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52. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

L’égalité des droits est établie par la nature. […] Le peuple crut user en cela de son droit suprême, du droit d’exister. […] Dans les périls extrêmes, la proximité est un droit. […] La polémique rigoureuse peut contester avec raison ce droit, l’histoire ne peut le nier. […] Dans les temps extrêmes, le gouvernement est, non de droit, mais de fait, partout où on le saisit.

53. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

De bons principes peuvent s’éteindre passagèrement et laisser la place aux mauvais, sans qu’on ait le droit de rien affirmer en faveur de ceux-ci. […] En droit, la société est maîtresse d’elle-même ; nul n’est exclu du droit social, par conséquent de la souveraineté, et quelque distance que la sagesse conseille d’établir entre la théorie et la pratique, c’est une loi des sociétés qui s’éclairent de faire une part de plus en plus grande, suivant les circonstances, à la souveraineté populaire. […] Ces égarements n’altèrent pas le droit fondamental qu’elles représentent et qui est la vérité. […] A la liberté de privilège, la démocratie cherche à substituer la liberté de droit commun. L’individu est-il donc vraiment diminué parce que son droit, au lieu d’être fondé sur sa situation extérieure, l’est sur sa qualité d’homme ?

54. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Ce que Tacite dit des Germains peut s’entendre de tous les premiers peuples barbares ; et nous savons que chez les anciens Romains le père de famille avait droit de vie et de mort sur ses fils, et la propriété absolue de tout ce qu’ils pouvaient acquérir, au point que jusqu’aux Empereurs les fils et les esclaves ne différaient en rien sous le rapport du pécule. […] Cette dernière observation explique peut-être pourquoi l’emphytéose est un contrat de droit civil, c’est-à-dire du droit héroïque des Romains. À ce droit héroïque Ulpien oppose le droit naturel des peuples civilisés (gentium humanarum) ; il les appelle civilisés ou humains, par opposition aux barbares des premiers temps ; et il ne peut entendre parler des barbares qui de son temps se trouvaient hors de l’Empire, et dont par conséquent le droit n’importait point aux jurisconsultes romains. […] De là cette maxime qui est restée dans le droit civil : nous ne pouvons acquérir par une personne qui n’est point sous notre puissance, per extraneam personam acquiri nemini . […] Le droit des nations civilisées, humanarum, comme dit Ulpien, ayant succédé au droit des nations héroïques, il se fit une telle révolution, que le contrat de vente, qui anciennement ne produisait point d’action de garantie, si on n’avait point stipulé en cas d’éviction la cause pénale appelée stipulatio duplæ, est aujourd’hui le plus favorable de tous les contrats appelés de bonne foi, parce que naturellement elle doit y être observée sans qu’elle ait été promise.

55. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Il a droit de surveillance sur leur vie privée et les châtie s’ils sont ivrognes ou paresseux. […] Puisqu’ils vivent de ces droits, il faut bien qu’ils les exercent, même quand le droit est lourd, même quand le débiteur est pauvre. […] — Effets de leur droit de chasse. — Sentiments des paysans à leur endroit. […] Il n’a pas le droit d’être généreux aux dépens de son maître, et il est tenté d’exploiter à son profit les sujets de son maître. […] L’abolition des dîmes, des droits féodaux, la permission de tuer le gibier, etc.

56. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Messieurs, il y a dans la loi qui vous est soumise une préoccupation touchante : c’est celle qui concerne le conjoint survivant, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, la veuve de l’homme de lettres : « Pendant une période de cinquante ans, est-il dit, le conjoint survivant, quel que soit le régime matrimonial, et indépendamment des droits qui peuvent résulter, en faveur de ce conjoint, du régime de la communauté, a la jouissance des droits dont l’auteur prédécédé n’a pas disposé par acte entre-vifs ou par testament. » Déjà cette préoccupation avait inspiré Napoléon Ier, lorsque par son décret du 5 février 1810, qui étendait à vingt ans le droit des enfants des auteurs, d’abord fixé et limité à dix ans par la loi du 19 juillet 1793, il établissait que la veuve, si les conventions matrimoniales lui en donnaient le droit, jouirait viagèrement de la propriété garantie a l’auteur lui-même. Aujourd’hui, quel que soit le régime matrimonial, soit dotal, soit commun, la veuve est admise à la jouissance des droits qui ne comprennent pas moins d’un demi-siècle : autant dire toute sa vie. […] Je voudrais être homme de droit, Messieurs, et avoir qualité pour vous signaler avec précision en quoi la présente loi corrige et améliore la législation précédente ; en quoi aussi elle innove et rompt assez gravement avec le passé. […] Il est tel cas, en effet, rare sans doute, mais à prévoir, et dont un auteur seul est juge, où il lui importe de laisser en des mains plus fermes que celles d’une femme le soin de reproduire sa pensée et d’exercer ses droits. […] L’auteur mort célibataire ne laissait qu’un droit de dix ans après sa mort.

57. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Un nouveau droit public doit sortir des nouveaux rapports entre les peuples. […] Or, s’il est vrai que les inconvénients dont nous venons de parler existent, et que ces inconvénients soient inhérents à nos mœurs et à nos institutions, il est vrai aussi que Dieu a retiré à la société le droit de vie et de mort : ainsi que nous l’avons remarqué plus d’une fois, Dieu ne s’explique souvent sur la société que par l’ordre social lui-même. […] L’ancienne jurisprudence donnait droit de vie et de mort aux pères sur leurs enfants ; et, comme tout marche en même temps, l’ancien droit public donnait la même latitude de pouvoir aux métropoles sur les colonies. Les républiques de la Grèce ne manquèrent jamais d’user de ce droit terrible : elles exterminaient leurs colonies indociles. À mesure que les droits des pères ont été restreints, les droits des métropoles l’ont été aussi.

58. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

une question de droit ! […] Mais quel droit ?… Le droit de ne pas venir au secours des misères de la mère-patrie ! […] Où donc est la patrie pour notre colonie d’Alger, et le droit lui viendra-t-il un jour contre la métropole ? […] Mais parce qu’il y a dans l’Histoire une prise de possession qui a pu devenir une chose puissante, une immense réalité, est-ce une raison pour humilier la notion du droit devant elle ?

59. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

C’est dire que les idées égalitaires, parce qu’elles affirment la valeur des hommes, sont, parmi les idées « pratiques », des idées proprement « morales ». — Déclarer les hommes égaux c’est édicter une façon de les traiter : jugement de droit, non jugement de fait, prescription, non constatation. […] Mais pour que nous pensions à traiter, conformément à cet impératif, les individus avec lesquels nous entrons en relations, ne faut-il pas que nous ayons, au préalable, porté certains jugements de fait sur leur nature même Le premier élément constitutif de l’égalitarisme, c’est l’affirmation que l’humanité a une valeur propre, et que par suite tous les hommes ont des droits. […] En ce sens il est vrai de dire que nous ne traitons en « égaux » que ceux que nous tenons pour nos « semblables » ; le jugement de droit implique ici un jugement de fait. Nous ne pouvons reconnaître aux hommes des droits égaux sans leur reconnaître une certaine identité de nature. […] Reconnaître aux individus mêmes droits n’est pas demander qu’à leurs actions, pour inégales qu’elles soient, les mêmes sanctions soient réservées, mais seulement que ces sanctions soient départies à ces actions inégales suivant les mêmes poids et les mêmes mesures.

60. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Ils voudraient bien connaître son budget, vérifier ses livres : un prêteur a toujours le droit de surveiller son gage. […] Voilà un droit bien avéré au respect et à l’amour de leurs descendants ! […] L’orgueil souffrant s’est redressé, s’est raidi, et, pour mieux assurer son droit, va revendiquer tous les droits. […] C’est pourquoi le Tiers pose son droit comme incontestable, et, à son tour, dit comme Louis XIV : « L’État, c’est moi ». […] Ensuite, à l’Ecole de Droit, ils ont appris un droit abstrait, ou n’ont rien appris.

61. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur une pétition de directeurs de théâtres contre les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique »

Scribe, a été de nos jours le promoteur et l’âme de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, s’entendant pour exercer leurs droits, pour faire valoir leurs intérêts. […] Les droits sont perçus par deux agents nommés par la société. […] (L’Opéra et le Théâtre-Français seuls payent des droits d’auteur fixés par un arrêté ministériel.) […] Les directeurs de théâtre s’entendent avec le représentant de cette dernière société et payent par abonnement un droit fixe pour la magique des morceaux intercalés dans les vaudevilles, mélodrames, etc. […] C’est le droit de l’auteur de ne pas permettre de jouer la pièce ou de ne le permettre qu’aux conditions qu’il agrée, après avoir négocié avec l’entrepreneur du théâtre.

62. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

je le sais, cela est moins métaphysique que le droit divin, moins brutal que le droit prétendu historique. Dans l’ordre d’idées que je vous soumets, une nation n’a pas plus qu’un roi le droit de dire à une province : « Tu m’appartiens, je te prends. » Une province, Pour nous, ce sont ses habitants ; si quelqu’un en cette affaire a droit d’être consulté, c’est l’habitant. […] Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister. […] Elles ont bien le droit d’avoir un avis dans la question.

63. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Au contraire, irritez avec un acide le genou droit d’une grenouille décapitée, elle essaiera de l’essuyer comme d’ordinaire avec le pied droit. — Résultat tout mécanique, disent les partisans de Maudsley : quoiqu’il n’y ait plus aucune sensation, la machine fonctionne quand même, comme s’il y avait encore utilité, but poursuivi. — Fort bien ; mais alors, si vous coupez le pied droit et irritez le genou droit avec de l’acide, la machine devra être réduite à l’impuissance ; tout au plus le moignon droit pourra-t-il s’agiter. Or, ce n’est point-là ce qui se passe, et voici un fait significatif : ne pouvant, comme d’habitude, essuyer le genou droit avec le pied droit, l’animal décapité l’essuie avec le pied gauche ; pour une machine qui ne sent pas, le procédé est assez ingénieux. […] Outre une certaine intensité, une certaine durée est nécessaire pour produire la sensation d’une couleur déterminée : le spectre solaire, vu instantanément, n’apparaît pas de sept couleurs, mais seulement de deux, faiblement rouge du côté gauche et bleu du côté droit. […] Beaucoup de physiologistes attribuent un certain nombre de folies et d’immoralités au cerveau droit, tandis que le gauche serait relativement sage. […] Il peut aussi se produire des cas de corrélation défectueuse entre l’énergie du cerveau droit et celle du cerveau gauche : les deux exécutants ne s’accordent pas toujours entre eux.

64. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Mais Michelet, homme vivant, mais Renan, de quel droit, vous, personnages publics, corps de l’État, fussiez-vous l’ancien Sénat dit conservateur, de quel droit venez-vous-leur imprimer une tache au front ? […] Et pourtant, à voir ce qui se passe habituellement dans les hautes sphères, dans la haute société, dans les salons, — et il me semble que nous sommes ici, à bien des titres, dans le plus grave et le plus respecté des salons, — on croirait véritablement qu’il n’y a en politique qu’un centre droit, qu’un côté droit, et que tout ce qui était autrefois la gauche, — la gauche constitutionnelle, — est supprimée. […] L’intention vaut le fait et me donne les mêmes droits. […] « Je ne vous connais, monsieur, que par ce droit que vous vous êtes arrogé publiquement et de haut sur la direction et l’expression de ma pensée. […] Si cette sorte d’arbitrage avait eu lieu, il m’eût été bien difficile de ne pas faire sourire l’illustre Président lui-même en m’autorisant auprès de lui d’un texte de droit romain qui semble fait exprès pour le cas en litige.

65. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Les Romains n’ont eu d’autre droit public que le droit du plus ambitieux et du plus armé sur le plus faible ; conquérir, spolier et posséder par la gloire, c’est toute leur politique. […] Les peuples asservis, dans la force armée qui les a conquis et qui les possède par le droit des armes ; Les peuples monarchiques la confèrent à une dynastie et la confondent avec le droit de naissance sur un trône. […] Ces peuples se divisent en factions contraires qui nient, les armes à la main, les droits anciens ou les titres nouveaux. […] L’autorité de la force matérielle s’unissait en lui à l’autorité du plus intelligent, le droit du plus fort et le droit du plus capable se confondaient naturellement dans son nom de père. […] La première paternité fut donc une première royauté, la première famille une première monarchie de droit naturel ou de droit divin !

66. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

À la voix d’un ministre piémontais, ce congrès de 1856, contre tous les principes de droit public et international, s’arrogea illégalement un droit d’intervention arbitraire et permanent dans le régime intérieur des souverainetés étrangères. […] Le droit de conseil créait le droit d’intervention militaire réciproque ; de ce droit d’intervention réciproque découlait et découle encore le droit de guerre perpétuel entre voisins : c’est le contraire du droit de civilisation, qui est l’indépendance des peuples chez eux. […] Ce droit d’intervention réciproque émané du congrès de Paris en 1856 est la fin du droit public européen : finis Poloniæ ! […] On n’en sortira qu’en reconnaissant le droit contraire. […] Un pays a le droit de veiller sur ses voisins, car de son voisinage dépend sa sécurité.

67. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Ils sont un peu dans leur droit. […] Et cela ils ont le « droit » de l’exiger. […] Ce serait son droit, et sinon son droit légal et positif, du moins son droit moral — auquel le droit légal « doit » se conformer — d’avoir les moyens d’exercer la fonction déterminée par ses aptitudes, ce serait son « devoir » de l’exercer de son mieux. […] Je n’ai quelque droit d’appréciation que sur la conscience d’autrui. […] Non seulement il a le devoir de la subir, mais c’est un « droit » qu’on lui reconnaît.

68. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Victor de Chalambert, esprit droit et ferme, profondément convaincu, mais très calme dans ses convictions, d’une expression sereine et lucide, comme son sentiment intérieur, a écrit l’histoire spéciale de la Ligue. […] On a le droit de s’étonner du silence des historiens qui ne parlent jamais de l’industrie protestante qu’à propos de la révocation de l’édit de Nantes, sous Louis XIV, et négligent de poser au xvie  siècle cette question de vie et de mort qui donne un intérêt si suprême, un instant si marqué, une âme si forte à l’intérêt catholique ! […] Toujours il fut dans l’histoire de ce pays un moment suprême où l’indignité des gouvernements proclama la vacance du trône par la bouche même qui avait le droit de la proclamer, par cette voix du peuple et de l’Église qui avait fait le peuple ce qu’il était, et qu’au Moyen Âge on appelait justement, pour cette raison, la voix de Dieu ! […] Or le pouvoir, qui est la transmission d’une notion divine, n’a pas le droit de se suicider. […] Mais la question, posée par l’histoire, est bien au-dessus de ce détail de conduite, et c’est le droit de l’Union à prononcer cette déchéance que l’historien aurait dû faire rayonner, dans tous les sens, avec une clarté souveraine.

69. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

C’est ce même amour de la Patrie qui lui a dicté tous les Discours qu’il a composés pour l’instruction de M. le Dauphin, aujourd’hui sur le Trône, tels que les Leçons * de Morale, de Politique & de Droit public, les Devoirs des Princes, réduits à un seul principe, &c. […] L’autorité suprême n’est que le droit de gouverner ; & gouverner ce n’est pas jouir, c’est faire jouir les autres, c’est assurer, c’est maintenir contre la licence de la multitude les droits qui appartiennent à chaque individu. La Souveraineté est le plus grand de tous les pouvoirs, mais la moindre de toutes les propriétés ; & les Rois, comme Rois, n’ont rien à eux que le droit ou plutôt le devoir de tout conserver à la Société, dont ils sont les Tuteurs & les Chefs ». […] Nous renvoyons les Lecteurs de bonne foi à l’Ouvrage même : ils verront combien l’Auteur est éloigné de favoriser l’autorité arbitraire & le gouvernement despotique ; ils verront avec quelle force il défend les droits des Sujets, avec quel noble courage il présente au Prince, non seulement le tableau des devoirs de la Royauté, mais une infinité de principes & de vérités propres à écarter du cœur des Souverains, l’orgueil qui cherche sans cesse à les séduire & à leur faire oublier qu’ils ne sont sur le Trône, que pour rendre leurs Peuples heureux.

70. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Son droit est suprême, puisqu’elle est la vérité. […] J’y ai droit ; la nature et la Providence m’y appellent ; il est mon héritage. […] Toutes les portes lui sont fermées même quand il a le droit de les faire ouvrir, et, s’il obtient quelquefois justice, c’est avec plus de peine qu’un autre obtiendrait grâce. […] Car il n’y a de droit que par consentement, et il n’y a ni consentement ni droit d’esclave à maître. « Soit d’un homme à un homme, soit d’un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira et que tu observeras tant qu’il me plaira. […] Oui, car les êtres ont droit de se nourrir de toute matière propre à satisfaire leurs besoins… Homme de la nature, suis ton vœu, écoute ton besoin, c’est ton seul maître, ton seul guide.

71. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

. —  Le sentiment du droit. —  Traité du gouvernement, par Locke. —  La théorie du droit personnel est acceptée. —  Comment le tempérament, l’orgueil et l’intérêt la soutiennent. —  La théorie du droit personnel est appliquée. —  Comment les élections, les journaux, les tribunaux la mettent en pratique. […] Leur société ne fonde pas leurs droits, elle les garantit. […] L’orgueil ici s’ajoute à l’instinct pour défendre le droit. […] Ce que l’un appelle rénovation, l’autre l’appelle destruction ; ce que l’un révère comme l’établissement du droit, l’autre le maudit comme le renversement de tous les droits. […] L’Église et l’État sont dans nos esprits deux idées inséparables. » Nous asseyons notre établissement sur le sentiment du droit, et le sentiment du droit sur le respect de Dieu.

72. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Ces archives recueillent ces actes comme les titres des nations ; là sont enregistrés leurs droits et leurs limites. […] IV Ce droit public, ce droit des gens, a ses règles écrites, aussi inviolables, aussi sacrées que le droit privé entre les individus. Celui qui les viole est hors la loi ; tout le monde a le droit de guerre contre lui ; c’est le grand anarchiste de la société internationale, c’est l’insurgé contre la civilisation : car le droit public, c’est la civilisation. […] Tous les peuples ont le droit ou le devoir de courir sus à celui qui s’insurge contre le droit public : car ce droit public n’appartient pas seulement à une nation, il appartient à toutes. […] Anathème sur le roi, le peuple ou le conquérant qui ne reconnaît pas le droit public : qu’il soit l’excommunié de la civilisation !

73. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Elle consacre le droit de vie et de mort du créancier sur le débiteur ; elle pousse l’injure contre les plébéiens jusqu’à leur refuser le droit de mariage avec les patriciens. Elle fait consister le droit dans les formules plutôt que dans la bonne foi, etc., etc. […] Je sais que la loi des XII Tables avait laissé de grands souvenirs dans l’esprit des Romains ; ils y voyaient la source de leur droit, avec une rédaction simple et précise, qui contrastait avec le désordre des lois grecques. […] C’est par ces transformations successives que le droit romain était arrivé, sous les Empereurs, à un degré de supériorité que Tacite n’aurait pas dû ignorer. […] et ce droit au gouvernail peut-il impunément être mis sans cesse au concours de tous ?

74. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Je ne connais guère de lecture plus attachante que le Cours de droit naturel. […] Cours de droit naturel. […] Cours de droit naturel, p. 184, 199, 209. […] Cours de droit naturel, p. 92. […] Cours de droit naturel, p. 74.

75. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Fichte enfin, qui fait tout sortir du moi, démontre dans son Traité de droit naturel la pluralité des moi (die Mehrheit der Ichten). […] Toutefois il est certain qu’avant le xviiie  siècle ni les jurisconsultes ni les théologiens n’avaient vu clairement tout ce que contenait ce principe de la personnalité : droits de la conscience, droits de la pensée, droits du travail, droits de la propriété, toutes ces formes légitimes de la personne humaine étaient méconnues, altérées ou opprimées. […] Il fallait donc trouver un fondement métaphysique à cette personnalité dont on proclamait si éloquemment les titres et les droits. […] On n’a jamais pu tirer du matérialisme d’autre morale ni d’autre droit que la loi du plus fort. […] Un triste aveuglement les méconnaît aujourd’hui et croit travailler à la cause du droit en combattant la cause de l’esprit.

76. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Cousin, Thiers et Proudhon, et qu’ils ne l’ont nullement troublé dans ce piétinement de cadavres, par la très excellente raison que les philosophes ont le droit de se battre entre eux, comme Sganarelle et sa femme, sans que personne y trouve à redire. […] « Le droit, nous dit-il assez grossièrement quelque part, est la résultante des droits de la nature. » Est-ce que le dix-huitième siècle n’aurait pas signé cette phrase-là ? […] Mais cet état des multitudes dans l’univers donne-t-il le droit d’affirmer à un penseur rigoureux que l’idéal social existe réellement sur la terre, en dehors de cette société, qu’on nous passe le mot : crépusculaire, créée par le christianisme entre les ténèbres de l’ancien monde et la lumière du Jour Divin ? […] Pourquoi les premiers mots qui vous frappent dans un écrit, ayant la prétention d’être une solution chrétienne à la grande question du temps présent, sont-ils une définition orde et païenne de la notion de Droit : « Le Droit est la résultante des besoins de la nature » ? Pour un homme qui, comme M. l’abbé Mitraud, doit avoir de la théologie et de la tradition dans la tête, le Droit a-t-il son expression ailleurs que dans les relations de la Famille ?

77. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Hâtez-vous de répondre à ces sophismes d’une science intéressée que le fait, invoqué à défaut du droit, est inexact et trompeur. […] Les crimes de palais, la politique sanguinaire, les massacres en masse, qui étaient encore il y a trente ans le droit commun de la Turquie, lui sont désormais interdits. […] Les ravageurs de l’ile de Scio, les massacreurs du clergé grec de 1825, protestaient naguère contre l’agression étrangère qui avait confondu dans le désastre de leur flotte les habitants d’une de leurs villes maritimes ; ils invoquaient le droit et l’humanité, au milieu de l’esclavage domestique et du renfort de barbarie qu’ils tirent de leurs hordes asiatiques : chaos bizarre qui ne peut durer, et qui prépare un changement du monde ! […] Ces belles contrées entre le Danube et la côte d’Asie seront laissées aux races chrétiennes ; Sainte-Sophie sera redevenue chrétienne ; cette ville de Constantinople, cette entrée orientale de l’Europe lâchement livrée aux Turcs il y a quatre siècles, conquise de leurs mains par droit de massacre, restée désormais sous leur joug par droit de stupidité, d’après ce titre d’être la nation la plus propre à posséder inutilement un grand empire, sera rendue à la fédération chrétienne d’Europe. […] Il a, sur cette vaste terre, suppléé par le scrupule moral et la contrainte volontaire à la rare et timide intervention d’une force officielle ; il a gouverné religieusement ces hommes si difficiles à maîtriser par l’autorité humaine ; et ainsi, à cette société active et calme, irrésistible et presque incontrôlable dans son droit populaire, il avait donné pour contrepoids et pour modérateur le droit évangélique228, la loi suprême de justice et de charité.

78. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

On n’y lit pas un mot du droit français ; pas plus du droit des gens que s’il n’y en avait point ; rien de notre code ni civil ni criminel ; rien de notre procédure, rien de nos lois, rien de nos coutumes, rien des constitutions de l’État ; rien du droit des souverains, rien de celui des sujets ; rien de la liberté, rien de la propriété, pas davantage des offices et des contrats. […] — On s’occupe du droit romain dans toutes ses branches, droit qui n’a presque aucun rapport avec le nôtre ; en sorte que celui qui vient d’être décoré du bonnet de docteur en droit est aussi empêché, si quelqu’un lui corrompt sa fille, lui enlève sa femme ou lui conteste son champ, que le dernier des citoyens. […] Eux et leurs adhérents, prêtres ou moines, ont souvent abusé du droit de haranguer le peuple assemblé. […] C’est la jurisprudence romaine qu’on professe dans nos écoles de droit. […] La faculté de droit avait habité jusqu’en 1771 la rue Jean-de-Beauvais.

79. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Or, l’idée du droit est-elle une chimère ? […] N’est-ce pas celui du droit ? […] On distingue même le droit naturel et le droit positif, ce qui est légal et ce qui est équitable. On proclame que la force doit être au service du droit et non le droit à la merci de la force. […] Qu’est-ce alors que le droit ?

80. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Le caractère est simple ; il est droit : rien dans l’ombre. […] Intelligence ferme et décidée comme elle est, ennemie du vague, allant droit au fait, droit au but, — Elle et son frère, le prince Napoléon, en cela semblables, — si l’on se permettait d’être observateur en les écoutant, on se plairait à retrouver en eux, pour le trait général et le contour, quelque chose de la forme et du profil d’esprit du grand empereur leur oncle. […] Un cœur droit n’a qu’à se consulter en pareille circonstance et à se bien écouter. […] Elle goûte les chefs-d’œuvre du pinceau en tout genre, mais elle ne les classe pas indifféremment ; elle ne met pas sur une même ligne et ne comprend pas dans une admiration égale et souveraine tout ce qui peut-être y aurait droit, je veux dire tout ce qui excelle. […] Elle a senti tout le prix et toute l’intention de ce sympathique accueil, et elle en a rapporté l’hommage à qui de droit, à celui qui, du fond de sa prudence, ne perd pas un seul instant de vue la consommation et la confirmation d’un si bel ouvrage.

81. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Comment les droits modernes se constatent-ils, messieurs ? […] alors on cesse d’être injurié, répudié, maudit, — je ne dis pas dans les chaires sacrées, c’est leur droit, — mais dans les assemblées publiques et politiques. […] Pour moi, les lois sont essentiellement fondées sur l’utile ; la société a droit à tout ce qui la protège efficacement : rien de moins, rien de plus ; c’est la pierre solide. […] Sée revendiqua son droit d’être écoulé au nom de la liberté de conscience et du libre examen. […] Les spiritualistes, les hommes religieux, ont le droit d’être respectés ici.

82. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

En effet, le droit municipal des anciens (municipes) n’était qu’un droit d’émancipation personnelle en ces temps d’inégalité, tandis que le droit communal des modernes est le droit de tous à la communion sociale, en vertu de l’égalité humaine. […] Il le juge en toute indépendance, et, selon nous, sa sévérité est justice : « Organe — dit-il — du droit commun vis-à-vis d’une société constituée par le monopole, M.  […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne. […] Les assemblées des sans-culottes devaient succéder à la suppression des jurandes et des maîtrises, « inévitable métamorphose, qui prouve que le premier droit et la destination finale de l’homme individuel, mais collectif de naissance, est l’association ».

83. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Ce qui est, selon moi, très juste, le voici : c’est de maintenir aux choses aimables, légères, leur droit d’exister non seulement à côté des grandes choses, mais au lendemain des chocs terribles et jusque dans les moindres intervalles lucides que nous laissent les révolutions de la société. […] Janin maintient ce droit, et je le maintiens avec lui, bien que j’aie de moins bonnes raisons pour cela, et que depuis longtemps je ne hante plus guère, même de loin, printemps ni jeunesse ; mais je tiens à ce que le promeneur et le rêveur ait toujours droit de lire le vieux livre, fût-ce le livre le plus indifférent à nos querelles du jour, et de s’y absorber un moment. Encore une fois, je reconnais que ce droit de promenade buissonnière, qui est celui de toute littérature un peu vive et libre, et pas trop prosaïque, est suspendu dans les jours d’orage, de tempête civile, dans ces affreux moments où la lutte est engagée comme nous l’avons trop vu ; mais, le lendemain, le soleil se lève, le nuage s’entrouvre ; les cœurs restent encore émus et attristés, pourtant le droit que j’appelle le droit littéraire recommence. […] La singularité me convient, la subtilité ne me déplaît pas ; l’excès est un écueil, un bel écueil… C’est le droit de l’écrivain, qui ne cherche qu’à plaire un instant, de chercher avant tout la forme, le son, le bruit, la couleur, l’ornement, la prodigalité, l’excès. […] Ils vont tout droit devant eux comme aux jours d’Ève on allait dans le jardin du monde.

84. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Respectueux des droits de la Critique, je m’étais, jusqu’à ce jour, interdit de répondre aux articles publiés contre mes livres. […] Qu’on réfute un ouvrage, rien de plus juste : c’est le droit de la critique, et j’aurais mauvaise grâce à me plaindre. […] C’est moi qui suis en cause aujourd’hui ; demain ce peut être un autre, et c’est le droit de tous que je défends. […] Il serait étrange que ces messieurs eussent le droit de blâmer mes opinions et qu’on me refusât le droit d’en avoir qui leur déplaisent. […] Albalat déclare que Lefranc de Pompignan « a atteint au sublime » dans la strophe fameuse : « Le Nil a vu sur ses rivages. » C’est son droit.

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Si l’homme laisse envahir son domaine par la solitude, la nature reprend ses premiers droits ; et l’homme est de nouveau frappé par la mort. […] On s’est fort trompé sur le droit divin. […] Le droit divin n’est pas toujours visible comme dans la théocratie des Juifs, mais il n’est jamais suspendu. Nier le droit divin est une erreur analogue à celle de nier la création. La nation anglaise, la première, a fait du droit divin un dogme antinational.

86. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Il étudia le droit à Paris, sous Hotman et sous Balduin, en 1546, et, en 1547, à Toulouse, sous le grand Cujas. […] Il fit ensuite le voyage d’Italie, et alla entendre à Pavie et à Bologne les professeurs de droit les plus en renom. […] Le Parlement empruntait des rois mêmes une sorte de droit gracieux de les avertir et de leur résister. […] C’est dans le calme de ces derniers jours que Pasquier, plus qu’octogénaire, dicta, à l’usage de deux de ses petits-fils, les leçons de droit que M.  […] En droit comme en toute chose, Pasquier suit ce grand chemin de raison qui ne donne dans aucun extrême.

87. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Les patriotes se persuadaient que le côté droit voulait l’empêcher, C’étaient des cris, des gestes de commandement et le piétinement usité dans les grandes occasions. […] La révision des décrets nous en donnera les moyens, si le côté droit veut y prendre part sans humeur, sans enflammer le côté gauche par une opposition absolue, si enfin vous voulez reconnaître franchement les points principaux de la Constitution. […] Mais que pensez-vous des projets du côté droit ? […] » Les intentions en étaient là ; mais Malouet ne dirigeait pas le côté droit, et Barnave lui-même ne gouvernait pas la gauche. […] J’allai avec eux trouver l’évêque, et je me gardai bien de reconnaître le droit qu’il s’était attribué de mettre obstacle à la rentrée des émigrés en France.

88. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

EON DE BEAUMONT, [Charlotte-Genevieve-Louise-Auguste-Andrée- Thimo-thée d’] Censeur Royal, Docteur en Droit civil & en Droit canon, Avocat au Parlement, ancien Capitaine des Dragons & des Volontaires de l’armée, Aide-de-camp de M. le Maréchal & de M. le Comte de Broglie, Chevalier de l’Ordre Royal & Militaire de S. Louis, Secrétaire d’Ambassade, puis Ministre Plénipotentiaire de France auprès du Roi de la Grande-Bretagne, &c. née à Tonnerre sur l’Armençon en Bourgogne, le 5 Octobre 1728, beaucoup plus connue par la singularité de ses aventures, que par ses Ouvrages, quoiqu’ils lui donnent le droit de figurer avec avantage parmi les Auteurs de ce siecle. […] Mlle d’Eon s’y appliqua avec tant de soin, qu’elle se rendit bientôt digne d’être reçue d’abord Docteur en Droit civil & en Droit canon, puis Avocat au Parlement.

89. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Philosophie de la propriété, histoire des idées humaines, critique philosophique, histoire idéale éternelle, système du droit naturel des gens, origines de l’histoire universelle. […] Les serviteurs, investis par les nobles ou héros du domaine bonitaire des champs qu’ils cultivaient, deviennent les premiers plébéiens, et aspirent à conquérir, avec le droit des mariages solennels, tous les privilèges de la cité. […] Le corps souverain des nobles avait conservé le dernier, qui était, dans l’origine, un droit général sur tous les fonds de la cité. […] Corollaire : c’est la divine Providence qui règle les sociétés, et qui a ordonné le droit naturel des gens. […] Le gouvernement de Rome fut, dans son origine, plus aristocratique que monarchique, et malgré l’expulsion des rois, il ne changea point de caractère, jusqu’à l’époque où les plébéiens acquirent le droit des mariages solennels et participèrent aux charges publiques.

90. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Il s’agissait de revenir sur ces aliénations, sous quelque prétexte que ce fût, et de revendiquer le droit que prétendaient les nouveaux évêques sur tous ces anciens vassaux plus ou moins émancipés. […] La Diète de Ratisbonne, prise à tout instant pour juge et harcelée de réclamations, ne savait qu’opposer un veto impuissant, réserver les droits, se plaindre et demander, que la France voulût bien produire une bonne fois toutes ses prétentions : c’était, disait-elle, le seul moyen pour elle de couper court d’un seul coup à « ce chancre de prétentions que la France proposait sans cesse, et qui ne pourrait être qu’irrémédiablement contagieux pour l’Empire. » On en vint même, dans cette guerre de chicane, jusqu’à soupçonner que, parmi les titres qu’on produisait à l’appui du droit de la France, tous les parchemins n’étaient pas aussi vieux qu’on le disait. […] Notez qu’il était capital pour le point en litige qu’il y eût preuve que ces impositions avaient été faites avant le 1er août 1681 ; car la Diète avait consenti à reconnaître en fait, sinon en droit, les réunions consommées avant cette date. […] Pour Strasbourg du moins, l’historien veut bien nous rassurer, et il estime que de ce côté, qui est la plus glorieuse affaire consommée alors par Louvois, l’utilité n’était point séparée du droit et de la justice : « Il y a, nous dit M.  […] » Éternel problème où le droit de la force se dresse à nos yeux et nous apparaît régnant, dans le monde de l’histoire comme dans l’ordre de la nature !

91. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

C’était votre droit. Je n’userai pas du droit semblable que j’aurais. […] Ici la discussion historique retrouve tous ses droits. […] Permettez-moi de vous rappeler votre belle découverte de l’acide droit et de l’acide gauche. […] Tout cela n’ébranlera pas votre foi en vos expériences ; l’acide droit restera l’acide droit ; l’acide gauche restera l’acide gauche.

92. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Malheureusement elle abusa vite de ce droit, et manqua bientôt à cette mission. […] N’en a-t-il pas le droit dès qu’il en a le pouvoir ? […] Voilà la lutte contre les lois sociales transformée en légitime revendication d’un droit naturel, d’un droit sacré, ravi par la violence. […] — De quel droit, répond la prêtresse ? […] Oui sans doute, les hommes naissent égaux en droit, c’est-à-dire avec un droit égal à développer leurs facultés et à tendre à l’accomplissement de leur destinée.

93. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Aussi toutes les questions que se pose d’ordinaire l’éthique se rapportent-elles, non à des choses, mais à des idées ; ce qu’il s’agit de savoir, c’est en quoi consiste l’idée du droit, l’idée de la morale, non quelle est la nature de la morale et du droit pris en eux-mêmes. […] En morale, la partie théorique est réduite à quelques discussions sur l’idée du devoir, du bien et du droit. […] Ainsi, il existe deux sortes d’unions monogamiques : les unes le sont de fait, les autres de droit. […] On en choisit certains, sorte d’élite, que l’on regarde comme ayant seuls le droit d’avoir ces caractères. […] Une règle du droit est ce qu’elle est et il n’y a pas deux manières de la percevoir.

94. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Ce plat gentilhomme de la chambre, au mépris de son devoir, renonça au droit qu’il avait d’entrer chez le roi, d’en savoir des nouvelles lui-même, de le servir, pour empêcher d’entrer ceux qui avaient le même droit que lui, et pour laisser le roi malade passer honteusement la journée à un quart de lieue de ses enfants, entre sa maîtresse et son valet de chambre. […] Il lui conseillait aussi de s’appliquer à ne faire appeler que tard ceux qui avaient droit d’entrer chez le roi et d’obtenir de lui qu’il les fit sortir de bonne heure. […] Tandis que ce grand intérêt occupait toute la Cour, M. d’Aumont ne perdait pas de vue ses prétentions et le désir d’étendre et d’augmenter ses droits de gentilhomme de la chambre. […] Quatorze personnes, dont chacune a le droit d’approcher et de visiter un malade, me paraissaient un vrai supplice. […] Le roi était tellement avili, tellement méprisé, particulièrement méprisé, que rien de ce qu’on pouvait faire pour lui n’avait droit d’intéresser le public.

95. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

le droit. […] Prométhée, c’est le droit vaincu. Jupiter a, comme toujours, consommé l’usurpation du pouvoir par le supplice du droit. […] Nulle notion du droit désormais ; l’appétit est tout. Le droit transitoire, la royauté, le droit éternel, l’hospitalité, Macbeth assassine l’un comme l’autre.

96. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

M. de Loménie, affilié à la coterie, poussa aussi son soupir qu’il appuya de toutes sortes de réfutations et de raisonnements : essayant de m’opposer moi-même à moi-même, il ne daigna pas admettre qu’en pareille matière de jugements contemporains il vient une heure et un moment où, quand on n’est lié par rien de particulier, la vérité reparaît de plein droit et prend le pas sur la politesse. […] Je croirai aisément que vous et moi, et nous tous, avons le droit de condamner en lui beaucoup de choses ; notre morale et l’amitié nous en donnent le droit ; mais ce droit, faudra-t-il aussi l’accorder à d’autres hommes qui certainement ne le valent pas ? J’avais d’abord regardé les rigueurs de Mme de V… (Vintimille) comme de forme, comme une manière de passeport et un droit de péage dont elle avait cru de sa prudence de prémunir sa lettre, pour lui ouvrir tous les passades ; mais la vôtre est survenue et m’embarrasse beaucoup. […] La politique a ôté aux autres la moitié de leur esprit, la moitié de leur droit sens, les trois quarts et demi de leur bonté, et certainement leur repos et leur bonheur tout entiers. […] Je sais que nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes », ni même : « Je connais un homme » ; aussi, tant que cet homme est là vivant, on ne saurait trop multiplier et renouveler les occasions de l’observer, car on est seulement en voie de le connaître.

97. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ils passaient en effet du droit divin au droit humain. […] Mettre Pélion sur Ossa, labeur d’enfants à côté de cette besogne de géants : mettre le droit sur la vérité. […] Ce vilain problème a été posé : faire avancer le bien-être par le recul du droit ; sacrifier le côté supérieur de l’homme au côté inférieur ; donner le principe pour l’appétit ; César se charge du ventre, je lui concède le cerveau ; c’est la vieille vente du droit d’aînesse pour le plat de lentilles. […] Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poëmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution !

98. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tout polygone convexe renferme une somme, d’angles qui, si l’on y ajoute quatre angles droits, est égale à deux fois autant d’angles droits qu’il a de côtés. […] Or on sait d’ailleurs que ces angles du sommet valent ensemble quatre angles droits ; d’où il suit que le polygone renferme une somme d’angles qui, si l’on y ajoute quatre angles droits, est égale à deux fois autant d’angles droits qu’il a de côtés. — Ici, l’intermédiaire explicatif est un caractère compris dans tous les éléments du polygone, c’est-à-dire commun à tous les triangles dont il est le total ; ce caractère ainsi répété oblige tout polygone à contenir une somme d’angles qui, évaluée en angles droits et accrue d’un nombre constant d’angles droits, est le double du nombre de ses côtés. […] On se reporte à la définition du parallélogramme, qui est un quadrilatère droit les côtés opposés sont parallèles. […] Dans celui qu’on nomme cercle, on met une infinité de lignes droites égales, qui ont un point commun. […] Sommes-nous en droit d’agir ainsi ?

99. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

S’ils osent prétendre qu’il a une bosse, cet esprit droit, il l’a roulée, du moins, dans tous les chemins du Seigneur, devenus pour lui des chemins maudits… Il sait la vie moderne comme pas un ; la vie qu’il méprise ! […] Avant Hugues Capet, dont il nous fait mesurer la grandeur, avant Hugues Capet, qui a établi dans la loi politique du royaume le droit de primogéniture et d’hérédité, il n’y avait sous les Mérovingiens, malgré Clovis, et sous les Carlovingiens, malgré Charlemagne, que le partage, que le morcellement de la couronne, — en d’autres termes, que le Communisme, qui ne vaut pas mieux pour les Royautés que pour les peuples ! […] Historien avant tout, le droit divin n’est pour lui que « la seule loi rationnelle des successions », et vous voyez par cela seul que, si royaliste qu’il soit, il ne l’est pas comme les Royalistes qui s’appellent les Légitimistes de nos jours. […] C’est moins une histoire — comme le dit, du reste, son sous-titre, — qu’un Cours tout entier philosophique et critique de l’histoire moderne ; c’est une démonstration en sens contraire de tous les problèmes agités, à cette heure, par l’esprit révolutionnaire, et dont la solution dernière serait, sous le nom imposteur de progrès, de faire rétrograder la civilisation du monde… Après avoir, dans ses premières pages, comme donné le dictionnaire de la langue qu’il va parler en fixant l’origine et en déterminant la grandeur de la Monarchie française, en traitant de « la providence des dynasties inamovibles », de la propriété, du droit divin, dont il dit : « La primogéniture, le droit successif, la légitimité, le droit divin, ne sont qu’une même expression, une même vérité, une loi de raison », le métaphysicien politique aborde vaillamment l’Histoire.

100. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Ici un horizon, là des ailes ; droit de planer. […] Le premier venu, grossièrement utile, mais utile, a le droit de demander en voyant ce génie bon à rien : Qu’est-ce que ce fainéant ? […] Le poëte avait droit de réprimande et de menace. […] Tout le droit divin ne s’est pas dissipé. […] Les faux droits mettent parfaitement en mouvement de vraies armées.

101. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Il faisait remonter très-haut la déchéance et la dégradation de l’ancien ordre social ; il voyait déjà Louis XI rendant des édits contre les droits de primogéniture ou de substitution. […] Il ne propose pas, comme les réacteurs du temps de la restauration, de rétablir le droit d’aînesse, droit forcé et qui s’applique aveuglément ; il ne demande que de laisser au père de famille la liberté de tester, comme cela se pratique aux États-Unis. […] vous ne voulez pas du droit d’aînesse aveugle, vous voulez introduire un droit d’aînesse éclairé et libre, une capacité au choix ! Mais vous n’obtiendrez, dans bien des cas, qu’un droit de favoritisme et de caprice ! […] D’autres font un autre genre d’objections qui couperait l’idée à sa racine, et ils disent : Quand vous accorderiez la liberté de tester au père de famille, l’égalité est si bien passée dans nos mœurs, dans notre manière de voir et de sentir, que l’immense majorité des pères n’en userait que dans le sens du droit établi et dans l’esprit de la loi actuelle ; et rien ne serait changé.

102. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Fox ; l’un fait pour absorber énergiquement tous les droits et toutes les volontés dans le droit et dans la volonté d’un seul ; l’autre créé pour débattre éloquemment, mais vainement, le pour et le contre, pour saper tous les gouvernements et pour voir des ennemis dans tous les ministres du pouvoir. […] Le défaut de cette histoire est de prendre trop souvent l’expédient pour droit et l’habileté pour principe de gouvernement. […] Ce n’est plus l’histoire, c’est le catéchisme du droit des gens ; entre Grotius et Tacite il y a la différence d’un traité à un récit. […] J’en ai fait saisir un à Ettenheim, et on me parle aujourd’hui de droit d’asile, de violation de territoire ! […] “Ce sont là, lui dit-il, les palais que Votre Majesté me force d’habiter depuis trois mois. — Ce séjour vous réussit assez, lui répliqua le monarque autrichien, pour que vous n’ayez pas le droit de m’en vouloir.”

103. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Ces hommes qui mettaient tant de temps, tant de pesanteur à discuter la déclaration des droits, à compter, peser les syllabes, dès qu’on fit appel à leur désintéressement, répondirent sans hésitation ; ils mirent l’argent sous les pieds, les droits honorifiques, qu’ils aimaient plus que l’argent. […] Chez nous, au contraire, le sentiment de l’idéal est inné ; la fidélité au droit est invincible. Ceux qui violent le droit ne l’avouent jamais ; ceux qui subissent la violence protestent par leur silence, quand ils ne le peuvent autrement. […] Avec tous nos grands historiens, le sentiment du droit reprit son empire dans l’histoire comme dans la politique. […] Aussi le droit et le fait ne peuvent-ils avoir une commune mesure.

104. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Et sans doute chacune de ces nations se fait du Droit une idée caractéristique35. […] Quant à la philosophie des stoïciens, qui devait pénétrer le Droit romain renouvelé, l’imagine-t-on ailleurs qu’à la fin du monde antique ? […] Déportez Rousseau chez les Fuégiens ou les Hottentots, et laissez-le déclamer : ses théories inspireront-elles à leurs hordes une « Déclaration des Droits de l’homme ?  […] Là même où l’induction perd pied, la déduction garde ses droits. […] Fouillée, L’idée moderne du droit, 1ers chapitres.

105. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Pas de pouvoirs intermédiaires, ni de division des pouvoirs, ni de constitution écrite : pas de droit, hors et contre le droit du roi. […] Il est très respectueux du droit de l’individu ; mais, comme les droits de tous les individus sont égaux, il ne peut trouver que dans l’association les solutions satisfaisantes de tous les problèmes. […] Sans cesse, il fallait recourir aux principes de l’ancien droit, ou du droit nouveau, les expliquer, les fonder, les dissoudre, rechercher le sens des grands événements d’où le présent était sorti, et dresser comme des inventaires de leurs résultats moraux ou sociaux. […] C’étaient les droits de l’individu qu’il défendait dans les principes de la Révolution, dans les libertés et les garanties octroyées par la Charte. […] Il lui faut une dynastie séculaire pour avoir un droit royal avéré, indiscutable : autour de ce droit, le limitant et le soutenant de leurs droits, il dresse les deux Chambres, et il forme ainsi le gouvernement, en qui, et en qui seul, il place la souveraineté693 .

106. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Ils combattent la loi du droit d’aînesse et la loi du sacrilège. […] Il a désiré avec une ardeur extrême l’abolition de tous les privilèges, l’égalité des droits politiques3, la liberté des hommes, leur dignité. […] Mais elle faisait la part de la royauté beaucoup moindre, elle était contraire à l’hérédité de la chambre haute, et demandait l’extension du droit électoral. […] Les économistes sont les premiers, parmi les partisans de la société nouvelle, qui aient discuté cette idée de l’État et qui aient opposé le droit individuel au droit collectif. […] C’est par là, c’est par le journal l’Avenir que Lamennais a droit à une place importante dans l’histoire des idées politiques au xixe  siècle.

107. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

En 1864, il publiait un livre intitulé : La Cité antique, qu’il nommait, avec une modestie qu’il est impossible de prendre au mot, une Étude sur le culte, le droit et les institutions de la Grèce et de Rome, — ouvrage couronné par l’Académie, et c’est ce que j’en puis dire de pis… En matière d’Histoire, je connais et j’ai souvent signalé les tendances, odieusement païennes, de l’Académie. […] C’était même un livre qui n’inclinait d’aucun côté, — un livre planté droit dans l’Histoire, qui disait les faits et les établissait avec une imperturbable solidité. […] Ces têtes romaines, organisées pour la politique, comme les têtes grecques l’étaient pour l’art, admettaient que le droit du magistrat fût absolu ; et il l’était à tous les degrés de la magistrature, pour le censeur comme pour le tribun, pour le préteur comme pour le consul. […] Le droit de vie et de mort, qui n’existe plus dans nos systèmes énervés de gouvernement, et qu’a gardé, comme un dernier vestige du droit romain, la monarchie française jusqu’à Henri III, qui fit tuer Guise sans jugement, et Louis XIII, le maréchal d’Ancre, ce droit terrible était inhérent au pouvoir politique chez les Romains. Néron et Commode pouvaient être des monstres et abuser effroyablement de leur droit, mais ils pouvaient s’en servir.

108. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Comment démontre-t-on que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits ? […] Qui fait que quand je me mets en marche, je pars du pied droit plutôt que du pied gauche ? […] Comment sommes-nous certains que les trois angles d’un triangle valent deux droits ? […] D’après lui, nous n’avons pas le droit d’affirmer, pas le droit de nier, mais nous ne pouvons pas douter : pratiquement, il faut que nous ayons des opinions. […] Ainsi de la définition du triangle, on déduit que les angles en valent deux droits.

109. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

D’ailleurs, si les lois de Solon lèvent les défenses antérieures, le caractère sacré de l’ancienne prohibition montre encore le pouvoir qu’il exerce sur les esprits à ceci : que le vendeur perd, par le fait de la vente, ses droits de citoyen. Il fallut qu’un long laps de temps s’écoulât encore avant que toute restriction au droit d’aliéner disparût. […] Et ce n’est également que d’une façon détournée que la parenté établie par le sang parvint à se faire reconnaître et à se faire accorder en droit les mêmes effets que la parenté par le culte. […] Si le père d’une fille unique mourait sans avoir adopté ni testé, l’ancien droit voulait que son plus proche parent fût son héritier ; mais cet héritier avait l’obligation d’épouser la fille. […] La croyance nouvelle tendait à fonder le droit successoral sur la parenté par le sang dont elle reconnaissait déjà l’importance jusque-là sacrifiée.

110. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Le savant seul a le droit d’admirer. […] Le savant seul a le droit d’admirer. […] Le souverain de droit divin, c’est la raison. […] Droit à la culture qui fait homme. […] Les droits se font et se conquièrent.

111. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 402-403

La naissance a des droits, mais ces droits sont bornés. […] Nous avons tous le droit d'éclairer vos foiblesses : Vos vices sont nos maux, vos vertus nos richesses ; Vous en devez un compte à la Patrie, au Roi, Au moindre Citoyen qui le demande, à moi, &c.

112. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Dans le droit, dans les sciences, dans la philosophie, dans les lettres et les arts, ils se montraient partout les plus ardents à l’étude, à la recherche de la vérité sous toutes ses formes. […] Que trouve-t-il à répondre aux arguments de droit et d’humanité, présentés par son contradicteur Jurieu ? […] Mais Bossuet ajoutait qu’on avait le droit de persécuter. « L’Église ne le fait pas, dit-il, car elle est faible. Mais les princes ont reçu de Dieu l’épée pour seconder l’Église et lui soumettre les rebelles. »… C’est sur ce droit de forcer la conscience que s’engage la querelle… Bossuet n’échappe aux prises de Jurieu qu’en s’enfonçant dans sa barbare doctrine, en soutenant, contre la nature, la pitié, la justice, — le faux droit de la tyrannie. […] Situés du côté du droit et de la justice, ils sont orientés vers l’humanité future.

113. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Devenu étudiant en droit, toujours à Dijon, il commença à se distinguer par un talent réel de parole dans des conférences qu’avaient établies entre eux les étudiants et de jeunes avocats. […] Son droit fini, il vint faire à Paris son stage, vers 1822. […] Il est de cette race d’esprits faits pour la certitude, pour croire ou tout au moins pour conclure, de ces esprits droits, fermes et décidés, qui tendent au résultat. […] Il faut donc reconnaître que la forme de l’abbé Lacordaire est neuve, et même romantique si l’on veut : ce n’est pas nous qui aurions droit de considérer ce mot comme une injure. […] Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

114. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

L’autre, qui suggère et dirige, enveloppe le tout dans les Droits de l’Homme et dans la circulaire de Siéyès. « Depuis deux mois, écrit un commandant du Midi797, les juges inférieurs, les avocats dont toutes les villes et campagnes fourmillent, en vue de se faire élire aux États Généraux, se sont mis après les gens du Tiers-état, sous prétexte de les soutenir et d’éclairer leur ignorance… Ils se sont efforcés de leur persuader qu’aux États Généraux ils seraient les maîtres à eux seuls de régler toutes les affaires du royaume, que le Tiers, en choisissant ses députés parmi les gens de robe, aurait le droit et la force de primer, d’abolir la noblesse, de détruire tous ses droits et privilèges, qu’elle ne serait plus héréditaire, que tous les citoyens, en la méritant, auraient le droit d’y prétendre ; que, si le peuple les députait, ils feraient accorder au Tiers-état tout ce qu’il voudrait, parce que les curés, gens du Tiers, étant convenus de se détacher du haut clergé et de s’unir à eux, la noblesse et le clergé, unis ensemble, ne feraient qu’une voix contre deux du Tiers… Si le Tiers avait choisi de sages bourgeois ou négociants, ils se seraient unis sans difficulté aux deux autres ordres. […] (Pourtant) aucun gentilhomme n’a autant fait pour les habitants de ses terres que M. le marquis de Marnezia… Les excès en tout genre augmentent ; j’ai des plaintes perpétuelles sur l’abus que les milices nationales font de leurs armes, et je ne puis y remédier. » D’après une phrase prononcée à l’Assemblée nationale, la maréchaussée croit qu’elle va être dissoute et ne veut pas se faire d’ennemis. « Les bailliages sont aussi timides que la maréchaussée ; je leur renvoie sans cesse des affaires, et aucun coupable n’est puni… » — « Aucune nation ne jouit d’une liberté si indéfinie et si funeste aux honnêtes gens ; il est absolument contraire aux droits de l’homme de se voir perpétuellement dans le cas d’être égorgé par des scélérats qui confondent toute la journée la liberté et la licence. » — En d’autres termes, les passions, pour s’autoriser, ont recours à la théorie, et la théorie, pour s’appliquer, a recours aux passions. Par exemple, près de Liancourt, le duc de la Rochefoucauld avait un terrain inculte ; « dès le commencement de la Révolution800, les pauvres de la ville déclarent que, puisqu’ils font partie de la nation, les terrains incultes, propriété de la nation, leur appartiennent », et tout de suite, « sans autre formalité », ils entrent en possession, se partagent le sol, plantent des haies et défrichent. « Ceci, dit Arthur Young, montre l’esprit général… Poussées un peu loin, les conséquences ne seraient pas petites pour la propriété dans ce royaume. » Déjà, l’année précédente, auprès de Rouen, les maraudeurs, qui abattaient et vendaient les forêts, disaient que « le peuple a le droit de prendre tout ce qui est nécessaire à ses besoins »  On leur a prêché qu’ils sont souverains, et ils agissent en souverains.

115. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

De ce principe et du précédent doivent dériver toutes les lois qui forment le droit des gens. « Toutes les nations ont un droit des gens. […] Ils envoient et reçoivent des ambassades ; ils connaissent des droits de la guerre et de la paix ; le mal est que ce droit des gens n’est pas fondé sur les vrais principes. « Outre le droit des gens, qui regarde toutes les sociétés, il y a un droit politique pour chacune. […] L’une leur donnait le droit d’assembler le Sénat, l’autre celui d’assembler le peuple.

116. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Pour les hommes, ils sont communément hauts, droits, vermeils, vigoureux, de bon air et de belle apparence. […] Les grands alléguaient la coutume, et que ce droit fait une partie de leurs appointements. […] Ils demeurèrent tous d’accord que nul Européen n’avait jamais été affranchi de ce droit, et il fallut que l’envoyé français en passât par là. […] Ce droit est de quinze pour cent par constitution. […] Ce droit est le principal émolument de ces officiers ; et lorsque le roi commande que quelque habit soit délivré gratis, et défend d’exiger ce droit, chose qui arrive fort rarement, il en fait bon aux officiers, de manière qu’ils ne le perdent jamais.

117. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Nous écarterons de même ce que certains philosophes appellent l’individualisme du droit 117. On entend par là l’individualisme qui proclame l’identité essentielle des individualités humaines comme êtres raisonnables et par suite leur égalité au point de vue du droit. […] Il nie toute certitude rationnelle, tout dogmatisme sociologique et moral au nom duquel la volonté sociale s’arrogerait le droit d’imposer son autorité aux individus. […] L’Unicisme est un individualisme de la force et non plus du droit. […] Aussi bien, l’idée de contrat, base du droit, gêne-t-elle l’individu dans sa spontanéité et son instantanéité.

118. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Schlegel), qui s’est cru le droit de traiter avec mépris notre littérature dramatique, ont suffi pour armer contre elle tous ceux qui ne se sentaient ni la force ni le courage de marcher sur les traces de nos grands maîtres. […] Car, d’un mot, ils pouvaient terminer le procès en attestant que la première représentation de l’ouvrage les dispensait bien d’en donner une seconde, qu’en ne la rejouant pas, ils ne faisaient qu’user du droit qu’ils avaient depuis un temps immémorial. […] Qui pourrait nier que les théâtres ont de véritables droits aux encouragements, aux récompenses du gouvernement ? […] Elles seraient distribuées à toutes les académies, à tous les professeurs de l’université, aux élèves de l’école polytechnique, de droit, de médecine, et enfin à tous les jeunes gens qui reçoivent une haute instruction de la générosité de la nation. […] Dans la capitale de la Bretagne, par exemple, j’ai vu les élèves de droit recevoir du directeur du spectacle une vingtaine de places au parterre, qui leur étaient distribuées à tour de rôle par leur prévôt, chaque jour de représentation.

119. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Il faut que l’idéal soit respirable… C’est l’idéal qui a le droit de dire : Prenez, ceci est ma chair, ceci est mon sang. […] Et c’est un devoir sacré pour les gouvernements de se hâter de répandre la lumière dans ces masses obscures où le droit définitif repose. […] Ne demandez pas de droits pour le peuple tant que le peuple demandera des têtes215. » Après les événements de l’année terrible, il exprime de nouveau éloquemment le droit de l’individu devant les masses :                  Le droit est au-dessus de tout ;          . . . . . . . . […] Qui donc s’est figuré que le premier venu Avait droit sur mon droit ! […] . . . . . . . . . . tout germe et rien ne meurt… Dans les chutes du droit rien n’est désespéré217.

120. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Quoique ce puisse sembler déjà de l’histoire ancienne, je demande à exprimer ma pensée à ce sujet ; car il est possible que, plus tard, la question revienne de droit au Sénat même, sous forme de sénatus-consulte. […] Je ne parle pas des spirituelles épigrammes qu’elle a values à qui de droit et qui ne laissent pas cependant de porter, quand elles sont justes et bien méritées. […] M. le président Bonjean m’a déjà prévenu sur cet article et a plaidé devant vous le bon droit à grand renfort d’arguments que lui ont fournis sa science approfondie et son expérience ; M.  […] Nogent Saint-Laurens, dans son troisième rapport supplémentaire, a bien voulu laisser une porte entr’ouverte et faire entrevoir que plus tard, — peut-être, — il ne serait pas impossible d’obtenir quelque réduction nouvelle pour les droits de timbre et les droits postaux : ce serait un article à insérer dans une loi future de finance. […] Au lieu de cela, la nouvelle loi, en commençant par accorder beaucoup, par reconnaître à chaque citoyen un droit, a aussitôt agi cependant, par une sorte de contradiction subite, comme si elle avait affaire à des ennemis, comme s’il y avait à se défier de tout ce qui lient une plume.

121. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Buffon se croyait des droits sur lui, et, à la première élection, il demanda à Bailly sa voix pour l’abbé Maury, depuis longtemps célèbre par ses Panégyriques. […] Ceci doit être dit pour la consolation des honnêtes gens et pour l’encouragement de la jeunesse à suivre le droit chemin. […] Il se dit que l’honneur de présider le tiers état du royaume était jadis un privilège des députés de Paris ; que, s’il décline cette charge, il peut priver la ville qui l’a nommé d’un avantage auquel elle a des droits. […] Bailly, grave, circonspect, mesuré, mais droit et inflexible, se trouve naturellement à la hauteur de ses résolutions décisives. […] Debure, qui avait fait les frais d’impression de cet opuscule, était le libraire de Bailly, dont il avait imprimé les grands ouvrages ; Mérard de Saint-Just, un des plus féconds amateurs de la poésie légère à la fin du xviiie  siècle, avait droit de s’intituler l’ami intime de Bailly dans tous les temps.

122. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Le génie, étant vérité et étant liberté, a droit à la persécution. […] Une fois Voltaire insulté, on était cuistre de droit. […] Poëte, vous croyez au droit et à la vérité, vous n’êtes plus de votre temps. […] Vous voulez de l’insurrection, nous nous insurgeons contre notre droit. […] Le moi, c’est le droit à l’égoïsme.

123. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

L’École romane avait revendiqué les droits de la Tradition, Charles Morice revendique les droits de l’Esprit français, puis c’est Fernand Gregh qui revendique les droits de l’Humanisme. […] Les Parnassiens, qui n’acceptent pas leur défaite, relèvent la tête en 1900 et lui notifient par la voix de Mendès que « sa poétique est déjà surannée et vieillissante35 » Mais le coup le plus droit porté à son influence sera le triomphe de Cyrano de Bergerac où Rostand se gausse des petits esthètes du « Mercure françois ». […] Les Symbolistes avaient peut-être le droit de s’en prétendre peu affectés.

124. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

. — Au gouvernement théocratique où les dieux gouvernaient les familles par les auspices, succéda le gouvernement héroïque où les héros régnaient eux-mêmes, et dont la base principale fut la religion, privilège du corps des pères qui leur assurait celui de tous les droits civils. […] Comme la souveraineté devait avec le temps être étendue à tout le peuple, la Providence permit que les plébéiens rivalisassent longtemps avec les nobles de piété et de religion, dans ces longues luttes qu’ils soutenaient contre eux, avant d’avoir part au droit des auspices, et à tous les droits publics et privés, qui en étaient regardés comme autant de dépendances. […] Il devient esclave par une loi du droit des gens qui résulte de sa nature même ; et il est assujetti à des peuples meilleurs, qui le soumettent par les armes. […] Mais les jurisconsultes romains l’ont prise pour premier principe du droit naturel.

125. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

La marche que les prêtres avaient résolu de suivre contre Jésus était très conforme au droit établi. […] Le sanhédrin n’avait pas le droit de faire exécuter une sentence de mort 1110. […] Le procurateur n’était pas investi comme le légat impérial du droit de vie et de mort. […] Le droit romain ne s’appliquait pas aux Juifs. Ceux-ci restaient sous le droit canonique que nous trouvons consigné dans le Talmud, de même que les Arabes d’Algérie sont encore régis par le code de l’islam.

126. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Table des chapitres et des paragraphes. Contenus dans ce second Volume. » pp. -

Des Livres sur la politique & le droit public, 315 Chap.  […] Droit Canonique, 320 §.  […] Droit Civil, 322 Chap. 

127. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Tant que les pères conservèrent le domaine éminent dans le sein de leurs compagnies souveraines, tant que les plébéiens ne leur eurent pas arraché le droit d’acquérir des propriétés, de contracter des mariages solennels, d’aspirer aux magistratures, au sacerdoce, enfin de connaître les lois (ce qui était encore un privilège du sacerdoce), les gouvernements furent aristocratiques. […] D’une loi royale, éternelle et fondée en nature, en vertu de laquelle les nations vont se reposer dans la monarchie Cette loi a échappé aux interprètes modernes du droit romain. […] Pomponius dans son histoire abrégée du droit romain caractérise cette loi par un mot plein de sens, rebus ipsis dictantibus regna condita . — Voici la formule éternelle dans laquelle l’a conçue la nature : lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme, comme Auguste chez les Romains, qui se rendant maître par la force des armes, prend pour lui tous les soins publics, et ne laisse aux sujets que le soin de leurs affaires particulières. Cette révolution fait le salut des peuples qui autrement marcheraient à leur destruction. — Cette vérité semble admise par les docteurs du droit moderne, lorsqu’ils disent : universitates sub rege habentur loco privatorum  ; c’est qu’en effet la plus grande partie des citoyens ne s’occupe plus du bien public.

128. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

C’est le droit et l’instinct de tout le monde de suspecter les hommes suspects et de ne pas se lier avec les vagabonds de mauvaise renommée ; c’est triste, mais c’est fatal. […] Où finira ce droit de vengeance abstraite, cette justice du talion entre classes ? […] Qui fera le triage dans cette chambre ardente des droits de vengeance d’une famille humaine contre une autre famille ? Où sera le droit de se venger, le droit de la colère, comme dit Victor Hugo, dans une nation qui a toute également ce droit de colère dans toutes ses classes tour à tour ? […] L’évêque est en gros, comme on le voit après son entretien avec le terroriste, très large sur le sang répandu à flots par droit de colère du peuple.

129. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Il n’est point de Littérateur qui ne se croit des droits aux suffrages de ses contemporains. Ces droits ne sont pas toujours réglés par l’équité : la vanité en établit les titres, la vanité en prend la défense, & l’animosité est toujours le prix de quiconque ose se déclarer le juge de leur valeur. […] La République des Lettres seroit-elle un Etat anarchique où chaque Tyran fût en droit d’établir des loix arbitraires ?

130. (1894) Critique de combat

Guyot (ce qui est son droit) cite souvent M.  […] Lemaître nous ait donné le droit d’espérer davantage ? […] Mais qui a le droit de parler au nom de cette formidable inconnue, la jeunesse ? […] C’est son droit. […] La loi ne peut-elle, ne doit-elle pas être corrigée au nom du droit ?

131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Des Auteurs sans génie, sans talent, sans étude, & tout à la fois ambitieux, vains, & tranchans ; les Littérateurs plus habiles dans les mysteres de l’intrigue, que dans ceux de la Littérature, qui, à la faveur des suffrages extorqués, prétendoient attirer les hommages qui ne sont dus qu’au Génie ; des importans du second ordre, qui, se croyant en droit de décider de tout suivant leur caprice, s’efforçoient de substituer un faux culte à celui des véritables Divinités du Parnasse. […] Qu’on ne l’accuse point de malignité : il est si naturel à un esprit droit & juste, à un cœur ferme & généreux, d’éprouver les mouvemens du dépit, à la vue des usurpations ; le zele pour la gloire des Lettres & les intérêts de l’équité est si prompt à s’enflammer contre des injustices absurdes & multipliées, que l’esprit vient comme de lui-même au secours de la raison outragée ; & du mélange de sa vivacité unie à la sensibilité du cœur, naissent ces traits vigoureux qui impriment tantôt le ridicule, tantôt l’opprobre sur les travers ou sur les vices. […] En Poésie, comme en Morale, un homme éclairé & équitable a toujours droit d’être indigne, Quoties de moribus audent, Qui Curios simulant & Bacchanalia vivunt. […] Mais quand Despréaux n’auroit pas fait le Lutrin, seroit-on plus en droit de lui disputer les qualités qui font le vrai Poëte ? […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur.

132. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

d’où la sagesse, — les devoirs de l’homme envers la société, d’où l’amour, — et les devoirs de la société envers chacun de ses membres, d’où le droit ! […] Il est à son affaire, et son affaire, c’est l’homme : la sagesse de l’homme, l’amour de l’homme, le droit de l’homme ! […] Louis-Auguste Martín, quelque chose de très offensant pour le droit humain, et c’est là le grand reproche qu’il ait à faire à la Chine, mais, enfin, il n’en dit pas moins ; fier pour elle comme s’il était lui-même un Chinois : « Ce qui caractérise la civilisation en Chine, c’est la morale ! […] Oui, ce qui l’empêchait d’entrer, cette morale, dans les mœurs, c’est d’abord le vilain bambou, incompatible avec le droit humain ! Puis, c’était aussi le droit de primogéniture, odieux partout, en Orient et en Occident (encore une vieille guitare connue !)

133. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Chargez cette fabrication d’un droit nouveau. […] Depuis 1907, il n’aurait touché aucun droit sur les volumes de son père. […] De l’abus du droit de grève Quand on cherche à dégager le principe profond du droit de grève, on trouve que ce droit n’est que le corollaire de deux autres, les plus respectables qui soient, car ils constituent l’essentiel de notre personne morale : le droit au travail et le droit à la liberté. […] Elles conservent un droit de propriété sur ce travail. […] Ainsi l’abus du droit de grève, par lequel les meneurs du bolchevisme français prétendent réaliser leur doctrine, arrive à ce paradoxe déconcertant : corollaire du droit à la liberté, le droit de grève porté son extrême produirait l’esclavage.

134. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Là où tout le monde tâtonne, il touche juste, il marche droit. […] Combien il serait beau aujourd’hui d’écrire ces vrais droits de l’homme par la main d’un Aristote, d’un Bacon, d’un Montesquieu, d’un Mirabeau ! […] Le droit de tout faire, excepté ce qui attente à la patrie, est son principe ; il est aussi celui du bon sens. […] La déclaration des droits de l’homme le prouve. […] Elle voulut se répandre par le droit et non par la force.

135. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

N’exagérons rien ; mais sérieusement M. de Pontmartin aurait lieu de dire comme certain ministre après sa conduite dans la Coalition : « Ma situation est changée. » Et en effet, de quel droit viendra-t-il parler dorénavant religion, morale, famille, quand il a violé, de dessein prémédité, les plus simples bienséances et les lois du savoir-vivre ? De quel droit relèvera-t-il les misères, les versatilités, les scandales de la vie littéraire, lui qui a fait un livre en partie spirituel, je le veux, mais tout au point de vue de l’amour-propre et qui n’est, à le bien prendre, qu’une gaminerie immense. […] Et nous qu’il a tant de fois chapitré au nom de ses doctrines de convention, nous avons droit de dire en montrant le présent livre : Lisez et vous y sentirez pour toute inspiration, aux meilleurs endroits, une personnalité très-vive, très-fine, très-excitée et surexcitée, une vanité blessée et se vengeant. […] Pour les rendre plus piquants, l’auteur a outré dans quelques-uns les traits, ce qui est, dit-il, le droit du satirique : il a, dans d’autres, altéré la vérité, ce qui n’est le droit de personne. […] Certes, quand on s’est avancé ainsi envers un confrère, on n’a plus ensuite le droit de venir récriminer contre lui avec injure et acrimonie, ou bien on s’expose à s’entendre dire, tout gentilhomme qu’on est, qu’on est atteint et convaincu de trissotinisme.

136. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

De droit et de légitimité, n’en cherchez le principe là aussi que dans la nécessité. On partait chaque printemps ; chaque fleur de génération, chaque élite nouvelle s’envolait à son tour à travers le monde et par les vastes espaces de la terre habitable, comme disait Homère : on allait tout droit devant soi, au hasard, à la découverte, selon les versants et les pentes, à la rencontre d’un meilleur climat, d’un plus beau soleil, en quête des terres fécondes, des moissons et des vignes là où il y en avait ; on avait pour droit sa passion, sa jeunesse, l’impossibilité de vivre où l’on était, — le droit du plus jeune, du plus fort, du plus sobre, sur les races voluptueuses et amollies. […] Pour trouver l’habileté jointe au courage et l’une et l’autre au service du droit, il faut longtemps attendre : on ne se sent un peu consolé des horreurs et des carnages de religion au xvie siècle que lorsqu’on voit Henri IV conquérir en héros son royaume, et Maurice de Nassau maintenir par l’épée sa libre patrie. […] Il avait remarqué cependant du coin de l’œil que les deux volumes avaient été déposés du côté droit du bureau ; c’était le bon côté, le tiroir de réserve. […] L’auteur n’y perd jamais de vue cette maxime : « La théorie est le pied droit, et l’expérience est le pied gauche. » Les guerres de la Révolution lui fournissaient aussi des termes naturels de comparaison et des exemples ; il les empruntait le plus volontiers à la campagne d’Italie de 1796-1797 et à celle de 1800.

137. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Le problème que nous venons de poser va nous permettre de revendiquer les droits de la raison sans retomber dans l’idéologie. […] Dans ces conditions, on n’a plus le droit de dire que la pensée est inutile à l’action. […] Dans le premier cas, il aura le droit de traiter, le phénomène de normal et, dans le second, de lui refuser ce caractère. […] Comme il s’est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des actes qui lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient primitivement pas43. […] D’après le droit athénien, Socrate était un criminel et sa condamnation n’avait rien que de juste.

138. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

III Cette vieille poétique, qui est probablement « la poétique de l’avenir », comme la raison philosophique de la Grèce doit être « la raison de l’avenir », cette vieille poétique n’est autre que la littérature des Grecs passée, après coup, à l’état de théorie, et qui a droit de retour et de despotisme si elle a l’absolu d’une vérité ; Or, pour M.  […] le plus parfait des historiens grecs, mais il ne sera plus toujours le plus parfait des historiens possibles, et l’admiration de son commentateur n’aura plus le droit d’exister, — du moins au même degré de chaleur Réaumur. […] Par simplification, il laisse l’idée du droit se dégager toute seule du spectacle des choses, et il ne comprend pas, ce Grec qui n’est dirigé que par la raison, que la beauté de son histoire — à ne regarder que la seule beauté !  […] Mais comme l’art littéraire tel que les Grecs le concevaient n’était pas tout, même à Athènes du temps de Périclès et de Phidias, et que la Critique y avait droit, comme en ce moment à Paris, d’y exiger plus d’un historien que de l’art, fût-il raffiné, que répondrait M.  […] Girard avait droit à une couronne… de cyprès.

139. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Ernest Renan106, nous introduisait dans le docte ménage d’un professeur hollandais, et il rappelait à cette occasion les femmes célèbres qui, en Italie, depuis la renaissance des lettres jusqu’à des temps très rapprochés de nous, avaient occupé des chaires savantes, des chaires de droit, de mathématiques, de grec. Il y a des dissertations en règle où l’on traite des femmes qui ont pris le bonnet de docteur dans les universités ou collèges de Bologne et de Padoue, à partir d’une certaine Bitisia Gozzadina, célèbre au xiiie  siècle, et qui, à vingt-sept ans, était docteur en droit civil et en droit canon4. […] Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenait captif sous ce préjugé, et elle seule nous maintient dans nos droits. Mais laissons de côté ces droits qui sont une expression fâcheuse et qui rappellent trop qu’au nom des Droits de la femme il s’est fait des insurrections aussi, des manifestations comme au nom des Droits de l’homme. […] Il faut lui passer d’être érudite comme à la fille de Pythagore d’avoir été philosophe, comme à la fille de l’orateur Hortensius d’avoir été éloquente, comme à la fille du grand jurisconsulte Accurse d’avoir excellé dans le droit ; de telles vocations filiales n’apportent point de trouble dans les mœurs de famille ; elles ne font, dans l’exception, que les continuer et les confirmer.

140. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Pour peu qu’on eût le sens de voir et le courage de sa raison, qui fait conclure d’après ce que l’on a vu, quelque blessure que ce doive être pour ses convictions ou ses espérances, on conviendrait qu’on n’a pas le droit d’apporter, comme preuve de la vérité reconnue d’une doctrine, des circonstances sans gravité, accidentelles, éphémères, et qui n’ont avec cette doctrine aucun rapport de cause à effet. Ainsi, par exemple, de ce que certains esprits distingués dans la littérature ou dans la science ont, comme Hurter, malgré leur origine et leur éducation protestante, manifesté une admiration sincère pour l’organisation catholique telle que le Moyen Âge l’a conçue et réalisée, est-ce un motif légitime d’induire qu’il y a une tendance très animée vers le catholicisme dans la patrie de ces esprits, et que cette tendance mène droit à une révolution ? […] Parce qu’une opinion vient d’Allemagne, ce n’est pas une raison pour que nous ne lui demandions pas son droit à notre respect, ce droit qui n’est d’aucun pays. […] Il était pénétré du sentiment de son droit ; il pensait (et il avait raison) que son intervention dans de telles affaires constituait un des plus puissants ressorts de la Papauté. […] Si les Papes avaient décidé que tout prêtre coupable avait bien droit à la miséricorde de l’Église, mais non plus aux fonctions publiques ; que, l’indignité reconnue, il n’était plus bon qu’à faire un moine, Home eût vécu plus longtemps sur le respect des peuples, et l’heure de la Réforme n’aurait pas sonné deux siècles après Innocent.

141. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Les parents adoptent donc, presque toujours par calcul autant que par inclination, cette sorte de dignité qui se voile ; ils veulent être jugés par ce qu’ils cachent, ils veulent qu’on se rappelle leurs droits à l’instant même où ils consentent à les oublier ; mais ce prestige, comme tous, ne peut faire effet que pendant un temps. […] Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable. […] La base principale d’un tel lien, l’ascendant du devoir et de la nature, ne peut être anéanti ; mais dès qu’on aime ses enfants avec passion, on a besoin de toute autre chose que de ce qu’ils vous doivent, et l’on courre, dans son sentiment pour eux, les mêmes chances qu’amènent toutes les affections de l’âme : enfin, ce besoin de réciprocité, cette exigence, germe destructeur du seul don céleste fait à l’homme, la faculté d’aimer, cette exigence est plus funeste dans la relation des parents avec les enfants, parce qu’une idée d’autorité s’y mêle, elle est donc par la même raison plus funeste et plus naturelle ; toute l’égalité qui existe dans le sentiment de l’amour suffit à peine pour éloigner de son exigence l’idée d’un droit quelconque ; il semble que celui qui aime le plus, par ce titre seul, porte atteinte à l’indépendance de l’autre ; et combien plus cet inconvénient n’existe-t-il pas dans les rapports des parents avec les enfants ? Plus ils ont de droits, plus ils doivent éviter de s’en appuyer pour être aimés, et cependant dès qu’une affection devient passionnée, elle ne se repose plus en elle-même, il faut nécessairement qu’elle agisse sur les autres.

142. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Mais, ces droits acquittés, il a tort, si, par orgueil ou avidité, il leur prend quelque chose de plus. — Quant aux vagabonds, aux misérables qui, dans le désordre et la dévastation universelle, viennent se réfugier sons sa garde, leur condition est plus dure : la terre est à lui, puisque sans lui elle serait inhabitable ; s’il leur en accorde une parcelle, si même il leur permet seulement d’y camper, s’il leur donne du travail ou des semailles, c’est aux conditions qu’il édicte. Ils seront ses serfs ; ses mainmortables ; quelque part qu’ils aillent, il aura le droit de les ressaisir et ils seront, de père en fils, ses domestiques-nés, applicables au métier qu’il lui plaira, taillables et corvéables à sa merci, ne pouvant rien transmettre à leur enfant que si celui-ci, « vivant à leur pot », peut après leur mort continuer leur service. « Ne pas être tué, dit Stendhal, et avoir l’hiver un bon habit de peau, tel était pour beaucoup de gens le suprême bonheur au dixième siècle » ; ajoutons-y pour une femme celui de ne pas être violée par toute une bande. Quand on se représente un peu nettement la condition des hommes en ce temps-là, on comprend qu’ils aient accepté de bon cœur les pires droits féodaux, même celui de marquette ; ce qu’on subissait tous les jours était pire encore11. […] Le peuple, jusqu’en 1789, verra en lui le redresseur des torts, le gardien du droit, le protecteur des faibles, le grand aumônier, l’universel refuge. […] Mon peuple n’est qu’un avec moi ; les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’entre mes mains ».

143. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Dois-je professer qu’ils ont mêmes devoirs, mêmes droits ? […] Ou bien, nous avons accepté les principes rationalistes : nous tenons que la raison est par-dessus tout respectable, et que d’ailleurs elle habite dans tous les hommes ; c’est en vertu de ces jugements généraux que nous déclarons juste et bon que les mêmes devoirs leur soient imposés, et les mêmes droits reconnus. […] Si l’on veut que les biens et les maux y soient distribués conformément aux exigences égalitaires, en quel sens réformer la justice, la confection et l’application du Droit ? […] des droits électoraux ? […] Ou bien, je pose en principe que tous les citoyens ont droit aux mêmes libertés civiles, et, d’un autre côté, je crois que lorsqu’une classe seulement des citoyens prend part au gouvernement, les libertés civiles ne sont pas également sauvegardées pour toutes les classes : je réclame en conséquence le suffrage universel.

144. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il n’a point d’idée préconçue ; il ne se croit pas obligé de se cantonner dans un coin de la terre de Chanaan et de prendre pour belvédère la terrasse et la plate-forme étroite d’un petit peuple : il regarde droit en face et remonte d’abord au berceau manifeste de notre civilisation, à la source commune des races et des religions, à ce point central de l’Asie d’où elles découlent. […] Association de pères de famille, agriculteurs et guerriers, qui couvre peu à peu les sept collines, ayant au-dessous d’elle des clients nombreux, la cité est d’abord un patriciat jaloux qui retient d’une manière incommunicable, non-seulement le gouvernement, mais le culte, le droit civique, et comme la famille même et la propriété. » On sait toutes les crises par où l’on dut passer avant de forcer une à une les barrières : patriciat hautain et féroce, révoltes populaires, sécessions à main armée et droits conquis, puissance des tribuns ; puis, en dehors de Rome, le travail des peuples latins et italiens, leur révolte aussi, la guerre sociale, et les alliés vaincus faisant irruption pourtant dans la cité et gagnant en définitive leur cause. […] Notre fondateur Romulus, bien plus sage, a vu la plupart des peuples voisins, en un seul jour ennemis de Rome et ses « concitoyens. » Le programme de Romulus (si Romulus il y a) fut celui de toute la République et de tout l’Empire ; il fut appliqué et pratiqué, bon gré, mal gré, à chaque période, et dans des proportions de plus en plus larges, jusqu’au jour où parut enfin ce décret impérial dont on fait honneur à Caracalla, et en vertu duquel tous les hommes libres, sans distinction, répandus sur toute la surface de l’Empire, se trouvèrent avoir acquis officiellement le droit de cité romaine. […] Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées. […] La Cité antique, Étude sur le Culte, le Droit, les Institutions de la Grèce et de Rome, par M. 

145. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Beaumarchais fut blâmé par le tribunal, c’est-à-dire dégradé de ses droits civils : mais l’opinion publique lui fit un véritable triomphe. […] Enfin, après que six censeurs successifs y eurent passé, les comédiens eurent le droit de jouer la pièce dans leur nouvelle salle (l’Odéon actuel). […] Figaro se dresse devant lui, ayant le mérite, le droit, l’honnêteté relative : il a même la popularité, grand signe des temps. […] Ils révélaient leur impuissance : une société est perdue quand elle n’a plus foi en son droit, et se moque des principes qui la soutiennent. […] Il entre en querelle avec les comédiens sur la question de ses droits d’auteur (1776), et provoque l’union des auteurs dramatiques pour la défense de leurs intérêts.

146. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Il croit également à tous les résultats qu’en peut tirer une réflexion saine, un raisonnement droit et non sophistiqué. […] quel soin scrupuleux d’opérer la transaction entre le droit écrit et les coutumes, entre ce que la raison réclame et ce que l’usage peut supporter ! […] En reconnaissant à chacun le droit de critique et de discussion, Portalis, ayant Montlosier en vue, écrivait : La vérité, surtout en matière de législation, est le bien de tous les hommes. Chercher à la découvrir n’est pas un droit qui appartienne exclusivement aux fonctionnaires publics. […] Montlosier, à cheval sur le droit féodal et sur la coutume, sur le gouvernement domestique et l’autorité paternelle, accusait les rédacteurs du Code civil d’avoir isolé le législateur d’avec la nation (ce que précisément ils s’étaient bien gardés de faire).

147. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

dit l’homme de loi, puisque vous n’en appelez qu’au bon Dieu, on vous enverra demain deux commissaires au partage qui limiteront votre quart d’avec les trois quarts revenant par le jugement aux Bardi de Bel-Sguardo ; j’oubliais de vous dire que, par un autre papier que voici, les Bardi, vos parents, ont vendu leurs droits sur l’héritage à Gugliamo Frederici, capitaine des sbires de la ville et du duché de Lucques ; c’est un brave homme avec qui vous pourriez vous accommoder et qui pourra, par charité, vous laisser le choix du quart du domaine qu’il vous conviendra de garder à vous, en réservant de faire valoir ses droits sur les intérêts accumulés, depuis que vous jouissez indûment de la totalité des revenus. […] Il a dit : « La vigne est au sbire, la treille est à vous » ; mais il n’a pas dit que le propriétaire de la vigne n’aurait pas le droit de couper son pampre ! […] nous écriâmes-nous, le papier dit bien que les châtaignes tombant sur nous sont à nous, mais il ne dit pas que le propriétaire du tronc, des racines et des branches n’aura pas le droit de couper son arbre. […] Donnez-moi ce papier : la première fois que j’irai encore à Lucques, je le ferai voir au professeur de droit Manzi, mon vieil ami. […] — Non, répondit l’homme de loi, je ne le conteste pas ; mais, de votre côté, oserez-vous nier que la propriété de l’arbre lui-même est au capitaine des sbires, et que, quand il aura fait de sa propriété ce qu’il a le droit d’en faire, votre droit tout conditionnel, à vous, ne subsistera plus ; car, puisqu’il est le propriétaire, il a le droit d’abattre l’arbre, et, le tronc une fois abattu, que deviennent les branches ?

148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

On seroit en droit de lui reprocher d’avoir abandonné le Cothurne, si on ignoroit qu’il a dans son porte-feuille plusieurs autres Pieces excellentes, & dont le succès est assuré, pour peu que le goût & la justice conservent encore des droits parmi nous. […] M. de Pompignan ne s’est pas borné à la Poésie ; il s’est acquis encore des droits à la gloire d’être un de nos meilleurs Ecrivains en Prose.

149. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Apollon oppose à ce rapport purement naturel le droit moral de l’époux, et ici la gravité du génie d’Eschyle est digne d’être éternellement admirée. […] Apollon soutient en même temps le droit sacré du prince, qui est l’auguste tête de la société politique. […] Les héros d’Eschyle et de Sophocle débordant du Dieu qui les anime, pénétrés en tous sens du sentiment énergique et profond de leur droit, sont possédés, emportés tout entiers parleur passion unique. […] Ils voient des passions mesquines, des intérêts égoïstes, des droits faux, des idées contradictoires en elles-mêmes, des volontés qui ne peuvent aboutir, engager une escarmouche burlesque. […] Cette conscience de la libre personnalité et de ses droits doit s’être manifestée à un plus haut degré encore pour que la comédie puisse apparaître.

150. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Mais alors se présente une objection qui est également juste contre tous les prétendants au pouvoir politique, et qui semble renverser toutes les raisons de ceux qui réclament l’autorité comme un droit de leur fortune, aussi bien que de ceux qui la réclament comme un droit de leur naissance. […] Si la plupart des gouvernements prennent le nom de république, c’est qu’ils cherchent presque tous uniquement à combiner les droits des riches et des pauvres, de la fortune et de la liberté ; et la richesse semble presque partout tenir lieu de mérite et de vertu. […] « En outre, les séditions et les luttes étant fréquentes entre les pauvres et les riches, jamais le pouvoir, quel que soit le parti qui triomphe de ses ennemis, ne repose sur l’égalité et sur des droits communs. […] Certes le droit d’en faire une appartiendrait bien plus légitimement aux citoyens d’un mérite supérieur, quoique ceux-là n’usent jamais de ce droit ; mais, de fait, l’inégalité absolue n’est raisonnable que pour eux. […] On peut être d’accord sur le fond même du droit, et différer sur la proportion dans laquelle il doit être donné.

151. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Toujours est-il que dernièrement, dans un journal, je l’ai vu rouler, ce nom qui a la condescendance d’être resté féminin, parmi ceux des hommes forts qu’on appelle : la Société des gens de lettres et franchement il avait bien le droit de se montrer parmi eux ! […] Malgré ces taches de bleu, elle, a trop d’élégance, cette aristocratique Mme Claire de Chandeneux, pour jamais parler crûment du « droit des femmes », cette crudité ! […] Voici que le droit des femmes devient, même pour les hommes d’État, une sérieuse opinion politique ; que le club jadis fondé par Mme Olympe Audouard, de rose mémoire, qui ne pensait peut-être pas en tête-à-tête avec un homme ce qu’elle disait devant des hommes réunis, voici que ce club haché si longtemps par la plaisanterie rejoint ses tronçons et ressuscite avec d’autres Olympe Audouard, aussi affreusement rouges qu’elle était, elle, délicieusement rose… Voici que les Tricoteuses de la Révolution, si elles revenaient dans notre monde, ne voudraient plus tricoter devant la tribune, mais entendraient bien y monter ! […] Il s’est même rencontré un bas-bleu plus crâne que les autres et dont le café était plus fort, qui a prétendu que les femmes avaient le droit (toujours des droits !)

152. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Avec sa chronique, Cénac-Moncaut a évité la difficile alternative imposée à son talent par son sujet, mais il nous a donné le droit de dire de son livre : C’est beaucoup trop, ou pas assez ! […] « Le plateau pyrénéen, — dit-il dans son introduction, — ce plateau, dressé entre la France et l’Espagne, comme l’immense squelette d’un cétacé qui aurait échoué entre deux mers, a renfermé, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, tous les caractères, tous les éléments qui ont le droit d’inspirer ou d’obtenir une histoire. […] n’a pas le droit d’écrire ses mémoires, et, j’en demande bien pardon à Cénac-Moncaut, tout peuple non plus n’a pas droit à l’Histoire, parce que, boue et crachat longtemps pétris dans les mains de la divine Providence, il a vécu, combattu et souffert. […] Cénac-Moncaut avait bien le droit, lui, de se dévouer au service de leur mémoire ; mais, doué de talent et de science comme il l’est, il est fait certainement pour autre chose que pour écrire une histoire provinciale, qui n’est jamais, après tout, que l’équarrissage d’un bloc historique plus considérable et plus beau.

153. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

C’est que saint Anselme, par cela même qu’il se détournait de la théologie vers la métaphysique, posait au xie  siècle, dans l’innocence et la sécurité de sa foi, les problèmes que la métaphysique agite, depuis qu’elle existe, sans les résoudre ; et que les posant nécessairement comme les métaphysiciens les posent, il était justiciable des métaphysiciens et qu’ils ont eu parfaitement le droit de dire, comme ils l’ont dit, dans quelle mesure ils admettaient sa pensée et dans quelle mesure ils ne l’admettaient pas. Ainsi, pour revenir à Hegel, Hegel a eu le droit d’écrire cette arrogante réserve : « Il ne manque à l’argument de saint Anselme que la conscience de l’unité de l’être et de la pensée dans l’infini », et M. de Rémusat a eu le droit aussi, à la fin de son ouvrage, de reprendre l’argument du Prologium, afin de le purifier de tout spinozisme et de lui donner cette valeur philosophique que nous avons indiquée et qui serait si grande si elle n’était pas chimérique, à savoir : le rationalisme du principe sans le panthéisme de la déduction ! Mais si M. de Rémusat a eu le droit d’agir ainsi dans son interprétation de la métaphysique de saint Anselme, a-t-il réussi ? […] M. de Rémusat a-t-il jamais eu la faculté des esprits nets et droits qui vont de primesaut aux réalités importantes ?

154. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

mais comme une chose absolument due et que la justice aurait le droit d’exiger ? […] III Ce livre des Docteurs du jour domine de beaucoup la littérature, et c’est même ce qui en expliquerait les défauts littéraires, car il en a, que la Critique est en droit d’y relever. […] Sous ce pêle-mêle d’idées et d’images, de sentiments et d’abstractions, il y a une unité qui tient au fond du livre et de l’âme de l’auteur, et qui nous venge bien du manque d’unité de cette forme que j’ai signalée ; et cette unité du sujet, retrouvée, à toute place, dans cette dispersion de qualités qui rayonnent de toutes parts, en ce livre formidable, comme les balles écartées d’une espingole, c’est justement ce qui est en cause dans cette misérable heure : c’est la grandeur et le droit de la paternité ! […] La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu ! […] Et, en effet, tant que la Paternité, qui est dans la famille ce que Dieu même est dans l’univers, restera debout dans un seul code ou dans un seul cœur ; — tant que cette Paternité discutée, diminuée, méprisée, imbécillisée comme elle l’est par de lâches tendresses, n’aura pas cependant entièrement perdu la notion de son imprescriptible droit et n’aura pas été remplacée par l’État, ce tyran eunuque qui n’a pas d’enfants !

155. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Et seuls y voient un illogisme les critiques eux-mêmes, qui sont imbus d’une idée essentielle ; c’est que beaucoup de feuilletonistes réunis constituent évidemment une critique, comme beaucoup de menuisiers réunis ont droit à constituer la menuiserie. […] Cependant ils sont assaillis tous les jours par les réclamants, Mais comme ceux-ci ne protestent que contre leur sévérité, et jamais contre leur droit à juger, ils demeurent attachés solidement à l’esprit même de leur institution. […] Les journaux à tirage trop faible pour exiger ce droit léonin relèguent en des colonnes de troisième page, bien après les informations politiques et tout juste avant les faits divers, des critiques qu’on ne va pas lire, et que rédigent des personnes n’ayant à ce rôle d’autre aptitude que leur bonne volonté. […] Quel droit divin a été donné à cet homme pour que, commençant son office le samedi dans une feuille, les gens s’en remettent, dès le dimanche, à son opinion, alors que s’il leur conseillait un plat ils hésiteraient, et demanderaient d’abord si ce monsieur a leur tempérament gastrique ?  […] La critique impressionniste est le commencent de la fin pour la critique : et il n’y a que les médiocres, intermédiaires entre la réclame payée et les lettrés sérieux, qui se croient investis d’un pouvoir, tapagent dans des syndicats et des cercles, parlent très haut de leurs droits, et mettent à prix leurs indulgences.

156. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Neumann cédait son droit moyennant une certaine indemnité ; MM.  […] Lamoureux aurait signé un traité avec la famille Wagner qui lui accordait le droit de représenter la Walküre au cas où elle gagnerait son procès. […] C’est de 1870 que date sa naturalisation … Dédions l’anecdote à qui de droit. […] Avocat, journaliste, critique d’art, écrivain et poète, il rencontra le poète Saint Pol Roux à la faculté de droit. […] Il participa également à de nombreuses publications comme Droits de l’homme, Le Journal du Peuple, L’Humanité, L’Action, Gil Blas et publia plusieurs romans après une mission en Indochine.

157. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

C’est exclusivement à ce socialisme de bonne foi que l’abbé Cadoret a voulu répondre dans son livre du Droit de César 15, et sa réponse, il l’a marquée de ce caractère de supériorité modeste et tranquille qu’aura toujours l’œuvre d’un prêtre quand il s’agira d’histoire, de doctrine et de tradition. […] La seule observation que nous voulions risquer, quand il est question d’un écrivain qui, en publiant le livre du Droit de César, a cherché avant tout l’occasion d’être utile dans le sens le plus pratique et le plus évangélique du mot, c’est le regret de voir sa brochure affecter les formes d’une polémique personnelle. […] Le Droit de César (Paris, 30 août 1853).

158. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

On doit trouver dans les poèmes d’Homère les deux principales sources des faits relatifs au droit naturel des gens, considéré chez les Grecs Aux éloges que nous venons de donner à Homère, ajoutons celui d’avoir été le plus ancien historien du paganisme, qui nous soit parvenu. […] On a rapporté ces lois au législateur d’Athènes, d’où elles seraient passées à Rome, et l’on n’y a point vu l’histoire du droit naturel des peuples héroïques du Latium ; on a cru que les poèmes d’Homère étaient la création du rare génie d’un individu, et l’on n’y a pu découvrir l’histoire du droit naturel des peuples héroïques de la Grèce.

159. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Mais il y a un autre point de vue, plus vrai, plus naturel et plus humain, qui, tout en laissant subsister les parties supérieures et de première trempe, permet de voir les défauts, d’entrevoir les motifs, de noter les altérations, et qui, sans rien violer du respect qu’on doit à une noble mémoire, restitue à l’observation morale tous ses droits. […] Il ne lui fut point donné de faire acte dans l’histoire ; mais l’histoire du moins le nommera en passant, comme l’un de ceux sur lesquels elle avait droit de compter pour l’avenir. […] L’imprévoyance des deux côtés est la même : la déclaration de Breda, comme la déclaration de Saint-Ouen, ou comme les promesses venues d’Hartwell qui avaient précédé, est acceptée sur parole ; on ne stipule point les droits, on accepte comme octroyé ce qui aurait pu être l’objet d’un contrat. […] Ce seul ouvrage déposerait, au besoin, des sentiments et des vœux de Carrel dans cette période de sa carrière : substituer à une royauté légitime, et qui se croyait de droit divin, une royauté consentie. […] C’est un bel article, sombre, fier, tendre sans faiblesse, moral sans déclamation, et comme avait seul le droit de l’écrire un homme qui avait sondé la vie et vu plus d’une fois en face la mort. — J’ai suivi jusqu’à présent Carrel un peu au hasard, et je me suis essayé comme lui : j’ai hâte de me recueillir à son sujet et de rejoindre sa vraie ligne, comme il fit bientôt en devenant tout à fait lui-même.

160. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Le grammairien, le linguiste, le lexicographe, le critique, le littérateur, dans le sens spécial du mot, ont droit au titre de philologues, et nous saisissons en effet entre ces études diverses un rapport suffisant pour les appeler d’un nom commun. […] Tout ce qui sert à la restauration ou à l’illustration du passé a droit d’y trouver place. […] Sans doute, si notre érudition n’était qu’une lettre pâle et morte, si, comme certains esprits étroits, nous ne cherchions dans la connaissance et l’admiration des œuvres du passé que le droit pédantesque de mépriser les œuvres du présent. […] Ces fictions de rois, de patrices, d’empereurs, de Césars, d’Augustes, transportées en pleine barbarie, ces légendes de Brut, de Francus, cette opinion que toute autorité doit remonter à l’Empire romain comme toute haute noblesse à Troie, cette manière d’envisager le droit romain comme le droit absolu, le savoir grec comme le savoir absolu, d’où venaient-elles, si ce n’est du grossier à-peu-près auquel on était réduit sur l’antiquité, du jour demi-fantastique sous lequel on voyait ce vieux monde, auquel on aspirait à se rattacher ? […] Pour apprécier la valeur de la philologie, il ne faut pas se demander ce que vaut telle ou telle obscure monographie, telle note que l’érudit serre au bas des pages de son auteur favori : on aurait autant de droit de demander à quoi sert en histoire naturelle la monographie de telle variété perdue parmi les cinquante mille espèces d’insectes.

161. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Ces formes, qui, depuis la déclaration des droits jusqu’au programme de l’Hôtel de Ville, roulent dans un cercle déterminé d’idées et d’expressions, ne semblent plus avoir chance de vie et de fortune sociale dans ces mêmes termes. […] Je crois que La Fayette, au Moyen Age, aurait été ce qu’il fut de nos jours, un chevalier, cherchant encore à sa manière le triomphe des droits de l’homme sous prétexte du Saint-Graal, ou bien un croisé en quête du saint tombeau, le bras droit et le premier aide de camp, sous un Pierre-l’Ermite, c’est-à-dire sous la voix de Dieu, d’une des grandes croisades. […] Avec un cœur droit comme son esprit, il se jugea toujours comme les circonstances. […] Il n’a jamais vu ou voulu voir que l’homme en général, et non pas l’homme des moralistes, celui de La Rochefoucauld et de La Bruyère, mais l’homme des droits, l’homme abstrait. […] Et alors, comme on l’a vu en 1830, il avait une hâte extrême de se décharger : Qu’on en finisse, et que les droits de l’humanité soient saufs !  

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

L’éditeur a agi comme ayant droit de réconcilier après leur mort des membres de sa famille qui n’avaient pas été bien unis. […] D’ailleurs, au point de vue littéraire, l’éditeur de 1825, dans les portions où les manuscrits nous permettent de le contrôler, a perpétuellement agi comme s’il avait eu droit d’arranger et de traduire à sa guise les paroles du marquis d’Argenson, telles qu’il les trouvait toutes vives et ayant sauté du cœur sur le papier. […] René d’Argenson semble croire qu’à cette distance de plus d’un siècle il a plus de droits qu’un autre sur ceux qu’il appelle les siens, et qui par leurs actes ou leurs pensées sont dévolus à l’histoire.

163. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Ses Instructions pour les Magistrats, son Essai sur le Droit public, ses Ecrits sur les Belles-Lettres, ses Instructions pour l’éducation de son fils, sont autant de monumens qui renferment, chacun en particulier, une raison supérieure, des traits brillans dont se forment un grand corps de lumiere qui éclaire l’esprit autant qu’il échauffe le cœur. […] Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.

164. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

On dérobe à son observation ombrageuse le traitement de faveur qu’il repousserait avec violence, tout en s’y constituant un droit muet. […] Sans bornes de par la nature, le droit de chacun dénie tout droit de la collectivité sur lui. Le droit de la collectivité, sans bornes lui-même, puisqu’il résulte de l’abandon de tous les droits individuels, dénie à chacun le moindre droit. […] Puis, aussi effrayé de maintenir ces positions qu’il a mis d’inconscience il les prendre, il se jette dans le droit divin, qu’il entend, non pas à la façon de de Maistre, comme un équivalent mystique du droit traditionnel et positif, mais comme le droit inné d’une conscience supérieure de faire la loi à la foule. […] L’amour paternel, naturel et prévu chez un homme droit, est-il donc miraculeux chez un bossu ?

165. (1932) Les idées politiques de la France

La pureté du droit n’est pas entamée par la misère du fait. Cette misère du fait elle-même, c’est misère d’un droit dépossédé. […] Et l’expression « Évangile des Droits de l’Homme » s’écrit couramment. […] Le sabre du représentant est fait pour défendre les Droits de l’Homme, et ; au besoin pour les combattre. […] Clemenceau a bien conçu la victoire comme celle de la Révolution et des Droits de l’Homme.

166. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Est-ce le droit des premiers occupants ? […] L’Europe en a le droit ; la France en prend l’initiative. Voyons le droit de ce point de vue élevé d’où l’on distingue la légitimité des choses, et partons de ce fait, vrai quoique non radical. […] XIV Or pourquoi l’Europe ou le monde ancien reconnaîtraient-ils ces droits de piraterie sur mer et sur terre aux États-Unis, tandis que dans l’ancien monde, nous reconnaissons non seulement le droit de protéger les propriétés utiles à tous, mais encore le droit d’exproprier avec indemnité les États et les individus de toute propriété de choses dont l’usage est nécessaire à tous ? Ce principe de protection des intérêts utiles à tous qui s’applique à une commune, s’appliquerait-il donc avec moins de droit à un continent tout entier à protéger dans son indépendance ?

167. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Sur le procès d’Oreste, Pallas fonde un tribunal exemplaire qui fera d’Athènes la cité du Droit. […] Les ruses des jeunes Dieux m’ont enlevé mes droits antiques, je ne suis plus rien !  […] Mais cette réforme du droit humain ne pouvait s’accomplir que par une révolution religieuse. […] C’est Athènes — Athéné — qui les désarme et les adoucit, c’est au tribunal d’une cité terrestre qu’elles cèdent le droit immémorial dont elles reconnaissent avoir fait abus. […] Ses rhapsodes seuls avaient le droit de chanter, comme ceux d’Homère, en tenant une branche de myrte à la main.

168. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

La règle is pater est quem justae nuptiae declarant est matériellement restée dans notre code ce qu’elle était dans le vieux droit romain. Mais, tandis qu’alors elle avait pour objet de sauvegarder les droits de propriété du père sur les enfants issus de la femme légitime, c’est bien plutôt le droit des enfants qu’elle protège aujourd’hui. […] C’est de l’idée contraire que se sont inspirés et les théoriciens du droit naturel et les économistes et, plus récemment, M.  […]  « La société existe pour le profit de ses membres, les membres n’existent pas pour le profit de la société… : les droits du corps politique ne sont rien en eux-mêmes, ils ne deviennent quelque chose qu’à condition d’incarner les droits des individus qui le composent. » (Op. cit. […] Notre théorie est même plus contraire à celle de Hobbes que celle du droit naturel.

169. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Le célèbre jurisconsulte André Alciat lui enseignât le droit à l’université de Bourges, et n’eut pas d’élève plus ardent et plus capable. […] Malheureusement ces violences, étaient depuis longtemps une sorte de droit commun dans les querelles de religion. […] Les émigrés faisant la principale force, et comme l’armée de Calvin, ils leur ôtèrent le droit de bourgeoisie et les désarmèrent. Le pouvoir civil reprit le droit d’excommunication que Calvin avait fait attribuer au Consistoire. […] Vainement ses disciples ont-ils voulu le laver du crime de préméditation dans ce meurtre d’un homme qui n’avait fait qu’user du droit commun de la Réforme.

170. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] Ils dévorèrent tout, mais les manuscrits leur échappèrent… Ils avaient été légués parle noble duc à son cousin, l’évêque de Metz, Saint-Simon comme lui, quand un ordre du Roi Louis XV et contresigné Choiseul confisqua ces manuscrits, comme Papiers d’État, au nom de cette raison d’État qui a le droit de rester mystérieuse et dont elle a souvent abusé. […] VII Et ce n’est pas seulement un grand historien que Saint-Simon, c’est le légiste du droit monarchique de la France, dans toute la vérité et la majesté de sa tradition… C’est le tout-puissant jurisconsulte du droit coutumier de la monarchie ; car, excepté une seule loi, cette fameuse loi salique promulguée par Clovis et même peut-être avant Clovis, qui établissait l’hérédité de mâle en mâle, il n’y a jamais eu en France qu’un vaste ensemble de coutumes solidifiées par le temps, les circonstances, et cette hérédité sans laquelle les nations ne seraient plus que de confuses et tourbillonnantes multitudes. […] … C’est cette violation du droit monarchique dont Saint-Simon a été le témoin indigné, lui, l’homme historique par excellence, l’homme monarchique jusque dans les moëlles, — comme il dirait, — c’est cette violation dont il a vu, de son œil d’aigle, les conséquences mortelles, qui lui a fait écrire ces deux splendides Mémoires, — l’un sur les bâtards légitimés de Louis XIV, l’autre sur la renonciation à la couronne de France, quand Philippe V prit la couronne d’Espagne. De ces deux Mémoires, bourrés de faits et de raisons et qui sont des revendications en faveur des traditions et des coutumes qui faisaient le droit public de France, celui sur les bâtards légitimés est incontestablement le plus beau, et on conçoit que, pour nous surtout qui faisons de la littérature, ce soit le plus beau.

171. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Albert Blanc, dans laquelle le savant docteur en droit de l’université de Turin intervient d’un bout à l’autre avec ses formules pour expliquer Joseph de Maistre, pour le transformer et l’approprier à sa cause, mériterait un examen plus impartial et plus sévère que celui qu’elle a généralement obtenu. […] On souffre involontairement de voir un homme qui parle un si beau français exprimer des sentiments qui sont si peu nôtres ; mais enfin, pour peu qu’on y réfléchisse, il est dans son rôle, il est bien lui, le représentant d’un souverain à demi dépouillé, l’homme de l’ancien droit divin et l’ennemi de la Révolution, sous quelque forme qu’elle se montre. […] Encore un coup, il a des droits dans sa passion, dans sa haine. […] Il est presque plaisant aujourd’hui d’assister aux étonnements de De Maistre, d’entendre ses exclamations d’homme scandalisé, ses cris d’effroi comme si tout l’ordre politique était bouleversé, quand il voit en 1812 le prince royal de Suède acquérir auprès des souverains des droits dont il lui sera tenu compte. […] Cet écrivain qui a le catholicisme le plus affichant et le moins chrétien, se croit, en effet, des droits sur de Maistre.

172. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

On a du loisir et de la liberté d’esprit et l’on se croit en droit d’en profiter sans beaucoup de reconnaissance. […] La prétention, en effet, des principaux chefs de cette génération qui ne relevait ni du droit divin ni d’aucun principe préconçu, et qui arrivait à la politique par l’étude des choses et de l’histoire, était de tout comprendre ; et, depuis quelque temps, ils me semblent, en vérité, ne se plus mettre en peine de cela. […] « Nous sommes les représentants du droit, de la justice, de la vérité et de la légitimité sociale ; vous, au contraire, enfants de la Révolution, vous êtes des usurpateurs et des hommes du fait. » Cela nous faisait sourire, car nous raisonnions sur ce grand fait révolutionnaire, nous montrions qu’il avait été provoqué, justifié en partie, qu’il avait ses raisons d’être ; et les plus fortes têtes d’entre nous poussaient cette logique des événements jusqu’à établir par maximes une sorte de loi et de fatalité historique inévitable. […] Rappelons-nous, encore une fois, pour ne pas les imiter, ces hommes d’esprit que nous avons connus dans notre jeunesse et qui nous paraissaient plus ou moins d’un autre âge : ils avaient cessé de prendre la société de droit fil ; ils avaient contracté leur pli à une certaine date restée pour eux mémorable bien plus que pour nous. […] Chez lui, à table, il m’avait présenté à la noblesse militaire comme un jeune homme qui avait des droits à sa reconnaissance et à sa protection.

173. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Ses fils, propriétaires de grandes possessions territoriales, et qui étaient investis du droit exorbitant de nommer les gouverneurs du pays, prétendaient que leurs terres fussent exemptées des taxes communes. L’Assemblée de Pennsylvanie s’opposait à une si criante inégalité, et Franklin fut chargé par elle d’aller plaider pour le droit commun contre les fils du colonisateur et en faisant appel aux officiers de la Couronne. […] En en dressant le plan, le ministère anglais faisait assez voir qu’il attribuait au Parlement britannique le droit de taxer à volonté les colonies et de leur signifier un impôt non consenti par elles. […] Son attitude, son sang-froid, la promptitude et la propriété de ses réponses, sa profonde connaissance de la matière et des conséquences politiques qu’elle recelait, son intrépidité à maintenir les droits de ses compatriotes, ses expressions pleines de trait et de caractère, tout contribue à faire de cet interrogatoire un des actes historiques les plus significatifs et l’un de ces grands pronostics vérifiés par l’événement : Si l’acte du Timbre était révoqué, lui demanda-t-on en finissant, cela engagerait-il les assemblées d’Amérique à reconnaître le droit du Parlement à les taxer, et annuleraient-elles leurs résolutions ? […] » — « À porter et à user jusqu’au bout leurs vieux habits, jusqu’à ce qu’ils sachent eux-mêmes s’en faire de neufs. » Franklin parlant ainsi devant le Parlement de la vieille Angleterre, était un peu comme le Paysan du Danube, un paysan très fin, à la fois et très digne d’être docteur en droit dans l’université d’Écosse, libre pourtant et à la parole fière comme un Pennsylvanien.

174. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Plus vers la gauche, presqu’au centre de la toile, une grande figure de face, nue depuis la ceinture, couronnée de pampre, bien barbue, bien raide, imitant bien le fauteuil par les deux angles droits que ses jambes font avec ses cuisses et ses cuisses avec son corps, ses cuisses maigres, maigres, ses jambes grêles, grêles. […] Plus vers la gauche, sur le même plan que Midas ou à peu près, Apollon de profil, droit, sa lyre à la main et la pinçant. […] Je sais bien que ces deux muses sont raides et droites ; je sais bien que cet Apollon est droit et raide ; je sais bien que ces figures droites et raides, isolées, ont un air de jeu de quilles.

175. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux ou de citoyen, quand j’exécute les engagements que j’ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. […] Si j’essaye de violer les règles du droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte s’il en est temps, ou à l’annuler et à le rétablir sous sa forme normale s’il est accompli et réparable, ou à me le faire expier s’il ne peut être réparé autrement. […] En effet, la contrainte est aisée à constater quand elle se traduit au dehors par quelque réaction directe de la société, comme c’est le cas pour le droit, la morale, les croyances, les usages, les modes même. […] C’est seulement à travers le droit public qu’il est possible d’étudier cette organisation, car c’est ce droit qui la détermine, tout comme il détermine nos relations domestiques et civiques.

176. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Comme il résulte des tables de mortalité d’alors, que la majorité des adultes qui existent à un moment donné, doit avoir quitté la vie au bout de dix-neuf ans environ, de telle sorte qu’à la fin de cette période une majorité nouvelle remplace la première, Jefferson conclut que toute dette publique dont le remboursement ne se fait pas avant la dix-neuvième année, à partir du jour de l’emprunt, tombe sur des générations qui ne l’ont pas contractée, et qui réellement ont le droit de ne pas se croire obligées en bonne morale. […] Il jugeait l’usurpateur de brumaire au point de vue des républicains et idéologues français, comme un grand capitaine peut-être, mais comme un dévastateur au civil, comme un ignorant et audacieux pirate des libertés, dénué de tout sens moral de droit et de justice. […] En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore. Avec un chef héréditaire, mais renfermé dans d’étroites limites ; avec un Corps législatif investi du droit de déclarer la guerre, une rigide économie des contributions publiques, l’interdiction absolue de toutes dépenses inutiles, on peut réaliser à un très haut degré les conditions d’un gouvernement honnête et éloigné de toute oppression ; mais la seule garantie de tout cela est une presse libre. » Si Jefferson vivait en ce moment ; si, âgé de 90 ans, et de son poignet de plus en plus perclus, il écrivait à son même ami, après une expérience nouvelle, ne lui manderait-il point, par hasard, que cet autre accommodement qu’il se figurait possible ne l’était guère plus en réalité que celui qu’il conseillait en 89 ?

177. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Enfin Cadmus devient lui-même serpent ; les Latins auraient dit en terme de droit, fundus factus est. […] Mais les plébéiens prétendent bientôt au droit des mariages qui entraîne tous les droits civils.

178. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Des vues politiques droites, étendues et justes, sont une des qualités indispensables de l’écrivain. […] En poésie on choisit, on ne change pas la nature ; en histoire on n’a pas même le droit de choisir, on n’a que le droit d’ordonner. […] Vous vous appelez le droit, je m’appelle l’audace ; le sabre jugera ! […] Thiers ; cette observation est de celles qui lui plaisent : une observation de fait, et non de droit. […] Un droit, c’est une inviolabilité, mais un droit, c’est une limite.

179. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

J’y vois, pour mon compte, les titres du monde moderne, les privilèges particuliers de l’esprit français, et les droits mêmes de la raison. […] Fénelon va bien au-delà des devoirs de l’évêque et des droits du spéculatif ; il fait des plans de gouvernement, et il donne des avis sur la conduite ; il décide à la fois dans la théorie et dans les affaires. […] Pour les places militaires, les nobles seront préférés, et pour la magistrature, ils passeront avant les roturiers, à mérite égal, avec le droit de garder l’épée. […] Mais vous n’y trouverez aucune flatterie pour les peuples, et Bossuet ne se prononce pas sur le droit redoutable et mystérieux des révolutions, aimant mieux croire que les gouvernements n’oublieront pas toute modération et toute raison jusqu’à rendre nécessaire l’exercice de ce droit. […] Comment Fénelon, qui écrit de génie, a-t-il parlé d’abandonner, même à un corps si considérable, ce qui est le plus beau privilège du génie, le droit de créer des expressions pour des idées nouvelles ?

180. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Et, en droit, qu’est-ce au fond que ce droit à la justice, que ce droit à l’égalité, sinon le désir que vous en avez ? […] Or qu’est-ce qu’un droit ? […] Et la justice consiste à ce que le droit soit respecté. […] De là ces idées de droit à la vie, de droit à la liberté, de droit au travail, ces idées de droits à priori ces idées de droits antérieurs à toute convention et à tout contrat, qui ne reposent sur rien, qui ne sont pas autre chose que des idées fausses. […] Mais qu’est-ce que la justice où il n’y a pas droit, et quel droit peut-il y avoir là où il n’y a pas contrat ?

181. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Les petits pauvres n’entrent pas dans les jardins publics ; pourtant on devrait songer que, comme enfants, ils ont droit aux fleurs. […] Mais ils attaquaient la branche cadette du droit divin dans Louis-Philippe comme ils en avaient attaqué la branche aînée dans Charles X ; et ce qu’ils voulaient renverser en renversant la royauté en France, nous l’avons expliqué, c’était l’usurpation de l’homme sur l’homme et du privilège sur le droit dans l’univers entier. […] Les peuples comme les astres ont le droit d’éclipse. […] La vie momentanée a son droit, nous l’admettons, mais la vie permanente a le sien. […] — Cela finira, répondis-je à mes interlocuteurs alarmés, par quatre lois que le temps comporte et que la raison publique avoue : Une loi qui donne son droit politique à chacune des classes sociales par une part proportionnelle au suffrage ; Une loi qui assure, non le droit au travail, mais le droit de vivre à tout homme que le ciel envoie sur la terre pour y vivre.

182. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Le savant a droit à une retraite, c’est la philosophie. Quand il a fait ses découvertes ou ses livres durables, qu’il s’appelle Berthelot ou Renan, il a le droit de s’accouder et de songer. […] C’était son droit ; c’était son devoir, si sa conscience le lui dictait.

183. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

— Influence et droits qui leur restent. — Ils ne s’en servent que pour eux-mêmes. […] Du bas en haut de l’échelle, les pouvoirs légaux ou moraux qui devraient représenter la nation ne représentent qu’eux-mêmes, et chacun d’eux s’emploie pour soi au détriment de la nation  À défaut du droit de s’assembler et de voter, la noblesse a son influence, et, pour savoir comment elle en use, il suffit de lire les édits de l’almanach. […] Le capitaine des chasses, à Fontainebleau, vend à son profit chaque année pour 20 000 francs de lapins. « Dans chaque voyage aux maisons de campagne du roi, les dames d’atour, sur les frais de déplacement, gagnent 80 pour 100 ; on dit que le café au lait avec un pain à chacune de ces dames coûte 2 000 francs par an, et ainsi du reste. » — « Mme de Tallard s’est fait 115 000 livres de rente dans sa place de gouvernante des enfants de France, parce que, à chaque enfant, ses appointements augmentent de 35 000 livres. » Le duc de Penthièvre, en qualité de grand-amiral, perçoit sur tous les navires « qui entrent dans les ports et embouchures de France » un droit d’ancrage, dont le produit annuel est de 91 484 francs. […] C’est son bien qu’il dissipe, et personne n’a le droit de lui demander des comptes. […] Il y a vingt ans, les fils des ducs, des ministres, des gens attachés à la cour, les parents et protégés des maîtresses, devenaient colonels à seize ans ; M. de Choiseul fit jeter les hauts cris en rejetant cette époque à vingt-trois ; mais, pour dédommager la faveur et l’arbitraire, il a remis à la pure grâce du roi, ou plutôt des ministres, la nomination des lieutenances-colonelles et des majorités qui jusqu’alors allaient de droit à l’ancienneté du service, les gouvernements et les commandements des provinces et des villes.

184. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

On peut conjecturer qu’il fut chef du parti du peuple, lorsque Athènes était gouvernée par l’aristocratie, et que ce conseil fameux qu’il donnait à ses concitoyens (connaissez-vous vous-mêmes), avait un sens politique plutôt que moral, et était destiné à leur rappeler l’égalité de leurs droits. Peut-être même Solon n’est-il que le peuple d’Athènes, considéré comme reconnaissant ses droits, comme fondant la démocratie. […] Dans l’ancien droit romain, on les disait manucaptæ, d’où est resté manceps, celui qui est obligé sur immeuble envers le trésor. […] Elle dut être adoptée par une convention libre ; car c’est une règle éternelle que le langage et l’écriture vulgaire sont un droit des peuples. […] La langue latine a aussi laissé des exemples nombreux de ces compositions formées de mots entiers ; et les poètes, en continuant à se servir de ces mots composés, n’ont fait qu’user de leur droit.

185. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

C’était assurément son droit. […] La science peut donc bien avoir aujourd’hui le droit de passer leurs idées comme au crible et de n’en retenir que ce qu’elle y reconnaît de conforme à ses propres certitudes. Elle n’a pas le droit de renier ses anciens alliés ! […] Si Jésus n’était pas Dieu, nous avons le droit de nier sa « mission » ou ses « miracles ». […] Mais avant d’être protestante, je suis chrétienne ou du moins je m’efforce de l’être, et comme chrétienne je suis heureuse d’entendre une parole… défendre les droits de la vérité religieuse.

186. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 202

Barbeirac, [Jean] Professeur en Droit & en Histoire, né à Béziers en 1674, mort vers l’an 1747. […] On sait que ses Ouvrages ont pour objet le Droit des Gens, de la Guerre & de la Paix.

187. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

De sorte que c’est moi qui me trouve exercer légitimement, aujourd’hui, le droit de réponse. […] Dubout n’a donc pas le droit de mettre ce charabia entre guillemets7. […] Mais, monsieur, de quel droit préjugez-vous de mes sentiments secrets et faites-vous part au public de vos offensantes conjectures sur ce point ? […] Mais tout cela ne fera pas ni que j’aie outrepassé mon droit de critique, ni que Frédégonde soit autre qu’elle n’est, ni qu’elle me paraisse autre qu’elle ne me paraît.

188. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

La République des Lettres est un Etat parfaitement libre, où tous les Citoyens jouissent des mêmes priviléges, s’ils n’y jouissent pas des mêmes honneurs : les plus illustres n’y ont d’autres droits que ceux qui sont appuyés sur le mérite & les talens ; le plus obscur n’excede pas les bornes de son pouvoir, quand il entreprend de les juger : tout dépend d’avoir la justice & les vrais principes pour fondement de ses décisions. […] S’il étoit question d’ajouter de nouvelles raisons, nous dirions encore : Est-il nécessaire d’avoir composé d’excellens tableaux, pour acquérir le droit de juger des fautes ou des habiletés du Peintre, qui soumet les siens à la critique ? […] Les Auteurs qui attaquent la Société, n’eurent jamais droit d’exiger des ménagemens, puisqu’ils manquent eux-mêmes aux ménagemens les plus indispensables. […] Les Lettres n’ont-elles pas droit de former les mêmes plaintes ?

189. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Le cri perçant jeté par madame Heine n’était rien moins que la menace d’un procès contre des éditeurs sans droit, prétendait-elle, — lesquels, eux, ont répondu tranquillement qu’ils avaient droit et n’avaient nulle peur du procès… Or, depuis cet altercas dont les tribunaux devaient connaître, le silence s’est fait sur la chose. […] Il faut payer son droit à la frontière ! […] Avons-nous bien le droit d’en connaître ?

190. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Rome remplaçait Sparte, Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, Et du premier Consul, trop gêné par le droit, Le front de l’Empereur brisait le masque étroit. […] Depuis lors, le trône qui conservait une ombre de droit, et auquel M. […] Vinrent les Cent-Jours : les dissidences domestiques entre madame Hugo et le général s’étaient envenimées : celui-ci, redevenu influent, usa des droits de père, et reprit d’autorité ses deux fils, ce qui augmenta encore la haine des enfants contre le gouvernement impérial. […] Eugène avait gagné un prix aux Jeux floraux ; l’émulation de Victor en fut excitée ; il concourut à son tour, tout en prenant ses inscriptions de droit, et remporta deux prix coup sur coup, en 1819, l’un pour la Statue de Henri IV, l’autre pour les Vierges de Verdun. […] Mais ce qu’il n’a pas dit et ce que je n’ai le droit ici que d’indiquer, c’est la fièvre de son cœur durant ces années continentes et fécondes, ce sont les ruses, les plans, les intelligences de cet amour merveilleux qui est tout un roman. 

191. (1890) L’avenir de la science « II »

Je ne comprends donc pas comment ceux qui admettent 89 peuvent rejeter en droit la réforme sociale. […] Par toutes les voies nous arrivons donc à proclamer le droit qu’a la raison de réformer la société par la science rationnelle et la connaissance théorique de ce qui est. […] Un jour viendra où la raison éclairée par l’expérience ressaisira son légitime empire, le seul qui soit de droit divin, et conduira le monde non plus au hasard, mais avec la vue claire du but à atteindre. […] Voir comme éminemment caractéristique la Déclaration des Droits dans la Constitution de 91. […] Si je me disculpais ici de panthéisme, j’aurais l’air de le faire par condescendance pour une timidité soupçonneuse et de reconnaître à quelqu’un le droit d’exiger des protestations d’orthodoxie ; je ne le ferai donc pas.

192. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Quand, après quelques débats, le marché fut conclu et que Voltaire eut acheté à vie le château et la terre de Tourney avec les droits seigneuriaux et les privilèges, il revient plus d’une fois sur cette idée que son indépendance est désormais complète et assurée. […] En faisant son marché avec le président de Brosses, Voltaire a stipulé expressément qu’il jouirait de tous les droits seigneuriaux de Tourney ; on le voit en ce temps signer quelques-unes de ses lettres : Voltaire, comte de Tourney. […] À côté de cela, Voltaire n’a garde d’oublier quatre mille petits ceps de Bourgogne que le Président doit lui envoyer, et s’il peut même, au lieu de quatre mille auxquels il a droit, en tirer cinq mille, il n’en sera pas fâché : « Pour Dieu ! […] J’ai embelli Tourney, j’ai amélioré la terre ; mais je brûlerai tout, si on me vole le moindre de mes droits. […] Il travaillera à dépouiller sa terre d’un droit plutôt que de payer ce qui est la conséquence de ce droit.

193. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Celle-cy retient devant elle son enfant qu’elle embrasse du bras droit. […] Il a le bras droit étendu, la tête un peu portée en avant. […] La draperie ou grande aube blanche, qui tombe en plis paralelles et droits, est très belle. […] On dit que la femme aux bras tendus a le bras droit trop court, qu’elle belute et qu’on n’en sent pas le racourci. […] Ajoutez que vêtu d’une aube lâche qui ne touche point à son corps ; les plis tombant longs et droits augmentent son volume.

194. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Bertault prouvant que l’on allait faire subir une entorse formelle au droit, et que le domaine public ecclésiastique n’existait plus depuis 1817, ni l’énergie de M.  […] » — ce ne furent, dis-je, ni ces accents de sincérité, ni ces objections de logique et de droit qui purent enlever une quantité suffisante de voix à la majorité papiste. […] « Art. 3. — L’archevêque de Paris, tant en son nom qu’au nom de ses successeurs, est substitué aux droits et obligations de l’administration, conformément à l’article 83 de la loi du 3 mai 1841, et autorisé à acquérir le terrain nécessaire à la construction de l’église et à ses dépendances, soit à l’amiable, soit, s’il y a lieu, par la voix de l’expropriation. […] Chaigneau, si ce vœu funeste, abrité par une loi aveugle, par un acte national de législateurs dupés, ne plane pas, depuis un quart de siècle, comme un nuage sinistre, sur notre politique étrangère… La France de 1897 ne peut plus ratifier par son indifférence le verbe odieux qui s’incarne dans ce bloc de pierres… La France a le droit de rayer le vote désastreux du 24 juillet 1873. Elle en a le droit d’autant plus incontestablement que, en raison de ce qui vient d’être exposé, ce vote est moralement nul, puisqu’il concerne un monument fictif, tout différent de celui qu’érigent les sectaires du prétendu « Vœu national ».‌

195. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Où il n’y a rien, le tyran lui-même perd ses droits. […] Où il n’y a rien, la volonté perd ses droits. […] Ce droit n’existe pas. […] C’est que, la vengeance n’ayant jamais été un droit, elle n’a pu être remplacée par l’exercice d’un autre droit. […] Nous n’avons peut-être ni le droit à l’insurrection, ni le droit à la diffamation, ni le droit à l’amour, mais nous avons le droit de ne pas mourir de faim.

196. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il y a donc un droit du passé sur le présent, et il y a un droit de l’avenir. […] En fut-il ainsi, la majorité n’aurait encore sur la minorité qu’un droit restreint par le droit de propriété de cette minorité. […] Vous voyez ce que devient avec cette définition le droit du nombre. […] C’est un droit de la société sur l’homme, au contraire. […] Ils n’ont pas le droit de dissimuler leur pensée pour flatter le malade.

197. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

A ceux pourtant qui lui reprocheraient trop amèrement de s’être trompé, n’a-t-il pas droit de répondre aussi d’un seul mot : « A tel jour, à telle heure, j’ai sauvé la patrie !  […] Lors de la première Restauration, il crut avoir quelque droit à une récompense nationale pour les anciens services de son généralat en chef : d’ailleurs, ses efforts pour relever le trône constitutionnel contre la Convention devaient, ce semble, lui mériter la bienveillance des Bourbons : il aspirait au bâton de maréchal de France. […] Que l’émigration en ait agi de la sorte avec Dumouriez au moment où celui-ci lui devenait inutile, on le conçoit sans peine : l’ingratitude appartient de droit aux cours encore plus qu’aux républiques.

198. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Je dis donc en premier lieu, que le public se trompe quelquefois lorsque trop épris du mérite des productions nouvelles qui le touchent et qui lui plaisent, il décide en usurpant mal à propos les droits de la postérité, que ces productions sont du même genre que ceux des ouvrages des grecs ou des romains, qu’on appelle vulgairement des ouvrages consacrez, et que ses contemporains leurs auteurs, seront toujours les premiers poetes de leur langue. […] Mais il semble qu’ils aïent voulu s’arroger un droit qu’ils n’avoient pas. Il semble qu’ils aïent voulu usurper les droits de la posterité en le proclamant le premier des poetes françois pour leur temps et pour les temps à venir.

199. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Vous avez vu, en effet, soutenir le droit par les mêmes arguments que le fait, le juste par les mêmes arguments que l’utile ; d’un autre côté, le fait et l’utile avaient des champions qui puisaient leurs moyens de défense dans les doctrines sur lesquelles reposent le droit et le juste ; la légitimité était confondue avec l’hérédité, avec l’hypothèse de l’élection continue ou du pacte primitif : il en résultait une grande confusion de langage ; mais tout, dans ce combat inégal, tournait au profit des idées nouvelles, parce que ce sont elles seulement qui sont douées de la force expansive. […] La Providence, qui lui a donné la magistrature des civilisations modernes, tantôt suscite Charles Martel pour écraser d’un seul coup les formidables armées des Sarrasins au milieu même de leurs immenses triomphes ; tantôt met dans les mains d’une jeune vierge l’étendard des lis, pour faire sacrer à Reims le fils de nos rois ; tantôt convoque à Paris tous les souverains de l’Europe, pour assister à la restauration de la monarchie conservatrice de leurs propres droits.

200. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Et moi, adhérent de la « Patrie Française », si je suis assez magnanime pour reconnaître à mes compatriotes le droit de se grouper dans l’intention d’afficher et de propager des idées qui m’offensent, je trouve tout de même qu’on exigerait beaucoup de mon libéralisme, en me demandant, à cette minute, de m’allier avec la Société des Droits de l’Homme contre une législation d’ailleurs blâmable.‌ […]  » C’est pourquoi l’État sait mieux qu’eux ce qui leur convient ; il a donc le droit et le devoir, non seulement d’inspecter et de protéger leur travail, mais encore de le diriger ou même de le faire, à tout le moins d’y intervenir, d’opérer par des excitations et des répressions systématiques, sur les tendances qui accolent et ordonnent en tissus vivants les cellules individuelles.‌

201. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

L’éclectisme n’y a pas manqué, et c’était son droit. […] Les sensualistes seuls seraient-ils exclus du droit commun, et leur défendrait-on de prouver Dieu à leur manière ? […] S’il en est ainsi, vous avez le droit de vous plaindre de moi, lorsque vous ne m’entendez pas ; et je n’aurais le droit de me plaindre de vous, que si vous ne me donniez pas une attention santé. […] On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir.

202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

En Poésie comme en Prose, l'enflure, la froideur, la sécheresse, le ton dogmatique, sont les principaux traits qui lui donnent droit d'être cité, avec distinction, parmi nos Lycophrons modernes. […] Ils savent que rien n'est beau que le vrai ; que chaque chose doit être revêtue des couleurs qui lui sont propres ; que trop de faste dans le style est une preuve certaine de la stérilité de l'esprit ; que le naturel seul a droit de plaire, de saisir, de toucher. […] Dans l'Eloge du Chancelier Daguesseau, après avoir dit, en parlant des Loix qui furent faites pour le Peuple, lorsque nos Rois l'eurent délivré de la tyrannie des Nobles, que cette nouvelle partie de la législation choquoit les principes ou les abus de la législation féodale, qui, à son tour, réagissoit contre elle, que les nouveaux droits des Peuples se heurtoient contre les droits usurpés par les Nobles, que les Loix n'offroient qu'un édifice informe & monstrueux que l'on prendroit pour un amas de ruines entassées au hasard ; il poursuit en ajoutant, que cet immortel Chancelier crut qu'au lieu de renverser tout à coup ce grand corps, il valoit mieux l'ébranler peu à peu ou le réparer insensiblement sur un plan uniforme & combiné dans toutes ses parties.

203. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La réflexion appliquée à la recherche des droits et des devoirs de l’homme faisait apercevoir le vide des institutions existantes ; on sentait vivement le besoin d’une régénération complète du corps social. […] Enfin, l’idée du devoir implique encore l’idée du droit : mon devoir envers vous est votre droit sur moi, comme vos devoirs envers moi sont mes droits sur vous ; de là encore une morale sociale, un droit naturel, une philosophie politique, bien différente et de la politique effrénée de la passion et de la politique tortueuse de l’intérêt. […] Kant, né en 1724, publia la Critique de la Raison pure spéculative en 1781, la Critique de la Raison pure pratique en 1788, la Religion d’accord avec la Raison en 1793, les Principes métaphysiques du droit en 1799, et, après d’autres ouvrages, il est mort à Koenigsberg en 1804. […] Si cette proposition : la ligne droite est la ligne la plus courte d’un point à un autre, est analytique, il faut prouver que logiquement l’idée de la ligne la plus courte est renfermée dans l’idée de ligne droite. « Mais l’idée de droit, dit Kant, ne renferme aucune idée de quantité, mais seulement de qualité. » Les vérités de géométrie sont donc de l’ordre synthétique. […] Il faut bien que les mathématiques pures, que la physique pure soient possibles, puisqu’elles existent, mais on ne peut faire la même réponse pour la métaphysique ; jusqu’ici elle a si peu atteint le but qu’elle s’était proposé, qu’on ne peut contester à personne le droit d’élever cette question : comment la métaphysique est-elle possible ?

204. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 85-86

CUJAS, [Jacques] Professeur en Droit, né à Toulouse en 1520, mort à Bourges en 1590, peut être regardé comme le Restaurateur de la Jurisprudence parmi nous. Il avoit un esprit pénétrant & fécond, une facilité étonnante pour tout apprendre & tout retenir, l’art de développer & de communiquer ses idées ; ce qui l’a rendu, à juste titre, un des plus célebres Professeurs en Droit que la France ait eus.

205. (1890) Nouvelles questions de critique

Nous avons le droit de nous en plaindre. […] Gaston Paris a-t-il le droit d’être surpris, — je veux dire le droit de manifester sa surprise ? […] Nous pouvons donc ici craindre a bon droit que notre sympathie s’égare et se trompe d’adresse. […] Et, moins critique enfin, elle allait certainement bien plus droit au but que Pascal s’était proposé. […] Et nous, ne sachant plus où est la vérité, la justice, et le droit, nous ne savons plus où est l’éloquence.

206. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 479-480

HALLÉ, [Pierre] Professeur en Droit Canonique dans l’Université de Paris, né à Bayeux en 1611, mort à Paris en 1689, mérite d’être plus connu des Jurisconsultes que des Littérateurs. […] Si cet Auteur n’a pas été heureux dans la partie des Belles-Lettres, il s’est rendu justement recommandable dans la Faculté de Droit, en introduisant dans ses Ecoles la discipline qu’on y observe aujourd’hui.

207. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Je ne veux parler que de son journal, et montrer l’homme au naturel, tel que plusieurs de ses contemporains l’avaient indiqué déjà, modeste, droit, sincère, plein de scrupule et de candeur, humble chrétien, père de famille éprouvé, le plus humain des doctes ; le digne ami de De Thou : — d’un seul mot, c’est tout dire. […] — Ô grand philosophe (s’écrie à son tour Casaubon), je suis bien de ton avis, et je te prendrai plutôt pour conseil que ces miens amis, gens d’ailleurs de vertu et de prudence, qui m’engagent à changer de genre de vie et à embrasser si tard la profession d’enseigner le droit. […] Et qui ne s’étonnerait en effet qu’un personnage si excellent, au moment même où il défendait la cause de la religion, ait pu s’attirer la condamnation d’hommes pieux et droits ? […] quelle route prendra-t-il, celui qui veut marcher droit ? […] Mais Commynes est pour l’impôt librement consenti, pour le droit des communes, et non pour ce droit divin, pour ces prérogatives absolues que revendiquait Jacques, et dont la chimère obstinément poursuivie perdit sa race.

208. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Nul n’a le droit de dénaturer le sujet qui se met sur la table de dissection pour l’enseignement du genre humain. […] De quel droit, je vous le demande ? […] On ne le prendrait pas de plus haut s’il s’agissait de la Déclaration des Droits de l’Homme. […] est-ce bien la peine de faire intervenir Dieu et de prendre à témoin la société tout entière, la postérité et le genre humain, pour se donner le droit de rétablir, au profit d’une édition plus complète et qu’on veut autoriser, quatre ou cinq passages, quelques-uns lestes en effet et assez indécents, qu’un peu de réflexion ou un bon conseil eussent très probablement fait retrancher à l’auteur, s’il avait eu le temps de consulter ou de se relire ? […] Quelques mots qu’on avait oublié de rayer dans ses Mémoires donnaient le droit de s’en enquérir.

209. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Ce regard, qui jugeait plus vite que le compas et l’équerre de Le Nôtre que cette fameuse fenêtre de Trianon n’était pas droite, avait-il vu que Saint-Simon, l’ami du duc d’Orléans, — nos amitiés donnent la mesure de nos discernements, — n’était pas non plus parfaitement droit d’intelligence ? […] » et il n’y a pas un seul fait, dans tous les Mémoires, qui donne à Saint-Simon, l’Alceste, moins l’honnêteté, cette fois, le droit de poser de telles conclusions ! […] Il lui manquait au front cette largeur tranquille à laquelle se reconnaissent les hommes qui ont le droit d’être ambitieux et qui doivent gouverner les peuples, qui sont faits du moins pour les gouverner ! […] Le mépris n’a pas le droit d’être aveugle, comme l’amour. […] » Mais tout être, coupable sur d’autres chefs, a droit à une réhabilitation sur celui-là où il a été injustement condamné.

210. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Trois cents, ce serait peu, mais tout colonel a le droit d’autoriser dans chacun de ses bataillons un soldat prêtre pour le service religieux. […] Et dites-vous bien que les morts au champ d’honneur vont tout droit au ciel. »‌ Quel élargissement de l’être ! […] Adjudant au 69e d’infanterie, il a obtenu une superbe citation à l’ordre de l’armée, la croix de guerre, la médaille militaire et la médaille anglaise. « Prie Dieu, écrit-il à un ami, pour que je porte allègrement la croix qui donne droit à la vraie récompense, la croix de souffrances, celle du Christ. » Telle est leur sublime ambition secrète. […] Le Père Frédéric Bouvier, érudit spécialisé dans l’histoire comparée des religions, tué à Vermandovillers, le 17 décembre 1916, en assistant des blessés, offre sa vie « pour ses compagnons d’armes du 86e, pour que tant d’hommes droits et bons à qui il ne manque plus que de vivre en Dieu et de vivre conformément à leur foi, se tournent définitivement vers lui ». […] je vais au Ciel tout droit !

211. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le parlement fut contraint de ne plus se regarder comme le défenseur des droits de la nation. […] On ne se crut plus le droit de supposer l’âme inerte et passive. […] Le droit romain, et toutes ses maximes de pouvoir absolu, avait déjà pris peu à peu la place du droit public des libres nations d’origine germanique. […] Il avait droit à la possession de la terre entière, mais chacun pouvait combattre l’exercice de ce droit. […] Si les gouvernements n’ont d’autre droit que celui de la force, la défense et même l’attaque seront légitimes.

212. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Ce qu’un gouvernement démocratique hésiterait à faire (peut-être parce qu’il ne serait pas assez sûr de pouvoir limiter les conséquences d’un essai de cette espèce) ; ce que n’avait pas osé chez nous un César aux tendances socialistes, issu du suffrage universel, il l’a fait, lui, Empereur de droit divin. […] Ils ne croient plus à leur droit divin. […] Nous observons loyalement le traité signé par nous ; mais le juger irrévisable serait au-dessus de nos forces, et, d’ailleurs, nous n’en aurions pas le droit.

213. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Or une étiquette qui convient en droit strict à l’Iliade et à un monologue est, à tout le moins, superflue. […] Même les esprits les plus droits, les plus inaltérables aux vils contacts, furent les dupes involontaires d’un mot, décidément insupportable. […] On négligea que l’histoire ne se compose point comme un roman, qu’elle n’a le droit de synthétiser le passé sous la forme d’un récit suivi qu’une fois en possession de documents complets et que jusque-là elle ne peut légitimement dresser qu’un inventaire des pièces en portefeuille.

214. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Argument » pp. 355-356

Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal.

215. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Enfin, monsieur, voyez si cette idée vous plaît : je n’y tiens qu’autant qu’elle vous agréera pleinement. » Et dans cette même lettre datée de Turin, 19 décembre 1819, on lit : « On ne saurait rien ajouter, monsieur, à la sagesse de toutes les observations que vous m’avez adressées, et j’y ai fait droit d’une manière qui a dû vous satisfaire, car toutes ont obtenu des efforts qui ont produit des améliorations sensibles sur chaque point. […] Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus. […] Nous ne saurions rien, de l’auteur anonyme des Soirées de Rothaval, sinon, qu’il nous semble un esprit droit, scrupuleux et lent, un homme religieux et instruit ; mais une petite brochure publiée en 1839, et qui a pour titre : M. le comte Joseph de Maistre et le Bourreau, nous indique M.  […] non : nul esprit, si élevé qu’il se sente, n’a ce droit de se montrer insolent avec les autres esprits, si bourgeois que ceux-ci puissent paraître, pourvu qu’ils soient bien conformés.

216. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Je ne dois pas exposer une mémoire qui m’est sainte aux jugements rogues qui font partie du droit qu’on acquiert sur un livre en l’achetant. […] Il est très vrai que la science charlatanesque s’épanouirait, sous un tel régime, à côté de la science sérieuse, avec les mêmes droits, et qu’il n’y aurait plus de critérium officiel, comme il y en a encore un peu de nos jours, pour faire la distinction de l’une et de l’autre. […] Nous n’avons pas le droit d’être fort difficiles. […] Quand on a le droit de se tromper impunément, on est toujours sûr de réussir.

217. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

« Ce qui ressortira de tout ce travail avec une certitude historique, — écrit Segretain, — c’est que Henri n’a pas cessé un seul instant d’associer à l’idée de son couronnement (qui fut l’idée de toute sa vie) l’abjuration de ses erreurs protestantes. » Avec la nouvelle foi de sa mère, et cette grande et populaire figure de Henri de Guise, jetant sur le trône l’ombre de son éclat, Henri de Béarn, qui craignait que ses droits à la succession des Valois ne fussent ni assez puissants ni assez assurés, crut, dit spirituellement Segretain, « que le chemin de traverse de la Réforme était le seul qui pût le conduire au Louvre… et il fit ce crochet stratégique… ». […] L’Hôpital lui-même n’était allé que jusqu’à un simple édit de tolérance : or, l’Édit de Nantes reconnaissait un droit… Enfin, il y a plus encore : les idées modernes existaient si peu sur l’égalité des cultes et la liberté religieuse, que ces idées, maintenant en possession de tous les esprits, sans l’Édit de Nantes n’auraient peut-être jamais existé. […] Si catholique que soit Segretain, n’allez pas croire pourtant qu’il ne fasse pas tout aussi bien qu’un autre la part du temps et des situations, qui ne sont jamais que l’engagement des fautes commises par nous-mêmes ou par ceux qui nous ont précédés… Il ne lui répugne nullement que Henri, venant après une guerre civile, eût accordé aux protestants la tolérance à laquelle seule ils avaient droit. […] un prêtre espagnol, en pleine chaire, demanda que Sixte fût déposé comme fauteur d’hérétiques, — et cela pour avoir voulu rester LE PAPE, et n’incliner d’aucun côté les droits de sa paternité sublime.

218. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Ils luttent contre une oppression qui leur refuse le droit d’épanouir leur nature la plus complète.‌ […] Leur solution parfaite, je la trouve dans une lettre d’Olivier Amphoux, docteur en droit, étudiant en théologie protestante, qui, peu avant Vassincourt, où il tomba le 5 septembre 1914, écrivait : « L’heure de la grande bataille approche. […] Et le jeune Gustave Escande, de la Fédération Universelle des Étudiants chrétiens, écrit à ses amis : « Il m’est très doux de penser que des centaines de milliers de jeunes gens dans le monde luttent comme moi pour arriver à l’idéal que nous nous sommes composé : “Faire le Christ Roi”. » Mais la voix de ces jeunes lévites du droit n’est nulle part mieux persuasive que dans la prière que voici, d’un petit soldat protestant du pays de Monthéliard, qui mourait à l’ambulance de la gare d’Ambérieu. […] Vous m’écouterez avec sympathie et vous reconnaîtrez sans peine que j’ai acquis plus qu’auparavant le droit et la capacité de porter avec vous vos souffrances… » 6.

219. (1902) Propos littéraires. Première série

Qu’est-ce qu’un droit ? […] Pas de trace de droit en ceci. […] Le droit, c’est la justice. […] Laissons donc l’idée de droit. […] Le lien de la société, ce n’est pas le respect du droit d’autrui ; car jusqu’où va ce droit ?

220. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Elle représente bien, au reste, l’esprit étroit et routinier de la France, nation châtiable qui ne fait un pas en avant que pour avoir le droit d’en faire trois en arrière. […] Au jour de la justice, nous avons le droit de jeter notre probité dans la balance et de nous écrier : Malheur aux vainqueurs ! […] vous serez en droit de me répondre comme Hamlet : Des mots ! […] Aujourd’hui nous sommes en droit d’exiger des raisons et des motifs ; nous devons dire : Pourquoi ? […] Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi ; la littérature a soutenu assez de luttes, rendu assez de services, découvert assez de soleils pour mériter, exiger et obtenir son droit de cité.

221. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 120-121

C'est ainsi qu'il est permis aux Modernes de s'enrichir des dépouilles des Anciens ; ce sont des richesses étrangeres qu'ils transplantent pour l'utilité publique ; & l'on a droit de devenir Législateur, quand on a pour garans les Oracles du vrai goût & de la saine raison. […] Quand on a consacré ses travaux à l'instruction de la Jeunesse, formé des Disciples à l'amour de l'étude, de la Religion & de la Patrie, on a des droits assurés à la reconnoissance des Gens de Lettres & des bons Citoyens.

222. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Si, par exemple, devenu tout-à-coup Philosophe, je m’avisois de dire : La liberté est un présent du Ciel, & chaque individu de la même espece a le droit d’en jouir aussi-tôt qu’il jouit de sa raison Encyclopédie, article Autorité. […] Si, pour dernier si [car les si ne finiroient point], je demandois une audience à un Monarque précisément pour lui faire ce beau compliment : Tout homme à qui le Peuple veut donner la couronne par voie d’élection, la possede à plus juste titre que celui qui la possede par les droits de sa naissance Œuv de M. de V taire, to XI, pag. 10. […] A mesure que j’ai découvert des noms estimables, je me suis fait un plaisir de les faire connoître ; & ceux de nos Auteurs vivans qui ont ajouté par de nouveaux Ouvrages, soit à la gloire qu’ils s’étoient déjà faite, soit à la séduction dangereuse contre laquelle les Esprits droits doivent se tenir en garde, verront que je n’ai perdu de vue aucun moyen de rendre justice aux talens, ni négligé aucune des précautions qui peuvent en prévenir l’abus. […] Le même Philosophe dit formellement, que tout Ecrivain de génie est Magistrat né de sa patrie, & que son droit est son talent. […] On peut en juger par ce passage horrible : Des milliers d’hommes dépouillés de tout par la dureté de leurs Maîtres, enhardis par le sentiment de la liberté, & encouragés par le vrai droit naturel, oseront enfin un jour réclamer hautement leurs droits.

223. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

L’antique voie de fait de quelques-uns sur tous, nommée droit divin, touche à sa fin. […] Être un grand homme de la matière, être pompeusement violent, régner par la dragonne et la cocarde, forger le droit sur la force, marteler la justice et la vérité à coups de faits accomplis, faire des brutalités de génie, c’est être grand, si vous voulez, mais c’est une grosse manière d’être grand. […] La grâce de Dieu procrée le droit divin. […] La légitimité, le droit divin, la négation du suffrage universel, le trône fief, les peuples majorât, dérivent de cette histoire. […] De ces redressements jaillira le droit.

224. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « La Esmeralda » (1836) »

L’auteur suppose donc, si par aventure on s’occupe de ce libretto, qu’un opuscule aussi spécial ne saurait en aucun cas être jugé en lui-même et abstraction faite des nécessités musicales que le poëte a dû subir, et qui, à l’Opéra, ont toujours droit de prévaloir. […] Lui qui n’est rien, il rappellerait au besoin à ceux qui sont le plus haut placés que nul n’a droit de dédaigner, fût-ce au point de vue littéraire, une scène comme celle-ci.

225. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

S’il préférait le mal au bien, on se croyait en droit de le punir. […] Les collèges sont des ateliers où l’on fausse ce qui était naturellement droit : il n’y a pas une heure à perdre, il faut les fermer. […] Par une conséquence naturelle, là où le maître n’a le droit de rien commander ni de rien défendre, l’obéissance est supprimée. […] C’est le droit du plus fort auquel se soumet en frémissant le plus faible. […] Qui donc lui donnait le droit de le prendre de si haut avec les pères de famille ?

226. (1887) Essais sur l’école romantique

Bien d’autres avaient le même droit. […] Je le signale aussi tout haut : ma vive et profonde admiration pour son talent m’en a donné le droit. […] De quel droit a-t-il critiqué les œuvres d’autrui ? Si le droit est incontestable, a-t-il été digne de l’exercer ? […] Supposons, à mettre les choses au mieux, qu’il ait eu la conscience qui donne le droit, et assez de talent, eu égard à la mesure commune de son temps, pour exercer ce droit à l’honneur de son esprit ; quel bien a-t-il fait ?

227. (1813) Réflexions sur le suicide

On souffre de mille manières, on souffre par des sentiments divers, opposés, contradictoires ; et nul n’a le droit de contester à qui que ce soit sa douleur. […] -C. semble être destinée surtout à confondre ceux qui croient qu’on a le droit de se tuer pour échapper au malheur. […] Elle est la vraie mesure de la grandeur de l’homme, mais elle n’a droit à notre admiration que dans l’être généreux qui se l’oppose à lui-même et sait s’immoler quand elle le commande. […] La volonté toujours momentanée d’un être humain donnait-elle à son semblable le droit d’enfreindre les principes éternels de la justice et de l’humanité ? […] je croyais jusqu’à ce jour qu’elle était mon droit et je recueille maintenant ses derniers bienfaits comme les adieux d’un ami.

228. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il a sur lui tous les droits, y compris celui du seigneur, car il a fait de la nièce du drôle sa maîtresse et sa maritorne. […] C’est pourquoi il se réserve le droit de réméré en vendant son château, à l’insu de sa fille Francine. […] Louis Guérin est un soldat droit comme son épée, pur comme son drapeau. […] Supposez Cléante emportant la cassette de son père avec l’intention de la consacrer à des œuvres pies ; Harpagon n’en aurait-il pas moins le droit de crier : « Au voleur !  […] Le père n’y peut plus rien ; le sculpteur, maître de la glaise, n’a plus de droit sur le bronze.

229. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Et maintenant, pour en venir au doute qui me tourmente sur la moralité de son châtiment, si juste d’ailleurs, je me demande si la main d’où il part avait le droit de l’appliquer. Il y a une scène, au second acte, lorsque la lutte va s’engager, où la baronne conteste à Olivier le droit qu’il s’arroge de la poursuivre et de la combattre. […] La guerre acharnée qu’il fait à la baronne d’Ange, tous, excepté lui, avaient le droit de la déclarer. […] De quel droit avez-vous agi comme vous l’avez fait ? […] Que ceux qui ne l’ont jamais aimée lui lancent des pierres pour l’empêcher d’aborder, ils sont, à la rigueur, dans leur droit ; mais un ancien amant n’a que celui de regarder du rivage, immobile et les bras croisés.

230. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Il fit ses études avec distinction à Metz, et alla faire son droit à Strasbourg. […] La ville de Metz, en se réunissant à la France sous Henri II, avait réservé ses privilèges ; le droit, en ce pays des Trois-Évêchés, se compliquait de mille questions particulières ; il y avait des exceptions à l’infini, dont la connaissance faisait le principal mérite d’un avocat : Voyez, s’écriait le jeune homme ambitieux d’une plus noble gloire, voyez ce qui reste de ces fameux MM.  […] Il s’agissait de remplacer une quantité de droits divers, abusifs, souvent arbitraires et d’une comptabilité compliquée, et d’établir un système général de contributions de manière à en distribuer le poids le moins inégalement possible. […] Comme procureur général syndic, il était le représentant, l’homme d’action du département, lequel avait autorité sur le maire et sur la municipalité de Paris : dans le cas de résistance de cette municipalité, l’administration du département était en droit de requérir, pour la réduire, toutes les autres forces de ce département, c’est-à-dire, en ce qui était de la Seine, toutes les forces de Saint-Denis, Sceaux, Bourg-la-Reine et de la banlieue. […] Il est même obligé de se justifier d’avoir dîné chez M. de Jaucourt, un des membres du côté droit de l’Assemblée législative ; car on l’avait dénoncé pour ce dîner.

231. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Sans entrer dans des détails qui seraient aujourd’hui sans intérêt, disons seulement qu’au sein même de la Société de l’histoire de France les droits de la vérité historique pure et entière, non adoucie et déguisée, non adultérée et sophistiquée, ont trouvé de chauds défenseurs et des appuis en la personne de MM.  […] C’est précisément tout ce que la France de la Révolution, la France de 89 avait à abattre, en dégageant et achevant les parties nettes et vives de l’Ancien Régime, et en y versant l’esprit d’égalité, l’esprit de bon sens et de droit commun opposé au principe monarchique du droit divin : et c’est ce qu’elle a fait à l’Assemblée constituante avec grandeur et quelque inexpérience, ce qu’avertie et mûrie elle a refait ensuite sous le Consulat avec précision et perfection, sous l’œil d’un génie, mais à l’aide des hommes modernes issus de l’ancien régime. […] Quand les municipalités ne marchaient pas droit, il les remettait au pas, jusqu’à les rudoyer : (Octobre 1722. […] Richer d’Aube, neveu de Fontenelle à la mode de Bretagne, auteur d’un Essai sur les principes du droit et de la morale, esprit rectiligne des plus rigides5, et l’un des plus terribles disputeurs de son temps. […] Il estime qu’on le pouvait au moment de la paix de 1735, à la suite des succès de nos armes : « On le pouvait assurément, dit-il, et on aurait eu toute l’Europe pour soi si, agissant avec candeur, on eût fortifié le tiers-parti des dépouilles de la maison d’Autriche en Italie, sans en revêtir la maison de Bourbon aucunement. » Le désintéressement pour soi et pour les siens aurait donné le droit de parler haut et ferme.

232. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Mais il vient un moment où l’on a droit de juger à son tour ceux qui vous ont précédé et guidé, surtout si tout le monde les juge, et si eux-mêmes, hommes de publicité et de parole, ils ont provoqué ce regard scrutateur par toutes sortes d’éclats, d’indiscrétions moqueuses et de confidences à haute voix. […] Une masse de pièces authentiques, de révélations directes, nous était confiée : nous ne pouvions tout produire, et nous nous en remettions de ce soin à qui de droit. […] Je vous prie donc, et je crois que j’ai presque un droit de le demander, de brûler ce que je vous ai écrit sur elle. […] L’orateur était solennel de geste, de chevelure ; il avait l’accent généreux, et revendiquait les droits du genre humain. […] Tout cela compose une situation beaucoup plus douce qu’il ne semble qu’on ait le droit de l’avoir dans le temps où nous vivons.

233. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Nous regretterions que les Paroles d’un Croyant n’y fussent pas acceptées ou tolérées, comme une de ces paroles libres de prêtre, qui ont toujours eu le droit de s’élever en sens contradictoire dans les crises sociales et politiques aux diverses époques. […] Quelques droites paroles mettent au défi tous les sophismes des législateurs : « Les oiseaux du ciel et les insectes mêmes s’assemblent pour faire en commun ce qu’aucun d’eux ne pourrait faire seul. Pouvez-vous vous assembler pour traiter ensemble de vos intérêts, pour défendre vos droits, pour obtenir quelque soulagement à vos maux ? […] Lorsque l’esprit mauvais fascine des âmes droites, ce n’est que pour un temps.

234. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Jésus, qui tenait fort aux bonnes vieilles mœurs, engageait les disciples à ne se faire aucun scrupule de profiter de cet ancien droit public, probablement déjà aboli dans les grandes villes où il y avait des hôtelleries 830. « L’ouvrier, disait-il, est digne de son salaire. » Une fois installés chez quelqu’un, ils devaient y rester, mangeant et buvant ce qu’on leur offrait, tant que durait leur mission. […] Mais il n’est pas douteux qu’elle ne fût de droit commun dans l’Église primitive, et qu’elle ne figurât en première ligne dans l’attention des contemporains 838. […] Il confie à l’Église le droit de lier et délier (c’est-à-dire de rendre certaines choses licites ou illicites), de remettre les péchés, de réprimander, d’avertir avec autorité, de prier avec certitude d’être exaucé 843. […] Du reste, nulle trace, dans l’enseignement de Jésus, d’une morale appliquée ni d’un droit canonique tant soit peu défini.

235. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il faut remonter d’abord au démêlé de Maupertuis avec le célèbre Kœnig, Suisse de nation, professeur de philosophie & de droit naturel en Hollande, bibliothécaire du prince Sthadhouder, & de madame la princesse d’Orange, membre de l’académie de Prusse, un des plus grands mathématiciens de l’Europe. […] Il y refusoit de ses soumettre à la décision de l’académie, comme ayant été prononcée par un tribunal incompétent, qui n’avoit aucun droit sur lui, & par des juges mal instruits & passionnés. […] M. de Voltaire, qui s’intéressoit à la gloire de l’académie, crut qu’elle alloit directement contre ses droits, qu’elle s’avilissoit & oublioit le plus beau partage des gens de lettres, la liberté & l’égalité. […] Malo, d’avoir prétendu qu’on modifie l’ame avec de l’opium , qu’on fait naître des anguilles avec de la farine délayée, & des poissons avec des grains de bled  ; qu’on pourroit naviger tout droit, directement sous le pôle arctique , & faire un trou qui allât jusqu’au centre de la terre, attendu que, pour l’ouverture de ce trou, il faudroit excaver au moins toute l’Allemagne ; ce qui porteroit un préjudice notable à la balance de l’Europe .

236. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

D’un côté, le besoin de trouver un point fixe dans la fluctuation universelle des croyances et des consciences rattache les esprits droits à une doctrine déterminée et fixe : d’un autre côté, le besoin de voir de plus en plus clair dans ses pensées, la passion du progrès, à laquelle personne de notre temps ne peut échapper absolument, entraîne plus ou moins les hommes sincères hors des voies réglementaires et consacrées. […] Comme eux, nous croyons à Dieu et à l’âme ; mais pour eux la liberté de penser est un crime, pour nous c’est le droit et la vie, et nous aimons mieux l’erreur librement cherchée que la vérité servilement adoptée. […] Franck (Philosophie du droit pénal et du droit ecclésiastique), M. 

237. (1760) Réflexions sur la poésie

Le sonnet ne se montre plus, l’élégie expire, l’églogue est sur son déclin, l’ode même, l’orgueilleuse ode commence à déchoir ; la satire enfin, malgré tous les droits qu’elle a pour être accueillie, la satire en vers nous ennuie pour peu qu’elle soit longue ; nous l’avons mise plus à son aise en lui permettant la prose ; c’est le seul genre de talent que nous ayons craint de décourager. […] En poésie même, les auteurs de génie n’en font plus aucun usage ; ils n’osent toutefois le condamner ouvertement dans les vers, à cause de la possession immémoriale où il est d’y régner ; mais en prose le même droit de prescription ne les arrête pas, et ils en font justice sous un autre nom. […] Cependant, pour acquérir le droit d’être plus sévère à l’avenir, elle a pris le parti, depuis quelques années, de laisser aux poètes le choix des sujets, mais elle voit avec peine que les auteurs semblent se négliger à proportion de la liberté qu’elle leur laisse, et de la rigueur qu’elle a résolu de mettre dans ses jugements. […] En un mot, aucune des pièces n’a paru propre à faire sur le public assemblé cette impression de plaisir, qu’il est en droit d’attendre d’un ouvrage couronné par le jugement d’une société de gens de lettres.

238. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Qu’on écrive l’histoire sans être un homme de génie, qu’on étudie les faits, et qu’on prouve qu’on les a étudiés en les discutant et en les racontant texte en main, cela est courageux et modeste, et cela donne le droit, quand on en a la puissance, de s’élever de ces faits jusqu’à ces généralités qui sont comme la raison des choses et l’essence même de l’histoire. […] — s’écrie-t-il, « — nous n’en avons pas le droit. » Il se trompe ! nous en avons le droit, si ce mépris est mérité. […] que voulez-vous qui reste de l’histoire, si vous lui ôtez le droit du mépris ?

239. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Et telle fut en ces derniers temps la réimpression d’un livre qui eut mieux qu’un jour de renommée puisque le succès n’en a pas été épuisé par quatre éditions successives, et que l’un des auteurs (ils avaient été deux à l’écrire), usant du droit de son intelligence perfectionnée, s’est avisé de refondre et d’améliorer. […] Du reste, pouvait-on attendre mieux d’un roman de ce temps fait par deux jeunes gens, deux têtes trop vertes et dont le plus mauvais (nous avons le droit de dire cela à M.  […] Brucker, qui avait toutes les passions de son temps ajoutées aux siennes, se mêla à cette furieuse guerre faite à la Monarchie, qui, sans droit des gens comme sans pitié, mâchait ses balles et empoisonnait les rivières. […] Il eut le droit, tout laïque qu’il fût, de prêcher dans les églises et il devint l’O’Connell des ouvriers catholiques dans un pays plus heureux que l’Irlande ; un O’Connell sans les mille échos de la persécution et de la gloire, qui rapportaient à Daniel sa voix agrandie, mais un O’Connell par le genre de talent, par la manière, par cette éloquence familière et pathétique, sublime et triviale à dessein, comme l’est un drame de Shakespeare.

240. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

C’est toujours le mot si comique de madame de Staël, de madame de Staël avec laquelle pourtant l’Autorité avait le droit de se montrer plus sévère que la Critique n’a le droit de se montrer distraite avec Gravillon : « Si vous avez des enfants, monsieur, — disait-elle en riant au colonel de gendarmerie qui la reconduisait à la frontière de Suisse, — apprenez-leur ce que le talent rapporte et dégoûtez-les d’en avoir !  […] … Il fut un temps où l’on trouvait de mauvais goût la cathédrale gothique… C’était le temps absolu du style simple, comme le vantent les incapables d’enluminure… il a passé, et la nature et l’art, reprenant tous leurs droits, de nouveau se sont épanouis. […] Il en a cette sensibilité pour laquelle je voudrais trouver un nom qui ne fût pas une injure, et qui, malgré la distinction de sa nature (cette distinction qui ne sert absolument dans ce monde qu’à être distingué, comme la blancheur des lys ne sert qu’à les faire blancs, dans leur royauté inutile), le mène droit, lui !

241. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Il use de la rime ou la rejette, c’est son droit. […] Kahn, sa « vaste ambition », il se risque, bien témérairement à notre sens, à interdire au poète de l’avenir l’usage de la symbolique gréco-latine ; il effleure là des questions bien délicates d’atavisme et de culture, et nous devons faire toutes réserves de nos droits à disposer selon nos goûts de l’héritage aryen. […] Nous préférons clore cette déjà longue notice par quelques scrupuleuses indications bibliographiques, rappelant la collaboration de Gustave Kahn à la Jeune Belgique, au Décadent, à la Basoche, à la Gazette anecdotique, au Paris littéraire, à la Vie moderne, au Réveil de Gand, à la Société nouvelle, à la Revue encyclopédique, au Monde moderne, à la Revue de Paris, à la Nouvelle Revue, au Livre d’Art, à l’Épreuve, au Supplément du Pan, au Mercure de France, au Journal, à l’Événement, aux Droits de l’Homme, à la Presse, à l’Almanach des poètes (Mercure de France, 1896-1897), aux Hommes d’aujourd’hui, et à la Revue blanche où, indépendamment de différentes études consacrées à Rodenbach, Anatole France, Émile Zola, Arthur Rimbaud, etc., il signe depuis plusieurs années la chronique des poèmes.

242. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Mais, en art, les ascètes ont-ils le droit de mépriser les viveurs ? […] Je suis donc assuré, poètes, mes amis, que vous ne feriez point à Zola remontrances pour le fait seul de sa production, si vous ne la voyiez à ce point entachée d’uniformité et de répétition, qu’elle n’eut plus droit au nom de fécondité, mais bien de ressassement. […] Ç’a toujours été le droit des artistes, parvenus, tard ou tôt, à la plus conforme expression de leur tempérament, de ne point chercher encore une orientation différente.

243. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Mais du moment où la religiosité de l’homme en sera venue à s’exercer sous la forme purement scientifique et rationnelle, tout ce que l’État accordait autrefois à l’exercice religieux reviendra de droit à la science, seule religion définitive. […] La science n’existant qu’à la condition de la plus parfaite liberté, le patronage que lui doit l’État ne confère à l’État aucun droit de la contrôler ou de la réglementer, pas plus que la subvention accordée aux cultes ne donne droit à l’État de faire des articles de foi.

244. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Dans le temps de L’École des femmes, la bonne compagnie n’avait d’autre tort que celui d’exercer son droit de blâmer. […] Le droit de refuser le respect à ce qui est méprisable ne donne pas celui de traiter avec mépris ce qui est digne de respect. […] Dire que la chasteté du langage ne doit pas aller au-delà de celle des mœurs, quelque corrompues qu’elles soient, c’est prétendre que la société de mœurs honnêtes est condamnée à entendre et à parler un langage qui respire le mépris de l’honnêteté et de la morale ; c’est avancer que le langage peut mettre à découvert des mœurs que la morale oblige à cacher ; c’est aussi établir en principe que des esprits délicats et polis n’ont pas le droit d’exclure de leur langage des expressions grossières et brutales, et j’observe ici que si la décence est une loi de la morale, c’est aussi une loi du goût.

245. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Les yeux ne se lassent pas de voir leurs corps droits, leurs tailles fines. […] Nous étions donc en droit de prévoir, et nul ne doit s’offenser de nos alarmes. — M.  […] Il s’agit des traités qui fixent la position et les droits respectifs des puissances. […] L’un des plus essentiels, à mon avis, est celui de Droit comparé. […] Ne lui donnons pas un droit de suffrage illusoire.

246. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

On parle des droits de l’État, et de les défendre contre l’Église, comme si l’Église n’était pas seule compétente pour définir et fixer tous les droits, y compris ceux de l’État. Un doctrinaire, un catholique libéral, un gallican, est un homme qui, renversant l’ordre des choses, remet à l’État le soin de définir les droits de l’Église. […] Liberté d’association religieuse et civile… Les corporations ouvrières existent de droit ; elles choisissent leurs officiers, font leurs règlements et exercent leur police intérieure. […] Veuillot lui accorde « toutes les latitudes du droit commun », le droit de posséder, d’acquérir, d’hériter ; l’usage de son droit particulier, de ses tribunaux intérieurs, la liberté de la charité, la liberté d’enseignement à tous les degrés ; le droit de fonder des universités canoniques, une au moins par province. […] Et puis, par un sentiment que je conçois mal, j’ai toujours été tenté d’accorder sur moi, à ceux dont la foi est absolue, des droits que je ne me reconnais pas sur eux.

247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

N'eût-il que la gloire d'avoir fondé des Colléges, favorisé le progrès des Lettres, donné l'existence & de sages loix à l'Académie Françoise, il mériteroit une place dans cet Ouvrage : il y a encore des droits en qualité de Littérateur. […] Un Ministre puissant peut faire taire les sifflets, arracher des éloges à l'adulation ; mais le bon goût rentre tôt ou tard dans ses droits.

248. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Un instant il chercha dans l’étude du droit un calmant à son imagination emportée, mais, fatigué bientôt, la contemplation sans but s’empara de lui. […] Champfleury plaira aux esprits droits et honnêtes. […] Gautier qui a inventé cette distinction superbe qu’une rose étant aussi réelle qu’un chou, on a parfaitement le droit de préférer la rose. […] Qu’enfin, le droit enfantant le devoir, et le travail enfantant la liberté, ce sont ces deux mots : Droit et Travail, qui serviront de points d’appui à toutes les évolutions de l’avenir. […] Or, un vrai philosophe ne se contredit jamais, ou du moins ses énonciations n’ont le droit de se modifier qu’à la condition de s’élargir.

249. (1891) Esquisses contemporaines

Mais avons-nous le droit de lui être bien sévère ? […] Car la vérité appartient de droit à ceux qui la pratiquent. […] Elle résulte d’une évidence intérieure à laquelle se rendent les volontés droites et les cœurs sincères. […] On se soucie peu des droits de Dieu, mais on proclame les droits de l’homme qui en sont issus, et l’on s’attache d’autant plus à ceux-ci que l’on néglige davantage ceux-là. […] De quel droit les ramener à la mesure de vos conceptions ?

250. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Avant de nous engager dans la contemplation de la théologie primitive de l’Inde, qu’on nous permette de confesser nous-même et du même droit que ces philosophes, du droit de nos conjectures et du droit de l’histoire, une philosophie tout opposée. […] Je n’avais jamais réfléchi encore à ce brutal instinct de l’homme qui se fait de la mort un amusement, et qui prive de la vie, sans nécessité, sans justice, sans pitié et sans droit, des animaux qui auraient sur lui le même droit de chasse et de mort, s’ils étaient aussi insensibles, aussi armés et aussi féroces dans leur plaisir que lui. […] « Je renonçai pour jamais à ce brutal plaisir du meurtre, à ce despotisme cruel du chasseur qui enlève sans nécessité, sans droit, sans pitié, l’existence à des êtres auxquels il ne peut pas la rendre. […] Si je n’accomplissais pas exactement ces devoirs, tous les hommes suivraient bientôt mon exemple, ce monde abandonnerait son devoir ; je serais la cause de la production du mal, j’éloignerais les hommes du droit chemin. […] Pelletan, qui parle comme Platon, a le droit de rêver comme lui de beaux rêves.

251. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Dès qu’un journal, par exemple, ou un magazine, ou une revue, se déclare respectueux de la morale, ou qu’on a des raisons de le supposer tel, quelques-uns de ses abonnés ne manquent pas de s’en prévaloir, et d’exiger du directeur, non pas des romans moraux, ce qui est leur droit, mais des romans pour jeunes filles. […] L’écrivain le plus honnête a-t-il le droit, a-t-il le pouvoir de chercher ailleurs le principal ressort et l’intérêt de son œuvre ? […] Le romancier aura le droit de peindre toute la vie, telle qu’elle est, à l’exception des bas-fonds d’obscénité, qui ne sont pas du domaine de l’art ; il pourra étudier toutes les passions, leurs développements, leurs effets, tous les troubles mauvais de l’âme, et tous les crimes, aussi bien que les repentirs et que les autres actes de beauté morale. […] Je crois que c’est là un droit absolument nécessaire de l’écrivain, et qu’il n’y a presque pas de roman ou il ne doive en user, parce qu’il n’y a presque pas de drame auquel le mal ne soit mêlé essentiellement. […] Les artistes ne disent pas tout, ou parce qu’ils n’en ont pas le droit, ou parce qu’il leur suffit d’indiquer une ligne pour que la courbe se prolonge à l’infini dans l’esprit du lecteur intelligent.

252. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Présenter la chemise au roi et aux princes, obtenir le bougeoir, faire des visites de deuil en mante ou sans mante, avoir le droit de s’enrhumer dans les carrosses du roi et d’étouffer dans un entre-sol de Marly, tels sont les graves intérêts qui emploient les forces, la pensée, le crédit des hommes les plus capables, et qui, selon l’issue, les transportent de bonheur ou les plongent dans l’extrême désespoir. « Hélas ! […] Il est vrai que je n’ai le droit d’insulter personne, mais j’ai le droit de n’être insulté par personne. […] Ceux qui profitent de l’inégalité sont ses ennemis naturels, et, pour défendre de toute atteinte l’inégalité et l’injustice, ils font la guerre à la justice et au droit. […] de quel droit usurpe-t-il sur M. 

253. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Dès lors le poète n’a plus le droit de dire : Je chante. […] Toutes les villes primitives, étant fondées sur le droit d’asile, furent aussi, à la lettre, des villes d’expiation. […] L’homme sensé doit lui forger un frein sévère ; le philosophe a le droit de la bannir de son austère laboratoire. […] Tout homme a droit aux secours divins dans sa vie morale ; nul homme n’a droit au génie ; on ne doit ni le désirer, ni l’espérer, mais le recevoir avec soumission et en tremblant. […] Nous avons le droit de prononcer le nom du vrai Dieu comme principe de toute poésie, et nous en aurons le courage.

254. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

L’individu n’a pas tous les droits, mais la société ne les a pas tous non plus. […] Biré le droit d’apprécier ce rôle ? […] Si j’ai dit que c’était le droit de M.  […] Paul Bourget ait le droit de s’en plaindre trop haut, et il passerait pour trop exigeant. […] revendiquer sur lui les droits d’une vieille maîtresse ?

255. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Avant de s’attacher à l’Eloquence, dont on peut le regarder comme un des restaurateurs, il s’étoit appliqué à l’étude du Droit. […] En attendant, on lui donna le droit d’assister aux séances, avec cette distinction glorieuse, que la même grace ne pourroit être accordée à personne pour quelque considération que ce fût.

256. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

Principes du droit naturel. […] Cette critique est le fondement d’un nouveau système du droit des gens.

257. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Ainsi chacun est allé tout droit dans son égoïsme, coupant l’arbre par la racine. […] Car il n’y a plus de librairie en ce moment que celle d’université, de droit, de médecine, de religion, précisément parce qu’en ces branches spéciales elle est restée à peu près soustraite aux diverses atteintes. […] Desnoyers, qui a su conserver dans la mêlée la plus active des intentions droites et des habitudes élevées de caractère. […] Quelques auteurs entichés pourraient s’en trouver purement et simplement flattés ; de plus aguerris et de plus stricts useraient du droit de répression, requérant en justice dommages et intérêts : le plus sûr et le plus fructueux est d’amener par transaction ces journaux à payer tribut pour leur reproduction, et à s’abonner, en quelque sorte, à vous. […] Il y a toujours à prendre garde cependant de trop aliéner les droits de l’individu dans le pouvoir du comité.

258. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Taine : « Si vous faites à ces philosophes un procès de tendance, de quel droit leur interdiriez-vous de vous en faire un également ? […] Pour celle-ci, le droit n’est que le résultat de la transformation successive des choses, il est le résumé d’un état donné de civilisation ; pour celle-là, le droit est une idée à priori qui se tire de l’essence même de l’humanité et doit l’imposer aux faits, au lieu d’en être l’expression et le résultat. […] Que l’école positive ait essayé de prendre cette place, c’était son droit, et c’est encore aujourd’hui sa principale force. […] Nous prétendons qu’elles en ont le droit : vous le contestez, soit ; mais c’est là un vain débat. […] Il croit à la responsabilité morale, à la justice distincte de l’intérêt, au droit et au devoir fondés sur des rapports absolus.

259. (1903) Le problème de l’avenir latin

Tout le droit celtique périt. […] Ils ne sont ni adultérés ni faussés, ils sont restés droits et purs. […] Si celui-ci a un droit, c’est bien celui d’organiser l’enseignement public. […] Nous n’en n’avons pas encore le droit. […] C’est pour eux un droit à acquérir.

260. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Dans les monarchies limitées, comme en Angleterre et en Suède, l’amour de la liberté, l’exercice des droits politiques, des troubles civils presque continuels, apprenaient aux rois qu’ils avaient besoin de rencontrer dans leurs favoris de certaines qualités défensives, apprenaient aux courtisans que même pour être préférés par les rois, il fallait pouvoir appuyer leur autorité sur des moyens indépendants et personnels. […] Ce n’était donc qu’en France où l’autorité des rois s’étant consolidée par le consentement tacite de la noblesse, le monarque avait un pouvoir sans bornes par le fait, et néanmoins incertain par le droit. […] Quelques-uns de ses droits devaient être exercés sans être reconnus, d’autres reconnus sans être exercés ; et les considérations morales étaient saisies par l’opinion avec une telle finesse, qu’une faute de tact était généralement sentie, et pouvait perdre un ministre, quelque appui que le gouvernement essayât de lui prêter.

261. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

(La morale particulière, ou le droit naturel et celui des gens.) […] (La morale civile, ou le droit national.) […] Éléments du Droit naturel.

262. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Voilà pourquoi, ajoute-t-il, ceux qui joüent dans les atellanes conservent tous les droits des citoyens et qu’ils servent même dans les legions, comme s’ils ne montoient pas sur le théatre. Festus dit que les spectateurs n’avoient pas le droit de les faire démasquer comme ils pouvoient faire démasquer les autres comediens. […] En effet à moins que de connoître l’Espagne et les espagnols (connoissance qu’un poëte n’est pas en droit d’exiger du spectateur) on n’entend pas le fin de la plûpart des plaisanteries de ses pieces.

263. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Aux termes de la nouvelle loi sur la propriété littéraire, mademoiselle Noëmi Trochu (c’est ainsi qu’elle se nomme) n’aurait-elle pas des droits à percevoir dans les tragédies de notre immortel poète ? […] L’indépendance, c’est le droit de ne pas travailler ! […] Regarde. « On vient de découvrir… Droits à percevoir… » Et plus bas : « Hier, une foule innombrable… Légataire universel… Au théâtre de l’Odéon… »

264. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Laissez, au contraire, le Pape, qui est le souverain pontife de la parole, saisir dans toute son étendue le gouvernement spirituel de la chrétienté ; que le prêtre soit en même temps citoyen de l’état et sujet du chef de l’Église ; et que le chrétien exerce ses droits politiques ou remplisse ses devoirs religieux, sans que ces deux sortes d’actes aient aucune liaison entre eux. […] Dans un temps où les princes de la terre avaient sur les peuples des droits dont les limites étaient inconnues, était-ce donc un si grand malheur que les rois eussent au-dessus d’eux une puissance mystérieuse qui venait les épouvanter et leur annoncer, les oracles de la justice éternelle, une puissance qui venait leur dire : Ce sceptre que vous tenez de Dieu, Dieu peut vous l’enlever ; ce glaive que vous portez à votre côté peut être réduit en poussière par le glaive de la parole ? […] Le peuple français est le premier des peuples de l’Europe qui ait admis le principe de l’indépendance mutuelle des institutions politiques et des institutions sociales, tout en demeurant dans la même croyance religieuse, tout en restant fidèle au droit divin et à celui de la légitimité, qui en est la suite.

265. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Viennent ensuite la nièce même de cette princesse, la seconde Marguerite de Valois fille de Henri II et femme de Henri IV, auteur de quelques pages de Mémoires que l’Académie française, par un jugement où il entrait peut-être de la galanterie, regardait comme le modèle de la prose au xvie  siècle158 ; le cardinal d’Ossat, ambassadeur de Henri IV près la cour de Rome, esprit pénétrant, simple et droit, qui expose au roi son maître, d’un style abondant et ferme, toute sa négociation relative à certains projets politiques de Henri IV, et notamment à l’affaire de l’abjuration 159 ; Brantôme, dont la curiosité ne se renferme pas dans les choses de son temps et de son pays ; qui recueille çà et là dans les livres et dans les ouï-dire les matériaux de sa chronique scandaleuse ; du reste, dans ce goût peu honorable pour les immondices de l’histoire, plein de sens, de finesse et d’excellent style, et plus à blâmer peut-être pour avoir eu la plus malhonnête curiosité dans un siècle si curieux, celle des musées secrets, que pour avoir exploité de propos délibéré la corruption de son temps160 ; le maréchal de Montluc, dont Henri IV appelait les Mémoires la Bible des soldats, jugement qui peint le livre161. […] En tête, sont deux hommes d’un sens supérieur, les lumières du droit civil et du droit politique à cette époque, le plus grand jurisconsulte du xvie  siècle Dumoulin et le plus grand économiste Bodin. Dumoulin retrouvait les véritables sources et posait les règles fondamentales du droit français ; Bodin mêlait à des rêveries pythagoriciennes deux principes excellents, et qui sont devenus du droit public, l’inaliénabilité du domaine royal et la nécessite du consentement des sujets pour la levée des impôts. […] Après des études faites à l’Université de Paris, et, pour le droit, aux universités d’Orléans et de Bourges ; après cinq ou six ans de pratique du barreau, dont il se dégoûta, pour s’attacher à la théologie et à la prédication, il devint, à l’école de Montaigne, moraliste, en gardant la méthode du théologien et cette habitude rigoureuse d’écrire pour convaincre. […] Saint François de Sales ne se crut plus en droit de résister ; il redemanda ses lettres à sa parente, et en composa l’aimable livre de l’Introduction à la vie dévote, qu’il adresse à Philotée, ou l’âme dévote.

266. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Et s’il se décide en faveur de ces raisons parce qu’elles lui paraissent bonnes, pourquoi ne pourrions-nous pas, avec un droit équivalent, nous décider pour nos propres raisons parce qu’elles nous paraissent également telles ? […] Vous n’avez donc pas le droit d’invoquer contre la philosophie sa prétendue impuissance, l’apologétique chrétienne n’ayant aucune prérogative, aucun avantage sur la philosophie, et n’étant elle-même qu’une sorte de philosophie. […] Dire qu’il faut laisser les querelles dans l’ombre parce que le temps n’est pas opportun, cela peut se comprendre, quand on a fait un choix, et que l’on sait à quoi s’en tenir ; mais ceux que l’on veut ramener, car je suppose que l’on n’écrit pas pour les convertis, ceux que l’on appelle de la philosophie au christianisme, ont le droit de dire : A quel christianisme nous appelez-vous ? […] En vérité, je comprends que l’on s’écrie avec saint Paul : « Le pot n’a pas le droit de dire au potier, pourquoi m’as-tu fait ?  […] Je comprends l’impérieux besoin d’espérer et de croire dévorant l’impossible, pour ne pas dire plus ; mais nous présenter cet impossible comme la lumière, c’est nous demander plus que ne peut accorder un esprit libre, qui n’a aucun goût malsain pour la révolte, qui ne peut cependant, sans abdiquer, renoncer à tous les droits de la conscience et du bon sens.

267. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Hommes ou femmes, ils ont le droit de rêver, de regretter, de s’analyser eux-mêmes, d’écrire des lettres sans nombre, de tenir un journal sans fin de leurs pensées et de leurs sentiments. […] En un mot, elles n’y vont pas tout droit, et c’est parce qu’elles se sont heurtées à quelque obstacle de la vie qu’elles tournent vers Dieu des regards d’amoureuses éconduites ou trompées. […] Elles ne feront pas le roman, parce qu’elles n’en ont ni la puissance ni le droit ; parce qu’elles sont incohérentes ; parce que le groupement de ces choses demi-vivantes n’est pas la vie ; mais elles y aideront, elles mettront une agrafe au manteau, une plume à la toque, un peu de noir au sourcil. […] Maman y a quelque droit : son grand-père, le comte Léopold de B., était colonel de la garde royale et chevalier de Saint-Louis. » J’ai grand’peur que, malgré de pareils titres, le bureau de tabac n’ait pas encore pour titulaire mademoiselle Léontine. […] » Un geste d’inconnu, un mot frappe l’esprit, et une voix intime s’élève et dit : « Il m’appartient par droit d’harmonie ! 

268. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

    Silas le tisserand est un pauvre homme d’intelligence étroite et de coeur droit. […] C’est encore et surtout ce qu’on a appelé l’individualisme ; c’est la revendication des droits de la conscience individuelle contre les lois écrites, qui ne prévoient pas les cas particuliers, et contre les conventions sociales, souvent hypocrites et qui n’attachent de prix qu’aux apparences. […] Elle a un orgueil au moins égal, et le même sentiment pléthorique, si je puis dire, des droits de l’individu. […] « Trenmor croit l’avènement d’une religion nouvelle, sortant des ruines de celle-ci, conservant ce qu’elle a fait d’immortel… Il croit que cette religion investira tous ses membres de l’autorité pontificale, c’est-à-dire du droit d’examen et de prédication… » Etc., etc. […]     La protestation du droit individuel contre la loi, et de la morale du coeur contre la morale du code ou des convenances mondaines, mais c’est l’âme même de la plupart des drames de M. 

269. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« Il n’est plus de femme dans Paris qui ne veuille avoir une précieuse dans sa société, ou pour se mettre en réputation d’esprit, ou pour avoir droit de censurer autrui. […] On demande quelle est la liberté dont les femmes jouissent, et ont droit de jouir dans la société et dans la vie conjugale : la liberté préconisée à cette occasion est plus près de la domination que de l’indépendance ; il semble, dit la discoureuse, que les soupçons du mari donnent à la femme le droit de faillir. […] J’espère que cette digression sera pardonnée au besoin de prouver une des puissances de la conversation et de revendiquer pour elle un droit qui n’a été reconnu qu’aux lettres. […] On pouvait aussi se croire eu droit de s’amuser aux dépens de quelqu’un, dans un temps où le mérite des individus n’était pas la propriété de tous comme il l’est de nos jours, et où il est, d’un moment à l’autre, employé à l’utilité générale. […] Je demande ici, dans l’intérêt de Molière, de quel droit ses commentateurs, lui imputent un plat et bas mensonge, de quel droit ils lui donnent un démenti sur l’intention qu’il déclare avoir eue en composant sa comédie.

270. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

La critique, en ce temps-là, ne s’exerçait pas paisiblement et comme un droit que nul ne songe à nier. […] Il se contenta d’affirmer dans ses Préfaces qu’il avait usé de son droit en critiquant des auteurs comme auteurs ; que du reste on pouvait écrire contre ses œuvres, « attendu qu’il était de l’essence d’un bon livre d’avoir des censeurs ». […] Sérieusement, ne voit-on pas qu’il n’y a plus de critique possible, ou bien Boileau avait le droit de censurer Chapelain ou Cotin, comme ceux-ci de riposter à Boileau ? […] Tous ceux qui aidèrent à faire connaître ou aimer les anciens, à dégager la formule où l’imitation docile et le libre examen se concilient dans le large culte de la vérité, Ronsard et Scaliger avant Malherbe et Balzac, Corneille comme Pascal, mais aussi l’Académie, mais même le monde précieux, et ses poètes si doctement guindés ou si délicatement faux : tous, avec plus ou moins de conscience, par des voies plus droites ou plus détournées, amènent insensiblement notre littérature au point où Boileau la prend pour la dresser d’un coup dans la pureté de son type.

271. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Mais voici la vraie cause de sa faiblesse : au lieu qu’en 1830, la victoire du peuple sur la royauté violatrice de la Charte avait opéré la séparation du libéralisme et de la démocratie, en 1851 la restauration du pouvoir personnel réunit toutes les formes du libéralisme avec la démocratie dans une opposition irréconciliable : derrière les défenseurs de la légalité parlementaire se rangèrent les masses populaires des grandes villes, qui avaient foi encore à la République, au droit, à la liberté. […] Elle reparut peu à peu au Corps Législatif et au Sénat, à mesure que le droit de discussion, le droit d’interpellation, la publicité des débats furent rétablis. […] Il s’en faut, encore ici, que tous les directeurs de ces divers mouvements aient droit de figurer dans une histoire littéraire : elle ne doit tenir compte que de quelques hommes, qui ne sont pas toujours les plus grands par la pensée ou les actes.

272. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Plus y chardonne l’anarchie que la liberté n’y verdoie : car tous ont le droit de parler, quoiqu’ils disent — et ceux qui disent quelque chose n’ont pas le droit de se faire entendre — car en même temps qu’eux parlent ceux qui ne disent rien. […] Le poète a le droit de n’en pas tenir compte, — en tout cas c’est pour lui une secondaire pensée. […] Quiconque pensera formulera. » Et de là, la libération du vers, de l’inspiration, là, proclame pour tous le droit de créer, et selon soi-même.

273. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Exister, c’est avoir la justice, la vérité, la raison, le dévouement, la probité, la sincérité, le bon sens, le droit et le devoir chevillés au cœur. […] Nous venons de signaler les théoriciens, quelques-uns d’ailleurs droits et sincères, qui, à force de craindre la dispersion des activités et des énergies et ce qu’ils nomment « l’anarchie », en sont venus à une acceptation presque chinoise de la concentration sociale absolue. […] Tous les mots n’avaient pas droit à la langue. […] Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.

274. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Ce que nous soutenons, ce que nous répétons dans notre dernier livre peut ainsi se résumer ; « Il est matériellement démontré que tous les grands écrivains ont travaillé ; il faut donc travailler comme tous les grands écrivains, car pourquoi serions-nous plus difficiles, et de quel droit nous croirions-nous plus de talent ?  […] « C’est parce qu’il y a un nombre égal d’auteurs notoirement médiocres qui ont raturé et dont nous voyons la médiocrité obtenue exactement par les mêmes procédés que la perfection. » A ce compte, on ne doit plus conseiller d’être original, parce qu’à vouloir être original on risque de devenir excentrique ; on ne doit plus dire à ceux qui marchent mal : « Tenez-vous droit », parce que, quelques-uns, pour se tenir droit, se tiennent raides ; on ne doit plus recommander aux peintres, aux sculpteurs, aux romanciers de se recueillir, de méditer, d’observer, parce qu’il y en a qui, après s’être recueilli, après avoir médité, après avoir observé, n’ont produit que de médiocres œuvres. […] Vacquerie est absous d’avoir chicané le style racinien, mais nous n’avons pas le droit de contester celui de Stendhal.

275. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

La seconde a été de n’avoir plus le moindre droit aux ménagements respectueux qu’on doit à la femme… Vous entendez, Mesdames ? […] Bien avant ce célèbre club des femmes, organisé en 1848, et si ridiculement fameux ; bien avant les publications de Mme Olympe Audouard, qui demande même des droits politiques, Mme Audouard, la plus avancée des révolutionnaires féminines ; la Marat couleur de rose du parti, et que je ne tuerais pas dans sa baignoire ; bien avant toutes ces tentatives animées dont ont pu rire quelques esprits aristophanesques, quelques attardés dans leur temps, qui ont encore dans le ventre de l’ancien esprit français, car nous portons malgré nous en nos veines quelque chose des mœurs de nos pères, l’idée d’égalité, qui pénètre tout, avait pénétré la perméable substance de l’esprit des femmes, et traversé, sans grande peine, la pulpe de pêche de ces cerveaux. […] Quand on les a montrés et racontés, il ne reste plus à demander si ces faits engendrés par les causes que nous avons dites, sont bons ou mauvais en eux-mêmes ; légitimes ou illégitimes, le développement naturel des choses humaines ou une de ces distorsions que l’homme, avec son libre arbitre, peut leur imprimer… En d’autres termes, le bas-bleuisme, — si on entend par là et on ne peut entendre par là que l’égalité entre l’homme et la femme qui a le droit de s’attester au même titre que l’homme et dans des œuvres semblables à celles de l’homme, — le bas-bleuisme est-il une vérité ou un mensonge, un cri du talent opprimé ou une prétention de la vanité ; une illusion et un désordre ? Physiologiquement, métaphysiquement, socialement, a-t-il le droit, de se produire et d’exister ?

276. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Vois ce col détourné, ce pied droit suspendu, Ce coude replié, ce bras gauche étendu ; La cruauté de l’Art fait plaindre la Nature De tenir si long-temps leurs corps à la torture…. […] S’il est de la même force que celui dont nous venons de parler, on ne peut trop répéter que ce Poëte a droit de se plaindre de l’oubli général où ses Ouvrages sont ensevelis.

277. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Son devoir lui est plus cher que mon bonheur ; ai-je le droit de lui reprocher sa résolution ? […] Bulwer a fait de son droit de poète ! […] Sans l’éblouissement, sans l’extase, comment comprendre ces étranges exclamations : Ô droit ! […] la Grand’Rose a-t-elle ce droit ? […] de quel droit voulez-vous savoir ma vie passée ?

278. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Mais aujourd’hui que le poète, célébré par la presse, reconnu et proclamé le « grand homme du siècle » dort au Panthéon, « la colossale tombe des génies », la critique reconquiert ses droits. […] Les brasseries à femmes du boulevard Saint-Michel débordaient sur le trottoir en échafaudage ; on achetait au poids de l’or le droit d’y cuire au soleil, en s’arrosant de bière frelatée. […] L’engagement pour tous prendrait la date même de leur embarquement et ne pourrait excéder 15 années, à l’expiration desquelles il cesserait de droit. […] Le peuple écoute ceux qui l’entretiennent des principes et des devoirs plus volontiers que ceux qui lui parlent de ses intérêts et de ses droits ». […] On pourra se faire une idée de la rapidité avec laquelle s’accroissait la fortune du maître quand on saura que celui-ci réalisa, en 1884, onze cent mille francs de droits d’auteur.

279. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

« Buffon, disait Linné vers la fin de sa vie, n’a point recalé les bornes de la science, mais il sut la faire aimer ; et c’est aussi la servir utilement. » Cet éloge ne dit point assez sans doute : voyons-y du moins une sorte de réparation accordée par le prince des botanistes, par le naturaliste qui l’était de naissance et de pur génie, à celui qui l’était devenu par volonté et qui régna, lui aussi, du droit du génie et de la puissance. […] Foisset, d’après la tradition locale et d’après les nombreuses lettres qui lui ont passé sous les yeux, croit avoir le droit d’être moins favorable à la sensibilité et au cœur de Buffon : Je sens bien que je ne saurais vous persuader, me faisait l’honneur de m’écrire M.  […] Cuvier, dont le jugement a fait loi pour les zoologistes contemporains, semble lui-même placer le mérite le plus réel de Buffon dans ses droits au titre d’auteur fondamental pour l’histoire des quadrupèdes. […] Je ne me pardonnerais point d’avoir parlé si longuement de Buffon sans en rien citer, et le lecteur aurait droit de m’en vouloir. […] L’homme peut donc non seulement faire servir à ses besoins, à son usage, tous les individus de l’univers, mais il peut encore, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces ; c’est même le plus beau droit qu’il ait sur la nature.

280. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] La margrave n’avait pas besoin de longs raisonnements pour croire au bon droit de son frère, pour se confier en ce qu’elle appelait sa grande âme, et que nous appellerons seulement son grand caractère. […] Dans cette extrémité, tandis que Frédéric raisonnait de sa situation en homme qui avait lu et médité le chapitre XIIe De la grandeur et de la décadence des Romains, et qu’il prétendait usurper le droit le plus ambitieux pour un mortel, celui de finir la pièce où il était acteur en ce monde à l’endroit où il le voulait, les choses subitement changèrent, et un souffle léger de la fortune vint rendre vaines ces altières réminiscences de Caton. […] Grâce à Dieu, je n’ai pas eu cent hommes de morts. » Mais il avait le droit d’ajouter : « À présent je descendrai en paix dans la tombe, depuis que la réputation et l’honneur de ma nation est sauvé. […] Contentons-nous de reconnaître et de saluer dans la margrave une des femmes originales du xviiie  siècle, un esprit piquant, une rare fierté d’âme, un caractère et un profil qui a sa place, marquée non seulement dans l’anecdote, mais dans l’histoire de son temps, et qui, à meilleur droit encore que le prince Henri et à un degré plus rapproché, se distinguera toujours au fond du tableau à côté du roi son frère.

281. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Sérieusement, il me semble que les différentes positions qui sont à prendre dans la presse périodique et qui peuvent tenter des publicistes dignes de ce nom, commencent à être toutes occupées, et à l’être comme il convient, par des écrivains de réputation et de talent, lesquels, s’ils ne disent pas tout ce qu’ils voudraient, le font du moins très-bien entendre ; et il s’en faut d’assez peu que ce qui est réclamé par la plupart comme un droit ne devienne insensiblement et par usage un fait. […] Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M.  […] On ne dira pas que je diminue ceux que je viens de définir ; j’en viens hardiment aux autres : ces autres ne sont ni absolutistes ni serviles, je repousse ce nom à mon tour de toute la fierté à laquelle toute sincère conviction a droit ; mais il en est qui pensent que l’humanité de tout temps a beaucoup du à l’esprit et au caractère de quelques-uns ; qu’il y a eu et qu’il y aura toujours ce qu’on appelait autrefois des héros, ce que, sous un nom ou sous un autre, il faut bien reconnaître comme des directeurs, des guides, des hommes supérieurs, lesquels, s’ils sont ou s’ils arrivent au gouvernement, font faire à leurs compatriotes, à leurs contemporains, quelques-uns de ces pas décisifs qui, sans eux, pouvaient tarder et s’ajourner presque indéfiniment. […] elle a atteint l’âge de majorité et de raison ; elle trouve désormais tous ses stimulants et ses motifs d’agir en elle-même ; les lumières circulent, chacun a droit de parler et d’être écouté ; la somme totale de tous les avis, la résultante de toutes les contradictions est, en fin de compte, la vérité même ! […] Toutes seules, et comme la critique, qui est leur droit et leur fort, elles excellent à avertir et à empêcher, encore plus qu’à entreprendre.

282. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

On n’a droit à, ses yeux de se dire chrétien qu’à bon escient. […] Mais ce même genre de raisonnement (remarquez-le), pour peu qu’on le presse, ne mène pas seulement au christianisme, il mène au catholicisme tout droit, au moins durant bon nombre de siècles. […] Aussi vous ai-je prévenu que mon savant vit seul ; il n’a pas d’enfants autour de lui qui l’interrogent et auxquels il faut faire une réponse à tout, une réponse quelconque, car ils en veulent une ; il n’a pas à parler non plus à ces hommes réunis qui sont plus ou moins comme des enfants ; il cause avec quelques amis, avec des chercheurs comme lui ; ils se communiquent leurs doutes, leurs espérances hardies, leurs ambitions droites et sobres, leurs joies austères : il n’y a jamais place pour le sourire. […] Guizot, d’autant plus qu’elle contient sur un point une réclamation à laquelle je fais droit en la publiant. […] J’admets comme un droit naturel et universel la liberté de la pensée ; mais, parce qu’elle est essentiellement libre, elle n’est pas indifféremment vraie, et ceux-là seuls qui pensent comme moi sont, pour moi, dans la vérité et appartiennent à la même société intellectuelle, c’est-à-dire à la même Église que moi.

283. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] Il aimait les belles-lettres : il fit son droit avec quelque succès, tout en y mêlant quelques essais de poésie. […] La véritable éducation, celle du monde et des affaires, commença alors pour ce droit et judicieux esprit : « C’était, nous dit-il, un bienfait inappréciable pour moi que cette vie intérieure (l’intimité du comte de Merle), toute différente de celle que j’avais menée auparavant. […] Il est permis, d’après son récit même, de conjecturer que cet esprit juste et modéré, ce caractère honnête et droit de Malouet, n’étaient pourtant pas toujours accompagnés d’une adresse pratique et d’une insinuation suffisantes ; que la modération même de ses vues et les raisons combinées qu’il y introduisait n’étaient propres à réussir qu’à demi auprès d’esprits entiers, prévenus en faveur d’idées absolues, ou intéressés à des systèmes contraires. […] Il était aveugle, assez droit, très ridé : la décrépitude n’était que sur sa figure et non point dans ses mouvements.

284. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Il y a dans sa conduite d’alors et dans sa tendance d’aujourd’hui cette véritable, cette seule ressemblance, à savoir qu’il ne s’est jamais borné et même qu’il n’a guère jamais aimé à envisager le christianisme, comme tant de grands saints l’ont fait, par le côté purement intérieur et individuel, par le point de vue du salut de l’âme et des âmes prises une à une, mais qui l’a embrassé toujours de préférence (et en exceptant, si l’on veut, son Commentaire sur l’Imitation et sa traduction de Louis de Blois) par le côté social, par son influence sur la masse et sur l’organisation de la société ; et c’est ainsi qu’il se portait avant tout pour la défense des grands papes et des institutions catholiques. « Jésus-Christ, disait-il en 1826, ne changea ni la religion, ni les droits, ni les devoirs ; mais, en développant la loi primitive, en l’accomplissant, il éleva la société religieuse à l’état public, il la constitua extérieurement par l’institution d’une merveilleuse police, etc. » Toutefois les moyens que M. de La Mennais proposait et exaltait jusqu’à la veille de juillet 1830 étaient, il faut le dire, séparés du temps actuel et de sa manière de penser présente par un abîme. […] Que si Rome intervenait et lui commandait de cesser, il me semble (autant qu’on a droit de raisonner sur les desseins providentiels) qu’il n’était pas si déraisonnable à un catholique resté croyant à la liberté et en même temps soumis au Saint-Siège, de juger ainsi : « Il a été bon que M. de La Mennais et ses amis, durant deux années, jetassent ces germes dans le monde : il peut être bon que pour le moment ces germes en restent là, et, puisque Rome le décide, agissant en ce point aveuglément si l’on veut, et par des ressorts intermédiaires humains, mais d’après une direction divine cachée, il faut bien qu’il y ait utilité dans ce retard. […] » Il faut convenir qu’il y a des hommes par le monde qui ont le droit d’être fiers de ce qu’on appelle intelligence humaine et raison. […] À défaut de la foi, et après un désabusement aussi avoué sur des points importants crus vrais durant de longues années et prêchés avec certitude, ce qu’on a droit d’exiger du nouveau croyant pour son rôle futur de charité et d’éloquence, c’est, ce me semble, un léger doute parfois dans l’attaque ou dans la promesse : en un mot quelque chose de ce qu’on appelle expérience humaine, tempérant et guidant la fougue du génie. « Il y a, — lui-même le confesse excellemment, — une certaine simplicité d’âme qui empêche de comprendre beaucoup de choses, et principalement celles dont se compose le monde réel. […] En tout cas, on a droit de réclamer là-dessus d’autre parole que celle-ci (page 179) : « Des sentiments nouveaux, de nouvelles pensées annoncent une ère nouvelle. » Ces derniers temps ont un peu trop usé le vague du symbole. 

285. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Les idées religieuses ne sont point contraires à la philosophie, puisqu’elles sont d’accord avec la raison ; le maintien des principes qui font la base de l’ordre social ne peut être contraire à la philosophie, puisque ces principes sont d’accord avec la raison ; mais les défenseurs des préjugés, c’est-à-dire, des droits injustes, des doctrines superstitieuses, des privilèges oppressifs, essaient de faire naître une opposition apparente entre la raison et la philosophie, afin de pouvoir soutenir qu’il existe des raisonnements qui interdisent le raisonnement, des vérités auxquelles il faut croire sans les approfondir, des principes qu’il faut admettre en se gardant de les analyser, enfin une sorte d’exercice de la pensée qui doit servir uniquement à convaincre de l’inutilité de la pensée. Je ne concevrai jamais, je l’avoue, par quel procédé de l’esprit l’on peut arriver à donner à la moitié de ses facultés le droit de proscrire l’autre : et si l’organisation morale pouvait se peindre aux yeux par des images sensibles, je croirais devoir représenter l’homme employant toutes ses forces sous la direction de ses regards et de son jugement, plutôt que se servant d’un de ses bras pour enchaîner l’autre. […] Dans la période où nous nous trouvons, nous n’avons pas encore conquis la connaissance des vérités politiques et morales ; mais presque tous les partis, même les plus opposés, reconnaissent le raisonnement pour base de leurs discussions, et l’utilité publique comme le seul droit et le seul but des institutions sociales. […] Cet enlacement du discours, qui enchaîne l’esprit le plus droit, et dont la raison la plus forte ne sait comment s’affranchir, est un des plus grands fléaux de la métaphysique imparfaite. […] La politique est soumise au calcul, parce que s’appliquant toujours aux hommes réunis en masse, elle est fondée sur une combinaison générale, et par conséquent abstraite ; mais la morale ayant pour but la conservation particulière des droits et du bonheur de chaque homme, est nécessaire pour forcer la politique à respecter, dans ses combinaisons générales, le bonheur des individus.

286. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Pour son malheur, il eut affaire au père le plus absolu, le plus pénétré des droits de son autorité paternelle, qui se soit jamais rencontré : dès les premières résistances de l’enfant, le marquis s’irrita et voulut le briser rudement. […] C’est l’idée qui lui a dicté son discours sur le droit de paix et de guerre, le dernier de ses grands triomphes oratoires. […] On peut en prendre une idée dans son Discours sur le droit de paix et de guerre, où il combattait Mirabeau et la prérogative royale : c’est un rappel aux principes, une déduction serrée, sans écarts et sans éclats ; aucune emphase, ni métaphores, ni comparaisons, ni allusions ambitieuses ; seulement parfois il allègue une autorité, telle que « l’autorité bien imposante de M. de Mably ». […] L’éloquence était un moyen de gouvernement, presque une nécessité pour ce parvenu qui, régnant par l’admiration et la confiance, devait entretenir la foi en son infaillible génie : il fallait que dans chacune de ses paroles il fit sentir la supériorité dont il tenait son droit. […] Dans la première campagne, aussi, entre les phalanges et les Tarquins je note des hommes pervers qui viennent tout droit de la prédication de Robespierre.

287. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

La conscience reprend ses droits ; c’est un des crimes historiques les plus fortement burinés par un écrivain contre un maître du monde. […] L’indignation rendit à un peuple en décadence l’énergie qui retrempe les nationalités, et la victoire du droit national qui fait triompher l’âme et le sol d’un peuple des embûches des diplomates et des armées des conquérants. […] Nous savons, comme lui, que, quand le gouvernement est tombé dans la rue chez un peuple, le premier droit et souvent le premier devoir d’un grand citoyen est d’en relever un, fût-ce dans sa personne ! […] S’il y a un droit divin dans la supériorité d’esprit et de caractère d’un homme de génie, Napoléon, dans cette histoire, apparaît, plus que partout ailleurs, marqué de ce signe du commandement. […] Cet égoïsme au fond qui semble tout remplir est un grand vide, car c’est le vide de tout droit et de toute vertu dans les choses humaines.

288. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Depuis que tout le monde s’en mêle, c’est une profession qui tend à disparaître : car à propos d’art, et d’art littéraire surtout, chacun se réserve le droit de juger en dernier ressort. […] Plusieurs, encore que l’erreur devienne un peu caduque, se croient en droit d’exiger du poète les déductions ou la morale induit le moraliste. […] et l’art écrit, peint ou noté, n’a qu’un devoir, qui est aussi un droit, c’est d’être beau. […] La tête de lumière qu’est un artiste n’a pas le droit des ténèbres. […] L’artiste n’a pas plus le droit de se refuser à la gloire que le chrétien n’a le droit de se damner.

289. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Elle attribue à l’homme des droits inviolables. Ces droits, pour rester inviolés, exigent de la part de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend donc pour matière un homme idéal, respectueux des autres comme de lui-même, s’insérant dans des obligations qu’il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu’on ne peut plus dire si c’est le devoir qui confère le droit ou le droit qui impose le devoir. […] Chacune des phrases de la Déclaration des droits de l’homme est un défi jeté à un abus. […] Ce qui n’est au départ qu’une déviation imperceptible devient un écart considérable à l’arrivée si l’on a marché tout droit et si la course a été longue.

290. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Comme tous les écrivains patriotes, il s’est attaqué aux puissants, à ceux qui abusaient de la force contre le droit, et il ne s’est souvenu des carlistes que quand de loin en loin ils relevaient la tôle. […] C’est ainsi qu’il avait fait respecter par d’autres adversaires l’indépendance de l’écrivain, en leur portant le défi d’exercer sur lui le prétendu droit d’arrestation préalable.

291. (1887) Discours et conférences « Préface »

On va aux guerres d’extermination, parce qu’on abandonne le principe salutaire de l’adhésion libre, parce qu’on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties, le droit de s’annexer des provinces malgré elles. […] Le droit des populations à décider de leur sort est la seule solution aux difficultés de l’heure présente que peuvent rêver les sages ; c’est dire qu’elle n’a aucune chance d’être adoptée.

292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

Dans ses Mémoires contre les prétentions du Parlement de Metz, il a défendu avec tant d’énergie & de solidité les droits & les priviléges de son pays, qu’il a porté le Gouvernement à les reconnoître & à les lui conserver. […] Ce dernier Ouvrage est écrit avec cette précieuse simplicité, qui n’exclut ni l’élévation des pensées, ni la noblesse des expressions, & il donne à l’Auteur le droit de figurer dans la classe très-peu nombreuse des Ecrivains qui sont demeurés invinciblement attachés aux vrais principes de la morale & du goût.

293. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

Dans notre étude sur la Littérature et la Critique littéraire au xixe  siècle nous avons rencontré le problème si difficile, et d’un intérêt si général, de la conciliation de l’autorité et de la liberté, de la tradition et du changement, des lois du goût et des droits du génie ; et tout en restant fidèle à notre admiration pour les principes éternels de l’art classique, nous avons défendu la liberté de l’invention en littérature ; car ces lois éternelles elles-mêmes ne sont que l’expression des grandes inventions du génie. […] Nous avons pensé que les droits de la méthode expérimentale sont absolus, et que nul ne peut interdire au savant de la pousser aussi loin qu’il lui est possible.

294. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

On a le droit de choisir ses modèles, et Malherbe, quant à lui, les préférait latins, et de la décadence. […] La philosophie n’y a pas beaucoup plus de titres ou de droits. […] À nos risques et périls, nous nous faisons chacun notre religion, pour en user comme il nous convient, et personne au monde n’a de droit contre les droits de la conscience individuelle. […] On parlait de droits du peuple, et de pacte ou de contrat social. […] De quel côté le bon droit était-il ?

295. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

N’est-on pas en droit de lui dire que son plus grand mérite en Poésie, est d’embellir tout ce qu’il touche ? […] Qu’ils apprennent cependant que Lafontaine a plus droit qu’aucun d’eux au titre de Philosophe, qu’ils usurpent. […] Comme les Dieux sont bons, ils veulent que les Rois Le soient aussi ; c’est l’indulgence Qui fait le plus beau de leurs droits, Non les douceurs de la vengeance, &c.

296. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Les pauvres — les autres — sont venus immédiatement prélever leurs droits. En vain leur a-t-on offert un traité à forfait ; nos rusés malingreux, en gens qui connaissent les affaires, présumant que celle-ci était excellente, ont préféré les droits proportionnels. […] Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.

297. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Le droit de parler au peuple assemblé, dans Rome libre, avait appartenu aux magistrats, et dans Rome esclave, aux empereurs ; ce droit faisait partie de la souveraineté ; c’était une espèce de magistrature d’autant plus puissante, qu’elle commandait aux volontés en dirigeant les opinions, et que toute opinion, dans un peuple assemblé, a une force terrible, parce que la force de chacun s’y multiplie par la force de tous. Ce droit, sous Constantin, passa aux ministres des autels ; alors les prêtres chrétiens montèrent publiquement dans les chaires, et les discours religieux succédèrent dans l’empire aux discours politiques.

298. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

La souveraineté du peuple, la liberté, l’égalité, le renversement de toute subordination, le droit à toute sorte d’autorité : quelles douces illusions ! […] Est-il besoin de remarquer que l’auteur oublie de pousser assez loin la citation et l’allusion, qu’il s’arrête avant 1688, avant Guillaume et la Déclaration des droits ? […] Dans la première, s’il ne marche pas avec, il marche droit du moins sur son temps ; il le contredit, il le croise, en le devançant, en l’expliquant. […] L’estime que vous voulez bien m’accorder est mise par moi au rang de ces possessions précieuses qu’heureusement personne n’a droit de confisquer. […] N’avons-nous pas vu, dis-je, les opprimés reprendre, comme par un pouvoir surnaturel, tous les droits que l’injustice avait usurpés sur eux ?

299. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Tel homme célèbre n’a jamais rencontré dans le cours de sa vie tel autre homme célèbre son rival ou son antagoniste, quoique habitans tous deux de la même ville ; il n’a ni le droit de réprimande, ni même le droit de remontrance ; chacun dans sa vie privée ne doit répondre que de ses œuvres, & quand son confrére a fait une faute, il doit dire en gémissant : il a failli. […] Ce seroit détruire la liberté des Membres de la Littérature, que de leur ôter le droit de prononcer sur ses chefs. […] Enfin le droit de dédaigner la Philosophie devroit coûter au moins le soin & la peine de l’étudier. […] Chacun n’a-t-il pas le droit de juger, & l’homme qui ne peut me faire goûter ses écrits parviendra-t-il à m’empêcher de lire ceux d’autrui ? […] D’ailleurs, toutes ces accusations d’erreur, d’opiniâtreté, de nouveauté, de singularité, sont, au fond, des récriminations vulgaires où l’on a le même droit de part & d’autre.

300. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils s’arrogent le droit de traiter les maladies vénériennes. […] Animée par les médecins, elle s’éleva contre leurs adversaires : elle réclama le droit exclusif d’enseigner. […] Il ajouta que, pour être médecin de Montpellier, on n’avoit pas le droit d’exercer la médecine à Paris. […] La police des églises & le droit des évêques ne le souffrent pas. […] La faculté se disoit trop honorée de se voir consultée par un souverain pontife qui avoit droit d’ordonner.

301. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

pour des raisons qui ne sont pas le mérite du livre ; mais il est douteux, pourtant, qu’avec le sens droit et les besoins logiques de ce pays, un ouvrage écrit avec le manque de suite de ces Cent dernières années pût même se soutenir. […] parmi les causes désolantes du succès des mauvais livres, l’esprit de parti a le droit d’être bien bête sans aucun danger, mais il est bête en répétant la même bêtise, en poussant son lecteur ou en le frappant à la même place, en se faisant une espèce de logique avec les passions ou les lieux communs de son parti.

302. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Soient deux points ; si le premier se meut vers le second et vers le second seulement, la ligne qu’il décrit est droite. — S’il se meut pendant une fraction appréciable de son mouvement vers le second point et ensuite pendant une autre fraction également appréciable vers un troisième, un quatrième, etc., la ligne qu’il décrit est brisée ou composée de droites distinctes. — Si à chaque instant de son mouvement il se meut vers un point différent, la ligne qu’il décrit est courbe. Voilà pour les différentes espèces de lignes. — À présent, si deux droites parties du même point vont chacune vers un point différent, elles s’écartent l’une de l’autre, et cet écartement plus ou moins grand s’appelle un angle. Si les deux angles que la seconde fait à gauche et à droite sont égaux, on les appelle droits, et on dit qu’elle est perpendiculaire à la première. […] En d’autres termes, y a-t-il des lignes droites, des angles droits, des carrés, des cercles, des plans, des polyèdres, des corps ronds qui soient parfaits ? […] Quand nous armons notre œil d’un microscope puissant, nous constatons des inflexions dans les lignes qui nous semblaient les plus droites, des rugosités dans les plans qui nous semblaient les plus unis, des irrégularités dans les formes qui nous semblaient les plus régulières.

303. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Il se pénètre des affaires de ses clients, expose les titres de propriété, les moyens de droit, les arguments contradictoires, les généalogies, les noms propres. […] « Un grand chasseur, dit Pilpay, revenant un jour de la chasse avec un daim qu’il avait pris, aperçut un sanglier qui venait droit à lui. […] Il n’accepte un arbitre que pour faire consacrer sa violence, et se réserve le droit de violer la loi qu’il a consentie, si elle n’est pas aussi inique que lui.          Tes raisons sont frivoles ; Je pourrais décider, car ce droit m’appartient. […] Quel droit vous a rendus maîtres de l’univers ?

304. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

On y voit en particulier une harengère qui fait office de docteur en droit et donne à ses compagnes des leçons de politique et de morale. […] La gaîté reprend ses droits avec le duc de Beaufort, le vrai chef des Frondeurs. […] Et ce n’est qu’une apologie de ce qui existe, un panégyrique sans réserves de la royauté de droit divin. […] C’est le droit de cité rendu dans la république des lettres à tous les mots populaires. […] Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nérac, la Provence ont droit dans l’histoire de la littérature française à une place qu’on néglige trop souvent de leur accorder.

305. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Et surtout il a donné droit de cité dans la langue poétique à une foule d’idées que l’on ne pouvait jusqu’alors traduire que par des périphrases, il a introduit de gré ou de force des mots légitimes et nécessaires, dont la proscription injuste obscurcissait le style et l’énervait. […] Le besoin partout crée le droit ; et quel besoin ! le besoin physique uniquement : C’est du conflit des corps que le droit est venu. […] Mais nous sommes soumis à la loi de l’attraction qui nous fixe sur un sol déterminé ; les autres hommes nous disputent cette place ; il faut que chacun mesure à chacun l’espace qu’il occupera : Toujours d’un droit qui naît une liberté meurt. […] L’homme ne peut lier l’homme qu’au nom de l’intérêt, et le droit social, ainsi considéré, n’est que la règle des besoins.

306. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Le nil admirari d’Horace ne va point jusqu’à Proudhon, qui s’arrête en présence de lui-même et vante l’équilibré du droit et du devoir, éclairé par les flambeaux de 1789 à 1794. […] en droit de dire : si Proudhon était de bonne foi dans son livre, c’était un sot, et nous le croyions un homme d’esprit. […] Il y a la Révolution française, et tous les publicistes du droit populaire et tous les systèmes et tous les gouvernements qui n’ont pas vécu et qu’elle a enfantés, cette mère Gigogne d’avortons ! […] Dieu l’avait fait droit comme un cèdre. […] Il a le droit de l’hyperbole.

307. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

J’avais voulu prévenir la guerre, je croyais que la France liée à l’Angleterre la rendait impossible ; j’avais voulu, de plus, obtenir pour la Révolution française du mois de juillet 1830 le droit de bourgeoisie en Europe, et tranquilliser le monde sur l’esprit de propagandisme que l’on supposait à notre gouvernement. […] Chateaubriand, une heure après, entendant le récit de cette scène, n’aurait-il pas eu le droit de dire : « C’est à dégoûter de l’honneur » ; et un misanthrope : « C’est à dégoûter de la vertu ?  […] Ces communications sont restées à l’état de notes et de dossier : ce sont des matériaux dont l’éditeur ne se croit pas le droit de faire usage, à l’aide d’une rédaction qui trouverait place dans un volume même des Nouveaux Lundis. […] Il pouvait se faire à lui-même illusion sur ces actes, en se disant qu’il ne se faisait pas payer la vente du bon droit, mais seulement des services laissés à sa discrétion. […] Je les taxais moi-même d’après mes appréciations générales et après avoir consulté le vieux Sainte-Foix, et je proposais mes estimations dans le Nassau, ou bien je décidais pour eux, et j’espère encore maintenant avoir droit à leur reconnaissance pour avoir, en ces conjonctures, agi avec autant de sagacité que d’économie.

308. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Le marquis d’Argenson, un fort honnête homme, l’appelle « un droit furieux ». […] Mais il est bon de se rappeler que dans ce long effort, qui tend à établir une équivalence parfaite, c’est-à-dire une égalité de droits n’excluant pas une diversité de fonctions entre les deux moitiés de l’humanité, il y a eu des moments d’arrêt, de progrès rapide et aussi d’effervescence désordonnée. […] Mme Argante sauve l’étourdie d’elle-même et des entreprises de son amant, et cela sans avoir usé une seule fois des droits que lui confère son titre de mère. […] De siècle en siècle, les valets et les servantes, tout comme les femmes, s’élèvent vers un état de mieux-être ; ils conquièrent peu à peu le droit d’avoir une existence personnelle ; ils arrivent à faire respecter en eux la dignité humaine. […] Il est le bras droit de celui qu’il habille : « Je suis son associé97, dit-il avec une modestie fière ; c’est lui qui ordonne, c’est moi qui exécute. » Encore sait-il bien, sans le dire, que les rôles sont souvent renversés.

309. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Élevé chez les Jésuites de qui il ne prit que le goût des lettres, initié à la jurisprudence auprès du célèbre conseiller janséniste l’abbé Pucelle de qui il ne prit que l’intégrité et la doctrine, il fut de bonne heure de son siècle par une certaine liberté d’esprit que ne connaissait point l’âge précédent, ou qui du moins n’y était point de droit commun. […] Ces critiques nous montrent un esprit ferme, judicieux, « souverainement droit », a dit M.  […] Le Parlement s’en mêlait, et, sur le bruit public, prétendait évoquer l’affaire, en s’arrogeant le droit de juger le livre, et en empiétant ainsi sur la juridiction du chancelier. […] Malgré tout, Fréron était dans son droit ; et, à ce sujet, M. de Malesherbes écrivait à d’Alembert une admirable lettre qu’on peut lire dans les Mémoires de l’abbé Morellet, et dans laquelle sont posés tous les vrais principes de la tolérance littéraire. […] En politique, il ne visait qu’à la réforme et la voulait autant que possible selon les principes de l’antique droit, de l’antique liberté à laquelle il croyait trop peut-être, de même qu’il se confiait trop aussi au bon sens moderne.

310. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il n’avait que vingt-sept ans, et, pendant deux années encore, jusqu’en 1792, nous le voyons prendre part au mouvement dans une certaine mesure, donner en quelques occasions des conseils par la presse, ne pas être persuadé à l’avance de leur inefficacité : en un mot, il est plus citoyen que philosophe, et il se définit lui-même à ce moment « un homme pour qui il ne sera point de bonheur, s’il ne voit point la France libre et sage ; qui soupire après l’instant où tous les hommes connaîtront toute l’étendue de leurs droits et de leurs devoirs ; qui gémit de voir la vérité soutenue comme une faction, les droits les plus légitimes défendus par des moyens injustes et violents, et qui voudrait enfin qu’on eût raison d’une manière raisonnable ». […] La ligne honorable d’André Chénier s’y dessine déjà tout entière : Lorsqu’une grande nation, dit-il en commençant, après avoir vieilli dans l’erreur et l’insouciance, lasse enfin de malheurs et d’oppression, se réveille de cette longue léthargie, et, par une insurrection juste et légitime, rentre dans tous ses droits et renverse l’ordre de choses qui les violait tous, elle ne peut en un instant se trouver établie et calme dans le nouvel état qui doit succéder à l’ancien. […] Et il s’attache à définir ce que c’est que l’esprit public dans un pays libre et véritablement digne de ce nom : N’est-ce pas une certaine raison générale, une certaine sagesse pratique et comme de routine, à peu près également départie entre tous les citoyens, et toujours d’accord et de niveau avec toutes les institutions publiques ; par laquelle chaque citoyen connaît bien ce qui lui appartient, et par conséquent ce qui appartient aux autres ; par laquelle chaque citoyen connaît bien ce qui est dû à la société entière et s’y prête de tout son pouvoir ; par laquelle chaque citoyen respecte sa propre personne dans autrui, et ses droits dans ceux d’autrui ? […] Se séparant, pour le mieux flétrir, du faux bon ton qui n’avait jamais été le sien, et revendiquant le vrai bon ton éternel et naturel, celui qui est tel pour toute âme bien née, et qu’aucune révolution n’est en droit d’abolir : Tout homme qui a une âme bonne et franche, s’écriait-il, n’a-t-il pas en soi une justesse de sentiment et de pensées, une dignité d’expressions, une gaieté facile et décente, un respect pour les vraies bienséances, qui est en effet le bon ton, puisque l’honnêteté n’en aura jamais d’autre ? […] Et, sans m’arrêter à demander de quel droit des particuliers qui donnent une fête à leurs amis s’avisent de voiler les monuments publics, je dirai que si, en effet, cette misérable orgie a lieu, ce ne sont point les images des despotes qui doivent être couvertes d’un crêpe funèbre, c’est le visage de tous les hommes de bien, de tous les Français soumis aux lois, insultés par les succès de soldats qui s’arment contre les décrets et pillent leur caisse militaire.

311. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Dans les premiers moments où ce livre parut, je me suis abstenu d’en parler, estimant qu’un tel sujet revenait de droit à notre vaillant et hardi collaborateurq, M.  […] Dans une autre circonstance, comme la municipalité de Blérancourt faisait brûler en grande pompe, sur la place publique, la protestation que quelques membres de la minorité de l’Assemblée constituante s’étaient permise contre le décret favorable aux droits des non-catholiques : « M. de Saint-Just, dit le procès-verbal, a prêté le serment civique, et il a promis de mourir par le même feu qui a dévoré la protestation, plutôt que de refuser sa soumission entière à la Nation, à la Loi et au Roi. » On a prétendu même qu’il étendit la main sur le brasier, comme Scévola. […] Rousseau, je ne te pardonne pas, ô grand homme, d’avoir justifié le droit de mort ; si le peuple ne peut communiquer le droit de souveraineté, comment communiquera-t-il les droits sur sa vie ? […] Et il revient avec un appareil logique à la doctrine qu’il ne faut juger Louis XVI que selon le droit des gens, c’est-à-dire comme on repousse la force par la force, comme on jugeait un étranger, un ennemi, un barbare un vaincu prisonnier de guerre, dans le temps où l’on égorgeait les prisonniers et les vaincus.

312. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

En août 1830, il y avait tant de générosité et de pitié dans l’air, un tel esprit de douceur et de civilisation flottait dans les masses, on se sentait le cœur si bien épanoui par l’approche d’un bel avenir, qu’il nous sembla que la peine de mort était abolie de droit, d’emblée, d’un consentement tacite et unanime, comme le reste des choses mauvaises qui nous avaient gênés. […] D’autres avant vous ont ordonné des exécutions capitales, mais ils s’estimaient dans le droit, dans le juste, dans le bien. […] Mais pesez donc un peu à la balance de quelque crime que ce soit ce droit exorbitant que la société s’arroge d’ôter ce qu’elle n’a pas donné, cette peine, la plus irréparable des peines irréparables ! […] Et dans ce cas, il n’a reçu ni éducation, ni instruction, ni soins pour son esprit, ni soins pour son cœur ; et alors de quel droit tuez-vous ce misérable orphelin ? […] De quel droit lancez-vous dans quelque chose dont vous doutez vous-mêmes les âmes obscures de vos condamnés, ces âmes telles que Voltaire et M. 

313. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Voltaire, qui en avait pris connaissance dès l’année 1739, l’appelait un « ouvrage d’Aristide », et Rousseau, qui s’en autorisa plus tard dans son Contrat social, a dit : « Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelquefois ce manuscrit, quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre et respectable qui avait conservé jusque dans le ministère le cœur d’un vrai citoyen, et des vues droites et saines sur le gouvernement de son pays. » M. d’Argenson n’était pas encore ministre lorsqu’il composa cet ouvrage, et il était sorti du ministère lorsqu’il le revit pour y mettre la dernière main. […] Celui-ci opposait qu’il n’était point harangueur, qu’il n’avait jamais prononcé d’arrêt en public, et d’autres raisons encore ; puis il ajoutait pour lui : « Sans doute que nos deux premiers ministres (car c’est de la sorte qu’il qualifiait alors M. de Chauvelin conjointement avec le cardinal de Fleury) ne m’ayant encore connu principalement que touchant les démêlés parlementaires dont je raisonne avec application, le temps présent ne nous offrant meilleur champ, ils s’imaginent que c’est là le fort de ma capacité, et se trompent. » D’Argenson n’eut même d’abord la perspective de quelques fonctions diplomatiques et de quelque ambassade (bien avant celle de Portugal où il n’alla jamais) que dans cette vue éloignée de la première présidence du Parlement : « Si l’on vous employait en quelques négociations étrangères, et de peu d’années, lui disait M. de Chauvelin, au sortir de cela vous seriez bien enhardi. » Depuis la clôture de l’Entre-sol, d’Argenson avait toujours l’idée de renouer et de continuer ailleurs avec quelques amis, parlementaires pour la plupart, des conférences sur le droit public, sur les matières politiques : c’était son goût dominant. […] Il avait ce qu’on appelle l’esprit travailleur ; j’ai des preuves de ses travaux, des remarques sur des lectures, dissertations dans le grand et politiques, extraits historiques, études du droit public et particulier ; j’ai des volumes de pareils travaux. […] En voilà assez pour animer bien fort contre leur chef des âmes basses et mercenaires, prétextant les règles, c’est-à-dire les formes, et vantant les droits de leurs charges. […] Quand on dit C’est une jeunesse qui se divertit, c’est comme si on disait : Cela se divertit parce que cela est jeune. » — On a depuis fait droit jusqu’à un certain point à cette réclamation ;  Paul-Louis Courier a remis en honneur ces vieilles locutions populaires, et Mme Sand, dans ses jolis romans rustiques, dit couramment une jeunesse, il est vrai que dans le beau style, on s’en prive toujours.

314. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le poète critique attribue même un peu trop à Homère quand, se souvenant à son sujet d’un mot d’Horace pour le réfuter, il dit que là où nous voyons une faute et une négligence, il n’y a peut-être qu’une ruse et un stratagème de l’art : « Ce n’est point Homère qui s’endort, comme on le croit, c’est nous qui rêvons. » Le beau rôle du vrai critique, Pope l’a défini et retracé en divers endroits pleins de noblesse et de feu, et que je rougis de n’offrir ici que dépolis et dévernis en quelque sorte, dépouillés de leur nette et juste élégance : « Un juge parfait lira chaque œuvre de talent avec le même esprit dans lequel l’auteur l’a composée : il embrassera le tout et ne cherchera pas à trouver de légères fautes là où la nature s’émeut, où le cœur est ravi et transporté : il ne perdra point, pour la sotte jouissance de dénigrer, le généreux plaisir d’être charmé par l’esprit. » Et ce beau portrait, l’idéal du genre, et que chaque critique de profession devrait avoir encadré dans son cabinet : « Mais où est-il Celui qui peut donner un conseil, toujours heureux d’instruire et jamais enorgueilli de son savoir ; que n’influencent ni la faveur ni la rancune ; qui ne se laisse point sottement prévenir, et ne va point tout droit en aveugle ; savant à la fois et bien élevé, et quoique bien, élevé, sincère ; modeste jusque dans sa hardiesse, et humainement sévère ; qui est capable de montrer librement à un ami ses fautes, et de louer avec plaisir le mérite d’un ennemi ; doué d’un goût exact et large à la fois, de la double connaissance des livres et des hommes ; d’un généreux commerce ; une âme exempte d’orgueil, et qui se plaît à louer, avec la raison de son côté ?  […] Le cardinal de Richelieu, pour réconforter le Père Joseph moribond, ce capucin comme il y en a peu, qui était son bras droit et un politique patriote, imagine de lui crier à l’oreille : « Père Joseph, Brisach est pris !  […] Son troisième volume en appelle et en fait désirer un quatrième et dernier26 ; la littérature anglaise moderne, celle du xixe  siècle, n’y tient pas en effet toute la place qu’elle a droit d’exiger. […] Taine ne le met point comme romancier, au rang auquel il a droit. […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?

315. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Ceci dit, et pour avoir le droit d’admirer tranquillement tout à l’heure, je commencerai par un paquet d’objections. […] Et de quel droit, à quel titre définirait-elle « le goût » ? […] Daudet (et c’est singulier d’avoir à dire une chose si simple) le droit d’éprouver ces sentiments ; je le lui reconnais avec entrain, et je suis enchanté qu’il les ait éprouvés, puisqu’il en a fait ce livre, et qu’il a su répondre si crânement, à travers deux siècles et demi, aux Sentiments de l’Académie sur le Cid par les Sentiments de Tartarin sur l’Académie. […] Ainsi tout s’arrange, dès qu’on reconnaît au Romanichel qui vit toujours secrètement dans la peau de l’ancien Petit Chose le droit d’être un Romanichel. […] et, bien avant l’heure, un monde énorme affluait autour de Saint-Germain-des-Prés, la circulation interdite (ablatif absolu), les seules voitures d’invités ayant droit d’arriver sur la place agrandie (c’est une sensation que vous avez certainement éprouvée : une place vide, mais entourée d’une foule, paraît beaucoup plus grande ; la sensation est ici notée par un seul mot), bordée d’un sévère cordon de sergents de ville espacés en tirailleurs (cela encore fait image). » Ne raillez point mes commentaires ; ne dites pas que chacune de ces « visions » est assez commune et que vous en auriez été capable.

316. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

N’étant lié envers sa haute renommée par d’autre sentiment que celui d’un respect et d’une admiration qu’un libre examen a droit de mesurer, j’ai étudié en lui l’homme et l’écrivain avec détail, avec lenteur, et il en est résulté tout un livre que j’aurais déjà mis en état de paraître, si je ne causais ici beaucoup trop souvent. […] On se demande, en lisant ces passages, de quel droit un homme vivant hier, et qui n’aurait pas ainsi parlé en face, s’est cru le droit de décocher ces traits sanglants aujourd’hui, uniquement parce qu’il s’est abrité derrière la tombe ? […] C’est de cette façon singulière qu’il rendait hommage à ses parents et devanciers ; mais, pour avoir le droit de se plaindre de lord Byron, il l’a oublié parfaitement. […] On serait tenté un moment de le croire, et même M. de Chateaubriand va, selon moi, trop loin quand il dit : « Nous étions bien stupides sans doute, mais du moins nous avions notre rapière au vent… » Cependant je tourne la page, et je vois qu’il semble prendre fait et cause pour l’émigration : « On crie maintenant contre les émigrés, dit-il ; à l’époque dont je parle, on s’en tenait aux vieux exemples, et l’honneur comptait autant que la patrie. » Encore un coup, avons-nous affaire à l’émigré convaincu et resté croyant à son droit, ou à l’émigré qui s’appelle lui-même stupide, et qui a l’air de se moquer de tout ce qu’il a enduré alors pour la plus grande gloire de la monarchie ?

317. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Quand je dis que c’est un plaisir, je vais bien pourtant un peu loin : c’en serait un certainement dans toute autre circonstance, mais dans celle-ci, nous pouvons en faire l’aveu, la satisfaction de démontrer clairement son bon droit se trouve très-mélangée par l’affliction que tout esprit vraiment littéraire éprouve à voir de telles scènes dégradantes et les noms connus du public qui y figurent. […] Ce qu’à toute heure du jour un recueil, même purement littéraire, qui veut se maintenir dans de droites lignes, se voit contraint à repousser de pamphlétaires, de libellistes, de condottieri enfin, qui veulent s’imposer, et qui, refusés deux et trois fois, deviennent implacables, ce nombre-là ne saurait s’imaginer. […] Or c’est aussi ce que pardonne le moins la poésie, surtout quand elle se croit des droits de voisinage et de haut ressort. […] Mais la littérature elle-même, en s’ouvrant devant eux pour les accueillir, car elle est large et en effet hospitalière, a droit de leur rappeler pourtant que le vrai ne lui est pas si indifférent qu’ils ont l’air de le croire, et que chez elle aussi on ne fonde rien de solide qu’en tenant du fond du cœur à quelque chose.

318. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Je n’aime pas que le Sénat, en eût-il le droit constitutionnellement, affecte de pouvoir s’opposer à la promulgation d’une loi sans même en donner ses motifs. Pourquoi insister sur le droit de résistance à ce degré, droit que, selon toute probabilité, on n’aura jamais lieu d’exercer à la rigueur ? […] Ce que je dis là est si peu une fiction qu’un de mes amis, homme politique et savant, avec qui je cause de la situation sans lui faire part d’ailleurs de ce que je viens d’écrire, me dit tout naturellement (et cet ami n’est pas un littérateur proprement dit, c’est un savant dans l’ordre du droit et plutôt occupé des sciences morales et politiques, M. 

319. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Il ne s’agit pas seulement de reconnaître ce qui a été vraiment pensé, senti, exprimé par Montaigne et Pascal, par Racine et Victor Hugo ; mais dans ce qui va au-delà de ce qu’on peut raisonnablement appeler leur sens, au-delà des plus fines suggestions qu’on a droit de rapporter encore à leur volonté plus ou moins consciente, dans ce qui n’est plus vraiment que moi, lecteur, réagissant à une lecture comme je réagis à la vie, il ne faut tout de même pas confondre ce qui est le prolongement, l’effet direct, normal, et comme attendu de la vertu du livre, avec ce qui ne saurait s’y rattacher par aucun rapport et ne sert à en comprendre, à en éclairer aucun caractère. […] Aucune de ces interprétations n’a droit d’exclure les autres. […] Il faut partir du sens de l’auteur ; par ce qu’il a voulu dire se détermine la limite de ce qu’on a le droit de lui faire dire. […] Nous sommes un public pour ces écrivains immortels au même titre que les gens de 1580 ou de 1670 ; et nous avons le même droit d’essayer sur nos consciences, nos sensibilités et nos intelligences, la vertu de leurs œuvres, de les obliger à révéler par les réactions de nos esprits des propriétés nouvelles, que les générations des siècles disparus n’ont pas ou n’ont qu’à peine soupçonnées4.

320. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

La vraie liberté consiste à ne dépendre que de ses devoirs, à jouir des droits d’homme & de citoyen, & à rejetter avec courage les Loix capricieuses de ces esprits minutieux & despotiques, qui feroient à un citoyen l’outrage de penser que les Loix de l’honneur ne suffisent pas(a). […] Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] Par ce mot, liberté, on ne veut exprimer que le droit légitime de conduire sa vie privée selon ses goûts, en n’offensant ni les Loix politiques, ni celles de l’Etat.

321. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Il ne lui manque que la puissance ; il a le droit d’aimer, de hair ; il a vû tout ce qui blessoit cet ordre, la maladie des Empires, la contradiction des Loix, la Force égorgeant l’Equité ; il a frémi à la fois d’un mouvement de tendresse & d’indignation ; il a voulu terminer les débats antiques de l’horrible oppresseur, & du foible opprimé ; & si dans l’excès de son zèle, il s’est égaré dans ses vûes sublimes, du moins les succès du crime ne lui en ont point imposé, & n’ont point fatigué sa constante vertu. […] Ma voix est foible, mais du moins elle sera l’interpréte de l’honnêteté ; & je dirai : ô vous qui courez la carriere de l’immortalité, oubliez-vous qu’ayant l’honneur de parler aux hommes, ils ont droit d’attendre de vous une vertu mâle, severe, courageuse, qui sçache prononcer contre vous-même lorsque l’intérêt général le demandera. […] Que ces têtes étroites, ces ames mal nées indifférentes sur l’intérêt général, concentrées dans leurs petits intérêts ne voyent que ce qui les blesse, vous hommes de Lettres & dignes de ce nom, vous ne profanerez point une plume qui ne doit être consacrée qu’au bien public, en la faisant servir à l’orgueil d’immoler un rival ; c’est à vous de donner l’exemple de ce généreux désintéressement, de cette impartialité qu’on est en droit d’attendre de vous, & que vous exigeriez pour vous même.. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.

322. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Beaucoup regardent l’art comme un divertissement et un passe-temps et admettent que de même que chacun a le droit de prendre son plaisir où il le trouve, chaque artiste a le droit d’amuser et d’intéresser son public à sa façon. — Le blâme moral et social, le désir de réglementation, de répression et de limitation de la liberté de l’art ne s’expriment chez nous avec une certaine âpreté que chez des spécialistes ou des professionnels de la morale : sociologues, éducateurs, professeurs, pasteurs. […] Au moment où Leconte de Lisle chante le néant, il ne le sent plus en tant que néant ; il jouit des formes que son imagination évoque et dont elle revêt l’idée du néant. — L’impressionnisme est la formule esthétique de l’instantanéisme psychologique théorétisé par Stirner et cet aspect de notre nature a droit comme les autres à sa traduction esthétique. […] Brunetière déprécie sous le nom de littérature personnelle ; l’art subjectif, symboliste ou décadent, toutes ces formes d’art ont leur intérêt, leur beauté et leur droit à l’existence.

323. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Un journal sommait, il y a quelques mois, l’Assemblée nationale de proclamer le droit au repos ; ingénieuse métaphore dont le sens n’échappait à personne. […] La même révolution n’a-t-elle pas produit parallèlement, d’une part, la vraie formule des droits de l’homme et le symbole nouveau de liberté, d’égalité, de fraternité ; d’autre part, des massacres et l’échafaud en permanence ? […] La civilisation, par l’extrême délimitation des droits qu’elle introduit dans la société et par les entraves qu’elle impose à la liberté individuelle, devient à la longue une chaîne fort pénible et ôte beaucoup à l’homme du sentiment vif de son indépendance. […] des gens qui, pour gagner quelques sous de plus, sacrifieraient l’humanité et la patrie, auraient le droit de dire à l’esprit : « Tu n’iras pas plus loin ; n’enseigne pas ceci ; car cela pourrait remuer les esprits et faire tort à notre commerce ! 

324. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La famille de David était, a ce qu’il semble, éteinte depuis longtemps 677 ; les Asmonéens, d’origine sacerdotale, ne pouvaient chercher à s’attribuer une telle descendance ; ni Hérode, ni les Romains ne songent un moment qu’il existe autour d’eux un représentant quelconque des droits de l’antique dynastie. […] Il a le droit de changer même le sabbat 706. […] Le Père lui a exclusivement transmis le droit de juger 708. […] Quand nous aurons fait avec nos scrupules ce qu’ils firent avec leurs mensonges, nous aurons le droit d’être pour eux sévères.

325. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Il est évident que l’esprit moderne, quand on n’en conteste pas les conditions légitimes, n’a aucun droit de se refuser à l’examen qu’on lui demande. Tant qu’il peut croire que c’est sa ruine que l’on exige, il peut se refuser à tout entendre, comme un peuple ne peut pas consentir à traiter avec qui ne commence point par reconnaître son indépendance ; mais dès que l’on accepte de part et d’autre les droits de la discussion et de la pensée, le débat est possible, il est légitime, il est nécessaire. […] Le spiritualisme, admettant la personnalité divine, n’a pas le même droit. […] Guizot, qui n’a pas craint de défendre en beaucoup de circonstances la cause de l’Église catholique, se croit aussi le droit de signaler dans la conduite de cette Église ce qu’il appelle « un certain manque de clairvoyance religieuse autant que de prudence politique », et il reconnaît que, « tant que le gouvernement de l’Église n’aura pas accepté et accompli cette œuvre de conciliation, les amis de la liberté auront sujet et raison de se tenir envers ce gouvernement dans une réserve vigilante, au nom des principes moraux et libéraux qu’il désavoue. » Cette défiance toutefois n’est autorisée qu’envers une seule Église.

326. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

C’est trois siècles avant l’époque adoptée par les chronologistes ; mais ont-ils le droit de s’en étonner, eux qui varient de quatre cent soixante ans sur le temps où vécut Homère, l’auteur le plus voisin de ces événements. […] Par cette loi, les nobles perdirent leurs droits sur la personne des Plébéiens dont ils étaient créanciers. […] Nous ne craindrons point d’aller contre les droits de personne, lorsqu’en traitant ces matières nous ne nous conformerons pas, ou que même nous serons contraires, aux opinions que l’on s’est faites jusqu’ici sur les origines de la civilisation, et que par là nous les ramènerons à des principes scientifiques. […] Lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, ce fut encore sur des coutumes que se fonda le droit chez toutes les nations européennes.

327. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Voici la profession de foi politique du siècle, suivant M. de Carné, et nous la ratifierions en tout point, sous la réserve de l’expliquer et de la préciser : 1° Tout pouvoir tire sa légitimité de sa conformité à la loi morale et à l’utilité du plus grand nombre : son droit est subordonné à cette utilité reconnue par les corps politiques auxquels le pays a confié mission de la constater ; 2° aucune classification permanente de la société n’est désormais possible, et une aristocratie mobile et personnelle tend à remplacer l’aristocratie héréditaire légale ; 3° les idées tendent, selon les progrès graduels des mœurs, à faire prévaloir le principe électif pour les fonctions publiques ; 4° la publicité est désormais la condition essentielle du pouvoir, en même temps qu’elle deviendra son principal appui. […] La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné. […] Franz de Champagny, l’historien des Césars ; un homme excellent et droit, M.

328. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Les grands esprits, qui prennent les choses de haut, n’ont qu’à se lancer, portés au but par le droit jet de l’inspiration. […] Il abondera dans son sens, et, suivant le fil de son idée, il s’éloignera insensiblement du droit chemin, et se retrouvera soudain fort loin du but. […] Cette unité de dessein fait qu’on voit d’un seul coup d’œil l’ouvrage entier, comme on voit de la place publique d’une ville toutes les rues et toutes les portes, quand toutes les rues sont droites, égales et en symétrie.

329. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Nous avons désormais le droit d’affirmer l’efficacité des formes sociales. […] Nous avons donc le droit de conclure que si l’égalitarisme, une fois accepté, est capable d’agir ou de réagir sur certaines de nos formes sociales, il n’a nullement la puissance de les susciter toutes, et que par suite, là où l’histoire nous montre entre elles et lui des rapports constants, il est, bien plutôt que leur cause unique, une de leurs conséquences. […] Si la force ne prime pas le droit, les raisons de la valeur d’une tendance demeurent distinctes des conditions de son succès.

330. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Introduction »

Puisque, dirons-nous donc, la technique de toute une école littéraire s’est réclamée des « libertés et des franchises » de la science, et en particulier des droits du médecin, il n’est pas déplacé à la science médicale d’apprécier la mesure dans laquelle cette école a tenu ses promesses, compris ses devoirs professionnels, conduit ses investigations cliniques, justifié, enfin, les droits arrogés.

331. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

Dupont avoit traité, dans son Journal, avec indécence, un Ecrivain en droit de dire, comme Horace : At ille Qui me commorit (meliùs non tangere, clamo) Flebit ; & insignis totâ cantabitur urbe. […] Après avoir donné plusieurs Ouvrages utiles sur des matieres de Jurisprudence & d’Administration, il a publié des Mémoires historiques, qui lui assurent le droit de figurer parmi les Littérateurs estimables de ce siecle.

332. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Mais Mancel est un esprit droit, élevé et solide, qui a horreur de la chimère et qui sait apprécier comme nous un règne dont le caractère semble précisément d’unir la liberté civile à l’autorité politique. […] L’auteur du Pouvoir et de la Liberté, qui appartient, par les tendances générales de sa philosophie autant que par ses convictions religieuses, à la grande école des de Maistre et des Bonald, ne croit pas à la souveraineté du peuple, et la plus grande partie de son livre est consacrée à la combattre ; mais l’originalité de son principe consiste précisément en ceci qu’il n’est faussé par l’application d’aucune théorie et qu’il embrasse et domine les plus opposées, aussi bien la théorie de la souveraineté du nombre que la théorie mystique du droit divin.

333. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il n’y a pas de droit contre le droit. […] Cela ne devrait-il pas s’appeler de droit Plutus ? […] Cependant le temps réclamait ses droits. […] L’initiative individuelle chez nous compte ses droits, comme l’homme compte ses années, en les perdant. […] Il était en droit de se moquer de nous : il ne l’a pas fait, et il a réclamé son bien fort modestement.

334. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Mais, si la pièce de vers mène droit au journal, en revanche le journal mène droit aux prix d’académie. […] En effet, celui-là seul a le droit du repos définitif qui n’a plus rien dans la tête et plus rien dans le cœur. […] Qui suis-je en fin de compte, et de quel droit irais-je dire au lecteur le nom de ma nourrice et celui de mon maître d’école ? […] Cet aîné eut le grand malheur de venir au monde au moment où tous les droits anciens, y compris le droit d’aînesse, allaient être absorbés par le droit nouveau. […] Michaud me laissa partir, disant que j’étais dans mon droit et qu’il était impossible de quitter son journal dans un moment plus opportun.

335. (1864) Le roman contemporain

Une romancière a tous les droits, excepté celui d’empoisonner les âmes. […] De quel droit, d’ailleurs, M.  […] Qu’est-ce que l’intérêt de la société et que sont les droits de la morale auprès des droits de l’art, de l’art si respectable dont procèdent Mademoiselle de Maupin et Fanny ? […] De quel droit fait-il entrer cette enfant dans sa folle gageure ? […] La société est obligée eu conscience de reconnaître à chacun le droit au travail, d’assurer à chacun l’exercice de ce droit, en même temps qu’un minimum de salaire.

336. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

La première exprime une relation possible entre trois lignes droites, la seconde donne le nom de cette relation. […] Nous ne pouvons imaginer un espace enclos par deux lignes droites ; sitôt que nous imaginons l’espace comme enclos, les deux lignes cessent d’être droites ; sitôt que nous imaginons les deux lignes comme droites, l’espace cesse d’être enclos. […] Cette présence imaginaire tient lieu d’une présence réelle ; vous affirmez par l’une ce que vous affirmeriez par l’autre, et du même droit. […] Sans doute on peut savoir ainsi que deux droites ne sauraient enclore un espace, mais on peut le savoir encore d’une autre façon. […] Étant donnée la définition de la ligne droite, l’axiome que deux droites ne peuvent enclore un espace s’y trouve compris ; il en dérive comme une conséquence de son principe.

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