui ont l’esprit cultivé, ne fait que le perfectionner, & lui inspire des tours heureux, des expressions naturelles, élégantes, ingénieuses. […] On y ridiculise l’affectation à courir après les mots nouveaux, les pensées énigmatiques, les tours recherchés, les petites sentences coupées, ces finesses, ces expressions, ces traits saillans, ces gaités, ces familiarités ingénieuses, tous ces jeux d’une imagination déréglée, qui sont l’esprit des sots. […] Il gémit, à l’imitation de Pétrone, de ce que le stile n’a plus de nerfs, de ce qu’on sacrifie la force & la simplicité d’expression à de petites phrases bien arrondies, pleines de miel, & assaisonnées de pavots .
Où il n’est pas, l’expression manque, c’est-à-dire la flamme et la vie. […] Et où l’expression est, au contraire, l’invention, quelle qu’elle soit, fût-elle de l’ordre le plus froidement et le plus prosaïquement scientifique, a doublé. […] Toutes ces choses, il faut les voir dans ce poème incroyable, que Raphaël essaierait peut-être de peindre, s’il revenait au monde, et où les traits pareils a ceux-ci tombent à travers des magnificences d’expressions radieuses, comme de blanches larmes divines : Puisque vous êtes beau, vous êtes bon sans doute !
Dans ces poèmes naïfs, épouvantés et mystérieux, l’expression ne défaille presque jamais, mais elle défaillerait, que le sentiment intérieur qui y circule et qui les anime suffirait pour nous toucher et pour nous saisir. […] Pécontal possède plus que personne, mais auxquelles l’esprit de notre époque préfère le rythme, tourmenté, poli, aiguisé, affiné, savant enfin et si souvent vide ; le rythme, dernière expression de la beauté poétique, et que l’Imagination dégoûtée finira par rejeter, pour sa peine d’avoir rejeté l’âme, — comme le roi de Thulé jeta à la mer sa coupe épuisée, quand ses yeux mourants n’eurent plus de larmes pour la remplir ! […] Il doit porter en lui leur accent spontané et profond auquel il doit joindre l’expression du poète de langue et de société avancée.
Aussi, dédaigneux des belles formes du corps, ne recherche-t-il que l’expression et le genre de beauté qui peut le mieux la faire ressortir. […] Or Victor Hugo a possédé à un degré unique cette faculté suprême de l’expression : le génie des mots. […] L’auteur passe sous silence, entièrement, celles de ses années où il n’a pas combattu, qui furent, selon ses expressions, « inertes et inutiles ». […] En la déposant sur le lit, il me sembla voir sur son visage l’expression de la mort. […] Chez M. de Amicis, la nature est toujours simple, et si je puis me servir de cette expression, égale à elle-même.
Développant pour la première fois cette pensée qu’il a depuis résumée ainsi et qui fait loi : « La littérature est l’expression de la société », M. de Bonald examine dans leurs rapports la décadence des arts et celle des mœurs : « Ce serait, ce me semble, nous dit-il, le sujet d’un ouvrage de littérature politique bien intéressant, que le rapprochement de l’état des arts chez les divers peuples avec la nature de leurs institutions. » Et il en donne à sa manière un aperçu, indiquant que la plus grande perfection des arts et des lettres, comme il les conçoit, répond généralement à l’état le plus parfait des institutions sociales, c’est-à-dire à la monarchie. […] Il a, même dans les choses vraies qu’il énonce, de ces expressions et de ces manières de dire qui sont le contraire de l’insinuant. […] Pour montrer le degré de rigueur et d’absolu de la vérité qui se mesure à l’étendue même des lumières et de la certitude, il a pu écrire : « L’homme le plus éclairé sera l’homme le moins indifférent ou le moins tolérant ; et l’Être souverainement intelligent doit être, par une nécessité de sa nature, souverainement intolérant des opinions 56. » Voilà Dieu compromis, dans la bouche d’un homme pieux, par une expression malheureuse. […] L’expression est exacte sans doute pour un croyant, mais ce sont là de ces exactitudes qu’évitent les charitables et à la fois les habiles, ceux qui veulent gagner et amener l’esprit des hommes, et qui savent les endroits sensibles de leur cœur. […] En disant les mêmes choses que Bonald, Joseph de Maistre est hardi, impétueux, varié ; il semble presque un génie libéral par la verve et la couleur de l’expression ; il a des poussées et des sorties qui déjouent le système ; tandis que l’autre, vigoureux, subtil, profond, roide et strict, s’y renferme invariablement61.
