Nous ne savons même pas distinguer avec une exactitude simplement approchée à quel moment naît une société et à quel moment elle meurt. […] Il en est encore ainsi en sociologie pour les sociétés qui appartiennent aux espèces inférieures. […] Imaginez une société de saints, un cloître exemplaire et parfait. […] Garofalo, la criminalité spéciale aux sociétés inférieures n’a rien de naturel. […] Les sociétés segmentaires, et notamment les sociétés segmentaires à base territoriale, sont celles dont les articulations essentielles correspondent aux divisions territoriales.
. — Sociétés d’élite qui prennent la place de l’hôtel de Rambouillet. […] En 1650, la société de tous les rangs, de toutes les opinions, s’était formée en cercles et en coteries. […] Là, les Arnauld, les Nicole, les de Sacy s’assemblaient chez elle et formèrent toute sa société. […] Le savant Huet, évêque d’Avranches, fut aussi de sa société habituelle ; mais l’ami le plus ancien et le plus intime fut le duc de La Rochefoucauld. […] Nous avons vu madame Cornuel dans la société du maréchal d’Albret, qui en fut amoureux.
. — Composition de la société de Rambouillet. — Montausier : son caractère. […] Dans la période que nous parcourons de 1630 à 1640, l’accroissement de la société de Rambouillet prouva l’éloignement que la terreur avait inspiré pour la cour. On vit en 1635, entre les femmes qui se jetèrent dans cette société, mademoiselle de Bourbon-Condé, sœur du grand Condé et du prince de Conti, la même qui fut depuis l’héroïne de la Fronde sous le nom de duchesse de Longueville. […] Que dans cette société de Rambouillet il se soit trouvé un certain abbé Cottin, il n’y a rien d’étonnant. […] Remarquez aussi que si l’abbé Cottin était de cette société, Boisrobert, l’âme damnée du cardinal, le plus mauvais sujet de Paris, n’en était pas.
Ils ne font ni lois ni constitutions pour les peuples, ils font des poèmes ; leurs plans de sociétés sont l’opium des imaginations malades des peuples ; l’accès de délire qu’ils donnent aux hommes finit par des fureurs, et les fureurs finissent par l’anéantissement des sociétés. […] Rousseau fut le grand et fatal utopiste des sociétés. […] Il craignait, disait-il, que la société n’armât un jour contre lui le bras parricide de ses enfants ! […] Cette ivresse de la nature est sincère, éloquente, communicative sous sa plume ; il se sent délivré de la société des hommes. […] L’athéisme, délire froid des sociétés expirantes, ne pouvait sortir des montagnes, des lacs et des glaciers d’un peuple pastoral comme la Suisse.
. — Première société qui s’y rassemble. […] C’est au milieu de cette cour de Henri IV dont nous venons de parler, que se forma la société de l’hôtel de Rambouillet. […] Tout cela est nécessaire chez un peuple où les mœurs ont admis les femmes dans la société en parfaite parité avec les hommes. […] Malherbe et Racan furent de la société la plus intime de la marquise, Racan devint passionnément amoureux d’elle. […] Peu de gens ignorent le mérite des écrivains qui formèrent la société de Rambouillet dans la première période de son existence.
La vie des sociétés humaines, à son tour, ressemble tout à fait à celle des individus. Les sociétés humaines naissent et meurent ; mais leur berceau et leur tombeau sont des objets sacrés, également secrets et inconnus. […] Rien, dans les sociétés, n’a un commencement certain, et rien n’a une fin précise et positive. […] Ainsi les premiers pas de l’intelligence humaine, ainsi l’organisation des premières sociétés, méritent toute notre attention. […] Cependant les idées qui doivent diriger la société générale n’étaient point restées tout à fait stationnaires.
Les sociétés de pensée s’opposent aux sociétés naturelles et aux sociétés d’intérêt, en ce que les hommes s’y réunissent pour discuter, critiquer, remuer des idées, agir par les idées. La franc-maçonnerie est le type des sociétés de pensée. […] À ces sociétés filles autant qu’à la société mère est dû le triomphe de la Révolution. […] Pratiquement, par sociétés de pensée, il faut entendre sociétés de libre pensée. […] Ils n’entrent dans cette société que par leurs affirmations.
L’organisation de la famille, du contrat, de la répression, de l’État, de la société apparaissent ainsi comme un simple développement des idées que nous avons sur la société, l’État, la justice, etc. […] Ce qui est ainsi défini, ce n’est pas la société, mais l’idée que s’en fait M. […] La monogamie obligatoire, au contraire, ne s’observe que dans les sociétés les plus élevées. […] De même, les actes taxés crimes par les sociétés primitives, et qui ont perdu cette qualification, sont réellement criminels par rapport à ces sociétés, tout comme ceux que nous continuons à réprimer aujourd’hui. […] « La coopération ne saurait donc exister sans société, et c’est le but pour lequel une société existe. » (Principes de Sociol.
La société ne repose plus sur les mêmes bases, et les peuples ont besoin d’institutions qui soient en rapport avec leurs destinées futures. […] Les costumes et les règles de ces ordres rappelaient les différents âges de la religion, et, par conséquent, de la société. […] Y aurait-il donc, dans les sociétés qui changent de forme, une sorte d’agonie sanglante, ou bien une sorte d’enfantement douloureux ? […] faudrait-il enfin qu’un roi, lorsqu’il vient à ne plus représenter qu’une société expirante, dût mourir avec elle, et, comme elle mourir d’une mort violente et injuste ? […] La société, avons-nous dit, est nouvelle, dans la plus rigoureuse acception du mot.
Mais il n’y a jamais eu de société sans religion. […] Les sociétés humaines diffèrent sans doute des sociétés d’insectes en ce qu’elles laissent indéterminées les démarches de l’individu, comme d’ailleurs celles de la collectivité. […] Mais, pour que la société progresse, encore faut-il qu’elle subsiste. […] A vrai dire, individu et société s’impliquent réciproquement : les individus constituent la société par leur assemblage ; la société détermine tout un côté des individus par sa préfiguration dans chacun d’eux. Individu et société se conditionnent donc, circulairement.
Ce type trouvé, il lui compare l’homme tel que l’a déformé la société. […] Venu au monde bon et libre, c’est la société qui le rend esclave et méchant. […] C’est après avoir violé le principe qui maintient et perpétue les sociétés humaines, qu’il jetait sur le papier les fondements d’une société chimérique, avec la jouissance pour but et la vertu pour moyen. […] Ayant manqué à la première des lois sociales, il devait déclarer la guerre à la société. […] La société peut modifier les caractères : les changer, non.
On ne peut nier que l’affaiblissement de la force religieuse dans une société ne soit un affaiblissement pour l’âme humaine. […] Le christianisme a justement prouvé sa supériorité sur toutes les religions de l’univers par sa facilité à s’assouplir à tous les états d’esprit, à tous les états de sociétés. Le catholicisme lui-même, quoi qu’en disent ses adversaires prévenus, a montré dans l’histoire une assez grande flexibilité, car il a pu s’accommoder en même temps au moyen âge et au xviie siècle, à la foi naïve d’une société ignorante et à la foi savante de la société la plus raffinée. […] La religion est un fait humain, un acte primitif de la raison et du cœur, qui naît spontanément et qui s’organise spontanément, tout comme la société, la famille, l’art, le langage. Vouloir créer artificiellement une religion est aussi impossible que de créer artificiellement une langue, une société, une épopée.
Pour cet essai de reconstruction d’une société si proche tout à la fois et si éloignée de nous, nous avons consulté environ quinze mille documents contemporains : journaux, livres, brochures, etc. […] Pour être complète, l’histoire de la société française pendant la Révolution, demande un autre volume l’Histoire de la société française pendant le Directoire : l’accueil que fera le public à ce premier volume décidera si nous irons jusqu’au bout de notre œuvre. […] L’histoire sociale de la Révolution a été tentée pour la première fois dans ces études qui ont aujourd’hui l’honneur d’une nouvelle édition : l’Histoire de la société française pendant la Révolution, que va suivre l’Histoire de la société pendant le Directoire, en ce moment sous presse. […] L’Histoire des maîtresses de Louis XV mène le lecteur de 1730 à 1775 ; l’Histoire de Marie-Antoinette le mène de 1775 à la Révolution ; l’Histoire de la société française pendant la Révolution le mène de 1789 à 1794 ; l’Histoire de la société française pendant le Directoire le mène enfin de 1794 à 1800. […] Cette histoire nouvelle, l’histoire sociale, embrassera toute une société.
Mais du moment que l’homme naît dans la société, comme il naît dans la raison, il n’est pas plus libre de récuser les lois de la société que de récuser les lois de la raison. […] Il naît partie de la société, il naît sous la loi. […] C’est défendre la société. […] L’état d’une société n’est jamais tout à fait légal, ni tout à fait illégal. […] Dans les sociétés primitives, le collège des prêtres gouvernait au nom des dieux ; dans les sociétés de l’avenir, les savants gouverneront au nom de la recherche rationnelle du meilleur.
Si l’on ne peut trouver deux sociétés qui ne diffèrent ou qui ne se ressemblent qu’en un point, du moins, on peut constater que deux faits ou s’accompagnent ou s’excluent très généralement. […] Elles peuvent comprendre des faits empruntés ou à une seule et unique société — ou à plusieurs sociétés de même espèce — ou à plusieurs espèces sociales distinctes. […] Par exemple, on déterminera la forme que le fait étudié prend chez ces différentes sociétés au moment où il parvient à son apogée. […] Or, une société ne crée pas de toutes pièces son organisation ; elle la reçoit, en partie, toute faite de celles qui l’ont précédée. […] En effet, l’état où se trouve une société jeune n’est pas le simple prolongement de l’état où étaient parvenues à la fin de leur carrière, les sociétés qu’elle remplace, mais provient en partie de cette jeunesse même qui empêche les produits des expériences faites par les peuples antérieurs d’être tous immédiatement assimilables et utilisables.
La législation considère l’homme tel qu’il est, et veut en tirer parti pour le bien de la société humaine. […] Les hommes sont naturellement portés à conserver dans quelque monument le souvenir des lois et institutions, sur lesquelles est fondée la société où ils vivent. […] Ce droit conserve la société, parce qu’il n’y a chose plus agréable et par conséquent plus naturelle que de suivre les coutumes enseignées par la nature. […] Ils commencent par les nations déjà formées et composant dans leur ensemble la société du genre humain, tandis que l’humanité commença chez toutes les nations primitives à l’époque où les familles étaient les seules sociétés et où elles adoraient les dieux majorum gentium. […] Il comprend non-seulement les rapports des sociétés entre elles, mais même tous les rapports des individus entre eux (Note du Traducteur).
On l’emploie couramment pour désigner à peu près tous les phénomènes qui se passent à l’intérieur de la société, pour peu qu’ils présentent, avec une certaine généralité, quelque intérêt social. […] Chaque individu boit, dort, mange, raisonne et la société a tout intérêt à ce que ces fonctions s’exercent régulièrement. […] Qu’on prenne les uns après les autres tous les membres dont est composée la société, ce qui précède pourra être répété à propos de chacun d’eux. […] Elle leur convient ; car il est clair que, n’ayant pas l’individu pour substrat, ils ne peuvent en avoir d’autre que la société, soit la société politique dans son intégralité, soit quelqu’un des groupes partiels qu’elle renferme, confessions religieuses, écoles politiques, littéraires, corporations professionnelles, etc. […] La structure politique d’une société n’est que la manière dont les différents segments qui la composent ont pris l’habitude de vivre les uns avec les autres.
On découvre sans peine que la société moderne lui est redevable de ses principales améliorations. […] C’est comme si, pour établir la morale, on se bornait à présenter les avantages qu’elle procure à la société. […] En politique, l’homme créait librement et avec délibération la société et l’autorité qui la régit. […] Les siècles précédents ne se plaignaient pas de l’organisation de la société, parce que l’organisation y était nulle. […] Dans l’Europe moderne, un homme, plutôt que de mourir de faim, trouve plus simple de prendre un fusil et d’attaquer la société, guidé par cette vue profonde et instinctive que la société a envers lui des devoirs qu’elle n’a pas remplis.
Sentiment de solidarité organique inhérent au sentiment du beau : notre organisme est une société de vivant et le plaisir esthétique est le sentiment d’une harmonie. […] De la sympathie et de la société avec les êtres de la nature. — Un paysage est un état d’âmes, un phénomène de sympathie et de sociabilité. — L’émotion esthétique et l’émotion morale. […] Ce rôle est évident chez les sociétés animales ; il a subsisté longtemps chez les sociétés humaines primitives. […] Le sentiment du beau n’est que la forme supérieure du sentiment de la solidarité et de l’unité dans l’harmonie ; il est la conscience d’une société dans notre vie individuelle. […] On pourrait dire que le beau est le bien déjà réalisé, et que le bien moral est le beau à réaliser dans l’individu ou dans la société, humaine.
C’était moins là, en effet, proposer un remède qu’opposer une résistance et porter un défi à la société moderne. […] Dans sa théorie, il attribuait aux. immenses biens du Clergé une efficacité particulière pour la prospérité des sociétés et la guérison ou l’adoucissement des plaies inévitables. […] Aussi la société avait pris le parti de leur tourner le dos et ne les écoutait plus. […] n’est-ce pas assez pour la société des caprices et des passions des vivants ? […] N’est-ce pas assez que la société soit actuellement chargée de toutes les conséquences résultant du despotisme testamentaire depuis un temps immémorial jusqu’à ce jour ?
Par malheur pour lui, la société qu’il peignait sur place, et qui lui eût rendu justice, a brusquement péri avant de lui avoir délivré ses titres et d’avoir signé son brevet. […] Je n’ai point à prononcer là-dessus ; mais si Duclos définit avec précision et rectitude l’état de la société vers le milieu du siècle, s’il nous donne, comme on l’a dit, le code des mœurs à ce moment, M. de Meilhan exprime avec non moins de netteté et, je le crois, avec plus d’étendue, l’état moral de cette même société dans les dernières années de Louis XVI ; il refait le même portrait, mais à l’extrême saison et au déclin. […] Sa société même ignorait qu’il était aïeul, époux, père : qu’était-il donc à leurs yeux ? […] Il y a de la fatuité parmi les hommes, parce que la présomption domine plus ou moins ; mais le fait d’une société est souvent un homme modeste dans une autre. […] Son livre est comme le testament de cette société, par un homme qui en sait tous les secrets et qui en réunissait les goûts divers.
J’aurais grand besoin cette fois qu’un moraliste fin, discret, adroit et prudent, un Addison, me prêtât son pinceau sans mollesse et sans amertume : car c’est d’un mal moral que je voudrais traiter, et d’un mal présent ; j’ai en vue de décrire la maladie d’une partie notable de la société française (de la fleur et non pas du fond de cette société), et, en la décrivant au naturel, de faire sentir à de belles et fines intelligences qu’elles ont tort de loger et d’entretenir si soigneusement en elles un hôte malin qui, à la longue, est de nature à porter atteinte à la santé même de l’esprit. Qu’est-ce donc que ce mal dont est visiblement atteinte depuis quelque temps une partie de la société brillante et pensante ? […] La Restauration tombe en 1830 ; les hommes de la Restauration disparaissent, et une nouvelle génération se saisit du gouvernement de la société dans toutes les directions et à tous les degrés. […] Dans ce moment, même, qu’ils daignent, je les en prie, ne pas prendre ou donner le change sur ma pensée : je ne viens pas ici conseiller d’épouser le pouvoir, mais simplement de ne pas le nier avec obstination, de ne pas bouder la société qui l’a ratifié, le fond et le vrai de la société de notre temps. […] N’ayons pas un intérêt d’amour-propre et de métier à ce que la société aille mal, à ce que toutes les fautes se commettent.
« Dans la philosophie, prenez Épicure (il ne s’agit pas ici de la vérité de son système), de même vous trouverez la réponse à toutes les questions sur la destinée de l’homme, de la société, de l’humanité. […] La plus grande anarchie règne dans la société, dans les intelligences, mais cette anarchie n’existe que dans les classes supérieures. […] Il se transporte dans le présent, au milieu des sympathies, des pensées, des besoins de la société actuelle, pour interroger ses désirs, s’inspirer de ses misères, de ses espérances, et pénétrer le mystère de ses destinées futures. […] Et voilà son disciple qui remet en question l’avenir de la société, et qui annonce qu’il vient chercher les destinées de l’homme et résoudre ce problème moral, autant que cela est possible dons, un cours de philosophie. […] Dans le passé, je vois des hommes réunis en société par la religion, je les vois marcher vers un but commun, une destinée commune, auxquels ils croient, unis par la religion ; je vois des Perses, des Égyptiens, des Juifs, des Grecs, des Romains, des chrétiens, toutes sociétés religieuses dans lesquelles la religion avait résolu, à la satisfaction de tous, le problème de la destination de l’homme ; mais je ne connais pas de société aristotélique, platonicienne, épicurienne, cartésienne, newtonienne, leibnitzienne, etc., etc. ; enfin je ne connais pas de philosophie qui ait pu réunir en société un certain nombre d’hommes ayant foi à la solution qu’elle leur présentait, et se dirigeant d’après cette croyance.
Le vice du sujet, et la manière dont Molière l’a traité, annoncent assez que l’opinion de la haute société pesait tout à la fois sur la cour et sur le poète, et n’embarrassait pas moins celui-ci qu’elle n’importunait l’autre. Il est évident par le travail de cette comédie qu’elle n’a été ni inspirée par le spectacle de la société, ni avouée par l’art. […] Il est fort probable que les directions primitives de l’esprit du poète ont été tournées contre la haute société et contre les hommes de lettres qui s’y étaient attachés ; que les atteindre a été son but secret. […] Il résulte de ce qui précède que la comédie de Molière, ou n’était pas une hostilité contre la société d’élite, ou était regardée par lui-même comme une hostilité impuissante dont il ne voulait pas cire accusé. Elle n’empêchait pas le crédit de madame Scarron à la cour même, et l’inclination du roi vers les mœurs douces, honnêtes, et polies de la société dont elle était un ornement.
Il les avait adressées, les neuf premières, à un philosophe aux trois quarts convaincu, mais dont la raison, habituée au positif, reculait devant la transformation de l’école en temple, de la science en dogme, de l’industrie en culte, des beaux-arts et de la philanthropie en religion ; les cinq dernières, à un millénaire écossais, protestant qui aspirait à l’unité, mais qui méconnaissait dans le catholicisme la constitution sociale du christianisme, n’y voyait qu’une corruption de l’Église primitive, et croyait au rétablissement prochain, et au règne indéfini de l’antique société évangélique. […] Il était providentiel, en quelque sorte, que ce fût un juif qui, le premier, du point de vue saint-simonien, réhabilitât à son rang dans la tradition cette société religieuse, la plus forte qui ait jamais existé, et donnât la clef de l’obstination mystérieuse du peuple dispersé qui sert de spectacle au monde. […] Le mosaïsme, moins développé en dogme que la religion chrétienne ; s’en tenant, avant tout, à l’unité de Dieu, qu’il importait de conserver entière et pure au sien du polythéisme ; renonçant à lier et à associer l’humanité encore rebelle et trop peu assimilable ; le mosaïsme, même avec ses restrictions, ses ignorances et ses grossièretés, cimentait plus fortement qu’aucune autre religion n’eût fait, et coordonnait en société complète, dans sa contrée étroite et montagneuse, son petit peuple choisi. […] Il ne fut plus la religion et la société d’une nation, comme le mosaïsme ; il ne fut pas encore la société des nations qui doit sortir seulement de la révélation nouvelle ; il fut la société des individus. […] Or, voilà pourquoi le christianisme est resté en chemin de son œuvre ; voilà pourquoi de Maistre, génie autant mosaïque qui catholique, ne conçoit pas que Dieu, auteur de la société des individus, n’ait pas poussé l’homme, sa créature chérie et perfectible, jusqu’à la société des nations ; voilà pourquoi les juifs s’obstinent à contempler avec un sentiment orgueilleux de supériorité leur loi, si complète en elle-même, que le christianisme a brisée avant d’avoir à rendre au monde l’unité définitive ; voilà pourquoi la religion de l’avenir, qui devra renfermer tous les caractères du judaïsme et du christianisme, renfermera aussi dans ses temples les juifs et les chrétiens, en les mettant d’accord, selon qu’il a été dit dans les anciennes et les nouvelles Écritures.
. — Le triomphe de madame de Maintenon est celui de la société polie. […] J’ai voulu seulement montrer, dans le plus grand événement de sa vie, le triomphe d’une des plus illustres personnes de la société polie, et de cette société elle-même dont elle fut l’ornement et la gloire. […] Ce triomphe de madame de Maintenon fut celui de sa société tout entière. […] La société polie allait se propager dans celle de la marquise de Lambert. La société de la cour allait former la société dévote que La Bruyère a si bien peinte.
Je commence par le président Hénault, qui vivait dans sa société particulière, et qui nous le montre sous son vrai jour : — ah ! […] Si de la société il passe aux affaires, il étonne par sa perspicacité ; il a tout deviné, et il n’y a point de magistrat ni de praticien qui n’en soit surpris. […] Monsieur, laissez-moi donc en repos. » Il ne faisait point de distinction de rang dans la société ; il en remplissait lui-même les devoirs plus exactement que personne. […] c’était la question qu’on agitait dans toute la société, mais que personne n’agitait plus qu’elle dans l’anxiété de son désir. […] Une société plus choisie saurait mettre un prix plus juste à votre mérite.
Les vraies causes étaient dans la société même, non dans la Constitution. […] Elle ne produisit que peu de bien ; elle n’empêcha que peu de mal, en raison des préjugés, des passions, des souvenirs flagrants qui s’agitaient dans la société. C’est donc la société avant tout qu’il convient d’examiner, les lendemains de révolution, pour voir si les principes de liberté et de justice sont possibles, applicables, et dans quelle mesure. […] Mais ce n’était pas du tout l’état de la société en 96 ni en 91. […] Heureusement nous n’en sommes plus là, et l’aspect de la société semble fort rassurant.
De là la reconnaissance des pouvoirs qui règlent en dominant, la subordination de l’individu à la société. […] Le roi dispensant les hautes classes de travailler au bien public, ce loisir développe les relations sociales, et donne un éclat intense à la vie de société. […] La société est faite : ils ne prétendent rien y changer ; mais l’individu, qui vivra dans cette société, est toujours à faire : c’est cet individu à qui tous nos écrivains veulent imposer une forme. […] Il cache son tempérament intime, les mouvements de sa sensibilité, s’il en a : il ne doit offrir à la société que ce qu’il a de commun avec elle, et de communicable, sa raison, ses idées. […] On croit bonnement que la société peut se refaire par une simple opération de raisonnement, et que les faits se mettront tout seuls d’accord avec les vérités idéales.
Voyons l’effet que ce changement de la société produisit sur les trois poêles qui survécurent à Molière : Boileau, Racine et La Fontaine. […] L’adversité, qui, dans le même temps, menaçait les intérêts politiques du roi, concourut puissamment à arrêter l’essor du poète, devant le changement des mœurs de la haute société. […] Entre les sociétés que j’ai citées comme formées de la composition de l’ancienne maison Rambouillet, je n’ai eu garde de citer ni l’hôtel de Nevers, ni l’hôtel de Bouillon, ni l’hôtel de Soissons, qui formèrent une coterie à part, incompatible avec les précieuses, encore plus avec la bonne compagnie, une coterie trop diffamée pour la cour même, et qui appartenait à la classe des sociétés dissolues de la capitale. […] Si j’en parle ici, c’est parce que je dois relever la méprise des écrivains qui ont confondu des sociétés si différentes, à l’occasion de la Phèdre de Racine, jouée pour la première fois le 1er janvier 1677. […] La société du duc de Nevers, à laquelle elle s’était attachée, était plus près de la licence que de la préciosité.
. — Influence de la société polie sur les mœurs générales et sur le langage. — Mots qu’elle élimine de la langue. Nous venons de passer en revue une nombreuse société qui n’est pas moins en opposition avec celle de la cour qu’avec les précieuses ridicules de la ville. […] Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle. […] Mon opinion sur le pouvoir des sociétés choisies n’est pas fondée uniquement sur cette observation générale : elle l’est sur des faits positifs. […] Quand l’honnêteté de mœurs se constitua aussi un tribunal et une juridiction, ce qui s’appelait impudicité à l’église, s’appela obscénité dans la société polie.
Puisque nous voulons la soumettre à une étude aussi objective qu’il est possible, il semble que nous devrions, pour la définir, laisser parler « les faits » : de la confrontation des principes qui dirigent les différentes sociétés égalitaires son essence devrait, en quelque sorte, jaillir toute seule. — Mais à quels signes reconnaîtrons-nous ces sociétés égalitaires si nous n’avons établi, au préalable, ce qui est pour nous l’égalité ? […] Appliquée aux sociétés, l’idée de l’égalité se définit par des appréciations : le jugement qu’elle porte sur les hommes est un jugement de valeur. […] La notion de valeur, dans sa généralité, s’applique à la fois aux choses et aux hommes ; la valeur des choses apparaît lorsque un échange les rapproche comme la valeur des hommes apparaît lorsqu’une société les met en relation. […] Sous les différences que maintiennent entre eux les sociétés particulières ou les races spéciales auxquelles ils appartiennent, il faut que nous ayons retrouvé leurs ressemblances, grâce auxquelles nous les posons comme faisant également partie de la société humaine, du genre humain. […] Déduire des commandements de l’égalité l’uniformité des sanctions que la société devrait appliquer aux actions des individus, c’est oublier qu’égalité n’est pas identité.
La société est faite ainsi, elle a ses raisons. […] Thiers est certainement un homme de la toute nouvelle société ; M. […] Les Mémoires consacreront un jour cette société de la rue Neuve-du-Luxembourg. […] Il semblait que la société voulût refaire par lui sa rhétorique. […] Molé, que tard, après l’étude de la société, des hommes, des mathématiques, après l’école des choses.
Destruction de la société polie. […] Venons à l’essentiel : cette période nous présente trois faits considérables qui intéressent la littérature : la destruction de la société polie, le développement du journalisme, l’épanouissement de l’éloquence politique. […] Ruine de la société polie La Révolution a fermé les salons. […] Lacombe, libraire, avec une société de Gens de lettres, au lieu de M. de la Place. […] Bonamy. — Journal économique, une société de Gens de lettres. — Petites Affiches de Paris, M. l’abbé Aubert
Rousseau dans l’Émile, la société serait infiniment mieux composée, qu’on n’irait pas en partie carrée dîner à la barrière, et que votre fille ne serait pas muette ! […] « Ces questions faites et résolues, il jugea la société et la condamna. […] « Cela est triste à dire : après avoir jugé la société qui avait fait son malheur, il jugea la providence qui avait fait la société, et il la condamna aussi. […] Il y condamna la société et sentit qu’il devenait méchant ; il y condamna la providence et sentit qu’il devenait impie. […] La société baisse la tête devant l’audacieux forçat.
Dans chaque société, dans chaque contrée, dans chaque classe, il est des préjugés sucés avec le lait et que nous portons avec nous comme des principes innés. […] A ce titre, elle est le droit de toutes les écoles, de toutes les opinions, de toutes les sectes, elle est le postulat fondamental de la société. […] Lui nommerez-vous un autre tuteur, et à celui-ci un autre, jusqu’à ce que vous arriviez à un tuteur absolu de la société tout entière ? […] Quelle société pourra subsister devant ce déchaînement des intelligences révoltées ? […] Elle nous apprend qu’à aucune époque, même quand le monde était gouverné par le principe d’autorité, la société n’a été à l’abri des grandes crises sociales.
Cette étude nous conduira aux plus hautes théories du gouvernement des sociétés. […] Les livres primitifs de l’Inde sont pleins de règles et de maximes qui touchent au régime des sociétés. […] Il fit ainsi des cérémonies funèbres envers les ancêtres une partie fondamentale de la religion et de la société. […] L’autorité elle-même des gouvernements et l’ordre des sociétés périssent dans ces guerres civiles. […] L’homme qui vit en société a des devoirs à remplir envers tout le monde ; il doit rendre à chacun ce qui lui est dû.
Quand naît la littérature française, la société déjà n’est plus homogène : une première séparation y a créé deux mondes distincts, celui des clercs et celui des laïcs. […] La société laïque elle-même se distribue en étapes divers. […] Comme d’un étage à l’autre de la société se perçoivent certaines différences d’esprit, il en éclate d’autres, et les mêmes dans tous les étages, quand on passe d’une région à l’autre. […] Ses formes même apparaissent, se développent, se dessèchent, et se dissolvent, selon leur rapport à l’état intime de la société ou du groupe de la société qu’il s’agit de manifester : en sorte que, par les genres mêmes qui prévalent, la littérature exprime toutes les modifications de l’esprit français. Aux primitives et brutales ardeurs de la société féodale correspond l’épopée guerrière et chrétienne, à la délicatesse de ses mœurs adoucies une poésie romanesque ou lyrique.
Chapitre VIII Mœurs, ton et langage de la société de Rambouillet. — Ton et langage de la bonne compagnie des gens peints par Corneille, dans sa comédie de Mélite. — Ton et langage de la société dissolue a la même époque. — Distinction entre différents genres de naïveté. […] Quant au langage, je ne pourrais dire que la société de Rambouillet tout entière se piquât de la même simplicité que la Marquise et sa famille ; mais s’il était un peu plus orné, il n’était pas pour cela affecté et précieux, Nous avons un monument authentique du langage habituel de la haute société dans la comédie de Mélite, qui est le premier ouvrage de Corneille. […] Toutes ces naïvetés-là ont changé de nuance jusqu’à Voltaire, qui fut libre, leste et gai, mais avec une retenue dont la société de madame Duchatelet lui avait fait sentir la convenance. […] La bienséance du langage est une loi de la morale dans toute société où les femmes sont en parité avec les hommes, parce que c’est un devoir envers elles. Dans la société des femmes, la bienséance du langage est imposée par la double sympathie qui unit l’homme délicat à la pudeur du sexe, et la délicatesse de chaque homme avec celle de tous les autres.
Le climat peut encore y apporter quelques changements ; mais l’éducation générale des premières classes de la société est toujours le résultat des institutions politiques dominantes. […] Le ridicule est, à beaucoup d’égards, une puissance aristocratique ; plus il y a de rangs dans la société, plus il existe de rapports convenus entre ces rangs, et plus l’on est obligé de les connaître et de les respecter. […] Obligés d’étudier sans cesse ce qui pouvait nuire ou plaire en société, cet intérêt les rendait très observateurs. […] La gaieté ramène à des idées naturelles ; et quoique le bon ton de la société de France fût entièrement fondé sur des relations factices, c’est à la gaieté de cette société même qu’il faut attribuer ce qu’on avait conservé de vérité dans les idées et dans la manière de les exprimer. […] Dans l’ancien régime, tous les Français, plus ou moins, s’occupaient extrêmement du paraître, parce que le théâtre de la société en inspire singulièrement le désir.
