C’est là que s’élaborent les calomnies élégantes et les opinions comme il faut. […] Il se présente l’air confit, les cheveux plats, la bouche en ogive, avec des opinions de hobereau et un jargon de congréganiste. […] C’est toujours le bohème sceptique et cynique vendant sa conscience en gros et ses opinions en détail. […] Certes, l’opinion que raille M. […] Son grand tort est de représenter une opinion comme un vice, et de tartufier en masse un parti.
On n’avait pas encore le régime de la liberté, on eut le règne de l’opinion, et l’on y crut. Que si l’on analyse ce qu’était l’opinion au xviiie siècle, on verra pourtant qu’elle se composait du jugement de plusieurs cercles réguliers, établis, donnant le ton et faisant la loi. […] Une des grandes erreurs du dernier régime a été de croire qu’on ne dirige pas l’opinion, l’esprit littéraire, et de laisser tout courir au hasard de ce côté. Il en est résulté que les grands talents, ne sentant plus nulle part des juges d’élite, n’étant plus retenus par le cercle de l’opinion, n’ont consulté que le souffle vague d’une popularité trompeuse. […] On chercherait vainement quelque chose qui ressemble à une opinion régnante en matière littéraire.
J’ai au contraire sur ces deux points des opinions très peu d’accord avec le rôle que vous me destinez. […] » C’était pourtant autrefois une opinion assez accréditée qu’il faut du bon sens dans la critique, et Boileau, l’homme candide, en voulait même dans les chansons. […] Il serait temps enfin de relever les lettres au-dessus de cette mêlée où s’agitent les opinions des hommes. […] Le moindre auteur qui s’y aventure est saisi, attaqué, défendu avec la plus plaisante variété d’opinions. […] Et quand, à force d’impartialité, de science et de goût, elle a exprimé son opinion dans un bon langage, elle n’a encore fait qu’une œuvre secondaire, inférieure à la moindre des œuvres originales.
Le livre que voici donne une opinion de plus sur Byron, mais ne change pas, par un fait nouveau, mais ne modifie pas d’un iota, d’un atome, d’un atome d’atome, l’opinion faite de longue main sur Byron, Historiquement, biographiquement, littérairement, tout ce qui est dit ici a été dit ailleurs sur le grand poëte anglais, dont la vie ressemble à ces fragments sublimes interrompus du Giaour, plaques de lumière et d’ombre ; et sa destinée est peut-être de rester mystérieuse, comme celle de ces Sphinx de l’Action, — Lara et le Corsaire, — ces Mystères vivants qu’il a chantés ! […] Il a eu sa statue taillée par l’Opinion dans un à peu près sublime ; mais la médaille qu’on regarde de près, la médaille précise, nette et profondément fouillée, qui donne profondément le génie d’un homme, je ne la vois dans aucune main. […] Elle a cru qu’elle allait changer le Byron de l’opinion faite et en nous l’affirmant sans preuves et sans notions nouvelles à l’appui de son affirmation, nous faire son Byron, — à elle, — son Byron purifié et rectifié ; car le sens du livre qu’elle publie, c’est, ne vous y trompez pas, je vous prie, une délicate purification de Byron…… J’ai parlé plus haut de petites chapelles, élevées discrètement et chastement, tout le long du livre, à la mémoire de Byron ; j’ai dit même que je comprenais très bien qu’elles y fussent élevées… Mais je les crois trop en albâtre… Il y en a à la religion, à l’humanité, à la bienveillance, à la modestie, à toutes les vertus de l’âme de Byron (textuellement), à son amour de la vérité, mais c’est aussi par trop de chapelles… Les vertus de Byron font un drôle d’effet… Sont-ce les cardinales ? […] Pour le dire, il aurait fallu une âme passionnée, vaillante et fière qui eût regardé l’opinion de ses contemporains bien en face et qui eût dit : « Va te coucher ! » à cette opinion qui, dans quelques jours, ira se coucher dans la tombe.
Mystérieuse et impénétrable puissance, protégée par son climat et aussi par deux Génies au doigt sur la bouche, comme le Silence antique, — le Génie de la police et celui de la diplomatie, — la mystique et schismatique Russie, que Ballanche appellerait l’Isis des peuples, et dont le glaive va lever le voile, est plus grande encore par l’opinion qu’on a d’elle que par tout ce qui fait en réalité les forces vives et cohérentes d’un pays. […] Il est des esprits dont on pourrait dire qu’ils n’existeraient pas s’ils n’appartenaient à un cadre tout fait d’opinion, — comme il est des hommes qui n’auraient sur le champ de bataille aucune valeur personnelle s’ils ne faisaient pas partie d’une force organisée, par exemple d’un régiment. […] Otez l’opinion politique qu’on pourrait nommer, et dont il n’est pas nécessaire de démontrer ici le plus ou moins de justesse, ôtez cette opinion politique sous la tyrannie de laquelle il écrit, et vous n’avez plus rien dans ce livre sur l’empire russe. […] Assurément, c’est là une opinion qu’on peut appuyer et défendre, mais un homme d’une certaine vigueur de jugement nous aurait donné la raison de la préférence de son esprit dans une question qui contient, en ce moment, l’avenir du monde. […] Il est vrai que les uns reprochèrent à l’auteur du Voyage en Russie un peu d’humeur dans les opinions, et les autres beaucoup d’ingratitude vis-à-vis d’un pays qui l’avait reçu avec une si coquette hospitalité.
Pas le moindre tintement d’opinions philosophiques, religieuses, politiques… On a étoupé, ouaté, capitonné, feutré l’intérieur de toutes les clochettes. […] Enfin, s’il n’y affirme aucun de ses symboles, le tempérament de son esprit, ce tempérament vainqueur de tout et qui donne la clef de ce qu’on tient le plus enfermé au fond de sa pensée, ferait croire qu’il est bien au-dessus des préjugés, des éducations et des opinions collectives de son métier. […] Or, comme l’homme est un, à moins d’inconséquence formelle et résolue, et qu’en lui un ordre de pensées bien déterminé implique assez généralement tous les autres, on est légitimement tenté de juger les opinions qu’on tait par celles qu’on avoue, et c’est ainsi que l’on refait tout le visage intellectuel de cet homme (faut-il dire habile ou contenu ?) […] Là est sa force, parce que là est son tempérament, qui ne le trahit pas quand ses opinions le trahissent, qui ne bouge point quand elles oscillent… Suivez-le ! […] Demogeot a mis… ou n’a pas mis de lui-même et de ses propres opinions dans le fragment d’histoire qu’il vient de publier, l’agrément d’un pareil morceau de littérature historique est surtout dans les citations, et ces citations y sont faites avec beaucoup de discernement et de choix.
Or, de telles opinions étant données, n’est-il pas étonnant que, voulant traiter un sujet d’histoire, Prescott ait, précisément, choisi celui-là ? […] Supposez un Français quelconque ayant les opinions de Prescott ; appelez-le, si vous voulez, Henri Martin ou Michelet, et donnez-lui à écrire la même histoire, quelles déclamations de toute espèce n’aurez-vous pas sur l’horrible règne de Philippe II, sur son bourreau le duc d’Albe, et sur l’Inquisition, leur souveraine ou leur servante ! […] Il a sur les Croisades, par exemple, les opinions raccourcies qu’on avait au xviiie siècle, et qu’il est honteux pour un homme instruit d’avoir à présent. […] lui, Prescott, le protestant de vue et le nihiliste religieux d’opinion, convient, avec une bonne foi impartiale des plus élevées, que le Concile de Trente a beaucoup influé sur la moralité du clergé catholique, et que ce fut la vraie, la seule nécessaire Réformation… Ici, je défie de dire mieux. […] » (sous le grand Charles-Quint, qui paraît bien moins cruel que Philippe II, ce lieu commun de cruauté, parce que l’opinion est femme, et, dans cette question, était une femme flamande, et que le Flamand couvrait Charles-Quint, comme l’Espagnol perdait Philippe II), — cette main sans passion n’a pas une seule fois dans cette histoire, si tentante pour les plumes ardentes, tracé un de ces portraits terribles qui flambent éternellement sur une mémoire et empêchent éternellement de voir clair à travers ce feu.
Le snobisme est une opinion toute faite, adoptée comme une mode, et qui convient à toutes les paresses d’esprit. […] Cela suffit pour infirmer leur opinion. […] Ils dévorent les gazettes sportives (voir l’opinion de M. […] Ces opinions, M. […] Les opinions de MM.
Il fut élevé parmi tous ces réformateurs qui attaquaient les opinions politiques, après avoir ébranlé les opinions religieuses. […] Les opinions, sujettes aux caprices des peuples et des temps ; les opinions, partie faible et changeante de notre nature, disparaissent avec nous dans le tombeau : mais la gloire et la vertu restent éternellement. […] « L’opinion, dit-elle, semble dégager les hommes de tous les devoirs envers une femme à laquelle un esprit supérieur serait reconnu : on peut être ingrat, perfide, méchant envers elle, sans que l’opinion se charge de la venger. […] Je crois qu’à beaucoup d’égards son opinion est fondée. […] Les opinions courageusement professées par l’auteur lui obtiendront encore plus d’estime que son rare talent.
En vain le parti du Church and State (l’Église et l’État) voulut-il imputer un mouvement d’opinion si rapide et si étendu à la puissance de quelques individualités. […] L’anglo-catholicisme n’est pas une opinion nouvelle, une forme religieuse vivant de son énergie propre : c’est une opinion ancienne infectée d’erreur, mais qui tend à se purifier et à se compléter chaque jour. […] Seulement, si la condamnation d’Oakeley et Ward fut méritée, elle n’eut pas moins les conséquences d’opinion qu’elle devait avoir. […] Son livre, qui tomberait des mains sans qu’on prît la peine de le ramasser, s’il ne s’agissait que de la personnalité de l’auteur, a cependant une certaine importance : — l’importance de l’opinion collective qu’il exprime. […] Cet ouvrage, qui ne mène le mouvement d’opinion dont nous parlons qu’en 1846, aurait besoin d’être continué.
Thème à Variations (Notes sur un art futur) C’est une opinion surannée, où vivent divers stylistes, que tout est dit, qu’il s’agit de prendre garde à la décoration de nos émotions, de peur que nos émotions n’expirent de l’indifférence universelle. […] Ce motif dirige la grande foule des écrivains, — qui ne s’avisent de littérature que pour l’écriture : babillage excessif, où la niaiserie fuse avec élégance ; opinions pitoyables qui crèvent comme des bulles ; combinaisons de mots harmonieux ; sont babioles dont ils jouent — ces virtuoses ! — La plastique les extasie ; ils se trouvent habiles à farder d’emphase de fragiles opinions, d’enfantins refrains très anciens.
Deux moyens de preuve, les miracles et l’accomplissement des prophéties, pouvaient seuls, d’après l’opinion des contemporains de Jésus, établir une mission surnaturelle. […] Bien plus, une de ses opinions le plus profondément enracinées était qu’avec la foi et la prière l’homme a tout pouvoir sur la nature 738. […] Il est impossible, parmi les récits miraculeux dont les évangiles renferment la fatigante énumération, de distinguer les miracles qui ont été prêtés à Jésus par l’opinion de ceux où il a consenti à jouer un rôle actif. […] C’était une opinion universelle, non-seulement en Judée, mais dans le monde entier, que les démons s’emparent du corps de certaines personnes et les font agir contrairement à leur volonté. […] Il est donc permis de croire qu’on lui imposa sa réputation de thaumaturge, qu’il n’y résista pas beaucoup, mais qu’il ne fît rien non plus pour y aider, et qu’en tout cas, il sentait la vanité de l’opinion à cet égard.
Nous avons dit pourquoi et, textes en mains, nous gardons cette opinion. […] On condamne d’un mot et en bloc l’opinion de tous les maîtres de notre langue, de tous les juges de notre littérature, de tous les grands poètes et grands écrivains, depuis Ronsard jusqu’à Chénier, Chateaubriand, Sainte-Beuve et Flaubert, sans oublier Boileau, Racine et Gœthe, qui tous ont admis et conseillé hautement l’imitation d’Homère. L’indépendance des idées ne nous déplaît pas ; mais, à la place de notre contradicteur, nous n’aimerions pas sentir peser sur nous le démenti de tous ces grands hommes. « Mais, dira-t-il, la critique littéraire n’est pas affaire d’autorité, et que prouve l’opinion de tous ces gens réunis ? » Je veux bien qu’elle ne prouve rien ; mais que prouve l’opinion de M. de Gourmont tout seul ? […] Admirer éperdument la Chanson de Roland, l’estimer égale, sinon supérieure, à l’Iliade, c’est une opinion très patriotique, mais qui, littérairement, n’a pas beaucoup d’avenir.
Félix Rocquain, qu’il n’a pas une opinion à lui franchement exprimée, pour son compte, à ses risques et périls, pendant toute la durée de son histoire, et que tout, même les moindres paroles qui ont un relief quelconque, il les restitue, entre guillemets, à qui les a dites, de peur d’en être soupçonné. […] Est-ce modestie ou défiance de soi qui le fait se couvrir de l’opinion et des mots des autres sur les choses qu’il raconte ? […] Seulement, si on y regarde avec attention, ces sources donnent peut-être des opinions inexprimées de M. […] Il n’est pas douteux pour qui que ce soit que si cet historien avait vécu dans la mêlée du temps qu’il raconte, il n’eût parlé, écrit, agi, dans la mesure de sa force, qui n’est pas grande, il est vrai, mais dans le sens de tous ceux-là dont il nous répète les observations, les opinions et les maximes. […] Les opinions des hommes ne transforment pas leur nature.
À cette époque de rénovation littéraire, l’Histoire si longtemps hostile à l’Église, et devenue presque innocente à force d’imbécilité sous les dernières plumes qui l’avaient écrite, l’Histoire remonta dans l’opinion des hommes parle talent et parle sérieux des recherches, mais elle remonta aussi dans le danger dont l’abjection de beaucoup d’écrivains semblait avoir délivré l’Église. […] Il est trop primitif, en vérité, de mettre en capitales au haut ou au bas d’une page, pour la réfuter, Opinion de M. Guizot, opinion de M. Thierry, opinion de M. Fauriel, et quand on l’a discutée, cette opinion, de recommencer avec une autre, présentée identiquement de la même manière.
Mallet du Pan était l’ami le plus rapproché d’opinion des Malouet, des Mounier, des Montlosier, plus tard des Portalis. […] Écrivain, ne lui demandez ni les grâces, ni le brillant, ni le coulant : mais dans sa rudesse de plume et à travers le heurté de sa diction, quand la vérité le saisit, il rencontre des traits énergiques, pittoresques même, et qui, pour flétrir des misères sociales et des opinions vicieuses, ont ce genre d’exactitude qu’aurait un physicien passionné. […] Il en garda avec Voltaire mort, qu’il avait connu durant huit années consécutives et dans son intérieur ; il marquait ses erreurs, mais ne confondait pas toutes les opinions et les œuvres de ce brillant génie dans un même anathème. […] Aujourd’hui il n’y a plus d’inconvénient à le dire, ces séances si orageuses ont été moins des combats d’opinions que des combats de passions ; on y entendait des cris beaucoup plus que des discours ; elles paraissaient devoir se terminer par des combats plutôt que par des décrets. […] Cependant, il entre dans les annales du temps de conserver avec les résolutions les motifs qui les ont déterminées, et le combat d’opinions au milieu duquel elles ont flotté… Les faits seuls racontés exactement, placés avec ordre, dégagés des longueurs inséparables de l’éloquence parlée, voilà ce que l’histoire consultera un jour, ce qu’attend le public et ce que nous lui devons.
Les opinions de M. Michaud, c’étaient des opinions de proscrit et d’honnête homme, des opinions humaines et non de système. […] Michaud, aussi dégagé de fanatisme pour les choses et de prévention contre les personnes, était extrêmement piquante dans un camp violent et enflammé tel qu’était alors l’opinion royaliste extrême. […] L’Académie française, cédant à l’entraînement universel de l’opinion, avait fait, par l’organe généreux de M. […] [NdA] On a l’opinion un peu brusque de Napoléon sur M.
Il dira encore : Je souhaiterais que les hommes d’un esprit étendu, et qui découvrent mieux que personne comment tout se tient dans l’ordre moral, n’attaquassent jamais qu’avec prudence, et dans un temps opportun, tout ce qui communique de quelque manière avec les opinions les plus essentielles au bonheur. […] Il ne parla point vaguement d’opinions religieuses, il montra la croix. […] Necker n’est pas revenu de son opinion sur le peuple et sur le gros de la nation : il transporte de ce côté son illusion et sa confiance ; il se fait l’idée d’une nation tout aimable, sensible, aisée à conduire et à ramener, sans corruption et sans vices, et il ne perd cette idée qu’à la dernière extrémité. […] tandis qu’avec un peu de retenue dans ses systèmes, avec un peu d’égards envers les opprimés, avec un peu de ménagement pour les antiques opinions, surtout avec un peu d’amour et de bonté, c’est par des liens de soie qu’on eût conduit au bonheur toute la France. […] [NdA] Avant ses dernières luttes, et dans son livre sur les Opinions religieuses, M.
Mais Cantu, dans son histoire, n’a pas même d’esprit de parti : il n’est d’aucune opinion, pas même de la sienne ; il va d’une idée à une autre, avec le mouvement animal d’une intelligence qui se prend à tout comme celle d’un enfant. Nous défions qu’on dise, du moins d’après son histoire, à quelle opinion politique il appartient dans son pays. […] Malgré la faiblesse de sa pensée, il aurait pu pourtant, en sa qualité d’étranger, répandre en France, sur l’Empereur, des opinions hasardées ou fausses, si sa bonne étoile ne lui avait envoyé, sur sa renommée, un traducteur doué de toutes les qualités qu’il n’a pas.
Mais, que Sainte-Beuve se réveille et les juge, ne changeront-ils pas d’opinion ? […] Il n’a point d’amis, point d’ennemis, point d’opinions politiques ou autres, et, s’il en a, il les oublie. […] Mais contrairement aux opinions établies, un bon critique n’est pas nécessairement celui qui nous encense ou, tout au moins, parle de nous. […] Une enquête étendue aurait fait connaître, sans doute, quelques opinions intéressantes, mais un bien plus grand nombre de banales ou de cocasses. […] Opinion qui, apparemment, rallie tous les suffrages.
L’importance de l’objet auquel on aspire ne donne point la mesure de la douleur que fait éprouver la privation, c’est à la violence du désir qu’il inspirait, c’est surtout à l’opinion que les autres se sont formés de l’activité de nos souhaits, que cette douleur se proportionne. […] En effet, quand l’amour-propre est arrivé à un certain excès, il se suffit assez à lui-même pour ne pas s’inquiéter, pour ne pas douter de l’opinion des autres ; c’est presque une ressource qu’on trouve en soi, et cette crédulité dans son propre mérite a bien quelques-uns des avantages de tous les cultes, fondés sur une ferme croyance. Mais puisque la vanité est une passion, celui qui l’éprouve ne peut être tranquille ; séparé de toutes les jouissances impersonnelles, de toutes les affections sensibles, cet égoïsme détruit la possibilité d’aimer, il n’y a point de but plus stérile que soi-même ; l’homme n’accroît ses facultés qu’en les dévouant au dehors de lui, à une opinion, à un attachement, à une vertu quelconque. […] Elle observe les regards, les plus légers signes de l’opinion des autres, avec l’attention d’un moraliste, et l’inquiétude d’un ambitieux, et voulant dérober à tous les yeux le tourment de son esprit, c’est à l’affectation de sa gaîté pendant le triomphe de sa rivale, à la turbulence de la conversation qu’elle veut entretenir pendant que cette rivale est applaudie, à l’empressement trop vif qu’elle lui témoigne, c’est au superflu de ses efforts enfin qu’on aperçoit son travail. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.
D’autres fois on aborde l’examen des faits avec des idées préconçues, et l’on contraint la réalité à s’y conformer, au lieu de conformer son opinion à la réalité. […] Dans tout ce travail, il faudra se détacher de toute passion, de tout amour-propre, se désintéresser en quelque sorte du résultat, et dans quelque opinion qu’on ait commencé sa recherche, quelque preuve qu’on ait poursuivie, il faudra renoncer à tout ce que n’imposeront rigoureusement et exclusivement les faits. […] Et il arrive que d’autres non seulement n’aperçoivent pas cette évidence qui nous frappe, mais aperçoivent la même évidence dans des opinions contradictoires aux nôtres. […] Il faut faire pour les opinions ce que Kant recommandait de pratiquer pour les actes de moralité : il faut ériger sa façon de penser en maxime universelle ; et il est rare alors que ce qui n’est point évidemment vrai continue de le paraître. […] J’avoue que la distinction de ces vérités et des opinions incertaines est souvent difficile à faire dans les matières de littérature ou de morale, dans les choses de la pratique et du sens commun ; et souvent l’invention, l’originalité consistent à remettre en question ce que l’opinion vulgaire croyait décidé, pour en apporter une solution nouvelle.
Et ne sait-on pas par l’expérience que la religion naturelle n’a jamais pu s’établir parmi les hommes, que le déisme est une opinion de cabinet, une doctrine d’école et non pas une religion ? […] Voilà ce qu’il y a de vrai dans l’opinion généralement reçue, que la philosophie ne peut pas fonder une religion. […] De même que Luther et Calvin se sont aujourd’hui réconciliés, au point qu’on voit journellement les pasteurs d’une Église passer dans l’autre et y exercer leur ministère, pourquoi, sans aucun sacrifice d’opinion propre, ne verrait-on pas une réconciliation s’opérer entre des opinions qui la plupart du temps ne se combattent que dans leurs excès ? Si le spiritualisme, par exemple, consentait à sacrifier quelque chose de ses tendances anthropomorphiques, si le panthéisme consentait à introduire l’élément moral et spirituel dans le principe absolu de l’univers, peut-être y aurait-il lieu à un rapprochement entre des opinions qui se discréditent réciproquement par leurs polémiques perpétuelles ?
Il garda sa place dans l’opinion. […] Issu de famille aristocratique, mais n’allant pas assez loin dans ses opinions pour rompre avec les hommes de sa classe, et y allant cependant assez pour que les démocrates fussent reconnaissants, il avait tout le monde pour lui. […] Très conséquent, du reste, à sa nature inconséquente, la Correspondance nous le montre s’abusant le plus possible sur lui-même, voulant à toute force être passionné, et puis finissant par nous dire « qu’il n’a jamais eu que des opinions », ce qui, pour le coup, est la vérité ! […] Toute sa vie, cet homme, qui n’avait que des opinions et qui eut très peu de métaphores pour les exprimer (dans cette correspondance de deux volumes je n’en ai compté qu’une seule, c’est quand, après l’insurrection Indienne, il compare l’Angleterre à un gros homard qui a perdu son écaille), toute sa vie, cet écrivain, qui trouva hardie l’expression, pour dire la république, « d’une servitude agitée », eut la prétention d’être la passion en personne, — un dévorant, un dévoré par elle, et peut-être crut-il en être un. […] Mais ce diable au corps, je ne l’ai pas vu dans sa vie, je ne le vois point dans ses écrits, — les écrits où le style est l’homme, a dit Buffon, — et je ne le vois pas davantage dans ses opinions, qui furent tout ce qu’il fut jamais !
. — Opinion de Joseph de Maistre. — L'abbé de Cazalès. — M. […] — Vie de l’abbé de Rancé. — Inauguration de la statue de Molière. — Discours d’Arago. — Enterrement de Charles Nodier. — Odes et Poëmes, par Victor de Laprade. — Les Jésuites, d’après une brochure du Père Ravignan. — Procès de Janin contre Pyat 176 XLVI. — Projet de loi sur l’instruction secondaire. — Concession aux petits séminaires. — Retour de la critique aux chefs-d’œuvre du XVIIe siècle 183 XLVII. — Opinion d’un gallican sur la brochure du Père Ravignan en faveur des jésuites. — Condamnation de Félix Pyat pour diffamation envers Jules Janin. — Élections de MM. […] Émile Saisset sur l’éclectisme 209 LV. — Opinion du National et d’Armand Marrast dans la question de l’enseignement universitaire. — Discours de l’archevêque de Paris. — Le roi en conçoit de l’humeur. — Discours de M. de Montalivet, le fidus Achates du roi. — Cousin condamné à boire la ciguë 213 LVI. — Anxiété des protestants. — Attitude de MM. […] — Lettres de Louis XVIII. — Portrait de Louis XVI et de Louis XVIII par M. de Barante. — Opinion de Royer-Collard sur Louis XVIII. — Lord Brougham et Guillaume Schlegel écrivant en français.
Le roi, de son côté, devant se considérer, à quelques égards, comme le dispensateur de la gloire, comme le représentant de l’opinion, ne pouvait récompenser qu’en flattant, punir qu’en dégradant. […] Quelques-uns de ses droits devaient être exercés sans être reconnus, d’autres reconnus sans être exercés ; et les considérations morales étaient saisies par l’opinion avec une telle finesse, qu’une faute de tact était généralement sentie, et pouvait perdre un ministre, quelque appui que le gouvernement essayât de lui prêter. […] L’arbitraire dans le pouvoir n’excluant point alors la liberté dans les opinions, l’on sentait le besoin de se plaire les uns aux autres, et l’on multipliait les moyens d’y réussir. […] Les Français n’approfondissent pas, comme les Anglais et les Allemands, les sentiments que le malheur fait éprouver ; ils ont trop l’habitude de s’en éloigner pour le bien connaître : mais les caractères dont on peut faire sortir des effets comiques, les hommes séduits par la vanité, trompés par amour-propre, ou trompeurs par orgueil, cette foule d’êtres asservis à l’opinion des autres, et ne respirant que par elle, aucun peuple de la terre n’a jamais su les peindre comme les Français.
« Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] Sa maxime était que cette application nous désaccoutume insensiblement de l’usage de notre raison, et nous expose à perdre la route que la lumière nous trace155. » Cette opinion de l’auteur de l’application de l’algèbre à la géométrie est une chose digne d’attention. […] Elle a des paradoxes, des apparences de contradiction, des conclusions de système et de concession, des opinions de sectes, des conjectures même, et même des paralogismes156. » Si nous en croyons Buffon, « ce qu’on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d’idées, et n’a aucune réalité 157. » Enfin l’abbé de Condillac, affectant pour les géomètres le même mépris qu’Hobbes, dit, en parlant d’eux : « Quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d’une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision ni la même étendue d’esprit. […] Cette différence d’opinions vient de l’erreur commune, qui confond un grand avec un habile mathématicien. […] On sait qu’il y a erreur dans le texte de Plutarque, et que c’était, au contraire, Aristarque de Samos que Cléanthe voulait faire persécuter pour son opinion sur le mouvement de la terre ; cela ne change rien à ce que nous voulons prouver.
raison, s’ils sont sans foi et s’ils la travestissent ; mais, s’ils sont catholiques comme le prêtre, des laïques, à cette heure du monde, auront, à coup sûr, plus d’autorité en racontant la merveilleuse histoire de l’Église que le prêtre, à qui l’opinion, malheureusement hostile aux prêtres, criera de toutes ses gorges : « Vous parlez pour vos Saints et pour vos chapelles ! […] Ce fut Eugène IV qui, par la date et la durée de son pontificat, fut le plus spécialement chargé de cette besogne ; mais, comme tous les restaurateurs, qui ne restaurent guères en définitive, comme tous les réparateurs des maux commis, qui sont presque toujours irréparables, il se crut obligé à des habiletés et à des concessions qui restent sur sa mémoire, malgré les efforts de l’abbé Christophe pour les en ôter… C’est du concile de Bâle, en effet, que date l’établissement dans l’opinion ecclésiastique de ces prétentions démocratiques, si contraires, quoi qu’on en ait dit, au gouvernement de l’Église, laquelle est une monarchie mixte, d’un ordre spécial, comme l’a très bien prouvé l’abbé Christophe. Plus d’une fois déjà, et particulièrement à Constance, ces prétentions s’étaient produites avec effraction ; mais à Bâle, ce fut avec une telle opiniâtreté de résistance, un parti pris si obstiné, qu’on peut dire qu’elles s’établirent dans l’opinion ecclésiastique où, malgré les décrets du concile du Vatican, elles pourraient bien, en se dissimulant, être encore. […] à ce parlementarisme politique dont les nations sont actuellement excédées, ne fait pas illusion à son bon sens éclairé par la foi ; mais, au moment où il écrit, j’aurais voulu qu’il en eût marqué davantage la radicale erreur, tombée de si haut dans le monde, ne fût-ce que pour ajouter à la force d’opinion qui doit un jour l’emporter ! […] C’est un livre substantiel, ayant les mérites sur lesquels j’ai insisté, mais qui ne fera pas sur l’opinion, indifférente aux choses religieuses qu’elle ignore, l’effet sympathique qui entraîne à les étudier.
il sera fait… La Critique sait trop bien la force des choses acquises et acceptées par l’opinion pour croire les arracher, en deux temps, à l’opinion, et les reprendre. […] Même les opinions de cette époque, sans monter plus haut, les partageait-il ? […] Et Anatole France s’est rangé (discrètement, j’en conviens,) à l’opinion du plus grand nombre, qui n’est jamais les hommes d’esprit, sur les mérites de Le Sage, lesquels n’ont — que je sache — jamais été l’objet de la moindre contestation… Alors même que la Littérature, jalouse de la Politique, a voulu, Mort-Dieu ! […] Pour Le Sage, trop compté, par l’opinion badaude, parmi les grands romanciers, il ne s’agit, dans le roman, ni du développement dramatique des passions, ni de l’originalité des caractères, ni, à force d’observation, de l’invention dans la réalité humaine, ni de l’expression idéale des sentiments, ni de la beauté littéraire du langage.
Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction. […] L’amour est l’histoire de la vie des femmes, c’est une épisode dans celle des hommes ; réputation, honneur, estime, tout dépend de la conduite qu’à cet égard les femmes ont tenue, tandis que les lois de la moralité même, selon l’opinion d’un monde injuste, semblent suspendues dans les rapports des hommes avec les femmes ; ils peuvent passer pour bons, et leur avoir causé la plus affreuse douleur, que la puissance humaine puisse produire dans une autre âme ; ils peuvent passer pour vrais, et les avoir trompées : enfin, ils peuvent avoir reçu d’une femme les services, les marques de dévouement qui lieraient ensemble deux amis, deux compagnons d’armes, qui déshonoreraient l’un des deux s’il se montrait capable de les oublier ; ils peuvent les avoir reçus d’une femme, et se dégager de tout, en attribuant tout à l’amour, comme si un sentiment, un don de plus, diminuait le prix des autres. Sans doute, il est des hommes dont le caractère est une honorable exception ; mais telle est l’opinion générale sous ce rapport qu’il en est bien peu qui osassent, sans craindre le ridicule, annoncer dans les liaisons du cœur la délicatesse de principes, qu’une femme se croirait obligée d’affecter si elle ne l’éprouvait pas. […] Enfin, les femmes sont liées par les relations du cœur, et les hommes ne le sont pas : cette idée même est encore un obstacle à la durée de l’attachement des hommes ; car là où le cœur ne s’est point fait de devoir, il faut que l’imagination soit excitée par l’inquiétude, et les hommes sont sûrs des femmes, par des raisons même étrangères, à l’opinion qu’ils ont de leur plus grande sensibilité ; ils en sont sûrs, parce qu’ils les estiment ; ils en sont sûrs, parce que le besoin qu’elles ont de l’appui de l’homme qu’elles aiment, se compose de motifs indépendants de l’attrait même. […] vous vous exposez, avec des cœurs sans défense, à ces combats où les hommes se présentent entourés d’un triple airain ; restez dans la carrière de la vertu, restez sous sa noble garde ; là il est des lois pour vous, là votre destinée a des appuis indestructibles ; mais si vous vous abandonnez au besoin d’être aimée, les hommes sont maîtres de l’opinion ; les hommes ont de l’empire sur eux-mêmes ; les hommes renverseront votre existence pour quelques instants de la leur.
. — opinion de royer-collard sur louis xviii. — lord brougham et guillaume schlegel écrivant en français. — le pitt de m. de viel-castel. — un morceau de m. de saint-priest sur l’inde. […] On peut croire d’ailleurs que dans les jugements qu’il exprime sur les choses et sur les hommes, M. de Barante ne fait que se régler sur les opinions qu’il a trouvées exprimées dans les papiers et les notes de M. de Saint-Priest. Ces opinions sévères étaient au fond celles des quelques hommes sensés et modérés de ce parti ; mais ils se contentaient de les dire à l’oreille ; c’est pour la première fois qu’elles se produisent aussi nettement.
Son appréciation du livre de Furetière nous semble devoir fixer en beaucoup de points l’opinion sur cet homme de science et d’activité littéraire, et qui fut (heureusement pour lui, car la Postérité ne lit jamais de nous plus d’une page… quand elle la lit toutefois !) […] Asselineau a dépensé beaucoup d’esprit et de nuances pour justifier l’opinion qu’il exprime, mais il ne nous a point convaincu, et la meilleure réponse contre cette opinion qu’on s’étonne de trouver à côté d’une admiration si intelligente, c’est, pour les hommes doués d’un peu d’intuition littéraire, le livre même que le spirituel biographe a ressuscité.
Ils adoptèrent presque tous l’opinion d’une terre mobile. […] Le prétexte de la dispute fut l’opinion qu’on voit tout en dieu ; opinion exposée dans le livre de la Recherche de la vérité. […] Cette opinion n’a rien d’absurde. […] Elle se confirma dans l’opinion de ne les pas aggréger à son corps. […] Leurs opinions ne furent pas plus favorables au systême de Molina.
— Ses origines. — Elle éclate sous la Régence. — Irritation croissante contre le clergé. — Le matérialisme dans les salons. — Vogue des sciences. — Opinion finale sur la religion. — Scepticisme du haut clergé. […] Walpole, bon observateur, ne s’y est pas trompé. « D’après ce que je vous ai dit de leurs opinions religieuses ou plutôt irréligieuses, ne concluez pas, écrit-il, que les personnes de qualité, les hommes du moins, soient athées. […] Dernier signe et le plus grave de tous Si les curés qui travaillent et sont du peuple ont la foi du peuple, les prélats qui causent et sont du monde ont les opinions du monde. […] De l’autel au trône la distance est courte, et pourtant l’opinion met trente ans à la franchir. […] Dans l’esprit public et par leurs études, s’établit l’opinion que la nation est au-dessus du roi, comme l’Église universelle est au-dessus du pape. » — Le changement est frappant, presque subit.
Mais le peuple la reconnut, et cette chanson, devenue proverbe populaire, fut une des premières flèches de l’opinion contre le dominateur du monde. […] Aussi l’opinion personnifiée et incriminée dans Béranger, son organe et son provocateur, commençait-elle à être poursuivie dans les tribunaux. […] Rien sur nos antécédents opposés, rien sur nos opinions, rien sur nos ouvrages : tout le passé resta sous-entendu entre nous. […] car le cri de la conscience est au-dessus même des opinions ! […] Dans cette Babel d’opinions qui se fusillaient dans les rues de Paris, nul n’entendait l’autre.
En pratique, les opinions qu’on me reproche ne sont pas si extrêmes, et je crois, au contraire, avoir fait des concessions et montré de la mesure. […] Ce n’est pas tout à fait l’opinion qu’on me prête. […] » Or, non seulement je ne le proscris pas, ce genre de phrases, mais j’ai déclaré formellement ceci, de peur qu’on ne se méprenne : « Cela ne veut pas dire qu’on doive proscrire ces expressions, Il y a des cas où il les faut, où elles sont très belles et où rien ne peut les remplacer… On peut se permettre ces locations et on les trouve chez les meilleurs écrivains ; mais c’est la continuité qui crée la banalité et le caractère incolore du style. » Pourquoi nos adversaires tronquent-ils toujours notre pensée et ne rapportent-ils que la moitié de nos opinions ?
Voilà nos opinions d’alors ; nous n’en rougissons pas même aujourd’hui. […] Mais, 1814 et 1815 passés, et passés dans des flots de sang dont les soldats ne voulaient pas voir la source, tout changea dans les opinions populaires. […] Quinze ans d’entretien à cœur ouvert avec lui, et son applaudissement sans réserve à des doctrines tout opposées, dont je fus l’organe en 1848, ne me laissent pas le moindre doute sur ses vraies opinions à cet égard. […] Et même, parmi ces Français de son opinion ou de sa faction, Béranger, à cette époque, rétrécit encore son auditoire. […] On entend malgré soi la mélodie banale, semblable à la voix du crieur public ; souvent même on répète soi-même, en dépit de soi, l’air dont on est obsédé et les paroles qui répugnent à vos opinions.
« Ce n’est rien aujourd’hui, sous le rapport de l’opinion, que d’encourir la disgrâce de Bonaparte : il peut vous faire périr, mais il ne saurait entamer votre considération. […] ne sait pas même les respecter ; il n’y a ni passé ni avenir pour lui ; son âme impérieuse et méprisante ne veut rien reconnaître de sacré pour l’opinion ; il n’admet le respect que pour la force existante. […] L’empereur Alexandre la reçut à Pétersbourg comme il aurait reçu une alliée qui lui apportait pour concours l’opinion du monde libre, cette puissance qui équivaut aux armées et qui leur survit. […] Necker dont jeune il avait partagé les opinions libérales, l’ennemie de Napoléon, la femme éloquente, la femme poëte, la femme politique qui, par son exemple et par son influence, ramenait aux Bourbons les républicains convertis à la monarchie tempérée. Elle ne fut pas un débris à cette époque, elle fut une puissance ; son salon, où se groupaient pour l’entendre tous les hommes éminents de toutes les opinions et de toutes les nations réunies par la coalition de Paris, devint la tribune du monde.
C’est d’avoir embrassé ce qu’ils désiraient, c’est d’être arrivés aux opinions irréligieuses parce qu’ils avaient envie qu’elles fussent vraies. […] Ces dogmes, se passant dans l’éther métaphysique, ne choquaient en moi aucune opinion contraire. […] Dans une telle question, il n’y a pas de ces arrière-plans qui rendent si douteuses toutes les opinions morales et politiques. […] Du reste, que m’importe l’opinion ? […] encore s’il n’y avait que l’opinion !
Ce désir, qui lui était commun avec tous ses camarades, se montrait en lui d’une manière plus ridicule et plus grossière, parce qu’à la bassesse plate et vile qui, comme je le dis, était la base de son caractère, il joint une bêtise et une bonne opinion de lui qui en fait l’ornement. […] Le roi avait été changé de son grand lit dans un petit, pour la commodité de son service ; son affaissement, ses douleurs, sa pesanteur augmentaient, et, malgré l’opinion qu’on avait de sa faiblesse et de sa peur, il paraissait bien évidemment qu’il commençait une grande maladie. […] Je parlai de sa peur, de sa faiblesse, que je donnai pour motif de mon opinion, et je conclus avec fermeté à ce qu’on ne lui dit pas. […] Quelque ferme que l’on soit dans son opinion, quand on y attache un grand prix, et quelque raison que l’on croie avoir de l’être, on la voit encore avec plaisir être celle des autres, et cette idée y confirme davantage. […] Celui-ci était instruit de son côté par Lorry, et plus encore par M. d’Aumont, de l’état du roi, des inquiétudes de la nuit et de l’opinion générale.
Il y a un courant d’immoralité et d’obscénité que personne ne défend et qu’on réprouve avec mépris ; mais il y a aussi des opinions philosophiques honorables et respectables que je défends au nom de la liberté de penser et que je ne laisserai jamais attaquer et calomnier sans protestation. […] Nous ne demandons pas qu’on attaque ces opinions, mais pour les respecter, jamais ! […] On fera un jour l’histoire de nos opinions, messieurs, et de tout ceci. […] Cette affaire, d’ailleurs, est claire comme le jour, et tous en possèdent les éléments ; elle est de celles qui me paraissent devoir se traiter uniquement par voie de discussion, d’opinion librement contradictoire et de publicité. […] Nul plus que moi ne respecte cette nuance d’opinion, dont j’ai connu autrefois, et dont même j’ai eu pour amis de jeunes et bien distingués représentants, alors dans toute la fleur du talent et de l’éloquence52.
Le style des ouvrages est comme le caractère d’un homme ; ce caractère ne peut être étranger ni à ses opinions, ni à ses sentiments ; il modifie tout son être. […] Il faut connaître leurs défauts, tantôt les ménager, tantôt les dominer ; mais se bien garder de cet amour-propre qui, accusant une nation plutôt que soi-même, ne veut pas prendre l’opinion générale pour juge suprême du talent. Les idées en elles-mêmes sont indépendantes de l’effet qu’elles produisent ; mais le style ayant précisément pour but de faire adopter aux hommes les idées qu’il exprime, si l’auteur n’y réussit pas, c’est que sa pénétration n’a pas encore su découvrir la route qui conduit à ces secrets de l’âme, à ces principes du jugement dont il faut se rendre maître pour ramener à son opinion celle des autres. […] J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices. […] Lorsque, dans les moments de péril, les magistrats n’adressaient aux François que les phrases banales, l’éloquence usitée par les partis entre eux, ils n’agissaient en rien sur l’opinion.
Dans une lettre de février 1815, adressée à M. de La Fayette, on voit en abrégé toute l’opinion de Jefferson sur les événements de notre Révolution, avec les changements qu’y avait apportés l’expérience ; il y rétracte son ancienne idée d’un accommodement possible en 89 ; il croit reconnaître, avec M. de La Fayette, que la France de 91 était mûre pour la constitution qu’on lui avait faite, si on n’avait voulu la pousser encore plus avant, au-delà de la monarchie. […] En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore. […] La morale et la religion de Jefferson offrent un ensemble simple, harmonieux et paisible qui contraste assez visiblement avec les opinions plus acerbes et plus hostiles des philosophes français du même temps sur ce sujet. […] Condorcet, dans son bel éloge de Franklin, où perce toutefois une velléité de réticence, n’a pu s’empêcher de dire de ce dernier : « Il croyait à une morale fondée sur la nature de l’homme, indépendante de toutes les opinions spéculatives, antérieure à toutes les conventions ; il pensait que nos âmes reçoivent dans une autre vie la récompense de leurs vertus et de leurs fautes ; il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait dans le secret de sa conscience un hommage libre et pur. » Tel fut aussi Jefferson, tel Washington ; tels ont dû être, en effet, sur cette terre d’Amérique, en présence de cette vaste nature à demi défrichée, au sein d’une société récente, probe, industrieuse, où les sectes contraires se neutralisaient, tels ont dû être ces grands et stables personnages, nourris à l’aise, au large, sous un ciel aéré, loin du bagage des traditions, hors des encombrements de l’histoire, et dont pour quelques-uns, comme pour Washington, par exemple, l’éducation première s’était bornée à la lecture, l’écriture et l’arithmétique élémentaire, à laquelle plus tard il avait ajouté l’arpentage.
Je parle surtout du théâtre, plus asservi que tous les genres proprement littéraires à toutes les modes, à tous les états passagers de l’opinion. […] Il se peut que dans les matières d’ordre politique ou social, le journal soit l’expression de l’opinion publique : en littérature, comme en art, comme en fait de finances et dans toute matière trop spéciale pour qu’une opinion générale se forme spontanément, les journaux sont les guides de l’opinion, les porte-parole des écoles, les agents de la réclame esthétique ou commerciale. […] Le Journal des Débats, créé en 1789, prit un grand développement à partir de 1799, où il passa aux mains des Bertin ; il fit une large place à la littérature, et là, comme en politique, il représenta surtout les opinions, le goût, les aspirations de la classe bourgeoise.
Tous les citoyens devant être appelés à coopérer aux jugements criminels, vous ne pouvez éviter que quelques-uns de ceux qui seront obligés de remplir ces redoutables fonctions n’aient, avec le développement des opinions actuelles, une répugnance invincible à prononcer le sinistre arrêt qui va priver de la vie un de leurs semblables, et le jeter ainsi tout à coup en la présence de Dieu ; vous ne pouvez éviter que quelques-uns de ces citoyens d’une haute conscience ou d’une conscience timorée, secouant, comme on est disposé à le faire, le joug de l’autorité, et se croyant ainsi le droit d’examiner les limites du pouvoir de la société, lui refusent ou lui contestent celui d’ôter irrévocablement le repentir au coupable, et peut-être, chose affreuse à penser ! […] Les peuples continueront de différer par les mœurs, mais ils tendront toujours à se rapprocher par les opinions. […] Les opinions ont toujours changé parmi les hommes, par des modifications lentes et successives. Désormais les opinions n’auront plus le temps de se consacrer : celles qui continueront d’exister n’existeront point par une puissance de perpétuité : mais elles seront adoptées de nouveau à chaque instant de la vie sociale.
Les opinions d’un homme ne sont-elles pas tout en cet homme ? […] L’opinion personnelle de M. Taillandier nous étant assez indifférente, à nous qui avons aussi notre opinion sur ces Messieurs, nous ne ferons pas aujourd’hui de la critique sur de la critique, et nous laisserons M. […] Le livre qu’aujourd’hui il publie n’ajoutera rien à l’opinion qu’on a, depuis qu’on la lit dans la Revue des Deux-Mondes, de cette plume de peine de M.
Tel est le La Fayette primitif, avant que les leçons si positives de la Révolution française et l’exemple des égarements de l’opinion soient venus le modérer à la surface bien plus que le modifier profondément. […] Au lieu de viser, comme les simples et fidèles gentilshommes, à la bonne opinion de ses pairs, il visa à la bonne opinion de tout le monde, de ce qu’on appelait le peuple, c’est-à-dire de ses pairs aussi ; il y avait, certes, de la nouveauté et de la grandeur d’âme dans cette ambition, dût-il y entrer quelque méprise. […] Le premier mobile de La Fayette est l’opinion dans le sens honorable, la gloire dans le sens antique, le los honnête. […] L’indulgence qu’on a en révolution pour les moyens est singulière, tant que vos opinions ne sont pas dépassées. […] Cet ensemble, soit dit entre nous, en vaut bien un autre ; tenons-nous-y, sans caresser l’opinion quelconque du moment.
OPINION. Charles Fuster Les opinions les plus diverses ont été exprimées au sujet de ce livre : c’est dire, en tout cas, que l’on en a parlé.
Le vice du sujet, et la manière dont Molière l’a traité, annoncent assez que l’opinion de la haute société pesait tout à la fois sur la cour et sur le poète, et n’embarrassait pas moins celui-ci qu’elle n’importunait l’autre. […] Mais, ajoute Voltaire, les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville, et un mot du roi lui donna ceux de la cour. » Le suffrage du roi, qui explique très bien celui de la cour, et celui des connaisseurs de la ville, s’explique très clairement lui-même par l’intérêt qu’avait le prince à diminuer la considération des sociétés graves, de mœurs honnêtes, d’occupations nobles, à rendre ridicules les censeurs de ses désordres ; et c’est ce que Molière entreprit dans sa comédie des Femmes savantes, où il représente tout savoir dans les femmes comme une méprisable pédanterie, et toute critique, ou toute censure exercée de fait sur les opinions et les mœurs de la cour, comme une insolence digne de châtiment. […] Si on l’avait exercée à découvrir pourquoi ce poète, si heureux pour l’ordinaire dans le choix de ses sujets, qui marque toujours si clairement son but, qui y marche si franchement, a manqué ici de ces mérites, on aurait reconnu ce qu’il y avait d’embarrassant dans sa position en face de la société qu’il voulait attaquer pour plaire au roi, et qui, puissante dans l’opinion, gagnait tous les jouis dans l’esprit du roi lui-même. […] Madame de Sévigné avait douze ans de plus que madame Deshoulières ; mais ce n’était pas cette différence d’âge qui les empêchait de se voir, c’était l’opposition de mœurs et d’opinions politiques qui séparait de tous les Mancini, hommes et femmes, et de leurs affidés, tels que madame Deshoulières, tout ce qui était en relation d’amitié avec le grand Condé, avec sa sœur la duchesse de Longueville, avec le cardinal de Retz, le duc de La Rochefoucauld, société habituelle de madame de Sévigné.
Vaublanc, sur lequel on s’est mépris parce qu’on a regardé son rang d’opinion et l’opinion de son rang plus que son opinion personnelle, ne fut point, comme on l’a dit, un royaliste quand même. […] Je ne connais guère, parmi les modernes ayant l’esprit moderne, que Stendhal10 qui aurait compris et adoré, malgré la différence d’opinions et de cocardes, la supériorité si nette de Vaublanc.
Haï des partis extrêmes, parce qu’il est lui-même un homme extrême, Crétineau-Joly n’a pas trouvé dans la presse les opinions ardentes qui auraient pu l’y discuter. […] Il n’a donc rencontré devant lui que des opinions qui se sont abdiquées, à force de s’entendre entre elles. […] c’est cette netteté d’opinion, c’est cette incompatibilité d’humeur, qui, au point de vue de la publicité, a fait tort, parmi les siens, à Crétineau-Joly. […] Ce livre n’est point, comme on pourrait le croire, d’après son titre, qui ne dit pas ce qu’il veut dire, une simple histoire du roi de Juillet et de cette opinion politique qui traîne vainement et qui voudrait s’agiter encore, parmi nous, en faveur de sa descendance.
Ces volumes, en effet, sont suffisants pour fixer sur Camille Desmoulins l’opinion, que les grandes histoires de la Révolution laissaient indécise quand elles le plaçaient dans un lointain qui lui donnait, comme aux bâtons flottants, de la grandeur. […] En revenant à Camille Desmoulins, l’Opinion ne l’avait pas oublié. […] Il sentait qu’il pourrait très bien dissoudre là-dedans ses opinions républicaines, comme des perles, si ces opinions en avaient été !
Son livre actuel, sous son titre imposant de l’Être social 46, n’était primitivement qu’une réponse à la question de savoir « quelles sont les raisons de la différence qui peut exister dans les opinions et les sentiments moraux des différentes parties de la société ». […] Mais l’anarchie des opinions qui se disjoignent, s’opposent entre elles et se pulvérisent, est-elle la vie ou la mort ? […] l’auteur de l’Être social n’est pas un rhéteur, une âme vide de rhéteur ; c’est, au contraire, une âme pleine d’illusions généreuses, quand il faudrait être, pour peu qu’on ait à juger l’anarchie des opinions et des sentiments moraux de cette babélique époque, un moraliste sans pitié. […] Armand Hayem inclinerait plutôt au Renan, dont les opinions sont flexibles et s’ajoutent aux siennes, comme le doute au doute… Il a la même notion fanatique de la science totale, qui est la lointaine destinée des nations et qui doit les faire immortelles.
Ses principes ne lui permettaient point de dépasser la ligne d’opinion des Girondins ; il marchait et il s’arrêta avec eux. […] Les événements dont il a été témoin et victime ont, en effet, modifié Volney ; ses opinions ne se sont point brisées, elles se sont émoussées cependant. […] Il a des paroles de tolérance et d’intelligence universelle qu’il n’a pas toujours pratiquées, et qu’il lui arrivera d’oublier encore : C’est pour ne connaître, dit-il, que soi et les siens qu’on est opiniâtre ; c’est pour n’avoir vu que son clocher qu’on est intolérant, parce que l’opiniâtreté et l’intolérance ne sont que les fruits d’un égoïsme ignorant, et que quand on a vu beaucoup d’hommes, quand on a comparé beaucoup d’opinions, on s’aperçoit que chaque homme a son prix, que chaque opinion a ses raisons, et l’on émousse les angles tranchants d’une vanité neuve pour rouler doucement dans le torrent de la société. […] Le côté faux de certaines de ses opinions choquait peu alors ; son mérite réel et positif était dans tout son jour. […] Les opinions religieuses furent le point d’achoppement.
S’il n’en était pas ainsi, comment expliquer que la crise sexuelle bouleverse à son passage la plus grande partie de nos croyances et de nos primitives opinions ? […] Panizza cite cette opinion de Paulsen qui écrivit dans son Ethique : « On a souvent remarqué que, parmi les grands philosophes qui ont ouvert de nouvelles voies à la pensée, la plupart étaient célibataires ; certainement cela n’est pas par hasard. […] Mais voici la racine même du débat qui apparaît dans cette opinion du docteur Norbert Grabowsky : « C’est l’intérêt bien compris de chacun, qui devrait pousser tout le monde à s’exercer dans l’abstinence. […] Panizza, après avoir rappelé la vieille opinion des Jésuites et des Théologiens « que le sperme viril non utilisé profite au cerveau », et après avoir reconnu que cette opinion était insoutenable de nos jours, ajoute : « Il ne s’agit pas d’une transmigration, mais d’une propagation nerveuse vers le cerveau, de l’excitation causée par l’inhibition sexuelle ». […] Il faudrait pour oser cette confusion, partager l’opinion puérile de Lombroso sur l’homme de génie.
C’était l’opinion de Gabriel Naudé. […] Il le dit quelque part très ingénieusement (j’y rajeunis à peine quelques mots) : Il semble que pour planter et installer le christianisme en un peuple mécréant et infidèle comme maintenant est la Chine, ce serait une très belle méthode de commencer par ces propositions et persuasions : Que tout le savoir du monde n’est que vanité et mensonge ; — Que le monde est tout confit, déchiré et vilainé d’opinions fantasques, forgées en son propre cerveau ; — Que Dieu a bien créé l’homme pour connaître la vérité, mais qu’il ne la peut connaître de soi, ni par aucun moyen humain, et qu’il faut que Dieu même, au sein duquel elle réside, et qui en a fait venir l’envie à l’homme, la révèle comme il a fait, etc., etc. […] Ainsi cette innocente et blanche surséance et libre ouverture à tout est un grand préparatoire à la vraie piété, et à la recevoir comme je viens de dire, et à la conserver : car avec elle il n’y aura jamais d’hérésies et d’opinions triées, particulières, extravagantes ; jamais pyrrhonien ni académicien ne sera hérétique ; ce sont choses opposites… On ne saurait voir plus à nu toute la méthode de Charron et de son école ; et quant à l’objection qui se présente et qu’il se faisait lui-inême, qu’il reste toujours à savoir si un tel homme ainsi façonné et rompu à l’habitude sceptique, et garanti, il est vrai, des hérésies et nouveautés, sera jamais chrétien au fond et orthodoxe. […] Cette opinion, ajoute-t-il cependant, me semble trop rude et éloignée de charité, et il y a comme en toute chose une médiocrité plus douce, qui est de ne forcer ni presser, mais tout simplement montrer et proposer le meilleur ; car il y a toujours en ce grand nombre quelques-uns capables et disposés à suivre en le leur montrant seulement au doigt. […] Les trois livres dont se compose l’ouvrage roulent : 1° sur l’homme, sa misère, ses faiblesses, ses passions ; sur la vie humaine, ses fluctuations et sa brièveté ; sur les différents états, conditions et genres de vie qui distinguent les hommes ; 2° sur la manière de s’affranchir des erreurs, de l’opinion ou des passions ; 3° enfin, sur les quatre vertus de prudence, justice, force et tempérance.
Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M. […] On l’a remarqué avec une grande justesse : on peut avoir plus d’une opinion, selon le point de vue où l’on se place, sur l’utilité, sur les effets plus ou moins fructueux et louables de l’entreprise saint-simonienne ; mais en la considérant dans sa visée et son acception la plus étendue, en la dégageant des singularités et des ridicules qui s’y sont finalement mêlés, on n’en saurait méconnaître la valeur et la portée. […] Littré dont les opinions philosophiques sont connues, et qui est un disciple de Condorcet autant que d’Auguste Comte, de rendre justice à son aise et en toute conscience, comme il le fait dans le Journal des Savants, aux travaux historiques de MM. de Montalembert et Albert de Broglie, traitant des vieux siècles religieux, si ce n’est en vertu de ce notable changement intellectuel qui vint affranchir l’ancien libéralisme de ses préjugés exclusifs, et qui éleva et étendit tous les points de vue ? […] Scherer, autrefois théologien lui-même, aujourd’hui le plus libre et le plus émancipé des esprits, en reconnaissant les qualités fermes et élevées du journaliste de l’Opinion, a tenu cependant à marquer profondément sa dissidence avec lui et lui a fait un reproche principal. […] On aura aisément, deviné, dans cette énumération que je viens de faire à l’occasion du rédacteur en chef de l’Opinion nationale, la couleur et la nuance distincte des principaux journaux politiques passés en revue : — la Gazette de France ; — le Progrès de Lyon, et le Courrier du Dimanche ; — le Journal des Débats ; — le Temps ; — le Siècle ; — la France ; — et enfin le Constitutionnel lui-même.
Néanmoins M. de Condorcet, dans son ouvrage sur les probabilités, a très bien fait sentir comment il serait possible de connaître à l’avance, avec une presque certitude, quelle serait l’opinion d’une assemblée sur un sujet quelconque. […] Une opinion abstraite qui devient l’objet d’un sentiment fanatique, produit dans l’homme les effets les plus remarquables. […] Lorsque, après une suite d’actions que votre opinion vous a d’abord inspirées, votre intérêt se trouve intimement uni avec le succès de cette opinion, et que cet intérêt vous engage toujours plus avant, il se passe dans les réflexions intérieures des combats que l’on se nie à soi-même, et que l’on parvient à étouffer. […] Les opinions les plus absurdes, les maximes les plus détestables entrent dans la tête des hommes, dès qu’on leur a donné la forme d’une idée générale. […] Toutes les idées qui embrassent le sort de plusieurs hommes à la fois, se fondent sur leur intérêt bien entendu ; mais lorsqu’on veut donner à chaque homme, pour guide de sa propre conduite, son intérêt personnel, quand même ce guide ne l’égarerait pas, il en résulterait toujours que l’effet d’une telle opinion serait de tarir dans son âme la source des belles actions.