À tout instant, des expressions heureuses, trouvées, ce qu’on peut appeler l’imagination dans le style, s’y montre et s’y joue, ni plus ni moins que si l’auteur était chez soi et s’animait, chemin faisant, de sa propre pensée. […] Les peuples hantoient et trafiquoient les uns avec les autres sans crainte ne danger, et s’entrevisitoient en toute cordiale hospitalité, comme si la sapience de Numa eût été une vive source de toutes bonnes et honnêtes choses, de laquelle plusieurs ruisseaux se fussent dérivés pour arroser toute l’Italie, et que la tranquillité de sa prudence se fût de main en main communiquée à tout le monde… J’abrège à regret cette phrase coulante et infinie d’Amyot, qui n’est pas terminée encore ; mais on a senti le charme qui pénètre, et ce génie de l’expression qui, sans lutte, sans effort, s’anime et s’inspire de son modèle. […] Notez, chemin faisant, que d’expressions vives, parlantes, toutes fidèles, ou mieux que si elles étaient littéralement fidèles, car elles sont trouvées, une ville bouillante, attiédir cette fierté de courage, un peuple si haut à la main, se couler tout doucement ès cœurs des hommes, etc. : que de jolis mots qui sentent leur jet de veine et leur liberté naïve ! […] Amyot délaie quelquefois l’expression de Plutarque, mais le plus souvent il se contente de la développer et de la déplier pour nous l’offrir plus légère. […] La jeunesse, qui se plaît aux choses d’amour, ne lui a pas su un moindre gré, alors et depuis, de sa ravissante traduction du petit roman de Daphnis et Chloé, chef-d’œuvre que Paul-Louis Courier a retouché, corrigé et réparé quant au sens, tout en y respectant les belles et naïves expressions du premier interprète, et en les imitant de son mieux dans les parties inédites qu’il a retrouvées.
c’est une de ces expressions neuves, de ces alliances hardiment heureuses, comme Le Brun les cherche toujours et les rencontre quelquefois. C’est ainsi qu’il a dit encore des « âmes de gloire effrénées », des « navires effrénés », et tant d’autres expressions qui lui ont été reprochées si souvent. […] Alors le mépris, la fureur, la haine éclataient : les expressions les plus avilissantes sortaient de sa bouche, et presque toujours étaient accompagnées de traitements barbares. […] Aussi, rien n’égala la fureur du poète, et il en a consacré l’expression dans une pièce atroce À Némésis, qu’on a placée à la fin du premier livre de ses Élégies. […] [NdA] Dans l’ode sur Le Triomphe de nos paysages, où le poète a déployé un si ingénieux abus de la mythologie, je trouve pourtant quelque mollesse heureuse d’expression, dans cette strophe par exemple : Serait-ce l’onde du Pénée Qui serpente dans ces vallons ?
Malgré l’expression qui veut les réchauffer, on sent comme un froid vipérin s’exhalant de toutes ces pages mortes et déjà fétides, de toutes ces vésanies allemandes dont un Français avait mieux à faire que de se faire le chiffonnier ! […] Écrites avec pureté, et quelquefois avec une transparence colorée, ces Études, logiquement et scientifiquement sans valeur, ont des détails qui attireront, qui ont attiré déjà les esprits de peu de pensée et qui aiment l’expression partout où elle s’attache. […] Les expressions de Moïse sont pleines et précieuses. […] « Cette expression de premier jour (dit-il à la page 19 de sa préface) n’est-elle qu’une métaphore pour désigner un état plus ou moins long durant lequel s’accomplit le mystère de l’apparition de la conscience ? […] Renan prétende que le sourd-muet se crée tout seul des moyens d’expression (page 97) supérieurs à ceux qu’on lui enseigne ; ce qui prouve que l’abbé de l’Épée était un sot.