Ne défendons plus la religion sous le rapport de l’utilité dont elle est, soit à l’homme, soit à la société ; c’est un vrai blasphème qui a été trop souvent reproduit. […] Le mouvement des esprits, qui est l’opinion, peut soulever la société, mais il faut que la religion reste immobile comme Dieu même. […] elles ont en elles-mêmes le principe de vie le plus intime et le plus fécond qui ait jamais soutenu les sociétés humaines. La religion est, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’arôme qui préserve la société de la dissolution dont on a pu la croire menacée. […] En un mot, notre religion, notre langue, nos mœurs, nous constituent chambre des pairs de la grande société européenne ; comme, par les opinions, nous remplissons dans cette même société les fonctions de chambre des communes.
. — Sa société quand elle fut nommée gouvernante. […] La position de madame Scarron était honorable dans une société honorée. Elle était une des plus remarquables personnes de cette société d’élite qui avait remplacé la société de Rambouillet. […] Elle était intimement liée avec madame de Coulanges, madame de Sévigné, madame de Grignan, madame de La Fayette, avec toute la société de La Rochefoucauld. […] Sa nomination à la place de gouvernante fut donc honorable pour elle, pour la société dans laquelle elle vivait, et pour le roi qui l’y distingua.
Mme de Vergennes éleva gravement et même sévèrement ses deux filles, en idée des conditions nouvelles qu’elle prévoyait dans la société. […] Cette société de Mme d’Houdelot où régnaient encore les derniers philosophes, M. de Saint-Lambert, M. […] La société de Mme de Vintimille était plus et mieux qu’une suite du dix-huitième siècle. […] Pourquoi faut-il que tous les arrangements de la société s’accordent pour troubler les jouissances du cœur ? […] Mme de Nansouty a fait quantité de proverbes et petites comédies de société.
Le premier, inflexible et étroit, ne comprend rien d’autre que la société de l’ancien régime : pour lui c’est la société absolue. […] Il va chercher jusqu’en Égypte le type de la vraie société ; et il pardonne à ce pays sa fausse religion en faveur de sa bonne constitution politique. […] Les économistes sont les premiers, parmi les partisans de la société nouvelle, qui aient discuté cette idée de l’État et qui aient opposé le droit individuel au droit collectif. […] Destutt de Tracy, qui est un excellent économiste, comprend très-bien le caractère des sociétés modernes, sociétés laborieuses, industrielles, commerçantes, qui ont besoin d’ordre et de liberté, et non de lois somptuaires. […] L’idée qui domine dans cette seconde période est celle-ci : la société est livrée à l’anarchie ; elle a besoin, d’être organisée.
M. de Bonald n’est donc pas venu pour faire entrer dans la société une vérité nouvelle ; mais il est venu pour empêcher une vérité ancienne de sortir de la société. […] M. de Maistre et M. de Bonald, qui ont suivi la même route dans les errements de la société ancienne, paraissent avoir méconnu les faits nouveaux de l’esprit humain. […] La société des êtres intelligents subsiste par les idées morales et intellectuelles que la parole y a semées. […] Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire. […] Mais ce qui, au défaut de toute autre cause, assurerait encore la perpétuité des sociétés humaines, c’est la nécessité imposée à l’homme de tout apprendre.
C’est-à-dire qu’il possédait, jointe à des connaissances positives, la vue supérieure du Christianisme sans laquelle il est impossible de juger la société antique et même de la comprendre, l’homme ayant besoin pour juger une chose de valoir mieux qu’elle, de la tenir sous ses pieds, de la dominer ! Avec des qualités si diverses et si supérieures, le livre de Champagny fut un tableau complet de la société romaine, étudiée dans son ensemble, puis dans ses détails, et, pour ainsi dire, pièce à pièce ; saisie de haut d’abord, puis vue de plus près, dans chaque anse de ses rivages, dans tous ses recoins d’horizon. […] Lorsque Champagny jauge si avant la société romaine et ses causes de décadence, quand il ne se contente pas de nous montrer les institutions anciennes craquant de toutes parts, mais encore le système économique de cette société, qui mourait autant de son budget que de ses mœurs, il lui était aisé, à lui qui a si bien compris les guerres civiles, à lui qui nous décompose d’une main si ferme le mécanisme de l’élection, cette corruption nécessaire de la république, de prendre juste et de nous donner la valeur et la signification de l’Empire. […] Comment croire qu’il n’eût pas montré que ces institutions ayant seules rendu l’ordre à une société qui le demandait à toutes les formes de l’élection depuis dix ans, le triomphe du Consulat était précisément, et devait être, de placer le pouvoir exécutif en dehors de l’élection et de ses erreurs ? […] Nous avons parcouru rapidement, mais assez pour donner envie de les lire aux esprits sérieux, les deux ouvrages de ce temps qui ouvrent une vue parallèle sur deux sociétés : la société romaine et la société grecque.
Il est nécessaire d’appeler à notre aide toute la précision de la sociologie pour réduire au minimum les chances d’omission dans cette analyse d’une société à chacune de ses époques. […] v) que toutes les forces, qui forment, déforment et transforment un individu et par conséquent une société, peuvent se ramener à trois catégories : milieu psycho-physiologique ; milieu terrestre et cosmique ; milieu social. […] L’observation la plus superficielle nous révèle qu’une société, à une époque quelconque de son existence, n’est pas un simple total d’éléments rassemblés au hasard et juxtaposés. […] Nous n’avons point pour le moment à rechercher si cette dépendance est exactement de même nature dans les deux cas, ni en quoi une société diffère d’un organisme végétal ou animal. […] Taine, au lieu d’étudier la littérature pour elle-même, l’a considérée trop souvent comme un moyen de mieux connaître la société dont elle exprime les mœurs, les tendances, les rêves.
Nous avons vu la corruption des mœurs générales se répandre de la cour de François Ier sur la nation entière1, et le spectacle de la société infectée de ces mœurs nous a laissé de pénibles impressions. […] Sans doute, et c’est un malheur fort ordinaire dans la société, au milieu des esprits élégants et délicats que rassemblait l’hôtel de Rambouillet, se trouvèrent des copies chargées et ridicules qui présentaient des affectations mensongères et hypocrites à la place des nobles délicatesses de leurs modèles. […] Et cependant on nous assure aujourd’hui qu’il en voulait à la société de l’hôtel de Rambouillet, dissoute depuis près de quinze ans, quand Les Précieuses ridicules ont paru. […] La gloire de Molière et celle des femmes illustres du temps sont intéressées à ce que la postérité reconnaisse la différence de leur tâche, qui n’avait rien d’opposé, l’une étant de purger la société d’un ridicule, l’autre d’y introduire un mérite nouveau ; cette tâche, il faut leur savoir gré de l’avoir également bien remplie. […] La ire comprendra de 1600, époque du mariage de Henri IV avec Marie de Médicis, et de Catherine de Vivonne avec le marquis de Rambouillet, à 1610, époque de la mort de Henri IV et de la formation de la société de Rambouillet.
C’est ce que réalisait merveilleusement la société grecque, si vraie, si peu artificielle. […] Dieu me garde de croire qu’un tel système de société soit actuellement applicable, ni même que, actuellement appliqué, il servît la cause de l’esprit. […] La Grèce m’en est un illustre exemple ; je ne parle pas de sociétés plus naïves, comme la société indienne, la société hébraïque, où toute idée de décorum extérieur et de respect humain était complètement absente. […] , ils risquent de ressembler aux plus sots, aux plus ridi-cules, aux plus fats de tous les hommes, à ces Chatterton manqués, à ces jeunes gens de génie méconnus, qui trouvent tout au-dessous d’eux et anathématisent la société parce que la société ne fait pas un douaire convenable à ceux qui se livrent à de sublimes pensées. […] Dans un état meilleur de la société humaine, on serait d’abord homme, c’est-à-dire que le premier soin de chacun serait la perfection de sa nature.
Enfin, le détachement des intérêts de la société et la recherche du bien-être individuel aboutissent à la paresse. […] D’abord, une société plus nombreuse est aussi moins choisie. […] Tout dépendra donc, en définitive, du type de société avec lequel l’artiste aura choisi de nous faire sympathiser : il n’est nullement indifférent que ce soit la société passée, ou la société présente, ou la société à venir, et, dans ces diverses sociétés, tel groupe social plutôt que tel autre. […] L’art doit choisir sa société, et cela dans l’intérêt commun de l’esthétique et de l’éthique. […] Le luxe exagéré est donc, en somme, un élément de décadence pour l’art, comme pour la société.
Or que dit l’instinct, ce législateur inné de la société humaine ? […] Et, après tout cela, quelle société ! […] société d’orphelins ! […] société d’Œdipes aveugles, meurtriers de leurs enfants ! société sans ancêtres, société sans postérité, société sans propriété, société où la terre, qui a besoin elle-même de l’amour de son propriétaire pour être féconde, ne serait cultivée que par ordre des magistrats pour produire juste ce qui est nécessaire à la consommation du chiffre des hommes vivants, et dont les fruits mercenaires seraient distribués par rations égales à des râteliers du troupeau humain !
Si on lui parle des sociétés, il ne s’agit pas des sociétés politiques, ni de lui en faire porter des jugements inutiles au grand objet de la connaissance de soi-même ; il s’agit des sociétés purement civiles et des devoirs que chacun est tenu d’y remplir pour être heureux en contribuant au bonheur public. […] Deux esprits se disputent le gouvernement des sociétés humaines, l’esprit de conservation et l’esprit de progrès. […] Dans son dessein de faire du bien aux sociétés humaines, il lui a manqué d’avoir combattu et souffert. […] Des deux antiquités, il n’a eu confiance qu’en la païenne ; la chrétienne n’a guère obtenu de lui que du respect : c’était beaucoup pour le temps ; pour un historien des sociétés humaines, c’était trop peu. […] Ils conduisent la société nouvelle à travers les ruines de l’ancienne, et ils en sont tout le gouvernement.
Duclos commença là en petit ce qu’il fera plus tard dans la société : il fut respecté et peut-être un peu craint de ces jeunes seigneurs ; il se tint à sa place, mais se la fit. […] Duclos, qui n’avait que de bons traits, de bonnes anecdotes, de fermes et fines remarques de grammaire, de littérature ou de société, s’y tenait sans viser plus haut. […] Duclos, dans ses écrits, a beaucoup de ces petits tableaux plus exacts encore que satiriques, qui peignent un travers de la société de son temps et quelques-unes de ces sottises qui furent contagieuses un jour. […] À défaut des grands mouvements de l’âme humaine, Duclos excelle à relever et à constater ces manies passagères de l’esprit de société, comme un bon médecin praticien qui note une variété épidémique, une maladie de saison. […] La société, quoiqu’il y eût passé sa vie, ne l’avait pas usé.
Ce fut l’asile des bonnes mœurs au sein de la haute société. […] Ce n’est donc qu’à dater de cette époque que l’on sait parfaitement sa vie privée, ses habitudes, ses lectures, et jusqu’aux moindres mouvements de la société où elle vit et dont elle est l’âme. Et d’abord, dès les premières pages de cette correspondance, nous nous trouvons dans un tout autre monde que celui de la Fronde et de la Régence ; nous reconnaissons que ce qu’on appelle la société française est enfin constitué. […] La Fontaine, peintre des champs et des animaux, n’ignorait pas du tout la société, et l’a souvent retracée avec finesse et malice. […] Mme de Staël représente toute une société nouvelle, Mme de Sévigné une société évanouie ; de là des différences prodigieuses, qu’on serait tenté d’abord d’expliquer uniquement par la tournure différente des esprits et des natures.
La société proprement dite ne procède pas autrement. […] Il lui reste seulement à se mettre en règle avec la société. […] C’est la raideur qui est suspecte à la société. […] Il donne à la nature sa revanche sur la société. […] De petites sociétés se constituent ainsi au sein de la grande.
J’entends par ces idées tous les rapports de l’homme avec ses semblables et avec Dieu, selon l’état des sociétés et selon les religions. […] Cette comparaison n’est pas possible dans une société qui se forme chez un peuple qui cherche sa nationalité et ses frontières. […] C’est le signe de la jeunesse d’une société. […] La critique et la raillerie, qui ruinent les sociétés parvenues à leur maturité, stimulent et fortifient les sociétés naissantes. […] Fallait-il donc que l’esprit français continuât de tourner dans ce cercle du récit et de la satire, et se réduisît à la peinture et à la critique de la société française ?
Témoigne-t-il en faveur de notre société, ou contre elle ? […] Cette régénération du théâtre exige la régénération de la société. […] Le théâtre privera notre société d’écrivains avant qu’il la prive d’amateurs de beaux récits qui font rêver les sages, au coin du feu. […] Une société qui n’a d’amour que pour les histrions et les politiciens est une société en décomposition. […] Aussi me paraît-il naturel que, malgré les mérites qu’il offre encore, il puisse contenter la société contemporaine.
L’ouvrage de l’abbé d’Aubignac est une satire grossière, rédigée par l’auteur pour plaire à la cour et à la masse corrompue de la société de Paris. […] Une insinuation est renfermée dans ces paroles, mais elle s’évanouit par l’énoncé même qui suppose la personne tenant ruelle, exposée à la vue de tonie sa société. […] Selon lui, « la précieuse devait se mettre au lit à l’heure où sa société habituelle lui rendait visite. […] Ces dames, qui se recherchent si exactement les unes les autres, sont aussi fort recherchées des sociétés de la capitale. […] J’ai vainement cherché dans les écrits du temps l’occupation que les femmes de la haute société mêlaient à la conversation.
La société mauvaise ressemble à une toxine où tu dépéris. […] Ils veulent la Justice et la Fraternité humaines : expression de l’homme intégral dans la société. […] Laisser faire la nature matérielle en nous, aboutit à la société que nous avons sous les yeux, à une société pire encore, car déjà l’ont améliorée des actes de bonté et de civilisation venus de l’intelligence. […] En société, l’homme ne change pas de fin. […] Les nœuds qui les rattachent à la société actuelle ne se dénoueront pas facilement.
Mais il se mêlait dans ces premiers essais d’une société sérieuse et polie une grande inexpérience. […] Mais n’oublions pas le moment de la société et le genre de difficultés auxquelles elle avait affaire. […] On n’a jamais combiné plus de louange fade avec cette manie qu’elle avait de redresser les petits torts de la société autour d’elle. […] Tout cela contribue à rabaisser un peu le moraliste en elle, et à renfermer son coup d’œil dans le cercle étroit de la société du jour. […] Ses romans ont obtenu une vogue qui marque une date précise dans l’histoire des mœurs et dans l’éducation de la société.
L’homme ne peut nommer que ce qui existe ; et ce n’est pas lui qui impose le nom, c’est la société. […] Le principe conservateur des sociétés est aristocratique, parce que les sociétés ne peuvent se passer de hiérarchie. […] À de certaines époques, certaines idées, mûries à l’insu des hommes, se répandent de toutes parts sur la société. […] Son héros, homme pieux, père d’une tige royale, est le vrai fondateur d’une société humaine. […] Le Tasse avait à peindre le berceau de la société chrétienne.
Simon Lévy, directeur du théâtre de Lille), se plaignent d’abus qui se seraient produits à leur préjudice et qui seraient du fait de diverses sociétés représentant les artistes compositeurs de musique. […] Cette société, dans ses rapports avec les directeurs de théâtre, fonctionne et procède de la manière la plus régulière. […] Les droits sont perçus par deux agents nommés par la société. […] Après celle-ci et à côté de celle-ci, une autre société s’est fondée, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Les directeurs de théâtre s’entendent avec le représentant de cette dernière société et payent par abonnement un droit fixe pour la magique des morceaux intercalés dans les vaudevilles, mélodrames, etc.
Dans l’état où sont aujourd’hui toutes ces questions profondes qui touchent aux racines mêmes de la société, il semblait depuis longtemps à l’auteur de ce drame qu’il pourrait y avoir utilité et grandeur à développer sur le théâtre quelque chose de pareil à l’idée que voici. Mettre en présence, dans une action toute résultante du cœur, deux graves et douloureuses figures, la femme dans la société, la femme hors de la société ; c’est-à-dire, en deux types vivants, toutes les femmes, toute la femme. […] En regard de ces deux femmes ainsi faites poser deux hommes, le mari et l’amant, le souverain et le proscrit, et résumer en eux par mille développements secondaires toutes les relations régulières et irrégulières que l’homme peut avoir avec la femme d’une part, et la société de l’autre. Et puis, au bas de ce groupe qui jouit, qui possède et qui qui souffre, tantôt sombre, tantôt rayonnant, ne pas oublier l’envieux, ce témoin fatal, qui est toujours là, que la providence aposte au bas de toutes les sociétés, de toutes les hiérarchies, de toutes les prospérités, de toutes les passions humaines ; éternel ennemi de tout ce qui est en haut ; changeant de forme selon le temps et le lieu, mais au fond toujours le même ; espion à Venise, eunuque à Constantinople, pamphlétaire à Paris. […] On ne saurait trop le réduire, pour quiconque a médité sur les besoins de la société, auxquels doivent toujours correspondre les tentatives de l’art, aujourd’hui plus que jamais le théâtre est un lieu d’enseignement.
En général, Mme de Créqui, excellent type de fin de société, ne devine pas l’avenir et ne pressent pas l’esprit nouveau. […] que la société distinguée était généreuse, élevée, délicate ! […] En attendant la catastrophe, la société était délicieuse ; la diversité des manières de voir, la vivacité des espérances ou des inquiétudes, la nouveauté des objets d’intérêt, y imprimaient un mouvement sans exemple. […] Seulement comme la société n’est plus étagée ainsi qu’elle l’était, cette bonne compagnie qui ne sera pas en vue dans quelque hôtel du faubourg Saint-Germain ou du faubourg Saint-Honoré, et qui n’aura point son cadre historique ne sera pas remarquée, ne sera pas citée et célèbre. […] Elle se refit une société composée de quelques anciens amis et de parents.
Théodore Leclercq était dès lors mieux occupé en se tournant tout entier du côté de la société et des observations amusantes qu’elle offre à celui qui sait les saisir. […] Plus tard, à Hambourg (1810), il fit jouer des proverbes écrits, par la société française qui s’y trouvait amenée à la suite des guerres de l’Empire. […] Partout, a appris que son neveu avait souvent joué la comédie en société. […] Je dis lecture, car je n’ose toutefois supposer que l’aimable troupe de société qui contribua si fort à mettre à la mode les proverbes de M. […] La société, me disais-je, n’est composée que de mendiants.
La société romaine était sans doute profondément distincte de la société moderne ; l’industrie seule et la place restreinte qui lui était faite, en comparaison du rôle qu’elle remplit dans notre civilisation, suffiraient à marquer la différence. […] Troplong, la richesse, concentrée dans une seule classe, restait presque inaccessible aux autres classes, mais il y avait encore à Rome cette circonstance particulière et remarquable, que les riches attiraient à eux, par le prêt à usure, toute la substance des petits. » La conséquence est que « le luxe et la richesse, qui sont dans la société moderne un élément de fécondité, furent dans les sociétés anciennes un véritable embarras », une cause de ruine, et qu’à Rome particulièrement l’excès de prospérité, quand la paix intérieure eut immobilisé l’univers, aboutit à une sorte d’engloutissement de tout par quelques-uns et à une orgie que de loin on exagère sans doute quand on se la figure en permanence. […] Troplong, dans un premier chapitre publié il y a déjà quelques mois (31 août 1855), avait très-bien marqué ce qui manque aux historiens latins, même aux plus distingués, pour nous expliquer à fond leur société et pour nous donner la clef de ses progrès ou de son abaissement. […] Son style ne cesse jamais d’être savant, pittoresque et viril ; mais son génie demeure trop étranger au progrès de la société romaine. […] Troplong a donc utilement choisi cette période pour en faire le sujet d’une de ces études approfondies, telles qu’il en a déjà donné sur d’autres époques de l’Empire et où il a si bien analysé, avec la précision de son savoir uni aux lumières progressives, les révolutions du droit et la constitution de la société romaine.
Il faudrait se demander ensuite pourquoi l’état d’une société varie. […] C’est un siècle calme, ordonné, conservateur, où la pensée et la société se reposent sous le joug multiple de l’Etat, de l’Eglise, des Académies, des traditions, des convenances et des règles de toute espèce. […] De 1715 à 1750, le monde, la société polie, la vie de salon imposent aux écrivains l’allure sémillante et le ton léger, même quand ils traitent les plus graves questions. […] Puis, il ne faut pas se faire d’illusions sur l’unité d’une société quelconque. […] Le christianisme a succédé en s’y opposant au polythéisme païen, la monarchie centralisée à l’éparpillement féodal, l’expansion des idées égalitaires à la division de la société en une sévère hiérarchie de classes.
Le moi social, point de coïncidence entre l’individu et la société. […] Il ne faut pas entendre par là la société même, ni simplement l’idée de la société, mais l’ensemble unifié de nos instincts sociaux, de nos idées sociales et de nos sentiments sociaux, en un mot la partie sociale de notre moi, celle par où nous coïncidons en quelque sorte avec les autres membres du groupe. — Pourquoi appeler cette partie un moi social ? […] Notre moi n’est pas tout renfermé dans notre individualité ; l’idée de la société dont nous sommes membres, avec toutes les tendances qui s’y rattachent, est partie intégrante de notre moi total ; elle constitue une sphère ayant le même centre que celle de l’individualité, mais s’étendant à la société entière. […] Pour vivre en société, il a fallu penser selon des catégories collectives, selon des régies collectives, sans quoi on n’eut pu ni se faire comprendre, ni comprendre autrui. […] Dès le début, l’homme s’est donc trouvé au sein d’une société, enveloppé dans des relations de toutes sortes avec des groupes plus ou moins vastes, jamais seul en face de son moi solitaire et clos.
La société est comme une femme, elle veut son peintre, son peintre à elle toute seule : il l’a été ; il n’a rien eu de la tradition en la peignant ; il a renouvelé les procédés et les artifices du pinceau à l’usage de cette ambitieuse et coquette société qui tenait à ne dater que d’elle-même et à ne ressembler à nulle autre ; elle l’en a d’autant plus chéri. […] Depuis qu’il existe une société civilisée, la femme de cet âge y a tenu une grande place, la première peut-être. […] Il y a eu un moment où, à Venise, par exemple, la société qui s’y trouvait réunie imagina de prendre les noms de ses principaux personnages, et de jouer leur jeu. […] Notre société gâtée et vicieuse ne comporte point de ces haines atroces et de ces vengeances. […] Cependant il se relevait déjà, et méditait de peindre à bout portant cette société nouvelle sous la quatrième forme dans laquelle elle se présentait à lui.
Chapitre IV Agitations et corruption de la cour — Causes d’accroissement pour la société de Rambouillet entre 1610 et 1623. […] Entre 1610 et 1620, la société de Rambouillet reçut un accroissement d’hommes illustres : savoir, Balzac, âgé de vingt-cinq ans, Chapelain, moins âgé d’un an que Balzac, Voiture, âgé seulement de vingt ans en 1618. […] Il trouvait un double avantage à la fréquentation de cette société, celui de satisfaire le goût très vif qu’il avait pour les jouissances de l’esprit, et de se dérober aux inquiétudes jalouses de Luynes, favori de Louis XIII, et défiant à l’égard de toute espèce de mérite, comme le sont d’ordinaire les favoris. […] Les écrits du temps n’indiquent pas les femmes qui faisaient partie de la société dans cette deuxième période, à la fin de laquelle la marquise avait atteint sa trente-cinquième année, et sa fille sa treizième. […] Depuis la renaissance des lettres, sous Louis XII (non sous François Ier), ils étaient, pour la plupart, attachés à quelque grand, et faisaient partie de sa cour : la société de Rambouillet les fit entrer en société de pair à pair avec tous.
Dans l’anxiété où l’on est, dans l’incertitude du but où la société européenne est poussée, on est allé demander des enseignements, des augures rassurants ou contraires, des raisons de se hâter ou de craindre, à ce grand peuple qui offre soixante années de prospérité croissante sous une forme politique jusque-là inaccoutumée dans l’histoire. […] Michel Chevalier, en exposant le mécanisme de certaines institutions, et le jeu compliqué des intérêts, ont montré de plus quel respect inévitable le spectacle d’un pareil développement de société inspirait à l’un des esprits les moins prévenus en faveur des expériences démocratiques. […] Mais à travers cette occupation spéciale, une autre idée d’observation plus étendue ne les avait pas quittés ; ils s’étaient attachés à étudier les divers ressorts du grand ensemble qu’ils avaient sous les yeux, et leur tâche officielle dignement remplie, ils viennent de nous reproduire la double face de la civilisation américaine tout entière, l’un, M. de Beaumont, la société civile et les mœurs dans le roman de Marie ; l’autre, M. de Tocqueville, la société politique et les lois, dans l’ouvrage que nous annonçons. […] M. de Tocqueville s’est-il épris d’enthousiasme pour cette loi des sociétés modernes, lorsqu’elle lui est apparue ? […] Il montre le reste de la société effrayé de ce spectacle, hostile à tout effort imprévu, n’appliquant ses lumières qu’à la conservation des intérêts et du bien-être, et manquant de l’énergie sagement active qui redresserait et tempérerait l’énergie aveugle.
L’existence des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports. […] S’il n’existait plus en France de femmes assez éclairées pour que leur jugement pût compter, assez nobles dans leurs manières pour inspirer un respect véritable, l’opinion de la société n’aurait plus aucun pouvoir sur les actions des hommes. […] Le danger très rare de rencontrer une femme dont la supériorité soit en disproportion avec la destinée de son sexe, doit-il priver la république de la célébrité dont jouissait la France par l’art de plaire et de vivre en société ? […] Il est utile aux lumières et au bonheur de la société que les femmes développent avec soin leur esprit et leur raison. […] C’est le public qui entend la calomnie, c’est la société intime qui peut seule juger de la vérité.
Il n’est personne qui ne connaisse cinq ou six cents excellents contes qui circulent dans la société : l’on rit toujours à cause de la vanité désappointée. […] Quand dans la société nous nous donnons des ridicules exprès, c’est encore par excès de vanité, nous volons ce plaisir à la malignité des gens dont nous avons excité l’envie. […] Molière, homme de génie, s’il en fût, a eu le malheur de travailler pour cette société-là. Aristophane au contraire entreprit de faire rire une société de gens aimables et légers qui cherchaient le bonheur par tous les chemins. […] Étonné qu’on eût si peu ri à ce chef-d’œuvre de Molière, j’ai fait part de mon observation à une société de gens d’esprit : ils m’ont dit que je me trompais.
. — Madame de Maintenon destinée à assurer le triomphe de la société polie. — Commencement de madame de Maintenon. — Son éducation. — Son mariage avec Scarron. — Naissance de son amour pour le roi. Nous touchons à la fin de cette guerre élevée entre la politesse sociale où la société polie, et le dévergondage de la société corrompue, et les affectations de la société précieuse. […] Mais l’excès de ce désordre même avait concouru à en amener le terme, et la société polie avait marqué le moment d’une réforme, pour les mœurs générales comme pour celles de la cour et du monarque même, dont l’exemple leur était si funeste. […] L’histoire de madame de Maintenon comprend celle de sa société. […] Les amis qu’elle s’était faits dans le premier rang de la société, lui restaient.
Necker, qui a tracé des portraits de société curieusement observés, en a fait un qui commence ainsi : « C’est une véritable tactique que la conduite d’un homme public occupé à cacher son ignorance. […] Necker est en quelque sorte définitif, à prendre celui-ci comme homme de société : il parle bien quand il consent à parler, mais il n’est point d’une facile conversation pour les autres ; on ne se trouve point d’esprit avec lui. […] Ses remarques proprement dites sont plus particulières ; elles sont faites en société, et en songeant à tel ou tel cas particulier. […] Le petit essai de sa façon qu’il intitula Le Bonheur des sots circula dans la société au xviiie siècle et y fut extrêmement goûté. […] Necker moraliste qui me semble aujourd’hui à préférer à son Bonheur des sots, ou du moins qui est plus intéressant pour nous : c’est un Fragment sur les usages de la société française en 1786.
Car tel a été le point de départ d’Edmond et Jules de Goncourt : — le xviiie siècle et son histoire… Et non pas sa grande histoire, l’histoire de ses faits et gestes politiques, littéraires et sociaux, mais la petite histoire de sa petite société, de ses petites mœurs, de ses petites passions, de ses petits arts, à tout ce petit monde qui n’eut de grand que sa corruption. […] Ils abordèrent le roman contemporain ; mais ils y portèrent des yeux accoutumés à regarder les petites choses du xviiie siècle et à tenir compte des moindres détails de cette société de dessus de porte et de trumeau. […] Et non seulement ces Lavatériens de l’Histoire s’étaient servis des portraits d’une époque pour en connaître mieux les hommes, mais ils s’étaient emparés de tous les produits d’art laissés par les sociétés derrière elles pour expliquer l’état moral de ces sociétés. […] … Elle est surtout faite de tableaux vus et souvenus… Et en la lisant tulle qu’ils l’écrivent, on se demande si c’est la société du xviiie siècle qui reflète son art, ou si c’est l’art du xviiie siècle qui reflète sa société, et quel des deux est le caméléon ? […] C’était moins neuf, ceci, que l’histoire par l’art et toutes ses manifestations ; car on ne pouvait tirer d’une autre source que de celle-là l’histoire des mœurs d’une société morte et qu’on n’a pas observée soi-même sur le vif.
La conception d’un lien de société entre l’homme et des puissances supérieures, mais plus ou moins semblables à lui, où il voit l’explication de l’univers et dont il attend fine coopération matérielle ou morale, voilà ce qui, selon nous, fait l’unité de toutes les doctrines religieuses. L’homme devient religieux, avons-nous dit, quand il super pose à la société humaine où il vit une autre société plus puissante et plus élevée, d’abord restreinte, puis de plus en plus large, — une société universelle, cosmique ou supra-cosmique, avec laquelle il est en rapport de pensées et d’actions. […] La société religieuse, la cité plus ou moins céleste est l’objet d’une conviction intellectuelle, accompagnée de sentiments de crainte ou d’espérance ; la cité de l’art est l’objet d’une représentation intellectuelle, accompagnée de sentiments sympathiques qui n’aboutissent pas à une action effective pour détourner un mal ou conquérir un bien désiré. […] Il y a, selon nous, une unité profonde entre tous ces termes : vie, moralité, société, art, religion.
C’est de là que nous tirerons les principes qui expliquent comment se forment, comment se maintiennent toutes les sociétés, principes universels et éternels, comme doivent l’être ceux de toute science. […] I Qu’on n’oppose point au premier de nos principes le témoignage de quelques voyageurs modernes, selon lesquels les Cafres, les Brésiliens, quelques peuples des Antilles et d’autres parties du Nouveau-Monde, vivent en société sans avoir aucune connaissance de Dieu35. […] Spinoza36 parle de la société civile comme d’une société de marchands. […] Mais s’il n’existait point de société, y aurait-il des philosophes ? Or, sans les religions, point de société.