« Je ne rencontre, disait-il, que des gens qui veulent me ramener à des opinions que je professe, ou qui prétendent partager avec moi des opinions que je n’ai pas. » … « Je plais, a-t-il dit encore, à beaucoup de gens d’opinions opposées, non parce qu’ils m’entendent, mais parce qu’ils trouvent dans mon ouvrage, en ne le considérant que d’un seul côté, des arguments favorables à leur passion du moment. » L’entreprise originale de M. de Tocqueville a donc été de considérer la démocratie comme un objet, non de démonstration, mais d’observation, et si l’on veut repasser dans son souvenir les noms des plus grands publicistes modernes, on verra qu’il n’y en a pas un qui ait eu cette idée et qui ait accompli ce dessein. […] C’était en particulier l’opinion de M. […] Ceux-ci, en effet, n’étant rien par eux-mêmes, sont les agents passifs de la majorité ; ils peuvent donc tout faire, pourvu qu’ils épousent ses passions : « garantis par l’opinion du plus grand nombre et forts de son concours, ils osent alors des choses dont un Européen habitué au spectacle de l’arbitraire s’étonne encore. » Une conséquence plus grave, et la plus grave de toutes, c’est l’asservissement de la pensée. […] Enfin, dans la démocratie, c’est la majorité qui fait la loi et qui fait l’opinion.
Aux approches de la Révolution, le mouvement commença de lui venir : elle mettait de l’intérêt aux choses, au triomphe des opinions qui, dans ce premier développement de 87 et de 89, étaient les siennes et celles du monde qui l’entourait. […] L’impression générale que lui laissa la Révolution fut celle d’un affreux spectacle qui blessait toutes ses affections et ses habitudes, quoique plutôt dans le sens de ses opinions. […] Mais je retrouve plus tard Mlle de Meulan qui arrive à des opinions également neuves et justes en matière de poésie, par suite de cette même indépendance et droiture de raison. […] Cette circonstance singulière lia bientôt ces deux esprits éminents, beaucoup plus que le rapport assez inégal des âges et même le désaccord des opinions ne l’eussent probablement permis sans cela. […] Si la manière de voir de Mme Guizot ne peut atteindre ni satisfaire ceux qui ont là-dessus une opinion très-arrêtée, de pure foi et rangée à la tradition rigoureuse, elle a cet avantage de répondre, de s’adapter à toutes les autres opinions et situations plus ou moins mélangées qui sont l’ordinaire de la société actuelle, et d’offrir un résultat praticable à Mme Mallard comme à Mme de Lassay.
Quoi qu’il ait été par les opinions et par les principes, intellectuellement Stendhal fut un homme, et c’est assez pour que la Critique s’en occupe dans un intérêt littéraire, et même dans un intérêt de moralité. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte et maintenant acceptée de cet esprit, monté en bronze de sa propre main. […] on peut affirmer que les pauvretés d’opinion et les superficialités d’aperçu ne manquent pas à cet homme de l’esprit le plus retors depuis Voltaire et qui a vu Napoléon ! […] Elle confirme par les confidences de l’intimité ce que les écrits de l’auteur nous avaient appris, c’est que toute sa vie Stendhal fit une guerre, publique et privée, à la puissance que les faibles adorent, à l’Opinion. L’Opinion en toutes choses, Stendhal, qui n’avait pas cent mille livres de rente pour se mettre sans danger au-dessus d’elle, l’a courageusement méprisée ou combattue, souvent à tort, parfois avec raison, mais toujours sans en avoir peur.
Quoi qu’il ait été par les opinions et par les principes, intellectuellement Stendhal fut un homme, et c’est assez pour que la Critique s’en occupe dans un intérêt littéraire, et même dans un intérêt de moralité. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte, et maintenant acceptée, de cet esprit, moulé en bronze de sa propre main. […] Quand un homme, en effet, arrivé à peu près à la moitié du xixe siècle, jure par Cabanis en philosophie, en législation par Destutt de Tracy, et par Bentham en économie sociale ; quand cet homme, de l’esprit le plus mystificateur, semble se mystifier lui-même, en admirant politiquement M. de La Fayette, et ne se moque nullement de nous en nous disant que l’Amérique serait assurément un grand pays, si elle avait un Opéra, certes, on peut affirmer que les pauvretés d’opinion et les superficialités d’aperçu ne manquent pas à cet homme, de l’esprit le plus retors depuis Voltaire, et qui a vu Napoléon ! […] Elle confirme par les confidences de l’intimité ce que les écrits de l’auteur nous avaient appris, c’est que toute sa vie Stendhal fit une guerre, publique ou privée, à la puissance que les faibles adorent, à l’Opinion. L’Opinion en toutes choses, Stendhal, qui n’avait pas cent mille livres de rentes pour se mettre sans danger au-dessus d’elle, l’a courageusement méprisée ou combattue, souvent à tort, parfois avec raison, mais toujours sans en avoir peur.
Dans la critique générale des opinions traditionnelles et des institutions établies qui fut l’œuvre du xviiie siècle, le point capital est la destruction du principe de la foi. […] Sa méthode est d’alléguer toutes les raisons pour et contre les opinions établies. […] Il excelle à faire ressortir que les opinions délaissées pouvaient se défendre, et n’étaient pas plus absurdes en réalité que les opinions victorieuses.
Ses opinions sur le poème qu’il a traduit sont naturellement empreintes de cet enthousiasme nécessaire sans lequel nul homme, nul Sisyphe, n’aurait la force ni l’envie de rouler jusqu’au sommet de l’Himalaya cette pierre énorme d’une traduction d’un poème sanscrit ; mais cet enthousiasme ne peut pas beaucoup influer sur la Critique, qui prend les idées et les sentiments pour ce qu’ils valent, et non pour ce qu’ils ont coûté de peines à ceux qui les ont exprimés. […] Burnouf lui écrivait un jour : « Les uns savent interpréter Homère, les autres savent interpréter Valmiki : vous savez également interpréter Valmiki et Homère » ; et tout en lui rendant cet hommage, Burnouf semblait se ranger à l’opinion de M. […] Opinion aussi étrange, si le fanatisme du traducteur ne l’expliquait pas, que celle qui placerait comme œuvre d’art l’idole de Jagrenat au-dessus du Jupiter de Phidias ! […] Parisot a, comme nous le croyons, les grands mérites de l’exactitude et de la fidélité, elle est la meilleure réponse aux opinions de M.
L’Histoire, cette grande chose, existe par elle-même d’une vie si profonde qu’elle existe encore sous la main de ceux qui la gâtent, et qu’elle ne dépend ni du talent qui peut l’orner, ni de l’opinion qui l’interprète, ni de la passion qui s’en sert. […] Le talent a très peu orné son histoire ; l’opinion qui y interprète les événements et veut y marquer le sens des choses et des hommes est ce qu’on peut nommer, en ce moment, l’opinion parlementaire éplorée, et la passion qui se sert de cette histoire… n’est pas l’amour des institutions actuelles de la France. […] Pour tous il a emboîté mesquinement le pas derrière les opinions communes, — Burke excepté, pourtant !
Mais où est-il l’homme sans opinions d’aucune sorte ? […] Surgit-il quelque œuvre nouvelle, sur laquelle l’opinion se partage ? […] Ailleurs il adopte une opinion chère à M. […] Sur la morale il a des opinions presque jansénistes. […] Mais à quoi bon opposer leurs opinions aux siennes ?
C’était la ville hanséatique des consciences et des opinions. […] Il était parvenu sans peine à tourner, en faveur de la comtesse d’Albany, la faveur passionnée de l’opinion de la société en Toscane. […] La rumeur fut grande, et je fus quelque temps proscrit par toutes les opinions. […] Fidèle à ce principe, M. de Lamartine n’a jamais répondu aux critiques littéraires que par le silence ; mais il repousse avec raison des opinions et des sentiments que l’erreur seule peut lui imputer. […] et un tribunal anglais s’est-il avisé de venir demander compte à l’illustre barde des opinions du corsaire ou des sentiments de Lara ?
. — Opinions (1895). — Almanach de prose et de vers pour 1897. — L’Esprit belge (1899). — Auguste Rodin (1900). — Le Rêve de vivre, poèmes (1900). OPINIONS.
Voilà, suivant mon opinion, la solution du problême proposé si souvent. […] Il a mis en évidence plusieurs faits que les anciens ignoroient, et ausquels ils substituoient des opinions fausses qui leur faisoient faire cent mauvais raisonnemens. […] La plûpart des sçavans de son temps furent persuadez de son opinion, et ils l’établirent même dans le monde autant qu’une verité physique, qui ne tombe pas sous les sens, y peut être établie, c’est-à-dire, qu’elle y passa pour un sentiment plus probable que l’opinion contraire. […] Le monde se partagea de nouveau, et Tycho Brahé mit au jour un systême mitoïen pour accorder les faits astronomiques dont on avoit alors une connoissance certaine, avec l’opinion de l’immobilité de la terre. […] Ils l’emploïent à soutenir par des preuves que le raisonnement seul ne sçauroit fournir bonnes et solides, l’opinion qu’ils ont prise par choix ou par hazard, et les sciences naturelles ne font presque aucun progrès.
La monarchie, et surtout un monarque qui comptait l’admiration parmi les actes d’obéissance, l’intolérance religieuse et les superstitions encore dominantes, bornaient l’horizon de la pensée ; l’on ne pouvait concevoir aucun ensemble, ni se permettre aucune analyse dans un certain ordre d’opinions ; l’on ne pouvait suivre une idée dans tous ses développements. […] Un auteur peut rendre à jamais ridicule une expression dont il s’est inconvenablement servi ; un usage, une opinion, un culte, peuvent relever ou avilir par des idées accessoires l’image la plus naturelle. […] L’homme, environné de tant d’institutions respectées, de tant de préjugés éclatants, de tant de convenances reçues, ne pouvait pas en appeler à l’indépendance de ses réflexions ; sa raison ne devait pas tout examiner, son âme n’était jamais affranchie du joug de l’opinion ; la solitude même ne ramenait pas sa réflexion aux idées naturelles ; l’ascendant du monarque et du culte monarchique avait pénétré dans la conviction intime de tous.
Quoi qu’il en soit, ce dernier ouvrage fut attaqué à la fois par les deux opinions opposées : cela devait être. Aujourd’hui ces deux opinions, je le crois, ont fait des pas immenses l’une vers l’autre. […] Le contradicteur indiqué dans l’addition au chapitre X de l’Essai me contestait aussi le parallélisme et l’antagonisme des mœurs et des opinions.
OPINIONS. […] Je sais bien que George Sand exprime déjà cette opinion dans ses Impressions d’Italie, mais, pour si respectable que m’apparaisse en d’autres matières littéraires le jugement de George Sand, je ne saurais me ranger à cet avis.
La liberté des opinions a commencé, en France, par des attaques contre la religion catholique ; d’abord, parce que c’étaient les seules hardiesses sans conséquence pour l’auteur, et, en second lieu, parce que Voltaire, le premier homme qui ait popularisé la philosophie en France, trouvait dans ce sujet un fonds inépuisable de plaisanteries, toutes dans l’esprit français, toutes dans l’esprit même des hommes de la cour. […] Une république fondée sur un système d’égalité philosophique n’étant point dans ses opinions, ne pouvait être son but secret. […] Lorsque nous sommes émus, le son de la voix s’adoucit pour implorer la pitié, l’accent devient plus sévère pour exprimer une résolution généreuse ; il s’élève, il se précipite lorsqu’on veut entraîner à son opinion les auditeurs incertains qui nous entourent : le talent, c’est la faculté d’appeler à soi, quand on le veut, toutes les ressources, tous les effets des mouvements naturels ; c’est cette mobilité d’âme qui vous fait recevoir de l’imagination l’émotion que les autres hommes ne pourraient éprouver que par les événements de leur propre vie. […] L’homme de lettres, alors qu’il vit dans un pays où le patriotisme des citoyens ne peut jamais être qu’un sentiment stérile, est, pour ainsi dire, obligé de se supposer des passions pour les peindre, de s’exciter à l’émotion pour en saisir les effets, de se modifier pour écrire, et de se placer, s’il se peut, en dehors de lui-même pour examiner quel parti littéraire il peut tirer de ses opinions et de ses sentiments.
Alexandre Dumas fils, un homme de lettres et un homme du monde, qui devrait avoir assez de fierté et de hautaine indifférence pour endosser la responsabilité de ses opinions devant tous les genres de publics, a fait, nous dit-on, saisir tous les exemplaires où se trouvait sa lettre. […] Moi, qui n’ai l’honneur ni d’être un religieux, ni d’être un théologien, j’ose avoir une autre opinion. […] Que dire d’un tel imprévu et d’un tel décousu dans les opinions de ce physiologiste farouche ? […] Dumas qui n’aboutit point, ce n’est pas ce catholicisme… futur, qui s’escarbouille comme un fruit avant d’être mûr ; mais c’est encore les opinions physiologiques de toute sa vie, qui en font autant, — et qu’il dépose ainsi écrasées, comme des confitures de citrouille et comme un hommage, aux pieds vainqueurs de son bas-bleu !!
Nous connaissons le poids de son opinion historique. […] Grandement compris, excusé en ce qu’il a de vrai, saisi sur le vif de la nature humaine elle-même, le point d’honneur, cette opinion plus forte que les institutions au Moyen Âge, aurait mis sa lumière au sein des faits incohérents. […] Pour peu qu’il eût remonté dans l’histoire, il y aurait vu paraître, pour s’éclipser et reparaître encore, la puissance d’opinion religieuse qui s’oppose à la frénésie du point d’honneur et qui la balance. […] Son livre de la Paix et la Trêve de Dieu, quoique intéressant par les textes, n’est pas de nature à beaucoup changer l’opinion générale de notre temps sur le Moyen-Âge, qu’il serait pourtant si nécessaire, selon nous, et d’éclaircir et de fixer.
On voit que l’opinion qui a fait de l’ignorance, en Europe, un titre de noblesse, et a défendu aux hommes qui ont ou croient avoir un nom, de l’avilir par l’art de penser et d’écrire ; opinion introduite par les sauvages du nord qui ne savaient que détruire, consacrée par des seigneurs de châtellenies barbares, qui ne savaient qu’opprimer, combattre et chasser ; opinion bien digne en effet de ces deux époques, et qui, au bout de quatorze siècles, n’est pas encore éteinte, et subsiste même aujourd’hui beaucoup plus qu’on ne croit, n’était pas encore née sur la terre. […] Ce maître devient le tyran de sa pensée et le législateur de son goût ; ce maître lui dicte ses opinions, et jusqu’aux mots dont il doit se servir.
Les opinions exprimées par MM. […] Arnault, respirent un sentiment de dépit facile à comprendre, après un échec aussi considérable pour leurs opinions. […] L’influence qu’exercent de pareils livres devient grande à la longue ; car les opinions ne montent pas, elles descendent. […] Au fond, les idées se disputaient l’opinion de Napoléon, comme elles se disputaient autrefois l’opinion publique. […] Sous l’empire, le sensualisme de Condillac continua donc à régner dans les opinions, mais il fut plutôt pratiqué que théoriquement professé.
quelle est l’opinion qui les accuse ? […] Le courant de l’opinion, laissé à lui-même, était à cette époque pour une réparation des injustices commises, des oppressions trop prolongées. […] Une telle opinion est-elle contraire à la Constitution ? […] Apprend-elle rien à personne sur vos opinions d’alors ? […] C’est dans ma conscience que je cherche votre opinion
On voit pourtant quelle était l’opinion que s’étaient déjà formée du personnage ceux qui l’avaient observé de près, et dans la Galerie des États-Généraux, dans cette première et fine série de profils parlementaires dont le La Bruyère anonyme était Laclos, à côté d’un portrait de La Fayette, retracé dans son attitude et sa pose vertueuse sous le nom de Philarète, on lisait celui de M. de Talleyrand sous le nom d’Amène ; c’est d’un parfait contraste. […] En lui laissant la responsabilité de cette opinion, il reste bien avéré que l’évêque d’Autun se montrait dès le premier jour un des plus éclairés et des plus perspicaces esprits de son époque. […] Je me le figure bien plus vif alors ; il payait davantage de sa personne ; il se souciait de l’opinion. […] Il ressemble bien peu à ce Talleyrand de la fin, qui affectait le dédain de l’opinion, et qui se rencontrant avec le général Lamarque, un jour que celui-ci avait écrit aux journaux pour quelque explication de sa conduite, l’apostrophait froidement par ce mot : « Général, je vous croyais de l’esprit. » Il y a loin de là au Talleyrand contrit faisant son mea culpa public d’avoir gagné 30 mille francs au jeu. […] J’y existe, comme je l’ai toujours été, étranger à toutes les discussions et à tous les intérêts de parti, et n’ayant pas plus à redouter devant les hommes justes la publicité d’une seule de mes opinions politiques que la connaissance d’une seule de mes actions… » Sa réclamation étant restée vaine, il s’embarqua en ce temps pour les États-Unis.
Mais l’abbé Dubois ne sçut pas employer tous ces argumens en faveur de son opinion. […] L’opinion de deux hommes, tels que Fénélon & M. de Voltaire, méritoit d’être respectée : mais il s’est trouvé des écrivains qui n’en ont fait aucun cas : entr’autres, celui qui nous a donné la notice de tant de livres, sous le titre de Bibliothèque Françoise. […] Mais, par malheur pour l’opinion de la réforme projettée, il étoit fortifié de l’autorité de nos plus fameux orateurs. […] La Rue apportoit en faveur de son opinion nouvelle, furent combattues par tout ce qu’il y avoit alors d’ignorans sermoneurs à préjugés, & que la moindre innovation effraye. […] La Rue en faveur de son opinion, quelque approuvée qu’elle fût des gens raisonnables, ne persuada jamais la multitude.
Tel a été le sort de l’histoire de la philosophie, si populaire il y a trente ans, un peu oubliée aujourd’hui, et qui a vu l’archéologie, l’histoire des langues ou la critique religieuse prendre sa place dans l’opinion. […] Que nous importent les opinions ? […] Que me font, dites-vous, les opinions des philosophes ? […] J’ajouterai cette considération : c’est que l’histoire de la philosophie est une science sur le terrain de laquelle toutes opinions peuvent se rencontrer. Quelque opinion qu’on professe sur la philosophie en elle-même, qu’on la croie, avec les positivistes, condamnée à périr ou à s’absorber dans les sciences exactes et positives, ou qu’avec les spéculatifs on la considère comme la première des sciences, résumant et dominant toutes les autres ; que l’on soit spiritualiste, matérialiste ou panthéiste, toujours est-il que la philosophie doit être étudiée comme un des aspects, une des formes de l’esprit humain.
OPINION. […] Les Ballets et variations qu’il vient de publier, confirmeront et accentueront encore cette opinion.
Albert Delpit, dont les opinions font loi, le protège depuis longtemps. […] Bonnat, les opinions ne manquaient pas, et des plus différentes ; M. […] Pas l’ombre, nulle part, d’une opinion exprimée — j’entends une opinion honnête et considérable, une opinion tirée à plusieurs millions d’exemplaires. […] Paul Hervieu, j’ai vu se reproduire cette opinion initiale et fortement motivée. […] Et si les opinions préalables n’existent point, alors la critique se tait.
Maurice Bouchor, nous donne ainsi son opinion : Mon cher confrère, j’aime beaucoup Mistral. — Je n’ai aucune opinion sur les questions de prosodie dont vous me parlez. […] Mon opinion sur Mistral ? […] L’ayant rencontré usant d’un congé bienfaisant, nous lui demandâmes son opinion sur Mistral et la lutte poétique. […] Telle est mon opinion hâtive. […] Ce nom était une raison pour rechercher l’opinion de M.
Et la contre-partie de cette opinion universelle, la réversibilité des fautes, serait considérée comme plus fausse ! […] On dit que le pouvoir des rois est absolu ; c’est leur devoir qui est absolu, puisqu’ils sont obligés, non devant l’opinion capricieuse ou une constitution fragile, mais devant l’absolu lui-même. […] Bossuet ne peut pas souffrir les « opinions particulières » ; filles le blessent comme accidents gênant l’ordre général. On peut dire que le xviiie siècle a eu le culte et la religion des opinions particulières. […] Il est l’esclave de toutes les faiblesses à la fois, soit qu’il reste auprès d’Ellénore sans l’aimer, soit qu’il recule devant l’opinion du monde sans le respecter.
« Mes opinions politiques sont des noms propres, » disait-elle. […] Elle possède d’une manière admirable le secret d’allier les éléments les plus disparates, et tous ceux qui l’approchent ont beau être divisés d’opinions, ils sont tous d’accord pour adorer cette idole. […] Schlegel avait bien quelque influence sur elle, mais très-souvent elle différait d’opinion avec lui, et elle lui reprochait sa partialité. […] Boutard loua et réserva judicieusement les opinions relatives aux beaux-arts. […] On l’en vit revenir apaisée, assagie, pleine sans doute d’impétuosité généreuse jusqu’à son dernier jour, mais fixée à des opinions semi-aristocratiques, qu’elle n’avait, de 95 à 1802, aucunement professées.
Pendant les brûlants débats de l’Acte d’Exclusion, qui devait fermer au duc d’York le chemin de la couronne, il était membre de la chambre des communes, mais il se garda d’y paraître, et laissa le monde et ses amis aussi peu éclairés que la chambre sur son opinion. […] La mort de Guillaume et l’avènement d’Anne Stuart, en 1702, concoururent avec le mouvement de l’opinion à favoriser le succès des Whigs. […] L’ensemble des œuvres religieuses de Swift, écrites aux époques les plus diverses de sa vie, confirme notre opinion sur le caractère exclusivement politique de son intervention constante en faveur de l’Église établie. […] Il ne craint pas, dit-il, d’aller contre l’opinion commune, et dût-il être poursuivi par l’Attorney-général, il avouera que dans la situation extérieure et intérieure du pays, il ne voit aucune nécessité absolue d’extirper le christianisme en Angleterre. […] Les Tories étaient portés au pouvoir par la reine et par l’opinion, et Swift allait leur tendre la main, malgré les efforts de ses anciens amis.
L’opinion, légère, inique et intéressée, amnistie ses complices et ses adulateurs. […] Cette royauté des expiations étant impossible à rétablir, la royauté des conspirations étant impossible pour moi à aimer et à servir, cette coalition immorale et déloyale dans le parlement étant impossible à honorer, incapable de fonder, capable seulement de détruire, je n’avais plus de devoir et de lien qu’avec la politique abstraite, idéale, personnelle qui pouvait seule à un jour donné recruter, au profit des principes sainement et honnêtement progressifs, les opinions d’un peuple prêt à retomber dans l’anarchie. Ces principes, qui étaient ceux de la vraie philosophie politique de l’Assemblée constituante, ceux que les Mirabeau, les Barnave, les Clermont-Tonnerre, les Lally-Tollendal, les Bailly, les Mounier, les Montmorency, les Cazalès, les Vergniaud, avaient si magnifiquement débattus ou formulés dans leur éloquence de raison, me passionnaient encore à distance et me paraissaient le but dépassé, mais le but idéal de la Révolution, auquel il fallait ramener le peuple par l’opinion avant de l’y ramener un jour par le fait, si les événements échappaient à l’ambitieuse et intrigante faction de la fausse révolution et de la royauté d’expédient de 1830. […] Aussi je ne me déclarai point républicain, mais populaire, et dans un discours prononcé à un banquet célèbre qui me fut donné à Mâcon par les délégués de trois ou quatre provinces réunies (banquet littéraire qu’il ne faut pas confondre avec les banquets politiques organisés par la coalition parlementaire), dans ce discours, dis-je, qui fit tressaillir la France par la hardiesse des idées et de l’accent, je conclus à dompter la monarchie par la force de l’opinion, et non à la détruire. […] IX J’ai dit dans quel esprit et dans quelle indépendance complète d’opinion politique j’avais résolu d’écrire cette histoire.
Il put apprécier, dans ces deux circonstances, à quelles interprétations incertaines et diverses sont sujettes les actions publiques, et il apprit, par les jugements qu’on faisait de sa conduite, ce qu’il faut penser de l’opinion et des réputations qu’elle fait ou détruit. […] Si, dans tout le reste, il doute, c’est résistance d’une haute raison à toutes ces opinions qui croyaient tenir la vérité, et qui l’imposaient à leurs contradicteurs par le fer et par le feu. […] Voltaire reprend toutes les idées de Montaigne, donne la précision et le tour vif de la polémique à ces opinions enveloppées dans Montaigne du langage abondant, pittoresque et quelquefois traînant, de la spéculation inoffensive. […] Puis il compare, sur chaque point particulier, le présent avec le passé, les opinions que d’autres en ont eues avec celle qu’il en a lui même, les actions qui s’y rattachent avec sa conduite personnelle. […] Jugement admirable sous la plume d’un homme qui aimait Lucain « pour sa valeur propre et la vérité de ses opinions. » 152.
Tout l’est en lui : le talent, les qualités et les défauts, les élans, les défaillances, le succès, les chutes, les opinions, la niaiserie comme le génie, les maladresses, les ridicules, tout, — même les chansons, même les caprices, ces choses charmantes ordinairement petites ! […] Par ses prétentions exorbitantes, par ses théories comme par ses poésies, il passionna énormément l’opinion. […] Mais, à cela près, peu d’intérêt et beaucoup de silence, — le silence du respect, du respect pour les opinions qu’on avait autrefois. […] C’est le repassage des opinions et des idées qui, depuis sa sortie du parti monarchique et son entrée dans le parti républicain, ont été ses opinions et ses idées. […] C’est cette manière raccourcie de comprendre l’Histoire religieuse, la même dans Hugo que dans Béranger, qui convient aux bourgeois, les dominateurs de l’opinion, je le crains, encore pour longtemps.
Les Zoroastre en Orient, les Trismégiste en Égypte, les Orphée en Grèce, en Italie les Pythagore, devinrent, dans l’opinion, des philosophes, de législateurs qu’ils avaient été. […] Il y a autant d’opinions sur ce sujet difficile, qu’on peut compter de savants qui en ont traité. […] Les philologues ont adopté sur parole l’opinion que la signification des langues vulgaires est arbitraire. […] L’opinion de Montesquieu et de Vico sur le caractère des institutions de Servius-Tullius a été suivie par M. […] Vico semble adopter une opinion très différente quelques pages plus loin.
opinion du national et d’armand marrast dans la question de l’enseignement universitaire. . — discours de l’archevêque de paris. — le roi en conçoit de l’humeur. — discours de m. de montalivet, le fidus achates du roi. — cousin condamné a boire la ciguë. […] Il y a dans cette levée de boucliers contre la philosophie de Cousin autre chose encore que des opinions et des croyances religieuses et cléricales ; il y a des rancunes philosophiques de la part des dissidents, sensualistes, sceptiques, etc., que l’éclectisme a toujours mal menés et méprisés avec hauteur.
Ne trouvez-vous pas que toutes ces Correspondances princières divulguées font, en définitive, les affaires de l’opinion populaire et de la démocratie ? […] Vous savez que j’étais toujours d’opinion de suivre les modes modérément, mais de ne jamais les outrer. […] mais ces torts sont bien grands dans une reine plus âgée et dont on avait tout autre opinion. […] Aussi, malgré toutes les explications et les excuses de l’aimable reine pour atténuer des torts où il y avait souvent plus d’apparence que de fond, Marie-Thérèse insiste ; elle sait les conséquences : la malignité tire parti de tout ; l’opinion est chose qui compte. […] Louis Combes, tient toujours pour son opinion si désavantageuse au pauvre roi, j’aimerais bien qu’on en vînt une bonne fois, et fût-ce dans un journal de médecine, aux preuves et aux arguments qui peuvent en finir avec cette question.
Et puis l’opinion de M.de Loménie est une autorité en matière de biographie ; ses notices, si modestement comme ncées il y a quelques années, ont fait leur chemin ; elles sont lues partout, et elles le méritent. […] Plus d’opinion contre nous. […] J’en vis d’autant plus avec mes Égyptiens et mes Scandinaves, qui quelquefois me paraissent des contemporains, quand je trouve chez eux des opinions absurdes ou du moins grossières. […] c’est assez de nous être mis avec lui sur la défensive ; l’estime même qu’on fait de son opinion nous y obligeait. […] Ce genre d’explication rentre tout à fait dans l’opinion de Fauriel telle que je l’ai trouvée exprimée dans ses papiers ; celui-ci comparait Benjamin Constant à La Rochefoucauld en un sens : il attribuait le manque de principes qu’on lui voyait, et ce mépris des hommes qui s’affichait jusqu’à travers son républicanisme d’alors, au premier monde dans lequel il avait vécu.
On a les noms et les opinions de tous ceux qui ruinèrent ce vieux conte… Et, chose particulièrement remarquable et inattendue ! ce furent les protestants les plus distingués par l’éclat de la science et la hauteur de leur moralité, comme Basnage, Bochart, Blondel, Charnier, Dumoulin, Leibnitz, Jurieu, Burnet, Cave, qui confirmèrent les opinions catholiques de Baronius, Onuphre Panvinio, Robert Parsons, Georges Schérer, Bellarmin, Florimond de Remond, Coeffeteau, Maimbourg, de Launoy, le P. […] Malgré cette discussion terrassante, trop vaste pour qu’on puisse rapporter ici les opinions qu’elle fît valoir et triompher, le xviiie siècle, qui se souciait bien d’être faux et même imbécile quand il s’agissait de jeter le sophisme le plus abject ou l’opinion la plus bête à la figure du catholicisme, pour peu qu’il y jetât quelque chose, allait reprendre l’immonde légende de la Papesse Jeanne quand la Révolution éclatant mit son bruit par-dessus le petit sifflement du reptile, et, de sa main d’Hercule, étouffa la légende rampante qui voulait encore resiffler… Mais vous voyez ce qui arrive !