Jullien : « De l’aveu même de Richard Wagner, Tristan et Iseult est l’expression la plus fidèle et la plus vivante de ses idées théoriques » (p. 156), et lorsque M. […] Ce dernier est le poème qui a, chronologiquement, immédiatement précédé Tristan ; c’est dans lui que Wagner a atteint la plus merveilleuse concision et force d’expression. […] C’est cette obstination à ne pas vouloir reconnaître dans son œuvre l’unité vivante de plusieurs moyens d’expression tendant à un seul but, qui est la cause de tous les malentendus. […] Devant une œuvre d’art aussi admirable, on sent la futilité de telles expressions. […] Et surtout elle nous apparaît comme l’œuvre initiale dans un nouveau domaine de l’art ; elle nous découvre tout un monde de possibilités d’expression.
Pour peu qu’on ait lu, on sait que le mot poésie ne saurait être appliqué à toutes les œuvres où l’expression affecte une forme rythmique fixe, à toutes les œuvres versifiées. […] Enfin, en suprême artiste de la prose, Tolstoï suggère les puissantes émotions qu’il suscite par la nature même de tout ce qu’il ouvre, non sans y mêler trop souvent encore des accents personnels, l’expression d’une sensibilité maladive qui depuis sa prédominance a fait de lui un moraliste mystique et détaché du monde. […] Comme le penseur ne s’admire que pour avoir, lui existant, imaginé le terme de tout ce qu’il perçoit, il sent sourdre en lui l’envie de durer sans lin au-dessus des êtres matériels passagers ; et veut du moins que l’expression de sa pensée subsiste dans une humanité perpétuellement respectueuse et admiratrice. […] Amiel sont de bonnes expressions. […] Les romantiques par la description à laquelle ils s’astreignaient de tout ce monde extérieur qui provoque de si vifs mouvements d’âme, par le souci de trouve une forme d’expression qui rendît ces puissantes passions qu’ils voulaient montrer, furent des stylistes ; ils se tirent, avec mille peines, une langue nouvelle, compliquée et riche, que leurs successeurs travaillèrent encore.
Quand il a eu son cahier d’expressions à peu près fourni, il s’est mis en quête de sujets appropriés à son jargon d’emprunt. […] L’ouvrage comprend sept leçons, pleines d’idées fines et d’aperçus originaux ; l’expression en est grave et charmante. […] Ces vers, pénétrés de pensée, et délicats autant que fermes d’expression, furent couronnés, en 1901, par l’Académie française. […] L’expression, si heureusement trouvée, « le duel ininterrompu », est de M. […] Mais déjà les menus détails sont vus par un autre œil plus sensible, plus scrutateur, et, si je puis risquer l’expression, plus tenace.
Mais le vers est déjà d’une frappe excellente, l’expression franche, le style vigoureux. […] Plutôt encore, suivant l’heureuse expression de Mallarmé, une « allusion ». […] Laforgue a conçu l’Art comme un moyen d’expression. […] Le poète y trouve l’expression figurée de l’éternelle rêverie de l’âme humaine. […] L’expression est belle et elle est juste.