Ainsi, dans toute société, la religion est un organe à la fois précieux et naturel. […] Rousseau et les spiritualistes. — Bonté originelle de l’homme. — Erreur de la civilisation. — Injustice de la propriété et de la société. […] Si la civilisation est mauvaise, la société est pire419. […] Plus l’humanité lui doit, plus la société lui refuse. […] « La société est naturelle à l’espèce humaine, comme la décrépitude à l’individu.
Il accorde de prime abord à la société tout ce que Rousseau lui refuse ; il l’accorde, non pas à la société telle qu’on l’avait alors sous les yeux, et qu’on la subissait dans tous les développements de la vie, mais à une société vraiment moderne qu’il concevait, et où l’art du réformateur eût présidé. […] Il a complètement erré en croyant que la raison pouvait s’enseigner en masse aux hommes et devenir la loi des sociétés à venir. […] Je déteste la société, parce qu’on n’y croit pas à la bonté morale. […] Ils se partagent en coteries d’intrigants, complices de quelque lâcheté ou d’une suite de lâchetés distinctive de chaque société. […] et Sieyès réédifiant, réinventant la société et l’entendement humain de la base au sommet, de fond en comble !
L’ancien roman calomniait la société, le roman tel que l’a conçu M. […] Il y a en pleine société un enfer de main d’homme. […] C’est la société qui est l’auteur de la déchéance de la femme. […] La société peut-elle empêcher cela ? […] Sue. — Le plaidoyer contre la société continue.
Sacrifie-toi à la société qui est infiniment plus grande, plus durable, plus féconde, plus puissante et plus belle que toi. Si tu trouves la société actuelle trop imparfaite et indigne de ton sacrifice, sacrifie-toi du moins à une société idéale qui ne peut manquer de se réaliser un jour et que ton sacrifice aura préparée. » — Toute morale rentre dans le système d’illusionnisme social que nous avons décrit plus haut ; ou plutôt elle en est la maîtresse pièce. […] Durkheim réprouve le suicide comme un attentat contre la société et contre l’humanité ; M. […] À vrai dire cette morale n’exclut pas d’une façon absolue l’idée de société et de sociabilité. […] Car l’aristocrate, dans son conflit avec la société, ne pourra manquer de se préférer à la société ; de préférer son propre idéal, c’est-à-dire le reflet de sa personnalité, à l’idéal social qu’il juge médiocre, faux et bas.
Et dans les sociétés les plus complexes, les plus étoffées, les plus surchargées de civilisation, tout se passe identiquement comme dans les sociétés les plus primitives, les plus simples : la famille, par exemple, cette première des sociétés… que dis-je ? […] Car il se fait aussi de l’Histoire dans le secret de notre cœur, et nous avons toute une société de sentiments, rude à gouverner, dans nos poitrines ! Il n’y a pas plus, ici et là, en nous ou dans les sociétés ! […] Une telle vue, si elle est réelle, met à bas d’un revers de main toutes les philosophies de l’Histoire, toutes ces modernes théories qui essayent d’expliquer la vie des sociétés autrement que la vie de l’homme, comme si elle renfermait des éléments de plus, comme si, avec l’homme seul, ce n’était pas déjà, pour les plus forts, assez difficile, et pour les plus pénétrants, assez mystérieux ! […] C’est la différence qui marque les deux sociétés, les deux révolutions, et qui, continuant, marquera, si l’on n’y prend garde, l’avenir prochain de la société française d’un signe terrible, qui n’a jamais marqué les temps les plus mauvais de l’Angleterre.
Comme François Ier avait, à bien des égards, bouleversé l’état de choses établi politiquement par Louis XII, il croyait de même que les femmes aimées par François Ier n’avaient pas moins dérangé l’honorable état de société établi par Anne de Bretagne. À partir de cette époque, il voyait comme une double lutte se poursuivre entre deux sortes de sociétés rivales et incompatibles, entre la société ingénieuse et décente dont Anne de Bretagne avait donné l’idée, et la société licencieuse dont les maîtresses de roi, les duchesse d’Étampes, les Diane de Poitiers, favorisaient le triomphe. […] Pourtant l’âge venait ; Louis XIV se tempérait à son tour, et une femme sortie du plus pur milieu de la société de Mme de Rambouillet et qui en était moralement l’héritière, une femme accomplie par le ton, la raison ornée, la justesse du langage et le sentiment des convenances, Mme de Maintenon, s’y prenait si bien qu’elle faisait asseoir sur le trône, dans un demi-jour modeste, tous les genres d’esprit et de mérite qui composent la perfection de la société française dans son meilleur temps. Le triomphe de Mme de Maintenon était celui de la société polie elle-même. […] Roederer, qui perçaient déjà dans quelques-uns de ses ouvrages sur Louis XII et François Ier, publiés en 1825 et 1830, n’acquirent tout leur développement et leur piquante évidence que par l’impression de son Mémoire sur la société polie, en 1835.
Le public, sur la foi des récits de société, s’était attendu à tant de rire et de folie qu’il n’en trouva pas assez d’abord. […] Il a créé des personnages qui ont vécu leur vie de nature et de société : « Mais qui sait combien cela durera ? […] Il y a des moments où il semble que la société tout entière réponde aux avis du docteur comme Figaro : « Ma foi ! […] Enfin, si l’on prend les deux personnages comme types de deux sociétés aux prises et en présence, il y a lieu à hésiter (quand on est galant homme) si l’on n’aimerait pas mieux vivre, après tout, dans une société où régneraient les Almaviva, que dans une société que gouverneraient les Figaro. […] J’ai, après ce récit, à résumer plus d’une idée et sur le caractère de la société à cette date, et sur le caractère de l’auteur.
Sur une telle conception aristocratique de la société et des acteurs de l’Histoire, voir la note 68. […] Ce dernier voit en effet dans la « suggestion de personne à personne », « l’essence de la vie sociale » (« Qu’est-ce qu’une société ? […] Tarde conclut : « la société, c’est l’imitation, et l’imitation c’est une espèce de somnambulisme » (« Qu’est-ce qu’une société ? […] C’est en 1884 que l’idée de suggestion apparaît dans son système, au moment même où Bernheim publie ses travaux, qu’il connaît (voir « Qu’est-ce qu’une société ? […] » (« Qu’est-ce qu’une société ?
Je dis indistinctement, parce qu’il serait aussi cruel qu’absurde de condamner à l’ignorance les conditions subalternes de la société. […] Celle qui leur convient à tous, quelle que soit la condition de la société qu’ils embrassent. […] Peut-on être un grand poëte sans la connaissance des devoirs de l’homme et du citoyen, de tout ce qui tient aux lois des sociétés entre elles, aux religions, aux différents gouvernements, aux mœurs et aux usages des nations, à la société dont on est membre, aux passions, aux vices, aux vertus, aux caractères et à toute la morale ? […] — Mais c’est le moyen de peupler une société d’hommes superficiels ! […] Je cède bien ridiculement à l’usage, et il faut que je sois étrangement subjugué par la routine pour supprimer l’école de l’agriculture et du commerce, les deux objets les plus importants de la société, l’art qui donne le pain, le vin, les aliments, qui fournit la matière première à toute industrie, à la consommation, aux échanges de citoyen à citoyen et aux échanges de société à société.
Longtemps il espéra le faire adopter à Rome, et par Rome, sur un mot d’ordre du Souverain Pontife, il se flatta de remettre au pas la société ecclésiastique, puis la société laïque elle-même. […] « Vous peignez admirablement (il s’adresse à M. de Coriolis) cette caricature de société a laquelle chaque jour ajoute quelque trait hideux ou comique. […] « La société renaîtra-t-elle ? […] « Il y a un désordre profond dans les esprits ; on ne s’entend sur rien : la société des intelligences est dissoute… Depuis que je suis ici (à Paris), je crois être à Charenton, et pis que cela. » (18 février 1826.) […] Le cauchemar domine ; l’Enfer tient plus de place que le Paradis. — « La société voyage dans les cercles de Dante. — Je vois comme une voûte de fer s’abaisser sur les peuples. — La société est idiote quand elle n’est pas frénétique, — cette pauvre société idiote qui s’en va à la Morgue en passant par la Salpêtrière. » C’est lui qui dit ces choses, et on peut imaginer quelle perspective lui composent ces belles images.
Son premier contact avec la société est pour lui apprendre que cette société est injuste et qu’elle fait souffrir des innocents. […] Il dénoncera le pharisaïsme de cette société. […] C’est pour celui-là que la société se montre si tolérante. […] C’est une société qui se désagrège, un monde qui s’en va. […] Zola, son impuissance à peindre certaines classes de la société.
Celles qui ont été préparées d’avance, qui se trouvent d’accord avec les instincts d’un peuple, avec les progrès naturels de la civilisation, finissent toujours par s’identifier dans les esprits, par se manifester dans toutes les formes de la société ; cependant celles-là mêmes ne peuvent parvenir à gouverner les hommes qu’après avoir fait éprouver de grandes douleurs. […] Dans les temps où la société est ainsi agitée par la lutte des idées anciennes qui voudraient ressaisir le sceptre du pouvoir, et des idées nouvelles qui ne veulent pas souffrir de partage, souvent c’est un malaise vague et intérieur dont il est difficile de marquer les périodes et de signaler tous les symptômes. […] Dans l’assemblée dont nous parlions tout à l’heure on voyait deux choses à la fois : certains dogmes de la société ancienne, à moitié admis, à moitié rejetés par ceux qui les professaient encore, ou qui voulaient encore les professer ; certains dogmes de la société nouvelle, qu’on avait le dessein d’admettre sans conviction, et par la seule nécessité des circonstances. […] Dans une telle révolution, qui atteint jusqu’aux éléments mêmes de la société, il a été bien permis, sans doute, et il n’est peut-être encore que trop permis à un grand nombre d’hommes de désespérer de notre existence sociale ; et ce malaise si naturel, qui continue toujours de se faire sentir, pourra bien ne se prolonger que trop longtemps. Néanmoins, que les timides se rassurent, la société ne peut périr ; et la France est restée à la tête de la civilisation de l’Europe, malgré toutes les vicissitudes de la fortune.
Mais Saint-Évremond eut le bon esprit de sentir qu’un homme de sa réputation ne pouvait reparaître avec avantage, après plus de trente ans, sur une scène aussi changeante que la cour ou que la société parisienne. […] Les exilés, gens d’esprit, écrivains, qui sortent de leur pays pour n’y plus rentrer et qui vivent encore longtemps, représentent parfaitement l’état du goût et la façon, le ton de société ou de littérature qui régnaient au moment de leur sortie. […] On voit, parla, quelles étaient les habitudes de la société de ce temps. […] La quantité de riens et de bagatelles de société, de petits vers et de billets galants de lui à elle, que Des Maizeaux nous a livrés, veulent être interprétés avec esprit et sans trop de rigueur. […] De simples plaisanteries de société y sont devenues matière à incrimination ; la relation avec la duchesse de Mazarin y est tout à fait travestie et défigurée.
La société qu’elle a fait vivre, qu’elle a animée, qu’elle a consolée, qu’elle a écoutée, cette société qui fut toute l’Europe pendant une moitié de siècle, n’est pas là davantage. Des noms qu’on cite ne sont pas une société. […] », qui n’est, après tout, qu’un mot gai, il n’y a pas un seul trait qu’on puisse retenir, et pourtant cette haute société, dont l’âme peut être usée, se venge à vivre sur la plaisanterie et sur la finesse d’aperçu. […] Ou je me trompe fort, d’ailleurs, ou l’éditeur anonyme a vécu avec la société de son portefeuille et elle a pour lui l’intérêt de tous les milieux où l’on a vécu. […] Madame Lenormant n’est, en somme, que la Phlippote de la société de l’Abbaye-au-Bois, qui, comme la Phlippote de Madame Pernelle, porte la lanterne devant eux tous et les reconduit ainsi à leur dernière demeure, — la tombe.
A l’esprit de classe et de distinction succéda l’esprit de société et de commerce. […] Le grand peintre attendait ses originaux ; la comédie attendait une société. […] Ainsi, la société française, considérée soit comme une image des sociétés humaines, soit comme type de la vie civile dans notre nation, était rentrée dans son naturel et sa vérité. […] La société doit tout fournir à la comédie, événements, caractères, langue. […] A aucune époque notre société n’a offert une image plus parfaite de l’esprit français.
La vie en société est le seul domaine où l’artiste puisse trouver des sensations dont l’expression naturelle soit l’œuvre d’art dramatique. […] Même parallélisme, en France, des courbes de l’histoire de la société et de l’histoire du théâtre. […] Le respect du pouvoir alla s’affaiblissant ; la société se fragmenta ; au lieu d’une cour il y eut vingt salons. […] Après le cataclysme de la Révolution et les guerres de l’Empire, il n’y eut plus de société : donc plus de théâtre d’art. […] Égoïsme ou égotisme, plaisir de digestion ou plaisir d’analyse : mais rien du cœur, nulle sympathie, nul groupement, nulle société.
La vie en société est le seul domaine où l’artiste puisse trouver des sensations dont l’expression naturelle soit l’œuvre d’art dramatique. […] Même parallélisme, en France, des courbes de l’histoire de la société et de l’histoire du théâtre. La société naît d’une création brusque, et comme artificielle, chez les Rambouillet, sous Louis XIII. […] Le respect du pouvoir alla s’affaiblissant ; la société se fragmenta ; au lieu d’une cour il y eut vingt salons. […] Égoïsme ou égotisme, plaisir de digestion ou plaisir d’analyse : mais rien du cœur, nulle sympathie, nul groupement, nulle société.
D’un autre côté, il y a aussi quatre différences principales entre les sociétés et les organismes individuels. […] 4° La plus importante différence, c’est que dans le corps animal il n’y a qu’un tissu doué de sentiment (tissu nerveux), et que dans la société tous les membres en sont doués. […] De même une société moins grossière comprend des guerriers et un conseil de chefs investis de l’autorité. […] Et de même que plus tard, entre la couche muqueuse et la couche séreuse, s’en forme une troisième dite vasculaire, d’où sortent les vaisseaux sanguins ; de même aussi, quand une société grandit, il se forme une classe intermédiaire, adonnée à l’industrie et au commerce, qui, elle aussi, est l’organe distributeur de la société, comme les vaisseaux sanguins l’appareil distributeur du corps. […] Une société inférieure, de même, n’a aucune route, aucune voie de communication ; mais le développement de la civilisation les suppose nécessairement.
Cette institution de Saint-Cyr, étudiée comme il nous la montre, exprime mieux la société de ce temps que toutes les autres institutions. […] « La France — a dit Sterne — n’a de salique que sa monarchie. » En ce pays, qui tient les femmes tient le fond même de la société, le secret de la civilisation. […] Si la science a quelquefois recherché les formes de l’arbre dans son germe, il semble qu’on puisse s’expliquer, par cette organisation de Saint-Cyr, la destinée et l’influence de toutes ces femmes qui allaient devenir la tige en fleurs de la société de leur pays et de l’Europe. […] — car on les trouve pêle-mêle dans les Mémoires du temps, léchés par la flamme de la Passion ou gravés sous les acides du Vice ; — mais, au contraire, la femme qui fait les mœurs et dont rien ne reste quand les mœurs d’un siècle ne sont plus : la femme générale, le type de toutes les autres femmes à une certaine hauteur de société. […] Cette grande Rêveuse que chacun de nous a dans l’esprit, cette Sultane favorite de nos facultés, l’imagination, préférera toujours aux lignes géométriques d’un camp les arabesques infinies d’une société, à moitié effacées sous le pied du Temps, et, à cause de cela, plus mystérieuses.
Tel fut l’ordre établi par la Providence pour commencer la société païenne. […] Les chefs de famille, plus courageux parce qu’ils avaient déjà formé une première société, recevaient sous leur protection ces malheureux réfugiés, et tuaient ceux qui osaient faire des courses sur leurs terres. […] Les seconds qui entrèrent dans la société y furent contraints par la nécessité de sauver leur vie. Cette société dont l’utilité était le but, fut d’une nature servile. […] Les contrats de société étaient inconnus, par un effet de l’isolement naturel des premiers hommes.
Que reste-t-il donc de prouvé sur le caractère de la société de Rambouillet et sur ses effets pendant les vingt premières années de son existence ? le voici : L’hôtel de Rambouillet nous offre d’abord le spectacle d’une société qui, sous les auspices d’une femme jeune, belle, spirituelle, de naissance illustre, épouse et mère d’une vertu exemplaire, se distingue par la pureté, la décence, la délicatesse de ses mœurs, et se sépare de la cour et des gens du monde de la capitale, tous plus ou moins entraînés dans des habitudes de dissolution et effrontée. […] Nous voyons en troisième lieu dans cette société d’élite un mélange heureux de personnes des deux sexes ; nous y remarquons la parité, je dirais volontiers la domination ou au moins la supériorité s’établir du côté des femmes dans les nouvelles relations dont l’hôtel de Rambouillet est le centre. […] Les périodes suivantes nous apprendront ce que vaut ce bienfait, ici je me borne à insister sur cette vérité, que nous le devons au mélange et à la parité des sexes dans la société dont l’hôtel de Rambouillet donna le premier exemple.
En un mot, la société dissoute peut-elle, en connaissance de cause, se recomposer ? […] Nulle chose ne peut soustraire la société à cette variation progressive. […] Cette société du Temple, dont il a chanté les plaisirs avec tant de grâce et d’abandon, était l’héritière de la société des Tournelles. […] Il était tout simple que Rousseau, s’occupant d’éducation, voulût élever l’enfant, non pour la société, mais contre la société. […] Il est clair que la société existe par le consentement de ses membres.
L’histoire, qui met la main sur toutes les artères d’une société, ne saurait naître que quand une société existe assez pour avoir le besoin de se raconter et de se connaître. Et qui donc croirait risquer un paradoxe en affirmant qu’il n’est rien de semblable en Russie, si l’on entend par société quelque chose de lié, de pénétré, d’intimement fondu, d’identique ; quelque chose, qu’on nous passe le mot ! […] C’est une imitation de société qui s’essaie encore, c’est un fantôme brillant qui joue la vie, un bas-relief byzantin en cire flexible, mais toujours prêt à recevoir l’impression du doigt de chair ou du cachet de métal. […] Malgré la force d’imitation des hautes classes, qui fait ressembler les mœurs russes à la descente de la Courtille d’un carnaval sous Louis XV, elles n’imitent point les Mémoires de cette société qu’elles imitent. […] Où il n’y a pas de société, il ne peut y avoir que l’expression d’une société étrangère.
Dès lors, toute attaque dirigée contre la religion catholique apportait dans les conditions d’existence de la société française une perturbation que le gouvernement ou la société si le gouvernement passait à l’ennemi, comme, par exemple, dans le cas de la royauté protestante d’Henri IV, avait le droit et le devoir de réprimer comme un attentat… » Très certainement, rien n’est plus vrai et d’une vérité plus élémentaire, mais rien aussi n’est d’une vérité plus impuissante sur la masse des esprits, qu’une telle affirmation, et cela en raison de sa clarté et de sa simplicité même. […] Il faut bien qu’on le sache, le catholicisme était alors la société même, une société armée, vivante et qui, comme toute société vigoureuse, comme tout être vivant et normal ne voulait pas être blessée, et se sentait une vie trop puissante pour se résigner à mourir. Le catholicisme ne s’appliquait pas seulement à cette société. […] Le peuple, menacé au xvie siècle dans tout ce qui était sa vie, sentait absolument cette identité que les historiens devraient montrer davantage pour expliquer une action qui ne fut point une révolte dans le sens que les révolutions modernes ont donné à ce terrible mot, et pour l’expliquer aux penseurs politiques de nos jours qui ont rayé, il est vrai, les questions de foi de leurs programmes, c’est-à-dire toute l’économie de la vie morale, mais qui, en présence des intérêts matériels, comprendront peut-être que la Ligue, c’est-à-dire la société même, courût aux armes pour se sauver ! […] … La doctrine insensée, qui est l’inféodation d’une société aux fautes et aux crimes de ses gouvernements, n’a jamais pu tenir nulle part, même en France, devant ces faits et devant l’histoire.
Je sais bien que quelque chose d’analogue ou d’approchant doit exister déjà grâce aux différentes Académies de province, aux Sociétés d’émulation, etc. ; mais il n’y a rien de complet en ce genre ; la dispersion, la dissémination est toujours ce qui nuit aux études provinciales. Le ministre de l’instruction publique a, par une fondation heureuse, réuni depuis quelques années, les travaux des diverses Sociétés provinciales et les a fait en quelque sorte comparaître à son ministère pour être, après examen en commission et rapport, analysés ou mentionnés dans la Revue des Sociétés savantes : une solennité annuelle rassemble à Paris sous sa présidence et met en contact, dans une sorte de congrès, les membres de ces Sociétés qui correspondent utilement avec son ministère. […] La Diana, organisée comme elle va l’être, et d’après le plan indiqué, méritera de devenir une société modèle. […] Ce qu’un individu a peine à faire, une société composée des notables du pays le fera aisément.
La période de 1650 à 1660 va nous montrer une triple opposition : celle des mœurs dissolues et débordées de la cour et de la capitale, d’un côté, avec les mœurs retenues de la société spirituelle, décente et polie de l’autre, avec les précieuses ridicules. Pour bien saisir cette opposition d’esprit et de mœurs, il est nécessaire de se faire une idée juste des trois partis opposés, à commencer par celui de la cour et de la Fronde qui servirent de modèle à la multitude ; viendra ensuite l’étude de la société d’élite ; et enfin celle des précieuses. […] La reine-mère trouvait bon que le jeune roi fréquentât la maison de la comtesse de Soissons, sachant bien que Marie Mancini, la plus jeune des trois sœurs, attirait son attention, mais persuadée qu’il n’aurait jamais la pensée d’épouser cette étrangère, et que sa société serait pour lui un amusement sans autre conséquence possible que le déshonneur d’une bourgeoise italienne. […] Ici il ne s’agit que des mœurs d’exception, de la société dite des précieuses, et de la société d’élite que j’appelle la société polie.
Elle tire son unité de la religion, principe producteur et conservateur de la société. […] Le commencement de la religion fut celui de la société. […] Ces petites sociétés étaient essentiellement guerrières (πόλις, πόλεμος). […] Essai sur l’histoire de la société civile, 1767 ; trad. — Millar. Observations sur les distinctions de rang dans la société, 1771. — Kames.
Ce fut avec une incroyable passion que la société polie s’appliqua à débrouiller, à perfectionner la langue : tous nos précieux et nos précieuses, marquis, magistrats, prélats, femmes, disputent sur le sens, le mérite, l’orthographe des mots. […] Le bruit de ces doctes entretiens se répandit ; en 1629, Richelieu fit offrir à la société de lui donner sa protection et une existence officielle. […] À peine constituée, la nouvelle société se demanda ce qu’elle allait faire dans ses séances hebdomadaires du lundi : ce n’était pas pour causer évidemment qu’un corps officiel pouvait se réunir. […] L’Académie, en entreprenant le Dictionnaire, et en projetant une grammaire, retirait à la société polie la direction du mouvement de la langue. […] Bouhours, type accompli de la délicatesse intellectuelle et de l’inaptitude artistique de la société polie, la langue s’enrichit parfois en se dépouillant. » De quoi s’était-elle dépouillée en effet ?
Nous l’avons dit déjà, Tallemant des Réaux n’est capable d’aucune conclusion de jugement inévitable et souveraine, d’aucune observation vigoureusement liée, d’aucune vue d’ensemble et supérieure, sur cette société qu’il picore, abeille d’une espèce étrange qui va aux puanteurs comme l’autre aux parfums, et qui ne sait pas même construire son rayon de venin comme l’autre son rayon de miel ! […] Autant qu’il est en lui, il défait la société par les combles et par les fondements. […] … Un éloge adroitement et captieusement touché de la société du xviie siècle, exaltée dans sa préface au point de vue de cette égalité qui est l’idée fixe et le tourment de la société d’aujourd’hui, nous donne à croire que, si Tallemant des Réaux avait été d’une condition plus relevée, il aurait moins intéressé son annotateur. […] Grâce à cet homme, qui pêche des anecdotes comme on pêche des anguilles, jusque dans la vase, un esprit politique n’aurait-il pas, au moins, indiqué le mal de ce temps qu’on prend pour une époque de force et de virilité, et qui n’offre aux yeux fascinés que la ruine suspendue d’une société dont la tête va tout à l’heure porter contre le fond de l’abîme, mais qui, jusque-là, trouve doux de tomber ? […] Il va, il vient, il flâne, il trotte sur les pas de son vieux Tallemant, mais de repli véhément sur soi-même, de réflexion, d’appréciation pénétrante qui ouvre le flanc à cette société qui a la mort dans les entrailles et qui a l’air de vivre si fort, il n’y en a trace nulle part dans la préface ou dans les notes de ce bel esprit superficiel.
En France, le mot sentiment, appliqué aux instincts de la société, est bien près d’être décrédité. […] Cet état si nouveau dans la société sera soumis à un examen attentif ; et si nous ne pouvons l’expliquer, il aura toujours été utile de le faire remarquer, pour que désormais il entre comme élément de calcul dans toutes les théories politiques. […] Les dynasties chrétiennes ne font qu’un avec les peuples chrétiens, et n’ont qu’une vie avec eux : ceci tient au perfectionnement introduit par le christianisme dans les sociétés humaines comme dans tous les ordres d’idées et de sentiments. […] L’un avait d’antiques traditions qu’il était accoutumé à respecter ; l’autre avait l’ascendant qui ne manque jamais aux dépositaires de destinées nouvelles ; car, avant tout, il faut que la société marche. […] Ceux dont les opinions de sentiment ne sont pas en harmonie avec l’état actuel de la société, et qui les immolent avec une résignation loyale et courageuse sur l’autel de la réconciliation, font un sacrifice dont on doit leur tenir compte.
Néanmoins, quand la maîtresse du roi ne fait pas scandale dans la société, la société est plus corrompue que le roi, parce que, en l’imitant, elle n’a pas comme lui l’excuse de mariages formés par la politique, au lieu de l’être par les convenances morales. […] La Fontaine fut reçu dans sa société, Ce fut le genre de conversation à laquelle elle se plaisait qui inspira au jeune poète ces contes auxquels on reproche une liberté plus que gaie. […] La duchesse de Bouillon trouvait du plaisir dans cette société ; elle présenta nos poètes à ses sœurs, la duchesse de Mazarin et la comtesse de Soissons, qui tenaient de grandes maisons à Paris. […] En 1664, on voit la société des quatre amis devenir plus étroite, à mesure que leur talent se développe.
Mais, reprend-on, — il faut que la société se venge, que la société punisse. — Ni l’un, ni l’autre. […] La société est entre deux. […] Avant peu, la société entière la résoudra comme nous. […] Ainsi l’ancienne société sera tombée pierre à pierre ; ainsi la providence aura complété l’écroulement du passé. […] La voûte de la société future ne croulera pas pour n’avoir point cette clef hideuse.
Il résulte, je crois, de ce qui précède, qu’on peut regarder la révolution opérée dans la langue comme l’ouvrage de deux sociétés distinctes qui se partageaient la société générale des femmes honnêtes. Je vais y concourir pêle-mêle, qu’on me passe cette expression, la société dite des précieuses, et séparément la société choisie. […] Je considère les 800 précieuses ou alcovistes, dont Somaise a donné le nom et la demeure en 1661, comme 800 personnes académiques qui se partageaient en différentes sociétés mixtes de galanterie décente et de langage soigné. […] Je passe au second travail dont j’ai parlé : celui de la société choisie, c’est-à-dire de bonnes mœurs, de bon ton, de bon goût. […] La langue, ai-je dit, était à peu près fixée ; mais les tons, les styles, les différentes formes du langage, ne l’étaient pas : ce fut l’ouvrage de la société polie.
Ce rôle ne saurait se séparer du souvenir et de la représentation fidèle de la société où il a vécu. […] Ce ne sont chez lui que plaisanteries de société et de coterie, tours de force subtils dont on ne sait d’abord que dire quand on le lit aujourd’hui, et qu’on n’est pas très sûr d’entendre à moins d’être initié. […] Ce qu’on a à faire en lisant aujourd’hui Voiture, ce n’est donc pas tant de chercher si ce qu’il dit est pour nous réellement plaisant, c’est plutôt de se figurer par lui quel pouvait être le tour d’esprit et d’amusement en vogue dans cette société ingénieuse, recherchée et souverainement élégante, de qui date chez nous l’établissement continu de la société polie. […] L’esprit de Voiture était toujours en action et en mouvement comme pour un théâtre de société. […] Sa poésie passait presque toute en compliments et en dragées de société.
Cette habitude insensible des comparaisons, des combinaisons conciliantes, des accroissements par rencontre et par relation de société, leur a manqué ; les nuances, les correctifs ne sont pas entrés dans leur première manière : ils sont tranchés et crus. […] La société transformée a transformé l’âme. […] Il en est ainsi d’un bout à l’autre de l’histoire ; chaque siècle, avec des circonstances qui lui sont propres, produit des sentiments et des beautés qui lui sont propres ; et à mesure que la race humaine avance, elle laisse derrière elle des formes de société et des sortes de perfection qu’elle ne rencontre plus. […] Je parle, bien entendu, dans la supposition, qui est la vraie, que le cadre de la civilisation ne sera pas entièrement changé, que la tradition ne sera pas brisée tout entière, et qu’il y aura lieu, même dans des sociétés assez différentes, aux mêmes formes essentielles des esprits. […] Cela prouverait seulement qu’il faut beaucoup rabattre des écrits, et que lorsqu’on dit et qu’on répète que la littérature est l’expression de la société, il convient de ne l’entendre qu’avec bien des précautions et des réserves.
Jusqu’ici on conviendra que Chamfort ne semble pas avoir eu tant à se plaindre de l’ancienne société, et qu’il a été payé de ses productions outre mesure. […] Si la société ne m’est bonne à rien, il faut que je commence à être bon pour moi-même. […] Chamfort en voulut toujours mortellement à l’ancienne société de l’avoir pris pour un poète aimable et de l’avoir traité en conséquence. […] » La plupart des maximes de Chamfort, relatives à la société, ne s’appliquent qu’au très grand monde dans lequel il vivait, à la société des grands ; et heureusement elles deviennent fausses dès que l’on considère un monde moins factice, plus voisin de la famille, et où les sentiments naturels ne sont pas abolis. […] » C’était dans une société plus intime, plus choisie, et où il se sentait apprécié comme il voulait l’être, qu’il était le plus à son avantage.