Le vieux Villon, quand il est poète, est aussi jeune que Lamartine ; et s’il n’y a pas succès quand il y a poète, c’est une raison pour que la Critique soit plus méprisante contre l’opinion qui ne pense pas comme elle, et qui en jugeant usurpe sa place, et pour que le poète soit plus fier. […] C’est l’accent du cœur qui le met à part des poètes d’un temps où l’âme se retire de toutes choses devant la sensation et la matière envahissantes… Naturellement, un pareil poète doit être plus ou moins méconnu à une époque vide et pédante où lord Byron lui-même paraît affecté, Lamartine vague, et Alfred de Musset négligé ; car c’est là l’opinion qui commence à courir parmi ceux qui se croient les forts de la littérature actuelle, parmi les poètes matérialistes et réalistes de notre décadence littéraire. […] Or, dans l’opinion de du Clésieux, comme dans la mienne, les lois sociales doivent peser sur le destin des hommes. […] Une pareille opinion, dont il m’est impossible de ne pas m’étonner venant de la plume qui l’exprime, aurait peut-être sa valeur si le poème d’Armelle, au lieu de s’adresser aux âmes, une à une, dans l’intimité de chacune d’elles, était une œuvre dramatique, s’adressant à un public en masse, c’est-à-dire à cette moyenne d’esprits qui ne regardent comme vraisemblables et touchants que les sentiments dont ils sont capables.
Charpentier fut si enchanté de la fortune de son livre, qu’il en donna promptement avis au comte de Bussy, dans une lettre où il lui disoit : « J’ai présentement d’illustres sectateurs, & je ne pouvois pas espérer un plus heureux succès de mon opinion, que d’avoir fait résoudre le roi d’effacer les inscriptions latines de tous les tableaux historiques de la grande gallerie de Versailles, & d’y en mettre de Françoises, comme il y en a présentement. » Il est certain que les idées de cet académicien, zélé pour notre langue, contribuèrent beaucoup à la faire employer pour les tableaux de la gallerie de Versailles ; mais il ne l’est pas moins aussi, que les inscriptions qu’il donna furent effacées. […] L’opinion, qu’en France on ne doit écrire qu’en François, ayant été embrassée du monarque, elle le fut bientôt généralement de toute la nation. […] Ce n’est pas qu’on veuille étendre cette opinion aussi loin que l’a fait M.
. — Une opinion plus autorisée. — Les énormités de M. […] Pélissier nous excusera de préférer l’opinion de ces trois auteurs, pour ne citer que ceux-là, et d’avoir écrit un ouvrage dont ils nous indiquaient si clairement l’utilité, le sujet et même le titre, sans qu’ils crussent pour cela se « rabaisser » ni rabaisser n’importe qui. […] Uzanne de me prêter des opinions qui feront hausser les épaules à ceux qui m’ont lu.
Car il faut reconnaître que la conscience individuelle est toujours pour une bonne part le reflet des mœurs et des opinions de son milieu, même quand elle est en réaction contre ces opinions et ces mœurs.
Quant à l’opinion des impartiaux parmi les artistes, qui modifiera-t-elle ? […] Je trouve que mon opinion n’intéresse, et surtout ne regarde personne. […] Salvayre : Mon cher ami, vous me faites l’honneur de me demander mon opinion sur l’œuvre de Wagner à Paris. […] Voilà mon opinion, sur la très artistique tentative de M. […] Alfred Ernst a fait allusion à des divergences d’opinion sur ces très hautes questions avec les articles que j’ai pu publier dans la Revue.
Telle est du moins notre opinion, & M. le Duc de Niv*** nous le pardonnera d’autant plus volontiers, qu’il a la modestie d’abandonner les siennes au jugement de la critique, & que cette opinion tend à l’indulgence, le vrai caractere de sa philosophie.
On érigeait en dogme intangible l’opinion de quelque mort illustre ; Aristote devint sacré, comme s’il eût été, lui aussi, inspiré de l’Esprit saint. […] Une lutte nécessaire s’établit entre deux forces, l’une intérieure qui tend à la maintenir dans ses opinions et ses habitudes, l’autre extérieure qui tend à la mettre en harmonie avec les changements opérés autour d’elle. […] S’il est critique, il découvrira des beautés cachées dans le livre ou la pièce de l’éminent confrère dont il espère la voix ; il ménagera l’opinion de tel salon qui est une antichambre connue de la docte assemblée parmi laquelle il désire siéger. […] Mais il n’est pas moins vrai qu’à l’Académie, comme dans un salon, il est de règle de mettre une sourdine à ses opinions, de procéder par demi-mots et sous-entendus. […] Les unes retardent sur l’opinion moyenne de quinze à vingt ans ; les autres sont en avance à peu près du même espace de temps.
La religion chrétienne a été le lien des peuples du Nord et du Midi ; elle a fondu, pour ainsi dire, dans une opinion commune des mœurs opposées ; et rapprochant des ennemis, elle en a fait des nations dans lesquelles les hommes énergiques fortifiaient le caractère des hommes éclairés, et les hommes éclairés développaient l’esprit des hommes énergiques. […] Heureux si nous trouvions, comme à l’époque de l’invasion des peuples du Nord, un système philosophique, un enthousiasme vertueux, une législation forte et juste, qui fût, comme la religion chrétienne l’a été, l’opinion dans laquelle les vainqueurs et les vaincus pourraient se réunir ! […] Je crois voir une preuve de plus de cette opinion, dans l’influence qu’a exercée sur les progrès de la métaphysique l’étude de la théologie. […] Quand les opinions que l’on professe sur un ordre d’idées quelconque, deviennent la cause et les armes des partis, la haine, la fureur, la jalousie parcourent tous les rapports, saisissent tous les côtés des objets en discussion, agitent toutes les questions qui en dépendent ; et lorsque les passions se retirent, la raison va recueillir, au milieu du champ de bataille, quelques débris utiles à la recherche de la vérité. […] Peut-être aussi que tout le faste de ces récompenses d’opinion était nécessaire pour exciter aux difficiles travaux qu’exigeaient, il y a trois siècles, le perfectionnement des langues modernes, la régénération de l’esprit philosophique, et la création d’une méthode nouvelle pour la métaphysique et les sciences exactes.
Il est beaucoup moins facile d’enserrer dans des formules qui les contiennent l’esprit ondoyant et brillant et les opinions multiples de M. […] Il a continuellement des opinions particulières, et il semble qu’il s’applique à les avoir aussi particulières qu’il se peut. De plus, ces opinions particulières, je ne dirai pas qu’elles sont quelquefois contradictoires, mais enfin on ne voit pas toujours comment elles s’ajustent entre elles ni comment elles pourraient se rattacher à quelque théorie générale de l’art. […] Et quels massacres des opinions enseignées et convenues Voilà deux siècles qu’on célèbre Tartufe comme le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. « N’était le parti pris d’école et presque de faction, écrit M. […] Je vois d’abord que, là où il est de l’avis de la majorité, il rafraîchit et fait siennes les opinions consacrées par l’extraordinaire vivacité de son impression.
les cordiales et charmantes soirées où s’entrecroisaient tant d’opinions variées ! […] » Même dégagé, à sa période romane, de la duperie romantique et des brouillards gaéliques, il persistait à faire sienne l’opinion de Byron, à savoir que si Shakespeare est le pire des modèles, il reste le plus extraordinaire des poètes, et, lui, petit-fils de l’amiral Tombatzis, le héros de l’insurrection grecque, il n’oubliait pas que ce même Byron s’était enrôlé pour combattre contre les Turcs et avait épousé la cause de sa patrie. […] La plus illégitime est le préjugé de l’opinion. […] Chez les Latins les mœurs sont trop libres, l’opinion trop indulgente pour que la théorie du dandysme pût s’y condenser dans toute son âpreté. […] Quel illogisme d’invoquer la protection des lois qu’on a voulu démolir et de faire appel à l’opinion quand on a passé sa vie à la répudier !
Claude Bernard, dont l’esprit est très-bien fait, et qui tient beaucoup moins à ses opinions qu’à ses découvertes, fera volontiers toutes les concessions. […] Au reste, Dugald Stewart rapporte les opinions d’un grand nombre de savants et de philosophes tels que Hooke, Hartley, S’Gravesande, Lesage, Boscowitch, qui tous s’accordent à défendre la méthode hypothétique dans le sens et dans les limites que nous venons de dire. […] Claude Bernard en cette question, nous ne voulons pas affaiblir la valeur de son témoignage, car on comprend la différence qu’il y a entre une opinion spéculative, comme celle de quelques philosophes qui n’ont pas pratiqué la science elle-même, ou encore de quelques savants tels que Hartley ou Lesage, trop portés eux-mêmes aux vaines hypothèses, et l’opinion autorisée d’un savant éminemment doué du génie expérimental, dont la gloire est précisément d’avoir donné à l’expérimentation, au moins en physiologie, une rigueur et une précision dont on ne la croyait pas susceptible. […] Claude Bernard, c’est le doute, et il loue ici avec raison le doute méthodique de Descartes ; n’oublions pas cependant, pour être justes, que Descartes doutait volontiers des opinions des autres, mais assez peu des siennes propres.
Edmond About dans L’Opinion nationale ? […] Mon cher Valentin, Ta dernière équipée a désolé profondément notre famille ; la cousine Madeleine, qui est toujours prête à défendre son Valentin, — même quand il attaque les autres, — ne sait plus où donner de la tête depuis ton incroyable article de L’Opinion nationale. […] J’aurais pu avec ta protection, me caser à L’Opinion nationale ; mais j’ai craint qu’on ne me commandât, comme à toi, d’y faire de la « démocratie spirituelle ». […] Ses antécédents du Figaro n’ont point empêché Henry Schaunard de publier des romans au Moniteur et à la Revue des Deux-Mondes ; — Monselet a donné de la copie à La Presse (on a même trouvé qu’il n’en donnait pas assez) ; et toi-même, malgré toutes les chroniques dont tu es atteint et convaincu, n’es-tu pas arrivé à L’Opinion nationale ? […] Le vieux capitaine Durand, qui fut sous le Directoire l’amant d’une ex-déesse Raison, et à qui les réquisitoires contre le « parti prêtre » viennent de causer un retour de jeunesse en lui rappelant Le Constitutionnel de 1825, fera voter pour toi tous ses métayers. — Il va résilier son abonnement à L’Indépendant de Quévilly pour prendre L’Opinion nationale.
Au fond, son opinion est bien prise : sa parole extérieure demeure voilée. […] J’ai déjà indiqué l’opinion de M. […] Son Analyse des Opinions diverses sur l’origine de l’Imprimerie (1802) est du lendemain de ses luttes au Tribunat. […] — Ce mémoire donnerait une fausse idée des opinions philosophiques de l’auteur, si l’on y voyait des conclusions expressément déistes. […] Quant à leurs opinions politiques, je les ignore tout à fait, n’ayant jamais eu avec eux, depuis 11 ans, d’entretien sur ces matières.
— Lettre de Lamartine (dans la Revue indépendante) à Chapuys-Montlaville, un de ses biographes ; il est aux abois, il vise à l’O'Connell : il ne serait pas fâché d’avoir sa liste civile comme ministre de l’opinion. […] Que les bons citoyens trouvent le million, moi je me charge de trouver les hommes… » Ces hommes (les collaborateurs du journal) seraient au fond le véritable pouvoir moral de la nation, les administrateurs de la pensée publique, le concile permanent de la civilisation moderne… Il y a en ce temps-ci quelque chose de plus beau que d’être ministre de la Chambre ou de la Couronne, c’est d’être ministre de l’opinion !
Voltaire s’en empare, non pour en raisonner ; il crée un mouvement d’opinion pour produire un résultat, pour faire triompher la raison dans le règlement définitif de 1 affaire, et, s’il se peut, par une mesure générale qui réponde de l’avenir. […] C’est l’occasion pour lui d’écrire un Traité sur la Tolérance (1763) : mais ce livre même n’est qu’un moyen de frapper l’opinion et les juges. […] Voltaire est un journaliste de génie : agir sur l’opinion qui agit sur le pouvoir, dans un pays où le pouvoir est faible et l’opinion forte, c’est tout le système du journalisme contemporain ; et c’est Voltaire qui l’a créé. Il a l’opinion en main ; il en joue, il lui fait rendre tous les effets qu’il veut. […] Il donne à la France le spectacle de la faveur dont il jouit à l’étranger : il a repris dès 1757 une correspondance amicale avec le roi de Prusse ; à partir de 1763, il échange des lettres avec Catherine II ; il n’importe que les deux souverains se servent un peu de lui en politiques, pour mettre par son moyen l’opinion de leur côté ; le public qui croit voir Voltaire traiter d’égal avec les deux grandes puissances du temps, juge la petitesse du ministère français, qui le tient en exil loin de Paris ; il en prend du mépris pour le gouvernement, et du respect pour la philosophie.
En tout temps les esprits sont partagés ; en tout temps il y a des gens qui restent attachés au passé ou qui s’élancent dans l’avenir ; mais, en tout temps aussi, du conflit des opinions individuelles se dégage un courant plus fort, qui, malgré les remous et les contre-courants, entraîne la majorité de ceux qui pensent et la masse de ceux qui se reposent sur autrui de cette fatigue. […] Sans doute, tous les socialistes n’acceptaient pas, même en ce temps-là, ces doctrines si peu conformes à la tradition française ; mais l’école qui les propageait rencontra des esprits préparés à les accueillir, parce qu’il y avait alors un véritable interrègne d’idéal ; elle profita de son accord avec les opinions ambiantes et elle put croire durant quelques années qu’elle avait triomphé, comme elle s’en vantait, « de l’illusion juridique ». […] Affaire de mode, je le veux bien ; opinion de salon ou de sacristie qu’il fut de bon ton d’afficher ; mais aussi revirement qui est imputable à des raisons plus sérieuses et plus nobles. […] » ― En dépit de ces oppositions, les écrivains ont continué et continueront avec raison à dire leur mot sur des problèmes qui nous concernent tous comme citoyens et comme hommes et à croire que le talent ne perd rien à servir la cause de la civilisation ; et selon leurs opinions, leurs tempéraments, le milieu où ils vivent, retenant ou poussant en avant la société dont ils font partie, ils ne cesseront d’entrecroiser d’une façon étroite l’histoire de la littérature et celle du droit. […] La plupart du temps, une certaine hostilité se trahit dans les opinions des gens de lettres à l’égard de la magistrature.
J’aurais été fort embarrassé, je l’avoue, si j’avais eu à parler, il y a quelques années, du comte Joseph de Maistre dans Le Constitutionnel ou dans tout autre journal de l’opinion dite libérale. […] Il avait un axiome souvent présent à l’esprit pour se tempérer dans ses hardiesses, c’était un mot de Platon et de Cicéron : « N’entreprends jamais dans l’État plus que tu ne peux persuader. » « Si j’étais ministre, disait-il, au milieu d’une nation qui ne voudrait pas des Jésuites, je ne conseillerais point au souverain de les rappeler, malgré mon opinion qui leur est favorable. » Voilà, ce me semblea, bien de la modération ; mais tout aussitôt il définit une nation, la réunion seule du souverain et de l’aristocratie. […] Il ne compte point, pour renverser Bonaparte et son pouvoir, sur le choc armé de l’Europe, mais bien plutôt sur la France et sur l’opinion du dedans : « Tant que les Français supporteront Bonaparte, l’Europe sera forcée de le supporter. » Plus il examine ce qui se passe, plus il se persuade qu’il assiste à une des grandes époques du genre humain. […] Mais s’il fallait prononcer entre les deux erreurs, entre l’opinion de ceux qui le considèrent comme dès lors établi légitimement à l’état de dynastie, et ceux qui ne veulent voir en lui qu’un aventurier coupable, M. de Maistre trouverait que la plus fausse des deux opinions est encore la dernière : Un usurpateur qu’on arrête aujourd’hui pour le pendre demain, ne peut être comparé à un homme extraordinaire qui possède les trois quarts de l’Europe, qui s’est fait reconnaître par tous les souverains, qui a mêlé son sang à celui de trois ou quatre maisons souveraines, et qui a pris plus de capitales en quinze ans que les plus grands capitaines n’ont pris de villes en leur vie. […] Telle est son opinion, bien remarquable chez un homme qui croyait sincèrement à la politique sacrée et aux légitimités royales.
C’est ainsi que l’anarchie des opinions a envahi la société, amenant à sa suite l’anarchie civile et politique, la ruine de toutes les grandes traditions, le renversement de toutes les autorités. […] de quel droit la majorité elle-même forcerait-elle la minorité à adopter ses propres opinions ? […] La diversité et la contradiction des opinions ne sont nullement une objection contre la liberté de penser, car ce n’est point cette liberté qui a créé ces contradictions. […] A ce titre, elle est le droit de toutes les écoles, de toutes les opinions, de toutes les sectes, elle est le postulat fondamental de la société. […] Par exemple, si je déclare qu’il fait jour en plein midi, ce n’est pas sans doute pour l’avoir entendu dire ou pour me conformer à l’opinion reçue, mais parce que je le vois par moi-même.
Elles jettent un grand jour sur les événements, et fixent l’opinion sur les deux femmes célèbres qui s’écrivent. […] Cependant des boutades de franchise échappent parfois qui purent bien scandaliser ; on écrivit un jour ces téméraires paroles : « De quoi se mêlent ceux qu’on appelle jansénistes et le parti contraire, d’empêcher qu’on envoie à Rome des personnes qui soient ou ne soient pas dans leurs opinions ? […] On a beaucoup reproché à madame des Ursins ce qu’on appelle ses intrigues : les Mémoires de Saint-Simon ont accrédité surtout cette opinion ; mais une étude impartiale des faits et particulièrement la lecture de ces lettres détruisent la plupart des accusations imaginées par cet esprit systématique.
L’opinion qui domine est un centre avec lequel les individus conservent toujours de certains rapports ; et l’esprit général du siècle, s’il ne change pas le caractère, modifie les formes que l’on choisit pour le montrer. […] La multitude s’avilissait par la flatterie imitatrice des mœurs du tyran ; et le petit nombre des hommes distingués, communiquant difficilement entre eux, ne pouvaient établir cette opinion critique, cette législation littéraire, qui trace une ligne positive entre l’esprit et la recherche, entre l’énergie et l’exagération. […] Les écrits polémiques, ceux qui doivent agir sur l’opinion du moment et sur l’événement du jour, n’auraient jamais pu être d’aucune utilité, d’aucune influence avant l’usage de la presse ; ils n’auraient jamais été assez répandus pour produire un effet populaire : la tribune seule pouvait atteindre à ce but ; mais on ne composait jamais un ouvrage que sur des idées générales ou des faits antérieurs propres à l’enseignement des générations.
A part toute opinion politique, et pour qui ne veut voir que les grands effets et la beauté des choses telle que les artistes et les poètes la comprennent, nulle période dans le monde moderne ne fut poétiquement supérieure à cette période de l’Empire dont nous, prosaïque et pacifique génération, sommes si rapprochés et si séparés en même temps, — car il est des moments dans l’Histoire où la longueur d’une lame d’épée semble quelque chose d’infini. […] car ce n’étaient ni leurs opinions politiques ni leurs sympathies naturelles qui les entraînaient du côté où ils sont involontairement allés tous. […] Il a donc cette fortune de la pensée que ses opinions politiques et les inspirations de sa muse s’accordent et mutuellement s’exaltent.
Elle a dû arrêter un moment l’auteur de Clément XIV quand, riche des renseignements inconnus déposés par masses dans ses mains, il s’est dit qu’il allait peut-être retourner contre le Saint-Siège, dans l’opinion du monde, les jugements qu’il avait à rendre contre un pontificat isolé. […] Les idées d’Antonelli sont restées comme l’opinion du Saint-Siège. À l’ombre de cette opinion protectrice, l’Ordre de Jésus, blessé mais immortel, a repris obscurément sa place dans le monde, prêt à recommencer les grands services qu’il a rendus à la cause de la religion et de l’ordre, se proportionnant aux circonstances qu’il ne brave jamais, mais qu’il accepte toujours, se confiant au temps et à Dieu. […] Qu’on se rappelle la grave affaire des billets de confession, que les bouffonneries de Voltaire n’ont pas rapetissée dans l’opinion des hommes qui s’entendent à la conduite des peuples ! […] Leur patience désarmée n’était-elle pas une admirable réplique à l’opinion qui faisait d’eux les maîtres mêmes de la fortune ?
J’ai peur surtout des mots spirituels ; car beaucoup de nos opinions littéraires ne sont que cela. […] » Savez-vous pourquoi cette singulière opinion ? […] « Telle est l’histoire exacte de mes opinions littéraires. […] J’ai crié par les rues l’opinion formidable de tous les gens de goût et de tous les gens de bien, de tous les pères et de toutes les mères de famille. […] On sait ce qu’ils veulent ou ne veulent pas ; on a confiance en eux, on personnifie en eux telle ou telle opinion, telle ou telle croyance.
» Deux opinions répondent : « Je l’aime beaucoup » ; « je ne le sens pas du tout ». […] Et une opinion très nette se dégage, la nuance d’opinion de Paul Adam. […] Malheureusement, quand un papillon grésille dans la flamme, sans doute son opinion est faite, mais il est un peu tard.
En assumant publiquement son rôle, le critique prenait pour admis que son verdict représentait non seulement son opinion personnelle, mais celle de nombreux lecteurs, et quand il manifestait son approbation ou sa désapprobation à l’endroit de l’œuvre dont il discutait, il avait soin de s’en rapporter aux règles, c’est-à-dire, en définitive, aux appréciations plus générales de critiques antérieurs, et en dernier lieu, à Aristote. […] Sarcey corrobore ses vues personnelles sur le théâtre, des opinions de la bourgeoisie parisienne et d’axiomes d’origine indécise. […] Car la critique littéraire consiste h exprimer des opinions, et celles-ci ne valent qu’autant qu’elles sont partagées. […] Ici Sainte-Beuve revient à son ambiguïté du début, et dit tout d’une haleine : « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre, et entouré de toutes les circonstances qui font vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire… Être en histoire littéraire et en critique, un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. » Sainte-Beuve développe plus loin l’idée exprimée dans ce second membre de phrase, et conseille, pour apprécier un auteur, de le comparer à ses antagonistes et à ses disciples, de distinguer les diverses manières de son talent, de déterminer ses opinions sur certains sujets d’ordre général, enfin de résumer sa nature morale dans une formule exacte et concise.
Je ne le pense pas, pour ma part, et j’ai lieu de croire que c’est l’opinion qui prévaudra. […] Reste à connaître l’opinion de Paris ; elle commence à se manifester d’une façon palpable. […] Tout se borne à l’expression de son opinion individuelle, et M. […] Opinion de M. […] Son opinion faisait référence, il était connu pour son franc parlé et son « bon sens » bourgeois.
Leurs opinions, modifiées par les circonstances, changent selon qu’ils ont acquis plus ou moins d’expérience par leur contact avec le temps. […] J’étais on ne peut plus heureux, car chacune de ses paroles respirait la bienveillance, et je sentais qu’il avait une bonne opinion de moi. […] Nous étions de la même opinion sur cette pièce, et j’avais du plaisir à voir avec quel esprit et quel feu le jeune Goethe savait analyser les rapports qu’il avait saisis. […] « — Je veux à l’avenir, dit-elle, éviter soigneusement toute action injuste, et, sur les actes injustes d’autrui, je dirai hautement dans le monde et à la cour mon opinion. […] Je ne dois pas non plus oublier de remarquer que, lorsqu’il avait exprimé une opinion, il ajoutait presque toujours : Qu’en dit monsieur Goethe ?
Ce fut aussi chose à peu-près convenue dès lors, dans l’opinion, que les autres Académies moins nobles travaillaient, publiaient des mémoires, des recueils savants dont on leur demandait un compte exact et fréquent mais que l’Académie française, à part son Dictionnaire qu’elle retouchait de temps en temps et qu’elle recommençait toujours, ne travaillait pas : elle était censée comme les lis de la vallée, « qui ne travaillent ni ne filent. » Une conséquence qui découlait de cette distinction première : toutes les autres Académies eurent des académiciens libres ou amateurs ; l’Académie française seule n’en eut pas. […] Tout membre de l’Académie française passa dans l’opinion pour un gentilhomme littéraire qui en prend à son aise. […] L’Académie, qui dispose aujourd’hui de plus de 57,000 francs de rente, en emploie plus de 35,000 chaque année en prix et récompenses littéraires qu’elle distribue en parfaite connaissance de cause, après examen, rapport, discussion ; mais, enfin, cette idée aristocratique du rien faire et du parfait loisir pour tous ceux qui sont une fois arrivés au fauteuil, prévalut dans l’opinion et s’autorisa des prétentions mêmes, affichées par l’Académie en 1816. […] Cette discussion aurait, selon moi, un double avantage : premièrement d’élever dans l’opinion, s’il était possible, ou de justifier, s’il en était besoin, les choix eux-mêmes, et ensuite d’éclairer quelques académiciens sur les mérites et les qualités mélangées de ceux des candidats qu’on écarterait. […] Mais n’y eût-il, après examen et débat contradictoire, d’autre résultat que de rester plus ferme chacun dans son opinion, et de donner satisfaction au public avec qui il faut toujours plus ou moins compter, ce ne serait pas avoir perdu son temps ni ses paroles.
Mme de Staël, rentrée en France en 1814, y trouva un gouvernement d’accord avec ses opinions et ses espérances ; mais elle ne tarda pas à être déçue, et elle gémit sur les fautes commises. […] Il ne s’agit pas de savoir si, un an après, résumant dans son livre des Considérations les événements accomplis, elle a écrit « que c’était une niaiserie de vouloir masquer un tel homme que Napoléon en roi constitutionnel » ; il s’agit de savoir ce qu’elle a pu écrire dans les premiers instants, quand l’avenir était encore incertain, et en apprenant ces concessions inattendues et si entières que faisait l’Empereur à la force des choses et aux exigences de l’opinion. […] Thiers d’une manière un peu leste et comme de haut en bas ; elle montre l’illustre historien préoccupé avant tout de chercher « des croyants à la conversion de Napoléon aux idées libérales » ; elle le rappelle à l’ordre pour n’avoir pas eu présents certains passages du livre des Considérations : « Lorsqu’il s’agit, dit-elle, d’un écrivain de l’ordre de Mme de Staël, il ne peut être permis de lui prêter des opinions autres que celles qu’elle a elle-même exprimées. […] Ceux-ci n’ont que le moins possible de croyances proprement dites, ils ont des convictions ou des opinions résultant de l’examen. […] En revanche, un esprit supérieur comme Napoléon ne put-il pas reconnaître, à sa rentrée en France dans les Cent-Jours, que l’état de l’opinion exigeait désormais des procédés libéraux, des garanties constitutionnelles permanentes, et qu’on ne pouvait s’empêcher d’en accorder ?
Ce qui irritait surtout contre eux, ce qui exaspérait l’opinion bordelaise royaliste d’alors, rien qu’à prononcer leurs noms, c’est que les frères Faucher étaient moins des bonapartistes purs que des girondins, ou même, en remontant plus haut, de ci-devant royalistes considérés comme renégats et apostats, parce que le mouvement des Cent-Jours les avait pris par le côté patriotique et les avait ralliés in extremis à Napoléon ainsi que les Carnot, les Lecourbe. […] Il demandait comme pardon de son rôle d’office aux juges et à l’opinion environnante et soulevée, qui réclamait en mugissant sa proie. […] Ce pays-ci en effet, dans sa vie publique, va tellement par sauts et par bonds, les vainqueurs du jour y sont tellement vainqueurs, et les vaincus y sont tellement vaincus et battus, qu’au lendemain de la seconde rentrée il n’y avait eu d’action, d’influence et de zèle que de la part de l’opinion triomphante ; elle avait eu partout le champ libre, et personne ne lui avait disputé le haut ni le bas du pavé ; les opposants étaient comme rentrés sous terre et avaient disparu. […] Il n’eût fait qu’exprimer l’opinion de bien des membres présents. […] M. d’Argenson s’avisa de demander qu’on procédât, comme en Angleterre, lorsqu’on veut suspendre l’habeas corpus, et qu’on fît préalablement une enquête pour prouver que les lois en vigueur ne suffisaient pas ; autrement, on est réduit, disait-il, à se décider d’après des faits isolés, sur des rapports partiels et contradictoires qui ne permettent pas d’asseoir une opinion : « Et c’est ainsi, continuait-il, que tandis que les uns parlent de clameurs séditieuses, de provocations insensées à la révolte, les autres ont déchiré mon âme en annonçant que des protestants avaient été massacrés dans le Midi. » A ces mots une violente agitation s’empara de l’Assemblée ; les cris : A l’ordre !
. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] J’acquérais ainsi l’habitude du travail, de la maturité dans mes idées ; je m’étais déjà exercé sur divers objets, j’avais vu différents pays, beaucoup d’hommes et de choses ; j’avais donc, dès cette époque, des opinions arrêtées sur les intérêts et les devoirs des hommes, sur la morale, sur l’administration, sur la politique. Ces opinions, dans d’autres circonstances, ont pu se développer, devenir plus réfléchies ; mais je ne me rappelle pas en avoir jamais changé. » Malouet, en ces deux années d’études originales, faites aux sources, avait acquis la première étoffe, non-seulement du commissaire administrateur de Cayenne et de la Guyane, non-seulement de l’intendant de Toulon, mais celle du conseiller d’État qu’il fut depuis, du grand administrateur, créateur de l’arsenal d’Anvers, et du ministre de la marine. […] En toute discussion il avait pour principe de prendre dans les opinions extrêmes en présence ce qui lui paraissait raisonnable pour composer la sienne, et il comptait un peu trop ensuite, pour la faire prévaloir, sur la force et la justesse de ses raisonnements. […] Il en fut de cette sage et pure esquisse de Malouet, en présence du météore littéraire de Chateaubriand, comme il en avait été en politique de ses opinions modérées à côté des foudres de Mirabeau.
En 1677, Boileau ne prend pas sur ce ton les opinions du duc de Montausier. […] Il se borne à rapporter l’opinion reçue : « On dit que Boileau avait en vue madame Deshoulières, une des protectrices de Pradon, et qui fit un sonnet sur la Phèdre de Racine. » On dit, est fort sage, en effet, en 1677, quand Phèdre a paru, madame Deshoulières avait depuis longtemps rompu avec les écrivains qui avaient intéressé sa première jeunesse, tels que les d’Urfé, les La Calprenède, les Scudéry. […] Cette imputation est contraire à tous les documents que nous avons de ce temps-là ; et il importe à l’opinion que j’ai à cœur d’établir, de faire tomber cette erreur. Le commentateur a pour excuse quelques préjugés qu’il a trouvés établis sur l’opinion de madame de Sévigné à l’égard de Racine. […] Au reste, elle ajoute à son opinion sur les deux historiographes la citation de plusieurs louanges fort ridicules qu’on disait avoir été données par eux au roi en personne à l’armée, et elle finit avec beaucoup de raison par ces mots : Combien de pauvretés !
Laffitte a fait l’essai non pas d’un système, mais de l’absence de tout système, mais du gouvernement par abandon. » Comment se fait-il donc qu’au moment où ce système à la dérive cessait, où un homme ferme et impérieux, Casimir Périer, se saisissait du pouvoir et allait par son énergie créer à la monarchie de Louis-Philippe le ressort sur lequel elle a vécu depuis, comment se fait-il que Carrel ait poussé un cri de colère, et l’ait dénoncé à l’instant comme le Polignac de la branche cadette, et qui allait consommer l’attentat contre les opinions véritablement nationales ? […] Cet homme ayant manqué à l’heure opportune, le cours des événements et des opinions s’était dirigé autrement et au hasard ; au point où le prit Casimir Périer, il fit la seule chose forte et hardie qui était possible alors : il mit un bras de fer dans la roue du char lancé à l’aventure, et l’arrêta. […] Et quand on songe que Zumalacárregui était un chef carliste espagnol, on y voit par un exemple sensible à quel point, dans l’estime de Carrel, le caractère de l’homme passait avant les opinions mêmes et le drapeau. […] Durant ces années 1831-1832, Carrel s’était fait une belle existence, et la première dans la presse de l’opposition ; il jouissait à cet égard par le talent, par le succès dans l’opinion, par l’ascendant marqué qu’il prenait chaque jour, et par la contradiction même qui allait à sa nature amie de la lutte. […] Vous avez fait de moi une espèce de partisan politique et littéraire, faisant la guerre en conscience pour le compte de ses opinions qui se trouvent celles du grand nombre, sans prendre ni recevoir de mot d’ordre d’aucune autorité organisée ; ennemi du pouvoir, sans engagement avec l’opposition légale, ni même avec les affiliations populaires.
OPINIONS. […] Paul Bourget, — que Théophile Gautier aurait cru rabaisser en le traitant d’éloquent et de passionné ; car il avait, Gautier, sur les éloquents et les passionnés, l’opinion que les citrouilles gelées pourraient avoir sur les boulets rouges et la poudre à canon, — M.
. — Les Opinions de M. […] OPINIONS.
Nous y ajouterons ce morceau, où le Poëte fait parler la Raison, qui vient de l’exhorter à ne pas la confondre avec l’Opinion. Fuis le fantôme vain qui porte mes couleurs, La folle Opinion, Reine des fantastiques, Source de tant de biens & de maux chimériques.
À cette doctrine de la perception immédiate et passive se rattache l’opinion de l’auteur sur la vision. […] Quoique l’ensemble de ses arguments ne paraisse pas de nature à produire la conviction, il faut reconnaître qu’il a produit des faits difficiles à expliquer dans l’opinion contraire à la sienne. […] Ainsi lorsqu’on laisse de côté le langage vague sur la liberté de la volonté — qui est, comme on l’a dit, la liberté de quelque chose qui n’existe pas — la véritable question se présente sous une forme qui ne laisse plus guère de place à une divergence d’opinions.
Parce qu’il avait succombé par la guerre, après avoir brillé par elle, l’opinion n’en faisait plus qu’un planteur de tentes. […] Les passions, avec leur mot haineux de « châtiment de la Providence », les poètes, avec leur mot trop employé de « météore », avaient égaré l’opinion. […] Cette fausse conception de la réalité ne pouvait-elle pas passer de l’opinion dans l’Histoire, et la critique, qui en garde les avenues, ne devait-elle pas signaler un ouvrage qui rend maintenant impossible à une telle erreur d’y pénétrer ?
Il n’y a pas de délit d’opinion. […] Elle ne délibère pas, elle obéit à des passions, à de grands courants d’opinion, à des coups de vent. […] Et j’appelle Etat dans l’Etat, non seulement une association, mais tout ce qui est communauté d’opinion. […] Car enfin il se forme ainsi une, deux, trois communautés d’opinions ; et, pour être peut-être d’un jour (et elles ne seront pas d’un jour) ces communautés d’opinions n’en sont pas moins bel et bien des associations. […] Il sentait l’opinion contre lui.
Elle est une puissance ; et sa puissance est celle de l’opinion. […] C’est cette opinion que M. […] La voix de l’opinion cesse de lui être perceptible. […] Son opinion d’aujourd’hui heurte-t-elle son opinion d’hier ou la raison commune ? […] Dans les petites villes règne la tyrannie de l’opinion.
Ce qui fait que les juifs ont dû être admis comme citoyens, et qu’ils sont aujourd’hui honorés et respectés dans toute réunion et assemblée publique et politique, c’est qu’il a été démontré qu’on peut être de cette religion, de cette opinion, sans être pour cela ni moins honnête homme, ni moins bon citoyen, ni moins fidèle sujet (dans les pays où il y a des sujets), ni moins exact à remplir tous les devoirs de la famille et de la société. […] c’est là l’unique mesure, messieurs, et cette mesure, il est temps, selon moi, qu’on rapplique indistinctement, non-seulement aux protestants, non-seulement aux juifs, aux mahométans, mais à un autre ordre d’opinions et à tous ceux que, pour un motif ou pour un autre, et à quelque degré que ce soit, on s’est accoutumé à classer et à désigner sous le nom de libres penseurs (Rumeurs. — Exclamations. […] En effet, quelque opinion qu’on ait personnellement sur telle ou telle de leurs doctrines, ils présentent évidemment le double caractère qui rend un ordre de citoyens respectable dans l’État moderne : le nombre d’abord, le nombre croissant (je l’affirme, et en pourrait-on douter, quoiqu’il n’y ait pas de recensement ni de statistique officielle ? […] Sans donc aller jusqu’à nier qu’il y ait telle ou telle opinion, conviction ou croyance, qui puisse ajouter quelque chose dans les âmes à la sanction morale des prescriptions légales, je maintiens que le meilleur et le plus sûr principe et fondement de la légitimité des lois qui régissent les sociétés humaines est encore et sera toujours dans leur nécessité, dans leur utilité même. […] La mollesse des mœurs, la lâcheté des opinions, la facilité ou la connivence des gens bien appris, laissent le champ libre plus que jamais en aucun temps à l’activité et au succès d’un parti ardent qui a ses intelligences jusque dans le cœur de la place et qui semble, par instants, près de déborder le pouvoir lui-même.
Il n’a rien d’une opinion dogmatique et impérieuse. On dirait plutôt l’humeur pacifique d’un homme de bien, qui veut tout au plus humilier les opinions superbes du récit de leurs contradictions, et apaiser les esprits par l’histoire des excès où l’on tombe en abondant trop dans son sens. […] Le doute de Bayle ne s’impose pas, ne régente personne, honore dans les opinions la liberté de la pensée, dans les erreurs le droit de chercher la vérité, ne blâme que les persécuteurs, et prend plaisir à tout. […] Ajoutez à cette séduction du tour d’esprit de l’homme, le charme d’un langage sain, naturel, aisé plutôt que négligé, assez négligé toutefois pour qu’on ne se sentît pas pris dans un filet en apparence si lâche, et vous vous figurerez les ravages que dut faire ce doute, plus semblable à une volupté de l’esprit qu’à une opinion. […] L’intérêt qu’ils y prennent passe facilement pour une violence faite aux consciences, et l’opinion protégée, fût-elle la bonne, a le tort de l’être de par l’autorité.
Sans doute la persévérance qu’on a dans ses opinions prouve la grande conviction que l’on a de son droit ; mais quand la voix publique condamne l’objet de nos récriminations, il est plus que déraisonnable de ne pas céder, ou du moins de ne pas réclamer contre elle avec douceur et politesse. […] Si mes opinions se trouvent encore sur ce sujet contraire aux vôtres, c’est que probablement il est dans ma destinée de ne pas voir les objets sous la même forme que vous. […] Sous un gouvernement comme le nôtre, chacun est bien libre d’avoir une opinion et de pouvoir la faire connaître tout entière. […] Tous les autres spectateurs, en payant leurs places qui comprendraient les deux autres tiers de la salle, ne craindraient plus alors de manifester leur opinion, certains qu’ils seraient que ce premier public ne leur serait point imposé selon saint Alexandre ou saint Victor. Ce public, dont la majorité se composerait d’éléments honnêtes, pourrait alors manifester franchement son opinion ; et l’auteur, dès la première représentation, saurait à quoi s’en tenir sur sa défaite ou son triomphe.
Et il ne le fut pas seulement par ses fonctions officielles à l’Académie, il le fut de plus par le consentement de cette bonne fille d’Opinion publique, qui a parfois un jour de complaisance sur lequel un homme peut vivre aisément… une éternité. […] — que Villemain est un grand improvisateur ; mais c’est là encore un de ces doux mensonges de l’opinion sur le compte de son ancien et bien-aimé baby, une de ces assertions qui ne supportent pas le regard. […] Opinion risible ! […] … En Angleterre, c’est Fox et Grey qui l’ont séduit et qui l’entraînent, Grey, un homme médiocre qui n’eut qu’une idée et une attitude, — il n’en faut pas plus en politique, — une idée qui a triomphé moins par la force du talent que par la force d’une situation, dans un pays aristocratiquement organisé, comme l’Angleterre, et Fox, comme lord Grey, parce qu’il représentait le wighisme, qui est le libéralisme anglais, cher à tous les libéraux de France, et non pas pour les raisons humaines tirées de l’âme de Fox, et qui, eût-il tort dans ses opinions politiques, ce qu’il eut souvent, faisaient cependant de son âme une toute-puissance d’orateur ! […] L’opinion historique et politique du rhéteur passe à travers sa rhétorique.
Ses opinions politiques et religieuses : vivre en paix. […] Il avait l’esprit vif : dégagé des soucis pratiques et des affaires, il lut, il regarda les hommes, il se regarda lui-même, réfléchissant, conférant, ratiocinant, habile à extraire d’un fait une idée ; il fit ainsi la revue de toutes ses opinions, préjugés, croyances, connaissances, et ce faisant, il fit le tour des idées de son siècle. […] Il a trouvé dans les institutions, les opinions, les mœurs, depuis la façon de s’habiller jusqu’à la morale et la religion, le plus universel, épouvantable et grotesque conflit qui se puisse imaginer. […] Les opinions politiques et religieuses de Montaigne sont assorties à son art de vivre, et y font une pièce nécessaire, puisque, enfin, l’homme doit vivre en société. […] Donc il suivra en politique et en religion les opinions qui préviennent le mieux la guerre civile.
De ce que Newton, contrôleur de la monnaie de Londres, a été d’avis qu’on devait pendre un faux monnayeur convaincu de ce crime par-devant le jury, et de ce qu’il n’ait pas donné à l’avance dans l’opinion de Beccaria contre la peine de mort, je ne vois pas ce qu’on en peut conclure par rapport à son génie ou même à son caractère, et il faut bien être de cette date philanthropique de 1865 pour voir là dedans autre chose qu’une opinion des plus ordinaires et des plus simples, des plus commandées à la date et dans la position de Newton. […] Il a cru devoir aussi s’élever contre le ton de légèreté de Fontenelle qui, craignant de se faire des affaires, était homme, on le sait, à n’avoir pas l’air de tenir beaucoup à son opinion, si on le pressait trop, et à en plaisanter même à la rencontre. — « Trahir la vérité ! […] Fontenelle, s’il ne conclut pas, s’il paraît se jouer en homme d’esprit et en sage peu entêté de son opinion, reste du moins exactement philosophe. […] Les opinions religieuses de M.
Plein de facilité, faisant des vers plus volontiers que de la prose, il aimait de plus à discuter, à demander la raison des choses, à trouver des arguments neufs pour soutenir son opinion. […] Mais, à propos de ce crédit de Perrault et de ce rôle d’intermédiaire entre le ministre et les Académies, à en juger simplement, il m’est impossible, je l’avoue, de partager, l’opinion plus que sévère d’un critique respecté (M. […] La préface de son premier tome, d’abord, est fort spirituelle ; il raconte de nouveau l’origine de la querelle, les injures que lui ont values les opinions exprimées dans le poème du Siècle de Louis le Grand. Il prend d’ailleurs la chose sur un pied d’agrément, et trouve tout naturel qu’on soit d’un sentiment contraire au sien ; « car rien n’est plus permis, ni plus agréable, dit-il, que la diversité d’opinions en ces matières ». […] Quand il parle de Versailles, Perrault a toute la fierté légitime de celui qui fut le bras droit de Colbert dans les bâtiments ; c’est à Versailles qu’il place la scène de ses dialogues ; c’est sur le grand escalier qu’il croit mieux démontrer l’irrésistible triomphe de son opinion.
L’aristocratie d’éducation ou de race lui a probablement donné le sentiment du ridicule de ses propres opinions, et voilà pourquoi à la page 390 de son volume elle dit la cause des femmes compromise par celles qui la prêchent et qui la défendent. […] L’enfant doit être purgé, dit-elle, en s’appuyant sur l’opinion d’un grand médecin de ses amis. […] Nous l’avons dit, malgré le bas-bleu, la blouse, la casquette, le cigare, les défis à, l’opinion chrétienne, Mme Stern, qui a tué son sexe autant qu’elle a pu dans sa personne, a pourtant gardé la chasteté de je ne sais quel goût ; elle n’a pu perdre je ne sais quelle aristocratie, et cette dernière marque de son origine doit la faire cruellement souffrir, quand elle reprend une thèse tombée si bas que personne ne la relève plus. […] V Entre les Esquisses morales et politiques de Daniel Stern et l’Histoire des commencements de la République des Pays-Bas, il s’est écoulé plusieurs années, et l’opinion, pendant ce temps, s’est un peu modifiée sur ces porteuses de noms masculins, que Mme George Sand avait mis à la mode. […] Son histoire commencée en 1581, ne va que jusqu’en 1625, après la mort de Barneveldt ; et cette histoire que je viens de lire n’a changé en rien mon opinion sur Mme Stern en particulier, ni sur son sexe en général, à, qui je ne reconnais pas le droit, démontré par la puissance, d’écrire l’histoire.
C’est cela qui est exquis (page 260) 1 Autre part, puisque nous parlons des choses ineffablement ridicules, Jésus-Christ a toujours cédé à l’opinion, et c’est pour cela qu’il fut sacrifié. Ce fut violenté par l’opinion qu’il accepta le titre de fils de David ; il n’y tenait pas, nous dit Renan avec un lâché admirable ! […] qui a des bontés pour Jésus-Christ et qui lui accorde avec une magnanimité de vainqueur une place unique dans le Panthéon de l’humanité, ont employé, pour dire qu’ils osaient avoir une opinion différente de l’opinion du grand et fort Renan, une papelardise égale à celle de cet archipattepelu qui a introduit, avec le triple sophisme de la diminution, de la probabilité et du peut-être, la papelardise dans l’histoire ! […] L’opinion transforma cet élève de la science allemande, qui n’est pas une si grande sorcière, en une puissance scientifique redoutable.
On sait d’ailleurs, que M. de Pourceaugnac, la comtesse d’Escarbagnas, native d’Angoulême, George Dandin, signalé comme un « riche paysan, mari d’Angélique », et d’autres personnages de Molière, montrent bien quelle était l’opinion du comédien et mieux encore celle de son temps sur les provinciaux. […] Toutes les belles images des gares et des murs ne correspondent guère à la vérité, mais elles indiquent un état de l’opinion et surtout de l’opinion parisienne, qui se passionne aujourd’hui pour la garde-robe de nos aïeux. […] Bien que l’opinion contraire coure les rues ou mieux les librairies, on ne s’ennuie pas plus en province qu’à Paris, à condition d’avoir un esprit capable d’autre chose que d’amusement. […] Il y aurait une contrepartie à faire, et, après avoir établi que le Parisien a souvent une opinion fausse du provincial, on pourrait aisément démontrer que celui-ci méconnaît à son tour le Parisien.
Personne n’eut une plus belle armée pour faire la conquête des opinions humaines. Personne n’eut une plus belle occasion pour faire la conquête des opinions françaises. […] Royer-Collard regarde cette opinion comme une supposition. […] L’histoire de la philosophie en offre trente ou quarante, très-bien faits, très-plausibles, avec lesquels on peut justifier le pour, le contre et les opinions intermédiaires. […] Qu’il ait des opinions, une conduite, des chapeaux et des gants comme le public : cela regarde le public.
On verra au livre III pourquoi nous nous écartons de l’opinion reçue sur ces deux points, et sur le fait même de son existence. — Nous élèverons les mêmes doutes sur celle d’Ésope que nous considérons non comme un individu, mais comme un type idéal, et dont nous plaçons l’époque entre celle d’Homère et celle des sept sages de la Grèce. […] Néanmoins il avoue son ignorance sur trois circonstances essentielles : d’abord il ne sait sous quels consuls, Annibal, vainqueur de Sagonte, quitta l’Espagne pour aller en Italie, ni par quelle partie des Alpes il exécuta son passage, ni quelles étaient alors ses forces ; il trouve sur ce dernier article la plus grande diversité d’opinions dans les anciennes annales. […] Nous ne craindrons point d’aller contre les droits de personne, lorsqu’en traitant ces matières nous ne nous conformerons pas, ou que même nous serons contraires, aux opinions que l’on s’est faites jusqu’ici sur les origines de la civilisation, et que par là nous les ramènerons à des principes scientifiques. […] Nous ne pouvons admettre ni l’une ni l’autre opinion. — Les Grecs ne se servirent point d’hiéroglyphes comme les Égyptiens, mais d’une écriture alphabétique, encore ne l’employèrent-ils que bien des siècles après. — Homère confia ses poèmes à la mémoire des Rapsodes, parce que de son temps les lettres alphabétiques n’étaient point trouvées, ainsi que le soutient Josèphe contre le sentiment d’Appion. — Si Cadmus eût porté les lettres phéniciennes en Grèce, la Béotie qui les eût reçues la première n’eût-elle pas dû se distinguer par sa civilisation entre toutes les parties de la Grèce ?
Or, « si j’écoute l’opinion d’autrui, — disait Goethe avec un bon sens suprême, — il faut qu’elle soit exprimée d’une manière positive, car j’ai bien assez d’opinions problématiques en moi ». […] Qu’ils soient, en effet, des idées générales ou des faits particuliers, des philosophies ou des histoires, les livres sont toujours des opinions et des enseignements.
La gloire est faite de toutes pièces avec les opinions des hommes ; il entre autant d’erreurs que de vérités dans la composition de ce bronze sonore. […] Orgueilleux, mobile, fantasque et farouche, qui de bonne heure avait porté au pouvoir, pour lequel il n’était pas fait, une instabilité d’opinion qui était comme la nostalgie de son génie même, ce prieur de Florence qui ne devait être que le poète de Florence, ce Guelfe devenu Gibelin sans motif que puisse articuler l’Histoire, ce sombre déserteur qui passa à l’ennemi et mérita bien l’exil contre lequel il a rugi comme il aurait rugi contre toute autre chose, ce lion inévitable, s’il n’avait pas été exilé, enfin ce majestueux Dante, idéalisé par son poème, était au fond une assez insupportable réalité. […] Selon lui, le Paradis est la partie la plus belle du poème, comme l’Enfer doit rester littérairement la plus populaire, et les raisons que le jeune lauréat a données de son opinion sont d’une solidité et d’une sagacité qui font bien présager de ce sens critique que je vois poindre en lui et qui est encore à l’état d’aurore.
Et on lui aurait probablement fait payer cher la distinction mâle de son talent, si cette distinction de talent ne lui avait servi à exprimer des opinions excessivement démocratiques. […] Son tempérament et ses opinions, les voilà eux-mêmes en guerre sur ce point. […] Ces qualités, qui feront peut-être un jour de Ranc un polémiste de premier ordre, et qui donnent à ses feuilletons de théâtre une simplicité et une sévérité d’expression (je ne dis pas d’opinion) à laquelle les feuilletons de théâtre ne nous ont pas accoutumés ; ces qualités sont-elles de celles qui annoncent et promettent le romancier ?
En effet, je parle ici de l’homme qui n’a pas craint d’écrire quelque part : « L’hérétique est celui qui a une opinion. » Bossuet, en matière de foi, n’a pas eu d’opinion ; et il a mis sa gloire à ne rien inventer. […] En aucun temps, les opinions de Bayle n’ont rien eu pour lui de plus saint ni sacré que les opinions des autres. […] Là-dessus, rappelez-vous que nous sommes au temps où Bossuet écrit en propres termes — j’ai déjà cité la phrase : — « L’hérétique est celui qui a une opinion » ; et l’Europe entière est effectivement de l’opinion de Bossuet. […] Cent ans avant que d’être inscrite dans les lois, la cause de la tolérance était gagnée dans l’opinion. […] Perrault, en habile homme, se sentant soutenu par l’opinion des coteries littéraires, ouvrit sa voile au vent nouveau qui soufflait.
Ce n’est pas que j’interdise à la philosophie de dire son opinion sur la question que M. […] Je veux faire entendre seulement que, tout en parlant sans cesse de la science pure et abstraite, ils n’ont été guère jusqu’ici que des chefs d’opinion. […] Tel est le mouvement qui entraîne l’opinion au temps où nous sommes, et il n’y a pas de quoi être très-fier. […] Je dirai aussi qu’il ne faut pas trop se préoccuper des opinions du jour, et consumer sa force dans des débats qui au fond sont assez stériles. […] Caro fût fait ; mais, maintenant qu’il est fait, j’aimerais assez qu’on s’occupât d’autre chose que de critiquer les opinions d’autrui.
C’était un reste des vieilles opinions, qui tenaient le commerce à déshonneur. […] Malgré les différences d’opinion, il a reçu le clergé français avec une charité vraiment chrétienne. […] Étrange vicissitude des opinions et des affaires humaines ! […] Il fonde son opinion sur des raisons qui paraissent d’un très grand poids. […] Aristote et Cicéron semblent avoir partagé l’opinion de Tacite, ou plutôt Tacite avait puisé cette opinion dans les écrits du philosophe et de l’orateur.
L’opinion des péripatéticiens sur l’utilité des passions est-elle vraie ? […] Mais gardez-vous de dédaigner un ouvrage plein d’idées sublimes, qui vous détrompera ou qui vous affermira dans votre opinion. […] Il me semble que j’aurais mauvaise opinion de celui à qui son chien aurait sauvé la vie, et qui ne l’en aimerait pas davantage. […] XXVI) que de ne pas régler notre conduite sur vos opinions. […] Ma conscience, et non votre opinion, sera la règle de ma vie ; mon propre témoignage prévaudra auprès de moi sur celui de tout un peuple.
Race plus raisonnable que morale, parce qu’elle est gouvernée par la notion du vrai plutôt que du bien, plus facile à persuader par la justice que par la charité ; indocile, même quand elle est gouvernable, tenant plus à la liber té de parler qu’au droit d’agir, et encline à railler toujours l’autorité pour manifester l’indépendance de son esprit : elle a le plus vif sentiment de l’unité, d’où vient que la tolérance intellectuelle lui est peu familière, et qu’elle est moutonnière, esclave de la mode et de l’opinion, mais tyrannique aussi, pour imposer à autrui la mode et l’opinion, chacun voulant ou penser avec tout le monde ou faire penser tout le inonde avec soi.
Qu’on change les organes de ceux à qui l’on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion sans blâmer l’opinion des autres.
combien n’ai-je pas regretté souvent, en l’écoutant ou en le lisant, que les convenances mutuelles et que le respect extérieur pour nos opinions m’empêchassent d’admirer de plus près une si belle intelligence, et qu’un tel homme vécût à quatre pas de moi sans que je jouisse à satiété de son entretien ! […] Je le crois, et je dis tout de suite que, dans mon opinion, cette qualité, c’est l’intelligence. […] Un sénat, un corps législatif, un tribunat, un pouvoir exécutif des trois consuls, un conseil d’État, mais surtout un homme investi d’une force d’opinion irrésistible pour faire jouer le mécanisme et pour le déjouer s’il en était gêné dans son omnipotence, voilà toute la Constitution de l’an VIII. […] Thiers ne s’arrête qu’un instant à considérer les effets de la bataille de Marengo sur l’opinion de la France ; il reporte le regard et la pensée sur l’Allemagne. […] Sa volonté se bornait à plaire, ses vues consistaient en opinions du moment, son travail était nul.
Les opinions stoïciennes n’unissaient point la sensibilité à la morale ; la littérature des peuples du Nord n’avait point encore fait aimer les images sombres ; le genre humain n’avait pas encore atteint, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’âge de la mélancolie ; l’homme luttant contre les souffrances de l’âme, ne leur opposait que la force, et non cette résignation sensible, qui n’étouffe point la peine et ne rougit point des regrets. […] L’éloquence de la tribune était, dans la république d’Athènes, aussi parfaite qu’il le fallait pour entraîner l’opinion des auditeurs. […] L’amour de la réputation était le principe de toutes les actions des Grecs ; ils étudiaient, pour être admirés ; ils supportaient la douleur, pour exciter l’intérêt ; ils adoptaient des opinions, pour avoir des disciples ; ils défendaient leur patrie, pour la gouverner21.
Quelle que fût l’opinion à laquelle on appartiendrait, soit qu’on fût pour la règle, l’autorité et la tradition dans les lettres, soit, au contraire, qu’on adoptât le système de l’indépendance sans limites et de l’individualité à tous crins, il y aurait dans l’histoire de l’Académie, de cette institution d’un grand homme qui porta en toutes choses le sentiment d’un ordre impérieux, oui ! […] On peut s’attester, contrairement à l’opinion du nouvel éditeur dans sa préface, la supériorité de d’Olivet, en comparant ses biographies à celles de Pélisson. […] Il est pourtant un homme que cette histoire, qui ne changera rien à l’opinion et ne rallumera pas une renommée, a grandi infiniment sans le vouloir et sans y penser, quoiqu’il n’eût pas besoin d’être grandi pour être grand.
L’opinion, qui s’émut pour lui autrefois, cette opinion qui, faute de lauriers, le couronna avec des bandelettes de victime, ne trouvera plus ici son utile condamné du Spielberg, pour lequel elle quêtait des larmes. […] Quand on voudra juger définitivement désormais le gouvernement autrichien dans ses rapports avec le carbonarisme d’Italie, il faudra invoquer l’opinion de Silvio Pellico pour établir le droit de l’Autriche… Et c’est ce que les démocrates, non seulement de l’Italie, mais de toutes les parties du monde, ne pourront jamais lui pardonner !