Connu déjà par son grand essai de musique sévère et haute, l’auteur, ce me semble, a dû naturellement chercher à ses intimes pensées une expression plus précise et plus voisine encore de l’âme. […] Ce volume en fait la réponse naturelle, très en harmonie avec les accords qui l’ont provoquée ; il est, après dix ans, l’expression en poésie de ces saisons déjà anciennes, décorées et embellies encore par le souvenir. […] Et puis cette expression muselé est bien forte, bien matérielle ; autrefois on eût dit enchaîné. […] Suivant une expression de mademoiselle Bertin, elle aussi, elle est arrivée à la onzième heure de poésie ; j’espère que de même elle aura sa part (et elle la mérite) à côté de plus d’un qui a devancé.
Cette vérité dans les expressions de l’amour et les tableaux de la nature, à travers toutes les inventions les plus bizarres, produit un effet remarquable. […] Mais en lisant les tragédies allemandes qui ont acquis de la célébrité, l’on trouve souvent des mots, des expressions, des idées qui vous révèlent en vous-même des sentiments étouffés ou contenus par la régularité des rapports et des liens de la société. Ces expressions vous raniment, vous transportent, vous persuadent un moment que vous allez vous élever au-dessus de tous les égards factices, de toutes les formes commandées, et qu’après une longue contrainte, le premier ami que vous retrouverez, c’est votre propre caractère, c’est vous-même. […] Leur génie leur inspire souvent les expressions les plus simples pour les passions les plus nobles ; mais quand ils se perdent dans l’obscurité, l’intérêt ne peut plus les suivre, ni la raison les approuver.
En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener et à caresser vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant. […] Laissez-vous faire, ne craignez pas tant de sentir comme les autres, n’avez jamais peur d’être trop commun ; vous aurez toujours assez, dans votre finesse d’expression, de quoi vous distinguer.
Mais une fois touché, son cœur va vite, et ses lettres (car le roman est par lettres) sont une expression souvent terrible de sa fougueuse passion. […] Et d’abord le style, quoique peu simple, se distingue par une singulière vigueur d’allure et d’expression.
Quand les poëtes et les peintres les mieux inspirez donnent, ou des poëmes composez d’un petit nombre de vers ou des tableaux qui ne contiennent qu’une figure sans expression et posée dans une attitude commune, ces productions sont exposées à des paralelles odieux. […] Les faiseurs de pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d’un grand artisan, et qu’on expose sous son nom, bien qu’il ne les ait jamais vûs, les faiseurs de pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l’ordonnance, ni le coloris, ni l’expression des grands maîtres.
Jamais on n’a pensé à s’inspirer de Ronsard et de ses contemporains poètes, mais seulement à leur emprunter quelques expressions heureuses, quelques couleurs neuves et fraîches, et des formes habiles de rythme. […] Il a trouvé pour quelques-uns de ces regrets naturels qui reviennent sans cesse, sur la beauté évanouie, sur la fuite des ans, l’expressionla meilleure et définitive, une expression vraie, charmante, légère, et qui chante à jamais au cœur et à l’oreille de celui qui l'a une fois entendue. […] Chez Mellin de Saint-Gelais, c’est à la fois délayé et rude ; il n’y a guère qu’un ou deux bons vers ; le traducteur ne lutte pas d’expression, il n’essaye pas ; sa langue n’est pas faite, son instrument n’est pas sûr ; l’art est absent ; il ne fait, en quelque sorte, que dégrossir son Ancien. […] Les expressions ne correspondent pas entre elles ; l’analogie est violée ; on ne folâtre pas sur un bâton. il faudrait chevauchait, cavalcadait. […] Couleur, vérité, expression, elle est partout où vous la voudrez prendre.
Je sais bien que lord Chesterfield, ce vieux damoiseau du xviiie siècle, avec sa manière de concevoir la vie élégante de son temps (car il n’y a pas de vie élégante absolue), a fait plus d’une fois sourire la race orgueilleuse de ces « Beaux » de l’époque du prince de Galles et de Brummell, qui cherchèrent et trouvèrent leur expression littéraire dans les premiers romans de Bulwer. […] Et je ne parle que de l’expression. […] Ils ne sont ni l’expression d’une société vivante, ni même l’œuvre d’un homme vivant ; car Balzac semble avoir traversé le tombeau pour les écrire et pris une âme de ce passé qu’il a voulu peindre. […] Dans les Contes drolatiques, au contraire, la naïveté et la bonhomie ont une expression continue, et versent partout les lueurs de leur surprise ou les ombres de leur profondeur. […] Dans ces Contes, Balzac est donc supérieur, par la continuité du sentiment et le naturel de l’expression, à ce qu’il est dans La Comédie humaine.