Vrai moderne, il se forma directement par la pratique de la société. […] Pour lui, il se fait auprès du consul le représentant et l’organe des anciennes forces conservatrices de la société, par antagonisme à ce qu’il y a, dans un autre sens, de forces et d’intérêts purement révolutionnaires. […] Pour séduire une société en dissolution, il fallait plus d’esprit, d’ironie, d’immoralité, que de raisonnements dogmatiques ou profonds. Cet écrivain tombera à mesure que les choses sérieuses reprendront de l’ascendant et autant que la société se trouvera bien gouvernée ; mais toutes les fois qu’elle entrera en opposition contre le gouvernement, quel qu’il soit, Voltaire retrouvera tout son crédit, parce qu’il est fort amusant à lire pour ceux qui sont mécontents. […] Il préférait la forme monarchique comme donnant à la société plus de garantie.
De toutes les œuvres de l’esprit humain, une comédie n’est pas la moins grande, et elle demande surtout, pour parler le langage des sociétés avancées dont elle retrace les mœurs ou les caractères, une intelligence profondément cultivée et littéraire, qui n’est pas précisément, comme on le sait, le genre d’intelligence de Μ. de Girardin. […] Lui qui, dans sa Politique universelle demande l’abolition légale de la paternité, et, dans ce qui fut son journal, l’abolition de l’orthographe, — c’est-à-dire, du même coup, la suppression de la famille dans la société et dans le langage, — Μ. de Girardin se pique trop de logique pour réclamer contre nous. […] Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. […] Adam a acheté l’hôtel de Μ. le comte de La Rochetravers, contigu au sien, et voilà par quelle invention et quelle porte la société de l’avenir, de l’écu, des parvenus, représentée par les Adam, vient s’aligner visage à visage avec la société du passé, des traditions et des déchus, représentée par les La Rochetravers. […] La vieille société, cette société qui s’en va du monde et que Μ. de Girardin reconduit jusqu’à la porte avec des injures, a surtout pour expression, dans sa pièce, la marquise de La Rochetravers, mère du jeune marquis Roger, chef de la maison et de la branche aînée, comme l’on disait autrefois.
L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme Il n’est pas inutile de rechercher dans quel milieu et dans quelle atmosphère se poursuivait l’effort de spiritualité du symbolisme. […] Tout s’y trouve de ce qu’il est indispensable de voir et de savoir pour prendre figure d’homme du monde et se produire, avec avantage, dans la meilleure société : l’adresse des bons faiseurs, des recettes inédites de parfums, dont l’une est empruntée à M. […] C’est à les glaner au hasard que nous pouvons prendre mesure de la société du temps et découvrir en quoi consistait, aux yeux de l’élite, la vertu du « surhomme » en l’an de grâce 1897. […] La fine fleur de la société, en quête de distractions distinguées, imite les grands ducs en tournée, découvre les tsiganes, les lutteurs de chez Marseille, la Goulue, le Pétomane et se donne patience, en accréditant le Moulin Rouge et la foire de Neuilly, d’attendre la Foire des foires, en construction, l’exposition universelle de 1900 qui sera surtout prétexte à villages nègres et à danses du ventre. […] Il en est quelques-uns que j’ai gardés pour la bonne bouche et qui montrent que, si positivement dénuée d’idéal que soit une société, son instinct l’avertit qu’il n’est point de vraie élégance hors du commerce des Muses et que c’est d’elles que l’esprit reçoit son vernis suprême.
On aimait en lui l’expression vraie de la façon de sentir d’une classe de la société et le naïf effort du demi-lettré pour créer un instrument à sa pensée. […] Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune. […] J’appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l’on ne peut rien faire sans être riche, où l’objet principal de l’ambition est de devenir riche, où la capacité et la moralité s’évaluent généralement (et avec plus ou moins de justesse) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l’élite de la nation soit le cens. On ne me contestera pas, je pense, que notre société ne réunisse ces divers caractères. Cela posé, je soutiens que tous les vices de notre développement intellectuel viennent de la ploutocratie et que c’est par là surtout que nos sociétés modernes sont inférieures à la société grecque.
L’homme existe de deux façons : selon la société et selon la nature. Dieu met en lui la passion ; la société y met l’action ; la nature y met la rêverie. […] La société se meut dans la nature ; la nature enveloppe la société. […] Il vivrait dans la nature, il habiterait avec la société. […] Sous la société qui tremble à tous les vents.
La société, loin d’y porter atteinte, ne fait que la garantir contre l’abus de la force, qui la rend illusoire. […] La loi ne peut défendre que ce qui est nuisible à la société ; elle ne peut ordonner que ce qui lui est utile. […] Quant au devoir de la société d’assister obligatoirement tous ses membres, la taxe des pauvres et l’impôt sur le revenu, pour égaliser le tribut aux forces contribuables, je suis toujours dans l’opinion qu’aucune société bien ordonnée ne peut subsister sans âme, que l’âme sociale doit se manifester par des actes moraux, et que la moralité de la société est dans l’assistance mutuelle de ceux qui la composent. […] La société n’est plus qu’un universel esclavage. […] La société a institué la propriété, proclamé la liberté du travail et légalisé la concurrence.
La société et la législation n’ont fait que suivre ses indications. […] Le génie n’est pas de la compétence de la société, il est arbitraire comme la nature. […] Il n’est pas étonnant que leur fille ait contracté dans cette société le vice du temps. […] Elle appela ces entretiens la société par excellence. […] La société transformée en auditoire provoquait, au lieu de l’entretien, le discours.
À côté de cette barbarie, une société charmante, pleine d’esprit, de lumières et de grâce. […] La France était une grande société d’actionnaires formée par un spéculateur de premier ordre, la maison capétienne. […] Rappelez-vous ce qui a tué toutes les sociétés coopératives d’ouvriers : l’incapacité de constituer dans de telles sociétés une direction sérieuse, la jalousie contre ceux que la société avait revêtus d’un mandat quelconque, la prétention de les subordonner toujours à leurs mandants, le refus obstiné de leur faire une position digne. […] De la sorte, la société devient un ensemble lié, cimenté, où tout est devoir réciproque, responsabilité, solidarité. […] La France, qui était autrefois une société de ce genre, est tombée.
Vous auriez ri comme eux si vous eussiez été de leur société. […] Mais la société demande autre chose encore. […] Et pourtant la société ne peut intervenir ici par une répression matérielle, puisqu’elle n’est pas atteinte matériellement. […] » Passons à la société. […] Risible sera donc une image qui nous suggérera l’idée d’une société qui se déguise et, pour ainsi dire, d’une mascarade sociale.
Il demande au christianisme d’accepter les conditions nouvelles dans lesquelles la société est entrée depuis trois siècles, et qui sont la science libre, la conscience libre, la pensée libre. […] Il voit avec raison les plus grands périls dans le défi porté par certains actes, certaines paroles, à la société moderne. Cette société en est arrivée à croire à ses principes comme à des articles de foi, et l’on a bien raison de dire qu’elle a aussi son credo. […] Guizot accepte entièrement le principe de la discussion libre et tous les autres principes de la société moderne. Il veut que le christianisme s’arrange pour vivre au sein de cette société, sache s’y faire sa place, qu’il en accepte les conditions décidément et de bon cœur.
Il y a donc autant de littératures diverses qu’il y a de sociétés différentes. […] La société, telle que l’avait faite la révolution, a eu sa littérature, hideuse et inepte comme elle. Cette littérature et cette société sont mortes ensemble et ne revivront plus. […] De même que les écrits sophistiques et déréglés des Voltaire, des Diderot et des Helvétius ont été d’avance l’expression des innovations sociales écloses dans la décrépitude du dernier siècle, la littérature actuelle, que l’on attaque avec tant d’instinct d’un côté, et si peu de sagacité de l’autre, est l’expression anticipée de la société religieuse et monarchique qui sortira sans doute du milieu de tant d’anciens débris, de tant de ruines récentes. […] Mais la France n’eut pas ce bonheur ; ses poëtes nationaux étaient presque tous des poëtes païens ; et notre littérature était plutôt l’expression d’une société idolâtre et démocratique que d’une société monarchique et chrétienne.
C’est de beaucoup plus que de la société en surface ; c’est du fond d’elle-même, — de son axe, — de son être enfin, qu’il s’agit. […] L’Académie, tout idéologue qu’elle puisse être, ne l’a pas été au point de croire à l’abstraction d’une société qui ne serait pas la société française. Quand elle s’est servie de ce vague mot de société, c’est évidemment de nous qu’elle voulait parler, et Armand Hayem l’a bien compris ainsi, malgré les bouffées de métaphysique qui offusquent parfois son esprit, et qui embrouillent un livre qui pouvait être fort et rester sobrement et simplement un livre d’observation historique, sans mélange affaiblissant ou énervant d’aucune sorte. […] Cette anarchie incontestable, et que vous voyez, est-elle le mal irrémédiable d’une société condamnée par elle-même à mourir ? […] À cela l’histoire, qui ne rêve pas et qui même empêche de rêver, l’histoire répond par les sociétés qui meurent et les civilisations qui se déplacent, comme la mer qui avance là et recule ici sur ses rivages, et c’est, parce que tout finit, toujours tout à recommencer !
Il avait pour toute société un nègre nommé Jupiter, et rien, si ce n’est peut-être la révolte de ses souvenirs, ne troublait les jours de sa vie, semblables et tranquilles. […] Est-ce cet état de société qui fait seulement la valeur d’Edgar Poe ? […] Quand les choses en sont là partout, quand la masse des lumières et des connaissances peut être regardée comme égale dans toutes les sociétés chrétiennes, les Claudiens de nos décadences — en Amérique ou autre part — doivent être plus étranges et plus compliqués que ceux des sociétés qui n’avaient pas usé sous elles autant d’idées que nous, quand elles croulèrent. […] C’est la vieille thèse, la thèse individuelle, et il faut bien le dire, puisque c’est la même chose, la thèse bohème contre les sociétés. […] C’est peu de chose, comme on voit, mais le fond de l’histoire, c’est toujours l’Amérique, l’Amérique avec le matérialisme impitoyable de sa société, meurtrière de tout idéal.
. — De la société française au dix-septième siècle. — § II. […] Des temps où fleurissent les moralistes — De la société française au dix-septième siècle. […] C’est un besoin des sociétés arrivées à leur maturité de tracer des règles, de réduire leur expérience en maximes, d’engager les âges à venir par les exemples du passé. […] Vers les deux tiers du dix-septième siècle, la société française en était arrivée là. Elle pouvait croire, sans illusion, qu’aucune société humaine n’en avait su plus qu’elle sur l’homme.
Si, comme on nous l’accorde, cette synthèse sui generis qui constitue toute société dégage des phénomènes nouveaux, différents de ceux qui se passent dans les consciences solitaires, il faut bien admettre que ces faits spécifiques résident dans la société même qui les produit, et non dans ses parties, c’est-à-dire dans ses membres. […] Pour comprendre la manière dont la société se représente elle-même et le monde qui l’entoure, c’est la nature de la société, et non celle des particuliers, qu’il faut considérer. […] On a dit, par exemple, que le fait social, c’est « tout ce qui se produit dans et par la société », ou encore « ce qui intéresse et affecte le groupe en quelque façon ». Mais on ne peut savoir si la société est ou non la cause d’un fait ou si ce fait a des effets sociaux que quand la science est déjà avancée. […] La proposition n’est, d’ailleurs, que partiellement exacte. ― Outre les individus, il y a les choses qui sont des éléments intégrants de la société.
Venu dans un temps « où la fatuité était fort à la mode, où la société était uniquement tournée de ce côté, et où le rôle qu’on y jouait dépendait de s’y faire remarquer par des bonnes fortunes », il s’y adonna. Je ne sais rien qui peigne mieux le genre de rouerie cher à ce monde oisif et raffiné, que le chapitre de Besenval intitulé Aventures de la société, et qui se rapporte à des intrigues galantes tramées vers 1753. […] Quand toute une haute société s’amuse de la sorte, il est juste, tôt ou tard, que revanche et pâtiment s’ensuivent. […] C’est l’homme du monde que j’envie davantage : il a un caractère unique. » À merveille pour un homme de société et qu’on appelle aimable ! […] [1re éd.] que pour nous avoir raconté et dévoilé avec une insouciance trop nue et une trop insolente aisance la société gâtée
La correspondance de Frédéric et de Jordan commence en mai 1738, avant que Frédéric soit devenu roi ; ce sont des vers que le prince lui envoie à corriger et à raturer, des plaisanteries de société, des riens. […] Il faut distinguer des moments très différents dans les amitiés et dans la société du grand Frédéric. Le premier moment, nous l’avons vu, tout idéal et pur, est celui de la société de Remusberg, qui s’étend jusqu’à l’avènement au trône. […] Se tournant autour de lui et cherchant à qui parler, il trouvait à peine quelques débris fatigués de sa société première, ou des académiciens-grammairiens de Berlin qui pouvaient être de quelque utilité, mais de nul agrément. […] À l’âge de cinquante ans, on forme difficilement de nouvelles liaisons ; et qu’est-ce que la vie sans les agréments de la société ?
Il n’est pas surprenant que la société des grands ait une espèce d’attrait pour les gens de lettres. […] Mais combien de gens de lettres pour qui la société des grands est un écueil à cet égard ! […] En effet, cette société est réellement la plus utile et la plus noble que puisse désirer un homme qui pense. […] Faudra-t-il donc que les gens de lettres renoncent tout-a-fait à la société des grands ? […] Aujourd’hui que notre langue se dénature et se dégrade, les grands écrivains la devineront de même en proscrivant de leurs écrits le ramage éphémère de nos sociétés.
Mais toutes ces divisions sont elles-mêmes incomplètes ; car il y a, à chaque moment, les différentes classes distinctes ou séparées, la Cour, la Noblesse, la Ville, et celle-ci partagée en haute finance, bourgeoisie moyenne et petite bourgeoisie, et ce qui est vrai de l’une de ces sociétés, ne l’est pas de l’autre. […] Pour décorer la société, il a été résolu de faire celui-ci de l’Académie française… On a exigé de Mme de Pompadour qu’elle remit la nomination de Piron à une autre fois, et la marquise a conduit ceci avec beaucoup de finesse, ne se tenant que derrière le rideau, ce qui a pleinement réussi jeudi. […] Société française, ancienne société tant regrettée, — non pas celle que je vois déplorer chaque jour dans des écrits bruyants, avec de grands hélas ! […] je l’ai connue, je l’ai vue et goûtée cette société d’autrefois en quelques-uns de ses débris exquis, de ses derniers rejetons retardés, qui se continuaient sur plus d’un point dans la société nouvelle. […] La société moderne n’est pas si déshéritée !
En combattant la philosophie du dix-huitième siècle, l’auteur s’élève de sphère en sphère, et va de l’homme à la société et de la société à Dieu. […] Là est la raison de tous les phénomènes que présentent les sociétés anciennes et modernes. […] « Les sociétés les plus fortes de l’antiquité ont été la société égyptienne, la société hébraïque et la société romaine, où le ministère politique, patriciat chez les Romains, ministère lévitique chez les Juifs, guerrier chez les Égyptiens, était fixe, héréditaire et propriétaire. […] Elle finit, répond inexorablement M. de Bonald, confondue avec d’autres sociétés. […] Avant de dire ce que M. de Béranger fit pour la société, il est juste de dire ce que la société avait fait pour lui.
Il semble que la chute définitive de l’ancien édifice, qu’on s’obstinait à restaurer, ait, à l’instant, mis à nu les fondements encore mal dessinés de la société future que les novateurs construisaient dans l’ombre. […] On en peut augurer que, sous le malaise actuel de la société, il se prépare un travail d’amélioration effective dont quelques éléments pénètrent plus ou moins dans ces ébauches, en partie chimériques, auxquelles nous assistons. […] L’apostasie de nos gouvernants, l’impudente palinodie de certains hommes qui se retournent aujourd’hui contre les idées dont ils sont issus ; l’hésitation de la société à se reconnaître et à reprendre son train progressif au milieu du désappointement qui a suivi la dernière secousse ; toutes ces circonstances ont favorisé chez quelques esprits élevés, mais trop absolus, trop prompts, le dénigrement inconsidéré des principes et des garanties qui sont pourtant devenus plus que jamais l’indispensable condition de la société moderne. […] Reynaud, on a eu tort de tant décrier les formes représentatives ; elles sont précieuses à conserver : c’est un cadre où toutes les idées avancées de réforme peuvent s’introduire ; il ne s’agit que de faire concorder ce cadre dans ses divisions et compartiments avec l’état vrai de la société. […] Une mise en présence aussi tranchée de deux intérêts différents, de deux portions de la société aussi inégales, de ceux qui ont et de ceux qui n’ont pas, ne nous paraît avoir aucun inconvénient dans une analyse philosophique, et peut même être commode pour manier, pour dégager certaines vérités sociales et les exprimer plus en saillie ; mais il n’en serait pas ainsi, suivant nous, dans la pratique.
A un récit complexe et continu, il a préféré une suite de tableaux représentant, l’un après l’autre, tous les grands côtés de la société française sous le règne de Louis XIV. […] Comment une société tombée en dissolution parce que tout le monde veut la gouverner, et personne gratuitement, va-t-elle se relever sur ses bases, et quelles sont ces bases ? […] Nous connaissons l’idéal de Voltaire en fait de société humaine. […] Voltaire n’a pas connu le cœur de la société moderne. […] Elles vivent par ces vérités supérieures qui, après avoir servi à réformer la société, servent encore à la perfectionner, et qui sont à la fois l’expression de ce qui s’est fait et l’idéal de ce qui reste à faire pour améliorer les sociétés humaines.
La première est de connaître exactement l’état moral d’une société à un moment donné. […] Voilà, entre vingt autres, des sujets de discussion qui prouvent qu’une société peut contenir et contient d’ordinaire cinq ou six morales en lutte les unes avec les autres. […] L’orgueil est le péché mignon de toute société aristocratique ; l’avarice et la cupidité sont plutôt les plaies d’un monde ou l’argent est dur à gagner. […] Ainsi l’état moral de la société féodale se reflète, sous ses deux faces contraires et inséparables, dans les types imaginés par les poètes. […] C’est pourquoi des Sociétés de tempérance n’ont pas hésité à faire jouer le drame tiré de L’Assommoir de M.
On y verrait si on ne l’a pas ressuscitée autant qu’on l’a pu, cette société morte ; si on ne l’a pas exaltée comme un idéal fini, il est vrai, mais charmant et toujours délicieux à contempler dans les petits trumeaux de placage qu’on lui a dressés de toutes parts ! […] Il n’a pas cru, lui qui a touché pourtant à tout le bagage de fétidités, laissé par cette société pourrie et parfumée, qu’il y eût une lessive à faire pour blanchir le linge de ce siècle, taché du vermillon de tous les excès. […] Mais il n’a pas plongé une seule fois dans les entrailles de cette société corrompue et à la corruption de laquelle ses chefs ont si misérablement travaillé ! […] L’inconséquence entre les opinions qu’on a et la vie qu’on mène est bien plus commune que l’hypocrisie, ce vice des sociétés fortes, qui gêne comme un masque et suppose une volonté et un caractère inconnus aux sociétés faibles, lâchement et cyniquement sincères, mais cette inconséquence ne fausse pas la vérité des principes, parce qu’en pratique elle les viole, et tout au contraire, elle la proclame de plus haut ! […] Ce perpétuel déterrement de toute cette vieille société, que nous connaissons suffisamment et pour tout le mal qu’elle a fait, et pour le profit qu’on en retire, n’est pas seulement malsain, il est nauséabond.
indépendamment des opinions, des vues et de la conclusion de l’auteur, qu’il soit pour ou contre son héros, qu’il le tue sous la société ou qu’au contraire il tue la société sous lui. […] Mais, vraiment, la société actuelle, cette vieille de quatre-vingt-dix ans, pourrait-elle supporter dans sa terrible logique une aussi complète individualité ? […] C’est là une idée et un mot chevaleresques, traînant d’une société finie dans une société qui rit de la chevalerie et des monarchies à la Montesquieu, fondées sur l’honneur. […] La société qui se meut ici, c’est cette société égalitaire de tout ce qui a quarante mille livres de rente, — qui plus, qui moins. […] Petites passions d’une petite société, exprimées petitement.
Il est clair qu’une telle société religieuse, fondée uniquement sur l’attente du royaume de Dieu, devait être en elle-même fort incomplète. […] Jamais, on le voit, cette Église primitive n’eût formé une société durable, sans la grande variété des germes déposés par Jésus dans son enseignement. […] La même chose fût arrivée dans l’ordre de saint François, si cet ordre avait réussi dans sa prétention de devenir la règle de la société humaine tout entière. […] Transportée dans un état calme et au sein d’une société rassurée sur sa propre durée, cette morale, faite pour un moment de crise, devait sembler impossible. […] La perfection étant placée en dehors des conditions ordinaires de la société, la vie évangélique complète ne pouvant être menée que hors du monde, le principe de l’ascétisme et de l’état monacal était posé.
Tout livre, dans cette période des sociétés humaines, était soumis aux maîtres de la science, pour être approuvé ou rejeté par eux. […] Il faut faire attention que les placer dans les voies de la nécessité, c’est y placer la société tout entière, prétention en même temps absurde et immorale. […] Ce qu’il y a de pernicieux pour la société, dans tous les temps, c’est le demi-savoir ou l’apparence du savoir. […] Les gouvernements en effet étaient moins ombrageux, parce que les peuples n’avaient pas encore contracté la funeste habitude de discuter les bases mêmes de la société. […] Ce n’est pas d’aujourd’hui, au reste, que la diffusion des lumières parmi toutes les classes de la société effraie les timides.
Cette question de la préexcellence de l’antiquité et de sa supériorité sur la société chrétienne, ce n’est pas d’hier qu’elle a été posée. […] Ce n’est, en effet, que quand elles sont par terre, qu’on peut juger de la grandeur des sociétés, comme de celle des hommes : « Je ne le croyais pas si grand ! […] Quelques esprits, sublimement intuitifs, comme de Maistre et Bonald, avaient bien vu synthétiquement ce qu’il en était de cette société païenne, de ces Grecs et de ces Romains tués par des sophistes, des rhéteurs et des grammairiens, leur maladie pédiculaire ! […] Il va partout, ce reporter d’une société qu’on ne connaît que par le sommet et qu’il faut éclairer à la base. […] Il dit tout cela, Grenier, avec sa verve spirituelle et railleuse, et jamais la lamentable histoire d’une société, imbécilisée tout entière par une rhétorique inepte, et que d’hypocrites historiens admirent et regrettent, n’a été racontée avec plus de bonne humeur dans le mépris, — ce qui est le mépris suprême.
Les deux premiers volumes de La Démocratie en Amérique (1835), qui, d’emblée, obtinrent à leur auteur tous les suffrages non seulement en France, mais dans les deux mondes avaient le mérite de faire très bien connaître la constitution américaine et l’esprit de ce peuple, de cette société neuve, en même temps que d’y joindre de fortes réflexions, de fines remarques à l’adresse des sociétés modernes et de la France en particulier. […] L’Amérique, depuis près de dix ans qu’il l’a quittée, n’est plus qu’un prétexte pour l’auteur ; elle n’est qu’un prête-nom, et c’est aux sociétés modernes en général, et à la France autant qu’à l’Amérique, qu’il s’adresse. Sa thèse est sur les effets et les dangers de l’égalité dans toutes les conditions et les relations civiles au sein d’une société démocratique. […] Il ne serait pas juste de juger la pensée, de l’auteur sur une première partie qui attendait son développement ; il est permis pourtant de dire que cette vue des deux sociétés et des deux régimes fut conçue trop exclusivement sous une inspiration de circonstance. […] Dans ses dernières années comme dans les premières, « le grand problème que présente l’avenir des sociétés modernes est sans cesse devant son esprit », et jusqu’à l’offusquer, jusqu’à l’empêcher de voir autre chose.
Là aussi la monarchie a produit la cour, qui a produit la société polie ; mais la jolie plante ne s’est développée qu’à demi. […] Par instinct, le Français aime à se trouver en compagnie, et la raison en est qu’il fait bien et sans peine toutes les actions que comporte la société. […] À Aix et Marseille, dans tout le beau monde, chez le comte de Valbelle, je ne vois que concerts, divertissements, bals, galanteries, théâtres de société avec la comtesse de Mirabeau pour première actrice. […] Principal divertissement, la comédie de société. — Parades et excès. […] Mme d’Oberkirch, II, 82 Sur le ton des meilleures sociétés, voir Correspondance, par Metra, I, 20 ; III, 68 et Besenval (Ed.
Pourquoi, sinon parce qu’il faut que la loi de guerre s’exerce, non feulement entre les sociétés, mais au sein de chaque société ? […] Pas de société sans Dieu qui la forme. […] Il dit : l’homme primitif sans société, évidemment. Mais, dès lors, il ne sera jamais en société. […] Des hommes ont inventé la société.
Valeur et sens politique de la pièce : image de l’état d’esprit de la société française après la prédication philosophique. […] Nous n’avons qu’à jeter un regard sur la société, pour constater le progrès des idées nouvelles. […] Sa grande amie, la délicieuse duchesse de Choiseul, vit à la cour, et ne fait pas des gens de lettres sa société. […] La plupart des esprits mêlent confusément, sans distinguer, Diderot, Voltaire, Rousseau, et se font un amalgame d’idées hétérogènes, dont l’unité réside dans la commune propriété de dissoudre l’état présent de la société. […] Ils révélaient leur impuissance : une société est perdue quand elle n’a plus foi en son droit, et se moque des principes qui la soutiennent.
Le volume suivant contiendra les mémoires historiques sur Louis XII, François Ier, et le Mémoire sur la société polie qui, dans la pensée de l’auteur, n’en était que la continuation et le couronnement. […] C’est alors, dans ce second moment d’un enthousiasme plus tranquille, qu’il se remet à embrasser de ses regards l’ensemble de la société et qu’il se fortifie dans ses premières vues. […] Heureusement pour lui, ces sentiments se rencontrèrent juste avec l’heure mémorable où la vieille société, minée d’abus et incapable de se réparer elle-même, allait demander des remèdes absolus et une simplification dans toutes les branches ; l’occasion était prochaine où il pourrait les appliquer. […] Pourtant aucune mauvaise passion ne s’y mêla, et s’il fut de ceux, comme il en convint ensuite, qui contribuèrent à trop énerver et à trop désarmer le pouvoir, il n’eut jamais l’intention de désorganiser l’ordre et la société. […] Mais toutes ces réfutations, empruntées à l’ordre économique ou à l’ordre providentiel, sont également vaines quand la société n’a pas la force en main pour appuyer les raisons.
. — Le conventionnel et le naturel dans la société et dans l’art. […] Enfin, il est des types proprement sociaux, qui représentent l’homme d’une époque, dans une société donnée. Or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a quelques-unes d’éternelles, qu’on trouve réalisées même dans les sociétés les plus sauvages ; il y en a de conventionnelles, qui ne se rencontrent que dans une nation déterminée à tel moment de son histoire. […] Le conventionnel, qui se ramène au volontaire, est un des signes distinctifs du progrès social ; le pur naturel ne se rencontre guère que dans les sociétés animales. […] Tout le progrès de la société humaine, a pour idéal une complexité croissante, qui coïncide avec une centralisation croissante : un infini rapporté à un même point mouvant, qui est la vie.
Huysmans est une âme malade d’infini dans une société qui ne croit plus qu’aux choses finies. […] Mais quand cette tète est l’expression de toute une société et fait équation avec elle, alors elle vaut et mérite le cri du moraliste et de l’historien, et nous le poussons ! Jamais renseignement plus formidable ne fut donné sur une société raisonnable et rhythmée autrefois, mais où, en ces dernières années, tant de bons sens ont fait la culbute. […] Les sociétés qui finissent, les nations perdues, les races sur le point de mourir, laissent derrière elles des livres précurseurs de leur agonie. […] Huysmans n’est pas l’histoire de la décadence d’une société, mais de la décadence de l’humanité intégrale.
Au Moyen Âge, l’Église n’est pas, comme le croient beaucoup d’esprits qui, en consentant cela, s’imaginent avoir de grandes bontés pour elle, le faîte et le couronnement d’un vaste ensemble de société. […] c’est l’édifice social en haut, en bas, à tous les étages ; c’est la société même. […] Il en a, à son insu peut-être, le sentiment égalitaire, ce genre de sentiment avec lequel on n’aborde que pour la fausser une société aussi vigoureusement hiérarchisée que la société du Moyen Âge. […] la plus belle part, la part qui revenait au directeur moral de la société au Moyen Âge, — il a été exclusif et injuste. […] Le point d’honneur avait tout créé dans cette société, ivre de sa force.
* ** Pour réaliser l’idée de l’égalité des hommes, que faut-il faire, et quelle organisation imposer aux sociétés ? […] En, un mot la solution que je donne aux problèmes techniques de l’égalitarisme dépend de la conception que je me suis faite tant des fins les plus dignes de la société, que des moyens les plus aptes à les réaliser. […] Leur société est-elle grande ou petite, homogène ou hétérogène, simple ou compliquée, inorganisée ou centralisée ? […] Indépendamment en effet des phénomènes physiques ou psychiques qui se déroulent à l’intérieur des sociétés, quelles que soient la race ou les idées des unités qu’elles associent, les sociétés se ressemblent ou diffèrent par la façon dont leurs unités sont associées, par les modalités de leur groupement. […] En un mot, indépendamment de leur matière, il y a lieu de classer les formes des sociétés, de déterminer les relations qu’elles peuvent soutenir avec les différents ordres de phénomènes historiques, de fixer ainsi les faits qui les précèdent ou ceux qui les suivent régulièrement : c’est-à-dire qu’il, y a place, à côté des différentes sciences sociales, pour une science de ce qui est spécialement social, la sociologie proprement dite.
Si, par hasard, des esprits oisifs et mécontents étaient venus à cette séance académique, où la plus belle société s’était donné rendez-vous, avec l’intention de chercher et d’applaudir quelques-uns de ces traits plus politiques que littéraires, sur lesquels on a trop compté en d’autres temps, ils auraient été désappointés. […] Il s’animait quand il parlait de cette renaissance si merveilleuse et si entière de la société sous un astre et un génie réparateur. […] Je me rappelle avoir eu l’occasion de rencontrer alors, et dans la première semaine qui suivit, deux hommes d’État, très inégaux par l’âge, mais qui avaient pris grande part l’un et l’autre à ce qui n’était plus, et jetés tous deux de côté par la tempête ; je fus frappé de voir que si l’un, le plus jeune, était sombre, estimant tout perdu, la société s’écroulant dans l’anarchie et le monde penchant à sa ruine, l’autre (c’était M. […] La plénitude du principe monarchique, entendue selon la libre et nationale interprétation, elle est là où il y a passé glorieux et gloire nouvelle, là où apparaissent deux restaurateurs de la société à cinquante ans de distance, deux conducteurs de peuple remettant la France sur un grand pied et, sans trop se ressembler, la couronnant également d’honneur. […] Je regretterai toujours, tout en respectant profondément les convictions personnelles de chacun de mes confrères, et en sachant très bien que l’Académie est et doit être un terrain neutre, que, dans ces cérémonies publiques, l’orateur, en restant lui-même, ne parvienne pas à se dégager assez des engagements de société (plus encore que de parti), pour avoir un mot de justice, je ne veux pas dire de reconnaissance, pour le pouvoir tutélaire qui sait d’ailleurs très bien s’en passer.