En vain une femme, une Chinoise, la seule Chinoise bas bleu ou babouche bleue que l’on connaisse et qu’ait eue la Chine, la célèbre Pan-Hoeï-Pan, a eu une opinion contraire à celle de M. […] Louis-Auguste Martin n’a pas l’humble opinion de madame Pan-Hoeï-Pan, et il lui résiste vertueusement, au nom de la morale universelle, comme un Joseph… intellectuel. […] Quant aux détails chinois du livre, ils sont pris à Duhald, au père Amyot, à Brosset, loyalement cités, du reste, et à notre courageux et impartial voyageur, le père Hue qui, lui, ne nous donna pas sur la Chine des idées de troisième main… Il y a bien ici par là deux ou trois manières assez inconvenantes de parler du christianisme et de son divin fondateur qui étonnent et détonnent dans l’auteur, athée discret qui surveille sa parole tout en laissant passer sa pensée, et qui, quoique badaud d’opinion, a quelquefois le sourire fin… M.
L’opinion qui s’émut pour lui autrefois, cette opinion qui, faute de lauriers, le couronna avec des bandelettes de victime, ne trouvera plus ici son utile condamné du Spielberg, pour lequel elle quêtait des larmes. […] Quand on voudra juger définitivement désormais le gouvernement autrichien dans ses rapports avec le carbonarisme d’Italie, il faudra invoquer l’opinion de Silvio Pellico pour établir le droit de l’Autriche… Et c’est ce que les démocrates, non seulement de l’Italie, mais de toutes les parties du monde, ne pourront jamais lui pardonner !
Il n’a rien omis de toutes les diverses déclarations du comte de Chambord, à ses amis en particulier et à tous les Français en masse, depuis 1848 jusqu’en 1879, et il a opposé au Syllabus, dont le prince reconnaît verbalement l’autorité souveraine, des opinions et des déclarations qui en sont la négation explicite ; et non seulement il a cité en détail ces paroles, qui sont déjà des actes, mais il a prouvé qu’avec l’éducation que le dernier des rois de France a reçue il devait nécessairement les prononcer. […] … Ce livre, désespérant pour certaines âmes, va scinder peut-être en deux parts l’opinion royaliste, qui n’est pas déjà si puissante, et toute opinion divisée, comme tout royaume divisé, doit périr.
Les progrès y furent rapides, et de nos jours, il existe un mouvement d’opinion et d’étude considérable en faveur du règlement juridique des conflits inter-nationaux. […] Rolin-Jaequemyns réunit des partisans et leur communiqua, en 1873, son projet de fonder un « Institut, indépendant de tout lien officiel, qui servirait d’organe à l’opinion juridique du monde civilisé en matière de droit international. […] Frédéric Passy, pour éclairer des points obscurs, pour dissiper des malentendus, pour calmer des alarmes exagérées et sans fondement, pour apaiser des irritations passagères, pour faire pénétrer enfin dans les sphères parlementaires et gouvernementales elles-mêmes un esprit de modération, de sagesse et d’équité, ces hommes choisis parmi les meilleurs, les mieux informés, les plus écoutés de leurs contrées respectives et obligés par le mandat qu’ils ont reçus, comme ils l’étaient déjà par leurs sentiments communs, de rester en relations les uns avec les autres et de se tenir au courant des faits et de l’opinion ?
Ernest Naville est d’ailleurs, jusqu’à un certain point, indépendant de l’opinion qu’on a des écrits philosophiques et de la doctrine particulière de Maine de Biran ; c’est l’histoire d’un espritet d’une âme. […] D’après mon expérience, que je ne prétends point donner pour preuve de la vérité, je serais donc disposé à conclure que l’état de nos corps, ou un certain mécanisme de notre être que nous ne dirigeons pas, détermine la somme de nos moments heureux ou malheureux ; que nos opinions sont toujours dominées par cet état, et que généralement toutes les affections que l’on regarde vulgairement comme des causes du bonheur ne sont, ainsi que le bonheur même, que des effets de l’organisation. […] Parce qu’il a été vers la fin un adversaire du gouvernement impérial, on aurait tort de le prendre pour un grand partisan du régime constitutionnel ou parlementaire ; selon lui, le seul bon gouvernement est celui sous lequel l’homme trouve le plus de moyens de perfectionner sa nature intellectuelle et morale et de remplir le mieux sa destination sur la terre : or, sûrement, ajoute-t-il, ce n’est pas celui où chacun est occupé sans cesse à défendre ce qu’il croit être ses droits ; où les hommes sont tous portés à s’observer comme des rivaux plutôt qu’à s’aimer et s’entr’aider en frères ; où chaque individu est dominé par l’orgueil ou la vanité de paraître, et cherche son bonheur dans l’opinion, dans la part d’influence qu’il exerce sur ses pareils. […] Lainé et son égal à l’entrée de la carrière, signalé comme lui à l’attention publique et aux honneurs du nouveau régime par le même acte de résistance au régime précédent, il sent bien vite quelle destinée différente ont faite à son ami ses talents d’orateur, et quelle disproportion de classement il en résulte entre eux dans l’opinion ; il en souffre, il s’abandonne tout bas au découragement et prend une part de moins en moins active aux discussions de la Chambre : J’en suis puni (écrivait-il à la fin de l’année 1814) par la perte de cette considération personnelle dont je jouissais il y a un an. Quelle distance s’est élevée dans l’opinion entre mon collègue Lainé et moi !
L’histoire des idées et de l’opinion, dans les années qui ont précédé la Révolution française, ne serait pas complète si l’on ne s’arrêtait à étudier Franklin. […] Il avait beaucoup réfléchi sur la manière de prendre les hommes dans leur propre intérêt, et il avait reconnu qu’il ne faut pas pour cela sembler trop certain et trop assuré de son opinion ; les hommes agréent plus aisément et consentent mieux à recevoir de vous ce qu’ils peuvent croire avoir trouvé en partie eux-mêmes. […] Lorsqu’un autre avançait quelque chose que je croyais une erreur, je me refusais à moi-même le plaisir de le contredire brusquement et de démontrer à l’instant quelque absurdité dans sa proposition ; et, en répondant, je commençais par faire observer que, dans certains cas ou circonstances, son opinion pouvait être juste, mais que, dans le cas présent, il me paraissait, il me semblait qu’il y avait quelque différence, etc. […] Les conversations où j’entrais en étaient plus agréables ; la manière modeste dans laquelle je proposais mes opinions leur procurait un plus facile accueil et moins de contradiction ; j’avais moins de mortification moi-même quand je me trouvais dans mon tort, et je venais plus à bout de faire revenir les autres de leurs erreurs et de les faire tomber d’accord avec moi quand je me trouvais avoir raison. […] Il fera tout pendant des années, auprès de la mère patrie, pour éclairer l’opinion et conjurer les mesures extrêmes ; jusqu’au dernier moment, il s’efforcera d’atteindre à une réconciliation fondée sur l’équité ; un jour qu’un des hommes influents de l’Angleterre (lord Howe) lui en laissera entrevoir l’espérance à la veille même de la rupture, on verra une larme de joie humecter sa joue : mais, l’injustice s’endurcissant et l’orgueil obstiné se bouchant les oreilles, il sera transporté de la plus pure et de la plus invincible des passions ; et lui qui pense que toute paix est bonne, et que toute guerre est mauvaise, il sera pour la guerre alors, pour la sainte guerre d’une défense patriotique et légitime.
Quand la réputation des auteurs est établie, il est aisé d’en parler convenablement, on n’a qu’à se régler sur l’opinion commune ; mais à leurs débuts, au moment où ils s’essayent et où ils s’ignorent en partie eux-mêmes, et à mesure qu’ils se développent, les juger avec tact, avec précision, ne pas s’exagérer leur portée, prédire leur essor ou deviner leurs limites, leur faire les objections sensées à travers la vogue, c’est là le propre du critique né pour l’être. […] Grimm, avant qu’il eût une position diplomatique officielle, était de fait le résident et le chargé d’affaires des puissances auprès de l’opinion française et de l’esprit français, en même temps qu’il était l’interprète et le secrétaire de l’esprit français auprès des puissances. […] Il a un tour de plaisanterie qui lui est propre et qui ne sied qu’à lui… Il aime la solitude, et il est aisé de voir que le goût pour la société ne lui est point naturel : c’est un goût acquis par l’éducation et par l’habitude… Ce je ne sais quoi de solitaire et de renfermé, joint à beaucoup de paresse, rend quelquefois en public son opinion équivoque ; il ne prononce jamais contre son sentiment, mais il le laisse douteux. […] Grimm, au moment où il se lia plus étroitement avec Mme d’Épinay, était complètement fixé d’opinion sur le caractère de Jean-Jacques : on peut dire qu’il fut le premier de ses amis qui vit avec certitude sa folie poindre, et qui l’appela de son vrai nom. […] J’ai voulu combattre son opinion ; je lui ai montré les lettres que nous nous sommes écrites. « Je n’y vois, m’a-t-il dit, de la part de Rousseau que de l’orgueil caché partout : vous lui rendez un fort mauvais service de lui donner l’habitation de l’Ermitage ; mais vous vous en rendez un bien plus mauvais encore.
Toutefois, dominé par l’exclusivisme atavique de son jugement non moins que par l’opinion vulgaire entachée d’erreur, il agit presque toujours comme si les siècles écoulés n’avaient pas modifié du tout au tout la conception nationale de l’homme antique. […] Le sentiment de la foule et même l’opinion raisonnée s’entendent, comme nous l’avons dit, pour envisager chaque nation comme un tout absolument indépendant de son milieu, et « sans fenêtre » sur l’extérieur comme la monade leibnitzienne. […] La première opinion ne peut plus être sérieusement soutenue aujourd’hui, tandis que la seconde s’est affirmée. […] L’opinion vulgaire est inconsciente de ces accords. […] Je le demande, car il ne faut pas se contenter de l’opinion courante, toujours fausse, puisqu’elle prend racine dans le passé : il faut se mettre, pour juger, au point de vue de l’ensemble, si peu étendu que soit le champ de notre vision mentale.
Le plus grand bien de l’humanité devant être le but de tout gouvernement, il s’ensuit que l’opinion de la majorité n’a réellement droit de s’imposer que quand cette majorité représente la raison et l’opinion la plus éclairée. […] À entendre certains politiques, qui se disent libéraux, le gouvernement n’a autre chose à faire qu’à obéir à l’opinion, sans se permettre jamais de diriger le mouvement. […] Massacrer les autres pour son opinion est horrible. […] À ces époques, il n’y a plus que des opinions. Or pourquoi l’État salarierait-il une opinion !
— Mon père, soldat de la République et de l’Empire, bivouaquait en Europe ; je vécus auprès de ma mère et subis ses opinions ; pour elle « la Révolution c’était la guillotine, Bonaparte l’homme qui prenait les fils, l’empire du sabre2 ». […] Emporté par son imagination, Hugo, le converti de 1830, se figurait les opinions de sa mère, non telles qu’elles avaient été, mais telles que les besoins de son excuse les exigeaient. […] Hugo a dû ne savoir à quelle excuse se vouer, pour en arriver à prêter à sa mère défunte, des opinions en contradiction si flagrante avec les actes de sa vie et à nous la montrer traître au parti, traître au roi pour qui elle aurait affronté la mort. […] Il est regrettable que Victor Hugo, au lieu de prêter à sa mère ses opinions royalistes pour pallier son péché de royalisme, n’ait pas simplement avoué la vérité, qui était si honorable. […] D’ailleurs c’était l’opinion générale des politiciens sur celui que Rochefort devait surnommer le Perroquet mélancolique : car même dans l’erreur, Hugo ne fut pas original, en se trompant il imitait quelqu’un.
Mais enfin, cette opinion exclusive par laquelle il imposait en thèse générale l’abstention politique et administrative aux savants, était très ancrée chez M. […] Nos opinions, y compris celles que nous estimons les plus libres et les plus désintéressées, ont presque toujours leur point de départ et d’appui, leur secrète racine dans notre organisation individuelle. […] Quelque opinion qu’on ait sur les conclusions un peu pessimistes de l’article, ce sont là de bonnes et très bonnes pages de littérature. […] Car c’est votre faute, après tout, et vous avez bien votre meâ culpâ à faire ; vieillard de soixante et dix ans, vous avez été imprudent comme un jeune homme ; vous avez traité, quoique déjà averti, des sujets défendus ; vous y avez mêlé des railleries peu séantes, vous avez prêté à un personnage ridicule de vos Dialogues les opinions du Pape lui-même.
OPINIONS. […] [L’Opinion nationale (1862).]
Les personnes qui en avoient jugé autrement que les gens de l’art, et en s’en rapportant au sentiment, s’entrecommuniquent leurs avis, et l’uniformité de leur opinion change en persuasion l’opinion de chaque particulier.
La première, intitulée Argument de l’autorité, renferme l’enseignement des Pères depuis Tertullien jusqu’à Saint-Thomas, et la seconde, qui porte le nom de Raison théologique, est l’examen rapide, mais concluant, des opinions qu’on atirées des livres saints contre le pouvoir temporel des rois. Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.
Les législateurs de l’Égypte eurent les premiers l’idée d’attacher l’homme fortement à quelque chose qui lui survive, et de l’intéresser encore quand il ne serait plus ; ils virent que l’opinion reste sur la terre, quand l’homme en disparaît, et qu’elle porte à travers les siècles, la renommée et le mépris ; ils soumirent donc l’opinion à la loi : alors la loi atteignit l’homme au fond de la tombe, et l’on redouta quelque chose sur la terre, même au-delà de la vie.
Mais ces deux poèmes qui nous sont parvenus, nous forcent de n’admettre cette opinion qu’à demi, et de dire qu’Homère a été l’idéal ou le caractère héroïque du peuple de la Grèce racontant sa propre histoire dans des chants nationaux. […] D’abord l’incertitude de la patrie d’Homère nous oblige de dire que si les peuples de la Grèce se disputèrent l’honneur de lui avoir donné le jour, et le revendiquèrent tous pour concitoyen, c’est qu’ils étaient eux-mêmes Homère. — S’il y a une telle diversité d’opinion sur l’époque où il a vécu, c’est qu’il vécut en effet dans la bouche et dans la mémoire des mêmes peuples, depuis la guerre de Troie jusqu’au temps de Numa, ce qui fait quatre cent soixante ans. — 2.
(2) Sans doute, la nature de ce cours ne saurait être complètement appréciée, de manière à pouvoir s’en former une opinion définitive, que lorsque les diverses parties en auront été successivement développées. […] On en conçoit aisément la raison ; car c’est l’expérience seule qui a pu nous fournir la mesure de nos forces ; et, si l’homme n’avait d’abord commencé par en avoir une opinion exagérée, elles n’eussent jamais pu acquérir tout le développement dont elles sont susceptibles. […] L’observation intérieure engendre presque autant d’opinions divergentes qu’il y a d’individus croyant s’y livrer. […] Vous savez par quelles considérations purement chimiques l’illustre Berzélius est parvenu à balancer l’opinion de presque tous les chimistes actuels, relativement à la simplicité de ce gaz. […] Ce n’est pas aux lecteurs de cet ouvrage que je croirai jamais devoir prouver que les idées gouvernent et bouleversent le monde, ou, en d’autres termes, que tout le mécanisme social repose finalement sur des opinions.
J’évitais de toutes mes forces d’être confondu avec la nation dont je parle la langue, pendant ses triomphes ; mais je sens vivement, dans ses revers, combien je lui suis attaché, combien je souffre de sa souffrance, combien je suis humilié de son humiliation… Mille intérêts communs, mille souvenirs d’enfance, mille rapports d’opinion, lient ceux qui parlent une même langue, qui possèdent une même littérature, qui défendent un même honneur national. […] L’Empereur, en signant la nomination, avait dit ces paroles, qui lui furent rapportées : « Si je connaissais quelque autre marque de mon estime qui pût être agréable à M. de Sismondi, je serais heureux de la lui envoyer. » Sismondi crut devoir refuser, pour laisser à son opinion tout le prix, du désintéressement. […] Votre esprit est trop philosophique pour que vous ne compreniez pas les deux manières de juger et de sentir, dont l’une tient à la vivacité des impressions présentes, et l’autre à la vivacité des impressions passées ; et dussions-nous pousser, chacun, notre manière propre à l’extrême, vous avez trop de bonté aussi bien que d’étendue dans l’esprit pour ne pas tolérer des opinions qui ne sont pas les vôtres. » La correspondance moins vive, mais toujours affectueuse, se continua jusqu’à la mort de Mme d’Albany. […] Presque tous les hommes accoutumés à penser, et dont les opinions s’étaient formées avant la Révolution, appartiennent encore à l’école de Voltaire, mais ils ont aujourd’hui soixante-dix ans, et ils sont seuls : aucune des générations venues depuis n’a adopté ni leur tour d’esprit ni leurs opinions ; aucun homme, âgé de soixante ans et au-dessous, qui sache écrire, qui exerce la moindre influence, ne professe une incrédulité moqueuse ; il y a des doutes, mais du désir de se rattacher à des opinions plus relevées ; il y a un besoin de religion et de respect pour des croyances que peu de gens, cependant, peuvent adopter complètement.
Royaliste d’opinion et de sentiment, il inaugure, dès 1803, Père recommençante de la monarchie, et il vécut assez pour inaugurer, en 1816, l’ère de l’Académie redevenue bourbonienne et royaliste. […] Augier, par exemple), des tours d’opinions où chaque membre était appelé à improviser son feuilleton pour ainsi dire : chacun savait trouver son point de vue nouveau, son aperçu ; les hommes politiques avaient le leur, et souvent qui n’était pas le moins piquant. […] À partir de là, les choix, plus ou moins libéraux, et qu’acclamait ou désignait l’opinion, se succédèrent. […] Les choix de l’Académie, d’ailleurs, dans les élections diverses qui se sont succédé depuis quelques années, semblent faits et ménagés de telle manière qu’ils ne satisfont pas l’opinion, mais qu’ils ne la désespèrent pas non plus : je veux dire qu’ils n’y sont pas tous contraires. […] Or, depuis trente ans, l’Académie a trop semblé réserver son opinion sur toute chose littéraire, et elle, si prodigue en appréciations politiques, elle a éludé, en revanche, le péril de dire son sentiment dans les matières de goût.
Depuis quelques années déjà, il s’accrédite des opinions bien fausses, selon moi, sur la nature, la qualité et le droit des grands hommes. […] Bien des jugements faux, inexacts, légers et passionnés, outrageux pour d’anciens bienfaiteurs du genre humain, ont été portés par eux, et ont longtemps altéré l’opinion, qui s’en affranchit à peine d’aujourd’hui ; mais le but moral, bien que souvent poursuivi à faux, leur demeura toujours présent ; la commune pensée humaine, la sympathie fraternelle, fut religieusement maintenue. […] C’est d’ailleurs le propre de la liberté morale de ne pas céder à la vogue, à l’entraînement, à l’opinion, et de vivre en protestant contre ce qui voudrait l’accabler. […] Lui, qui hier encore était tout rassasié de Mirabeau et ne croyait avoir rien d’important à apprendre sur cet homme si controversé ; lui, lecteur, qui hier ne connaissait le marquis économiste que par quelques ennuyeux volumes ou quelques épigrammes, et ne connaissait pas du tout le bailli, le voilà tout d’un coup épris d’eux, altéré de leur vie, de leurs opinions, de leur langage ; le voilà qui se fâche presque contre M. […] Pour tout résumer de l’opinion actuelle sur Mirabeau, — comme homme privé, il est jugé plus indulgemment, plus affectueusement même à travers ses désordres ; — comme renommée de grand citoyen, il a déchu, ou plutôt il a été dégradé : — comme tête politique, il a grandi.
Il ne tarda pas, moitié par la passion de la propagande religieuse, moitié par l’autorité de son talent royaliste, à se former, dans un petit appartement d’un faubourg de Paris, une espèce de cour de jeunes gens fanatiquement dévoués à ses opinions changeantes, mais toujours extrêmes, qui lui faisait un cénacle. […] J’écrivis seulement à Genoude de ne plus compromettre mon nom dans des causes qui n’étaient pas selon mes opinions, et tout fut dit. […] Il rédigeait alors, sous le nom du Peuple constituant, un journal auquel son nom et son talent devaient donner une influence décisive sur l’opinion républicaine. […] Il quitta la Chambre et il suivit dans tous ses excès les différentes phases de l’opinion qu’il avait adoptée. On sait comment il mourut, luttant contre les opinions religieuses pour lesquelles il avait écrit plus jeune, martyr du doute pour avoir trop affirmé dans tous les sens ; on ne put l’accuser, du moins, d’une mort intéressée, car il mourut avec constance dans son incrédulité.
Je demande, à cet effet, que l’on oublie toutes les opinions, toutes les injures, tous les éloges conventionnels, toutes les hypocrisies, la foule des banalités écrites ou proférées autour de cet homme, pour ne se souvenir que de son œuvre et de ses idées, de ce qu’il a dit et pensé véritablement. […] Il s’agit là d’une création spontanée de l’esprit et cela n’a plus rien de commun avec la constatation des phénomènes naturels, dans lesquels notre esprit ne doit rien créer. » Opinion que Zola repousse énergiquement et avec logique, puisqu’elle serait la négation de sa méthode expérimentable appliquée à la littérature. […] S’aidant des nouvelles opinions de la science la plus avancée, en chimie et en biologie, la pensée philosophique se trouve actuellement à la veille d’une nouvelle synthèse, déjà ébauchée dans quelques esprits, qui établira, sans nul doute, que la théorie si brillamment illustrée par Zola, c’est-à-dire le matérialisme scientifique, est actuellement dépassée. […] Parallèlement à cette étude de la matière, l’étude des phénomènes psychologiques est venue peu à peu ruiner l’antique opinion d’une « âme », totalement indépendante du corps et de principe opposé. […] Il n’est pas vrai, que j’aie voulu corrompre et décourager les esprits, et, si cette opinion me laisse indifférent à cette heure, c’est que je ne crois pas à sa durée.
Pleins d’un amour sincère pour la patrie, ils sont prêts à faire pour elle de grands sacrifices : cependant la civilisation trouve souvent en eux des adversaires ; ils confondent ses abus avec ses bienfaits, et dans leur esprit l’idée du mal est indissolublement unie à celle du nouveau. » Cette absence de lien entre les opinions et les goûts, entre les actes et les sentiments, entre l’énergie des désirs et la justesse des vues, ce divorce trop habituel entre les convictions chrétiennes restantes et les sympathies de l’avenir, toute cette confusion morale attriste le jeune philosophe et lui semble un symptôme presque unique dans l’histoire. […] Faut-il donc, pensais-je en lisant, quitter la patrie, pour que de tels résultats s’accomplissent, et n’y aura-t-il jamais, au sein du vieux monde, un moment où tous les vaincus, les blessés, les puritains des diverses opinions donneront l’exemple d’une union sur un terrain commun incontesté, et offriront un concours de bon sens vers une liberté pacifique et solide ? […] Vous êtes du nombre de ceux que le public aime à voir devant lui, pour lui tracer la route d’opinion qu’il doit suivre.
La manie philosophique est venue renforcer la bonne opinion qu'il avoit de ses talens, & a achevé de répandre sur ses idées & sur ses expressions une morgue empesée & sentencieuse, qui défigure totalement son style. […] Tant de difficultés n'effrayerent point Descartes ; il examine tous les tableaux de son imagination, & les compare avec les objets réels ; il descend dans l'intérieur de ses perceptions qu'il analyse…… Son entendement, peuplé auparavant d'opinions & d'idées, devient un désert immense **. Entendement peuplé d'opinions, puis devenu un désert immense !
Inévitable conséquence de l’esprit moderne et de notre état de société, admis par l’opinion en principe et en fait, les concours ont cependant besoin, pour mériter ce nom d’institution, qui implique l’ordre et la durée traditionnelle, d’un peu plus que d’un principe, même généralement consenti, et d’un fait irrégulier ou mal assis. […] César Daly, avec ses opinions philosophiques, le tour indépendant de son esprit et toute la vie de son impatiente originalité, interpréterait-il bien l’idée chrétienne d’un monument qui remontait à un autre âge, à un âge dont il a dit parfois que les inspirations étaient finies ? […] Et c’est ici, on le voit, que l’opinion de Daly cesse d’être la mienne.
Dans ce moment où la mollesse de l’opinion sur tant de choses est la torpille qui engourdit les plus énergiques cerveaux, il faudrait, pour bien juger de la politique de Louis XIV, avoir plus que de l’historien dans la tête : il faudrait y avoir de l’homme d’État. […] … L’expression du livre en question l’atteste encore plus que les opinions qu’on y trouve. […] Quant à celui de Weiss, quant à cette histoire qui n’est que le bas-côté d’une autre histoire bien plus élevée et bien plus profonde, nous avons dit qu’elle pouvait être sa portée sur l’opinion de notre temps.
N’a-t-elle pas une initiative à prendre contre les préjugés d’opinion, les injustices et les jugements absurdes entretenus par les livres ou que les livres ne redressent pas ? […] Eh bien, l’Opinion, et l’opinion éclairée et savante !
Il en a pris les goûts, les opinions et les mœurs. […] … On désirerait avoir les opinions et les impressions de Doudan sur ces événements. […] Avec ses impressions, nous aurions probablement, par reflet ou par ricochet, les opinions de la maison de Broglie au moment de ces catastrophes.
Alexandre Dumas, le chef de cette École de producteurs, qui imposa un instant à l’Opinion étonnée et qui se donnait, avec une gasconnade presque splendide, pour un volcan d’idées et d’inventions à jet continu, a dû être terriblement humilié en voyant de petits jeunes gens littéraires et jusqu’à des femmes imiter sans effort son genre de génie et continuer cette plaisanterie de la grande production, qui est l’ébahissement des sots. […] Quand il écrivit ses Mémoires de Mathilde, ce fut à la reprise dans l’opinion du grand livre des Liaisons dangereuses, et partout il fut écrasé par les modèles qu’il avait choisis. […] Il changea d’attitudes et d’allures, passant immédiatement d’un extrême à l’autre, comme chez la duchesse ; défaisant ce qu’il avait fait avec une obéissance désespérée à l’opinion la plus méprisée par lui jusque-là ; littérairement tombant au-dessous de lui-même, employant la riche palette que nous lui reconnaissons, son seul don littéraire, aux gravures sur bois du Juif Errant et des Mystères du Peuple, et, comme on l’a dit de M.
S’il n’obtenait pas l’assentiment qui est le gain des opinions franches, il avait l’applaudissement qui est le profit des opinions complaisantes. […] Il se peut qu’on trouve un mystique dans l’opinion républicaine ; dans l’opinion libérale, je le cherche encore. […] C’est à cette opinion flatteuse de mon crédit que je dus de faire sa connaissance. […] Sur la cause première, je n’ai pas d’opinion. […] P***, plus ardent que son aîné dans leur opinion commune.
Toutefois, comme je ne suis ici que rapporteur et que je me borne à relever les principales opinions du personnage que j’étudie, je ferai remarquer que Roederer n’était pas sans quelque inconséquence. […] En 1804, à la veille de l’Empire, causant avec lui aux Tuileries, pensant tout haut, exprimant son impatience des injustices de l’opinion parisienne à ce moment, son ennui des résistances qu’il éprouvait dans ses vues de la part même de quelques-uns de ses proches, le premier consul disait ces paroles qui renferment une trop haute et trop soudaine définition personnelle pour ne pas être recueillies : Au reste, moi je n’ai point d’ambition… (Et se reprenant :) ou, si j’en ai, elle m’est si naturelle, elle m’est tellement innée, elle est si bien attachée à mon existence, qu’elle est comme le sang qui coule dans mes veines, comme l’air que je respire. […] L’auteur avait traité trop légèrement, sans assez d’égards, quelques opinions contraires à la sienne, qu’il avait rencontrées sur son chemin : à propos des précieuses, il se fit des affaires presque aussi vives qu’au 10 Août ou qu’aux approches de Vendémiaire. […] Sans doute, l’opinion si ingénieusement tissue et si subtilement déduite de Roederer est contestable ; qui le nie ? […] Roederer signa la seconde édition de son Adresse et revendiqua l’honneur de son opinion.
Pendant les six semaines qui suivirent ces meurtres de Blois, et dans la fureur universelle de l’opinion contre le monarque assassin, dans la faveur et l’enthousiasme qui allaient grossissant de toutes parts autour de lui, le frère et le vengeur des victimes, il n’y avait rien qu’il ne put oser. […] J’ai vu tel lui venir communiquer d’un fait d’importance, duquel il n’avait en sa vie ouï parler, qui s’en retournait avec une opinion que quelque autre déjà en avait fait ouverture. […] Car là, encore qu’il tâte tous ses capitaines l’un après l’autre, il est bien aise néanmoins que l’on pense que son opinion est des bonnes. […] [NdA] Il m’est impossible, en réimprimant cet article, de ne pas avoir présente une séance intérieure de l’Académie française (14 mai 1857) dans laquelle, à propos du prix Gobert qu’on avait à décerner, des jugements et opinions détaillés ont été donnés par chaque membre sur les deux ouvrages qui étaient en concurrence, l’Histoire de France de M. […] Sur celle-ci en particulier, tout a été dit de ce qui pouvait l’être ; les défauts et les mérites du livre ont été mis en lumière avec une mesure parfaite, dans une suite d’opinions qu’il eût suffi de sténographier pour avoir un excellent modèle de discussion littéraire et historique : que d’instruction j’y ai recueillie moi-même sur un sujet que j’avais précédemment étudié !