La prononciation, le sort de certains mots semblaient être encore, selon l’expression des Grecs, sur le tranchant du rasoir : il dépendait d’un rien qu’on allât à droite ou à gauche. […] La pureté du langage et du style n’est pas la netteté ; elle est plus élémentaire, sinon plus essentielle ; elle consiste « aux mots, aux phrases, aux particules, et en la syntaxe. » La netteté ne dépend que « de l’arrangement, de la structure, ou de la situation des mots, de tout ce qui contribue à la clarté de l’expression. » Emendata oratio, c’est la pureté ; dilucida oratio, c’est la netteté. […] Mon intention est d’en ôter simplement les scrupules dont beaucoup d’esprits sont cruellement gênés, et d’adoucir les peines que se donnent là-dessus des personnes qui porteraient bien plus loin leurs méditations, si ce qu’ils ont de plus vive chaleur ne se perdait par la longueur de l’expression et n’était comme éteint par la crainte d’y commettre quelque faute. […] Baser est une expression juste et qui n’a pas son équivalent dans une discussion de finances et de budget. […] » Voilà l’expression propre.
Nos grands poètes empruntent un sujet pour le mieux disposer, des scènes, pour les lier plus étroitement ; des détails ou des expressions, pour les inventer dans notre langue. […] Par quel art ce Shakespeare, ce génie si âpre et si terrible, parvient-il à trouver les plus gracieuses, les plus délicates expressions de l’amour ? […] On sait quels mots Racine a su ennoblir, et que sous sa plume savante, l’expression la plus propre et la plus simple demeure la plus tragique. […] Enfin le style du premier admettra tour à tour l’emphase de la poésie et les familiarités de la prose ; celui du second, soumis à des lois austères, restera toujours poétique, sans jamais cesser d’être l’expression la plus naturelle et par conséquent la plus élégante des pensées et des sentiments de chaque personnage. […] voilà ce que je voudrais bien savoir, étant persuadé que toute expression vague correspond à quelque erreur, à quelque illusion pernicieuse.
Parmi les Mémoires, ceux de Saint-Simon sont seuls écrits avec cette force de pensée et d’expression qui élève les Mémoires au rang des ouvrages d’art. […] Fallait-il que Mme de Sévigné eût de l’esprit pour tout le monde excepté pour sa fille, et en toutes choses excepté dans l’expression de ses sentiments les plus vrais ? […] Elle semble s’en échapper comme à son insu, tant l’expression en est soudaine et naïve ; mais regardez bien : il y est amené par la raison, et ce qui éclate tout à coup dans son discours, c’est plutôt la force de la conviction que la surprise. […] C’est la même audace dans le tour, le même imprévu dans l’expression, la même domination sur la langue française. […] Il est loin d’être irréprochable, comme Bossuet, sur la propriété des termes ; mais c’est moins pour être resté, faute de force, en deçà de l’expression juste, que pour s’être emporté au-delà.
C’étaient des élancements qui ressemblaient à des envolées d’oiseau blessé, en même temps que sur sa figure apaisée, aux yeux congestionnés de sang, au front tout blanc, à la bouche entr’ouverte et pâlement violette, était venue une expression qui n’était plus humaine, l’expression voilée et mystérieuse d’un Vinci. […] * * * L’expression de son visage, sous sa couleur dorée et enfumée, prend avec les minutes, de plus en plus l’expression d’une tête du Vinci ; et dans les traits de sa figure, je retrouve le mystère des yeux et l’énigme de la bouche de ce jeune homme, qui se trouve, dans je ne sais quel vieux et quel noir tableau d’un musée d’Italie. […] * * * Dans ses yeux une expression de souffrance et de misère indicible. […] * * * En me relevant ce matin de mon lit, où j’ai dormi quelques heures, je le trouve gardant son expression d’hier, mais sous la coloration jaune d’une cire exposée à la chaleur.