Or ces rapports sont visibles, avant tout lors de ces grandes crises qui modifient dans ses profondeurs le régime de la société. […] La liberté dans une société organisée est toujours relative, limitée, et elle comporte une infinité de degrés. […] Le roman à thèse, le théâtre à tendance trahissent en elle l’invasion des débats qui agitent la société environnante. […] Mais pendant ce temps la société continue à se démocratiser. […] Sans qu’il soit besoin d’insister davantage, on voit comment, par leur tendance essentielle, les deux écoles qui ont régné tour à tour en notre siècle, sont d’accord avec la tendance dominante du siècle entier, celle qui emporte la société française et même la société européenne vers la démocratie.
C’est la pente de cette critique radicale contre la société. […] En somme, convenons-en, lorsqu’on voit le pavé, on songe à l’ours, et c’est une bonne volonté dont la société s’inquiète. Mais il dépend de la société de se sauver elle-même ; c’est à sa propre bonne volonté que nous faisons appel. […] Que la société l’introduise en plus forte dose dans ses lois, à chaque misère sociale qui se révèle. […] Le dernier mot d’une société bien faite ne peut pas être la mort !
La France des bataillons scolaires, des sociétés de gymnastique, des lycées de filles ne sera bientôt plus la France du second empire, qui était sûrement bien différente à Paris et au fond du Morbihan. […] Shelley dans l’Angleterre du commencement de ce siècle est un anachronisme, comme Stendhal au milieu des guerres de l’empire, comme Balzac et Delacroix dans la société de la monarchie de juillet. […] L’on pourrait aisément montrer que l’influence des circonstances ambiantes, notable mais non absolue au début des littératures et des sociétés, va décroissant à mesure que celles-ci se développent, et devient presque nulle à leur épanouissement. […] Taine, on voit qu’il est impossible d’établir un rapport direct entre une société et les artistes qui l’illustrent, en considérant ceux-ci comme dépendant de celle-là, ou en envisageant la société et les artistes comme dépendant de causes communes. […] Après ces développements, il sera facile d’expliquer comment il faut entendre qu’une littérature et un art représentent la société dont ils sont issus et écrivent son histoire intérieure.
On est à table au milieu d’un luxe délicat, parmi des femmes souriantes et parées, avec des hommes instruits et aimables, dans une société choisie où l’intelligence est prompte et le commerce est sûr. […] Pour fonds de société le baron avait Diderot, Rousseau, Helvétius, Duclos, Raynal, Suard, Marmontel, Boulanger, le chevalier de Chastellux, La Condamine le voyageur, Barthez le médecin, Rouelle le chimiste. […] D’autres fois c’était un combat singulier en forme, dont tout le reste de la société était tranquille spectateur. […] Des sociétés de vingt et vingt-cinq personnes se forment dans les salons, pour suivre un cours de physique ou de chimie appliquée, de minéralogie ou de botanique. […] Jamais société n’a été plus détachée du christianisme.
Chacun s’évertuait, soit à retrouver les principes de la société humaine, soit à imaginer des ressorts nouveaux, comme si tous les anciens eussent été brisés, ou que les principaux ne se fussent pas redressés d’eux-mêmes dans la société conservée par la même providence qui conserve la vie humaine. Les livres nés de cette ambition sont de ceux où vont volontiers rêver, sur l’origine des sociétés humaines et sur les formes des gouvernements, les esprits touchés d’idéologie. […] Croyons-en donc de Maistre : chaque homme a sa part dans les épreuves des sociétés et dans la destinée des gouvernements. […] Le progrès dont ce grand art est redevable à la politique, c’est la politique elle-même se faisant sa place dans l’histoire, et expliquant son œuvre dans la conduite des sociétés humaines. […] On y fait voir l’influence de la société sur les auteurs, des auteurs sur la société ; on y prouve que la science des lettres n’est pas la moins relevée des sciences morales143.
Il sentait vaguement que la société n’était que là, et qu’on ne pouvait passer pour un auteur vraiment français que quand on y avait reçu le baptême. […] Quel manque absolu d’intérêt pour la lecture, toutes les fois que cette lecture ne se rapportait pas à la société ! […] Elle avait, au besoin, assez de force en elle-même pour savoir se contenter pleinement de la lecture au lieu de société. […] Mais comment était-il jugé lui-même dans ces diverses sociétés, où il était nouveau sans être trop neuf ? […] C’est chez les femmes qu’on a vu renaître surtout le sentiment religieux ; mais leur influence s’est fait sentir sur la société tout entière.
Notre société française, notre société parisienne même, — la seule que nos naturalistes semblent connaître d’ailleurs, — n’est pas sans doute une perfection idéale, ni même relative. […] Si les romans naturalistes étaient l’exacte peinture de la société française, en vérité il serait bien inutile d’essayer de sauver cette société ; on n’y trouverait pas les cinq justes qui eussent suffi au salut de Sodome. […] Une seule chose le pourrait consoler : c’est que le reste de la société, quand vous y touchez, ne paraît pas valoir mieux que lui. […] C’est un spectacle comme un autre, comme celui de ces arènes de barrière où certaine belle société allait voir il y a quelques années un bull cassant les reins à des douzaines de rats. […] Ce que demande notre société, c’est le calme ; ce dont elle a besoin, c’est la santé.
Nous avons déjà vu en eux les premiers membres d’une société politique (socii). […] Par cette union ils se trouvèrent avoir fondé les familles, berceau des sociétés politiques. […] Au moment où les sociétés devaient naître, les matériaux, pour ainsi parler, n’attendaient plus que la forme. […] Aussi est-ce une loi éternelle dans les sociétés, que les uns y doivent tourner leur esprit vers les travaux de la politique, tandis que les autres appliquent leur corps à la culture des arts et des métiers. […] De cette manière, le droit des gens qui s’observe maintenant entre les nations, fut, à l’origine des sociétés, une sorte de privilège pour les puissances souveraines.
Il faut qu’un souverain, qu’un ministre connaisse la moralité des hommes des diverses classes de la société, et un militaire appelé au commandement doit connaître à fond l’homme-soldat. […] Sous le couvert de Saint-Alban, c’est M. de Meilhan qui nous livre directement ici ses impressions personnelles ; Il y avait à Paris cinq ou six maisons où circulait tout ce qui composait la haute société, et l’opinion publique n’était que leur écho. […] Sa maison rassemblait tout ce qu’il y avait de plus distingué dans les diverses classes de la société. […] Les jeunes gens recevaient dans cette maison les principes d’opposition à l’autorité, qu’ils répandaient dans d’autres sociétés, et qui devinrent la règle de leur conduite. […] La Révolution, vue du côté de la haute société et des salons, y est ainsi montrée au naturel, moyennant quantité de petites circonstances que je ne vois pas si bien relevées ailleurs et qui sont vivement saisiesal.
Peut-être même, chez un peuple dont l’humeur sociable et douce aime à communiquer ses sentiments et ses idées, et chez qui les femmes de tout temps exercèrent leur empire, la parole dut se perfectionner et s’adoucir un peu plus tôt que chez d’autres nations, qui avaient moins le goût et le besoin de la société que nous. […] Le mauvais goût ne peut guère exister que chez un peuple réuni en corps de société, où l’esprit naturel est gâté par le luxe, par les vices, par l’excès de la vanité, et le désir secret d’ajouter à chaque objet ou à chaque idée, pour augmenter l’impression naturelle que cet objet doit faire. […] Le goût punit par le ridicule ceux qui s’écartent de ses lois ; la société perfectionnée achève de l’étendre. […] Aussi l’orateur de Rome, dans un des livres qu’il a composés sur l’éloquence, nous apprend que plusieurs orateurs célèbres s’assemblaient chez les femmes romaines les plus distinguées par leur esprit, et puisaient dans leur société une pureté de goût et de langage, que peut-être ils n’auraient pas trouvée ailleurs. La société, après les guerres civiles, dut acquérir en France ce degré de perfection qui, est nécessaire pour les arts, et qui, portée à un certain point, les anime, mais qui au-delà peut les étouffer et les corrompre : heureusement elle n’était point encore parvenue à cet excès ; et de la perfection de la société et du goût, jointe à celle de la langue, devait naître peu à peu celle de l’éloquence.
Il naît dans une société marâtre, désavoué par elle, repoussé de tous les côtés, et il débute par un cri de révolte à la Jean-Jacques, de ce Jean-Jacques dont il a reçu le baptême par le nom d’Émile, et qui est mort l’ami et l’hôte de ses grands parents. […] Il y a trois classes dans la société : la classe supérieure et privilégiée, la classe moyenne et bourgeoise, la classe laborieuse et besogneuse. […] Émile n’a cessé depuis de se former et d’apprendre ; il ne tardera pas à en appeler de ces trois classes, et, tout en marquant toujours sa place dans les premiers rangs, il ne verra bientôt plus autour de lui qu’une société moderne, ouverte à tous, et ne portant sur sa bannière que trois mots inscrits : Activité, talent, fortune. […] M. de Girardin, marié en 1831 avec la personne si distinguée qui doubla pendant tant d’années son existence, était mis en demeure plus que jamais de se frayer son chemin dans une société que les événements de 1830 avaient fort mélangée à la fois et simplifiée. […] Émile avait sauvé cela de ses premiers rêves, et toutes ses réflexions et ses expériences successives ne firent que l’y confirmer : il avait son système, son plan parfait et son idéal de société future, ce qu’on a pu appeler son coin d’utopie.
Elle l’aurait vainement espéré dans la société où son regard inexorable ne voyait guère qu’une collection de ridicules, de prétentions et de sottises. […] On sait l’histoire : la jeune demoiselle de compagnie, après quelques années, se brouilla avec sa patronne, et lui enleva toute une partie de sa société, d’Alembert en tête. La défection fit éclat et partagea la société en deux camps. […] Je n’insisterai pas ici sur les portraits qu’elle a tracés des personnes de sa société. […] Je ne dirai même rien de l’esprit et du ton de sa société qui se perpétua assez fidèlement après elle dans le cercle des Beauvau, et jusque dans le salon de la princesse de Poix sous l’Empire.
Un critique qui est, comme nous le sommes, à son poste de chaque semaine, ne saurait laisser passer, sans les saluer, les pertes les plus remarquables que font la littérature et la société. […] Elle a beaucoup écrit, et, en ce moment, je n’ai guère moins d’une quarantaine de volumes d’elle rangés sur ma table, romans, contes, comédies, esquisses de société, souvenirs de salons, et tout cela se fait lire, quelquefois avec un vif intérêt, toujours sans ennui. […] Elle y trouve, ainsi que dans un château voisin, une société qui lui donne occasion de développer par lettres à une amie ses principes et ses maximes. […] Comme la société pourtant et le cœur aiment les contrastes, il se mêlera, à cet amour avoué de la gloire et des exploits, des airs de rêverie et de romance. […] Mme Gay jouait elle-même très bien la comédie en société ; elle aimait à la diriger ; elle était un régisseur excellent.
En effet, par un effort immense et séculaire, ils avaient construit tour à tour les trois assises principales de la société moderne. […] Dans la langue du temps, le noble est l’homme de guerre, le soldat (miles), et c’est lui qui pose la seconde assise de la société moderne. […] Pour la seconde fois, une figure idéale se dégage9 après celle du saint, celle du héros, et le nouveau sentiment, aussi efficace que l’ancien, groupe aussi les hommes en une société stable. […] L’habitude, la nécessité, l’accommodation volontaire ou forcée font leur effet ; à la fin, seigneurs, vilains, serfs et bourgeois, adaptés à leur condition, reliés par un intérêt commun, font ensemble une société, un véritable corps. […] Lorsqu’il est veuf et sans enfants, on députe auprès de lui pour qu’il se remarie et que sa mort ne livre pas le pays à la guerre des prétendants ou aux convoitises des voisins. — Ainsi renaît, après mille ans, le plus puissant et le plus vivace des sentiments qui soutiennent la société humaine.
Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre. […] Frappé d’abord de l’indifférence religieuse et de l’inertie froide où croupissaient les premières couches de la société, il a désespéré de toute cette masse, si on n’y faisait descendre l’esprit et la purification par en haut, c’est-à-dire par les gouvernements, et, au delà des gouvernements, par le Saint-Siège. […] En observant plus attentivement, d’ailleurs, la masse confuse de cette société où il n’avait d’abord vu que froideur et mort, il a découvert sous les premières couches croupissantes un grand travail de fermentation et de courants, et il s’est dit que c’était de ce côté plutôt qu’il fallait agir pour renouveler. On voit que le but est resté le même : spiritualiser, guérir, moraliser chrétiennement une société passée du matérialisme à l’indifférence ; mais dans le second procédé, auquel M. de La Mennais a recours depuis cinq ans environ, c’est à la société elle-même, c’est à ses éléments vierges et profonds, c’est au peuple en un mot qu’il s’adresse pour le régénérer par la parole et l’épurer. […] Mais le Machiavel de Modène ne devait pas être pris si à la lettre, la vérité ici passe la vraisemblance ; et comme goût d’abord, et un peu comme justice, j’aurais voulu qu’il fût tenu compte des autres coupables dans la société, des coupables par assentiment et par égoïsme inerte, des coupables aussi par passions haineuses et brutalité, comme en offrent sans doute les rangs populaires.
Le siècle va vite ; il se hâte ; je ne sais s’il arrivera bientôt à l’une de ces vallées immenses, à l’un de ces plateaux dominants, où la société s’assoit et s’installe pour une longue halte ; je ne sais même si jamais la société s’assoit, se pose réellement, et si toutes les stations que nous croyons découvrir dans le passé de l’histoire, ne sont pas des effets plus ou moins illusoires de la perspective, de pures apparences qui se construisent ainsi et jouent à nos yeux dans le lointain. […] Ils sont déjà loin de nous ces loisirs faciles, dédaigneux, où l’élite de la société, au balcon, regardait passer et se heurter la masse. […] En France, le mouvement de la société et l’importance réelle des choses apparaissent de plus en plus en dehors des cadres constitutionnels qu’on a tracés si à l’étroit. […] Carrel circulait dans Paris, une foule considérable, une société brillante, et la majorité de la jeunesse, remplissaient le théâtre de la porte Saint-Martin où l’on allait représenter la Lucrèce Borgia de M. […] « Et maintenant, messieurs, vous tous qui êtes qualifiés du nom de philosophes, moralistes, métaphysiciens, politiques et économistes, nous vous interpellons ici directement, et nous vous défions publiquement d’apporter, à l’aide de vos sciences vraies et mensongères, la moindre amélioration au sort de la société et notamment des classes populaires. » Et ailleurs : « Nous dirons à tous les détracteurs du régime sociétaire, que M.
En ce temps-là comme en celui-ci, il y avait contre la paternité et la famille, qui ne font qu’un, du reste, l’hostilité héréditaire de l’égalité entre tous et de la cohue révolutionnaire, qui ne font aussi qu’un à leur tour, et c’est pour sauver la Paternité et la Famille, qu’on voulait noyer dans cette cohue, c’est pour défendre leur personnalité et leur dignité violées par un enseignement qui n’aurait pas été chrétien, que Brucker fit ses Docteurs du jour, dont le jour est revenu… Il y discute toutes les questions hypocrites sous lesquelles les docteurs d’alors cachaient leurs haines et leurs projets contre la société chrétienne. […] le grand intérêt de ce livre, c’est la question de la Paternité et de la Famille, qui est une question aujourd’hui et qui n’en était pas une autrefois ; car c’était le principe, l’indiscutable principe de l’organisation de toute société, et quelque chose comme l’âme du monde. La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu ! Blessée même par la main de Napoléon, qui dut en frémir jusque dans le fin fond de son génie, mais qui eut la révolutionnaire faiblesse d’en circonscrire l’action et d’en diminuer la puissance, la Paternité, menacée davantage chaque jour, de toutes parts, est le symptôme accusateur d’une société qui s’écroule, et c’est ce que vit tout d’abord et avant tout Brucker, quand il s’agit de donner le robuste appui de son épaule à cette pauvre société chrétienne, ébranlée dans son fondement même. […] … La société actuelle est descendue dans le mal d’autant de marches qu’elle a descendu d’années depuis le temps où Raymond Brucker écrivait les Docteurs du jour.
Cette république que voulait Platon, elle a existé dès la première origine des sociétés. […] Mais comme la société humaine ne peut subsister un moment sans ordre, c’est-à-dire sans dieu, la Providence fit naître l’ordre civil avec la formation des cités. […] Enfin, lorsque la marche des sociétés s’arrêta dans la monarchie, elle devint comme le rempart, comme le bouclier des princes. Si la religion se perd parmi les peuples, il ne leur reste plus de moyen de vivre en société ; ils perdent à la fois le lien, le fondement, le rempart de l’état social, la forme même de peuple sans laquelle ils ne peuvent exister. Que Bayle voie maintenant s’il est possible qu’il existe réellement des sociétés sans aucune connaissance de Dieu !
J’ai souvent pensé combien, malgré tous les soins qu’on prend pour peindre la société de son temps et pour en donner l’idée aux générations survenantes, on y réussit peu et quelles étranges images s’en font ceux qui se mêlent ensuite d’en écrire. […] Comme exemple de la manière absurde dont tout se défigure et dont les incidents de société se déforment avec le temps et même avant le temps, je citerai encore un estimable écrivain, M. […] « Chateaubriand. » En citant de semblables éloges à mon sujet, je n’ai qu’une intention et qu’un désir : c’est de montrer que si, la veille ou le lendemain d’une telle lettre, nous venions à louer M. de Chateaubriand, comme il était tout naturel de le faire dans le milieu de société où nous vivions près de lui, nous ne faisions nullement pour cela la cour à un puissant lettré dont nous eussions besoin, ni une platitude envers un grand nom idolâtré ; il pouvait y avoir de notre part quelque complaisance assurément, mais cette complaisance n’était pas tout entière de notre côté, et elle était elle-même partagée. […] Figurons-nous un monde charmant, une société d’élite, un vieillard illustre et glorieux qui se sentait heureux d’être compris et goûté par des hommes plus jeunes et qui n’étaient pas tout à fait ses disciples. […] « Chateaubriand. » Et maintenant qu’on s’étonne, si l’on veut, et qu’on se scandalise qu’après des années écoulées, en ne cessant de placer M. de Chateaubriand au premier rang littéraire du siècle, j’aie écrit sur lui, dans les deux volumes dont il est le sujet et le centre, comme en pensaient et en parlaient dans la familiarité tous ses amis et connaissances, toutes les personnes de la société en dehors de sa coterie, M.
Ce ne fut pas seulement la mort de Molière qui marqua un terme à la protection que les lettres donnaient à la société licencieuse contre la société d’élite ; l’esprit satirique de Boileau, la courtoisie de Racine, la licence de La Fontaine, s’arrêtèrent en même temps devant les progrès de cette société : comme ces progrès atteignaient la cour elle-même, nos poètes virent que le temps était venu de prendre un autre ton, une autre direction, et ils furent plusieurs années à contempler en silence le changement qui s’opérait. […] Cette dame (madame Scarron) a parlé de vous avec une tendresse et une estime extraordinaires ; elle dit que personne n’a jamais tant touché son goût, qu’il n’y a rien de si aimable ni de si assorti que votre esprit et votre personne. » Cette lettre est rapportée ici pour montrer l’union et la conformité de mœurs et d’esprit qui existaient entre madame Scarron, madame de Sévigné, sa fille, et leur société. […] Saint-Simon remarque, à cette occasion, que ces enfants, qui, dit-il, furent tirés du profond non-étre des doubles adultérins, furent enrichis de tous les droits des légitimes dans la société, décorés du surnom de la maison régnante, et de noms de provinces que les princes du sang même ne portaient pas97.
Nous avons essayé autrefois de caractériser le genre de mérite et d’intérêt de ce premier ouvrage, mais sans faire assez ressortir peut-être l’inspiration philosophique et l’esprit de révolte contre la société qui perçait en maint endroit ; ce même esprit, qui ne s’était montré dans Valentine que sous des nuances moins directes et plus distrayantes, vient d’éclater avec toute son énergie et sa plénitude dans Lélia, roman lyrique et philosophique. […] S’il en est de plus fortes, de plus puissantes d’essor, de plus orgueilleusement douées, sentant ainsi cette vie d’amour éteinte, elles doivent frémir de colère, se frapper, souvent la poitrine, redemander la flamme perdue à tous les êtres, et, dans leurs moments égarés, en vouloir aux hommes et à Dieu, à la société, à la création elle-même. […] Or, excepté lui, pourtant, il n’y a dans le livre entier qu’une grande complication de plainte et d’amertume ; il y a le sentiment immense d’un mal sans remède ; et ce mal, au lieu de se rapporter à certaines circonstances sociales et d’être relatif au sort des individus en question, envahit tout, se généralise dans la création comme dans la société, accuse la Providence autant que les lois humaines. […] Comme la donnée première de Lélia est tout à fait réelle et a ses analogues dans la société où nous vivons, j’ai eu peine à ne pas regretter, malgré l’éclat prestigieux de cette forme nouvelle, que l’auteur ne se fût pas renfermé dans les limites du roman vraisemblable. […] Les plaintes sur la société, les conversations métaphysiques elles-mêmes y auraient trouvé place, mais avec plus de précision souvent, dans des scènes plus particularisées ; et ainsi eût été évité le voisinage de Byron, dont l’ombre doit se rencontrer trop aisément sur ces cimes imaginaires de Monte-Verdor ou de Monte-Rosa.
il ne cherche pas dans de petites circonstances la cause de ce qui s’est fait ; il la trouve dans le fait même de la Restauration et dans l’inévitable enchaînement de ses conséquences : « C’est toujours dans l’état positif de la société qu’il faut chercher la cause des grandes commotions qu’elle éprouve. […] Lamé et de tous les ministres de ce temps, était qu’il ne fallait nous donner la Charte que peu à peu, comme si la loi fondamentale d’une société se coupait par morceaux. […] Après le massacre des citoyens, pendant que nos pieds glissaient encore sur le sang répandu, nous aurions abandonné le soin des blessés, oublié les souscriptions pour les parents des morts ; les pouvoirs de la société auraient négligé de régler le présent qui seul nous appartient, pour discuter où on placerait le berceau d’un enfant, les thèmes qu’on lui ferait faire, et les petits honneurs à lui rendre. […] Ni rois condamnés par leur âge et leurs préjugés à l’isolement, ni minorité ; le pouvoir est maintenant au sein de la société ; c’est là que doivent toujours se trouver ceux qui sont destinés à lui donner le mouvement. […] Des trois pouvoirs qui composent le gouvernement, le pouvoir qui dispose de l’armée déclarait la guerre à la société ; les deux autres pouvoirs étaient nuls par des causes que j’expliquerai ; et l’administration publique, depuis longtemps organisée pour nous priver de tout mouvement, restait partout menaçante.
Elle a été posée et résolue à toutes les phases des sociétés, et si un tel fait a été méconnu, si l’on n’a pas tenu le compte qu’on devait des solutions sur lesquelles l’humanité a vécu, pendant des siècles, heureuse et puissante, la faute en est à ce mépris que des économistes ignorants ont toujours montré pour l’histoire, — pour l’histoire qui le leur rendra bien ! […] Enveloppé dans la grande parole de Leibnitz : le passé est gros de l’avenir , comme dans un talisman de vérité, il a cherché dans le passé la clef du difficile problème qu’on pose en ce moment, comme un sphinx qui le garderait au seuil d’une société à reconstruire. Pour Francis Lacombe, pour nous autres catholiques, les sociétés ayant leurs lois fixes d’après lesquelles elles agissent toujours, malgré les différences d’époque et ce qu’on appelle à cette heure, avec une arrogance si impérieuse, des besoins nouveaux, il a cru pouvoir montrer toute faite, et fonctionnant, en vertu de sa convenance profonde, une organisation du travail. […] Il le juge en toute indépendance, et, selon nous, sa sévérité est justice : « Organe — dit-il — du droit commun vis-à-vis d’une société constituée par le monopole, M. […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne.
Celle-ci, durant son séjour en Angleterre, ne vit pas seulement les gens du monde et de la haute société, elle voulut connaître les savants, et l’on a le récit de sa visite au grand critique d’alors, à la fois homme de goût et roi des cuistres, à cet original de Samuel Johnson ; je donne l’historiette telle qu’on la lit dans la Vie du célèbre docteur par son fidèle Boswell ; il la tenait lui-même de la bouche de M. […] Le prince de Ligne, regrettant le passé, la comptait dans son souvenir parmi les rares ornements d’une société comme il ne s’en retrouvera plus : « Une Mme de Boufflers, s’écrie-t-il, un peu paradoxale, mais qui, dans un cadre de simplicité, faisait pardonner son sophisme et sa supériorité d’éloquence ; bonne, protégeante dans la société, facile à vivre ! […] Grimm nous apprend que ces vers, lus dans la société de Mme de Polignac, furent généralement trouvés détestables : des jours toujours sereins, mauvaise consonnance ; — en interrompt la course, est-ce la course des plaisirs ou la course de la source ? […] « Dans la société, aménité, obligeance, facilité. […] Quand on a eu une vraie distinction, on ne meurt jamais entièrement au sein de la société et du régime dont on a été, qui vous a produit et qui vous survit, et où se transmettent tant bien que mal les souvenirs ; mais là où on court le risque à peu-près certain de périr et d’être abîmé tout entier, c’est quand le déluge fatal qui survient tôt ou tard, le tremblement ou le déplacement des idées et des conditions humaines envahit et emporte l’ordre de choses même et tout le quartier de société et de culture qui vous a porté.
Jusque-là, ce qu’aimait par goût cette gracieuse, élégante et aimable reine, c’était une vie douce, agréable, une vie égayée et ornée, au sein d’une société aussi particulière et aussi familière qu’il était possible à la Cour. […] C’est ainsi que ceux qui avaient fait le scandale dans l’ancienne société, et qui avaient le plus abusé, périssaient en entraînant dans leur chute les innocents mêmes qui en avaient souffert. […] Dans les premières années de la Restauration, la haute société fut avertie de l’existence de ces Mémoires et en ressentit une véritable épouvante. […] L’ancienne société a jugé à propos de vivre d’une certaine manière, d’user et d’abuser de tous les biens qui lui ont été accordés. […] L’ancienne société a abusé ; elle a été punie et détruite, et cette punition, cette ruine se justifie aujourd’hui même avec éclat par les aveux successifs qui sortent de son propre sein.
L’État, en effet, représente la société et doit suppléer les individus pour toutes les œuvres où les efforts isolés seraient insuffisants. Le but de la société est la réalisation large et complète de toutes les faces de la vie humaine. […] C’est la société elle-même, c’est-à-dire l’homme dans son état normal. […] Car la société n’est pas la réunion atomistique des individus, formée par la répétition de l’unité ; elle est une unité constituée ; elle est primitive. […] L’Angleterre, d’ailleurs, ne réalise ces grandes choses que par l’association, c’est-à-dire par de petites sociétés dans la grande, et je trouve pour ma part l’organisation française, issue de notre Révolution, bien plus conforme à l’esprit moderne.
Il me semblerait donc premièrement que la manière, soit dans les mœurs, soit dans le discours, soit dans les arts, est un vice de société policée. à l’origine des sociétés, on trouve les arts bruts, le discours barbare, les mœurs agrestes ; mais ces choses tendent d’un même pas à la perfection, jusqu’à ce que le grand goût naisse ; mais ce grand goût est comme le tranchant d’un rasoir, sur lequel il est difficile de se tenir. […] On écrit des poétiques ; on imagine de nouveaux genres ; on devient singulier, bizarre, maniéré ; d’où il paraît que la manière est un vice d’une société policée, où le bon goût tend à la décadence. […] Il y a dans l’art, comme dans la société, les fausses grâces, la minauderie, l’afféterie, le précieux, l’ignoble, la fausse dignité ou la morgue, la fausse gravité ou la pédanterie, la fausse douleur, la fausse piété ; on fait grimacer tous les vices, toutes les vertus, toutes les passions ; ces grimaces sont quelquefois dans la nature ; mais elles déplaisent toujours dans l’imitation ; nous exigeons qu’on soit homme, même au milieu des plus violents supplices. […] Tout l’art de Marcel se réduisait à la science d’un certain nombre d’évolutions de société ; il n’en savait pas assez pour former même un médiocre acteur ; et le plus insipide modèle qu’un artiste eût pu choisir, c’eût été son élève.
En général la société polie du temps de Louis XIV, qui n’est plus précieuse, cette société de goût exquis et pur, pour laquelle Boileau, Racine, La Bruyère écrivent, est bien pourtant l’héritière de la société précieuse : elle en a dépouillé les ridicules, redressé le goût, mais elle garde sa marque d’origine. […] On trouverait la juste expression du goût moyen et général de la bonne société, pendant le dernier tiers du xviie siècle, dans Bussy-Rabutin et son cercle, tel que sa correspondance nous les montre. […] Le critique selon le cœur de Bussy, et qui représente le goût — et rien de plus — de la société polie, c’est le P. […] Cette société reçut l’Art poétique comme le code officiel et pour ainsi dire le livre sacré du bon goût : et ce préjugé une fois reçu se tourna en lourde tyrannie, parce que dans le monde il est de mauvais ton de ne pas penser comme tout le monde. […] Au fond, le culte des anciens n’est plus qu’un formalisme frivole : l’éducation classique range un homme dans la bonne société.
Franklin savait le français depuis longtemps ; il s’était mis à l’apprendre dès 1733, et lisait très bien les livres écrits en notre langue ; mais il la parlait avec difficulté, et ç’avait été un obstacle à ce qu’il connût mieux la société française dans ses voyages de 1767 et de 1769. […] Quoi qu’il en soit, l’idée de travail et de paix, qui, malgré les échecs qui lui arrivent de temps en temps, semble devoir dominer de plus en plus les sociétés modernes, doit beaucoup à Franklin. […] Il s’en dédommageait le soir dans une société intime et familière, pour laquelle il était si bien fait. […] Les compagnons de ma jeunesse, à la vérité, s’en sont allés presque tous, mais je trouve une agréable société parmi leurs enfants et leurs petits-enfants. […] Se peut-il un idéal plus monstrueux de société future ?
Inspiration d’un génie divin ou œuvre d’un génie tout personnel, voilà à quoi se résume toute leur critique ; nulle idée de rapport avec la nature extérieure, la race ou la société à laquelle appartiennent les artistes. […] Jamais l’individu n’est écrasé par la masse dans ces petites sociétés. […] « L’histoire, nous dit-il, est la science des lois du progrès dans les sociétés humaines ; elle est l’épanouissement de la fleur de l’humanité. » Et l’explication de ces formules n’est pas moins remarquable. […] Sans être fataliste le moins du monde, on ne peut méconnaître la part de fatalité que la nature même des choses introduit dans l’activité politique ou esthétique des sociétés humaines. […] Tout peuple a commencé par être une société naturelle, dans le sens matériel du mot, pour devenir une société politique, dont les membres fussent de plus en plus de vrais citoyens, ayant des idées et des volontés au lieu d’instincts et de passions.
