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54. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Alfred de Vigny, le poète. […] Mais de fait, il n’y a qu’un poète dans Racine. Même quand il a cessé d’être le poète idéal, lyrique et tragique, il est encore poète dans la comédie et dans l’épigramme ; tandis que M. de Vigny est tout autre chose ; il ne s’épuise pas dans le poète. […] L’impersonnalité n’existe pas pour les vrais poètes. […] N’être qu’un pur poète !

55. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

On trouverait peu de poètes, dans notre Occident, qui jouissent d’une pareille fortune. […] Pendant les premières années, le poète vit se réaliser son rêve. […] Ce noble poète avait l’âme royale. […] C’est ici que l’action commence à se nouer avec un art et une habileté qui appartiennent au poète. […] s’écrie le poète.

56. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] C’étaient des scélérats qui parlaient, les poètes étaient innocents ! […] heureusement, il y a là du poème et du poète ! […] Jeux de poète ! […] Ainsi, un poète comme toujours, mais non plus le poète des Fleurs du mal, qui était tragique, mais un poète comique inattendu, voilà, de présent, l’auteur des Paradis artificiels.

57. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Le poète n’est qu’un musicien entre les autres. […] » le sont-ils en tant que poètes ? […] Qui nous éclairera sur le « mystère du poète », si ce n’est le poète lui-même ? […] Ils ont mieux à faire que d’écrire : le poète, en tant que poète, n’a rien autre à faire. […] Mais je comptais sans les poètes.

58. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Ce qu’il fallait voir, avant tout, dans le Dante, c’est le poète, la profonde individualité du poète et l’originalité de son œuvre. […] il faut que la Critique réclame enfin pour l’individualité beaucoup trop sacrifiée des grand poètes. […] Il aborde l’homme et le poète à part, — comme ils le sont dans l’esprit humain et dans la gloire. […] rien de plus qu’un poète. Il n’a été que cela, en effet, cet homme qu’on a voulu bâtir de plusieurs hommes, dans lequel on s’est acharné à supposer toutes les facultés humaines réunies dans je ne sais quel chimérique et éblouissant faisceau ; il n’a été qu’un poète : mais c’est suffisant pour la gloire, un poète, cette prodigieuse anomalie entre la vie et la pensée, mené par ses passions comme tous les poètes, et dont l’existence fut d’une tristesse et d’une misère à faire pitié.

59. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Ce prince, charmé du rétablissement du poète, demanda le Tasse au duc de Ferrare. […] Le duc devait répugner à contempler sa victime, le poète à remercier son geôlier. […] Il ne sera ni le poète sévère de la raison, ni celui de la vérité, ni celui de la religion ; mais il sera le poète de l’enchantement. […] Un poète aurait oublié le sujet pour adorer les détails. […] Ce n’est pas le poète, c’est le conteur divin.

60. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Le poète ne se réjouit pas devant le spectacle du mal. […] Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] C’étaient des scélérats qui parlaient ; les poètes étaient innocents ! […] Il faut en pareil cas supprimer le poète ou garder les défauts. […] Les poètes en ce temps-là n’écrivaient que pour les poètes ou pour les âmes assez grandes pour comprendre l’Art.

61. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

nous avons lu, depuis que nos cheveux blanchissent sur des pages, bien des poètes de toutes les langues et de tous les siècles. […] Un vrai poète était né, un poète dont la littérature française devait s’honorer autant que la littérature provençale. […] [Poètes provençaux contemporains (1888).] […] Nous voulons des poètes français ! […] C’est en cela qu’il est un grand poète, ce qui ne veut pas dire seulement, quant à lui, un grand écrivain de vers.

62. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Sa Préface, comme il est arrivé quelquefois aux poètes, nous paraît démesurément plus grande que l’œuvre. […] Allons, courage, ô poète ! […] Il y aurait, si l’on voulait être complet, à ne point séparer, en Du Bellay à Rome, le poète latin du poète français : car, poète latin, il l’a été aussi à sa manière alors, et avec une véritable distinction. […] Le deuil fut grand parmi tous les lettrés et les poètes. […] Cela ne dut point raccommoder auprès de lui les affaires de l’imprudent poète.

63. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Un poète n’est pas que dans ses vers. […] Il était plus qu’éloquent, puisqu’il était poète ! […] Puisqu’il parlait de Lamartine, il ne pouvait pas taire absolument le poète, mais le républicain l’emporte, pour lui, sur le poète, comme la forme l’emporte sur le fond. […] Le mien, c’est le poète, — le poète irréprochable !  […] Le génie du poète confisquera ses fautes.

64. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

un poète comme Stéphane Mallarmé n’est-il pas idéaliste ? […] Le poète est celui pour qui le présent existe. […] Poètes de pensées, poètes d’idées, poètes de sentiments, ils ont tour à tour infligé au constant idéal l’autorité changeante de leurs passionnés désirs. […] Les poètes savants commencent à parler. […] Mais le Poète !

65. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Aujourd’hui nous ne parlons que des lyriques hébreux, et principalement de David, le poète berger, le poète guerrier, le poète roi, le plus complet, le plus pathétique, le plus religieux de ces prophètes. […] Il y a dans une telle vie de quoi faire vingt poètes, si David n’avait pas été déjà poète en naissant. […] Aussi David est-il devenu le poète des âmes et le poète des temples. […] Le poète et la poésie sont ici une seule chose. […] C’est que ce poète était plus qu’un poète ; il était l’inspiré de l’humanité passée et de l’humanité future.

66. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Voyez son livre des Poètes maudits. […] La grâce unique est dans l’âme du poète. […] Ce n’était pas assez ; le bon poète aura mieux, et beaucoup mieux. […] Un ironiste imaginait une fable, dont l’idée était : « Le jour de fête, les jeunes artisans de vers, les poètes, vont visiter le Poète. […] La matière était plus assimilable à un poète.

67. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Il a pensé et il a dit — en d’autres termes peut-être, mais il a positivement dit, — que l’André Chénier qu’on trouverait dans son livre serait moins le Chénier poète, dont la gloire est faite et n’a plus besoin qu’on y touche, que le Chénier politique, — l’homme d’action et de courage qui a presque disparu dans l’absorbante gloire du poète, et qui était pourtant dans le poète, dans cet être charmant d’une imagination si divine ! […] c’est la force de sa raison qui le distingue même comme écrivain et comme polémiste, ce poète ! […] Il n’y a pas que la haine des Jacobins qui le lui grandisse, il y a aussi des idées qui le firent, de poète, journaliste. […] Le génie du poète, quand réellement il existe, est si extraordinairement beau, qu’on ne voit plus rien à côté : tout s’y fond et tout s’y efface… et la gloire, bête presque toujours, ne l’est point quand elle ne voit que le poète dans le poète ! […] Le poète reparut après le journaliste.

68. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Mais nos observations subsistent dans leur généralité et s’appliquent à toute une génération de poètes. […] Être l’Homère d’un âge scientifique, quelle plus haute ambition peut tenter un poète ? […] Nos poètes contemporains sont même, à cet égard, dans des conditions plus favorables que leurs devanciers. […] Plus les sujets étaient difficiles, plus il convenait que le poète gardât toute sa liberté pour les exprimer. […] C’était l’argument du Chercheur, et il garde toute sa force devant la brusque conversion du poète.

69. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

. — Les Poètes maudits (Corbière, Rimbaud, Mallarmé, etc.) […] Il est peut-être le seul dont nous puissions dire cela avec assurance, car, poète, il domine cette époque indéniablement. […] [Critique des poètes (1897).] […] J’ai dit « grand poète ». […] Parfois, les grands poètes se succèdent comme des antithèses.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Et cependant ce n’est pas une raison pour tout sacrifier de celui qui fut aussi et avant tout un poète. […] Ces deux derniers furent tout entiers poètes et rien que poètes, parfaitement ignorants d’ailleurs et étrangers à toutes les branches des lettres humaines. […] C’est ainsi que Santeul est le pur et franc poète. […] Et nous, poètes ausoniens, nous nous obstinons à chercher un nom par nos vers ! […] N’êtes-vous pas autant le poète d’Apollon, puisque vous avez invoqué Apollon et les muses ?

71. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Les poètes sont des hommes de désir, et c’est leur pensée qui engendre. […] Le poète et le siècle ne sont donc pas si tristes que vous les faites. […] D’un autre côté, ajoutera-t-on, nierez-vous les poètes chrétiens ? […] Poète, d’où vient l’Humanité, et où va-t-elle ? […] Racine est plus souvent éloquent que poète.

72. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Dans tous les cas, c’est là un titre beaucoup trop fort en gueule et en éclats de rire pour le recueil de poésies de ce nouveau poète, d’un nom si beau, — M.  […] Il est d’une autre race de buveurs et de poètes, lui. […] M. de Châtillon, comme un vrai poète, se console de tout avec le soleil ! […] Et vous avez là toute l’originalité du poète, tout le neuf d’une manière inconnue. […] à partir de 1830 et de ce romantisme qui avait donné des poètes comme M. de Lamartine, M. 

73. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

reviens à mon aide, reprend le poète ; reviens, Jéhovah ! […] Le poète. […] Le poète. […] Le poète. […] Le poète.

74. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

car ce cri final (daté de 1862), qui n’est plus de l’Alfred de Musset amoureux, mais du Roger de Beauvoir trahi par la vie, ce cri qui promettait un poète nouveau dans le poète connu, dans le poète de Cape et d’Epée et même dans le poète de Colombes et Couleuvres, déjà si personnel et presque profond, ce cri qui promettait un de ceux-là qui sont les plus grands parce qu’ils sont les phénix de la douleur ! […] Les poètes ont le droit de résonance ! […] Il pouvait être, dans un recueil qu’il n’a pas fait, le poète qu’il est, j’en suis sûr, au fond de son âme, s’il veut bien aller l’y chercher. Il y a longtemps que je crois Roger de Beauvoir du bois saignant, comme les arbres de la forêt du Tasse, dont on fait les flûtes divines qui sont les poètes. […] Poètes, lre série.

75. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Jacques Fréhel est un poète né qui a su devenir un romancier. […] Le poète écoute, dans la prière désolée de la femme, la grande plainte de toujours. […] Et des pierres blessent le poète ; et des pierres blessent la femme. […] Le poète est crucifié. Le poète meurt.

76. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

De tous temps les poètes ont souffert de l’indifférence ou de l’ignorance du public. […] M. de Chateaubriand et madame de Staël ont été les premiers poètes de l’époque. […] Nous rappellerons aussi que les grands poètes ont toujours été les hommes les plus instruits et les plus philosophes de leur temps ; ce n’est même qu’à ces conditions qu’ils étaient de grands poètes. […] Nous pouvons affirmer que le ton, la couleur, toute la poésie du poète allemand a passé dans l’œuvre du poète français ; c’est une tragédie d’un intérêt puissant et d’une exécution parfaite. […] Ces quatre hommes n’en sont pas moins quatre poètes divins.

77. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Le vertige du poète donne le vertige au lecteur. […] Mais quel poète divin ! […] Le poète de la théologie est mort, celui de l’amour est immortel. […] On pressent Pétrarque et Abailard dans le philosophe et dans le poète toscan. […] Écoutez le poète.

78. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Le jeune poète se révélait, dès ce premier livre, comme le […] La langue aisée du poète ne tenait point la pensée à l’étroit, elle ouvrait des avenues au rêve. […] Et aussitôt les hommes reconnaissent que cette merveille leur est née : un poète vraiment inspiré, un poète comme ceux des âges antiques, ce « quelque chose de léger, d’ailé et de divin » dont parle […] Ce poète, aussi peu « homme de lettres » qu’ […] [Lamartine, poète lyrique (1898).]

79. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Au temps de Salamine, nous dit encore un témoignage authentique, le poëte thébain Pindare atteignait sa quarantième année. […] C’est là que, plus tard, pour chorège d’un drame donné par le poëte Phrynicus, elle avait eu Thémistocle. […] Il s’est conservé même à ce sujet une belle et modeste réponse de ce grand poëte. […] Cette renommée d’Archiloque, alors toute vive et toute sanglante, pour ainsi dire, ne pouvait tenter l’âme élevée du poëte thébain. […] Ce jour-là, le poëte tragique d’Athènes était plus grand que le poëte même de Delphes et d’Olympie.

80. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

c’est le plus beau sujet pour un poète. […] Avait-il ce qui fait le poète ? […] La manière des poètes, c’est leur visage. […] Il en est de même de la manière des poètes. […] le pauvre hère, c’est le poète, le poète attaché à cette rime exacte qui est son bourreau mystérieux !

81. (1923) Paul Valéry

Il y a les poètes qui savent faire des vers parce qu’ils sont poètes, et il y a les poètes qui sont poètes parce qu’ils savent faire des vers. […] Bergson n’est un poète. […] Ces mots, qu’en fait d’ordinaire le poète ? […] Oui, s’il s’agissait d’un autre que du poète. […] Ne prenons pas, en Valéry, le poète métaphysicien pour un métaphysicien poète.

82. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il est devenu un artiste laborieux en vers, au lieu d’être le poète qu’il avait commencé d’être. […] C’est l’idiosyncrasie d’un siècle répercutée dans celle d’un homme qui a les dons de peinture d’un poète. […] Sainte-Beuve, s’est substitué graduellement au poète. […] mais le poète ? Il peut rédiger l’épitaphe pour le tombeau du poète qu’il placera aussi sur son coteau modéré.

83. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Pour cela, de notre autorité privée, nous ferons, comme critique, ce que lui n’a pas fait comme poète. […] Ce n’est pas un poète d’art pour l’art. […] Il est bien moins le poète d’un sentiment trompé ou blessé que le poète résigné à la vie et à tout ce qu’elle renferme d’irréparable. […] Le poète n’en a omis aucun. […] Nous l’avons senti et éprouvé souvent, il faut un grand espace pour rendre compte d’un poète et d’un poète inconnu, pour le faire comprendre, accepter… ou repousser.

84. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

» dit plaisamment le doux poète des Gammes. […] Sarcey, en parlant des poètes de la Jeune-Ecole. […] Merrill que « ce poète ne ressemble à aucun autre ». […] C’est qu’ils ont été récrits par un poète ». […] Le poète ne l’a pas dit.

85. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques Nous avons déjà montré qu’antérieurement à Homère il y avait eu trois âges de poètes : celui des poètes théologiens, dans les chants desquels les fables étaient encore des histoires véritables et d’un caractère sévère ; celui des poètes héroïques, qui altérèrent et corrompirent ces fables ; enfin l’âge d’Homère, qui les reçut altérées et corrompues. […] Ils placent parmi les lyriques Amphion de Méthymne, poète très ancien des temps héroïques. […] À les entendre, le temps des poètes lyriques vit aussi fleurir des poètes tragiques distingués, et Diogène Laërce assure que la première tragédie fut représentée par le chœur seulement. […] Chez les Latins les premiers poètes furent les auteurs des vers saliens, sorte d’hymnes chantés dans les fêtes des dieux par les prêtres saliens. […] Pindare vint au temps où la vertu grecque éclatait dans les pompes des jeux olympiques au milieu d’un peuple admirateur ; là chantaient les poètes lyriques.

86. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Est-il sorti de là, Gustave Rousselot, le poète ? […] C’est ainsi, par exemple, qu’Ovide, qui fut un poète immense, est resté encore, pour nous chrétiens qui l’avons dépassé en sentiments et en idées, un poète, malgré l’erreur de ses mythologies. […] Le souffle, chez des poètes dignes de ce nom, vient de l’enthousiasme. […] fou enfin, si vous le voulez, mais poète, poète par l’enthousiasme, par la palpitation sacrée, par le battement d’un cœur qui ne battrait peut-être pas plus fort quand ce serait pour la vérité ! […] … C’est surtout par l’enthousiasme et l’âme, et l’émotion, qu’il est poète.

87. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

L’envie, ce mal de presque tous les hommes, qui est deux fois le mal des poètes, n’approchait point de sa candeur. […] Ce fut alors que le poète de tant de poésies vigoureuses se mit à écrire ces Quelques vers pour Elle, qui ont été ses derniers vers. […] Le poète, c’est vrai, est ici moins que l’homme, moins que l’historien, plus puissant que le poète, qui a forcé le poète à regarder dans son cœur et à nous en faire l’écorché. […] Eh bien, je ne peux m’empêcher d’admirer cette fin de poète, d’un poète qui a perdu sa Muse, — la Muse humaine qui ne doit plus le faire chanter ! […] Les Œuvres et les Hommes, IIIe vol. : Les Poètes.

88. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Toutes les fleurs du Poëte Grec se fanent entre ses mains. […] Ce Poëte est quelquefois sublime & souvent outré. […] C’est le Poëte des cœurs tendres & sensibles. […] Nous n’avons point de traduction complette de ce Poëte. […] Ce Poëte connoissoit le cœur humain.

89. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Dans la première époque, on a introduit un poète resté jusqu’alors des plus obscurs, Roger de Collerye, qui vécut à Auxerre, et dont on a prétendu faire un type de poète provincial. […] Après tout, le poète chez elle n’y perd pas. […] Louise poète a beau faire, elle se ressent un peu de son maître lyonnais, Maurice Scève, le plus obscur et le plus âpre des doctes rimeurs du temps. […] Le foyer était au cœur du poète. […] Édouard Turquety, sur les poètes du xvie  siècle.

90. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Les poètes sont des mages. […] Ce sont du moins, dirait le poète, les copeaux de la massue d’Hercule. […] Est-ce au poète ? […] Et, certes, il n’est point de plus grand poète que Victor Hugo. […] Et, pour ne parler que des poètes, quel plus grand cœur que Lamartine ?

91. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

C’est une réparation qu’elle devait au génie de ce grand poëte, trop négligé en France, même au dix-septième siècle. […] Il fallait aller plus loin, pour être juste envers le poëte et pour toucher aux sources profondes de l’art. […] Mais, de tant d’œuvres du grand poëte, il n’est resté que la portion presque la plus profane. […] De là découle toute la philosophie religieuse et civile du poëte thébain. […] quel poëte, quelle âme généreuse aurait pu s’en taire ?) 

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

N’y reconnaît-on pas tout de suite l’artiste savant et le poète de race ! […] Catulle Mendès est un poète. […] Mendès a fait œuvre de poète. […] Catulle Mendès est un poète toujours ; il n’est jamais plus poète que si, dans l’expression d’une délicate pensée ou d’un sentiment héroïque, il consent à être simple. […] Fiammette, c’est l’Italie en sa Renaissance, rêvée par un poète.

93. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Le poète, ici, n’était pas même tenu à l’unité, de rigueur partout. […] l’érudition qui manque au poète de La Légende des Siècles. […] Je vais dire une chose scandaleuse et qui fera peut-être pousser un cri : ce grand poète de Victor Hugo est certainement plus érudit encore qu’il n’est poète. […] Quand il est poète, car il l’est fréquemment (qui le nie ?) […] En général, tout est là pour les poètes : — faire des vers, n’importe sur quoi !

94. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Ballanche, mais le poète, obéissant à sa naturedans cette imitation même, avait jeté là, spontanément, la fleur de son âme. […] Le poète sent la nature, il aime à la chercher sur les sommets et s’applique à la rendre ou plutôt à l’interpréter. […] Aussi je m’explique qu’un poète qui n’habitait pas volontiers les sommets humides et blanchâtres, un poète des choses du sang et de la vie, Alfred de Musset, un jour que l’on discutait à l’Académie sur les mérites d’un des recueils de M. de Laprade, se soit penché à mon oreille, et m’ait dit avec impatience : « Est-ce que vous trouvez que c’est un poète, ça ?  […] Cela ne fait pas sans doute un poète très-varié, très-émouvant, très-divertissant, mais c’est encore, et sous une de ses plus nobles formes, un poète. […] Le poète, chez M. de Laprade, rencontre rarement des symboles complets.

95. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Il avait sous les yeux et dans la mémoire tous les chants du poëte thébain, tous les modes variés de sa lyre. […] Jamais l’idolâtrie de l’art ne parut plus vive que dans cet hommage au poëte thébain. […] Il a même cette fois sur sa liste un poëte lyrique : mais ce poëte n’est pas Titius ; c’est Rufus, nom tout à fait inconnu comme le précédent, et nouvel exemple de l’erreur fréquente des admirations contemporaines. […] Il n’en est pas ainsi du poëte romain. […] Le début est noble et grave, comme une strophe du poëte thébain ; mais bientôt le spectacle vrai du temps va démentir l’illusion ou l’effort du poëte.

96. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Des poètes du Parnasse nous maudirent, nous exorcisèrent et, parmi eux, ceux qui faisaient le moins bien le vers parnassien. […] Il y avait partout des poètes qui tous faisaient le même vers. […] Il y en avait dans toutes les villes ; on eût pu, grâce à lui, réviser le Dictionnaire des communes de France en ajoutant, après le nom de la ville et de ses spécialités industrielles, le nom de son poète : Pithiviers, pâté d’alouettes : poète Jules Béor. Nevers, faïenceries : poète Achille Millien. […] Ils concluent comme nous que le poète doit plus de confiance à son oreille qu’à l’institut phonétique et ils terminent comme nous, et aussi comme Banville (la vraie tradition est sacrée à tous les bons esprits) : mais d’abord il faut être un poète.

97. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Kahn estime que le poète doit travailler à l’aide de l’intuition et lion à l’aide de l’acquit des littératures. […] (Palais nomades, Chansons d’amant, aux yeux de tels nouveaux poètes : bibles.) […] Kahn est assurément le plus prosaïque de nos poètes. […] Elles conservent la teinte des ciels selon l’indication desquels le poète les réalisa. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

98. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

. — La Naissance du Poète (1898). — Clara d’Ellébeuse, ou l’histoire d’une ancienne jeune fille (1899). — La Jeune Fille nue (1899). — Le Poète et l’Oiseau (1899). […] Jammes est un poète tout à fait unique. […] C’est le poète le plus véridique que je sache. […] Nulle sorte de poète n’est plus rare… Voilà donc un poète. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

99. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Gabriel Sarrazin, poète romancier, à côté de M.  […] Les poètes anglais, Shelley surtout, ont initié M.  […] Que se propose l’écrivain, prosateur ou poète ? […] La différence entre le prosateur et le poète consiste en ceci : Le poète fixe la vie encore inachevée, frémissante, rythmique. […] Cette poétique, dans quelle mesure le poète doit-il la respecter ?

100. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

« Voudras-tu, poète, te résigner ? […] Verlaine est un vrai poète. […] Comment l’esprit du poète va-t-il de l’un à l’autre ? […] Le poète a bu du vin bleu ; il est ivre, il est morne. […] Paul Verlaine est un rare poète.

101. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

… » Et mon inquiet poëte ajoutait : « Oh ! […] » répliqua le second personnage de l’Empire. — « Chez ma mère », repartit le poëte. […] Millevoye paya tribut à ce genre, il en fut le poëte le plus orné, le plus mélodieux. […] Millevoye n’était qu’un épicurien poëte, qui avait eu Parny pour maître, quoique déjà plus rêveur. […] Auger, judicieux et bienveillant, quoique sec ; la mesure du jeune poëte y est bien prise.

102. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Soulary est le poète du siècle qui a fait le plus de sonnets ; ce n’est pas la même chose que d’en être le premier sonnettiste. […] Soulary est un poète de Lyon ; mais Lyon, à ce qu’il me semble, n’a pas autrement marqué sur lui : il est provincial beaucoup plus que Lyonnais. […] » et le poète, sans y penser, répond : « Qu’importe ?  […] Et quand le poète médite sur la destinée humaine, il appelle cela « agacer ce vieux sphinx du néant ». […] Et par-delà ces poètes raffinés il se rattache aux troubadours.

103. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Nous avons entendu prononcer le mot de nouvelle manière ; mais, selon nous, dans les Feuilles d’Automne, c’est le fond qui est nouveau chez le poëte plutôt que la manière. […] Vainement, en effet, le poëte s’écrie mainte fois Seigneur ! […] L’Océan n’a-t-il donc, ô poëte, que des harmonies pacifiques, et l’humanité que des grincements ? […] Cela est beau, cela est grand, ô poëte ! […] Ce que le poëte fait planer là-dessus d’inquiet, d’indéterminable, d’éperdu en rêverie, ne sied pas moins à nos agitations insensées.

104. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Le Dante, poëte lyrique. […] Il faut oser le redire : le poëte créateur du moyen âge est l’élève de l’antiquité. […] Je ne crois pas que, dans le langage des sentiments privés, il y ait rien de plus touchant que la prière du poëte à la Mort, pendant la maladie de Béatrix. […] « Et moi », s’écrie le poëte, « moi qui, dans ce divin langage, entends la consolation et la plainte de si nobles bannies, je tiens à honneur l’exil qui m’est imposé. […] C’est là l’incomparable grandeur du poëte.

105. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Sénecé ou un poète agréable40. […] Un poète agréable ! […] Il y a maintenant de grands poètes, des poètes de talent, des poètes de génie, des poètes d’art, ou des poètes qui veulent être quelqu’un de ceux-là ; mais ce qui constituait autrefois le poète agréable, ce mélange d’esprit, d’imagination, de facilité, de négligence et de bonne humeur, cette absence de prétention en rimant ou cet air de n’en pas avoir, ce demi-ton de conteur qui était de plain-pied avec la conversation du salon, cet à-propos de menus sujets, cette adresse à trousser en vers un compliment ou une épigramme qui circulait aussitôt et faisait fortune, et parfois aussi la fortune de son auteur, tout cela existe-t-il encore ? […] La profession de poète agréable n’existe donc plus, bien que l’étoffe dont était fait ce genre de poètes n’ait pas péri, et qu’il y ait par le monde bon nombre de ces demi-vocations errantes qui ne savent plus à quoi se prendre et qui sont réduites souvent à viser trop haut, à se forcer en pure perte, faute d’avoir trouvé à se loger dans la médiocrité animée et riante qui était leur milieu naturel. […] Sénecé y exprime sous un léger déguisement ses pensées personnelles, ses regrets de poète et de courtisan à cet âge de plus de cinquante ans qu’il avait déjà.

106. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Ce fut donc une jouissance désintéressée et non la nécessité qui poussa les poètes à de telles fantaisies. […] Cette dualité éternelle se retrouve, inconsciemment, chez les poètes de tous les temps. […] Donc, deux races de poètes, dont l’essence fondamentale est dissemblable. Mais empruntant à chacune d’elles ses éléments, surgit la conception — l’unique vraie à mon sens — du Poète : en son âme vibrent les reflets des choses du dehors, et cependant il leur communique sa vie à lui ; lui seul est vraiment, entièrement poète, parce que seul il aura su donner l’idée de l’Être entrevu dans toute sa beauté. […] comme poète, non — que seules d’humbles glanes me restent dévolues.

107. (1887) Essais sur l’école romantique

Cela ne se serait pas appelé un sujet, du temps que ce n’était pas le poète qui fécondait le sujet, mais le sujet qui fécondait le poète ; à présent, cela s’appellera de la poésie ; car on aime mieux un poète sans sujet qu’un gros sujet sans poète. […] Le poète se recueille à ce mot. […] À présent, j’en remercie mon jeune poète. […] Jadis, c’était le siècle qui le donnait au poète, sans même que le poète eût besoin de le lui demander. […] Victor Hugo, poète dramatique et romancier.

108. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Le poète a voulu rendre l’impression profonde de cette heure immobile et brûlante sous les climats méridionaux, par exemple, dans la campagne romaine. […] Il est le chef avoué d’une pléiade de jeunes poètes, dont plusieurs ont un nom. […] Vous ne voulez pas que le poète nous entretienne des choses de l’âme, trop intimes et trop vulgaires. […] Ne devons-nous pas à ce fier poète l’inestimable, le divin présent : une révélation nouvelle de la Beauté ? […] Le poète, cependant peu riche, donnait ces leçons de liante littérature.

109. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Les Poètes d’Aujourd’hui par Ad.  […] Anthologie des Poètes du Clocher. […] Poètes du Nord. […] Un Poète : Léo Larguier. […] Deux Poètes.

110. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Dante était un citoyen, ceux-là n’étaient que des poètes. […] Ce n’était plus le poète affadi et ingénieux de sa jeunesse ; c’était le poète théologique, politique et némésien de son âge avancé. […] Cette idée était mesquine et indigne du poète. […] « Écoutons le poète. […] Il avait transfusé son sang dans l’ombre du poète toscan.

111. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il n’a pas d’idées claires : c’est un poète, non pas un philosophe. […] Hugo a l’un des plus riches vocabulaires dont poète ait usé. […] Le poète n’est pas, comme on l’a dit, un impassible. […] Je ne sais, et le poète ne laisse guère entrevoir sa vie dans son œuvre. […] Hugo, le poète, in-18, 1893.

112. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le poète fait précisément le contraire. […] Tout poète a le droit de créer sa prosodie. […] Ce choix est dicté par la vision du poète. […] Un seul poète lui est familier, Banville. […] Si vous êtes poète dites : je suis poète.

113. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Le vers libre, tel que le pratiquent quelques-uns des poètes de ce temps, exige un rythme parfait et rigoureusement adéquat à l’émotion que le poète veut exprimer. […] Vielé-Griffin a peut-être déjà composé d’inattaquables chefs-d’œuvre… — Tel, c’est un grand poète, qu’on sache. […] Vielé-Griffin est assurément l’un des plus studieux parmi les jeunes poètes. […] Francis Vielé-Griffin est encore et surtout un poète allégorique. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

114. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Eh bien, c’est ce nom (et quelques circonstances) qui a fait (chez nous du moins) à Leopardi son commencement de renommée… Les poètes, comme on le sait, sont rarement des critiques, et, dans tous les cas, Alfred de Musset n’était que poète. […] Mais on n’est pas Dante, on n’est pas un prophète, on n’est pas un grand poète, de cela seul qu’on est un grand triste. […] Un poète peut être Satan pour son propre compte. […] Cela n’est pas vrai du tout que les grands poètes ne puissent être traduits d’une langue dans une autre. Les grands poètes ne sont pas que dans les mots et les attitudes et les finesses d’un langage.

115. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Aujourd’hui, Belmontet vient à son tour se placer parmi tous ces poètes que la grandeur des gloires ou des mélancolies de l’Empire a fait chanter comme malgré eux. […] Chez lui, l’enthousiasme de l’homme double l’enthousiasme du poète, conditions excellentes dont le talent le plus abondant devrait bénéficier encore. […] Belmontet est un poète lyrique, comme presque tous les poètes d’une époque où l’individualité dévore tout (cette individualité à laquelle Belmontet croit imposer silence dans sa préface !) […] Seulement, si cette force était plus grande encore, la main du poète, qui attaque parfois l’expression avec une si remarquable énergie, frapperait toujours juste et ne tournerait pas. […] Belmontet a plusieurs des grandes qualités qui font le poète : il a le souflle, le mouvement, la passion vraie, l’amertume, la griffe irritée, la familiarité saisissante, qui semble s’élever en descendant… Son rhythme même (cette chose sans laquelle maintenant il n’est plus possible d’être poète), son rhythme a de puissantes articulations qui jouent avec souplesse sous sa pensée.

116. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Dans le poète latin, elle est souvent voisine de la comédie. […] Est-ce de la part du poète un oubli ou un artifice ? […] Delavigne avec les poètes dramatiques de la France et de l’Angleterre. […] Vitet ; mais restituer n’est pas créer, et le poète qui ne crée pas ne mérite pas le nom de poète. […] Elle fait du poète son enfant gâté.

117. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Morale de ces poètes. […] Plus tard, — bientôt sans doute — cet enthousiasme sacré ne sera plus aussi spontané en son beau tumulte, mais le Poète le rappellera par volonté et, s’il a appris à fixer les images de la vie aussi bien qu’il les sentit palpiter, s’il est artiste autant qu’il fut poète, alors sera créée l’œuvre qui dira toute sa pensée. […] Il a, je crois, une réalité certaine en ce qui concerne le second de ces poètes ; pour M. de Régnier, son authenticité est au moins probable. […] L’art apparaît alors comme un refuge, le poète s’exile dans les cloîtres du songe. […] Au point de vue même de leurs idées philosophiques, ils représentent bien les deux courants principaux où la pensée des poètes récents aime à se laisser dériver.

118. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Le chêne tombera encore, et le poète aussi. […] On sent partout dans ces idylles ce retour à la nature, seule inspiratrice infaillible des vrais poètes, les poètes de sentiment. […] Ils sont les poètes de la fantaisie : il est le poète de l’honnêteté. […] Voilà le thème des poètes. […] C’est ce qui nous fait honorer et chérir l’homme dans le poète, comme nous honorons et nous chérissons le poète dans le citoyen.

119. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Mais tout poëte qu’est M. […] Il y a dans cet excès autre chose encore que de la colère d’amour : il y a du désespoir de poëte. […] Jules Lefèvre est vraiment poëte, avons-nous dit ; et aucune de nos critiques sévères ne va jusqu’à démentir en nous cette conviction. Il est poëte, il le sent, et il sent aussi mieux que nous peut-être ses défectuosités nombreuses. […] Ce poëte distingué, et qui ne put jamais complétement percer, avait eu dans sa vie des phases successives où l’on reconnaîtrait à peine le même homme.

120. (1760) Réflexions sur la poésie

Eu un mot, voici, ce me semble, la loi rigoureuse, mais juste, que notre siècle impose aux poètes ; il ne reconnaît plus pour bon en vers que ce qu’il trouverait excellent en prose. […] Le poète qui n’est que peintre, traite ses lecteurs comme des enfants de beaucoup d’esprit ; le poète de sentiment, ou le poète philosophe, traite les siens comme des hommes. Voilà pourquoi, sans passer ici en revue tous nos grands poètes, Racine et La Fontaine plairont toujours dans tous les temps et tous les âges. L’un est le poète du cœur, l’autre est celui de l’esprit et de la raison. La Fontaine surtout, qu’on regarde assez mal à propos comme le poète des enfants, qui ne l’entendent guère, est à bien plus juste titre le poète chéri des vieillards : il l’est même plus que Racine.

121. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

De quels sentiments exquis ce poète nous dépouille ! […] Je suis honteux de voir un poète lyrique penser comme un antidéiste des Batignolles. […] Presque à chaque page, quand on est tout près de croire le poète emporté par un sentiment vrai, un mot malpropre vous éclabousse, ou une facétie lubrique, qui vous avertit que le poète s’amuse. […] Ce poète voit obscène. […] Richepin n’est pas un bateleur qui se hausse par moment jusqu’à être poète ; c’est un poète qui fait trop volontiers les gestes d’un bateleur.

122. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Le poète l’en remercia en lui adressant deux sonnets. […] Ce n’est pas un poète bien entier, c’est le commencement et la matière d’un poète. […] Nous retrouverons le grand poète. […] C’est dans cette ville que le poète naquit. […] Mais c’était quand même une sorte de poète.

123. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Popelin, Claudius (1825-1892) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] Remy de Gourmont Claudius Popelin fut un poète de bonne volonté — non tout à fait un vrai poète. Le vrai poète est avant tout un grammairien (un philologue) ; le lexique est sa lyre : il doit en connaître toutes les ressources et n’ignorer même ni le terme le plus nouveau ni le plus désuet. Si sa science s’étend aux langues anciennes, il est mieux armé encore, car il a rendu esclaves un plus grand nombre de mots, et, qu’il s’en serve ou pas, ils demeurent serfs et enrichissent le domaine du poète. […] Le grammairien (au sens ancien du mot) est le savant par excellence ; il dénombre les signes, les classe et établit les rapports qu’ils peuvent avoir entre eux ; le poète surajouté au grammairien apporte à la besogne la qualité primordiale qui donne la vie aux choses, l’imagination — et le vrai poète apparaît : qu’il n’ait qu’un peu de talent, il est poète ; il peut créer, et il crée — en proportion de l’autorité qu’il a sur les signes.

124. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Taine sur le grand poète anglais, dans son Histoire de la littérature anglaise. […] Lord Byron, naïf et menteur comme les poètes, ces femmes redoublées, et se vantant de vices qu’il n’avait pas, n’est pas plus compris comme homme que comme poète, et ce qu’il a de plus exquis et de plus rare est resté sous le boisseau de l’admiration à boisseau. […] — voilà pour le poète !  […] Jusque-là, en effet, il n’est pas poète. […] Il imite l’Ossian de Macpherson, un poète anglais, un poète de climature, les seuls poètes qu’il puisse y avoir, dit encore M. 

125. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

… Dans la lutte en question, ce nouveau poète, qui a choisi le Sonnet pour expression unique de sa pensée et qui en dehors du Sonnet n’existerait peut-être plus, a-t-il déployé une véritable force de poète ? […] Soulary est un poète, malgré sa camisole de forçat volontaire, le seul genre de forçat que nous ne comprenions pas. […] Si chez nous on les vit renaître après 1830, c’est que nous voulions ressusciter la Renaissance, mais les plus grands poètes de ce temps, Lamartine et Hugo, échappèrent au Sonnet. […] Peut-être l’a-t-il mordue, mais il est trop viril pour avoir des mélancolies, ce poète contracté dans sa tristesse comme dans son rythme, ce quadruple joug ! […] L’auteur des Sonnets humouristiques serait à coup sûr un puissant poète, s’il plaçait son imagination et ses qualités dans des milieux plus faits pour elles.

126. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Mais le poète n’est que passager. […] Le poète a atteint la plénitude de son style. […] Chez Voltaire, les œuvres font défaut souvent ; mais tant que la personne est là, là aussi est le poète. […] Ce ne sont pas seulement les plus grands qui ont excellé dans quelques-unes de tes parties les plus hautes et les plus heureusement renouvelées, ce sont des poètes moindres, mais poètes encore par le cœur, par la fantaisie, par l’art, par une vocation sincère ! […] Eugène Crépet, Les Poètes français, Recueil des chefs-d’œuvre de la Poésie française depuis les origines jusqu’à nos jours avec une notice littéraire sur chaque poète.

127. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Beaucoup de poètes lyriques, dans le genre de l’ode, n’ont pas fait autrement, je le sais. […] En regardant de près cette cloche auguste et sévère, le poëte y voit, sur l’airain, mainte injure empreinte. […] Et le poëte, en cet instant, assailli de pensées, se met à comparer cette cloche, ainsi défigurée, mais puissante encore et entière de timbre, à son âme, à l’âme du poëte, qui d’abord sans tache, et sortie du baptême natal aussi vierge que la cloche de Schiller, a été bientôt souillée, hélas !  […] Un poëte, qui aurait senti tout à l’heure Anacréon dans la pureté grecque, n’aurait pas ici commis pareille faute. […] Cette critique de détail, quoique depuis longtemps on ait perdu l’habitude d’en faire, nous a paru indispensable en présence d’une production aussi importante de la maturité d’un poëte de génie.

128. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Le poète a le droit de n’en pas tenir compte, — en tout cas c’est pour lui une secondaire pensée. […] Le poète était seul. […] Plutôt que d’enfanter ils ressuscitent un cadavre, qu’un nouveau grand poète bientôt enterrera. […] Si le poète se peut passer de tout, tout cependant appartient au poète. […] Entre les poètes et eux subsiste la même incompréhension.

129. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

quoi, ces poètes, qui portent au front le divin signe, qu’on imagine toujours — ô jeunes filles !  […] Nous conviendrons donc que le poète, s’il est vraiment poète, a le droit de se faire sa règle à soi-même. […] Aux poètes de les chercher et de les indiquer. […] Il aboutit au don du poète, hors lequel, hélas ! […] Le don du poète, avons-nous écrit déjà, est une condition psychique supérieure, comme l’héroïsme.

130. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

La meilleure preuve de ceci, c’est qu’elle n’a ni un grand poète épique comme Homère, Dante, le Tasse, ni un grand poète lyrique sacré comme David, ni un grand poète lyrique profane et philosophique comme Horace et Pindare, ni un grand dramatiste comme Eschyle ou Shakespeare. […] La vie des poètes est dans leur cœur ; celui-là n’avait que de l’esprit. […] Ici même ce n’est plus un artisan de la langue, c’est un poète véritable. […] Il n’appartenait pas à un poète sans passion de parler des femmes. […] Tel fut Boileau comme poète.

131. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Le poète est par définition un imitateur. […] La mission du poète est la représentation. […] Elle conviendrait mal au poète. […] Évidemment le poète n’a rien prémédité. […] Comment le poète a-t-il procédé ?

132. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

La pensée comme la langue du poète se désagrègent par endroits. […] Sur ce point, les déclarations du poète sont explicites. […] Un mendiant, auquel le poète demande comment il s’appelle, répond : Je me nomme le pauvre. […] Nous passons aux facultés mentales du poète. […] Son immense gloire de poète national peut être expliquée de même.

133. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

En déclarant que nul poète ne lui est supérieur par l’imagination ni par l’expression. […] C’est par piété pour la poésie que j’ai pu sembler impie en parlant d’un grand poète. […] Le poète de la Légende a souvent enchanté nos imaginations ; il a peu agi sur notre pensée, ayant peu pensé lui-même. […] Et cependant, combien sommes-nous qui connaissions aujourd’hui et qui adorions encore le long poète élyséen à l’âme harmonieuse et légère ? […] Et aussitôt, les hommes reconnaissent que cette merveille leur est née : un poète vraiment inspiré, un poète comme ceux des âges antiques, ce « quelque chose de léger, d’ailé et de divin » dont parle Platon.

134. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

… Un poète ? […] Était-ce un poète, un peintre, un statuaire, un musicien ? […] » Cet architecte fut complètement envahi et possédé par ce poète. […] Les tragédies et les épopées de Soumet ne donnent pas l’idée d’un poète tragique et d’un poète épique, mais seulement d’un poète. […] Les artistes lisaient les poètes et les poètes visitaient les artistes.

135. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

— L’homme et le poète. — § III. […] Des innovations de Crébillon. — L’homme et le poète. […] Le grand poète Racine dit tout cela. […] D’ailleurs assez peu poète ; le poète de la famille est André. […] Ducis était plus poète qu’auteur tragique.

136. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Leconte de Lisle, est, tout à l’opposé de lui, un poëte passionné. […] Voulez-vous avoir plus d’accès dans les cœurs et y entrer plus sûrement : poëte, ménagez le cri. […] C’est ainsi qu’il a pris au poëte polonais Miçkiewicz l’idée d’une pièce dont voici le sujet. […] c’est ce qui nous convient à tous deux. » Chaque poëte restait fidèle à son esprit. Je reviens à nos poètes du jour.

137. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

je ne demande pas mieux ; mettons sur le compte du temps tout ce que nous pouvons à la décharge du poète. […] On ne sait rien de la vie du poète après Le Grand Testament. […] Campaux, qui en juge comme nous, a tiré de cette jolie ballade plus d’une conséquence sur les goûts, sur l’éducation première et les habitudes du poète. […] Bien des poètes avant lui avaient employé cette forme : Où est Arthus ? […] Un homme de mérite qui s’est occupé des anciens poètes chrétiens, au point de vue de la musique et de la littérature, M. 

138. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Pour ne pas abuser des termes, Byron, Milton, Pindare restent seuls les vraiment grands poètes, et Béranger est un poète charmant. […] Ce n’est pas une guerre de détail que je viens faire à un poète que j’admire ; mais cette guerre, cet examen de détail, veuillez le remarquer, on n’en a fait grâce pourtant jusqu’ici à aucun des poètes modernes, excepté Béranger. […] Un poète tout à fait généreux, un André Chénier n’eût pas hésité. […] Béranger, comme poète, est un des plus grands, non le plus grand de notre âge. […] Comparé aux poètes d’autrefois, il est du groupe second et encore si rare des Burns, des Horace, des La Fontaine.

139. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Le délice éternel que le poète éprouve. […] Le poète en fait une description un peu trop romantique peut-être, comme aux beaux temps d’Hugo et de Nodier. […] Là, que de joies et que de douleurs avec lesquelles le poète, comme le philosophe, peut entrer en sympathie ! […] C’est un psychologue et un moraliste, en même temps qu’un poète. […] C’est en effet pour ses père et mère que le poète a réservé ses premiers outrages.

140. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Il l’avait, en effet, ce sentiment céleste sans lequel les poètes ne sont pas, et il en était un « Oui ! […] Ce qu’il est surtout, c’est dans beaucoup de viveur un peu de poète, mais ce peu de poète est si charmant qu’il fait pardonner au viveur. […] Il n’a ni le brio d’éblouissant mauvais sujet, ni la tournure, ni la fougue, ni l’élan du poète qui, parti de Cape et d’Épée, aboutit à Colombes et Couleuvres. […] Et c’est une leçon de flûte, aussi, donnée à ceux qui adorent la Poésie par un poète au lieu d’un berger, et dont la flûte est enchantée ! III Ainsi, un poète, un poète de plus parmi les vrais poètes, voilà ce qu’apprend ce recueil des Poésies complètes de Monselet, réunissant tous les rayons éparpillés de son talent et nous faisant choisir entre tous celui-là qui plaît davantage, — le plus pénétrant et le plus pur… Certes !

141. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

En ce moment, ne passe-t-il pas pour le premier poète comique de ce temps, — peu comique d’ailleurs ? […] Dans l’une comme dans l’autre de ces poésies, Augier est, en effet, le même poète sans idéal et sans profondeur. C’est essentiellement le poète du bourgeois. […] Eh bien, Augier, comme Ponsard, est le poète de cette tendance, de même qu’Henri Martin et Amédée Thierry en sont les historiens ! […] Les Traditionnelles 20 sont des poésies de poète.

142. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Pour les anciens mêmes, c’était un symbole de l’antique poésie plutôt qu’un législateur véritable et un poëte. Aristote, nous dit Cicéron, affirme qu’il n’exista jamais de poëte Orphée53. […] Platon, dans le Cratyle, nomme aussi le poëte Orphée et en cite un vers. […] Ainsi, dans la fiction du poëte, paraissait la pensée du citoyen d’un État libre. […] Quelle est celle de ses îles, baignées par la brillante mer d’Ionie, qui n’ait pas eu son poëte comme elle avait ses théories et ses concerts ?

143. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Auraient-ils, en effet, voulu grandir leur poète en le montrant tout entier ? […] Indépendamment de sa valeur poétique, qu’il ne faut pas outrepasser, mais qu’il ne faut pas diminuer non plus, d’Aubigné, ce poète guerrier, ce poète d’action, à l’antipode du rêveur que sont tous les autres poètes, a dans ses vers comme dans sa vie un charme de violence irrésistible. […] Poète par-dessus le soldat, — par-dessus le sectaire, — par-dessus l’amoureux ! […] À ne le prendre que comme poète, Agrippa d’Aubigné aurait gagné à être un catholique. Ligueur, il eût été incomparablement un poète plus puissant et plus beau.

144. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Un poëte peut nous dire beaucoup de choses qu’un peintre ne sçauroit nous faire entendre. […] Le poëte arrive encore plus certainement que le peintre à l’imitation de son objet. Un poëte peut emploïer plusieurs traits pour exprimer la passion et le sentiment d’un de ses personnages. […] Joints ensemble, ils feront ce qu’un seul n’auroit pû faire, et ils exprimeront ainsi l’idée du poëte dans toute sa force. […] Or le poëte ne sçauroit rendre cette diversité sensible dans ses vers.

145. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il est le plus Français de tous nos poètes. — § VI. […] Le poète qui a eu le plus de goût […] Le genre et le poète se confondent. […] La Fontaine est le plus français de nos poètes. […] La Fontaine est de tous nos poètes le plus inspiré des anciens.

146. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Sous le poète on sentait le philosophe à caractère sobre ; l’Arioste se retrouvait dans sa maison. […] Le poète redevenu guerrier accompagna le prince de Salerne dans ses expéditions militaires en Italie et en Afrique. […] Les croisades étaient le nobiliaire de l’Europe, le poète serait l’arbitre et le distributeur de l’immortalité parmi les descendants de ces familles ; enfin le poète n’était pas seulement poète dans Torquato, il était chevalier. […] s’écrie le poète, déjà touché à son insu, qu’entendis-je ! […] Le poète se tut et chanta sous des noms de nymphe ou de bergère le seul et véritable objet de sa passion.

147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Le poète ne se réjouit pas devant le spectacle du mal. […] [Les Poètes français, recueil publié par Eugène Crépet, tome IV (1863).] […] Charles Baudelaire n’est pas un de ces poètes qui n’ont qu’un livre dans le cerveau et qui vont le rabâchant toujours. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1889).] […] Mais ce groupe est celui des intelligences distinguées : poètes de demain, romanciers déjà en train de rêver la gloire, essayistes à venir.

148. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

En parlant ici d’Hégésippe Moreau, je ne viens faire, on peut le croire, le procès ni à la société ni aux poètes. […] Pour que son vers clément pardonne au genre humain, Que faut-il au poète ? […] Le poète blessa et aliéna ceux mêmes qui l’avaient d’abord soutenu. […] Ces trois parties essentielles du poète n’étaient pas arrivées à une pleine et entière fusion. […] Mais ne remarquez-vous pas comme tous ces poètes plébéiens et populaires sont sortis d’une première éducation ecclésiastique ?

149. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Delille a régné, ou du moins il a été le prince des poètes de son temps. […] Laurent ou du poëte est le mécanicien. […] Jamais poëte de cette trempe ne s’enchaînera ainsi au char d’un autre. […] Pense-t-il être impunément le poète le plus aimable et le plus aimé ?  […] Pour nous, les œuvres, la vie et la personne du poëte sont devenues ressemblantes.

150. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Ici le poète se retrouve comme malgré lui amant et poète. […] Ici encore le poète laisse le rôle sublime du dévouement à la femme. […] tout finit par ce mot peut-être, pour le héros comme pour le poète. […] Le Poëte. […] Ô poëte !

151. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

En même temps, une jeune école de poètes cherchait de toutes parts des veines nouvelles. […] La plupart des poètes de cette génération étaient instruits et avaient fait des études suffisantes, mais ils n’étaient point doctes. […] Ce que fera un jour Alfieri à un âge plus avancé, Ronsard le fit plus jeune, mais par un même principe d’opiniâtre volonté ; il se dit : « Je serai poète, je le suis » ; et il le fut. […] Ce n’est pas à dire qu’avec plus de ressources et d’imagination il n’eût pu être un poète de Renaissance tout autrement vif, inventif et léger. […] Ce qui me frappe chez Ronsard poète, et poète si honorable, si laborieux et même si modeste après son accès de fougue première, c’est comme il se casse de bonne heure, comme il devient vite incapable d’autre chose que de courtes poussées, et comme il a le sentiment que la poésie ainsi que la jeunesse gît toute dans la chaleur du sang, et s’évanouit avec elle.

152. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ces poètes du vice sont de mauvais musiciens qui ne connaissent pas leur instrument. […] On a dit : Le grand architecte des mondes ; on pouvait dire : Le grand poète des univers ! […] Moins il y aura de sensualisme dans le poète, plus le poète sera véritablement spiritualiste, c’est-à-dire surhumain. […] Un poète épique n’est au fond qu’un historien qui chante, au lieu d’écrire. […] Le poète, mystique et épique à la fois, réserve à son héroïne de plus cruelles épreuves.

153. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Le poète des Fleurs du mal a exprimé, les uns après les autres, tous ces faits divinement vengeurs. […] Quoique très-lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] C’étaient des scélérats qui parlaient, les poètes étaient innocents ! […] Ce profond rêveur qui est au fond de tout grand poète s’est demandé en M.  […] Charles Baudelaire n’est pas un de ces poètes qui n’ont qu’un livre dans le cerveau et qui vont le rabâchant toujours.

154. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Que de poètes morts jeunes ! Les vrais poètes ne sont pas ainsi. […] chante, mon poète, chante encore !  […] Albalat habitué du même café que le poète. […] Un livre de poète, de vrai poète que la vie assassina et qui n’aimera jamais assez la vie pour l’assassiner à son tour.

155. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety est un poète sincère. […] Il est du très petit nombre de poètes qui se vendent. Ses beaux volumes, magnifiquement imprimés, ne le sont pas à ses frais (chose rare parmi les poètes modernes). […] Le poète nous a traduit l’hymne mystique de saint Jean de la Croix, et il en reproduit l’esprit en mainte page. […] Turquety, ce qui est rare, est un poète convaincu37.

156. (1762) Réflexions sur l’ode

On impose au poète les lois les plus sévères ; et pour comble de rigueur, on lui défend de laisser voir ce qu’il lui en a coûté pour s’y soumettre. […] Un grand poète est un écrivain d’un ordre supérieur aux autres ; quand on a cette prétention, il est juste de la payer. […] Un poète est un homme qu’on oblige de marcher avec grâce les fers aux pieds ; il faut bien lui permettre de chanceler quelquefois légèrement. […] On se plaint que l’ode n’en fournit pas assez parmi nos poètes. […] Nos poètes d’ailleurs s’y trouvent plus à leur aise ; on passe des vers faibles dans une épître, on n’en passe point dans une ode.

157. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

C’était un Juif comme lui, et comme lui un poète. […] Ce ne sont que des braillards, ajouta-t-il avec mépris, tandis que vous, vous êtes un poète. […] Louis Wihl a prouvé une fois de plus que le rêve, pour le poète, est la plus forte réalité. […] Le Parnasse avait une double cime, et beaucoup de poètes l’ont aussi. […] Mais Louis Wihl n’est pas qu’un poète.

158. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Cros me dit d’un brusque tutoiement : « Tu es un poète, toi !  […] Jules Grévy inconnu, farci de latin et ami de poètes. […] Godelieve pleurera, Borluut mourra, un poète entendra leur élégie. […] Le poète était né en 1848. […] Si le poète n’écrit plus de vers, l’historien des Girondins est un poète.

159. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Rodolphe Darzens, on a dit tout le mauvais sur Rimbaud, homme et poète. […] Je m’étais, je ne sais pourquoi, figuré le poète tout autre. […] Pommier comme un grand poète, ni même comme un poète. […] en son temps, une manière rudimentaire de Poète Maudit. […] N’importe, c’est un grand poète tout de même.

160. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Mais souvenons-nous que le bonhomme est poète, même quand il écrit en prose. […] Au dehors du balustre, Despréaux, avec une fourche, empêchoit sept ou huit méchans poètes d’approcher. […] Ou bien c’était un jésuite, Bouhours ou Thoulier, à qui le poète envoyait son carrosse pour l’amener dîner. […] Cette fois-là, il prêcha dans le désert : Louis Racine voulut être poète, tout averti qu’il était par Despréaux, qu’« on n’avait jamais vu de grand poète, fils d’un grand poète ». […] L’amour-propre du poète surnageait en lui, plus robuste et plus aigu qu’on ne l’eût jamais soupçonné.

161. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Saint-Gelais hérita de Marot l’emploi de poëte de la cour. […] Où le poète futur devra-t-il chercher le secret de cette poésie du cœur et de la raison ? […] Chaque poëte se jeta sur une partie de ce noble héritage, et s’affubla de quelque dépouille de Rome ou d’Athènes. […] Il était, dit La Croix du Maine, poëte et musicien vocal et instrumental. […] C’est à ce poëte qu’on doit notamment la succession régulière des rimes masculines et féminines.

162. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Si ce n’est pas un poète épique, ni même un poète du tout par le résultat, c’est un travailleur en épopée, infortuné, mais acharné, du moins… On fait ce qu’on peut. […] Quinet, mais qui attend toujours son poète épique, M.  […] Car, s’il n’est pas un poète, cet épique M. Quinet, il a en lui des fragments, des tronçons de poète. […] Avant d’être terminé, il a ennuyé la Nature qui l’a laissé là ; mais il était commencé en poète.

163. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Les vieux poètes allemands s’en sont emparés et lui ont donné un degré de dépravation de plus. […] Une philosophie manque donc à ce poète pour être un homme fait de la littérature. […] Jeunesse qu’il a faite, il est mort, ton poète ! […] Il te fallait un poète à l’image de ta politique ; car enfin les poètes sortent de terre comme en France sortent les soldats, quel que soit le parti qui frappe du pied cette terre féconde. […] Ton poète t’avait bien recommandé de ne pas te compromettre à en avoir une.

164. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

L’amour n’y est plus que comme un souvenir délicieux, comme une apparition matinale et céleste, qui s’est retirée dans le lointain, après avoir initié l’âme du poète à de plus sublimes mystères ; l’hymne a presque partout remplacé l’élégie. […] Ici, point de méditation amère sur les choses de la vie, point de question trop pressante adressée aux doutes éternels de l’âme, point de retour douloureux et prolongé du poète sur lui-même ; le poète n’est plus que le dernier du temple, le plus humble et le plus fervent ; il chante, il s’exhale, il rayonne : Élevez-vous, voix de mon âme, Avec l’aurore, avec la nuit ! […] Mais, dans toutes ces pièces, et avec des qualités différentes d’énergie ou de grâce, d’élévation ou de tendresse, le poète ne fait autre chose qu’invoquer et adorer. […] Voilà ce que se demande le poète à une de ces heures où la grâce est en défaut, et où nous tombons dans le délaissement. […] On compte les pensées du poète comme les battements de l’artère à sa tempe, comme les gouttes de sueur froide qui lui tombent du front.

165. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

L’originalité des grands poètes, on le sait, consiste surtout à voir et à exprimer la nature, la vie et les hommes par un côté intime et nouveau. […] Après ces flots de larmes et ce débordement de plaintes pieuses, le rythme change encore et revient à son premier mode ; le poète se relève, il reprend confiance, et s’abîme dans une louange éblouissante du Seigneur. […] C’est par une promenade dans les bois en automne que commencent les deux poètes, et que la pensée des morts leur revient également. […] Victor Hugo, et elle est doublement à remarquer, comme admirable d’abord, et en ce qu’elle prouve une certaine confusion de limites dans les talents naturels des deux poètes. […] Dans Milly, dans la Vie cachée, le poète s’est essayé à des peintures qui, pour avoir plus de calme et de familiarité, n’en ont pas moins leur grandeur.

166. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Aujourd’hui, par un hasard heureux, les deux poètes dont nous avons à parler tranchent vivement sur le fond vulgaire des rimeurs contemporains, et sont vraiment dignes du regard et du jugement de la Critique. […] Nous n’avons jamais eu d’entrailles pour le génie faussaire de Chatterton… Mais Gramont est un poète pour son propre compte et en son propre nom, sans fougue, mais non sans élévation et sans profondeur. […] dans la langue du xixe  siècle ; mais il y en a un autre, plus intime et plus fécond que celui-là : le passé vécu par le poète. […] Seulement, ce mal n’y est pas étalé avec ces coquetteries misérables de l’égoïsme ordinaire aux poètes, ces lécheurs éternels de leurs blessures. […] De tous les deuils de la pensée du poète, c’est celui dont l’expression revient le plus dans ses poésies, et il est si beau, et il y jette un éclat d’idéal si sévère, qu’on n’en voudrait pas d’autre à côté.

167. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Parmi les poètes, combien peuvent en dire autant ? […] Toutes ces figures, si nettement dessinées, qui révèlent chez le poète une si grande fidélité de souvenirs, ne sont pas le poète lui-même. […] Les poètes sont des êtres privilégiés. […] Quel parti le poète en a-t-il tiré ? […] Le poète aurait fait place au rhéteur.

168. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Parmi eux, les poètes me paraissent prodigieux. […] Entre un poète et un savant, il ne convient pas de faire différence. […] C’est par l’entremise des poètes que les hommes peuvent connaître Dieu. Les poètes ne sont-ils pas ceux qui nous font sentir la beauté des choses ? […] Certains poètes grands et sérieux ont méconnu la politique.

169. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

La caractéristique de ce poète, c’est qu’il écarte la tiédeur et l’indifférence. […] » On y sent le vœu des poètes du temps de s’isoler du tumulte et des vaines agitations de la rue. […] Le but du poète n’est pas de rendre ce qu’il voit, mais ce qu’il sent. […] Et ceci explique l’antinomie du théoricien et du poète imprimé. […] Et René Ghil ajoutait : Un seul poète, un grand poète a des vers pareils : Stéphane Mallarmé.

170. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

En ce cas le talent de peindre n’est pas particulier au poète. […] Dira-t-on que le poète doit toujours peindre, et les autres quelquefois seulement ? […] Après cela faites-moi dire, si vous l’osez, que nos bons poètes ne méritent pas d’être lus. […] J’en trouverais peut-être la raison dans les efforts que les poètes sont obligés de faire. […] Je sais que Platon a banni les poètes de sa république ; mais entre nous, et je ne vous dis cela qu’à l’oreille, Platon était un ingrat, bien plus digne encore d’être compté parmi les poètes que parmi les philosophes.

171. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Je dis hardiment qu’où poète il y a, poète se retrouve toujours ! Les mauvaises traductions sont la meilleure épreuve des poètes. […] ils ont été des poètes. […] Presque tous les mystiques cachent des poètes, et des poètes d’une certaine grandeur. […] Le poète que cache tout mystique, où est-il ici ?

172. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Il y a moins d’inconvénient à déterrer les poètes. […] Les poètes paraissent plus beaux, surtout aux générations qui auraient pu les connaître et qui les ignorèrent, quand on les tire de l’oubli et de l’ombre de leurs tombeaux. […] Tous les deux écrivirent également en prose et en vers ; mais l’un (André Chénier), le poète du fini, parla mieux la langue des vers, qui est le langage du fini, et l’autre (Maurice de Guérin), le poète de l’infini, parla mieux la langue de la prose, dans laquelle la nature et la pensée semblent avoir plus d’espace pour s’étendre et tenir tout entières. […] Le placer, comme l’a fait Sainte-Beuve, entre Bernardin de Saint-Pierre, le poète anglais Cowper et le lakiste Wordsworth, c’est évidemment l’abaisser. […] Nous le répétons et avec joie, il y a plus que ces deux volumes en Guérin, et il y a surtout une biographie intellectuelle et intime à faire de ce poète qui surgit maintenant, l’étoile au front, dans la constellation des poètes de son siècle.

173. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

On se contentera de quelques éclaircissements historiques et de paroles d’un poète à ses confrères. […] Il y a quinze ans environ, parmi les poètes déjà notoires, d’aucuns cherchaient déjà à réformer, à modifier leur procédé poétique ; deux méthodes se présentaient, grâce à plusieurs poètes. […] Les poètes du vers libre ne doivent point calquer leurs strophes sur celles dont ils se sont donnés eux-mêmes le modèle. […] Voici une autre objection plus grave ; c’est d’ailleurs un grand poète qui la présente. Le vers libre, à son sens, serait la technique désignée pour l’autobiographie du soi, la fixation d’états d’âmes, pour l’arabesque personnelle que le poète doit tracer autour de son caractère propre.

174. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

La vie de l’esprit y était intense : dans ce monde inquiet et ardent, les poètes étaient nombreux, et les poétesses presque autant. […] Elle méprise ces poètes de cour, guidés, comme dit Du Bellay, Par le seul naturel, sans art et sans doctrine. […] Le poète donne l’immortalité. […] Il ne donne en somme au poète qu’un droit de proposition. […] Mais ce fut sous Charles IX surtout qu’il fut en faveur : ce roi visita le poète dans son prieuré de Saint-Cosme, lui donna plusieurs abbayes et bénéfices.

175. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Seulement, rien n’est jamais long dans un poète, pas même le mépris, cette chose infinie. […] Il avait lu et il connaissait bien les grands poètes anglais, qui sont certainement les plus grands poètes de la terre pour la profondeur de l’inspiration et la solennité de la rêverie. […] C’est une âme sincèrement poétique avant d’être artificiellement un poète de langage. C’est un grand poète d’action dans la vie, avant de l’être de contemplation dans ses écrits. […] Un exemple nous suffira pour donner une idée de la manière générale et habituelle du poète.

176. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Mais les poètes sont moins systématiques que les philosophes. […] Tyndall, avaient des tempéraments de poètes, presque de visionnaires. […] Si on peut faire un reproche à des poètes d’une réelle valeur, comme M.  […] « Si le poète, dit M.  […] Déjà des poètes incontestés, comme Michelet, Flaubert, M. 

177. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Le poète, désarmé par la clémence d’Auguste et par l’amitié de Mécène, était encore citoyen. […] Cette ode est grave comme un grondement de la colère des dieux dans la poitrine du poète. […] Le poète mettait ainsi en action ses préceptes de modération et de médiocrité à son ami. […] L’ode, c’est le poète ; l’épître, c’est l’homme : c’est là surtout qu’Horace est Horace. […] Ce poète est votre homme ; ce n’est pas le mien.

178. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

[Les Poètes maudits (1884).] […] Lorsque tant de contemporains font de la peinture avec des mots, voici un poète qui s’en sert pour faire de la musique. […] Et tout de même, il faut remercier le présent éditeur et le poète qui l’autorisa et qui nous donna la joie d’une couverture fraîche portant son nom. […] Stéphane Mallarmé est le poète qui a eu l’influence la plus directe sur les poètes d’aujourd’hui. […] Mallarmé n’est ni un grand penseur ni un grand poète.

179. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Du moins le poëte comique ne doit-il en faire qu’un usage très-sobre. […] Ces apostrophes me font voir le poëte en conversation avec les divinitez et avec les arbres de ce lieu. […] C’est donc la poësie du stile qui fait le poëte plûtôt que la rime et la césure. […] C’est pour inventer des images qui peignent bien ce que le poëte veut dire, c’est pour trouver les expressions propres à leur donner l’être, qu’il a besoin d’un feu divin, et non pas pour rimer. […] Le secours d’autrui comme nous le dirons en parlant du genie, ne sçauroit faire un poëte.

180. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Quels sont-ils, grands prosateurs ou poètes ? […] Bossuet, dans une instruction sur le style oratoire, a écrit : « Les poètes aussi sont de grand secours. […] Par eux, Mme Dacier est restée atteinte de ridicule pour avoir rendu de son mieux le divin poète et l’avoir trop défendu. […] Et c’est ainsi que les trois poètes, en présence d’un ancien, nous donnent tour à tour la mesure de leur procédé et de leur goût. […] Jamais je n’ai rapproché Chapelain de Ronsard comme poète ; des deux, il n’y a que Ronsard qui le soit.

181. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Les anciens distinguaient trois sortes de prologues : l’un, dans lequel le poète exposait le sujet de la pièce ; l’autre, où le poète implorait l’indulgence du public, ou pour son ouvrage, ou pour lui-même ; le troisième, où il répondait aux objections. […] Une petite circonstance omise ou mal présentée décèle la maladresse du poète, et affaiblit l’intérêt. […] Il n’aperçoit pas le poète sous les personnages ; l’art des préparatifs disparaît. […] Un poète peu habile épuisera quelquefois tout son sujet dès le second acte, et se trouvera par là dans la nécessité d’avoir recours à des actions étrangères pour remplir les autres actes : c’était le défaut des premiers poètes français. […] Ce n’est point à Racine, comme poète, que l’on fait le procès dans son récit : c’est à Racine faisant parler Théramène ; c’est à Théramène lui-même, qui ne peut pas plus jouir des privilèges accordés aux poètes, qu’aucun personnage de tragédie.

182. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Je ne puis qu’indiquer légèrement, à mon grand regret, un autre poëte distingué qui a également traduit avec âme cette pièce d’Excelsior, M.  […] On s’étonne d’avoir à parler d’un poëte réputé vengeur et terrible, du poëte des Iambes, de l’auteur du Pianto, d’un front deux fois ceint du chêne et du laurier, presque comme on ferait d’un commençant : ce n’est pas sans charme. […] Lafenestre a adressé une de ses plus jolies pièces, Dans les blés, à un poëte que je connais mieux, André Lemoyne. […] Ernest Menault sentent le poëte rural et l’odeur de la glèbe. […] André Lefèvre est un poëte élevé, sévère, savant, avec lequel il faudrait compter de près et qu’on aimerait à pouvoir suivre pas à pas.

183. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Il a été tour à tour poète, historien, romancier, biographe ; mais qui sait ? […] Jugez tous les vrais poètes à cette lumière ! […] il n’est pas un poète ! […] Qui peut dire qu’on ne sera pas poète un jour comme on peut être atteint par la foudre ? […] Poètes, 2me série.

184. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Les poètes sont quelquefois jaloux de dérober une année ou deux, comme les femmes. […] Le poète dut sans doute envoyer le recueil de ses Oeuvres à M.  […] Le recueil est digne du poète. […] M. de Vigny a trouvé lui quatrième et non moins superbe silence : celui du poète. […] Il est de cette élite de poètes qui ont dit des choses dignes de Minerve.

185. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Les cendres du foyer des poètes sont pleines de mystères semés ainsi au vent. […] Un poète était un paladin joutant en public en l’honneur de sa dame. […] Il y fut reçu en roi plus qu’en poète. […] Le poète se réfugia une quatrième fois à Vaucluse. […] ce n’est ni la langue ni le vers du poète de Vaucluse !

186. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Un grand poète épique est né. […] Tout est original dans le poème, parce que tout est né de la nature dans le poète. […] Ô poésie d’un vrai poète ! […] Ce poète du Midi a, quand il veut, les cordes surnaturelles et frissonnantes du Nord. […] Ô poète de Maillane, tu es l’aloès de la Provence !

187. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

D’autres poètes ont une poésie plus pittoresque, une poésie plus éloquente, mais chez Lamartine, il y a la poésie, et Lamartine, c’est le poète. […] L’âme du poète est un miroir, c’est un écho. […] D’abord, étant poète, il est beau de sa personne. Les poètes, remarquez-le, les poètes sont beaux. […] Poète des humbles, François Coppée est en outre et encore, et peut-être surtout, un poète parisien.

188. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

La lutte pour celle-là et contre celles-ci supprimera la contradiction dans le poète allemand et sa vie réalisera alors la synthèse de personnalité et d’action : révolutionnaire et poète ! […] (art. cit.), ce poète pourrait être Paul Aeschimann. […] Il appartient au cercle de Die Aktion et se considère comme un poète politique. […] Kurt Heynicke (1891-1985), poète et dramaturge allemand. […] Vieri : nous n’avons pas identifié ce poète.

189. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Un poëte lyrique était né pour la France, avec des nuances admirables de douceur élégiaque et de tendre mélancolie. […] Ce grand poëte était d’abord un poëte naturel, prodiguant les images et l’harmonie avec cette facilité qui ajoute la grâce à la puissance, d’une pureté admirable quand il était inspiré, et alors, fidèle à la perfection, même dans les hasards du caprice et de la rêverie. […] C’est là que grandit un poëte né à Cuba, au commencement du siècle, d’un père jurisconsulte et partisan des idées modernes. […] Étudiant à la fois les langues savantes et les philosophes français, Homère et Raynal, bientôt il se sentit poëte. […] Jeune encore, mais infirme et malheureux, le poëte succomba sous tant de maux.

190. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

vous diront les plus renseignés ; un grand poète sans doute ! […] Je n’approuve pas, monsieur, que le poète s’isole et se désintéresse de son siècle. […] S’il est un poète qui soit bien d’aujourd’hui, qui soit moderne jusqu’aux entrailles, c’est lui. […] Kaïn est, si l’on veut, un Prométhée qui parle et sent comme Lucrèce, c’est-à-dire comme le plus jeune des poètes anciens. […] Et le poète ne proteste point contre elle, et il ne mêle à sa vision aucun ressouvenir humain.

191. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Contrairement à la coutume divine qui fait chanter presque tous les poètes comme chantèrent les Templiers, — dans les supplices, — Hebel fut constamment heureux. […] Mais, puisque nous avons parlé de l’Écosse, il est un poète de ce pays qui se rapproche bien plus que Walter Scott du talent tout local de Hebel : c’est Burns, le fils du meunier, le grand poète jaugeur. Burns, comme Hebel, est un poète idyllique sans fadeur ; c’est un poète, qu’on nous passe le mot ! […] « Franc comme l’osier » est une expression de nos campagnes qu’on peut appliquer à Burns, ce poète des vestes rousses de tous les pays et des derniers tartans du sien ! […] Notre poète allemanique a du sentiment et de la vie pour tout.

192. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

C’est la magie du poëte de transformer ce qu’il touche ; c’est l’honneur de la pensée d’être plus précieuse que tout ce qu’elle décrit. […] Maintenant ils sont impérissables ; et, si nous n’avons pas l’Anacréon que lisait Horace, le nom du moins et quelque chose du poëte vivront toujours. […] Mais il ne semble pas que ce modèle ait été lui-même beaucoup plus qu’un poëte buveur et frivole jusque dans la vieillesse. […] Un autre poëte lyrique, d’un nom plus grave, tromperait moins notre espérance, si le temps nous avait laissé de son heureux génie quelques parcelles de plus. […] Poëte lyrique, il se servait de mètres moins variés, où ne se marquaient pas la strophe, l’antistrophe, l’épode et tout l’appareil musical de la lyre thébaine.

193. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

, et le poète nous apparaît enfin mûr, formé tout entier : il avait quarante-quatre ans. […] Je demande si cela ne vaudrait pas mieux pour la gloire du poète et pour le plaisir du lecteur. […] Ce n’est pas tant le poète qui a fait défaut, que le cadre qui a manqué au poète. […] C’est bien le poète fait comme de cire à l’instar de Henri IV, le héros économe. […] Nous possédons là bien au net le sentiment inspirateur le plus élevé de Malherbe, poëte lyrique politique, poëte monarchique et royal, dans la partie la plus noble de son œuvre. — Il n’a pas fini.

194. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Mais quelques poètes, et même le plus grand nombre, ont altéré la comédie en y mêlant un élément tragique ? […] L’enfance est gaie ; mais combien d’hommes, combien de poètes ont su conserver ou rappeler les joyeux celais de rire de l’enfance ? […] la même chose se passe dans la république des lettres : une cité nombreuse de poètes se contente d’exprimer un type inférieur, une idée abaissée de la comédie ; une cité de poètes d’élite cherche à réaliser le type absolu, l’idée normale de la comédie, et l’un d’eux a réussi. […] La France, sans s’en douter, possède le vainqueur de ce vainqueur de tous les poètes comiques. […] Ce dernier poète était en effet l’avant-coureur de la nouvelle comédie.

195. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Paul Fort de prodigieux poète et M.  […] Mais ce serait faire injure à ces très grands poètes. […] C’est un poète impressionniste. […] Il est poète sans cela. […] Eugène Montfort est un de ces poètes-là.

196. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

. — Les Déliquescences d’Adoré Floupette, poète décadent, en collaboration avec M.  […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Le poète a beaucoup de goût pour ses payses. […] Le poète de la Bresse, il l’est sans contredit. […] Il semble que, quand elle revient au logis du poète, elle pose sa cruche à côté d’un broc de clairet, un peu faible, mais savoureux, sentant fort son terroir, pas traître, sans ivresse profonde, sans bouquet complexe (en tout cas, c’est du vrai vin), que le poète a été chercher dans son cellier ; et il tend tour à tour à son lecteur le gobelet de vin et le verre d’eau.

197. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Benserade, esprit galant, y concourt avec Molière, l’un en poète du roi de France, autre en poète du roi jeune et galant. […] En 1664, nous le verrons tenir sur les fonts de baptême avec Madame, le premier enfant du poète. […] La Fontaine fut reçu dans sa société, Ce fut le genre de conversation à laquelle elle se plaisait qui inspira au jeune poète ces contes auxquels on reproche une liberté plus que gaie. […] La duchesse de Bouillon trouvait du plaisir dans cette société ; elle présenta nos poètes à ses sœurs, la duchesse de Mazarin et la comtesse de Soissons, qui tenaient de grandes maisons à Paris. […] L’essor des deux poètes étant plus libre d’appréhensions, leur talent en acquérait plus d’éclat.

198. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

En présence d’un oubli pareil, on se demande si le mutisme moral du poète a passé dans l’âme de son traducteur. […] Il est plus érudit que poète et plus écolier qu’érudit. […] Edgar Poe, le poète et le conteur américain, est à nos yeux le Bohème accompli, le Bohème élevé à sa plus haute puissance. […] Machiavélique côté de son génie, qui touche ici à la rouerie profonde du jongleur, et où le poète, le poète, ce Spontané divin, expire dans les exhibitions affreuses du charlatan et du travailleur américain ! […] Edgar Poe, le poète de la Beauté désintéressée, était né dans le pays le plus hideusement utilitaire.

199. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

D’autres venaient de l’Orient et du poëte Pilpaï. […] Le poète, à peine seul veut retourner au bouton. […] Guillaume est le poëte candide et naïf ; Jean, le poëte sans illusion. […] Un seul poëte, dans ce siècle, marque un âge nouveau de la poésie française, et en laisse un monument durable : ce poëte, c’est Villon (1431-1438). […] Charles d’Orléans est le dernier poëte de la société féodale ; Villon est le poëte de la vraie nation, laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit.

200. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Auguste ne traita pas Virgile avec plus de libéralité quand ce poète voulut aller en Grèce et en Troade pour polir ses œuvres. […] C’est là qu’il convoquait tous les poètes et tous les artistes de l’Italie à jouir des magnificences et à concourir à la gloire de la maison d’Este. […] Un préjugé puéril met les poètes en suspicion de démence ; ce préjugé est né assez naturellement, dans le monde, de l’opinion que l’imagination prédomine exclusivement dans les poètes, et que cette prédominance de l’imagination seule les prédispose à l’égarement d’esprit. […] Le poète persévère à se croire criminel du crime d’hérésie et à s’imaginer qu’on veut l’empoisonner. […] L’écuyer d’Alphonse, Coccapani, ami et admirateur du poète, remit lui-même la supplique et la réponse.

201. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Le culte chanté par le poëte est tout politique. […] Certes, la morale du poëte était bien au-dessus de ces impurs exemples. […] ce restaurateur de la naïveté homérique, ce peintre des champs et de la vie pastorale fut d’abord un poëte de cour. […] Le poëte, dans cet éloge de Ptolémée, sur un accent tout lyrique, imite au début Aratus, cet autre poëte de la même cour, qui chantait les merveilles des cieux. […] » L’occasion de ces phénomènes hyperboliques est autre dans le poëte grec, autre dans le poëte d’Israël.

202. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Comment oublier Du Monin, dont le nom était devenu proverbial à titre de poëte amphigourique, vers 1580 ? […] A propos de Colletet père et de Colletet fils, il ajoute : « Voilà ce que c’est que d’être poëte et d’avoir des enfants poëtes. […] Le poëte se représente à genoux auprès de sa maîtresse endormie. […] Donnez-moi l’hygiène d’un poëte, et je vous dirai le ton général, la qualité saine ou maladive de ses œuvres. […] Théophile Gautier poëte.

203. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

La tristesse elle-même est caressante, et les larmes que répand le poète glissent sur la joue sans la brûler. […] La lyre, la harpe éolienne, dont les cordes effleurées, par les souffles du ciel, rendaient des sons harmonieux, ne sont plus des symboles ; tout ce qui s’est dit au figuré de l’art du poète est vrai au propre du poète dont je parle. […] Il se mêlera toujours des scrupules à l’admiration pour le grand poète coloriste. […] Une première idée fausse a gâté dans Alfred de Vigny un vrai naturel de poète. […] Ce poète a un autre amour encore.

204. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Mais le travail était sur tout rendu malaisé parce qu’il s’agit de deux poètes modernes qui, en véritables poètes, ont dit indirectement ce qu’ils avaient à dire en réfléchissant leur pensée sur des images et des symboles. […] Il se réjouit des images, non pas en général de celles qui portent un sens convenu, mais de celles que le Poète interprète et modèle en voyant de la vie. […] C’est que M. de Régnier cherche le plus souvent ses formes dans la légende qui, pour le Poète, est aussi la Nature, — tandis que M.  […] D’habitude elle naît d’un manque d’imaginative et est le défaut commun des littérateurs moins artistes que poètes. […] On perçoit ici une nuance marquée : l’allégorie, avant qu’on la saisisse, est au moins une image nouvelle, créée par le poète.

205. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

En effet, rappelant les hymnes des jeunes filles de Délos, servantes d’Apollon, le poëte s’écrie : « Ô Latone, Apollon et Diane, salut à vous ! […] Archiloque le poëte, raconte Plutarque44, se trouvant à Sparte, les Lacédémoniens le chassèrent à l’heure même, pour avoir dit dans ses vers qu’il valait mieux jeter bas ses armes que mourir. » Puis, l’historien ajoutait cette fâcheuse citation du poëte : « Un Thrace s’enorgueillit maintenant du bouclier que moi j’ai laissé bien intact, au coin d’un buisson, contre mon gré sans doute ; mais par là j’évitais la mort. […] Maintenant, le poëte qui se moquait ainsi de lui-même trouvait ailleurs des accents pleins d’élévation et de force, pour encourager la constance et la lutte contre l’infortune. […] Cette fois, il lui fut ordon d’aller à un temple près du promontoire de Ténare, et là, d’apaiser par des expiations et des sacrifices l’âme du poëte. […] Mais, en dépit de cette admiration, la licence de mœurs que les païens mêmes reprochaient au poëte de Paros, nuisit sans doute à la durée de ses vers.

206. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Un poète a écrit le Paradis perdu ; un autre poète a écrit les Ténèbres. […] L’un des deux yeux du poëte est pour l’humanité, l’autre pour la nature. […] De ce double regard toujours fixé sur son double objet naît au fond du cerveau du poëte cette inspiration une et multiple, simple et complexe, qu’on nomme le génie. […] Sans méconnaître la grande poésie du Nord représentée en France même par d’admirables poètes, il a toujours eu un goût vif pour la forme méridionale et précise. […] Toute son enfance, à lui poëte, n’a été qu’une longue rêverie mêlée d’études exactes.

207. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il a commencé par être poëte pur, enthousiaste, confiant, poëte d’une poésie blonde et ingénue. […] Ce fut une première et forté blessure pour le poëte, blessure fièrement cachée, mais profondément ressentie. […] enthousiasme des salons, qui ne sait pas approcher du poëte ni l’effleurer ! […] Dieu seul et le poëte savent comment naît et se forme la pensée. […] souffrir et ne pas croire et être poëte !

208. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Cependant, pour les esprits réfléchis ou chercheurs, il y aura peut-être toute une poétique à dégager de ce premier volume sur les Poètes du xixe  siècle. […] Seuls, en effet, entre tous, ils s’appellent spécialement : Les Poètes. […] Les Poètes donc au xixe  siècle, tel est le sujet de la nouvelle série d’études que nous publions aujourd’hui. […] Tel philosophe, tel historien, tel poète, etc., ne sont pas dans le premier volume des Philosophes, des Historiens, des Poètes. […] Du reste, quoique ces trois poètes qui, à tort ou à raison, ont passionné l’imagination de leur temps, ne soient pas personnellement pris à partie dans cette première fournée des Poètes du xixe  siècle, ils y sont pourtant à bien des pages où les imitateurs qu’on y juge font des repoussoirs à leurs maîtres et les grandissent de leur petitesse, à eux.

209. (1901) Figures et caractères

Sainte-Beuve n’aimait pas les poètes. […] Le renom du poète grandit sans cesse. […] On y plaça les restes du poète. […] Coppée ce lyrisme bourgeois, sentimental et populaire, qui fait du poète des Humbles un humble poète. […] C’est l’état naturel et successif de toute Littérature ; il fut communaux poètes d’autrefois comme aux poètes d’aujourd’hui, de même que ce sera le souci des poètes de demain.

210. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

[Dédicace des Deux Poètes.] […] » dit le poète. […] Il fut le plus grand poète de notre siècle. […] Que voulez-vous que je dise en une page sur le plus Grand de nos poètes lyriques ? […] Simplement, c’est ici le lieu de saluer de nouveau l’universel Poète, le Maître et le Père.

211. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Pierre Dupont, le poète, qu’un artiste, sympathique à son genre de génie, avait représenté dans l’exercice de ses fonctions de chansonnier. […] Mais j’atteste qu’il ne l’a pas toujours ; j’atteste qu’en voyant cette gargouille à vociférations de cabaret, personne ne pourrait reconnaître la bouche pensive et souriante du chaste poète des Véroniques. […] Si le poète, aveugle au buste, est aussi aveugle à la leçon, d’autres la comprendront pour lui. […] L’autre jour ; à propos d’un bien autre poète que M.  […] Ce que la politique de leur temps tue de poètes, à toute époque, est incalculable.

212. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Nous avons diverses imitations de quelques piéces de vers de ce Poëte ; mais elles sont répandues çà & là. […] Un peu moins de hardiesse cinique n’eût pas déparé ce Poëte. […] Elle a prêté son style au Poëte Anglois, & l’a fait parler avec autant de pureté que d’élégance. […] Il est vrai que ce Poëte a réuni dans cette piéce les puérilités les plus ridicules, & les morceaux les plus sublimes. […] Cet auteur unit les talens de Lucrèce & d’Anacréon, Poëte philosophe, Poëte sublime, Poëte galant ; grand homme dans les différens genres qu’il a cultivés.

213. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Ces poètes gênaient la prose. […] Un poète lui avait révélé la poésie, il voulut lire tous les poètes. […] se croyaient des poètes. […] Un poète de plus ! […] Dans ce poète il y a deux poètes : celui de jadis et celui d’à présent.

214. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Sur le poète et sa poésie, peu de chose. […] Il en est ainsi encore de la prose oraculaire du poète. […] Défi de la poésie au poète, vite relevé. […] Quand donc le poète régna-t-il ? […] Placez à côté celui du Poète.

215. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

. — Chez les poètes, études, traductions et imitations en vers (1882). — Souvenirs personnels et silhouettes contemporaines (1883). — Poésies posthumes (1884). […] Barbier est, si je ne m’abuse, le premier poète qui se soit fait jour en deçà de 1830, car M. de Musset lui-même avait ses racines dans le cénacle. […] L’éditeur y parle des tours de force plaisans ou bizarres de la littérature présente, et à voir, selon lui, le nouveau poète armé de la massue, « vous diriez un athlète sans draperies, entraîné tout à coup dans un cirque de théâtre, parmi des danseurs couverts de paillettes et étincelants d’or faux ». [Poètes vivants (1847).] […] Il Pianto, destiné à peindre le voyage du poète en Italie, est d’une couleur comparativement sereine, et le tonnerre qui s’éloigne n’y gronde plus que par roulements sourds.

216. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

certes, le poète y était ! […] Composé de parodies que le poète appelle Occidentales, par opposition aux Orientales de M.  […] qui ont enlevé un poète à la Muse de ses premières œuvres. […] III Assurément, s’il n’y avait en tout cela qu’un poète de moins, nous qui aimons les poètes, nous en porterions le deuil et tout serait dit ; nous n’en parlerions plus ! […] Or, l’école à laquelle appartient le poète funambule est cette école verbale, savante, antithétique, compliquée, visible et sonore, extérieure, enfin matérielle, dont M. 

217. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Détail des changements opérés par ce poète dans l’art d’écrire en vers. — § VI. […] Le poète fut plus excessif encore dans ces plaintes de commande que dans les siennes. […] C’est en lisant Ronsard qu’il se sentit poëte ; il n’avait pas seize ans. […] Le mérite de ce poëte est moins d’avoir ajouté que d’avoir effacé. […] Car qu’y a-t-il la d’impossible à un poète médiocre ?

218. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il le voulait libre, aussi bien que florissant par les arts ; et il ne déshonora d’aucune lâche faiblesse cette couronne de poëte qu’il reçut au Capitole. […] La Renaissance, ne visait pas si haut ; son poëte n’était qu’un artiste ému qui plaisait à l’imagination, sans exalter les courages. […] L’art de ce poëte est partout exquis et brillant ; mais son charme est surtout religieux. […] C’est à ce titre qu’une sainte célèbre, qu’une fondatrice de monastères de femmes a été nommée quelquefois le plus grand poëte de l’Espagne. […] Le génie propre de la langue et, sans doute aussi, l’éclair d’un sentiment vrai dissipaient cette fois le nuage, et laissaient paraître le poëte.

219. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Rien n’y paraît achevé ou réussi suivant les forces du poète ; on attend toujours quelque chose. […] pauvres fous qui cherchez dans la malle du poète, vous n’y trouverez rien ! […] Le poète se dispute avec ce monarque ; mais il a coutume de se quereller avec tant d’autres ! […] Hambourg, le lieu de naissance du poète, devait occuper la meilleure place dans le Conte d’hiver. […] Le poète mangeant et buvant de bon appétit, disant, en lui-même : « Ma foi !

220. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Est-ce que les forces du poète s’épuisent ? […] Éclairé par la lecture des poètes lyriques, M.  […] Elle lui obéit ; mais, ce qu’elle veut, il faut que le poète le veuille à son tour. […] Le sujet choisi par le poète n’est pas traité. […] L’histoire n’est pour le poète qu’un point de départ.

221. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Car le flot a ses amoureux et toujours aura ses poètes. […] Ce poète nous a trompés. […] L’homme qui chante ainsi est un poète. […] Mais je ne veux en rien rabaisser le mérite ni l’originalité du poète. […] C’est par ce côté surtout qu’il marquera comme poète original.

222. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

La partie qui concerne le rôle et l’évolution politiques du poète me paraît neuve, ou tout comme  M.  […] Le monde tressaille à cet hymne d’un poète inconnu et, soudain, tous les cœurs sont à lui. […] Elle éprouvait le besoin d’avoir son poète. Seul, un poète manquait à ce beau mouvement de renaissance religieuse. […] Et, je le répète, cela ne s’était point vu depuis les poètes de l’Inde antique.

223. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Un grand poète athée, voilà sans doute un singulier phénomène. […] Il anima les poètes du siècle de Léon X. […] Nul poète ne fut jamais plus national. […] Ce n’est pas toujours Milton : mais c’est toujours un poète. […] Elle vint enfin, à la prière des amis du poète.

224. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Lebrun, entre les divers poètes de notre âge ou de l’âge précédent, est particulière, et je la rappellerai en peu de mots. […] On s’est étonné que le premier Empire, avec ses miracles dans la guerre et dans la paix, n’ait pas suscité sur l’heure ses poètes. […] Nous avons tous, — nous surtout poètes critiques, — connu de près ces deux frères. […] Lebrun au poète. […] Lui-même, il aime et agrée les poètes nouveaux ; il ne fut jamais des derniers à les accepter et à les sentir.

225. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Toute une génération de poètes fait son entrée. […] Les poètes nouveaux sont fidèles à leur siècle ; de là leur force. […] Une suite d’articles sur « les poètes morts jeunes » ne manque ni de verve ni de salacité. […] Les poètes se partagent. […] Émile Blémont prépare les voies au symbolisme par une série d’études sur les préraphaélites anglais et les poètes spirites américains.

226. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Griffin poète subjectif ; M. de Régnier artiste plus objectif. […] Si le poète et l’artiste n’existaient pas en chacun d’eux, M.  […] Un poète exquis, M.  […] Cette histoire est l’histoire de plusieurs poètes, celle de M.  […] Viril et combattif, au contraire, le poète des Cygnes se dessine en un relief certain.

227. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Alphonse Daudet, qui fut un aimable prosateur en vers avant de devenir çà et là un grand poète en prose. [Nos poètes (1888).] […] Il eut, du poète, le don d’imagination et, du romancier, l’esprit d’observation. […] À l’origine, le poète prédomina un peu, puisque, dans l’aube rose de l’adolescence, il est naturel que l’imagination surtout fermente, flambe, fleurisse, feu et fleurs !

228. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

[Galerie des poètes vivants (1847).] […] la maladie n’est-elle pas un état de l’âme pour lequel Dieu devait créer sa poésie et sen poète ? Sainte-Beuve fut ce poète de la nostalgie de l’âme sur la terre. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1862).] […] D’ailleurs, dans le paradis des poètes, ce critique-poète qui a si bien connu, pénétré et peint de main de maître le xviie  siècle, n’aura-t-il pas le droit, si cela lui convient, de s’asseoir à côté de ses maîtres, et de porter, comme eux, pour achever d’ennoblir son nez tout moderne, la majestueuse perruque blonde à la Louis XIV ?

229. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Malheureusement, quoique le nom qu’on porte vienne de la prétention qu’on a, M. le Conte de L’Isle n’est pas un poète. […] Pour être pris et dominé par l’Asie, il faut la prendre où elle est puissante, c’est-à-dire dans sa nature extérieure et son énergique matérialité ; il faut avoir le sens du visible plus développé que le sens de l’invisible, qui est le plus beau visible pour les poètes, ces grands spirituels ; il faut, enfin, être beaucoup plus peintre que poète, et c’est malheureusement l’histoire de M. le Conte de L’Isle, peintre, de facultés, auquel la toile a manqué. […] Mais quel triste destin pour un poète d’être comparé même à de grands peintres dont il n’est jamais avec les mots que le pâle reflet ! […] Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé. […] Maladie du temps, mais qui est devenue sa nature, à lui, a ce poète qui a du mouvement, du coup d’aile cinglant fièrement et largement parfois, et qui aurait pu être lyrique, s’il avait été quelque chose !

230. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Malheureusement, pour peindre de si forts contrastes, il faudrait un poète, héroïque aussi comme son sujet, et M. de Laprade ne l’est pas. C’est un poète honnête. […] Car, il faut bien le reconnaître, si la poésie se caractérise d’abord par l’impression qu’elle cause, c’est avant tout un poète ennuyeux que M.  […] Théodore de Banville, le funambulesque, n’est qu’un saquiste parmi les poètes païens et saltimbanques ; mais M. de Laprade est le Stylite de la poésie vertueuse. […] Dans sa Rosa mystica, il a osé toucher à cette robe écarlate de Beatrix, qui doit dévorer, nouvelle tunique de Nessus, tous les poètes qui ne sont pas des Hercules.

231. (1864) Études sur Shakespeare

C’est à de telles fêtes que le poëte dramatique appelle le peuple assemblé. […] Comment les émotions de la tragédie n’ont-elles pas ébranlé d’abord le poëte éminemment tragique ? […] Tant est vagabond et négligent le vol du poëte à travers ces capricieuses compositions ! […] La vérité est toujours là, devant les yeux du poëte : il les baisse et il écrit. […] Ils oublient la situation du personnage en faveur des pensées qu’elle suscite dans l’âme du poëte.

232. (1911) Nos directions

Le poète était seul. […] Si le poète peut se passer de tout, tout cependant appartient au poète. […] Entre les poètes et eux subsiste la même incompréhension. […] Le poète les exhausse, mais ne les masque pas. […] Je le redis, ce poète, dont on veut faire un grand poète, ce qui est faux et fou a quelque chose d’un poète cependant.

233. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Il vit cela en poète, mais le poète voyait ici plus loin que bien des politiques, et quand le rêve s’est réalisé, l’honnête homme chez Béranger a eu le bon sens de ne pas démentir le poète. […] … et toutes celles où il se remet, après les humiliations et les défaites, poète attristé, à sonder et à panser les plaies des cœurs vaillants ? […] Est-ce uniquement parce qu’il aimait surtout à être le poète des vaincus, et non celui des vainqueurs ? Ce n’est pas à croire, et il n’y a pas moins d’inspiration pour le vrai poète à chanter une victoire fièrement achetée qu’une défaite généreuse. […] Il savait tout ce que les sages et les prudents pouvaient dire, et il se le disait même aussi ; mais le poète en lui ressentait un regret ; et quand vinrent peu à peu, et successivement, d’honorables journées militaires pour ce régime politique auquel il assistait, ce n’était pas pour lui, poète patriote, une joie entière, inspiratrice ; car ce n’était point là ce qui pouvait s’appeler une revanche en plein soleil de cette journée néfaste de laquelle il avait dit : Son nom jamais n’attristera mes vers !

234. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Il n’en fut point le prince, comme l’aurait dit Balzac, mais il en fut le poète, ce qui est une autre façon d’être un prince. […] c’est le fin du poète, son parfum, la note vraie de sa mystérieuse puissance. […] Campaux d’avoir creusé jusque-là dans les vers de Villon, et opposé ainsi les sentiments à la vie du poète. […] Il n’embrassait pas celle que Shakespeare appelle sa déesse (my goddess), et que tous les poètes ont étreinte. […] Cette corde manquait à ce poète de sac et de corde, qui avait toutes les autres qualités du grand poète, mais qui, par là, fut incomplet.

235. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

cette beauté parfaite n’a point d’âme, et c’est l’âme aussi qu’il voudrait étreindre… En attendant, le Désir du poète adore à genoux la Beauté de la femme. […] Mais — ô puissance de la baguette magique que tes fées ont coutume de prêter aux poètes ! […] Ce poète lyrique « n’a pas accoutumé de parler à des visages ». […] Le poète des Renaissances, c’est un satyre qui a rêvé ; et le conteur des Contes, c’est un poète qui n’en est qu’au commencement de son rêve — oh ! […] On comprend que le poète des Ailes d’or ait pu écrire des gauloiseries ; mais ces plaisanteries de matassin en délire ?

236. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Les destins, comme dit le poète, n’ont fait que la montrer à la terre. Ils étaient singuliers, ces jeunes poètes et ces jeunes prosateurs ! […] Ils sont spéciaux à notre siècle, les poètes esthètes, c’est vrai ; mais n’y ont-ils pas, de par Edgar Poe, Wagner et Baudelaire, droit de cité ? […] si un poète sachant ce qu’il fait (n’est-ce pas toute la définition du poète moderne ?) […] Le public et les poètes ne suivent guère le même chemin.

237. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Étudions, sans autre préambule, quelques-uns de ceux que les contemporains prennent pour des poètes. […] Le quartier latin aima et salua le Poète. […] Nous n’avons pu l’empêcher d’être un poète. […] Il mit en sonnets les lieux communs philosophiques de Malherbe, et son époque le proclama poète. […] Le poète avoue qu’il trouve parfaite la forme parnassienne.

238. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Parny poète élégiaque51. […] Que de générations de jeunes gens et de poètes ont fait ainsi, et depuis lors et de tout temps ! […] Royer-Collard. — Il a donc lancé l’anathème aux poètes amoureux. […] , et l’élégie du poète est bien celle de cet éternel enfant. […] En un mot, c’est un amant, c’est un poète que Parny, ce n’est pas un enchanteur : il n’a pas la magie du pinceau.

239. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Elle fera toujours aux partis la fière réponse du poëte allemand Lenau. […] Le silence se fit autour du poëte. […] On n’arrive guère chez nous à la notoriété soudaine que par le théâtre, et Autran, malgré sa réussite à l’Odéon, était encore plus un poëte lyrique qu’un poëte dramatique. […] On ne saurait mieux employer ses loisirs de poëte. […] La mode était venue au poëte.

240. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Je ne dirai que peu de chose d’un autre poëte dont la langue m’échappe, M.  […] Il se le disait à d’autres instants ; il savait que tout passe, que de nos jours tout poëte qui n’est pas souverain passe plus vite qu’autrefois, aussi vite que les plus fragiles beautés. […] Je note à la page 279 une anecdote de l’amant de Laure, un fait d’amour que le poëte a repris à sa façon et dont il s’est amusé à faire un assez joli sonnet. […] » Plus d’un poëte en retard m’a donné le remords de l’avoir omis et négligé : et M.  […] Ils n’ont fait autre chose qu’imiter en vers français ou bretons la jolie pièce, leRuisseau, du poëte suédois Runeberg, qu’on peut lire traduite par M. 

241. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il n’était pourtant pas encore poète, ou du moins il ignorait qu’il le fût. […] Le poëte de Fouquet fut accueilli, dès son début, comme un des ornements les plus délicats de cette société polie et galante de Saint-Mandé et de Vaux. […] La Fontaine est notre seul grand poëte personnel et rêveur avant André Chénier. […] Mais le poëte confesse, en tête de Psyché, que la prose lui coûte autant que les vers. […] Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin de la deuxième épître d’André Chénier ; l’idée au fond est la même, mais on verra, en comparant l’une et l’autre expression, toute la différence profonde qui sépare un poëte artiste comme Chénier, d’avec un poëte d’instinct comme La Fontaine.

242. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Il a raison, pensais-je, il dit vrai, le poète ! […] En un mot, le prosateur a égalé le poète. […] C’est le poète de la fable. […] destinée, certes, la plus favorisée entre toutes celles des poètes épiques, si souvent errants, proscrits, exilés ! […] Ce sont, en effet, les peuples qui font les poèmes épiques, ce ne sont pas les poètes.

243. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Entre nous, c’était l’homme qui aimait l’homme ; le poète était réservé. […] Mais la patrie, l’héroïsme, le peuple, éterniseront le nom du poète. […] Il pouvait y être classé déjà, s’il avait voulu ; il ne voulut être alors que le premier des poètes populaires, des poètes de parti. […] À seize ans le poète futur était apprenti typographe. […] Voilà la vérité sur l’éducation du poète.

244. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Les Allemands disent de Jean Paul qu’il réunit les qualités les plus diverses, à la fois poète, philosophe, naturaliste, peintre de mœurs. […] Supposez la prophétie de Joad placée au milieu des strophes de quelque poète à style allégorique ; le contraste disparaîtra, et l’effet sera nul. […] Le poète procède par diffusion, et non par concentration. […] [NdE] Orthographié poète. […] Le procédé de l’esprit humain est un ; et le poète, dans ses inventions, suit la même loi que Napier inventant les logarithmes ou Descartes l’analyse géométrique.

245. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Et le plus grand de ses orateurs, n’était-il pas un autre poëte incomparable, un Milton orthodoxe et paisible ? […] Vainement, poëte de théâtre et de cour, Voltaire prétendait-il à la palme de l’opéra. […] Et ce n’est pas là toutefois, malgré la passion du poëte, que parut sa vraie grandeur. […] Peut-être cette première inspiration lui convenait mieux, était plus vraie pour lui que celle qui suivit ; mais l’une et l’autre en ont fait un poëte qu’on ne peut oublier. […] Il y continua les mêmes accents sous un ciel plus favorable et dans l’ardeur d’un apostolat plus impérieux : mais en même temps il y fut poëte de la nature et de la vie privée ; il y fut poëte inspiré par les lieux comme par les souvenirs, mêlant ses joies de famille à ses épreuves de missionnaire, son amour humain à ses espérances célestes.

246. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

De leur côté, les poètes cherchent leur inspiration dans la nature. […] Le poète symboliste est un mystique. […] Le mode expressif du poète symboliste, dont la correspondance est entière, selon l’expression de M.  […] La haine du cliché, de « l’effet de l’art », enflamme jusqu’au délire le cerveau du vrai poète. […] Je ne sache pas que des romantiques aient existé qui n’aient pu s’appeler, en partie du moins, parnassiens ; ni qu’on rencontre aujourd’hui des poètes qui ne soient, — étant ce qu’on nomme poètes, — quelque peu symbolistes.

247. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Par ses maximes sur l’éternelle justice, la providence divine, la pitié pour les faibles, la punition des méchants, Eschyle est, avec Pindare et Sophocle, le poëte le plus moral de l’antiquité, le poëte ami du droit et de la vertu contre la force et le vice. […] Eschyle demeura toujours le poëte des Euménides, le persécuteur ardent du crime, le chantre des malédictions. […] C’est par là que ce poëte, nommé le plus tragique, a tant de charme et des tons si variés dans son art. […] Eschyle lui-même, le poëte et le soldat de Marathon, ne dépasse pas cette verve aiguë comme le dard lancé par l’abeille. […] Quelle est ici l’intention du poëte ?

248. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Il en eut la première révélation en voyant jouer des comédiens de campagne ; il les suivit, joua avec eux à la diable des mélodrames et des vaudevilles, et, sans y songer, apprit ainsi ce mécanisme de la scène et cet art matériel du théâtre, qui si souvent manquent aux poètes lyriques. […] Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eut été poète, quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte. [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887).] […] Comme poète, Glatigny procède de Banville, avec une nuance d’originalité. […] L’œuvre de ce poète a son prix et sa valeur, et la municipalité de Lilleboune a été bien inspirée en honorant la mémoire de son enfant qui fut pauvre et qui, dans sa vie innocente, oublia tous ses maux en chantant des chansons.

249. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

La philosophie, à Rome, précéda la poésie ; c’est l’ordre habituel renversé, et c’est peut-être la principale cause de la perfection des poètes latins. […] Sous l’empire d’un seul, au contraire, les beaux-arts sont l’unique moyen de gloire qui reste aux esprits distingués ; et quand la tyrannie est douce, les poètes ont souvent le tort d’illustrer son règne par leurs chefs-d’œuvre. Cependant Virgile, Horace, Ovide, malgré les flatteries qu’ils ont prodiguées à Auguste, se sont montrés beaucoup plus philosophes, beaucoup plus penseurs dans leurs écrits, qu’aucun des poètes grecs. […] Mais ce qu’il y a de tendre et de philosophique dans les poètes latins, eux seuls en ont la gloire. […] Je cite au hasard deux traits qui peuvent confirmer ce que je dis de la sensibilité des poètes latins.

250. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Les Poètes Décadents. […] Le poète s’isole pour chercher le précieux, le rare, l’exquis. […] Les poètes médiocres. […] Aurais-je failli à mon devoir d’aîné et de poète lyrique ! […] Il s’est tu, « il a failli à son devoir d’aîné et de poète lyrique ».

251. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Aussi est-il impossible de méconnaître le rôle social et philosophique de la poésie et de l’art. « Le poète a charge d’âmes », a dit Hugo. […] C’est le propre du vrai poète que de se croire un peu prophète, et après tout, a-t-il tort ? […] Le vrai poète est celui qui réveille ces voix. […] Et il est en effet le poète charmant et gâté, celui qui trouve place dans toutes les mémoires, même les plus moroses. […] Nous pourrions citer tel poète contemporain, par exemple M. 

252. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

s’écrie le poète éploré. […] Il nous promet un poète, et il nous donne un personnage qui n’a de poète que le nom. […] Le poète applaudi répond au poète inconnu avec une sérénité majestueuse. […] Bulwer a fait de son droit de poète ! […] Guizot, sans rappeler les travaux de ces deux poètes, a très bien caractérisé le génie comique du poète anglais.

253. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

c’est cette conception chrétienne, devenue une fatalité en littérature, et qui force le poète athée à être chrétien qui qu’en grogne (et il en grogne toujours !), le temps qu’il y touche, qu’a essayé d’entamer Maurice Bouchor, au risque d’y casser les beaux onyx de ses ongles de poète ! […] Mais comme le poète gagne à être vaincu ! […] Telle est la vraie poésie du Faust moderne et l’impression qu’il donne, impression absolument et heureusement contraire à celle que le poète a voulu donner. […] Il y a dans le sang de sa poésie, malgré sa générosité et son exubérance, des gouttes du sang des poètes dont il s’est nourri.

254. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

C’est ici qu’il faut traduire une belle comparaison du poëte Lucile, conservée par Lactance (Inst. div., liv.  […] » Mais le poëte veut sortir de ces ténèbres, il en veut tirer l’humanité. […] Ainsi le poète se rafraîchissait aux images de la nature, à la veille du 10 août65. […] Cet article, postérieur de dix années au précédent, achève et complète notre vue sur le poète ; l’étude approfondie n’a fait que vérifier notre premier idéal. […] Peut-être aussi le poëte n’emploie-t-il, en certains cas, cette expression de Quadro que métaphoriquement et par allusion à son petit cadre poétique.

255. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Nulle infériorité de détail n’y trahissait l’effort du poète. […] Le poète ne semble-t-il pas dire : « Tenez ! […] Nous avons la pluie de cendres, sans les feux… De gaieté de cœur, le poète s’est rapetissé lui-même en se repliant en arrière. […] Mais j’espérais pourtant encore de lui dans ce temps-là ; car qui est sûr de rien avec ces poètes ? […] Dont je parlerai dans mon prochain volume des Poètes.

256. (1888) Poètes et romanciers

dit le poète, j’irai ! […] écoutez le poète ! […] Je ne les accuse pas, ces poètes. […] Voilà le poète, le grand poète. […] quel poète !

257. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Au contraire le poëte comique dépeint nos amis et les personnes avec qui nous vivons tous les jours. […] Le poëte comique nous expose quelles sont les suites de cette ignorance de soi-même parmi le commun des hommes dont le ressentiment est asservi aux loix, et dont les passions propres au théatre ne sçauroient produire que des broüilleries, en un mot des projets et des évenemens ordinaires. Le poëte comique nous entretient donc des avantures de nos égaux, et il nous présente des portraits dont nous voïons tous les jours les originaux. […] Le poëte tragique nous fait voir les hommes en proïe aux passions les plus emportées et dans les plus grandes agitations. […] Nous ne reconnoissons pas nos amis dans les personnages du poëte tragique, mais leurs passions sont plus impetueuses ; et comme les loix ne sont pour ces passions qu’un frein très-foible, elles ont bien d’autres suites que les passions des personnages du poëte comique.

258. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Là, son cœur semblait avoir trouvé une demeure digne où reposer… Mais non, le poète s’est remis en route vers le bonheur, toujours hors de ce siècle. […] Donc, pratiquons le vers libre, s’il nous plaît, laissons le poète tranquille et admirons. […] C’est un des rares poètes qui aient pris pour guide la ligue droite. […] Elle contient la gourme du poète. Il arrive fréquemment qu’un prosateur débute par un volume de vers, il est plus rare qu’un poète débute par un volume de prose.

259. (1896) Le livre des masques

M. de Régnier est le poète riche par excellence, — riche d’images ! […] Vielé-Griffin soit un poète joyeux ; pourtant, il est le poète de la joie. […] Stéphane Mallarmé est le poète qui a eu l’influence la plus directe sur les poètes d’aujourd’hui. […] Poète, M.  […] Il était poète.

260. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

comme on goûte les traits sublimes des Poètes & des Orateurs ! […] C’est le Poète alors qui parle. […] cet homme, ce Poète vit, c’est Horace. […] Voilà ce que le Poète avança pour sa justification. […] Ce grand Poète avoit trop de génie pour eux.

261. (1902) La poésie nouvelle

Sans doute, le poète a choisi lui-même son mètre. […] Certes, les poètes ne manquaient pas. […] Le poète revient sur son passé. […] Le poète s’achemine à une métrique plus classique.‌ […] Le poète s’est écarté de la Nature, de la lumière.

262. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Au sortir de là, on perd de vue le poëte. […] C’est l’enfance de l’Orphée des bergers que le poëte s’est complu à peindre : il y a du Raphaël dans ce tableau. […] Certes le poëte qui a su rendre, comme nous l’avons vu, les concerts délicats des bergers Ménalcas et Daphnis, et qui s’élève tout à côté à ces larges et chaudes magnificences, est un grand poëte en son genre, et ce genre, en le créant, il lui a donné tout d’abord l’étendue la plus diverse. […] Le poëte s’adresse à un ami, le médecin Nicias, de Milet : « Il n’existe, Ô Nicias ! […] Le poëte n’a pas résisté au plaisir du contraste, et ce jeu corrige par trop l’effet de la passion.

263. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Le Blanc, lequel dessein allait même jusqu’à assommer le poète, M.  […] Le poète était alors, socialement parlant, une sorte de pendant du comédien ; il amusait, et on le méprisait. […] Le bruit court que le poète Roy a eu aussi sa bastonnade pour une épigramme… Enfin, voilà nos poètes (comme dit Horace), . . . . . . . . . . . .  […] Fuyez, La Motte, Fontenelle, et vous tous, poètes et gens du nouveau style ! […] Notre poète courait, en ce temps, après ce style qu’il a attrapé dans la suite.

264. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Voilà ce qu’il a été donné aux poètes de voir et de faire voir aux autres. […] Son caractère propre est cette médiocrité d’or, conseillée par les poètes et les moralistes. […] Ces époques, qui sont des âges de crise, attirent les regards du poète épique. […] Mais les premiers poètes furent bien loin de se présenter, comme des inventeurs. […] Les poètes épiques eux-mêmes étaient peu lus, les poètes dramatiques l’étaient bien moins encore.

265. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rameau, Jean (1859-1942) »

Rameau a une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle. [Cité dans l’Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Jean Rameau est un poète romantique d’un vol puissant et qui, sans efforts, plane aux sommets du lyrisme. C’est un poète à qui il faut crier : « Casse-cou », dans les hauteurs.

266. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Guillaume Guizot) ne sent pas Boileau poète, et j’irai plus loin, il ne doit sentir aucun poète en tant que poète. […] Ce que je tiens à marquer (après Campbell), c’est que s’il n’est pas un poète universel dans le sens qui frappe le plus aujourd’hui, il n’est pas moins véritablement poète, quoique dans un ordre moins orageux, moins passionné, moins éclatant, dans un mode orné, juste et pur. […] Un poète, qui a cru devoir donner une édition de Pope ou qui du moins y a mis une préface, le révérend M.  […] Le poète raffole d’immortalité et pense à ses vers ; le héros revoit en délire ses trophées d’armes et ses compagnons dans les nuages. […] Goldsmith poète, de même, méritait bien une légère visite à domicile pour son village d’Auburn.

267. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Il y a là un art de poëte qui prend le soin d’interrompre, par une touche sensible, ce qui deviendrait un badinage trop prolongé. […] Dupront, avocat, homme du pays, de grand talent au barreau, et qui eût été poëte lui-même, m’assure-t-on, si une sorte de paresse naturelle ne l’eût retenu. […] Il ne faut pas d’ailleurs s’exagérer l’instinct et la naïveté ignorante de l’aimable poëte. […] Jasmin est bien le poëte tout proche de la patrie d’Henri IV. […] L’homme sage n’est pas ainsi… » Nous n’avons rien à ajouter à ces agréables et bonnes pensées, et nous espérons que le poëte y restera fidèle.

268. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Comme bien on le pense, ces poètes n’ont jamais eu qu’un succès d’hilarité. […] Je pourrais citer des poètes qu’il avait pressentis à ce sujet. […] Quatre poètes le gênaient : Ernest Raynaud, Raymond de La Tailhède, Maurice du Plessys et Jean Moréas. […] Charles Morice reste donc, malgré lui, notre seul « Poète français ». […] Aujourd’hui l’hôpital est devenu l’idéal de la vie des poètes.

269. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Le lecteur de poètes est un initié ou croit l’être et se flatte de l’être. Il y a entre les poètes et les lecteurs de poètes une franc-maçonnerie qui n’existe pas entre les romanciers et les lecteurs de romans. Pour le poète, le lecteur des poètes est un homme qui a le chiffre. Et le lecteur des poètes sait qu’il a le chiffre ou il croit l’avoir. […] Le lecteur des poètes sent qu’il n’est pas un bourgeois.

270. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Cette poésie de sensation et de hasard a eu sa gloire pleine en ce siècle — et en d’autres âges et d’autres langues elle ne se délivra pas de cette étreinte primitive, si nous mettons à part le poète latin Lucrèce. […] Ce fut le temps du vers parfait pour lui-même, sans suite d’idée, mais où par quelques très purs et subtils poètes passe de plus en plus en l’intellect l’immédiate sensation avant eux immédiatement écrite. […] Sully-Prudhomme et Stéphane Mallarmé tentaient, eux depuis longtemps poètes très précieusement intellectuels, une philosophie. […] Moréas, on l’a vu très vite, n’est certes qu’un poète quand même, content de lui et le disant très haut, et ses pauvres poèmes en deux minces volumes où se sent un essoufflement extraordinaire ne sont remarquables, symbolistes en rien même, que par tout le vocabulaire de Rabelais ! […] Des poètes, en France et en Belgique, dédaignant la routine et les vaines flatteries, ont affirmé leur talent vers mon espoir auquel les portaient de latentes et plus ou moins pareilles tendances : disons M. 

271. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Aussi je ne crains pas de dire qu’il faut une très-grande force de volonté aujourd’hui pour rester simple poëte, même quand on est poëte évidemment. […] Cette renommée particulière du poëte a comme insensiblement transpiré. […] Ce sont là de ces fantaisies de poëte et d’artiste qu’il ne faut pas trop chicaner. […] Les Ternaires appartiennent assez véritablement par leur caractère à une troisième époque de la vie intérieure du poëte. […] Le poëte se considère comme un Breton venu du Midi et qui y retourne.

272. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Au quatorzième et au quinzième siècle, la domination par le rythme réside en Italie ; au seizième siècle, grâce à la présence de Shakespeare, le groupe des poètes anglais dépasse même notre Pléiade. […] Lui-même, poète d’un rare talent aussi bien qu’éminent critique, il ne hasardait pas une assertion téméraire. […] Le moindre poète ayant su et pratiqué son art est populaire chez les peuples voisins : et chez nous pendant longtemps on n’a guère retenu du passé que les œuvres étudiées au collège, inscrites sur le programme du baccalauréat. Il y a cinquante ans, trois grands poètes, Ronsard, du Bellay, d’Aubigné, étaient encore des inconnus4. […] Si bien que chez nos voisins la langue nationale a beau prendre son essor, la tradition de nos paladins s’impose à ses poètes et à ses conteurs et de récits en récits vient aboutir à Pulci et à Boiardo.

273. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Le poëte se montre surtout sensible à la calomnie, aux propos infamants qui flétrissent jusqu’à son repentir. […] Mais je ne m’attache en lui qu’au poëte. […] L’auteur nous l’avoue, il aime trop de choses à la fois, mais il nous le dit en poëte : LES CHAINES. […] Une pièce capitale est celle que le poëte adresse à Alfred de Musset. […] Après cette suite de beaux vers, d’un souffle élevé et juste, notre estime, celle de tous les lecteurs, est acquise au jeune poëte.

274. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Le poète a le don des larmes ; il en verse quelques-unes pour essayer de nous attendrir. […] Je le dirai tout à l’heure, si je l’ose ; mais certainement le poète ne croit pas qu’elle lui ait manqué. […] Nous voici revenus à cette fée absente, la seule, disions-nous, qui ait fait défaut au berceau du poète. […] Si le poète rouvre ses manuscrits de famille, c’est qu’il veut retrouver, revoir, entendre l’âme de sa mère. […] Mais peu nous importe, et le poète a eu, dans sa vie, bien d’autres oublis plus graves.

275. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Le poëte Gacon fit un éloge excessif de la poësie & des poëtes. […] Moïse est le père de la poësie ; c’est le premier poëte qu’on connoisse. […] En effet, rien n’empêche, en Angleterre, qu’on ne soit poëte & homme d’état. […] Un poëte chrétien doit se passer, disent-ils, de cette multitude de dieux, de déesses & de cérémonies. […] Ce poëte Grec, Latin, Italien & François, avoit encore plus de zèle que de talent pour l’art des vers, quoiqu’il en ait fait d’assez heureux.

276. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Il faut feuilleter les historiens, se remplir des poètes, s’arrêter sur leurs images. […] Ils lisaient, les poètes surtout. […] Le théologien ou le poète les avait désignés, et le statuaire n’avait garde d’y manquer. […] La couleur pâle et blême ne messied pas aux poètes, aux musiciens, aux statuaires, aux peintres. […] C’est comme nos poètes de théâtre qui n’ont jamais su tirer aucun parti du lieu de la scène.

277. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Les poètes Les poètes proprement dits, et par là j’entends les poètes épiques, les poètes élégiaques et les poètes lyriques, doivent être lus d’une façon un peu différente, comme du reste ces poètes en prose qui sont, les grands orateurs, et ces autres poètes en prose qui, par le nombre de leur phrase, sont des musiciens. […] La ponctuation n’est pas moins importante pour le nombre que pour le sens et c’est pourquoi une faute de ponctuation met les auteurs et particulièrement les poètes au désespoir. […] Il lui arrive cependant, comme à tout grand poète, d’atteindre à cette partie de l’art et il dira : Et la terre et le fleuve et leur flotte et le port Sont des champs de carnage où triomphe la mort. […] Le poète, comme aussi le grand prosateur, ne livre pas du même coup tous ses genres de beautés et ne peut pas donner à la fois tous les plaisirs qu’il est capable de donner. […] Un grand plaisir, difficile pour la plupart et pour moi du moins, avec les prosateurs, très facile avec les poètes, est, non plus de lire, mais de réciter de mémoire les morceaux qui se sont fixés dans notre esprit et que nous chérissons de dilection particulière.

278. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

La différence, c’est que nos poètes classiques l’ont évidemment emporté sur ceux de l’âge précédent, au lieu que l’on peut douter encore que les poètes issus du romantisme aient égalé les trois grands initiateurs, Lamartine, Hugo et Musset. […] Les rêveries de Lamartine ou la passion de Musset, beaucoup de gens en sont capables, et Musset et Lamartine ne sont poètes que pour les avoir exprimées de la façon que l’on sait. […] que le poète se garde d’être trop touchant ou de faire paraître un trop bon cœur ! […] Les choses n’apparaissent le plus souvent à ce poète érudit et gentilhomme qu’à travers des souvenirs de mythologie, de chevalerie et d’aventures héroïques. […] Et M. de Heredia est aussi (car l’un ne va jamais sans l’autre) un excellent poète, quoique un peu trop retranché dans sa vision d’un univers décoratif.

279. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Oui, vingt-deux traducteurs, dans le même volume, pour un seul poète ! […] de ne pas prendre les images des poètes pour leurs opinions, quoique cela se ressemble beaucoup, dans les poètes, et rien n’est plus comique que cette peine effrayée chez le rédacteur des Débats de voir Horace compromis avec le pouvoir impérial d’Auguste. […] Comparez leurs Satires, leurs Épîtres, leur Art poétique, dont l’un est un poème et l’autre une Épître aux Pisons, et vous verrez si l’esprit, la verdeur, le mordant, la raison assaisonnée ne sont pas en de bien autres proportions dans le poète français que dans le poète latin, aux grâces si sobres qu’elles en sont maigres. […] Vraiment, on cherche ce qu’il avait, cet homme dont on fait un tel poète. […] Le poète de la modération est exécuté avec une critique modérée, mais c’est toujours une exécution !

280. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Pour l’avoir fait, ils ne se croyaient que des poètes. […] Tandis que, pour Vacquerie, le poète dramatique est le prêtre, et même le dieu du xixe  siècle. […] auteurs de poètes ! […] Jusqu’ici, nous l’avons vu poète, critique, moraliste surtout. […] Le poète lui demande qui l’allume et dit aux rayons : Vous êtes des ténèbres ! 

281. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Le poète s’en aperçoit-il ou ne s’en aperçoit-il pas ? […] Voilà qui dit suffisamment le goût du poète, sa tendance, son éducation, son école, tout ce qui n’est lui que de seconde main. […] Hugo ; La Plainte d’une Momie est du Gautier autant par le détail de l’expression que par le sujet choisi du poète. […] Bouilhet cette originalité hors de laquelle, pour les poètes, il n’y a pas de salut. […] Le plus gai des poètes comiques, Regnard, n’est pas populaire, et ses pièces les plus gaies ne se jouent même plus.

282. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Un autre poëte moins connu, mais digne pourtant de souvenir, M. […] Cette manière de traduire en architecture le plan du poëte, toute singulière qu’elle peut paraître, le fait mieux comprendre que ne le pourrait une plus longue analyse. […] Je pardonnerais de grand cœur au poëte de nous ranger, Gaulois ou Germains, parmi les barbares : pourtant n’y aurait-il pas eu plus de vérité à la fois et de pensée progressive ou même inspiratrice à montrer cette main noblement suppliante que l’Italie nous tend, que l’égoïsme de nos gouvernants a lassée jusqu’ici, mais que nous irons étreindre un jour d’une main de frères ? […] Il s’est tu, il s’est laissé oublier ; puis, après quelque vingt ans et plus, on a vu paraître sous le nom d’Auguste Barbier, dans la Revue Française et ailleurs, de petits vers hésitants, faiblets, puérils, gentillets, florianesques et tout à fait naïfs : c’était à jurer que ce n’était ni du même poëte ni du même homme. […] il a maudit l’homme du premier Empire : tout péché lui est à l’instant remis ; toute justice est rendue au poëte : il sera nommé, il est mûr.

283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Retté s’affirme poète et poète libre, ne se réclamant que de la loi essentielle et unique : le Rythme. […] De son talent de poète il a voulu faire une arme justicière, traduisant en une œuvre dialoguée et dramatique sa vision de la régénération sociale. […] Le poète se perd tout entier, flotte dans ces divins bruits. […] Adolphe Retté n’en demeure pas moins le poète de ses anciennes visions. [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

284. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Il vouloit qu’on le crût le plus grand poëte de son siècle. […] Quel est le genre dans lequel ne s’est point exercé cet empereur poëte ? […] Ce poëte naquit à Cordoue en Espagne, l’an 39 de Jésus-Christ. […] Ce poëte y vivoit encore sous Nerva & sous Trajan. […] On n’a que faire d’un roi poëte.

285. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Bouniol est un poète satirique d’une rare vigueur de conviction. […] On dirait, en le lisant, qu’il a vécu parfaitement en dehors du monde d’impressions littéraires qui font l’éducation des poètes de ce temps. […] Deux qualités positivement bonnes, supérieures et rares, et qui constituent à notre jeune poète une originalité meilleure que celle que nous lui composions plus haut avec les indigences de son génie ! […] Notre poète, au contraire, avec cette heureuse idée d’une Croisade contre les mœurs contemporaines, a fait poser devant lui une société tout entière, et l’a saisie par tous ses vices et tous ses ridicules, comme le terrible chêne saisit par les cheveux Absalon ! […] Ainsi, par exemple, quoique nous ne voulions rien citer, il y a dans cette superbe satire sur la Morgue, où il a dépassé en pathétique amer et sombre l’auteur de L’Hôpital, du Village abandonné, etc., le poète Crabbe, un passage que nous risquons en finissant, et dans lequel vous trouverez le mouvement et le procédé d’émotion à l’aide desquels le poète moraliste a l’habitude de nous atteindre.

286. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

Les barbares en sont dépourvus ; aussi les premiers poètes héroïques des Latins chantèrent des histoires véritables, c’est-à-dire les guerres de Rome. […] Aussi les poètes théologiens ont-ils appelé la mémoire la mère des Muses. — 10. Les poètes furent donc sans doute les premiers historiens des nations. […] Il est impossible d’être à la fois et au même degré poète et métaphysicien sublimes. […] Malgré ces défauts, Homère n’en est pas moins le père, le prince de tous les poètes sublimes.

287. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Pendant que les Allemands nous prouvent que Molière n’est pas un bon poète comique, nous n’avons pas cessé d’entendre les Français chanter sa gloire : Gloire à Molière, le plus grand des poètes comiques ! […] Telle est la première règle, et Molière est le poète comique qui a porté le regard le plus pénétrant et le plus ferme dans les ténèbres intimes du cœur humain247. […] Le poète comique, au contraire, est le miroir du monde, et son moi ne doit jamais paraître. […] Aristophane est un grand poète. […] Tirant le comique du fond des caractères, et mettant sur la scène la morale en action, un poète français est devenu le plus aimable précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate274.

288. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Châtillon, Auguste de (1808-1881) »

Auguste de Châtillon n’est pas un régulier dans l’armée des poètes. […] M. de Châtillon aura mérité d’être et de rester un vrai poète populaire. [Les Poètes français, recueil publié par Eug.  […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1862).] […] On ne le connaît plus guère, aujourd’hui, le poète qui chantait ainsi, voilà quarante ans, la chanson de la neige.

289. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fuster, Charles (1866-1929) »

— Les Poètes du clocher, études (1889). — Louise, poème (1893). — Un poète de chevet, Hipp.  […] — Les Pensées d’une mondaine (1897). — L’Année des poètes, 8 volumes (1890-1897). — Des yeux au cœur (1890) […] Charles Fuster, qui est poète, a cherché et trouvé prétexte à des élans poétiques, conduisant son roman un peu à la façon des livrets d’opéras où l’auteur a pour principal souci de créer ce qu’on appelle des situations musicales à son collaborateur. […] Les hors-d’œuvre, les explications sont donc simplifiés à l’extrême, réduits à exposer très brièvement la fable et à ne laisser que les points où le musicien ou le poète peuvent exercer leur virtuosité. […] Émile Trolliet Dans Charles Fuster, il y a un poète spiritualiste persistant sous le poète passionnel.

290. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Quel poète, d’ailleurs, n’est pas alexandrin par quelque côté ? […] Couat ne le dit pas, et l’immense supériorité du poète français sur le poète latin n’est pas affirmée avec assez de netteté et de force. […] Gustave Vinot lui avaient fait, disait-il, une impression profonde… « Nous avons affaire à un vrai poète… je le dis franchement, il est né poète… il peut devenir un de nos plus grands poètes, etc.. » L’article de M.  […] Ronsard est le plus généreux des poètes. […] Voici par quel subterfuge le poète s’est tiré de peine.

291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fabié, François (1846-1928) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] François Fabié est le poète du Rouergue. […] À propos d’un chat qui poursuit une souris, le poète se croit obligé de se rappeler Achille poursuivant Hector autour des murs de Troie. […] [Nos poètes (1888).] […] Fabié fût venu au monde cent ans plus tôt : il eût été bûcheron comme ses aïeux, ou laboureur, ou berger, et son âme de poète fût demeurée ensevelie sous son rude sayon de villageois.

292. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

. — Les Poètes (1862). — Le Secret de Polichinelle, roman (1862). […] Il aime l’art et la liberté ; les causes désespérées l’attirent… Le livre est le reflet de l’homme ; on trouve dans ses vers les mêmes qualités d’élévation et de générosité ; la pensée n’y est jamais étroite ou banale ; les strophes s’élancent fièrement vers l’idéal et peignent bien cette vaillante nature de poète polémiste et de penseur. [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Poète de combat, il l’est dans la poésie mâle et sobre, élégante et lamartinienne des Libres Paroles, des Chroniques rimées, d’Avant le jour. Poète de combat, il l’est dans ses romans et ses nouvelles de haut goût et de psychologie supérieure, où il traduit sans phrases ni sermon, par la simple analyse des âmes et des choses, l’incessante préoccupation de son esprit généreux.

293. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

On voit que ce poète, comme tous les vrais poètes, adorait la campagne et la peignait comme il l’aimait. […] L’Arioste se montre dans cet épisode aussi tendre amant que grand poète. […] Un grand poète cependant est-il fait pour badiner toujours ? […] — Précisément, reprit-il : ce n’est pas le poète de l’adolescence ni de la jeunesse, c’est le poète du soir de la vie. […] alors l’Arioste est le véritable poète de la vieillesse !

294. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Béranger : le « poète national ». […] Pourtant c’est un grand poète, le plus naturel des poètes, le plus poète, si la poésie est essentiellement le sentiment. […] Par quel lien tenait-il l’âme du poète ? […] La Curée avait fait un bruit immense ; mais le poète populaire, le poète national, c’était le chansonnier. […] Était-il poète ?

295. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Comme poète, il est moins étrange peut-être, mais non moins puissant. […] Rollinat est un poète. […] Ce poète simple a voulu s’y compliquer et, comme son essence était d’être simple, compliqué il a cessé d’être ; d’où Les Névroses. […] Il est musicien comme il est poète, et ce n’est pas tout : il est acteur comme il est musicien. […] Comme on le voit, c’est le côté noir de la vie, réfléchi dans l’âme d’un poète qui l’assombrit encore.

296. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Or il est presqu’impossible que le genie du poëte soit assez fertile en beautez, et que le poëte puisse les diversifier encore avec assez de varieté pour nous tenir attentifs, pour ainsi dire, à force d’esprit, durant la lecture d’un poëme épique. […] Il est bon que le poëte se prévaille de toutes les inclinations et de toutes les passions qui sont déja en nous, principalement de celles qui nous sont propres comme citoïens d’un certain païs, ou par quelqu’autre endroit. […] Mais l’éneïde, l’ouvrage du poëte le plus accompli qui jamais ait écrit, a, pour ainsi dire, des moïens de reste de faire fortune. […] Si le parti que le poëte choisit est celui d’embellir son action par des épisodes, l’interêt qu’on prend à ces épisodes ne sert qu’à faire mieux sentir la froideur de l’action principale, et on lui reproche d’avoir mal rempli son titre. Si le poëte change les principales circonstances de l’action que nous devons supposer être un évenement generalement connu, son poëme cesse d’être vraisemblable.

297. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le mot même, si illimité, d’épopée humanitaire, a été prononcé dans sa préface récente par le poëte. […] Il faut l’entendre, poëte, triompher dans sa solitude, et en des chants inextinguibles bénir la nature et Dieu. […] Avec ces nombreuses familles, ou même sans cela, la réalité était parfois pour eux moins fleurie que le rêve du poëte. […] Le poëte, dans un célèbre épisode (la Chute d’un Ange) publié depuis, semble avoir pris soin de justifier quelques-unes de leurs craintes. […] Avec le poëte, pourtant, cela tire moins à conséquence : l’imagination aisément répare, surtout quand elle est plus riche que jamais.

298. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Quelques paroles sévères de Louis XIV vengèrent le poète de la brutalité du grand seigneur. […] Il est à la fois le poète des années brillantes et le poète des années de retour. […] Mais ce n’était pas assez de discréditer les méchants poètes. […] C’est cette communauté de sujet dont on n’a pas manqué de faire une critique au poète français, accusé d’avoir par dénûment d’invention imité le poète latin. […] J’estime toutefois, en comparant les services échangés, que le roi fit plus pour le poète que le poète pour le roi.

299. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Dès lors le poète n’a plus le droit de dire : Je chante. […] Le poète s’en va, l’homme de lettres commence. […] pas plus qu’un faiseur de rébus n’est un poète. […] L’imagination du poète suppose une forte intuition de l’absolu. […] Cependant Lycurgue et Solon furent encore poètes comme Pythagore.

300. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Ainsi, c’est un poëte, en définitive, que Pascal. […] dans une doctrine qui touche par un seul point à celle de Calvin, mais qui y touche, Pascal a su être un grand poëte. […] Mais il y en a un autre qui ne mourra pas, c’est le poëte des Pensées ! […] Du reste, on l’a traité en poëte, allez ! […] Voltaire, Voltaire, qui se croyait avec raison plus philosophe que poëte, eut les pitiés les plus impertinentes pour Pascal.

301. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

C’est, quand elle est poète, la poésie du Cri que Mme Desbordes-Valmore ! […] L’Ému ou le Rêveur, car la rêverie, c’est de l’émotion encore au temps passé ou au temps futur, l’Ému ou le Rêveur, voilà le vrai poète ! […] Quel que soit son genre de poésie, Mme Desbordes-Valmore est-elle poète, dans toute la force de ce robuste mot ? […] C’est une âme et c’est un talent, mais une âme et un talent ne sont pas la monnaie du génie qui fait qu’on est poète….. […] Il est vrai que cela encore est quelque chose, que n’est pas qui veut la sœur des poètes.

302. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Les poètes de l’heure sont enclins à la prudence et à n’aimer qu’en imagination et en décor. […] Ses poètes rêvent de vivre intensément. […] Et encore le poète s’y refuse-t-il parfois. […] Le poète souffre. […] Les poètes marchent à l’unité spirituelle.

303. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

C’est la différence entre le poète purement ingénieux et le poète créateur ; l’un fait admirer son esprit, l’autre communique son âme. […] Honneur et profit au mécanicien, mais culte au poète ! […] Aucun poète dramatique n’a mieux gravé, mieux varié et mieux conservé tous les caractères. […] Le poète transporte soudain le drame dans la tente d’Achille. […] l’encyclopédie chantée par un poète universel aux hommes de son temps ?

304. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

Théodore de Banville Votre volume, Premières poésies, a été pour moi un ravissement et aussi une très heureuse surprise, car c’est la première fois depuis très longtemps que se révèle un poète véritablement artiste et sachant son métier. […] Vous pouvez et vous devez prendre place, dès à présent, parmi les poètes qu’on écoute ; car vous avez un talent achevé et maître de lui. […] Robert de La Villehervé est un poète vrai. […] Je ne dis pas cela pour amoindrir le talent du poète nouveau, mais au contraire pour le bien caractériser. […] Aussi n’est-il point classé dans l’Anthologie des poètes du xixe  siècle (Alphonse Lemerre, éditeur), ayant cela de commun avec Catulle Mendès, Louis Ménard, Raoul Ponchon et plusieurs autres… Dans son si remarquable volume : Nos poètes, le regretté Jules Tellier, récemment, rendait un enthousiaste hommage au maître écrivain de la Nuit, lui assignait une place au premier rang parmi ceux qui auront eu la gloire de jeter un suprême et éblouissant éclat sur la fin de ce siècle grandiose.

305. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Mais, au reste, l’auteur demeure un poète de très grand talent. […] C’est l’Évangile mis en vers par un poète de cours d’amour, par un troubadour du temps de la reine Jeanne. […] Rostand, poète et dramaturge, écrit ses vers pour le théâtre. […] On m’a affirmé qu’en les signalant au public, un critique de la Revue bleue, dont on ne m’a pas dit le nom, avait écrit : « Je salue un vrai poète, peut-être un futur grand poète !  […] Le jeune poète, seul, eût pu douter de lui-même.

306. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Le poète, en vieillissant, prenait plus de hardiesse, et, plus sûr de sa science, élargissait sa facture. […] Mais, si l’on refuse à Boileau le nom de poète, c’est la poésie réaliste elle-même qu’il faut nier. […] Du moins il aurait pu le représenter : et ce qui lui manque pour être un grand poète, c’est d’avoir été purement et simplement le poète qu’il était né pour être. […] Mais quand Boileau touche à la satire littéraire, là certainement il est poète. […] Le feu du poète s’éteint et se rallume.

307. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Si vous renoncez aux poètes, renoncez à la civilisation. […] les poètes sont morts, leur pensée règne. […] Voltaire n’est ni un poëte lyrique, ni un poëte comique, ni un poëte tragique ; il est le critique indigné et attendri du vieux monde ; il est le réformateur clément des mœurs ; il est l’homme qui adoucit les hommes. Voltaire, diminué comme poëte, a monté comme apôtre. […] Il n’est pas né un grand poëte à Sparte, il n’est pas né un grand poëte à Carthage.

308. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Lui-même fut un poète excellent non moins qu’un parfait prosateur. […] Fut nuisible à des poètes, pour qui ? […] De ce dernier site, il sait prendre les aspects vrais pour l’artiste et le poète. […] Il tourna poète. […] Quels poètes, l’un et l’autre, et quels pénétrants génies !

309. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il faut quelquefois que les poètes meurent pour qu’on parle d’eux. […] Denne-Baron, qui est mort le 5 juin dernier, a réveillé, en disparaissant, chez les hommes de lettres ou poètes ses confrères, des souvenirs qu’il serait injuste de ne point recueillir et fixer. […] Denne-Baron était alors, parmi les jeunes poètes, un élève des peintres en vogue, tels que Guérin, Girodet ; il l’était surtout de Prud’hon. […] On aimait cette lutte courageuse et prolongée avec les maîtres sans se demander si, lorsqu’on est réellement poète, il ne vaut pas mieux peut-être s’inspirer des anciens que les traduire. […] Denne-Baron a payé son tribut à la prose par des traductions estimées, et dont l’élégance annonce encore le poète.

310. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Et dans la Vie d’abord : il établit très bien qu’André Chénier n’a pas été un inconnu, un jeune poëte ignoré dont il était réservé à notre siècle de découvrir le génie. […] Il s’était, en quelque sorte, intercalé chez lui, entre le poëte aimable et jeune qu’on se figure et le poëte iambique et vengeur de la fin, un citoyen énergique, armé sur ses droits, gardant de la candeur, mais y joignant fierté, âpreté, de l’indignation, un Vauvenargues en colère. […] Le grand poëte s’y montre et s’y manifeste dans toute sa grâce ou sa puissance, armé et formé tout entier. […] André Chénier est un poëte vivant. […] Il a créé la satire du poëte honnête homme dans les temps de révolution.

311. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

La première, le vers « bien frappé », le vers proverbe, le vers qu’on répète, le vers que les critiques enchâssent dans la monture en chrysocale de leurs articles et qui suffirait volontiers, selon eux, à jauger un poète. […] Et tel est le besoin d’aller en troupe, de s’enquérir des Systèmes et des Procédés que l’Éducation développa chez les poètes, qu’ils perdent ou dilapident le plus pur de leur être, qu’ils étouffent la voix innée en eux pour psalmodier à l’imitation d’un Maître. […] « Cependant les autres, les Repus dans leurs palais qui craignent et qui haïssent les poètes autant qu’ils craignent et qu’ils haïssent leurs ensevelis, se réjouissent de ces dissensions. Ils rient aux coups et aux blessures et au fiel répandu ; ils se disent : “Les poètes se chamaillent entre eux, ils nous laisseront tranquilles.” […] — Tes frères les poètes te honniront.

312. (1940) Quatre études pp. -154

Un poète maudit : il était un poète maudit, rien d’autre. […] Y a-t-il eu, cependant, une intimité aussi parfaite entre la nature et nos poètes français, qu’entre la nature et un poète anglais tel que Keats ? […] Le poète mourant ! le poète mourant ! […] « Bien des gens lisent les poètes, sans savoir ce que c’est qu’un poète, ou du moins, sans pouvoir exprimer ce qu’ils en savent.

313. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Je ne dirai pas avec un poète de nos jours et des plus originaux : « Qu’est-ce qu’un grand poète ? […] C’est assez et trop parler de lui pour le moment, mais Milton est mon excuse ; Milton fut son poète. […] En même temps que les poètes, il lisait les meilleurs d’entre les critiques et se préparait à dire son mot après eux. […] Sa précocité comme auteur le mit en rapport dès l’adolescence avec des poètes et des personnages en renom. […] S’il haïssait trop les sots auteurs et les méchants poètes, il n’en admirait que mieux les bons et les grands.

314. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Parmi les successeurs de Jodelle, deux vrais, deux remarquables poètes se rencontrent, Robert Garnier et Antoine de Montchrétien. […] Mais la nature de ces sujets, par malheur, n’a inspiré aux poètes que de l’éloquence ou du lyrisme : elle n’a pas pu leur faire créer un drame. […] Mais Ronsard eût renié ce grossier versificateur, si peu poète, si peu artiste. […] Son succès engagea les poètes de la société polie à porter aux comédiens des poèmes délicatement écrits. […] Elles étaient connues depuis longtemps des critiques et des poètes érudits.

315. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Eux seuls, poètes, comptent et restent. […] Il y a un poète, un seul formé de tous les poètes : il y a le poète ! […] Où est-il le poète plus exquis, plus poète, plus personnel ! […] Poète impassible ! […] Et, à part les chansonniers du Caveau et les poètes didactiques, tous les poètes sont symbolistes.

316. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

De ces deux spectateurs, l’un est Euripide lui-même, Euripide en tant que penseur et non pas en tant que poète. […] Délivré de son isolement en s’alliant à celui-ci, il put oser entreprendre une guerre monstrueuse contre les oeuvres d’art d’Eschyle, de Sophocle, et cela non par des ouvrages de polémique, mais par ses œuvres de poète dramatique opposant sa conception de la tragédie à celle de la tradition. » Voilà donc le poète conscient, le poète qui comprend, le poète qui analyse, le poète qui est mêlé d’un critique et qui fera exactement ce qu’il aura voulu faire. […] Le poète est donc quelquefois mêlé d’un critique dont l’office est d’abord de démêler ce que veut le poète et de l’avertir de ce qu’il veut — « ce que tu veux obscurément, le voici clairement ; tu veux ceci » — dont l’office est ensuite de surveiller le travail de l’artiste et de l’avertir qu’il ne fait pas ce qu’il veut et ce qu’il a voulu. Le poète est quelquefois mêlé de ce critique-là. […] Un poète est un poète uni à un critique d’art et travaillant avec lui.

317. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Mais l’esprit et la grâce du poète donnaient l’immortalité à ces aventures du jour. […] Avant ses empereurs Rome avait ses plus sublimes orateurs et pas un de ses vrais poètes. […] Relisez-la à un autre point de vue ; vous verrez la distance entre le poète des enfants et le poète des sages. […] Auguste insista vivement dans un billet direct au poète. […] » Ces plaisanteries entre le poète et l’empereur rappellent tout à fait celles des Médicis avec les grands poètes ou les grands artistes de leur temps.

318. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Dryden seul (et quel grand poëte pour l’invective et la satire !) […] Le poëte anglais, cependant, était musicien aussi. […] Rien ne ressemble moins à la mission publique du poëte thébain, dans les fêtes et les périls de la Grèce, que le chant solitaire et rare du studieux reclus de Cambridge. […] « Le vieux Spencer, dans l’harmonie de ses stances savantes, demeura poëte allégorique et poëte de cour. Shakespeare, avec son merveilleux génie pour tout peindre, ne fut pas le poëte courageux qui se charge de flétrir le vice et la mollesse.

319. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ce sont des poètes de salon. […] Le poète est symboliste, mais il ne se le dit pas. […] l’humble résignation du poète ! […] Ils veulent que je reste poète. […] Être poète, ça suffit bien, je pense.

320. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Ô poètes ! […] Chaque élément semble ainsi avoir son poète. Les Hébreux sont les poètes des rochers. […] Je voulais voir, j’ai vu, comme dit le poète. […] Voilà, pour en revenir à Job, voilà pourquoi le poète du désert est le plus vaste des poètes !

321. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Samain, Albert (1858-1900) »

Albert Samain est un poète d’automne et de crépuscule, un poète de douce et morbide langueur, de noble tristesse. […] Un fort, parce que, pouvant acquérir de bonne heure, en publiant plusieurs milliers de très beaux vers qu’il cache, la réputation d’un bon poète, il a eu le courage de les rejeter de son œuvre et d’attendre qu’il se fût dégagé des influences directes… Âme extraordinairement vibrante, exquise voyageuse qui s’envole, frêle et rapide, vers les solitudes de l’éther, et, parvenue aux confins dont elle a l’éternelle nostalgie, défaillante à mourir devant l’atmosphère si rare, se grise et se pâme à ouïr des chants et des musiques que nul n’entendit. […] Mme Tola Dorian Le grand poète de demain ? […] Avec tout ce qu’il doit à l’auteur des Fêtes galantes (il lui doit moins qu’on ne pourrait croire), Albert Samain est l’un des poètes les plus originaux, et le plus charmant, et le plus délicat, et le plus suave des poètes. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

322. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Essayons une fois, et par un exemple, de revenir à la vraie critique des poètes, à la critique qui tient compte de l’ensemble, mais qui ne craint pas d’entrer dans le détail. […] Il a fait précéder son recueil d’une préface altière, militante, pleine de prédictions et de promesses, comme le sont les préfaces de poètes. […] Il ne voit pas que si les poètes qui entrent à l’Académie font un pas vers elle, elle en fait un aussi vers eux en les accueillant, et que, s’il y a une demi-conversion, elle a lieu également des deux côtés. […] , de rééditer nos grands poètes et nos grands prosateurs (à la bonne heure ! […] Dans les autres chants le poète a fait comme nous tous en notre saison, il a exhalé ses sentiments, ses regrets d’enfance, ses blessures secrètes, ses tourments de jeunesse.

323. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il y a de tout dans cette âme de poète : esprit d’abord, malice, ironie ; sensibilité ensuite, et sympathie universelle, large amour de la nature et de l’humanité. […] Tantôt elle est en tête, ou en queue, selon le caprice du poète, tantôt elle est double, tantôt elle est absente : deux récits se juxtaposent pour une seule morale. […] C’est du conte et de tous ses compléments lyriques, que se dégage la morale de notre poète, sa conception de la vie, du bonheur et du bien. […] Poètes légers Par ses œuvres secondaires, ainsi que je l’ai dit, La Fontaine se relie à la foule des petits poètes du xviie  siècle. […] Nombre de ces petits poètes, et les meilleurs, vivent dans les plus libres sociétés du siècle.

324. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les Grecs ont été d’abord, dans les temps reculés de leur histoire connue, illustrés par leurs poètes. […] Ce qu’ils sont, c’est poètes ; et tout les favorisait à cet égard. […] Le poète a vu, il vous fait voir ; il a été frappé, il vous transmet son impression, et tous ses auditeurs, à quelques égards, sont poètes aussi comme lui ; ils croient, ils admirent, ils ignorent, ils s’étonnent, et la curiosité de l’enfance s’unit en eux aux passions des hommes. […] On eût dit que les peintres et les poètes avaient disposé de la croyance populaire pour placer dans les cieux les ressorts et les secrets de leur art. […] Il fallait que les poètes secondassent ce mouvement.

325. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

La polémique des « Satires » Quel que soit le talent poétique de Despréaux, il n’y a pas de doute que le critique n’efface en lui le poète. Et la marque infaillible de sa vocation, la voici : tandis que les poètes, qui sont essentiellement et éminemment poètes, ne font guère que la théorie de leur talent, érigeant en bornes de l’art leurs impuissances et leurs procédés en lois, celui-ci échappe à la tyrannie du tempérament : il explique ce qu’il ne sait faire ; il conçoit un art supérieur au sien ; sa théorie est infiniment plus vaste et plus haute que sa pratique. […] Tel Gilles Boileau, le frère aîné de notre poète, le malicieux dénonciateur des plagiats de Ménage : que prétendait-il par là ? […] La IIe amène Quinault entre Pelletier et l’abbé de Pure, et un certain Scutari, qui déguise mal le capitan poète Georges de Scudéry. […] Faire profession de littérateur, c’était pour lui faire profession d’honnêteté, de vie sérieuse et digne : et autant que la poésie de ruelle et de taverne, il détestait les poètes parasites et débraillés, les mendiants et les ivrognes.

326. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Le poëte moral du siècle d’Auguste, le lyrique élégant et moqueur, n’est-il pas en effet devancé par ces vers du législateur d’Athènes dénombrant les occupations diverses des hommes ? […] Solon, poëte si élevé et si pur, dans le petit nombre de vers conservés comme des dates principales de sa vie, était contemporain de Thespis et n’assista qu’au premier réveil poétique d’Athènes. […] On croirait qu’il s’agit de l’Ionie, quand on voit les reproches amers mêlés par le poëte à son appel aux armes ; on incline pour Athènes, devant cette apothéose de la gloire que chante le poëte, et dont son cœur est plein. […] C’est cependant le grand poëte, le puissant lyrique, dont, un siècle après Horace, Quintilien disait encore : « La force de son génie se montre dans le choix même de ses sujets. […] La mort du poëte Lutorius, du poëte Lucain, de Sénèque, de l’historien Crémutius Cordus, et, les nombreux exils de ces philosophes dont une femme romaine, Sulpicia, décrit la persécution, avertissaient Rome qu’il n’y a rien de plus antipathique au despotisme militaire que la liberté de penser.

327. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Il y eut des poètes qui, des conventions traditionnelles du genre, repassèrent aux réalités correspondantes et prochaines. […] Je veux parler de Rutebeuf, le poète parisien84. […] Au gré de notre poète, tout n’est pas au mieux sous le plus saint des rois : il paraît que le monde est déjà corrompu. […] Ce qui fâche le plus notre poète, c’est la pensée de tout l’argent qui s’en va là alimenter la paresse et la gourmandise ! […] Au service de ces idées et de ces sentiments, le poète met un talent original.

328. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Chaque jour, avec cette passion que comprendront les archéologues et les poètes, il explorait quelque ancien édifice démoli. […] que par les songeurs et les poètes ; donner une figure à cette leçon des sages ; faire de cette abstraction philosophique une réalité dramatique, palpable, saisissante, utile. […] De nos jours, le peuple est grand ; pour être compris de lui, le poëte doit être sincère Rien n’est plus voisin du grand que l’honnête. […] Le groupe entier de la civilisation, quel qu’il fût et quel qu’il soit, a toujours été la grande patrie du poëte. […] En attendant, il le dit et il est heureux de le redire, oui, la civilisation tout entière est la patrie du poète.

329. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Bien entendu, je parle dans l’hypothèse où nos critiques ne seraient pas poètes, c’est-à-dire créateurs. […] On n’est poète et poète comique, que lorsque la Muse se fait psychologue, et porte son flambeau jusqu’au fond du cœur humain289. […] Mais, par quel excès de petitesse veulent-ils exclure Molière du chœur des poètes, parce qu’il a été poète à sa manière et sans remplir les conditions de leur programme ? […] Il lui est absolument impossible de prouver que Molière soit un poète comique. […] Lysidas, que la France entière s’abuse et que l’Europe s’abuse avec elle, en appelant Molière un poète comique et un grand poète comique ?

330. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

L’oreille du monde n’est pleine que de l’âme du poète de Salzbourg. […] Son poète lui propose le drame de Don Juan, Mozart accepte : le poète écrit, le musicien compose. […] Le Don Juan du poète anglais n’est que la bouffonnerie du génie. […] Le poète seul comprend le poète ; les âmes qui ont reçu la consécration dans le temple devinent seules ce qui reste ignoré des profanes. […] Mais cette musique, c’était lui ; le drame, c’était le poète.

331. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

C’est, à vrai dire, le seul poëte que nous ait donné la révolution de Juillet. […] Un autre poëte, trop rare au gré de ceux qui apprécient le talent sévère, M. […] Barbier plusieurs personnes, qui pourtant les admirent, n’y cherchent guère qu’un plaisir étrange, un tour de force inouï jusqu’à présent, des exploits pour les yeux, l’intrépidité extraordinaire dans les plus périlleuses images que jamais poëte ait tentées. […] Cette impiété, outrée à dessein, est, on le conçoit, un rappel violent, et provoque au retour ; elle gît tout entière dans la logique du poëte, nullement dans son cœur. […] En donnant depuis une seconde édition de Marie qu’il a enrichie de pièces nouvelles et dont il a perfectionné plusieurs détails, le poëte a légèrement atteint la physionomie première et en a surchargé peut-être sur quelques points la simplicité.

332. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Quel autre qu’un poète en effet aurait pu, dans un mot échappé à l’histoire, retrouver le chant de Néron à la vue de Rome en flammes ? […] Lorsque l’image du parricide et de l’incendiaire apparut pour la première fois au poète, elle était, à coup sûr, bien autrement grande et terrible. […] Il se décrit lui-même fort complaisamment, comme a fait autrefois le sylphe, et comme font assez volontiers tous les personnages du poète. […] Quel poète, vraiment poète, a jamais pu réaliser ce qu’il avait dans l’âme, et comparant son œuvre à sa pensée, s’est osé rendre ce témoignage proféré par Dieu seul, lorsqu’au milieu des splendeurs naissantes de l’univers, il vit que ce qu’il avait fait était bon  ? Quel poète, au fond du cœur, n’a senti murmurer cette plainte, qu’une muse brillante n’a point rougi de confier à M. 

333. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

C’est un poète vrai. […] La gloire du poète est ailleurs. […] Coppée ne fût pas apprécié à sa valeur comme poète dramatique. […] Le conteur, sans égaler le poète, a donné des pages exquises. […] À cette heure, il est seul, avec deux ou trois poètes, à maintenir une haute forme d’art.

334. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Le point de vue réel est du Poëte : de l’esthète, non pas ! […] Le Poëte, du moins, y échappe, sinon l’homme. […] Cette frénésie, celle même du Poëte ! […] Triste et superbe visage que celui de ce Poëte ! […] Rollinat est un poëte.

335. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

C’est elle qui guidera le Poète dans le choix de ses éléments, en vue de telle émotion à produire. Par ainsi, le Poète, en même temps qu’il n’est plus sans point de repère, n’accole plus des vocables au hasard. […] Eh bien, cet Art qui serait le suprême, un poète l’a institué : Stéphane Mallarmé. […] Et où pourrait mieux se manifester ce retour au vrai ou au simple du poète que dans cette passion qui tout à coup le prend pour Desbordes-Valmore ? […] Il n’en est pas moins vrai qu’il eût fallu un autre nom, celui de Heredia, par exemple, mais c’eût été sortir du cadre des Poètes maudits.

336. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Dans ce livre, le poète nous confesse, avec une intensité douloureuse, les troubles d’un cœur désemparé, au lendemain de la grande déception d’amour à demi racontée dans Édel. [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] d’autres rapports avec son poète que ceux qui viennent de l’analogie des natures et des manières de sentir. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1889).] […] — jusqu’à la plainte d’une âme où l’intelligence étouffe le cœur, et trouvait le secret d’être poète avec une psychologie un peu neutre, plus craintive qu’angoissée.

337. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines. […] C’est l’amoureux splendide des sincères éternités, c’est le chantre des gueux, des vierges, des amantes, des poètes et des martyrs. […] Ce livre est beau, c’est un cri d’amour, c’est un cœur qui vibre d’immensité, c’est une âme éprise de la musique des êtres et des choses, c’est l’œuvre véritable, l’œuvre d’un poète, l’œuvre d’un Homme, et nous remercions M.  […] Pioch n’est pas un banal poète ; bientôt, sans doute, il sera quelqu’un. […] Une grande et fraternelle pitié l’émeut pour les hommes et pour les choses, dont l’inconscience est presque égale et qui périraient sans jamais dévoiler leurs mystérieuses splendeurs, si les poètes ne savaient pas les paroles révélatrices.

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