Villemain, un des premiers, concevant l’œuvre d’art comme l’expression d’une société, joignit à ses jugements l’histoire des auteurs et de leurs époques. […] Ainsi, ayant nous-même admis que l’émotion esthétique supérieure est une émotion sociale, nous accorderons volontiers que l’expression supérieure de la société est la caractéristique de l’œuvre supérieure, mais à la condition qu’il ne s’agisse pas seulement, comme pour M. […] Spencer, a montré ce qu’a d’inexact et de vague l’expression milieu social, quand on la prend non plus au sens statique, comme l’ensemble des conditions d’une société à un moment, mais au sens dynamique, comme une force assimilant certains êtres à ces conditions. […] D’une part, donc, l’œuvre d’art est l’expression plus ou moins fidèle des facultés, de l’idéal, de l’organisme intérieur de ceux qu’elle émeut ; d’autre part, l’œuvre d’art est l’expression de l’organisme intérieur de son auteur ; il s’ensuit qu’on pourra, de l’auteur, passer aux admirateurs par l’intermédiaire de l’œuvre et conclure à l’existence d’un ensemble de facultés, d’une âme analogue à celle de l’auteur ; en d’autres termes, il sera possible de définir la psychologie d’un groupe d’hommes, et d’une nation par les caractères particuliers de leurs goûts. […] Hennequin n’a pas examiné, d’autre part, si le goût littéraire d’un peuple à tel moment de son histoire est toujours l’expression exacte de sa nature à ce moment.
III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile ! […] Du reste, malgré la justesse de la vue première : — faire une histoire des proverbes qui fût l’histoire des mœurs perdue par de l’expression retrouvée, — et malgré des travaux pleins d’intérêt, mais qui ne sont, après tout, que des préliminaires, cette histoire qui l’a tenté Quitard ne l’a pas faite néanmoins avec son Dictionnaire et son Étude. […] Et pourquoi, puisque Quitard écrit un Dictionnaire ou rêve une Histoire des Proverbes, se priverait-il des plus énergiques, des plus pittoresques, des plus populaires, sous prétexte qu’ils sont grossiers, comme si, la grossièreté étant parfois dans l’esprit humain, elle ne devait pas avoir son expression dans le langage ?
c’est la vérité que cette ressemblance, ou plutôt cette identité qu’il signale entre l’esprit grec et le génie de Thucydide, qui est, je le veux bien, l’expression la plus haute de l’esprit grec dans l’histoire. […] Si Thucydide est le génie grec dans son expression la plus pure, la plus haute, la plus complète (style d’école normale), abordant l’histoire, il l’aborde nécessairement avec toutes les idées et tous les procédés familiers au génie grec. […] Aussi les invoque-t-il pour expliquer à fond tout son Thucydide, et en cela a-t-il raison encore, comme il l’a eue déjà en disant que Thucydide n’était que l’expression du génie grec… Partout, en effet, à toutes les objections qu’on a faites ou qu’on pourrait faire contre Thucydide et la beauté littéraire de son histoire, M.
Mais ce n’est pas tout : j’y reconnais jusqu’aux points de vue particuliers et aux expressions individualisantes qui appartiennent à l’historien et sont la seule originalité possible en histoire, quoique ces points de vue et ces expressions soient infiniment rares dans Southey, esprit pompeux et vide. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier, et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros.