Depuis ce moment, et durant les neuf dernières années de la Restauration, il se contenta de servir sa nuance d’opinion par ses discours et ses votes à la Chambre des pairs, en même temps qu’il honorait ses loisirs par la composition de sa grande histoire. […] Gibbon et Hume avaient su combiner avec des opinions très-marquées, et presque des partis pris, de hautes qualités de science et de clairvoyance auxquelles on a trop cessé de rendre justice. […] Un historien très-estimable et très-méritant, M. de Sismondi, plus soucieux des sources et plus porté aux recherches originales qu’on ne l’avait été avant lui, gardait avec cela les formes de l’école philosophique ; il imposait ou du moins il accolait son opinion du jour au fait d’autrefois. […] C’est surtout dans la lutte de Louis XI et de Charles le Téméraire que cet état se marque le mieux, et en même temps son opinion se fait jour. […] Réimprimant en 1829 son ancienne brochure Des Communes et de l’Aristocratie, il s’était félicité d’en retrancher ce qui tenait aux controverses antérieures des partis : « Il y a un grand contentement, disait-il, à supprimer les vivacités d’une vieille polémique, à se censurer soi-même ; à se trouver en harmonie avec des hommes honorables dont autrefois on était plus ou moins divisé ; à se sentir plus toléré et plus tolérant ; à reconnaître qu’autour de soi tout est plus calme dans les opinions et les souvenirs. » Ce passage dut plus d’une fois lui revenir en mémoire, ce me semble, avec le regret de penser qu’il ne se rapportait pas également à d’autres, et qu’à mesure que les choses étaient réellement plus calmes, les esprits des amis entre eux devenaient précisément plus aigris.
Il y avait en 1814 deux opinions, deux sentiments en présence. […] De l’autre côté, il y avait des intérêts civils, patriotiques aussi, mais surtout positifs, des idées longtemps étouffées et qui voulaient renaître ; idées en travail, intérêts en souffrance, lassitude profonde et besoin de paix, chez quelques-uns d’anciens sentiments qui se réveillaient, c’était tout un ensemble d’opinion déjà puissante et mal définie ; mais surtout, à ces premiers jours de 1814, et en face d’une religion militaire qui épuisait ses derniers miracles, il y avait une raison. […] Je n’ai pas à faire son histoire durant les deux Restaurations, et il me suffit de dessiner sa ligne générale de conduite et d’opinion. […] Dans tous les cas, passez chez le prince de Polignac, qui vous donnera des instructions. » Le maréchal, arrivé à Paris, passa chez le prince de Polignac, à l’hôtel des Affaires étrangères, et c’est là seulement qu’il eut connaissance de l’ordonnance signée depuis le dimanche, qui le nommait au commandement des troupes de la 1re division Marmont, depuis 1814, avait été accusé dans l’opinion pour avoir interprété trop librement son devoir militaire. […] Mais, dans le temps, l’opinion royaliste pure sut très bien le distinguer, et parce que l’on comptait davantage sur lui, et parce que, dans les discussions qui avaient porté sur ce point, il s’était mis plus en avant qu’un autre pour le maintien des couleurs nationales.
… Pourquoi n’a-t-il fallu rien moins que les deux volumes que voici : — les Études de critique littéraire, — les Études de littérature et d’histoire, — pour me faire une opinion toute contraire à celle que sur des souvenirs d’articles lus en courant, ici ou là, j’avais gardée de l’écrivain qui, un jour, allongea à la littérature facile ce fameux coup de fouet qui a tant claqué et dont peut-être elle s’est vengée en calomniant son esprit, — en faisant de cet esprit ce qu’il n’était pas2 ? […] Oui, telle a été jusqu’à cette heure, devant l’opinion, la situation de M. […] Et je dis devant l’opinion : je n’ai point à parler ici de sa situation officielle dans l’Université ou à l’Académie. […] Elle prévint l’opinion, et, la plume de M. […] Et on restait, malgré des travaux importants de littérature et d’histoire qui auraient dû changer ou du moins faire réfléchir l’opinion prévenue, on restait sous cette absurde idée de bégueulisme à propos du talent le moins bégueule qui ait jamais existé, à propos de l’esprit le plus correct, c’est la vérité, mais le plus aimable, le plus doué de cet agrément que les agréables ou les formidables de la littérature contemporaine ont osé lui refuser… pendant trente ans !
L’homme d’esprit a tout gâté, l’homme d’esprit qui ne veut pas-avoir l’opinion des imbéciles, comme si l’opinion des imbéciles n’était pas toute la politique de la vie ! […] pour l’universalité des esprits, l’embarras eût été cela même ; l’embarras eût été de faire prendre le change à l’opinion sur des faits aussi clairs que ceux que Chasles produit dans son livre, et qu’on ne lui demandait pas. […] Lui qui avait de la réalité à côté de l’imagination dans la tête, qui avait de l’observation, de la netteté dans le regard, et de la raillerie au service de tout ce qui était hypocrite, pédant et niais, croit à la perfectibilité du genre humain comme le plus simple épicier de cette grande époque, dont c’est l’opinion. […] Enfin, ce n’est pas Chasles non plus qui a inventé de nier les opinions monarchiques de Balzac, et qui n’a pas vu le premier, dans ses œuvres, son éclatant catholicisme.
Je pense même que sur beaucoup de faits de physique, d’astronomie et de géographie, les peintres, les poëtes et les sculpteurs doivent s’en tenir à l’opinion vulgairement reçûë de leur temps, quoiqu’elle soit contredite avec fondement par les sçavans. […] Mais ce n’est point à eux de les établir ni de choquer pour les établir, l’opinion vulgaire, à moins qu’ils n’écrivissent de ces poëmes que nous avons appellez des poëmes dogmatiques.
Il convient cependant de mettre à point quelques-unes de ses opinions. […] S’il pensait ce qu’il affirme, il faudrait conclure qu’il tient mon livre pour absurde et ridicule, et je n’y verrais pas d’inconvénient chacun étant libre de ses opinions ; mais si mon volume est absurde et ridicule, comment peut-il écrire, dans le même article, à propos du même ouvrage : « Hélas !
. — Ses opinions. — Sa philosophie. […] Son œuvre. — Harmonie de son talent, de son opinion et de son œuvre. — Universalité, unité, intérêt de son histoire. — Peinture des Highlands. — Jacques II en Irlande. […] Mais ces opinions anglaises sont tempérées dans Macaulay par l’amour ardent de la justice. […] Il n’expose pas son opinion ; il la plaide. […] Il veut que nous ayons une opinion sur la moralité de l’acte, que nous l’attribuions à ses véritables auteurs, que chacun d’eux ait exactement sa part, et point davantage.
L’opinion moderne, reconnaissante, probablement, de ce qu’il avait travaillé à la destruction de l’autorité religieuse et politique, l’accepta beaucoup trop sur le pied où il se donna d’un homme de génie, et la Critique, si basse souvent, suivit l’opinion, au lieu de la conduire. […] C’est que, s’il s’agit de théâtre, l’opinion s’égare moins. […] A tort ou à raison, l’opinion a reconnu dans Diderot, au milieu de toutes les supériorités qu’elle lui octroie trop généreusement, la supériorité du critique. […] lui, Diderot, l’homme heureux à qui le succès a été si facile, n’a sur la Critique que cette opinion injurieuse et misérable, que cette opinion de rancune qu’ont les esprits maltraités par elle ? […] Opinion littéraire aussi dure à sa façon que son opinion philosophique.
Cette plaisanterie, déplacée sous sa plume, rappelle l’opinion risible d’un érudit qui attribue l’Iliade à un moine de Bruxelles ! […] Cela convenait moins qu’à personne à un homme qui avait fui son pays pour fuir la persécution d’une autre race de persécuteurs d’opinions ! […] Voyez ce qu’il est dans l’opinion des hommes, et comprenez, si vous pouvez, comment il peut ignorer cette opinion ou l’affronter ! […] Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au supplice, comme vous l’avez vu dans la diatribe où il demande la potence pour tout homme qui exprimera, en matière de conscience, une opinion différente de celle des prélats ou des grands officiers de l’État. […] La république, que vous prophétisiez suivie de proscriptions et d’échafauds, a reparu pour abolir la peine de mort, les confiscations, l’esclavage, et pour convier les classes et les opinions hostiles entre elles à ne former qu’un seul peuple solidaire de la même liberté ; elle a péri par sa mansuétude, qui sera un jour son titre à quelque future réhabilitation de la liberté.
Autour de ce trône ressuscité des fils de Louis XIV les salons politiques et littéraires avaient pullulé ; il y en avait dans tous les quartiers patriciens de Paris et pour toutes les nuances de l’opinion. […] La maîtresse de la maison, quoique très jeune et très gracieuse, ne permettait pas à l’esprit de parti d’y prévaloir sur l’esprit d’agrément ; on y rencontrait, sans acception d’opinion, tous les hommes de tout âge qui avaient un nom dans les lettres ou dans la politique, ou qui cherchaient une avant-scène à leur talent. C’était un lieu d’asile inviolable à la colère des opinions au milieu de Paris. […] C’est sans doute à ces vives impressions de foi reçues dans l’enfance que je dois d’avoir conservé des croyances religieuses au milieu de tant d’opinions que j’ai traversées. […] On se précipitait confusément, sans acception de rang ou d’opinions, dans les salles de spectacles, de concerts, de danses, et dans les jardins publics, trop étroits pour les fêtes qui s’y renouvelaient.
Quelques auteurs ont attribué cet effet au défaut d’exercice des muscles de l’oreille, l’animal étant plus rarement alarmé par quelque danger, et cette opinion semble très probable. […] À l’égard des Moutons et des Chèvres, je ne puis me former aucune opinion arrêtée. […] Blyth, dont la science profonde et variée me fait évaluer l’opinion très haut, pense que toutes nos races volatiles proviennent du Coq d’Inde commun (Gallus bankiva). […] Comme plusieurs des raisons qui m’ont amené à cette opinion sont en quelques degrés applicables à d’autres cas, je les exposerai succinctement. […] En faveur de cette opinion, je puis ajouter encore quelques arguments : c’est d’abord que la Columba livia ou le Biset s’est trouvé propre à la domestication en Europe et dans l’Inde, et qu’il y a une grande analogie entre ses habitudes et diverses parties de son organisation, et l’organisation et les habitudes des races domestiques.
J’ai souvent entendu dire, en parlant de M. de Meilhan, que ses écrits ne passaient point la médiocrité ; je m’inscris en faux contre cette opinion. Il a manqué à la réputation de M. de Meilhan quelques années de plus de durée pour être fixée et enregistrée dans l’opinion, et pour que l’auteur fût classé à son tour dans la série des moralistes, à la suite des hommes célèbres dont il a si bien déterminé le caractère et distingué les mérites aux premières pages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787). […] L’année suivante, M. de Meilhan donna un ouvrage d’un tout autre genre, Considérations sur les richesses et le luxe (1787) : c’était un livre par lequel il se posait devant l’opinion comme candidat au ministère et au contrôle général des finances. […] En général, c’est un mérite de M. de Meilhan, il ne parle de Louis XIV et de cette époque qu’avec respect et en connaissance de cause ; dans un parallèle entre Louis XIV et Henri IV, il ose, malgré l’engouement de l’opinion, donner la préférence au premier ; il parle de Mme de Maintenon sans l’injurier jamais et, au contraire, en l’admirant.
Comme la province de Zélande, sous l’influence du prince Maurice, s’opiniâtrait à agir en contradiction des autres provinces et à rejeter la trêve, il l’exhorte à se ranger à l’avis commun (18 novembre 1608 ; il établit que l’honneur est sauf, que la liberté des Provinces-Unies est suffisamment reconnue et proclamée, et dès à présent, et pour toujours ; il conjure messieurs de Zélande de se laisser vaincre dans leur opinion pour le salut de tous. […] Sully, lui écrivant dans les derniers mois, n’avait pu s’empêcher de le louer : J’ai toujours fort estimé la vivacité de votre esprit et la solidité de votre jugement, lui disait ce témoin difficile, mais ces dernières actions m’en donnent meilleure opinion que jamais, ayant su vous débarrasser de tant de diversités et opinions différentes qui tombent d’heure à autre dans l’esprit de toutes les parties avec lesquelles vous avez à traiter ; car non seulement il faut concilier deux ou trois partis fort éloignés de désirs et intentions les uns des autres, mais il semble que vous ayez à faire autant de traités qu’il y a de personnes d’autorité de tous bords, y ayant autant d’opinions que de têtes.
et au contraire, ceux qui sont une fois connus, adoptés par l’opinion et par la renommée, nous les avons sans cesse à la bouche et nous les accablons de couronnes. […] Quoi qu’il en soit, je n’attente sur les droits d’aucun genre ni sur l’opinion de personne, puisque je ne classe pas mon ouvrage et que je déclare que je trouverai fort bon que ceux qui ont refusé aux pièces de Shakespeare le nom de tragédies, quoiqu’elles inspirent la terreur et la pitié, donnent à mon drame le nom de farce, quoiqu’il n’inspire pas le dégoût. […] C’était l’opinion de Dorat, car Dorat connut le drame de Ramond, et, qui plus est, il l’inséra tout entier dans son Journal des dames (octobre 1777). […] C’est ainsi encore qu’à l’occasion des Crétins du Valais dont les hommes notables du pays semblent rougir, les regardant comme une tache pour leur nation, et dont ils n’aiment guère à parler avec les étrangers, mais que le peuple et les enfants même respectent et considèrent au contraire comme une bénédiction, « comme des innocents marqués par le ciel pour n’avoir nulle part aux crimes de la terre et pour arriver sans obstacle au séjour des récompenses », il dira sans hésiter : « Laquelle de ces deux opinions est la plus respectable ?
Au xviiie siècle, nous avons par Voltaire l’opinion de ceux qui daignaient avoir une opinion sur Dante ; dans tout ce qu’il dit du grand Florentin, l’irrévérence perce par tous les pores : Vous voulez connaître Dante, dit-il dans le Dictionnaire philosophique. […] Telle était alors l’opinion, en France, des gens de goût. […] Il ne serait pas juste de ne point compter parmi les puissants stimulants que reçut l’opinion française sur liante, et dans un temps où Fauriel ne travaillait encore que dans l’ombre, les leçons éloquentes de M.
Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus. […] Dans une de vos précédentes lettres, vous m’exhortiez à ne pas me gêner sur les opinions, mais à respecter les personnes. […] Nous en avons tous, et vous m’avez trouvé assez docile en général pour n’être pas scandalisé si je vous dis qu’on n’a rien fait contre les opinions, tant qu’on n’a pas attaqué les personnes 253.
Ordinairement la vérité n’est pas si évidente ni si absolue, qu’elle ne puisse être contestée par des arguments sérieux et contredite par une opinion vraisemblable. […] Vous êtes donc souvent en présence de trois catégories d’arguments : 1º ceux dont l’adversaire se servira pour établir son opinion ; 2º ceux qu’il emploiera à détruire la vôtre ; 3º ceux qui établissent votre opinion.
Lui qui pense, comme les hommes vraiment politiques, que Louis XVI fut moins malheureux que coupable, contrairement à l’opinion commune qui le fait moins coupable que malheureux, lui qui pourrait, comme Vaublanc, resté immuablement royaliste, et Mirabeau, qui le redevint, avoir de ces traits perçants et terribles qui sont moins les vengeances que les justices de l’histoire, sait noblement s’en abstenir. […] une telle possession de soi-même en écrivant une histoire qui nous passionne tous est souverainement éloquente, et s’il y a quelque chose qui doive et qui puisse modifier l’opinion générale sur Louis XVI, c’est cette modération gouvernée, c’est ce goût suprême dans l’expression qu’on emploie pour le condamner. […] Il ne sied guères qu’à ceux qui l’ont tué ou à ceux qui partagent leur opinion terrible de se donner, en parlant de lui, les airs d’une pitié généreuse et dédire le mot accablant qui sera le mot de l’Histoire : « Pauvre, pauvre roi !
II Et l’on est saisi d’autant plus que l’homme dans Segretain est absolu, qu’il appartient à une opinion extrême, et que c’est une coutume, assez sotte, il est vrai, mais une coutume, de croire qu’être dans une opinion extrême c’est être, de nécessité, un fougueux. […] Il prouve admirablement, au contraire, qu’au xvie siècle les novateurs, à commencer par Luther lui-même, ne surent d’abord où aller, voulant une réforme des mœurs, mais tenus en respect par le dogme et l’opinion des peuples qui aimaient encore la « Sainte mère l’Église ».
C’est sans nul doute à ces reines de l’opinion, à ces belles affligées, veuves de sa parole, qu’il a dédié l’ouvrage intitulé : Les Femmes de la Révolution 9. […] Voilà l’opinion de Michelet, et c’est aussi la nôtre. […] … Michelet se rencontre avec l’opinion de saint Paul.
Par l’élévation de son âme et la nature des opinions politiques de son esprit, M. […] Ils furent comme la semaille des dents de ce nouveau dragon de Cadmus… Il y eut, dans des camps d’opinions différentes : Suleau, Loustalot, Camille Desmoulins, Mallet-Dupan, Rivarol, Champcenetz, Mirabeau lui-même qui s’en mêla, et Mirabeau Tonneau, son frère, et, parmi eux, le plus noblement désintéressé des partis qui souillaient tout alors, le plus pur, le plus probe et le plus sublimement énergique, André Chénier, qui mourut pour l’avoir été… Tels furent les premiers clairons de cette légion de trompettes qui sonnèrent la diane de la Révolution, et qui continueront, je le crains bien, de sonner l’anarchie, jusqu’à la trompette, qui les fera taire enfin, du jugement dernier ! […] Elles n’ajouteront rien à l’opinion du monde, et il n’y aura que des curieux, des lettrés et des exceptionnels, qui chercheront le journaliste, cette aiguille dans une botte… de gloire, et qui se préoccuperont de le trouver dans l’homme qui fit déroger sa poésie à n’être, un instant, que cela !
J’avais le droit d’exiger du vrai et du clair, et je ne rencontrais, dès les premières lignes, dans le livre de Xavier Eyma, que ces contradictions charmantes que j’ai rencontrées partout dans son histoire, et qui ont fait dire de l’ouvrage de Tocqueville, cette gamelle tendue à toutes les opinions qui veulent y prendre : « Il y en a pour tous les goûts ! […] Seulement, ce qui manque à tout cela, c’est l’unité limitée et saillante des points de vue, c’est la tenue d’opinion, c’est, enfin, la domination de ce sujet d’histoire dans lequel il faut, comme les pionniers de l’Amérique dans les broussailles monstres de leurs forêts, se servir vaillamment de la hache pour faire place nette autour de soi ! […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine !
Les faits, d’ailleurs, se chargent déjà de justifier notre opinion. […] Or, par un de ces tours que les faits jouent parfois aux gens d’esprit, ces documents sont la meilleure réponse qu’on puisse adresser aux opinions de Champfleury sur Hoffmann. […] Quoique la personnalité de Champfleury pointe partout à travers ces documents, c’est surtout dans l’introduction aux œuvres d’Hoffmann qu’elle se dévoile par des opinions plus… gaies que justes.
Comme la plupart des grands hommes acceptés par l’opinion des siècles, il s’est moulé dans un de ces types d’une trivialité sublime auxquels il est difficile d’ajouter ou de retrancher quelque chose. […] Il ne s’est pas contenté de répondre par d’admirables citations à l’opinion qui rapetisse Bossuet en ne faisant tenir son talent d’orateur que dans les Oraisons funèbres (c’était l’opinion de cet ignorant et fat xviiie siècle, qui estimait aussi que tout Massillon était dans son Petit Carême) ; l’auteur des Études est allé plus loin.
L’auteur de La Chanson des gueux a une si méprisante indifférence pour les journaux et l’opinion qu’ils font, qu’au sien il s’est détourné de son œuvre, avec une légèreté qui n’est pas même un stoïcisme, et qu’il a laissé opérer sur sa personne les sordides et lâches ciseaux de l’industrialisme qui l’ont dépecée. […] Assurément, on peut s’étonner déjà de cette opinion dans un écrivain de la génération qui n’est plus préoccupée, hélas ! […] Plume appuyée, mordante, solidement éclatante, même quand elle appuie sur les choses vulgaires, procédant d’habitude par comparaisons plus pratiques que poétiques, mais qui font entrer l’objet comparé dans l’esprit du lecteur comme un coup de cette bûche emmanchée — le marteau des fendeurs de bois — qui enfonce le coin de fer dans le tronc noueux de l’arbre abattu… Vous voyez qu’ici, dans l’homme aux opinions et aux créations antiviriles de ce roman à petite morale, puisqu’elle est vide de Dieu, se retrouve le mâle que nous connaissions.
OPINIONS. […] Jusque dans ses essais informes, on trouve déjà tout le mérite du genre, la verve, l’entraînement et cette fierté d’idées d’un homme qui pense par lui-même ; d’ailleurs, partout la même flexibilité de style ; là, des images gracieuses, ici des détails rendus avec la plus énergique trivialité… Il n’y aura point d’opinion mixte sur André de Chénier.
Il met sa gloriole à servir dans une compagnie d’élite, à professer des opinions bien portées. […] Ce n’est pas au nom d’un patriotisme maladroit qu’on peut attaquer ses opinions. […] Comme tous ceux qui affectent de n’avoir point d’opinions positives, M. Coppée laisse percer, sans y songer, des opinions réactionnaires. […] La question est facile à élucider : il s’agit de faits, non d’opinions.
Malheureux de ne pouvoir accorder ses opinions et sa conduite, il éprouva, jusqu’à sa dernière heure, qu’il vaudrait mieux n’être pas né que de ne rien attendre de Dieu, et de ne pas oser se fier aux hommes. […] Vous devez être certains que si vous flattez cette secte insensée, elle vous subjuguera, elle vous ôtera jusqu’à la liberté de vos élections, de vos choix, de vos opinions, comme elle a déjà tenté de le faire. […] Il lui suffisait d’apprendre à sa patrie que ses opinions ne changeaient point avec les circonstances, et qu’il était resté immuable au milieu des bouleversements du siècle. […] Cette opinion, que la vérité se présente quelquefois à nous pendant le sommeil, est répandue chez tous les peuples de la terre. […] Elle mourut donc, et ce qui est le comble du malheur, avec assez d’usage de sa raison pour connaître qu’elle était dépouillée et méprisée par les mêmes personnes dont l’opinion l’avait dirigée toute sa vie.
L’accession de madame de Staël à son nouveau règne aurait été une bonne fortune pour sa politique ; sa réputation de libéralisme, son talent, son nom, son influence sur l’opinion de l’Europe, auraient donné à sa conversion à l’empire la valeur d’un manifeste européen. […] Les opinions révolutionnaires de Coppet, leur antipathie contre M. […] Ils s’occupent de ses opinions comme nous de ses œuvres. […] Il avait la gravité précoce, la vertu froide, l’opinion faite, le caractère infaillible des hommes élevés dans le foyer domestique d’une grande gloire. […] Le mariage de sa fille était prémédité de loin avec M. le duc de Broglie, jeune orateur, à qui sa naissance, ses opinions, ses études politiques promettent la faveur que les principes libéraux assurent d’avance aux noms aristocratiques prêtés aux opinions populaires.
On se réglera par le respect des coutumes, par la religion établie, par les opinions modérées ; on tâchera d’être ferme dans ses actions, de se vaincre plutôt que sa fortune, « à cause, dit-il, qu’on n’est maître que de ses pensées », de ne rien désirer qu’on ne puisse avoir. […] Il avait pu se dépouiller de toutes les opinions ; mais il gardait les bonnes habitudes, et c’est du commerce même de l’antiquité qu’il tirait la force de s’en rendre indépendant. […] On dit d’un homme qu’il est à la mode, quand sa vanité ou sa légèreté l’a rendu l’esclave de toutes les opinions passagères qui ont aujourd’hui la faveur de la foule, pour la perdre demain. […] De quel homme, au contraire, dit-on qu’il est naturel, sinon de celui qui ne suit l’opinion commune que jusqu’où elle cesse d’être raisonnable, qui au-delà résiste, et qui, loin de tourner son rôle à son avantage sur les autres et de s’enticher même de sa raison, ne prend pas moins garde de se trop distinguer de la foule que de l’imiter. […] Quel homme s’est rendu plus libre des opinions et des impressions du dehors, a mieux réussi à dégager sa pensée de tout ce qui ne lui était pas propre, ou ne venait pas directement de sa raison ?
Il avait mauvaise opinion de la destinée, petite opinion de l’humanité ; il n’attendait aucune aubaine : il était morose et l’était avec une espèce d’énergie stoïcienne. […] Elle devient alors une opinion sur l’histoire : l’opinion d’un poète et d’un moraliste. […] Mais enfin, l’opinion de La Rochefoucauld fit scandale, en son temps. […] Je ne crois pas cette opinion juste ; mais elle vaut l’opinion toute opposée. […] Mais non : les opinions d’un Tolstoï !
Au premier abord, on dirait qu’il est chimérique de vouloir extraire quoi que ce soit de certain de l’infinie variété des opinions et impressions individuelles que suscite un roman, une pièce de théâtre, un poème, un discours, etc. […] Mais la Révolution est proche ; les caractères deviennent plus virils, les tragédies plus austères, témoin les œuvres de Marie-Joseph Chénier ; aussitôt Corneille remonte dans l’opinion générale, pendant que Racine, considéré comme trop courtisan et trop délicat, y descend.
Mais ni l’art ni la science ne suffit à celui qui va lutter contre l’opinion. […] Les grandes injustices, les persécutions atroces se font moins pour des opinions abstraites que pour des vengeances privées.
Un dernier motif, assez puissant à lui seul, c’est la facilité que trouvaient les philosophes à consacrer leurs opinions par l’autorité de la sagesse poétique et par la sanction de la religion. […] Les Latins tirèrent de là l’usage d’appeler professeurs de sagesse ceux qui professaient l’astrologie judiciaire. — Ensuite la sagesse fut attribuée aux hommes célèbres pour avoir donné des avis utiles au genre humain ; tels furent les sept sages de la Grèce. — Plus tard la sagesse passa dans l’opinion aux hommes qui ordonnent et gouvernent sagement les états, dans l’intérêt des nations. — Plus tard encore le mot sagesse vint à signifier la science naturelle des choses divines, c’est-à-dire la métaphysique, qui cherchant à connaître l’intelligence de l’homme par la contemplation de Dieu, doit tenir Dieu pour le régulateur de tout bien, puisqu’elle le reconnaît pour la source de toute vérité41. — Enfin la sagesse parmi les Hébreux et ensuite parmi les Chrétiens a désigné la science des vérités éternelles révélées par Dieu ; science qui, considérée chez les Toscans comme science du vrai bien et du vrai mal, reçut peut-être pour cette cause son premier nom, science de la divinité.
Ce qui n’est pas douteux, c’est que M. de Maistre passait, non seulement dans sa jeunesse, mais beaucoup plus tard, tout près de la Révolution, pour adopter les idées nouvelles, les opinions libérales. […] Heureux mille fois les hommes qui ne sont appelés à contempler que dans l’histoire les grandes révolutions, les guerres générales, les fièvres de l’opinion, les fureurs des partis, les chocs des empires et les funérailles des nations ! […] Il ajouta : « Je ne veux point décider s’il faut une religion aux hommes…, s’il faut créer pour eux des illusions et laisser des opinions erronées devenir la règle de leur conduite. […] De là ses opinions de plus en plus particulières. […] Claude Têtu va essayer de répondre dans ce qui suit à cette dernière opinion si spécieuse.
C’est assez juste, mais il a négligé d’appuyer son opinion d’exemples solides ; il ne fait allusion ni à l’invasion grecque, ni à l’invasion étrangère ; la déformation, telle qu’il l’a sentie, est tout à fait bénigne et parfois bienfaisante. […] L’Académie n’admet pas l’animation des rues, mais l’opinion linguistique de l’Académie n’a pas de valeur pour le présent, puisque son dictionnaire représente déjà le passé, quand il paraît ; ensuite, nul concile, même académique, ne saurait prévaloir contre l’usage. […] L’opinion de Voltaire ou même celle de Littré, ou même celle de M. Bréal, m’importe peu si elle n’est qu’une opinion. « Le langage actuel de telles écoles littéraires serait-il compris de nos écrivains du xviie et du xviiie siècle ? […] Il fallait peut-être plus de modération, car l’opinion de Malherbe sur l’excellence du parler de la place Maubert123 a toujours sa valeur, et il y a un usage obscur qui souvent sera l’usage universel, demain.
y loue cette jeune dame de son incrédulité : « Jamais on n’a vu, dit-il, dans une si jeune personne autant de philosophie ; et cette philosophie influait également sur ses opinions et sur sa conduite. Elle n’admettait que ce qui lui paraissait évidemment prouvé, aimait à disputer, parce qu’elle avait presque toujours une opinion à elle, et ne cédait qu’à la conviction ou enfin à la convenance. » Et lorsqu’il en vient à raconter la dernière maladie de cette jeune femme : « Elle craignait la mort parce qu’elle devait la séparer de tout ce qui lui était cher. Ma vie peut être remplie de peines, disait-elle, mais il est affreux de n’être rien ; je crois la souffrance préférable au néant… » Le cardinal n’ajoute rien qui corrige cette opinion du néant après la mort, ni qui avertisse qu’il ne la partageait pas ; c’est qu’il la partageait en effet.