Les hommes de lettres d’Allemagne vivent entre eux en république ; plus il y a d’abus révoltants dans le despotisme des rangs, plus les hommes éclairés se séparent de la société et des affaires publiques. […] La société ayant encore beaucoup moins d’agréments en Allemagne qu’en Angleterre, la plupart des philosophes vivent solitaires, et l’intérêt des affaires publiques, si puissant chez les Anglais, n’existe presque point parmi les Allemands. […] Les peines de la nature peuvent laisser encore quelques ressources : il faut que la société jette ses poisons dans la blessure, pour que la raison soit tout à fait altérée, et que la mort devienne un besoin. […] Accoutumé à veiller sur soi-même, on perd nécessairement, au milieu de la société, ces mouvements impétueux qui développent à tous les regards ce qu’il y a de plus vrai dans les affections de l’âme. Mais en lisant les tragédies allemandes qui ont acquis de la célébrité, l’on trouve souvent des mots, des expressions, des idées qui vous révèlent en vous-même des sentiments étouffés ou contenus par la régularité des rapports et des liens de la société.
On voit que chacune de leurs réponses est une satire très-forte de l’homme en société ; et l’auteur italien développe, d’une manière encore plus satirique, les raisons de leur refus. […] Sa société étoit en effet très-recherchée, et cela déplaisait à plus d’une princesse. […] Douce société. […] Il y a, entre ce morceau et les deux que je cite, la même différence qui se trouve entre l’intérêt d’une société aimable et le charme d’une amitié parfaite. […] La société royale de Londres fondée sous Charles II, jetait les fondemens de la vraie physique établie sur les expériences et sur les faits.
Il y a deux sortes de beau idéal, le beau idéal moral, et le beau idéal physique : l’un et l’autre sont nés de la société. […] Ainsi, à mesure que la société multiplia les besoins de la vie, les poètes apprirent qu’il ne fallait plus, comme par le passé, peindre tout aux yeux, mais voiler certaines parties du tableau. […] La société où la morale parvint le plus tôt à son développement, dut atteindre le plus vite au beau idéal moral, ou, ce qui revient au même, au beau idéal des caractères : or, c’est ce qui distingue éminemment les sociétés formées dans la religion chrétienne.
Cependant, s’il existe une science des sociétés, il faut bien s’attendre à ce qu’elle ne consiste pas dans une simple paraphrase des préjugés traditionnels, mais nous fasse voir les choses autrement qu’elles n’apparaissent au vulgaire ; car l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues. […] Car s’il est normal que, dans toute société, il y ait des crimes, il n’est pas moins normal qu’ils soient punis. […] Pour qu’il n’y eût pas de crimes, il faudrait un nivellement des consciences individuelles qui, pour des raisons qu’on trouvera plus loin, n’est ni possible ni désirable ; mais pour qu’il n’y eût pas de répression, il faudrait une absence d’homogénéité morale qui est inconciliable avec l’existence d’une société. […] C’est le cas du crime ; le tort qu’il fait à la société est annulé par la peine, si elle fonctionne régulièrement.
Chapus est un de ces rares esprits distingués par tant de tournure et une aristocratie si naturelle qu’ils doivent longtemps manquer le succès dans une société positive comme la nôtre, enragée d’égalité et d’envie, et chez qui, en fait d’appréciation des choses de goût, tout est devenu gros de ce qui était fin autrefois. […] Grâce à Dieu, Chapus a maintenant assez vécu pour prendre enfin cette revanche, attestation de sa force, qu’un homme de talent finit toujours par prendre contre une société sans sympathie ! […] Avec tout ce que nous savions de l’auteur, nous pouvions craindre que ces livres, d’une spécialité si restreinte et d’une technologie presque savante, pensés par un talent très fin, très particulier, très genuine, — comme ils disent si bien en Angleterre, — lequel ajoutait son originalité native à tous les schibboleth d’une société très élevée qui a aussi son genre de langage, ne franchît pas les limites de cette société et y concentrât son succès.
La piété était la base sur laquelle la Providence voulait fonder les sociétés. […] Les géants enchaînés sous les monts par la terreur religieuse que la foudre leur inspirait, s’abstinrent désormais d’errer à la manière des bêtes farouches dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et prirent l’habitude de mener une vie sédentaire dans leurs retraites cachées, en sorte qu’ils devinrent plus tard les fondateurs des sociétés. […] Ainsi la Vénus humaine succédant à la Vénus brutale, ils commencèrent à connaître la pudeur, qui, après la religion, est le principal lien des sociétés. […] Sous l’influence de cette religion se sont formées les plus illustres sociétés du monde ; l’athéisme n’a rien fondé.
Préparation du romantisme dans la société. […] Nous n’en douterons pas si nous ramassons sous nos yeux tous les indices de renouvellement prochain que la littérature et la société nous présentent. […] Tendances nouvelles de la société Et la société est en parfait accord avec la littérature. […] Cette spirituelle société meurt de sécheresse et de froid : le trop d’esprit la tue. […] Il refusa sous le Consulat une place de sénateur, et sous l’empire la Lésion d’honneur, « Je suis catholique, poète, républicain et solitaire, disait-il : voilà les éléments qui me composent et qui ne peuvent s’arranger avec les hommes en société et avec les places. » — OEuvres, Paris, 1827, 6 vol. in-18.
Elles ont trop d’incrédulité cultivée pour accepter une religion quelconque, mais elles ont un vieux et incorrigible goût pour le paganisme et les sociétés qu’il a produites, parce que le paganisme est la négation naturelle du principe surnaturel qui l’a vaincu dans l’Histoire et dans la conscience du genre humain. […] L’Académie française, par ses prix donnés continûment et systématiquement aux ouvrages qui exaltent les sociétés païennes, et qui ne les exaltent jamais qu’au détriment de la société chrétienne, fait acte flagrant de paganisme. […] Boissier, que les philosophes et les prêtres, unis pour la première fois, s’étaient entendus pour préparer la société qui allait naître. — Cela ne semble rien que cette thèse d’histoire, et c’est tout ; car c’est la divinité même du Christianisme qui reste dessous ! […] Gaston Boissier ne manque pas d’insister sur les antiques influences des Juifs dans la vieille société romaine. […] Pour lui, la société romaine, à partir d’Auguste, se christianise à la vapeur.
Et que si les gouvernements et les peuples, lesquels veulent tous un peu être des gouvernements, ramenés aux mêmes erreurs que du temps de Clément XIV par des écrivains stupides et perfides, se reprenaient d’une haine qui n’est pas fatiguée contre une société abattue par un pape mais que d’autres papes ont relevée, et voulaient la frapper encore, le P. […] Il y a plus, et, selon nous, l’histoire ne l’a pas assez signalé : s’il y avait des esprits capables de comprendre les causes politiques de la Révolution française, s’il y avait des hommes qui, par l’étendue de leurs lumières, la flexibilité pratique de leur génie et leur sentiment de la réalité politique, ressemblassent peu aux chefs aveugles et sourds d’une société mourant de corruption et de métaphysique, c’étaient assurément les hommes de la société de Jésus. […] Que l’on interroge leur passé, partout et toujours n’avaient-ils pas donné les preuves de ce génie, qui a marqué leur société d’un signe spécial entre toutes les sociétés religieuses ? […] En abolissant les jésuites, et surtout à la date de leur abolition, on ne frappait donc pas la religion et le Saint-Siège précisément là où la philosophie guidait la main pour plus mortellement blesser, mais on frappait la société même et on abolissait sa dernière espérance. Du reste, religion, papauté, société, ces trois choses peuvent-elles se séparer dans le monde moderne sans qu’aussitôt tout ne croule et ne s’éparpille, comme nous l’avons vu, dans une inénarrable confusion ?
Flaubert a établi sa madame Bovary dans une bourgade de Normandie, au beau milieu d’une société de petit endroit, composée du pharmacien, du curé, du notaire et du receveur des contributions, et il a bâti sous ses yeux, dans la perspective, le château voisin de toute bourgade, où expirent présentement les vieilles races dans le dernier lambeau de fortune qu’elles ont sauvé des révolutions. […] Il combine sa fable de manière à ouvrir ce château à son héroïne et à la mêler un soir aux fêtes et au luxe d’une société entr’aperçue seulement dans les livres à couverture jaune qu’elle a lus. […] La société de province, dont M. […] Cette société ne manque pas de vérité, sans doute, mais c’est de petite vérité, de vérité raccourcie, et un observateur de l’acuité de M. […] Flaubert a groupées autour de l’officier de santé et de sa femme, nous disons que ce n’est pas peindre au point de vue de l’art une société, que de répercuter sous tous les costumes le même imbécile, et qu’il y a encore là absence de cette puissante variété que les grands romanciers doivent faire abonder dans leurs œuvres.
Et il faut de plus que ces hommes et ces femmes évoluent dans une société, que l’on voie cette société, ou bien que le roman, par son influence, ou renouvelle ou crée une société. […] Si jamais romans furent des romans « de société », ce furent bien ceux-là. […] Mais y a-t-il jamais eu une « société » en Russie ? […] Ils attaquaient ou admiraient l’ancienne société. […] La vraie société balzacienne serait alors celle du second Empire.
Toute cette part de son œuvre est merveilleusement propre à mettre en relief, sous son jour le plus néfaste la menace que comporte pour une société ancienne et déjà constituée la fascination du modèle étranger. […] Sous cette forme l’influence étrangère parvient à s’imposer à une société, sans qu’un fait d’armes victorieux ait nécessairement précédé ce nouveau mode de la conquête, dont on voit par là même que le champ d’action est beaucoup plus vaste. […] Depuis qu’il y a des sociétés humaines, un certain nombre de ces attitudes d’utilité, présentant entre elles des ressemblances ou des différences plus ou moins fortes, ont été détachées de la tige expérimentale sur laquelle elles avaient fleuri. […] Il est à remarquer, en effet, qu’à l’époque que l’on vient de considérer et où les sociétés occidentales se forment, chacune d’elles a le pouvoir de distinguer dans quelle mesure le poison chrétien lui est utile. […] Ce frein, trop fort pour la société déjà policée qui se laisse persuader d’en faire usage, va paralyser son énergie au lieu de la régler et va la placer dans une situation d’infériorité, vis-à-vis des autres groupes.
Tout va plus vite dans la société actuelle ; tout va plus loin en moins de temps : il faut, pour vivre et durer, pour se faire un nom et le garder, recommencer et récidiver sans cesse. […] Tout est relatif ; la société et le moment sont ce qui détermine l’abondance de la production. […] Or, il importe, quand une richesse est créée dans la société, qu’elle n’aille pas au hasard, qu’elle reste et revienne à qui il appartient ; qu’elle soit possédée par celui qui le mérite le mieux : il importe d’en régler la distribution. […] Ces besoins, ces demandes de la société créent ou développent des genres autrefois fort resserrés et qui rendaient peu. […] Le propre de la société moderne est de comprendre et de maintenir le plus possible le sérieux et l’égalité dans toutes les choses honorables et bonnes.
Construction de la société future I. […] Considérez donc la société future telle qu’elle apparaît à cet instant à nos législateurs de cabinet, et songez qu’elle apparaîtra bientôt sous le même aspect aux législateurs d’assemblée. — À leurs yeux le moment décisif est arrivé. […] Ainsi tous seront égaux devant la loi ; nulle personne, famille ou classe, n’aura de privilège ; nul ne pourra réclamer un droit dont un autre serait privé ; nul ne devra porter une charge dont un autre serait exempt D’autre part, tous étant libres, chacun entre avec sa volonté propre dans le faisceau de volontés qui constitue la société nouvelle ; il faut que, dans les résolutions communes, il intervienne pour sa part. […] De là deux conséquences En premier lieu, la société ainsi construite est la seule juste ; car, à l’inverse de toutes les autres, elle n’est pas l’œuvre d’une tradition aveuglément subie, mais d’un contrat conclu entre égaux, examiné en pleine lumière et consenti en pleine liberté429. […] Selon le nouveau législateur, « rien n’est plus contraire que le christianisme à l’esprit social… : une société de vrais chrétiens ne serait plus une société d’hommes. » Car « la patrie du chrétien n’est pas de ce monde ».
. — Cette société primitive, naturelle, fondamentale qui s’appelle la famille se compose du père, de la mère, des enfants, des parents plus éloignés et encore des domestiques. […] C’est une tâche parfois ardue de démêler laquelle a dominé dans un moment donné et en quelle proportion les autres étaient alors représentées dans une société. […] En ce temps-là, dans la société aristocratique (celle qui alors influe le plus sur la littérature), le mariage est considéré comme une institution surannée et contre nature. […] Il faut remonter à la raison d’être de ces métamorphoses, et la principale, c’est la condition de la femme dans la famille et dans la société. […] L’enfant, peu à peu, est devenu le petit roi de notre société.
Il y est parlé délicatement de la dignité des lettres, de leur rôle dans la société, et surtout de leur part dans la vie. […] La société en masse réalisa le doute méthodique de Descartes. […] Jamais plus vaste société ne fut jointe par un lien plus indissoluble ; jamais les hommes ne furent plus frères. […] Qu’il voie la société, mais sans prétendre y briller par les avantages de l’opulence. […] Vous avez des académies, des sociétés savantes : consultez leurs jugements ; mais consultez surtout ceux du public.
Le roman n’était encore que social avec George Sand : roman à thèses où l’étude de la vie en société n’est pas le but même. […] Son but est d’exprimer la vie telle qu’elle est, la société telle qu’elle est ; comme les réalistes, il accumule le détail et la description, il tombe même dans le technique. […] Le fait général observé par Balzac est le ravage que le tempérament amoureux d’un homme amène chez lui, dans sa famille, dans la société. […] Leur « société » est donc incomplète. […] Tandis qu’à notre époque des romanciers ont pris pour objet d’étude la société populaire ou bourgeoise, et que leurs œuvres roulent en partie sur des grossièretés, d’autres ont peint avec amour la société mondaine.C’est sans doute un objet d’étude légitime comme tous les autres.
La cour, les ruelles, les salons, par qui cette action s’exerce, sont toujours le rendez-vous d’une société triée ; aristocratie de naissance, aristocratie de fortune, aristocratie de talent s’y rencontrent et y fraternisent. […] Suivons-les, si vous voulez, dans l’époque où la société polie se constitua en France, c’est-à-dire dans la première moitié du xviie siècle. […] Elle acquiert ainsi dans la haute société des pays environnants une sorte d’universalité. […] C’est là que des théories destinées à troubler et à renouveler la société essaient leurs ailes avant de prendre leur vol. […] Cela est si vrai que transplantée dans des pays, en des temps où l’idéal était moins raffiné, où la société était moins polie ou plus démocratique, elle a dépéri comme une fleur délicate exposée aux intempéries d’un climat plus rude.
Enfin, quelle que soit la place qu’on occupe soi-même dans la grande bagarre humaine dont nous faisons tous partie, on ne peut plus méconnaître en lui un philosophe politique du premier ordre, un de ceux qui, en nous éclairant sur l’esprit d’organisation des anciennes sociétés, donnent le plus à penser sur les destinées et la direction future des sociétés modernes. […] Je vous l’ai déjà dit, dans la société des nations comme dans celle des individus, il doit y avoir des grands et des petits. La France a toujours tenu et tiendra longtemps, suivant les apparences, un des premiers rangs dans la société des nations. […] Vous combattez pour tout ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes, on peut lire même pour la société civile. […] Dans un genre tout différent, j’indiquerai les lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, sur l’éducation des femmes et sur leur fonction naturelle dans la société.
C’est une immense époque pour la société humaine, mais c’est une immense époque pour l’art. […] Ce n’est donc pas une raison, parce que aujourd’hui d’autres vieilleries croulent à leur tour autour de nous, et remarquons en passant que Luther est dans les vieilleries et que Michel-Ange n’y est pas, ce n’est pas une raison parce qu’à leur tour aussi d’autres nouveautés surgissent dans ces décombres, pour que l’art, cette chose éternelle, ne continue pas de verdoyer et de florir entre la ruine d’une société qui n’est plus et l’ébauche d’une société qui n’est pas encore. […] À l’adolescent, elle parle de l’amour ; au père, de la famille ; au vieillard, du passé ; et, quoi qu’on fasse, quelles que soient les révolutions futures, soit qu’elles prennent les sociétés caduques aux entrailles, soit qu’elles leur écorchent seulement l’épiderme, à travers tous les changements politiques possibles, il y aura toujours des enfants, des mères, des jeunes filles, des vieillards, des hommes enfin, qui aimeront, qui se réjouiront, qui souffriront. […] Sans doute il y a des moments où les affaires matérielles de la société vont mal, où le courant ne les porte pas, où, accrochées à tous les accidents politiques qui se rencontrent chemin faisant, elles se gênent, s’engorgent, se barrent et s’embarrassent les unes dans les autres.
Homme, il faut qu’il sache ce qu’il doit à l’homme ; citoyen, il faut qu’il apprenne ce qu’il doit à la société ; prêtre, négociant, soldat, géomètre ou commerçant, célibataire ou marié, époux, fils, frère ou ami, il a des devoirs qu’il ne peut trop connaître. […] Sa Majesté Impériale n’est pas de l’avis de Bayle, qui prétend qu’une société d’athées peut être aussi ordonnée qu’une société de déistes, mieux qu’une société de superstitieux79 ; elle ne pense pas, comme Plutarque, que la superstition est plus dangereuse dans ses effets et plus injurieuse à Dieu que l’incrédulité80 ; elle ne définit pas avec Hobbes la religion une superstition autorisée par la loi, et la superstition une religion que la loi proscrit. […] Malgré les maux infinis que les opinions religieuses ont faits à l’humanité, malgré les inconvénients d’un système qui met la confiance des peuples entre les mains du prêtre, toujours rival dangereux du souverain, qui donne un supérieur au chef de la société et qui institue des lois plus respectables et plus saintes que les siennes ; elle est persuadée que la somme des petits biens journaliers que la croyance produit dans tous les États compense la somme des maux occasionnés entre les citoyens par les sectes et entre les nations par l’intolérance, espèce de fureur maniaque à laquelle il n’y a point de remède81.
Il s’appliqua, suivant la nature de son esprit observateur, à tout deviner, à tout démêler dans cet événement extraordinaire, et il en fit, à son retour à Paris, des récits qui charmèrent la société. […] Cette conversation avec Dusaulx et son autre conversation avec Diderot nous le montrent parfaitement en scène au point de vue de la société. […] Mais bientôt, cette direction échappant aux mains des gouvernants, la société tout entière entra dans une de ces agitations profondes dont aucun esprit clairvoyant ne pouvait prévoir le terme ni les crises. […] On conçoit que, sage et sans passions, satisfait et désabusé, Rulhière n’ait pas vu sans une impression profonde la grande commotion qui ébranlait la société et toutes les existences. […] Les regrets qu’excita la mort de Rulhière parmi ceux qui jouissaient de sa société, montrent assez qu’il ne faut pas prendre à la lettre la réputation de méchanceté qu’on a voulu lui faire ; il a dû se calomnier lui-même par son goût et son talent pour l’épigramme.
Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. […] Au fond, l’avocat général Omer de Fleury ne se trompait pas tant quand il dénonçait au Parlement les Encyclopédistes comme « une société formée pour soutenir le matérialisme, pour détruire la religion, pour inspirer l’indépendance, et nourrir la corruption des mœurs ». […] Elle fournit d’opinions, de solutions, de plans, d’espérances sur tous les objets de la pensée, sur toutes les parties de la société, les hommes qui adhéraient seulement à ce principe général, que la raison est toute-puissante et doit être souveraine. […] Leurs personnes presque toujours sont plus intéressantes, plus représentatives, que leurs écrits ; et l’historien de la société a plutôt affaire à eux qu’à l’historien de la littérature. […] Il ne poussa point à démolir la société : il se contenta de travailler à l’améliorer.
La religion, la philosophie, la poésie, contribuèrent à perfectionner les mœurs et les lois, mais toujours d’une manière spontanée, sans que l’on s’aperçût encore que l’homme peut par la science se rendre maître de la nature et de la société elle-même, et donner à ses progrès une direction choisie et voulue. […] Si l’on voulait transporter cette vue dans une autre sphère, on pourrait dire que la philosophie du xviiie siècle a essayé d’appliquer la même idée au gouvernement et au perfectionnement des sociétés. […] On peut trouver que cette expérience n’a pas été d’abord très-heureuse, car il n’est pas aussi facile d’expérimenter sur les sociétés vivantes que sur les corps bruts. Toujours est-il que le caractère remarquable de la société contemporaine est précisément cet effort d’appliquer la science à l’amélioration de la destinée humaine. […] Ainsi les hommes commencent à vouloir gouverner la société comme ils gouvernent la nature, mais d’une manière bien plus incertaine, les faits étant infiniment plus nombreux et plus compliqués.
Lawrence32 I Pendant que Dickens, le populaire et vulgaire Dickens, semble avoir, comme la société elle-même, transformé les anciennes conditions du Roman dans ce glorieux pays du Roman, l’Angleterre, voici tout à coup un nouveau romancier qui s’élève et qui, méprisant ce qu’on dit des genres épuisés, ne craint pas de revenir à ce vieux roman de high life que ceux qui l’ont écrit le mieux, comme Bulwer, par exemple, ont depuis longtemps abandonné. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que le high life est la vie des classes supérieures, qui valent mieux que les autres de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée. […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, Georges Lawrence nuance la force ; mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse.
De Gères nous dit que c’est un appel fait par un poète appartenant à la Société des sonnettistes (il paraît qu’il y a de pareilles sociétés) qui l’a fait revenir à la muse si longtemps abandonnée. Je ne crois point, pour ma part, — moi, l’adversaire de toute académie quand il s’agit d’art ou de littérature, et qui me moque de ces sociétés, affectations organisées, coteries bonnes pour tous les Vadius et les Trissotins de la terre, — je ne crois point que Jules de Gères eût besoin d’un si pauvre stimulant pour revenir à la poésie, pour réveiller la Muse qui dormait au fond de son âme comme la Nuit de Michel-Ange… Quand toutes les sociétés de sonnettistes (s’il y en a plusieurs) auraient manqué à la France, qui ne s’en doute pas, il fût retourné à la poésie, qui est son destin, de par cette imagination que la vie peut blesser, comme les dieux sont blessés dans les batailles d’Homère, mais ne meurent pas de la perte de leur sang immortel… Jules de Gères est, de nature, très au-dessus des petites sociétés littéraires dont il peut avoir la condescendance, mais il n’a aucunement besoin d’elles pour se retrouver un poète, — c’est-à-dire un solitaire, un isolé, une tour seule (il me comprendra, le poète de la Tour seule !). […] Je n’aime pas plus les sonnets que les sociétés de sonnettistes. […] Et vous le voyez parle livre de Gères, il y a des sociétés de sonnettistes, comme il y a des compagnons du tour de France et des francs-maçons !
Dans cette société, pourrie d’or et de luxe, sa Chanson des gueux fit l’effet d’explosion d’un gueux superbe, qui serait entré dans un salon. […] Il est impossible de supporter longtemps l’analyse, même la mieux faite, de tant de choses méprisables… Je conçois que Le Sage peignît un laquais dans Gil Blas, à l’époque où les laquais intéressaient une société qui donnait chaque jour sa démission de sa noblesse. […] Jean Richepin, dans une société sans noblesse et sans laquais, — car cette société est égalitaire, et le larbin, si elle est conséquente, y vaut le sénateur, — peigne un lâche parce qu’il y en a beaucoup dans cette charmante société. Mais il n’y a pas les mêmes raisons pour que le lâche nous plaise, à nous, comme le laquais a plu dans la société du xviiie siècle.
Lawrence36 I Pendant que Dickens, le populaire et vulgaire Dickens, semble avoir, comme la société elle-même, transformé les anciennes conditions du roman dans ce glorieux pays du Roman, l’Angleterre, voici tout à coup un nouveau romancier qui s’élève et qui, méprisant ce qu’on dit des genres épuisés, ne craint pas de revenir à ce vieux roman de high life que ceux qui l’ont écrit le mieux, comme M. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal, parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que la high life est la vie des classes supérieures qui valent mieux que les autres, de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, M.
Zola a marché avec la société environnante. […] Elle est jolie, la haute société ! […] La société où il vit tremble sous ses pieds. […] Elle est gaie, la haute société d’alors ! […] Déblatérons contre la société, mais n’y changeons rien !
On trouvera de meilleures explications de la ressemblance des deux amis dans la fréquentation des mêmes sociétés spirituelles, élégantes et licencieuses qui furent le berceau de leur esprit. […] Le nom illustre de son mari et les agréments de la société faisaient de cette magnifique résidence la capitale rurale des deux provinces. […] Il ne s’occupait que de ce qu’il appelait les honnêtes gens, l’élite pensant de la société ; sa philosophie, qu’il ne croyait jamais destinée à devenir populaire, était une sorte de maçonnerie du sens commun propre à relier seulement les hautes classes de la société. […] Rousseau, qui rêvait une égalité niveleuse entre les hommes prédestinés, selon Voltaire, à toutes les inégalités par la nature et par la société. […] Quelque chose de la grâce et des vices d’Alcibiade lui était resté de sa jeunesse, de la cour, de la société, du théâtre.
L’Hôtel de Rambouillet, et la société précieuse. […] Moins lourde, mais plus sérieuse fut l’imitation française : la société précieuse est la réalité dont l’Astrée donne le roman. […] Voilà comment l’influence de la société sur la littérature française-fut mêlée de bien et de mal. […] L’esprit de la société polie, esprit précieux d’abord, puis simplement esprit de cour ou de salon, n’est en somme que la forme charmante, étroite, inférieure, du goût classique : c’est au-dessus de lui, bien que souvent pour lui, que se firent les chefs-d’œuvre. […] Il y a beaucoup de sens et d’esprit dans ces conversations un peu longues, qui, publiées à part, devinrent comme le manuel de la bonne société.
Dans quelle mesure la société tolère-t-elle, favorise-t-elle ou au contraire détruit-elle l’inspiration de l’artiste et l’originalité esthétique ? […] Ici la question est la suivante : quelle est la part qui revient à la société et à l’individu dans la genèse de l’art ? […] Avec l’évolution des sociétés, avec leur croissance en étendue et en hétérogénéité, l’oppression sociale perd de sa force et l’individualisme fait des progrès. […] Ce développement de l’individualisme esthétique suppose une tolérance sociale inconnue aux sociétés primitives. […] Car se sentir différent, se décerner ce brevet de différence, « n’est-ce pas s’égaler à toute la société ?
Tel est l’état de l’individu dans ces sociétés d’insectes dont l’organisation est savante, mais l’automatisme complet. […] Surtout, il n’y a pas d’humanité sans société, et la société demande à l’individu un désintéressement que l’insecte, dans son automatisme, pousse jusqu’à l’oubli complet de soi. […] A la société elle se donnerait par surcroît, mais à une société qui serait alors l’humanité entière, aimée dans l’amour de ce qui en est le principe. […] Elle eût vu qu’elles servent avant tout à préparer l’action de l’individu et de la société sur les choses, que la société les fournit pour cela à l’individu, et qu’ériger leur quintessence en divinité consiste tout simplement à diviniser le social. […] Telle est l’idée que le philosophe a trop souvent reçue toute faite de la société par l’intermédiaire du langage.
Certes, la société nous donne la liberté· Ah ! […] Çà et là ce sont des êtres humains et une société que l’on a devant soi. […] L’ancienne société juive, telle que je l’ai connue dans mon enfance, parce que mon père en était, cette société n’a plus devant elle une longue existence. […] quelle société distinguée de dilettantes de génie que celle-là ! […] Quelle en sera l’influence sur la marche de notre société ?
Il doit paraître dans quelques semaines, chez un libraire bien connu et estimé des bibliophiles, un petit volume fait pour attirer l’attention, et qui permettra de rétablir avec précision et fidélité une des physionomies les plus remarquables et les plus caractéristiques de la société française dans la seconde moitié du xviiie siècle67. […] Il en faudrait seulement conclure que cet homme d’esprit, et qui avait vécu dans la bonne société, était de la classe des mystificateurs, et que son amour-propre jouissait plus à donner le change au monde qu’à se faire compter comme écrivain6. […] Il y avait donc entre eux un abîme de ce côté-là, du côté du rivage de l’Éternité ; mais de ce côté-ci du monde, et dans l’observation de la société, ils pensaient presque en tout de même ; ils avaient la même expérience définitive, le même désabusement, avec cette différence que Mme de Créqui était revenue de tout intérêt actif dans la vie, et que M. de Meilhan était désabusé, mais non détaché ; elle lui en fait quelquefois la guerre. […] Mais pour que cette idée de métempsychose de Montaigne à elle fût autre chose qu’un compliment de l’amitié, il aurait fallu à Mme de Créqui ce qu’elle n’avait, ni elle, ni aucune des femmes distinguées de ce grand monde et de cette société accomplie mais finissante, la fertilité, la fraîcheur de détail, l’imagination. […] Ce n’est pas elle qui, avec son découragement et ses sévérités, se serait jamais amusée à recueillir curieusement tous les riens de société et les caquetages : elle a une disposition de dégoût qui coupe court et qui abrège.
M. de Pontmartin dut voir souvent là, à ce foyer hospitalier et intime, le Lamennais dès longtemps déchu et non pas moins intéressant à entendre ; et je suis étonné qu’il se soit plu depuis à nous représenter « la société polie, sans acception de culte ou de croyance, laissant M. de Lamennais tomber de chute en chute dans le trou à fumier de l’impiété démagogique. » Cette société polie n’est pas polie du tout dans ses expressions. […] Les trois ordres de la société, selon lui, « la société chrétienne au nom de sa foi, le monde aristocratique au nom de son honneur et de son orgueil, la classe bourgeoise au nom de ses intérêts, tous s’accordent dans un sentiment de répulsion et d’alarme à l’endroit de la littérature. » Recherchant les causes de cet abaissement général, de ce désaccord de la littérature avec la société, il en demande compte à la critique ; il partage celle-ci en trois catégories, et toutes les trois également impuissantes ou stériles, sous lesquelles il ne tient qu’à nous de mettre des noms : la critique dogmatique et immobile (Gustave Planche, probablement) ; la critique qui se joue en de fantasques arabesques (apparemment Janin, ou Gautier, ou Saint-Victor) ; et celle qui se réfugie dans le passé pour n’avoir pas à se déjuger et à se contredire dans le présent (c’est moi-même, je le crois). […] Mais laissant de côté ce qui me regarde, je demande si cette sorte d’exaltation dans laquelle se place tout d’abord M. de Pontmartin, cette sorte de ferveur guerroyante d’un chevalier armé et croisé pour la défense de la société, est une disposition favorable pour juger sainement de l’œuvre d’un artiste, d’un romancier, d’un auteur dramatique. […] Vous faut-il des exemples pris dans la société actuelle ?