Il n’y a que la Philosophie, la victime habituelle des idées fausses, qui puisse être victime à ce point des sentiments faux et qui soit destinée à confondre l’affection et la mauvaise rhétorique avec l’expression des cœurs vrais ! […] Il a des manières à lui de caractériser l’expression des lettres d’Héloïse, que Madame Guizot trouve arrangée et déclamatoire, et nous sommes bien aise de les opposer à l’opinion de Madame Guizot… mais non pour la détruire : « Tous les passages des lettres d’Héloïse ne sont qu’une paraphrase anhélante du verset du Cantique des Cantiques… Sous les doigts de la nonne, le feu ruisselle. […] … » Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
Mais ce n’est pas tout : j’y reconnais jusqu’aux points de vue particuliers et aux expressions individualisantes qui appartiennent à l’historien et sont la seule originalité possible en Histoire, quoique ces points de vue et ces expressions soient infiniment rares dans Southey, esprit pompeux et vide. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros.
Arriver au point juste en toutes choses, diminuer l’hyperbole, diminuer le quelque chose d’énorme que Diderot nous donnait pour la définition de la poésie, et qui n’est la poésie que pour des enfants ou pour Diderot tombé en enfance sous la pression de son matérialisme grossier ; voir clair, — expression charmante pour dire la seule chose utile et digne de l’esprit humain, tout cela n’est, certes ! […] Parisot ne nous donne aucun détail, ce qui est regrettable, — car si le poème n’est rien moins qu’un chef-d’œuvre, s’il intéresse assez peu la Critique littéraire, qui cherche des émotions et des modèles, il intéresse au moins l’Archéologie et l’Histoire, il est une date, un jalon, et il pourrait être un phare dans les brillantes ténèbres de la civilisation asiatique ; — le Ramayâna est un poème mythologique vaste et confus, très digne enfin de la société tour à tour hallucinée et endormie dont il est l’expression à la fois ivre et rêveuse. […] Dans le poème dont il a commencé la traduction, et qui, nous le reconnaissons, est un travail cyclopéen de philologie et de difficulté d’expression, il n’a pas su distinguer ce qui appartenait à l’esprit hindou de ce qui ne lui appartenait pas, et, cette distinction faite, combien il restait peu à Valmiki de puissance réelle, de sens des choses de l’âme, de vrai génie !
Il n’y a que la Philosophie, la victime habituelle des idées fausses, qui puisse être victime à ce point des sentiments faux et qui soit destinée à confondre l’affection et la mauvaise rhétorique avec l’expression des cœurs vrais ! […] Il a des manières à lui de caractériser l’expression des lettres d’Héloïse que Mme Guizot trouve arrangée et déclamatoire, et nous sommes bien aise de les opposer à l’opinion de Mme Guizot… mais non pour la détruire : « Tous les passages des lettres d’Héloïse ne sont qu’une paraphrase anhélante du verset du Cantique des Cantiques… Sous les doigts de la nonne le feu ruisselle. […] … Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire, et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
L’important, pour lui, l’art suprême, c’est l’impression et l’expression, — c’est la scène qui succède à la scène, — c’est le pathétique et le poignant des choses, des événements et des personnages. […] Mais il existe, lui, et pour nous impressionner, ne fût-ce que deux minutes, avec le roman de tous ces monstres, il faut qu’il ait un talent d’expression, ma foi ! […] , ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort.
Janin, qui entre aujourd’hui, et triomphalement, dans la peau de Diderot, — et laissons cette expression trop matérielle pour ce qu’elle veut exprimer, mais disons : dans l’individualité d’un talent énorme qu’il s’agit de s’assimiler, — M. […] Pour me servir d’une expression hégélienne, il voulut, il essaya de repenser la pensée même de Richardson, et il prodigua dans cette tentative les ressources d’un très-grand talent. […] Et ce n’est pas tout que cette supériorité de composition dans ce livre de La Fin d’un Monde et du Neveu de Rameau ; ce n’est pas tout que l’expression tragique et comique à la fois donnée à cette grande figure du Neveu de Rameau, laquelle monte parfois jusqu’à l’épique dans le livre de M.