L’esprit littéraire, dans sa vivacité et sa grâce, consiste à savoir s’intéresser à ce qui plaît dans une délicate lecture, à ce qui est d’ailleurs inutile en soi et qui ne sert à rien dans le sens vulgaire, à ce qui ne passionne pas pour un but prochain et positif, à ce qui n’est que l’ornement, la fleur, la superfluité immortelle et légère de la société et de la vie. […] Avec Mme d’Albany, tout en étant vrai, il reste plus dans les termes d’homme du monde et de société. […] Insuffisant aux heures décisives et trop ému pour ne pas être quelquefois dérouté, dans l’ordre naturel et régulier des choses il est un de ces hommes de bien et de lumières dont on ne saurait trop désirer que le nombre augmente, pour le bonheur et la moralité des sociétés dont ils sont membres. […] Cela lui eût fermé l’entrée de la haute société genevoise. […] Que je suis curieuse de savoir comment elle se tirera de la société de ce pays !
En France, les personnes distinguées par leur esprit ou par leur rang, avaient, en général, beaucoup de gaieté ; mais la gaieté des premières classes de la société n’est point un signe de bonheur pour la nation. […] Dans les pays pauvres, et surtout dans les classes moyennes de la société, on a souvent trouvé des mœurs très pures ; mais c’est aux premières classes qu’il appartient de rendre plus remarquables les exemples qu’elles donnent. […] Ce sont donc, en général, les mœurs des premières classes de la société qui influent sur la littérature. […] Il s’en faut bien qu’elles y trouvent les agréments que la société de France promettait autrefois ; mais ce n’est pas avec le tableau des jouissances de l’amour-propre qu’on fait un roman intéressant, quoique l’histoire de la vie prouve souvent qu’on peut se contenter de ces vaines jouissances. […] Les passions sans combat, les dénouements sans gradations, les sacrifices sans regrets, les liens sans délicatesse, ôtent aux romans tout leur charme ; et le petit nombre de ceux de ce genre que nous possédons en français, ont à peine eu quelque succès dans les sociétés qui leur avaient servi de modèle.
Il ne lui faut rien du dehors ; elle est un État organisé, une société qui se suffit. […] Dans les grandes sociétés la famille se démembre et s’amoindrit, mais en l’absence de toute autre société elle s’étend, elle se développe, elle se ramifie sans se diviser. […] C’était une petite société qui était modelée exactement sur la famille. […] La marche que ce jeune homme est astreint à suivre est celle que la société a d’abord suivie. […] Si voisines qu’elles fussent, elle formaient toujours deux sociétés complètement séparées.
Dans ce duel inégal qu’elle soutint et qui, même avec de légers torts, fait son éternel honneur, elle ne résiste pas à César comme un Caton ni comme la femme de Brutus, elle résiste comme une femme française et de la haute société ; on voit l’émotion, le sein palpitant ; on entend la plainte. […] Toute cette brillante société s’en était allée passer une journée à Chambéry, et l’on s’en revenait à Aix vers le soir, en deux carrosses. […] J’ai infiniment plus de jouissances de société parmi les Genevois. […] c’en est fait de cette société vivifiante, de cette lanterne magique du monde, que j’ai vue s’éclairer là pour la première fois, et où j’ai tant appris de choses ! […] M. de Custine, alors très jeune, mais de l’esprit le plus fin, le plus aiguisé, le plus tourné à l’observation de la société, et dans un premier enthousiasme qui admettait déjà quelque malice, a tracé en huit ou dix pages un portrait vivant.
C’est surtout dans le tableau de ce que deviendrait la société dénuée de religion et livrée en proie aux doctrines contraires, que l’orateur sacré puise ses principaux arguments. […] s’écrie-t-il ; se figure-t-on ce que deviendraient l’homme, les hommes, l’âme humaine et les sociétés humaines, si la religion y était effectivement abolie, si la foi religieuse en disparaissait réellement ? […] La société, en se perfectionnant, s’est faite protectrice, et elle a entouré de plus de soins et de plus de garanties la vie des hommes : la nature reste dure et implacable. […] Boutmy dans la Presse , du 27 août 1864. incompatibilité profonde avec l’esprit humain, avec la société humaine, l’abîme de l’irresponsabilité morale où tomberaient les âmes… ; en un mot, la fin du monde civilisé, tel qu’il a été jusqu’ici conçu et qu’il a existé depuis la première cité et le premier autel. […] J’admets comme un droit naturel et universel la liberté de la pensée ; mais, parce qu’elle est essentiellement libre, elle n’est pas indifféremment vraie, et ceux-là seuls qui pensent comme moi sont, pour moi, dans la vérité et appartiennent à la même société intellectuelle, c’est-à-dire à la même Église que moi.
Ouvrages de main, ouvrages d’esprit, récitation par cœur de vers et de prose, enregistrement de chaque anecdote, de chaque aventure de société, dont elle fera bientôt quelque comédie ou quelque nouvelle, et avec cela sept ou huit heures de harpe par jour, elle suffit à tout, et encore à plaire, à charmer les sociétés qui l’admirent. […] Les expressions qui ont quelque nouveauté et quelque fraîcheur sont très rares chez Mme de Genlis, et on ne les rencontrerait guère que dans quelques-uns de ses portraits de société, où elle est soutenue par la présence et la fidélité de ses souvenirs. […] Mme de Genlis tout à fait vieille, et telle qu’elle parut dans la société depuis sa rentrée en France, déployait de l’agrément et de l’amabilité, mais dans un cercle restreint. […] Elle n’avait d’autre horizon qu’un horizon de société et de coterie. […] En tout, ce qui lui manquait, c’était l’élévation dans l’âme et dans le talent, c’était la vérité et la nature ; d’ailleurs elle avait les finesses, les adresses et les grâces de la société.
Cependant, il laissait des notes pour ces analyses des sociétés secondaires, c’est à-dire de l’Association et de la Famille, et nous savons à l’aide de quels arguments. Il aurait continué à prouver que « le vice interne dont souffre notre société française, c’est l’émiettement des individus, isolés, diminués aux pieds de l’État trop puissant, rendus incapables par de lointaines causes historiques et plus encore par la législation moderne, de s’associer spontanément autour d’un intérêt commun ». […] Et il me semble intéressant de mettre, dans ce moment, sous les yeux du public, une page puissante et inédite, où le grand écrivain examine quelle est, en France, la condition des sociétés autres que l’État et marque la qualité morbide d’un tel régime. ∾ « Commune, Département, Église, École, ce sont-là, dans une nation, à côté de l’État, les principales sociétés qui peuvent grouper des hommes autour d’un intérêt commun et les conduire vers un but marqué : d’après ces quatre exemples, on voit déjà de quelle façon, à la fin du xviiie siècle et à la fin du xixe , nos politiques et nos législateurs ont compris l’association humaine.
Plus d’une fois le mystique synthétise et symbolise en Dieu ses propres dégoûts de la société, son idéal antisocial. Il se réfugie en Dieu pour échapper à une société qu’il juge odieuse et intolérable. Il s’oppose directement en ceci aux métaphysiciens de la sociologie qui divinisent la société, qui voient en elle la source de tout bien et qui l’adorent comme un nouveau Jéhovah.
Une société n’est pas isolée dans l’espace ni dans le temps. Elle se rattache à d’autres sociétés qui l’entourent ou qui l’ont précédée. […] Tantôt on reconnaîtra une action exercée sur la nation qu’on étudie par quelqu’une des époques de sa propre histoire ou bien par les sociétés se trouvant en contact avec elle ; ainsi en France, par une espèce d’atavisme, le moyen âge, le seizième siècle, le commencement du dix-septième ont obtenu, sous le premier Empire et lors de la Restauration, un regain de popularité qui est sensible dans le développement de notre école romantique ; ainsi encore on sait quelle déviation la résurrection de l’antiquité grecque et latine fit subir au génie français, lors de la Renaissance, ou à quel point nos écrivains du siècle dernier furent les disciples de l’Angleterre.
Jonathan Swift est né à Dublin, mais ses parents étaient du comté d’York ; il était donc Anglais de race, et on est bien aise de le savoir, quand on croit que la race est encore pour les hommes quelque chose… Mal élevé et malheureux dans les premiers temps de sa vie, Swift, né avec un esprit violent, fut de bonne heure misanthrope dans une société qui blessait son orgueil par toutes ses institutions, et quand le bonheur, la célébrité et l’influence sur les hommes lui vinrent, l’étoffe avait son pli et le vase était imbibé de liqueur amère. […] Cet Alceste, ou plutôt ce Timon, car Swift est trop robuste pour n’être qu’Alceste, cet homme enfin qui avait des manières presque shakespeariennes d’être misanthrope, et qui haïssait mortellement la société anglaise, était tellement le fils ou plutôt le produit de cette société, qu’il agissait comme elle quand il l’attaquait le plus violemment. […] On a dit que le cant anglais souleva de mépris cette âme forte, qui n’avait rien d’aimable, mais on n’a pas dit encore et surtout on a oublié de voir que le cant de sa société ou de sa race était en lui tellement ancré qu’il influa, durant toute sa vie intellectuelle, sur les procédés les plus intimes de son esprit. […] Il a pour tout talent l’uniformité dans l’ironie, et pour toute ressource, dans sa lutte contre une société qu’il haïssait, la forme littéraire la plus hypocrite, l’ironie n’étant jamais que cela.
Il faut donc que ce soit la Providence elle-même qui le retienne dans cet ordre de choses, et qui lui fasse suivre dans la justice la société de famille, de cité, et enfin la société humaine. […] La dispensatrice du juste parmi les hommes, c’est la justice divine, qui, appliquée aux affaires du monde par la Providence, conserve la société humaine. […] Considérons en dernier lieu si nous pouvons concevoir dans telle occasion, dans tel lieu, dans tel temps, quelques bienfaits divins qui eussent pu mieux conduire et conserver la société humaine, au milieu des besoins et des maux éprouvés par les hommes ; voilà les preuves que nous fournit l’éternelle bonté de Dieu. — Ces trois sortes de preuves peuvent se ramener à une seule : Dans toute la série des choses possibles, notre esprit peut-il imaginer des causes plus nombreuses, moins nombreuses, ou autres, que celles dont le monde social est résulté ? […] Nous montrons dans les fables l’histoire civile des premiers peuples, lesquels se trouvent avoir été partout naturellement poètes. 2º Même accord avec les locutions héroïques, qui s’expliqueront dans toute la vérité du sens, dans toute la propriété de l’expression ; 3º et avec les étymologies des langues indigènes, qui nous donnent l’histoire des choses exprimées par les mots, en examinant d’abord leur sens propre et originaire, et en suivant le progrès naturel du sens figuré, conformément à l’ordre des idées dans lequel se développe l’histoire des langues (axiomes 64, 65). 4º Nous trouvons encore expliqué par le même système le vocabulaire mental des choses relatives à la société 40, qui, prises dans leur substance, ont été perçues d’une manière uniforme par le sens de toutes les nations, et qui dans leurs modifications diverses, ont été diversement exprimées par les langues. 5º Nous séparons le vrai du faux en tout ce que nous ont conservé les traditions vulgaires pendant une longue suite de siècles.
Il l’est précisément quand il écrit à ses amis intimes, mais il ne l’est pas — et n’a pas à l’être envers la société ou les étrangers. […] Quand il vivait, la société voyait en lui un être exceptionnel, un peu monstrueux et elle l’abandonnait aux vicissitudes du sort. […] Ces petits mensonges envers la société témoignent de l’élévation de sa pensée, de son intelligence, de sa sérénité. […] Cet épouvantable amoncellement de papier annoté ne serait-il pas en lui-même un risque pour la société ? […] Ainsi l’intellectuel lègue à la société les biens les plus précieux qu’il possède et qu’elle dilapide en barbare.
Mon père et cet homme, c’était tout ce que je voyais de la société. » Rappelez-vous cette note. […] Le crime d’une société que rien ne peut absoudre l’en avait privé. […] Je commençais de connaître, de juger cette société, cette civilisation, ces prétendus sages. […] J’étais chrétien déjà ; si je ne l’avais été, dès ce jour j’aurais appartenu aux sociétés secrètes. […] Il n’est pas difficile de comprendre qu’un pays où règne l’individualisme n’est plus dans les conditions normales de la société, puisque la société est l’union des esprits et des intérêts, et que l’individualisme est la division poussée à l’infini… Tous pour chacun, chacun pour tous, voilà la société.
Tout aujourd’hui, dans les idées comme dans les choses, dans la société comme dans l’individu, est à l’état de crépuscule. […] La société attend que ce qui est à l’horizon s’allume tout à fait ou s’éteigne complètement. […] Ce qui est peut-être exprimé parfois dans ce recueil, ce qui a été la principale préoccupation de l’auteur en jetant çà et là les vers qu’on va lire, c’est cet étrange état crépusculaire de l’âme et de la société dans le siècle où nous vivons ; c’est cette brume au-dehors, cette incertitude au-dedans ; c’est ce je ne sais quoi d’à demi éclairé qui nous environne.
M. de Meilhan excelle à décomposer un sentiment, à le montrer dans sa nudité, dans sa simplicité primitive, avant que le loisir, la curiosité, l’amour-propre, toutes les passions nées d’une société avancée y aient ajouté leur charme ou leur artifice. […] Il vient un moment pourtant où, dans l’intérêt et pour le salut de la société, les ânes, même les meilleurs, ne suffisent pas, et où il faut recourir dans le péril au coursier généreux. […] M. de Meilhan avait encore composé dans ces années un roman en quatre volumes intitulé L’Émigré, et qui fut imprimé à Hambourg en 1797 ; je ne doute pas qu’il ne doive contenir des observations curieuses sur cette France d’outre-Rhin et cette société errante, mais je n’ai pu le trouver nulle part ni rencontrer personne qui en eût connaissance30. […] Il peut servir à représenter à nos yeux toute une classe et une race de gens du monde, de gens d’esprit et d’administrateurs distingués, qui existaient tout formés à la fin de l’Ancien Régime, qui succombèrent avec l’ordre de choses, et qui ont péri dans l’intervalle, avant que la société reconstituée pût leur rendre une situation ou même leur donner un asile. Combien de ceux-là qui tenaient dans le monde et la société de leur temps une grande place n’ont pas même laissé un nom !
En même temps que ce dédain du droit idéal se faisait sentir dans l’interprétation de l’histoire, il condamnait les efforts qui ont pour but d’améliorer la société présente. […] Elle inspire à l’implacable apôtre de la rédemption par le sang, à ce catholique si peu chrétien que fut Joseph de Maistre, des pages rouges et sombres comme le manteau de ce bourreau dont il fait un être providentiel et l’une des pierres angulaires de la société. […] Il répètera sur tous les tons à la société : Tu ne tueras point, même celui qui a tué. — Il aura dans son entreprise des alliés : tel Eugène Sue qui proposera ce cruel adoucissement : aveugler le meurtrier au lieu de le faire périr. […] Certains livres d’audacieuse théorie (par exemple La société mourante de Jean Grave) y ont été saisis voici quelques années à peine. […] Au dix-septième siècle, dans la société qui entoure Louis XIV et qui est si respectueuse de toute autorité, les attaques ne sont pas aussi rudes, mais elles ne cessent point.
La comédie, bien que par nature elle soit le miroir grossissant de la société ambiante, reproduit volontiers des types et des travers dessinés par Plaute, par Térence, par Aristophane. […] Bref un effort pour conserver tel quel ce qui existe, une halte de la société et de la pensée dans une immobilité sereine qui permet aux écrivains de songer presque uniquement à plaire et de soigner leur style avec amour, voilà le bilan de ces trente-cinq années185. […] La première scène des Femmes savantes n’est pas seulement une attaque contre les survivantes de la société précieuse ; elle est encore une charge à fond contre les théories du philosophe qui fut leur contemporain et leur inspirateur. […] A cet égard, l’époque fait partie, mais n’est pas encore le point culminant, d’une période où la société polie est le centre lumineux que reflète avec prédilection la littérature ; la politesse se raffinera et surtout s’étendra dans les époques suivantes. […] Les sceptiques et les épicuriens de la société du Temple recueillent la tradition de Saint-Evremond et de Ninon de Lenclos, qui s’obstinent à vivre assez longtemps pour se voir refleurir en eux.
L’homme qui fait des souliers est sûr de son salaire ; l’homme qui fait un livre ou une tragédie n’est jamais sûr de rien. » Marmontel devint donc, en 1753, secrétaire des Bâtiments sous M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour ; dès lors il habita Versailles, et durant cinq années il vécut pêle-mêle et tour à tour avec des artistes, avec des intendants des Menus-Plaisirs, travaillant à sa guise, étudiant à ses heures, et voyant toutes sortes de sociétés qu’il nous peint fidèlement, la société des premiers commis comme celle des philosophes, le financier Bouret comme d’Alembert : Oui, j’en conviens, dit-il, tout m’était bon, le plaisir, l’étude, la table, la philosophie ; j’avais du goût pour la sagesse avec les sages, mais je me livrais volontiers à la folie avec les fous. […] Le sixième livre de ses Mémoires, qui nous fait parcourir en détail les différents cercles du xviiie siècle et qui nous en montre un à un tous les principaux personnages, est historiquement des plus curieux à consulter pour l’histoire des mœurs et de la société française. […] … La littérature et un cœur noble sont le véritable charme de la société. » C’est bien ainsi que l’entendait Marmontel ; il avait l’âme avant tout sociable et littéraire. […] Ces agréables Mémoires, qui ressemblaient à « une promenade qu’il faisait faire à ses enfants », changent brusquement de caractère : avec le livre douzième, on quitte la biographie, les portraits et les conversations de société, les querelles légères : on entre dans les préoccupations et les graves soucis de l’histoire. […] J’ai dit qu’au réveil de la société, les électeurs de l’Eure le portèrent au Conseil des Anciens ; le 18 Fructidor annula son élection, sans le frapper d’ailleurs.
Dans la première étude, et assez complète, que j’en ai donnée à la Revue des deux mondes dès le mois de janvier 1840, et qui a été recueillie dans mon volume de Portraits de femmes entre Mme de Longueville et Mme de La Fayette, je disais, après avoir raconté tous les incidents de monde et de société qui accompagnèrent et suivirent la publication des Maximes et dont le salon de Mme de Sablé était le centre : Le succès, les contradictions et les éloges ne se continrent pas dans les entretiens de société et dans les correspondances ; les journaux s’en mêlèrent ; quand je dis journaux, il faut entendre le Journal des savants, le seul alors fondé, et qui ne l’était que depuis quelques mois. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. […] Elle y faisait en quelque sorte l’office de rapporteur ; elle exposait les deux opinions qui partageaient sa société, et à côté de grands éloges elle avait mis quelques réserves.
Par malheur, pour arriver là, il faut subir trois cents pages illisibles, la société de province travestie en d’ignobles caricatures. […] L’éducation de la société à venir, la dignité et l’honnêteté de la vie privée, la sécurité et la douceur du foyer domestique, tout cela est entre leurs mains. […] Pour la repousser, pour garantir ces hiérarchies expirantes, pour maintenir dans son aplomb cette société sans appui, que restait-il ? […] L’état des âmes dans cette société mourante, voilà la préparation la plus efficace à l’avènement du christianisme. […] Mais il y a autre chose, et le progrès même de la religion chrétienne dans cette société qu’elle subjugue se précise par cette distinction importante.
Parmi les espèces de faits, les personnages, les sociétés bien connus (soit par l’observation directe, soit par l’histoire), on cherchera ceux qui ressemblent aux faits, au personnage, à la société qu’il s’agit d’étudier. […] Après avoir déterminé tous les faits qui constituent une société, il resterait à replacer cette société dans l’ensemble des sociétés du même temps. […] Elle étudie les états de société à des moments différents et constate entre eux des différences. […] Il suffit donc pour la rechercher de reprendre le questionnaire qui a servi à dresser le tableau de la société. […] Si elle a chance de trouver les causes qui expliquent l’évolution des sociétés passés, ce sera par l’observation directe des transformations des sociétés actuelles.
A mesure que la civilisation gagne, que la société s’organise et se raffine, la poésie, primitivement éparse, se concentre sur quelques têtes et s’individualise de plus en plus. […] Le nombre des poëtes, des artistes in petto, malgré la société et à son insu, augmente dans une progression effrayante, en même temps que les larges routes et les issues possibles semblent diminuer. […] Deschamps, père des deux poëtes de ce nom, et lui-même un des derniers liens de la société littéraire de son temps. […] Une société choisie et lettrée se rassemblait chez M. […] Dans son récent volume, qui est un retour de souvenir vers le passé, M. de Vigny a laissé le poëte pour s’occuper du soldat, cet autre paria, dit-il, des sociétés modernes.
Ils l’ont retirée du cabinet, du cénacle et de l’école pour l’introduire dans la société et dans la conversation. […] Je compare le dix-huitième siècle à une société de gens qui sont à table ; il ne suffit pas que l’aliment soit devant eux, préparé, présenté, aisé à saisir et à digérer ; il faut encore qu’il soit un mets, ou mieux une friandise. […] Devant cette table si bien servie, l’attrait est vif pour la brillante société dont la grande affaire est le plaisir et l’amusement. […] Nul n’est si sensible aux vices et aux maux de la société présente. Nul n’est si touché du bonheur et des vertus de la société future.
Dans le monde et la haute société, ce mouvement d’esprit, si fécond alors et si imposant en promesses, avait pour centre et pour foyers deux ou trois salons dits doctrinaires. […] Mais la Restauration devait amener dans le monde élevé, et à la surface de la société qu’elle favorisait, d’autres combinaisons moins simples que celles-là. […] Sa société pourtant, grâce à ce séjour plus habituel à Paris, s’augmenta et s’embellit de plus en plus. […] Dans Édouard on voit deux siècles, deux sociétés aux prises, et le malheur qui frappe les amants devient le présage d’un avénement nouveau. […] Si elle a peint dans la suite cette émigration avec ses malheurs, ç’a été uniquement au point de vue de l’ancienne société.
On a cru pouvoir échapper à ces difficultés en substituant la société à l’individu. […] C’est ce sentiment, variable suivant les peuples et les époques, qui est à la racine de l’idéal moral des sociétés contemporaines. […] C’est la société qui le pousse ou l’oblige à se hausser ainsi au-dessus de lui-même, et c’est elle aussi qui lui en fournit les moyens. […] On diminue la société quand on ne voit en elle qu’un corps organisé en vue de certaines fonctions vitales. […] Et si l’entreprise ne lui paraît pas impossible, c’est que la société remplit toutes les conditions nécessaires pour rendre compte de ces caractères opposés.
Voulez-vous savoir si le monde reprend à la vie, si la société se remet à flot et rentre à pleines voiles dans ses élégances et ses largesses ? […] Dans les choses tout à fait essentielles à l’État, si un accident imprévu cause une ruine, si une des poutres qui soutiennent l’édifice s’écroule, il vient un moment où le besoin absolu qui se fait sentir à tous peut amener une réparation ; mais dans l’ordre délicat, en ce qui touche les intérêts de l’esprit, les ruines une fois faites, par le temps qui court, ont grande chance de rester des ruines, et, quand la société a tant à lutter pour subvenir au strict nécessaire, il peut arriver que le jour de la réparation se fasse longtemps attendre pour le superflu. […] Nous vivons dans un temps où la société imite le théâtre bien plus encore que celui-ci n’imite la société. […] Cet esprit qu’on croyait inhérent à l’ancienne société a triomphé de tout ce qui l’a modifiée successivement et détruite ; il a triomphé de 89, de 93, de l’Empire, du régime constitutionnel des deux Chambres. […] Au milieu d’une situation si désespérée, ce semble, je persiste pourtant à croire qu’il ne serait pas impossible, si la société politique dure et se rassoit, de voir se rétablir un certain ordre où la voix de l’opinion redeviendrait peu à peu distincte.
II Cela dit brusquement à Wey, pour l’honneur d’une conception première qui me plaisait excessivement, mais qui supposait la chose la plus rare : l’impersonnalité, ou plutôt la personnalité caméléonesque d’un poète dramatique, je n’ai plus qu’à louer un livre vrai, spirituel, érudit, attentif à tout, et qui, sous prétexte de voyage, nous parle tour à tour politique, art, histoire, morale, société, avec une originalité qui n’a pas le profond, le mordant, la couleur étrange de l’originalité anglaise, mais qui, après tout, a la sienne. […] Son regard fait jusqu’à des percées dans les sociétés de ces villes qu’il traverse et au foyer desquelles il faudrait s’asseoir pour bien les connaître. […] Il a, à un très haut degré, l’indépendance du moraliste, qui ne se laisse imposer par aucune hypocrisie de sentiment ou de société. Lisez, pour en juger, son chapitre sur les médecins, ces confesseurs du corps qui tiennent, par en bas, une société matérialiste, et dont on ne dira jamais le mal qu’on a dit des confesseurs de l’âme, qui, du moins, tenaient la société par en haut !
Il n’a pu être écrit qu’à la date d’une civilisation très avancée, à l’arrière-saison d’une société factice qui avait tout analysé, qui avait raffiné sur les passions et qui, même en les poursuivant, s’en lassait vite et s’en ennuyait. […] Il a voulu exprimer dans Adolphe tout ce qu’il y a de faux, de pénible, de douloureux dans certaines liaisons engagées à la légère, où la société trouve à redire, où le cœur, toujours en désaccord et en peine, ne se satisfait pas, et qui font le tourment de deux êtres enchaînés sans raison et s’acharnant, pour ainsi dire, l’un à l’autre. […] On répondit qu’Ellénore était une Mme Lindsay, « la dernière des Ninon », ainsi que l’a appelée Chateaubriand, et qui avait été l’amie, la maîtresse d’un des hommes de la société vers le temps du Consulat, de Christian de Lamoignon. […] Le livre d’Adolphe avait paru, depuis quelques mois, à Paris, que Sismondi ne le connaissait pas encore ; il était alors en Italie, et il écrivait à son amie de Florence, la comtesse d’Albany, le 9 septembre 1816 : Il n’y a point de livre, Madame, que je désire voir comme le roman de M. de Constant ; il y a fort longtemps que j’en entends parler, même plus de deux ans avant qu’il ait songé à l’imprimer, et quoiqu’il l’ait lu à une moitié de Paris, quoique nous y ayons beaucoup vécu dans la même société, et que je lui sois réellement fort attaché, je n’ai jamais été d’aucune de ces lectures.
C'est une satire de la société actuelle et du gouvernement, entrelardée d’Hymnes mystiques sur le bonheur du passé et de l’avenir. […] Lui qui, à chaque page, trouve les hommes actuels, la société actuelle, si stupides, si atroces, si infâmes, si abrutis (telles sont ses aménités), comment peut-il s’imaginer qu’à l’instant, rien qu’en détruisant un gouvernement, on va avoir une humanité douce, bénigne, éclairée, vertueuse et sage ? […] C'est une brochure imprimée, mais qui se donne et ne se vend pas, intitulée Saint-Cyr, par le duc de Noailles, un des membres distingués de la pairie et qui est fort de la société de madame Récamier. […] C'est simplement et gravement écrit, avec le goût séant à ce noble sujet ; une très-agréable lecture de quelques heures, et destinée à un légitime succès de société, en un temps où tout ce qui tient au grand siècle est si curieusement recherché.
Massillon, Fléchier, hasardaient quelques principes indépendants à l’abri de saintes erreurs ; Pascal vivait dans le monde intellectuel des sciences et de la métaphysique religieuse ; La Rochefoucauld, La Bruyère, peignaient les hommes dans le cercle des sociétés particulières, avec une prodigieuse sagacité : mais comme il n’y avait point encore de nation, les grands traits des caractères politiques, qui ne sont formés que par les institutions libres, ne pouvaient y être dessinés. […] Une société aristocratique est singulièrement favorable à la délicatesse, à la finesse du style. Il faut, pour bien écrire, des habitudes autant que des réflexions ; et si les idées naissent dans la solitude, les formes propres à ces idées, les images dont on se sert pour les rendre sensibles, appartiennent presque toujours aux souvenirs de l’éducation, et de la société avec laquelle on a vécu. […] Comment, au milieu d’une société grossière, parviendrait-on à créer en soi cette délicatesse d’instinct qui repousse tout ce qui blesse le goût, avant même d’avoir analysé les motifs de sa répugnance ?
Des plus distingués comme administrateur et comme peintre de mœurs sous le règne de Louis XVI, il eut surtout une réputation de grand monde et de société : la Révolution y coupa court et le jeta dans l’exil. […] Il y appréciait tout naturellement d’abord son auteur, le plus grand peintre d’histoire, et cet examen le conduisait à marquer la différence de la société moderne à l’ancienne, l’amoindrissement qu’il n’hésitait pas à y voir dans les caractères et dans les âmes. […] J’espère que cette vue, qu’il ne met d’ailleurs en avant que comme un aperçu lointain, ne se trouvera pas vérifiée dans l’avenir des sociétés libres et démocratiques.
M. de Rémusat éprouva de cette consolation en vivant dans la société de M. de Barante. […] Véritable usurpateur des forces de la société, il s’en arrogea l’emploi pour s’en approprier le bénéfice, espèce de grand monopole qu’il voulut étendre sur l’Europe entière. […] Jamais société ne s’est trouvée, pour ainsi dire, dans une disposition plus rationnelle. […] Mais, le jour où les réformes furent conquises, la société, de nouveau remuée, n’y répondit pas comme elle aurait fait en temps plus utile. […] Il jouit donc de son succès de société et remit ses drames en portefeuille.
Baudelaire, aujourd’hui, n’entrerait-pas dans une société où l’on se prépare à élire M. de Pomairols, et que ferait Flaubert en face de M. […] L’étranger et la province, abusés par une réclame intensive, sont excusables de croire que cette société représente quelque chose : mais nous ne pouvons qu’en rire. […] Je ne sais si elle est un salon où l’on cause, mais il y règne certainement cet esprit de « bonne société » qui répugne à toute nouveauté et qui craint les trop grands éclats du génie. […] Ceux-ci n’ont jamais causé que des scandales à fleur de société, des scapinades innocentes, qu’il ne leur est point difficile, au moment opportun, de se faire pardonner par cette honnête dame de fort bienveillante austérité. […] La gent littéraire, comme toute la société française, est dans une période de condensation.
La société que peint M. […] Lorsque dans une société la loi consacre des conditions inégales, personne n’est exempt d’insulte ; le grand seigneur, outragé par le roi, outrage le noble qui outrage le peuple ; la nature humaine est humiliée à tous les étages, et la société n’est plus qu’un commerce d’affronts. […] J’aime mieux être un petit bourgeois dans une société de petits bourgeois, qu’un seigneur dans une société de seigneurs. […] Cette société n’est point le chef-d’œuvre de l’histoire : c’est une certaine sorte de société, qui engendre de beaux sentiments en même temps que de laides passions ; c’est une aristocratie qui, perdant son indépendance et quittant la vie guerrière, devient une cour servile et fière sous la main d’un maître, et trouve ses nouveaux plaisirs dans les amusements de l’esprit et dans la vie de salon.
Le président Hénault a été avant tout un homme de société. […] Lorsqu’on a annoncé ses Mémoires, j’ai eu aussitôt une extrême envie de les lire, persuadé que nul n’était aussi à même que lui de nous introduire dans cette société du commencement du xviiie siècle, sur laquelle on a jusqu’ici assez peu de témoignages détaillés et de confidences originales. […] » Tout le monde, dans la bonne société, vers 1760, entendait ce que cela voulait dire. […] Devenu magistrat sans en avoir l’air, reçu président au Parlement avec dispense d’âge (1706), il ne concourait pas moins pour les prix de l’Académie française, faisait des tragédies, qui tombaient comme déraison (c’est Collé qui le dit), mais sous un autre nom que le sien, des chansons, au contraire, qui avaient la vogue, et il prenait pied partout dans la meilleure société, et bientôt même en Cour. […] Il a été quelque temps père de l’Oratoire ; il a pris dans cette société le goût de l’étude, et y a acquis quelque érudition, mais sans aucune pédanterie.
Pour que le génie comique se développe, il faut vivre beaucoup en société, attacher beaucoup d’importance aux succès de société, et se connaître, et se rapprocher par cette multitude d’intérêts de vanité, qui donnent lieu à tous les ridicules, comme à toutes les combinaisons de l’amour-propre. […] L’intermédiaire qu’on appelle la société n’existe presque point parmi eux ; et c’est dans cet espace frivole de la vie que se forment cependant la finesse et le goût. […] La société efface les singularités, la vie de la campagne les conserve toutes.
On pourrait objecter pourtant que la société animale comporte, dans les fables, une hiérarchie rappelant d’assez près celle de la société indigène. […] Le noir qui a conçu les guinné comme semblables aux hommes, au point de vue du caractère, imagine de même les animaux organisés en société semblable à la sienne mais il n’a pas pour but, en adoptant cette conception, de railler, sous un voile d’allégorie, la constitution du groupement social dont il fait partie. Il lui semble qu’il n’existe qu’une forme de société possible : la sienne, et il ne songe pas à se fatiguer l’imagination à rêver d’une autre organisation sociale.
Mais les époques ne sont qu’un jour dans la durée, et le ridicule individuel qui se perd dans le ridicule de toute une société et y devient imperceptible, l’Histoire le voit, le ramasse et le soufflette de sa lumière, L’Histoire ne fait pas toujours aux hommes l’honneur d’être sévère… Il est des décadences qui ne méritent que le rire de son mépris. […] Jusqu’ici, les sociétés les plus avancées comme les plus sauvages avaient accepté ou subi les hiérarchies sans lesquelles les sociétés ne sauraient vivre, et maintenant on n’en supporte plus… C’est la gloire du Progrès !
Cela revient à dire que l’art suppose une société où les besoins urgents de la vie sont déjà satisfaits ; il faut du loisir pour goûter les œuvres des poètes ; il en faut pour les créer. […] Et Fénelon, dans son Télémaque, propage cette haine de la société civilisée qui sera le point de départ de Rousseau. […] La langue garde surtout la trace indélébile de cet affaissement de la société. […] Il n’est pas indifférent de savoir si l’agriculture, le commerce ou l’industrie a la première place dans la société. […] Ce fut dans les cinquante premières années du siècle une éclosion printanière, presque une éruption de théories destinées à régénérer la société moderne.
Est-ce une nature vraie, légitime, une société saine qu’a exprimée M. […] Mais j’ose affirmer que c’est une société réelle. […] S’il devient banal de redire que la littérature est l’expression de la société, il n’est pas moins vrai d’ajouter que la société aussi se fait l’expression volontiers et la traduction de la littérature. […] Au temps de d’Urfé, une société allemande se mit à vivre à la manière des bergers du Lignon. […] Sue sont donc vrais en ce sens qu’ils ont, au moins passagèrement, des modèles ou des copies dans la société qui nous entoure.
La peinture de l’homme et la peinture de la société. […] Les principaux éléments lui eussent manqué pour représenter les caractères et pour juger l’organisation de la société contemporaine. […] Voilà la plaie incurable de La Bruyère, la source secrète de son chagrin, de sa misanthropie, de ses colères contre les grands qui ne préviennent pas le talent, contre la société qui ne fait pas de place au mérite personnel. […] Rappelons-nous le goût de la société polie pour les Maximes, d’où était sorti le livre de La Rochefoucauld : et rappelons le goût de la même société pour les portraits, d’où était sorti le Recueil de Mademoiselle en 1659, et qui, dans les romans ou comédies, et jusque dans les sermons du siècle, mit tant de descriptions de caractères individuels. […] Plus serrée et plus personnelle est la peinture de la société.
Est-ce la société polie qui distribue la renommée et le succès ? […] Elle tient la première place dans les plaisirs de la société moderne, pour qui l’art est surtout une affaire de plaisir. […] Les uns, éblouis par ce fait qu’un contrat est devenu possible dans les temps modernes comme base fondamentale d’une société, croyaient avoir besoin de prouver que la société humaine n’a pu avoir d’autre origine qu’un contrat et qu’elle a son principe dans elle-même. […] Les autres, partant de cette vérité que la société et la parole sont aussi anciennes que l’homme, et dérivent d’une puissance antérieure à lui, en tiraient cette conséquence que l’homme n’a jamais le droit de défaire une société par laquelle il a été fait. […] Ballanche ne promet ici-bas la félicité ni à la société, ni aux individus.
La main d’une Créqui n’a pas écrit le livre, mais l’esprit d’une Créqui y circule, ou du moins l’esprit d’une société qui fut la sienne. […] C’est un visage inattendu, quand on pense au temps où elle écrivait et surtout au temps où elle avait été jeune, — une physionomie qui tranche sur celles du xviiie siècle, toutes agitées, toutes molles et violentes, comme il convient à une société qui laissait évaporer ses mauvaises mœurs et couvait une révolution. […] Elle n’avait ni les engouements, ni les dégoûts, ni les besoins mendiants de société de cette femme d’un esprit qui tenait tête à Voltaire et qui périssait dans la solitude, tout en se croyant la fière philosophie de Diogène parce qu’elle avait donné à son fauteuil du coin du feu la forme étrange d’un tonneau. […] En voyant s’éteindre, elles et leur langage, des femmes comme la marquise de Créqui et les sociétés auxquelles ces femmes appartenaient, l’auteur, trop attique lui-même pour définir l’atticisme, s’est demandé si l’atticisme, cette chose ineffable, mais facile à sentir et qui n’a de grec que le nom, mourait et disparaissait avec elles, et il s’est répondu que tout le temps « qu’il y aura partout une femme spirituelle douée de charme, à côté de l’aïeule souriante et qui n’invoque pas à tout propos son expérience, — (pourquoi pas ?) […] Atticisme, poésie, loisir, loisir surtout, presque bafoué dans nos sociétés ouvrières, toutes ces choses qui produisent des esprits comme cette marquise de Créqui, par exemple, disparaîtront, dans un temps plus prochain qu’on ne le croit, pour ne plus revenir.
N’essayez donc pas de prétendre, ne vous flattez pas, même dans le passé, qu’il ait pu jamais exister un grand état de société humaine dépouillé de tout instinct d’agitation généreuse, déchu de l’indépendance sous toutes ses formes, s’enfermant avec quiétude et bonheur dans le cercle de la conquête, et n’aspirant qu’au pain du jour, dans l’égalité de l’esclavage. […] Aimons donc à le dire : dans la religion, dans la science, dans les arts, dans la vertu politique enfin, ce dernier but de la société civile, il reste encore, il se reproduira sans cesse un levain précieux d’enthousiasme. […] On croit voir reproduite et centuplée cette astucieuse et rude société décrite par le vieux satirique romain, où, du matin au soir, dans le forum, aux comices, au prétoire, les citoyens étaient sans cesse aux prises comme si tous étaient ennemis de tous. […] Ce puritanisme qui avait renversé dans le sang les distinctions et les pouvoirs de la vieille société anglaise, est devenu de bonne heure le ciment et le lien de l’égalité américaine. Il a, sur cette vaste terre, suppléé par le scrupule moral et la contrainte volontaire à la rare et timide intervention d’une force officielle ; il a gouverné religieusement ces hommes si difficiles à maîtriser par l’autorité humaine ; et ainsi, à cette société active et calme, irrésistible et presque incontrôlable dans son droit populaire, il avait donné pour contrepoids et pour modérateur le droit évangélique228, la loi suprême de justice et de charité.
Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M. […] Guéroult n’a point de parti pris absolu, et il est de ceux qui, tout en désirant le plus, comprennent qu’on puisse faire halte en deçà : « Nous ne comprenons, dit-il, rien d’absolu dans une société progressive par nature et composée d’un ensemble de rapports nécessairement variable. Tout, dans les sociétés humaines, la liberté comme le reste, nous paraît essentiellement relatif et dépendant d’une foule de circonstances. […] Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux. […] Je ne sais si je fais injure à mes semblables, mais il me semble que les premiers progrès des hommes en société se sont opérés et accomplis de la sorte : je me figure des peuplades, des réunions d’hommes arrêtés à un degré de civilisation dont ils s’accommodaient par paresse, par ignorance, et dont ils ne voulaient pas sortir, et il fallait que l’esprit supérieur et clairvoyant, le civilisateur, les secouât, les tirât à lui, les élevât d’un degré malgré eux, absolument comme dans le Déluge de Poussin, celui qui est sur une terrasse supérieure tire à lui le submergé de la terrasse inférieure : seulement dans le tableau de Poussin, le submergé se prête à être sauvé et tend la main, et, souvent, au contraire, il a fallu, en ces âges d’origine et d’enfance, que le génie, le grand homme, le héros élevât les autres d’un degré de société malgré eux et à leur corps défendant, en les tirant presque par les cheveux : tel et non pas moindre je me figure qu’a dû être son effort.
C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.) […] La contrée est agréable ; à côté de la maison que nous habitons, nous avons un beau lac et une belle forêt ; l’art y procure tous les fruits que la nature refuse ; les mœurs du pays sont douces ; il y a beaucoup d’instruction dans les hautes classes de la société, et l’on trouve encore chez elles des principes religieux que l’on n’y soupçonnerait pas ; chaque seigneur rend, avec une sage mesure, la liberté à ses vassaux ; il les rend propriétaires, il leur fait du bien sans commotion, et il cherche à leur inspirer, non l’amour du changement, mais celui du travail et de l’industrie. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation. […] Le plus sage des antiques Solons n’a pu, certes, rien trouver de plus grandement vu, ni de plus largement exprimé, que lorsque, contemplant la société humaine, cette grande machine compliquée que veulent simplifier les systématiques, et qu’ils croient faire aller avec un seul ressort, Portalis ajoute : L’homme n’est point un être simple : la société, qui est l’union des hommes, est nécessairement le plus compliqué de tous les mécanismes. […] On trouvera dans les Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, au tome II (2e série, p. 261), des Observations sur le droit civil français considéré dans ses rapports avec l’état économique de la société, par M.
Cependant l’âge de l’épopée touche à sa fin… Une religion spiritualiste se glisse au cœur de la société antique… Elle enseigne à l’homme qu’il a deux vies à vivre, l’une passagère, l’autre immortelle ; l’une de la terre, l’autre du ciel. […] Shakespeare, c’est le drame ; — et le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle. — Ainsi, pour résumer rapidement, la poésie a trois âges dont chacun correspond à une époque de la société : l’ode, l’épopée, le drame. […] La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense… Une observation importante : nous n’avons aucunement prétendu assigner aux trois époques de la poésie un domaine exclusif, mais seulement fixer leur caractère dominant. […] Par exemple, si, dans la série Bible-Iliade-Shakespeare, Shakespeare signifie l’avènement du drame et de la société moderne, comment admettre en bonne logique, pour la France, la série Malherbe-Chapelain-Corneille ? […] J’entends une objection ; on me dit : ces trois « visions » de la vie, qui se succèdent le plus souvent chez le même homme, c’est un fait facile à constater, par l’expérience personnelle ; mais pourquoi un groupe d’hommes (la nation, ou la société tout entière) les connaîtrait-il nécessairement ?
Marmontel qu’il faut toujours citer quand il ne s’agit que de tableaux de société et de critique littéraire, et qui, dans cet ordre d’idées, nous offre le type excellent du talent secondaire le plus distingué, a jugé Mme Necker dans une page à laquelle il n’y a rien à ajouter ni à retrancher. […] Soyons plus amis encore à présent, quand l’âge mûr, qui diminue la vivacité des penchants, augmente la force des habitudes, et soyons encore nécessaires l’un à l’autre lorsque nous ne vivrons plus que dans le passé et dans l’avenir ; car, pour moi, je ne fais d’avance aucun cas du suffrage des nouvelles sociétés de notre vieillesse, et je ne désire rien dans la postérité qu’un tombeau où je précède M. […] Mme Necker se propose dans cet écrit, qu’elle traçait d’une main déjà défaillante, de combattre la loi française du divorce et d’en montrer les contradictions avec les principales fins de la nature en société et de la morale. […] J’ai voulu montrer cet exemple singulier d’une certaine éloquence onctueuse et solennelle, bien singulier exemple en effet, si l’on songe qu’il est sorti de la dernière moitié du xviiie siècle, du milieu de cette société en proie à la dissolution, et qu’il vient d’une personne qui y vécut trente années sans se laisser entamer un seul instant ni atteindre. […] Entrée dans la société de Paris avec le ferme propos d’être femme d’esprit et en rapport avec les beaux esprits, elle a su préserver sa conscience morale, protester contre les fausses doctrines qui la débordaient de toutes parts, prêcher d’exemple, se retirer dans les devoirs au sein du grand monde, et, en compensation de quelques idées trop subtiles et de quelques locutions affectées, laisser après elle des monuments de bienfaisance, une mémoire sans tache, et même quelques pages éloquentes.
Mais dans la société des hommes ? […] Il y avait assez de nourriture pour tous et la jalousie sexuelle est une absurdité née de la société. […] Toutes ses opinions intérieures, il en convient, vont à l’anarchie et il la destruction de la société ». […] A l’entendre, l’homme fatal est dans la société un étranger et un justicier. […] deux graves et douloureuses figures, la femme dans la société, la femme hors de la société, c’est-à-dire en deux types vivants toutes les femmes, toute la femme.
Nous ne sommes hommes, pour l’auteur de l’Esprit des lois, que dans la mesure où nous sommes aptes à la société. […] C’est que quelques-unes de ses lois peuvent nuire au bien de la société. […] On ne les rencontre pas dans les sociétés qu’il fréquente. […] Maugras [La Jeunesse de Mme d’Épinay, Paris, 1882] ; — la société du baron d’Holbach [Cf. […] Desnoiresterres, Voltaire et la société française, etc., t.
L’élection du père Lacordaire promettait depuis un an à la société parisienne ce qu’elle aime le plus, un spectacle et une singularité. […] Ç’a été pour lui une occasion naturelle de rendre hommage à la civilisation moderne et à cette société française qui a du bon et qui n’est pas uniquement, comme on venait de le dire, « une statue de Nabuchodonosor ». — Il a parfaitement défini le genre d’éloquence mi-partie tribunitienne et religieuse du père Lacordaire, cette éloquence de laquelle M. de Lamennais disait, comme de celle de M. de Montalembert : « Ce sont là pourtant des œufs que nous avons couvés ! […] Guizot dans les différences naturelles et nécessaires qu’il a reconnues entre la société américaine et la nôtre. — Un piquant parallèle, et tout à fait académique, entre M. de Tocqueville et son successeur, et l’accord, l’harmonie finale de leurs deux esprits, résultant du contraste même de leurs vocations et de leurs destinées, cette vue ingénieuse semblait terminer à souhait un discours constamment applaudi. […] Ils ne tiennent compte que des différences qui les choquent, et oublient trop cette grande cause commune et qui, sauf des nuances, après tant d’échecs et de mécomptes, devrait être la nôtre à tous, la cause d’une société forte et d’une France glorieuse.
Le progrès dans les sociétés modernes se fait par la raison réfléchie. […] Le problème du gouvernement des sociétés devient de plus en plus un problème scientifique, dont la solution suppose l’exercice des plus rares facultés de l’esprit. […] Les sociétés actuelles ne peuvent plus compter uniquement, comme celles d’autrefois, sur les qualités héréditaires de quelques familles choisies, sur des institutions tutélaires, sur des organismes politiques où la valeur du cadre était souvent fort supérieure à celle des individus. […] Des devoirs austères vous attendent, et nous manquerions de sincérité si nous ne vous faisions voir dans les récentes modifications de la société humaine qu’une diminution des obstacles à vaincre et, en quelque sorte, un dégrèvement des charges de la vie.
Satire contre le luxe, à la manière de Perse Vous jetez sur les diverses sociétés de l’espèce humaine un regard si chagrin, que je ne connais plus guère qu’un moyen de vous contenter ; c’est de ramener l’âge d’or… vous vous trompez. […] Là du moins il n’y a d’inégalité que celle qu’il a plu à la nature de mettre entre ses enfans ; et les forêts ne retentissent pas de cette variété de plaintes, que des maux sans nombre arrachent à l’homme dans ce bienheureux état de société. — Mais quoi ! […] Au moment où une poignée de concussionnaires publics regorgèrent de richesses, habitèrent des palais, firent parade de leur honteuse opulence, toutes les conditions furent confondues ; il s’éleva une émulation funeste, une lutte insensée et cruelle entre tous les ordres de la société. […] De ce jour, voici le mot, le mot funeste qui retentit d’un bout à l’autre de la société : soyons ou paraissons riches.
qu’ils ne s’en vont pas tous finir à la Morgue et à Bicêtre, mais qu’il en est qui se décident à emboîter le pas… gymnastique, pour aller plus vite, derrière cette société en marche qu’ils ne voulaient ni servir ni suivre, et même à avoir avec elle de ces manières très peu sauvages à l’aide desquelles on prend le succès à Paris. […] Sans la prétention littéraire qui les distingue et qui est leur caractéristique, ils ne seraient que des pauvres, non pas de ceux-là que l’admirable Église catholique appelle « les membres de Jésus-Christ », titre sublime qui révolterait leur orgueil ; non pas de ces pauvres honteux qui sont si touchants ; mais des pauvres sans honte, faméliques, paresseux, envieux, impudents, enragés, comme il en existe partout, dans toutes les sociétés du monde, — le fond commun de l’humanité, qui se répète, hélas ! […] Je crois bien que son livre pourra très vivement intéresser dans un siècle ou deux les Mérimées de l’avenir, les archéologues et les antiquaires de l’histoire (qui demanderaient qu’on leur servît tout chaud un Tallemant des Réaux du temps de Périclès, afin de faire un feuilleton piquant de ses commérages de mœurs mortes et de singularités sociales oubliées), mais pour nous, qui sommes encore de ce siècle, et qui n’avons que trop frotté nos coudes au coude percé de ces fainéants de l’orgueil et de la jactance, lesquels disent à la société, dure parfois, je le sais ! […] Quand le grand Callot, qui, lui aussi, peignait des réfractaires, nous donnait ses fameux pauvres et ses bandits, c’était toute la société délabrée de son temps qu’il étreignait et qu’il maîtrisait sous son observation puissante, c’étaient toutes les misères lamentables ou grotesques, abjectes ou terribles, que l’épouvantable guerre de Trente Ans et les vices de cent avaient faites !
D’ailleurs, il faut bien en convenir, les circonstances politiques par lesquelles nous sommes passés, et qui ont tenu si longtemps le pistolet sur la gorge de cette pauvre société, n’étaient-elles pas une préoccupation antilittéraire ou une distraction suffisante pour expliquer que le livre fût une marchandise qui ne donnât plus ? […] Pour nous prouver que la société est essentiellement révolutionnaire, il nous la montre révolutionnée, comme si c’était là une raison, comme si ce n’était pas précisément parce qu’elle a été révolutionnée qu’elle ne doit plus être révolutionnaire ! […] Fille de la société romaine, la plus grande unité politique que le monde ait vue, la France aspire à l’unité comme sa mère, et le mouvement qui la porte depuis Charlemagne est un mouvement ascensionnel vers la centralisation. […] Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.
Je ne veux pas être une pensée mutilée, fragmentaire, dans l’universelle raison, un être isolé dans la communauté des hommes : j’entends servir la société et non point par goût des louanges, ni par désir d’être aimé, ni par sympathie pour mes contemporains, mais parce que le monde est un et que je veux me conformer à ses lois, qui sont d’ailleurs harmonieuses avec ma raison. […] Je voudrais entre eux un lien social, peut-être une religion, pourvu toutefois qu’en fortifiant la société, elle n’étouffât point l’individu. ∾ Note III. — A., B., C., avec qui je cause, ne partagent point mes inquiétudes sur l’avenir de la société française. […] Toutes expériences faites, je ne vois que la société protestante qui protège, défende les siens, leur soit une assurance, enfin.
Il lut des fragments de cet ouvrage, le soir même du 18 fructidor, au sein d’une société littéraire de très-jeunes gens, dont MM. […] Ballanche courut à Rome retrouver celle que plus tard il nomma du nom de Béatrix ; il lut au sein de cette petite société romaine la fin d’Antigone, la scène des funérailles. […] La question de l’origine de la société se ramène exactement à celle de l’origine du langage. […] Les ultra-royalistes ou illibéraux devaient croire à la société instituée divinement, au langage révélé, à l’autorité de la tradition ; et les libéraux, à la société formée par contrat, au langage inventé par l’homme, à l’émancipation graduelle et au progrès. […] Ballanche est atteint d’un mal tout à fait semblable ; il désespère de la société et de lui-même ; il voit des ruines en lui, autour de lui, et il les aime, et il ne veut pas s’en arracher.
Le quatrumvirat, place sous les créneaux de Louis XIV, obtint une victoire facile sur le ridicule, mais il succomba devant l’honnêteté, parce qu’elle était appuyée sur la haute société, qui joignait le bon goût à la délicatesse des mœurs. Cette société faisait cause commune avec la cour contre le mauvais langage et les mauvaises manières, et eut peut-être la plus grande part à leur réprobation ; mais elle faisait cause commune avec les bonnes mœurs de sa préciosité contre la licence de la cour et contre celle des écrivains nouveaux et elle eut la plus grande part à leur défaite. […] Son existence dans le monde était finie depuis longtemps ; les traditions de sa société étaient dispersées et en faisaient fleurir de nouvelles ; la duchesse de Montausier, sa fille, était employée à la cour ; des honneurs de cour remplaçaient, dans ce reste de sa famille, les honneurs personnels que la marquise avait obtenus ; on ne connaissait plus qu’une gloire, celle qu’on tenait de la faveur de Louis XIV.
Usant d’abord du langage muet, ils montrèrent autant d’épis ou de brins de paille, ou bien encore firent autant de fois le geste de moissonner, qu’ils voulaient indiquer d’années… Dans la chronologie ordinaire, on peut remarquer quatre espèces d’anachronismes. 1º Temps vides de faits, qui devraient en être remplis ; tels que l’âge des dieux, dans lequel nous avons trouvé les origines de tout ce qui touche la société, et que pourtant le savant Varron place dans ce qu’il appelle le temps obscur. 2º Temps remplis de faits, et qui devaient en être vides, tels que l’âge des héros, où l’on place tous les événements de l’âge des dieux, dans la supposition que toutes les fables ont été l’invention des poètes héroïques, et surtout d’Homère. 3º Temps unis, qu’on devait diviser ; pendant la vie du seul Orphée, par exemple, les Grecs, d’abord semblables aux bêtes sauvages, atteignent toute la civilisation qu’on trouve chez eux à l’époque de la guerre de Troie. 4º Temps divisés qui devaient être unis ; ainsi on place ordinairement la fondation des colonies grecques dans la Sicile et dans l’Italie, plus de trois siècles après les courses errantes des héros qui durent en être l’occasion. […] Le culte de Jupiter, que nous retrouvons partout chez les premières nations païennes, fixe les fondateurs des sociétés dans les lieux où les ont conduits leurs courses vagabondes, et alors commence l’âge des dieux qui dure neuf siècles. Déterminés dans le choix de leurs premières demeures par le besoin de trouver de l’eau et des aliments, ils ne peuvent se fixer d’abord sur le rivage de la mer, et les premières sociétés s’établissent dans l’intérieur des terres.
C’est le chapiteau corinthien dans une société perfectionnée. […] Qu’il m’a dit de fois : « Ce n’est pas la société qui crée la propriété, c’est la propriété qui crée la société, par la réunion des possesseurs qui se groupent pour se défendre ! […] Il reprochait à la société française d’anémier cet individu ou de l’exaspérer. […] Tant vaut l’Intelligence d’une société, tant vaut cette société. […] Vainement lui direz-vous que la société humaine, a cependant un caractère autre et qu’elle est une société entre personnes.
Critique des obstacles : la société. […] Ce dont il a fait la critique pénétrante, subtile et dure, ce qu’il a attaqué vigoureusement et dédaigneusement à la fois, c’est la société moderne, la société utilitaire, la société qui a pour rêve de donner à un très grand nombre d’êtres humains un petit bonheur étroit, laid et dégoûtant. Cette société-là est la bête noire, ou, si vous voulez, le troupeau noir de Nietzsche. […] Ou il ne faut pas de société, ou il faut une société qui serait juste à l’inverse de celle-ci. […] Une société n’est pas libre de rester jeune.
Apollon soutient en même temps le droit sacré du prince, qui est l’auguste tête de la société politique. […] Leurs actions, partant de leur personnalité comme centre, enveloppaient toute la société dans un cercle d’activité généreuse. […] Notre société moderne, il faut l’avouer, est directement contraire à l’idéal poétique224. […] Le héros de roman regarde comme un malheur qu’il y ait une société, une famille, un gouvernement, des lois, parce que ce sont autant de barrières brutales et prosaïques, opposées à l’idéal et aux droits infinis du cœur. […] Nous la trouvons dans une société parvenue à se constituer comme État.
Élève de Rousseau, gagnée par la fièvre romantique, blessée par la dure expérience de son mariage, elle fait l’amour souverain et sacré, sans mesure et sans frein ; elle condamne la société qui opprime la passion par l’intérêt, la raison et la loi. […] Cette imagination, périlleuse dans la réalité, devint une grande qualité littéraire pour représenter par le roman une société où les affaires et l’argent tenaient tant de place. […] Voici les salons ou les sociétés de petites villes, médisances, calomnies, prétentions, jalousies, espionnages, marches et contremarches pour le gain d’un héritage, la conclusion d’un mariage, le succès d’une élection, la nomination d’un fonctionnaire. […] En cinq cents pages, il nous apprend autant que toute la Comédie humaine sur les mobiles secrets des actes et sur la qualité intérieure des âmes dans la société que là Révolution a faite. […] La société fait une honteuse banqueroute aux meilleurs des enfants qu’elle élève.
Au Moyen-Age, les troubadours nous offrent tous les avantages et les inconvénients de ces petites sociétés directement organisées pour la poésie : éclat précoce, facile efflorescence, ivresse gracieuse, et puis débilité, monotonie et fadeur. […] De plus faibles, de plus jeunes, de plus expansifs, après lui, ont senti le besoin de se rallier ; de s’entendre à l’avance, et de préluder quelque temps à l’abri de cette société orageuse qui grondait alentour. […] Il savait échapper aux ovations stériles et à ces curieux de société qui se sont toujours fait gloire d’honorer les neuf Sœurs. […] Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange. […] Rêver plus, vouloir au-delà, imaginer une réunion complète de ceux qu’on admire, souhaiter les embrasser d’un seul regard et les entendre sans cesse et à la fois, voilà ce que chaque poëte adolescent a dû croire possible ; mais, du moment que ce n’est là qu’une scène d’Arcadie, un épisode futur des Champs-Elysées, les parodies imparfaites que la société réelle offre en échange ne sont pas dignes qu’on s’y arrête et qu’on sacrifie à leur vanité.
— Tome Ier, pages 53 et suivantes : « Reçus dans la société des nobles et des riches, à titre de tolérance, les gens de lettres du XVIIIe siècle n’y tenaient pas un rang beaucoup plus élevé que les musiciens ou les artistes dramatiques, parmi lesquels se sont trouvés souvent des hommes de talent et de réputation que les meilleures sociétés attirent à elles, pendant que la profession à laquelle ils appartiennent reste généralement exposée au mépris et à l’humiliation. » A quoi pensaient donc MM. […] « De là ces recherches fréquentes de l’origine des distinctions parmi les nommes, ce système a opposition violente au régime existant, ces appels à l’état primordial de la société, ces revendications de l’égalité primitive ; de là ces ingénieux arguments, ces éloquentes tirades en faveur de la sauvage indépendance des premiers temps. » Admirez-vous maintenant l’influence des appartements garnis sur les cerveaux humains et les destinées sociales ? […] Certains de leur influence sur une société qui ne pouvait goûter que par eux les plaisirs de l’esprit, ils réunirent leurs communes prétentions à ce qu’on appelait dès lors la dignité d’un homme de lettres. Sous ce rapport ils dépassèrent bientôt toutes les bornes, et manifestèrent, jusque dans le salon de leurs patrons, un fanatisme d’opinion, une hauteur dogmatique, et un langage qui obligea le vieux Fontenelle lui-même à confesser qu’il était épouvanté de cet excès de suffisance que l’on remarquait partout dans la société. » L’auteur a bien raison de dire le vieux Fontenelle : car aux sombres couleurs qu’il emploie, nous, nous pensions déjà à la fin du XVIIIe siècle, et la longévité de Fontenelle aurait peine à y atteindre.
La passion tend à se déployer à l’infini, tandis que la société fait de la médiocrité en tout le critérium de l’homme sociable. […] C’est pourquoi la société et particulièrement ceux qui, dans la société, représentent la tendance sociale, sociologues, moralistes, éducateurs s’efforcent de les réduire et de les corriger le plus possible : l’unicité par le conformisme, la spontanéité par la règle, l’instantanéité par l’esprit de suite, l’insatiabilité du désir par l’appel à la résignation et par les perspectives des Paradis humanitaires ; la discordance de nos affections et de nos passions soit par un ordre social artificiel capable d’harmoniser du dehors nos désirs discordants (Fourier) soit par la notion d’un ordre objectif et scientifique supérieur aux caprices et aux fantaisies des sensibilités individuelles29 (A. […] Rapprocher les hommes, les intégrer dans des sociétés de plus en plus nombreuses, de plus en plus enchevêtrées et de plus en plus compactes n’est pas un sûr moyen de les pacifier ni de les unir par les liens du cœur30. La sensibilité reste, en partie du moins, réfractaire à la socialisation et il y a une antinomie affective de l’individu et de la société, comme il y a une antinomie intellectuelle.