Pour qu’en 1845 une telle opinion puisse sérieusement se produire et qu’elle trouve place dans un esprit aussi cultivé que paraît l’être celui de l’éditeur, il ne suffit pas d’une dose d’illusion ordinaire ; c’est un phénomène qui exige une explication plus appropriée ; Victorin Fabre a eu ses dévots, et M. […] Sabbatier ne fait en cela que rédiger, un peu crûment il est vrai, l’opinion même de Victorin Fabre. […] Bien que les opinions de M.
La conversation sur les unités, que soutint l’auteur avec une dame fort distinguée par son esprit et fort attachée aux opinions nouvelles, prouvera de plus qu’on peut combattre avec courtoisie et railler sans injure. […] Ces raisons spirituellement superficielles pourraient trouver grâce auprès de quelques jeunes esprits dominés par leurs penchants philosophiques ou politiques, et trop disposés à faire bon marché de leurs opinions littéraires : nous y répondrons avec quelque détail. […] Lorsqu’il arrive à l’un d’entre nous de faire un livre, l’opinion du Constitutionnel lui importe assez peu ; si le libraire s’en inquiète, il sait le tarif, et tout le problème consiste pour lui à renfermer le plus de choses dans le moins de mots, certain qu’il est que le Constitutionnel s’humanisera à raison de 1 fr. 60 cent, par ligne.
Il semble enfin que, des opinions confrontées dans le drame, une affirmation se dégage, plus nette qu’on ne l’attendait de M. […] Renan répudie nettement les opinions de Métius ; et même on peut trouver — chose absolument inattendue — qu’il est un peu dur pour ce sceptique élégant. […] C’est que, voulant exprimer quelque opinion singulière dont il n’est pas lui-même bien sûr, il a cherché exprès, pour la traduire, une forme hardie et inattendue dont l’excès nous fasse sourire et nous avertisse.
C’est Choulette qui est chargé d’exprimer les opinions particulièrement subversives de l’auteur, ses négations et ses révoltes les plus hardies. […] Les Opinions de Jérôme Cogniard sont assurément le plus radical bréviaire de scepticisme qui ait paru depuis Montaigne. […] D’ailleurs, par l’opinion qu’il a lui-même de ce monde, un bon nihiliste comprend aisément bien que, pour son compte, il s’en abstienne que l’homme place au-delà de la terre sa raison de vivre et son « idéal ».
Un autre médecin célèbre, Georget, quoique très organicien, confirme l’opinion d’Esquirol ; il insiste sur ce point important, que les altérations ne se rencontrent que dans des folies déjà anciennes, et que, lorsque les aliénés succombent promptement, les organes intellectuels ne présentent rien de bien remarquable et qui ne puisse se retrouver également chez les hommes de l’esprit le plus sain36. […] La conclusion de cette critique, conforme à l’opinion d’Esquirol et de Georget, c’est que les altérations des organes cérébraux ne se rencontrent que dans les cas où la folie est compliquée de troubles dans les mouvements et dans la sensibilité, mais qu’on ne les trouve pas dans les cas de folie simple, c’est-à-dire de trouble intellectuel non compliqué. […] Selon les uns, la lésion a lieu surtout dans les viscères ; aussi, selon quelques médecins allemands, la folie est-elle une affection viscérale, une irradiation morbide qui se transmet des viscères au système cérébral : telle est l’opinion de Nasse, Jacobi, Flemming.
Pendant tout le temps de cette liaison, que la mort seule de Mirabeau paraît avoir rompue, il soumettait à Chamfort non-seulement ses ouvrages, mais ses opinions, sa conduite ; l’espérance ou la crainte de ce qu’en penserait Chamfort, était devenue pour l’âme fougueuse de Mirabeau une sorte de conscience. […] Ses bons mots, en passant de bouche en bouche, attestaient ses opinions et ses sentiments populaires. […] Il avait pris, dans les réunions politiques et dans les clubs, l’habitude de parler haut, de soutenir son opinion à outrance, et de mettre la violence de la dispute à la place de cette discussion polie et spirituelle dont lui-même avait été le parfait modèle.
Ceux du général Daumas, au contraire, sont restés, dans l’opinion éclairée, juste à la hauteur où le premier moment les avait mis. […] Voltaire, puisqu’il faut l’appeler par son nom, cet odieux détracteur de notre sainte Pucelle, en parlant des Français quelque part, peut-être dans ces lettres à Frédéric qui sont des crimes contre la patrie, avait écrit le vers qui devait égarer l’opinion et plus tard changer la tactique : Le Français qu’on attaque est à demi vaincu. […] Elle maintenait sa place dans le sentiment de l’Europe, pour le jour où, en Europe, la guerre éclaterait, c’est-à-dire que par son prestige elle combattait et vainquait déjà, puisque les succès à la guerre ne sont qu’une affaire d’opinion.
l’opinion n’y prit seulement pas garde. Elle est myope comme elle est sourde, et même un peu bègue, l’opinion ! […] Cette page passa comme une brise sur l’opinion, qui coule, avec un calme si bête, entre ses deux rives, et y fit un pli, mais bientôt effacé.
l’Érudition et l’Opinion, ces deux vieilles valseuses, pourront bien, en tournant, revenir, les anciennes histoires avaient été un jour déshonorées avec trop d’éclat par le terrible jeune critique qui fut depuis M. […] À tort ou à raison, l’opinion l’a revêtu de cette grotesque livrée du druidisme et en a fait ce masque qu’on appelle le druide dans l’histoire ! […] S’il nous fallait d’un mot dire notre opinion sur l’historien meuble meublant des bibliothèques de bourgeois au xixe siècle, nous dirions que c’est un pacotilleur d’histoire, non un historien.
Elle était tout ensemble sa législation et ses mœurs, son opinion et sa volonté. […] Avec l’explication, qu’une Critique historique digne de ce nom aurait hasardée, d’un sacrifice à l’opinion blessée de l’Espagne et dans l’intérêt de sa race, non seulement l’abdication de Charles-Quint devient intelligible, mais encore l’homme qu’il fut à Yuste et qui resterait incompréhensible, si on n’avait pas cette explication ! […] Même après Yuste, ce sacrifice à l’opinion religieuse de l’Espagne, il ne fallut rien moins que l’Inquisition, c’est-à-dire l’Espagne tout entière sous sa forme la plus concentrée, pour rappeler les devoirs de la Majesté Catholique aux passions invétérées du vieil Empereur.
Qui s’est trompé une fois peut se tromper une seconde, et l’Opinion, la grosse Opinion publique, qui n’en fait jamais d’autres d’ailleurs, s’est assez longtemps méprise sur Lamennais, M. […] Comme Chateaubriand, son illustre compatriote, qui, lui aussi, changea d’opinion, mais qui garda sur Lamennais la supériorité de l’unité religieuse, il était de nature un rêveur et même il préserva toujours la naïveté de sa rêverie, quand Chateaubriand travaillait la sienne et coquettait avec elle.
Cette édition est, en réalité, comme le dit son titre, une Correspondance entre Madame Geoffrin et Poniatowski, mais l’opinion n’y a guères vu que Madame Geoffrin. […] III Ce n’est pas là, je le sais bien, tout à fait l’opinion de M. […] À toute force, il ne veut pas que Madame Geoffrin sorte du cadre, étroit et superficiel, d’amitié sensée et de maternité placide dans lequel l’opinion a pris, à distance, l’habitude de la regarder.
Rendu par ce double événement bien plus difficile à résoudre, un tel problème, malgré tout ce qu’il a inspiré dernièrement aux esprits les plus opposés, n’était cependant pas arrivé à ce point de démonstration qu’il pût imposer sa solution, comme une loi, à l’État lui-même, après l’avoir imposée à l’Opinion, comme une vérité. […] Sur cette question de l’enseignement si grave, si pressante, si peu faite pour attendre, puisqu’elle implique l’avenir et le compromet, c’était surtout l’Opinion qui était restée indécise. […] Nous savons que, pour peu qu’ils aient une misère de talent, de palette, et même, sans cela, de renommée, les voilà les conducteurs et les chauffeurs de l’Opinion sur tous les rails ; mais qu’importe !
Lacordaire, n’était qu’un simple dominicain peu sympathique d’état et d’opinion à messieurs les philosophes éclectiques ou voltairiens qui avaient la bonté d’élire des évêques ou des rois du temps, des avocats ! […] Lacordaire, comme la plupart des hommes qui sont beaucoup mieux faits qu’on ne pense, a les opinions et les défaillances d’un talent comme le sien, presque muliébrile, qui se tend ou se détend, comme des nerfs. […] Et il faut bien le dire, il l’a recherchée, et elle est encore, à cette heure, l’écueil contre lequel vient de se heurter, dans sa maturité réfléchie et qui devrait être plus détachée des opinions du monde et de sa sotte estime, le même homme qui, dans sa jeunesse, y heurta, hélas !
Si dans un temps de scepticisme ou d’éclectisme comme le nôtre, on n’ose pas dire qu’il y ait autre chose dans les têtes affaiblies que des tendances à la place d’opinions, on sait bien au moins à quelles tendances a toujours appartenu la pensée de M. […] l’un comme l’autre, l’esprit qui vivait le plus comme celui qui vivait le moins, ils devaient si bien retenir, en eux, la marque de cette philosophie, que, malgré le temps, la réflexion et la peur inspirée par des doctrines qui ont fini par donner Arnold Ruge à l’Allemagne et Proudhon à la France, on la retrouve partout en eux à cette heure, aussi bien dans le plus puissant devenu le plus prudent, et qui affecte, pour désorienter l’opinion et n’y pas répondre, de sculpter avec un amour comiquement idolâtre le buste d’une femme sur un tombeau, que dans le plus faible resté le plus hardi, — puisqu’il est resté philosophe, — s’efforçant vainement, dans son interprétation de la métaphysique de saint Anselme, d’échapper aux conséquences, maintenant dévoilées, de la philosophie qui les a également asservis ! […] Grâce à cette théocratie, que M. de Rémusat condamne dans son livre par la raison très philosophique que l’opinion de l’Europe moderne, qui a la tête déformée par les philosophes, lui est, en ce moment, hostile, l’influence du monde chrétien avait pris le monde musulman et pénétré l’Asie et l’Afrique.
Le recueil. des fables de Marie de France mériterait d’être mentionné à part, quoique, selon l’opinion de M. […] Dans cette opinion, il aurait usurpé le rang qui appartient aux poésies apparemment classiques qui l’ont précédé, et dont il marque le déclin. […] Une faisait qu’exprimer l’opinion commune. […] Cette opinion date du xviiie siècle. […] Villemain25, a donné à cette opinion une autorité qui rend toute contradiction téméraire.
Elle sait très bien se moquer de La Motte qui, privé du sens du beau, ne voit dans les discussions sur l’Iliade qu’un conflit d’opinions contraires où l’admiration et le mépris ont pu être également exagérés, et qui est d’avis pour conclure de faire, comme on dit, une cote mal taillée. […] Dès l’abord, il avait défini cet esprit de philosophie comme il l’entendait, « une supériorité de raison qui nous fait rapporter chaque chose à ses principes propres et naturels, indépendamment de l’opinion qu’en ont eue les autres hommes ». […] Cette idée bizarre du père Hardouin allait bien avec tout ce qu’on savait de lui, et quand on lui représentait qu’il aimait trop à s’écarter en tout des opinions communes : « Croyez-vous donc, répondait-il, que je me serais levé toute ma vie à trois heures du matin pour ne penser que comme les autres ? […] Comme après la fameuse réconciliation de Boileau et de Perrault, les adversaires n’en conservèrent pas moins leur opinion.
On dit que Mme la duchesse de Bourgogne fait fort bien pour le soutenir, mais qu’il est honteux qu’il ait besoin d’être soutenu par elle… Dans les nombreuses lettres de Fénelon où il parle du prince, il y a deux parts à faire, celle de l’opinion même de Fénelon et des reproches ou des conseils qu’il lui adresse, et celle de l’opinion publique qu’il recueille avec anxiété à son sujet et dont il se fait l’écho direct, et presque offensant, pour l’avertir, le prémunir et l’obliger à en tenir compte. Fénelon ne croit donc pas tout ce qu’il rapporte, mais il juge de son devoir d’en informer le jeune prince, pour qu’il avise à conjurer ces faux bruits et à détruire ces préventions injurieuses de l’opinion, de laquelle, après tout, dépendent même les grands de la terre. […] Pourtant, comme il se mêle à tout cela bien de l’irréflexion et de la mode, selon notre usage français de tous les temps, il arrivera que pendant la très courte année où le duc de Bourgogne, devenu Dauphin après la mort de son père, se mettra un peu en frais de bonne grâce et en attitude de plaire, l’opinion se retournera subitement en son honneur, célébrera en lui une transformation soudaine, et, quand on le perdra quelques mois après, il sera pleuré comme un prince irréparable, les délices trop tôt ravies du genre humain. […] Fénelon lui-même a été, comme son élève, une espérance ; il a pu paraître en politique une de ces lumières un peu flottantes que le souffle de l’opinion fait vaciller d’un côté ou d’un autre, selon qu’on aime à s’en emparer et à s’en décorer.
Satisfait d’avoir fait preuve de savoir et d’esprit dans ce tournoi tout littéraire, et d’avoir obtenu un grand succès auprès des mondains, Bailly paraît avoir tenu médiocrement, dans la suite, à son opinion scientifique ; et lorsqu’il publia en 1787 le Traité de l’astronomie indienne et orientale, comme supplément à sa précédente Histoire, il se trouva que son peuple primitif y figurait très peu, et qu’il ne se distinguait plus guère des Indiens, des ancêtres et auteurs de ceux d’aujourd’hui. […] Interrogé par Voltaire en 1776 sur la valeur de l’opinion énoncée au tome Ier de l’Histoire de l’astronomie, il répondait : « Le rêve de Bailly sur ce peuple ancien qui nous a tout appris, excepté son nom et son existence, me paraît un des plus creux qu’on ait jamais eus ; mais cela est bon à faire des phrases, comme d’autres idées creuses que nous connaissons et qui font dire qu’on est sublime. » D’Alembert aigre, exact et sec, détestait Buffon et n’épargnait point Bailly qu’il considérait alors comme un satellite du grand naturaliste pour les systèmes. […] Les États généraux étant convoqués, il raconte que, le 21 avril 1789, se rendant de sa maison de Chaillot au district des Feuillants pour y nommer des électeurs, il eut, par un jeune homme qu’il rencontra et dont il ne savait pas le nom, le premier avis qu’il y serait nommé l’un des électeurs, lui-même : Je le remerciai de cette opinion et n’y comptai pas plus. […] Au reste, il aurait fallu à Bailly un fonds d’humeur bien morose et un grain de misanthropie bien prononcée pour ne pas voir tout en beau en ces premiers mois où tout lui souriait, et où la publique estime lui apportait à chaque mouvement de l’opinion une surprise flatteuse et une récompense.
Il ne s’agit pas enfin de s’informer du savoir et des opinions d’autrui pour en faire montre, il faut les rendre nôtres : « Il ne faut pas les loger en notre âme, mais les incorporer et transsubstancier. […] D’autres esprits cependant prirent l’alarme ; ce procédé didactique mettait trop en lumière le désaccord de quelques opinions de l’auteur avec sa condition de prêtre et de théologien ; et comme l’a dit Voltaire : Montaigne, cet auteur charmant, Tour à tour profond et frivole, Dans son château paisiblement, Loin de tout frondeur malévole, Doutait de tout impunément, Et se moquait très librement Des bavards fourrés de l’école ; Mais quand son élève Charron, Plus retenu, plus méthodique, De sagesse donna leçon, Il fut près de périr, dit-on, Par la haine théologique. […] Ceux qui auront assez de loisir pour lire plus avant, verront que j’aime la réputation de cet auteur ; que je fais valoir quelques-unes de ses opinions, et que je respecte toutes les autres. […] Si j’osais traduire toute mon idée en des matières qui ne sont pas miennes, je dirais que le médecin Chanet défend le sens général et le sens commun en philosophie, l’opinion des demi-savants et du peuple, par des raisons qui, légèrement rajeunies un siècle plus tard, seront assez celles de l’école écossaise.
On a là, dans cette biographie bien faite, mais un peu étroite, l’opinion tout à fait orthodoxe sur Mme de Staël. […] Quand elle alla, en 1803-1804, à Weimar et qu’elle noua avec la grande-duchesse régnante cette relation d’enthousiasme et d’amitié, dont les témoignages subsistent, Mme de Staël était encore une femme du xviiie siècle par les opinions, par le goût exclusif de la raison et de l’analyse, par son aversion du mystique et du surnaturel. […] L’opinion de Schiller sur Mme de Staël est la plus équitable, et les signes éclatants en même temps que les lacunes et les limites de cette nature extraordinaire sont relevés par lui et marqués de main de maître : « Mme de Staël, écrivait-il de Weimar à Goethe, resté d’abord à Iéna (21 décembre 1803), Mme de Staël justifiera pleinement l’idée que vous avez prise d’elle a priori ; elle est tout d’un jet ; point de mélange, rien de faux ni de pénible en elle. […] Elle est comme lui intolérante de toute opposition, insultante dans la dispute, et très disposée à dire aux gens des choses piquantes, sans colère et seulement pour jouir de sa supériorité. » Ce n’est pas juste, et cela jure avec l’idée de bonté qui se trouvait dominer, en définitive, dans les jugements comme dans les actions de Mme de Staël ; mais enfin l’opinion d’un tel témoin n’est pas à négliger, sauf à être expliquée.
La Fontaine Dans ces rapides essais, par lesquels nous tâchons de ramener l’attention de nos lecteurs et la nôtre à des souvenirs pacifiques de littérature et de poésie, nous ne nous sommes nullement imposé la loi, comme certaines gens peu charitables ou mal instruits voudraient le faire croire, de mettre en avant à toute force des idées soi-disant nouvelles, de contrarier sans relâche les opinions reçues, de réformer, de casser les jugements consacrés, d’exhumer coup sur coup des réputations et d’en démolir. […] Aussi ces admirables Mémoires, qui jusqu’ici ont été envisagés surtout comme ruinant le prestige glorieux et la grandeur factice de Louis XIV, nous semblent-ils bien plutôt restituer à cette mémorable époque un caractère de grandeur et de puissance qu’on ne soupçonnait pas, et devoir la réhabiliter hautement dans l’opinion, par les endroits mêmes qui détruisent les préjugés d’une admiration superficielle. […] C’est aussi la marche qu’ont suivie les opinions sur le moyen âge, la chevalerie et le gothique. […] Mais cette légère inconséquence, qui lui est commune avec d’autres grands esprits naïfs de son temps, n’a pas lieu d’étonner chez lui, et elle confirme bien plus qu’elle ne contrarie notre opinion sur la nature facile et accommodante de son génie.
Mais, laissant de côté ces choses connues, j’ai à cœur aujourd’hui de revenir sur la plus grande attaque qui ait été portée à la réputation de La Fontaine, et de discuter un moment l’opinion de M. de Lamartine. […] Réduisant l’opinion de M. de Lamartine à son véritable sens, j’y cherche moins encore une erreur de son jugement qu’une conséquence de sa manière d’être et de sentir. […] [NdA] Pour clore ce VIIe volume des Causeries selon la division que j’ai adoptée dans les volumes précédents, je devrais y faire entrer encore un article appartenant au semestre ; mais cet article étant le premier des trois que j’ai faits sur Bernis, j’ai dû le réserver pour le VIIIe volume ; et je donnerai ici, pour en tenir lieu, quelques pages sur La Fontaine dans lesquelles j’ai examiné une opinion singulière de M. de Lamartine. […] [NdA] On peut la lire en entier dans le 1er numéro du journal Le Conseiller du peuple, janvier 1850, p. 7, ou dans la première préface des Méditations (1849), de l’édition commentée par M. de Lamartine ; la même opinion est reproduite dans Les Confidences.
Il en résulte que lorsqu’il s’agit de déterminer si une forme doit prendre le nom d’espèce ou de variété, l’opinion des naturalistes doués d’un jugement sûr et en possession d’une grande expérience semble devoir seule faire autorité. […] Il est certain qu’aucune ligne de démarcation n’a encore été tracée entre les espèces et les sous-espèces, c’est-à-dire les formes qui, dans l’opinion de quelques naturalistes, s’approchent beaucoup, mais n’arrivent pas tout à fait au rang d’espèces, de même qu’entre celles-ci et les variétés bien marquées, ou encore entre les variétés moins distinctes et les différences individuelles. […] Je crois donc qu’une variété bien tranchée doit être considérée comme une espèce naissante ; mais on ne pourra juger de la valeur de cette opinion que d’après l’ensemble des considérations et des faits contenus dans cet ouvrage. […] Le docteur Hooker m’a exprimé depuis la même opinion en termes plus forts encore.
Sainte-Beuve, auquel je reviens toujours parce que l’opinion de ce temps le préfère injustement à Chasles et le classe plus haut, l’éternelle sotte qu’elle est ! […] Moins critique ici que dans son chapitre sur Bacon, Chasles fut emporté, j’imagine, par l’opinion de Macaulay. J’ai toujours cru que Macaulay avait dû beaucoup agir sur Chasles, et doublement : par la similitude des opinions et des natures. […] Critiques, tous deux, de sentiment et de sensation ; compréhensifs bien plus qu’exclusifs d’intelligence et de doctrine ; portant sur les choses de ce monde un regard curieux, ouvert et bienveillant ; ayant la même philosophie sans métaphysique, la même opinion politique, les mêmes goûts pour les lumières modernes et la même foi (un peu éblouie, selon moi) dans le progrès des sociétés, ils ne diffèrent guère que par la destinée, qui fait de ces charmants coups quelquefois : — c’est que Macaulay est monté plus haut dans son pays que Philarète Chasles dans le sien.
Leurs opinions sont des sentiments, leurs croyances sont des passions, leur foi est leur vie ; et quand le raisonnement intérieur leur défend de croire, c’est comme s’il leur commandait d’abjurer leur père et leur pays. […] Les esprits concentrés sont aussi insensibles à l’opinion des autres qu’aux objets extérieurs ; ils vivent en dehors du monde social comme en dehors du monde physique ; ni les hommes ni les choses n’ont prise sur eux. […] J’en vins même à me convaincre que je ne comprenais véritablement que ce que j’avais trouvé moi-même ; je perdis toute foi à l’instruction transmise ; et dès lors je n’ai point changé d’opinion. Je n’ai rien su que ce que j’ai trouvé, et quand il m’est entré dans la tête des opinions qui étaient aussi celles des autres, c’est que mes recherches comme les leurs y avaient abouti. » Un peu plus tard, traitant des signes, il ne voulut ouvrir aucun des ouvrages de ses prédécesseurs, et expliqua son étrange refus comme Descartes : « Notre première raison, c’est que les idées qu’ils nous suggéreraient gêneraient la liberté de notre esprit qui aime à se conduire à sa façon, et dépouilleraient pour lui cette recherche de son plus grand charme, qui est dans la recherche même plutôt que dans le résultat qu’elle peut donner à la science ; la seconde, c’est que les idées d’autrui, quand nous n’avons pas d’abord exploré nous-même la matière à laquelle elles se rapportent, n’ont pour nous qu’un sens vague, et nous troublent plutôt qu’elles ne nous éclairent54. » Cette habitude et ce goût sont le signe du véritable philosophe.
L’empire de l’opinion n’est-il pas assez vaste pour que chacun puisse y habiter en repos (55). […] Il est un ton général dans les opinions, dans les usages, dans les vêtemens même qu’on ne sauroit enfreindre. […] Si ces opinions-là semblent singulières, ce sont les miennes ; & je les publie avec la même assurance que chacun publie les siennes. […] Les Livres qui ont les opinions les plus saines & les plus vraies ne font pas fortune ; & à l’aide d’un langage poli, on nous verse en l’âme les plus frivoles idées, les plus propres à abâtardir une Nation. […] Je sens qu’une opinion nouvelle, a toujours les couleurs du paradoxe ; je sçais que l’homme ne change point les idées avec lesquelles il s’est familiarisé.
Que m’importe mon opinion ? […] Il y a les journaux, c’est-à-dire les gens qui expriment, en frappant fort, les opinions les plus opposées. […] Mais ce secrétaire de l’opinion serait mal venu à prendre la place du maître de l’opinion, de celui dont il écrivait si justement : « Ne disons pas de mal de Nicolas, cela porte malheur. » Voyez la différence entre un homme qui impose ses valeurs à l’opinion, comme Boileau, et un homme qui, comme Voltaire, les reçoit de l’opinion, mais les lui rend transfigurés par le brillant et le tour de main d’un grand ouvrier parisien. […] » Être hérétique, disait à peu près Bossuet, c’est avoir une opinion propre. […] Et si, « à la base de toute œuvre d’art nous trouvons une opinion, un jugement critique », faudra-t-il exclure de l’art Bossuet, pour qui avoir une opinion c’était de l’hérésie ?
Les rigueurs, il faudrait que l’opinion les exerçât contre toute une bohème de médecins, « gynécologues » prétendus et vrais meurtriers. […] Il faudrait plier l’opinion à honorer, partout et toujours, la maternité, à la considérer comme auguste et purificatrice, à penser qu’elle lave les souillures même d’où elle est sortie, par la souffrance, par le devoir accepté, et par ce qu’elle apporte de renfort possible à la communauté humaine dont nous faisons partie.
On doit penser qu’un pareil Ouvrage étoit fait pour s’attirer des critiques ; aussi ne manqua-t-on pas de s’élever contre plusieurs des opinions de l’Auteur. […] Malebranche avoit sur l’Histoire une opinion vraie à quelques égards, mais qui a besoin d’être modifiée.
Il soutint des opinions diamétralement opposées à celles de son maître. […] On y défendoit & combattoit tour à tour les mêmes opinions.
Personne ne sent plus vivement que moi la nécessité de publier plus tard toutes les observations et tous les renseignements sur lesquels ces conclusions se fondent, et j’espère le faire prochainement ; car je sais parfaitement qu’il est à peine une seule des opinions discutées dans ce volume, à laquelle on ne puisse opposer des arguments conduisant, en apparence, à des conclusions directement opposées. […] Bien qu’il reste beaucoup de choses obscures, et qui resteront telles longtemps encore, je ne puis douter, après les études les plus consciencieuses et les jugements les plus froidement pesés dont j’aie été capable, que l’opinion adoptée par le plus grand nombre des naturalistes, et quelque temps par moi-même, c’est-à-dire que chaque espèce a été indépendamment créée, est erronée.
Renan dans l’ensemble de nos opinions, dans la pensée contemporaine. […] Renan, qui eut un énorme succès, il nous a paru intéressant d’avoir son opinion sur l’homme qu’il avait si spirituellement raillé.
Entre le jeune voyageur de 1831 et celui d’aujourd’hui, je fais la part de la physionomie individuelle, de la différence des caractères et des formes de talent ; mais aussi il me semble qu’on peut, en lisant les deux récits, se faire une idée des éléments tout nouveaux qui sont entrés dans l’éducation depuis trente ans, des excitants qui flottent dans l’air et qu’on y respire ; de la réalité en fusion qui circule, qu’on absorbe, et qui ressort ensuite par tous les pores ; en un mot, du changement introduit dans la nourriture générale des esprits, même de ceux qui sembleraient appartenir à un même courant d’opinions et de traditions. […] Sans doute, je considère ce doute comme une des plus grandes misères de notre nature ; je le place immédiatement après les maladies et la mort ; mais c’est parce que j’ai cette opinion-là de lui, que je ne conçois pas que tant d’hommes se l’imposent gratuitement et sans utilité. […] Non, je ne vous crois pas un orgueilleux, un ambitieux ; je mets, il est vrai, moins de prix que vous à l’opinion, c’est-à-dire à l’opinion du grand nombre ; car l’opinion du petit nombre, c’est-à-dire des juges éclairés, est ce qu’il y a de plus digne d’être ambitionné : c’est la vraie gloire.
Saint-Évremond pensait qu’en se pressant moins on aurait imposé une paix bien plus avantageuse, qu’on y aurait gagné la Flandre, et son opinion semble avoir été aussi celle de Turenne. […] Giraud, rassemblant les raisons à l’appui, soutient son opinion en des fermes dont certes l’adversaire n’avait pas à se plaindre : « Il est probable, dit-il, qu’en 1647 Saint-Évremond a écrit ces paroles : Il est certain que l’amitié est un commerce, le trafic en doit être honnête ; mais enfin c’est un trafic. […] Dans les quelques lignes dont on fait si grand état en les surfaisant, Mme de Sablé a bien pu réfuter Saint-Évremond, elle a bien pu aussi réfuter La Rochefoucauld, qui lui aura dit dès ce temps-là : « Je pense exactement comme M. de Saint-Évremond ; je prends son opinion à mon compte, et j’en fais une maxime. » On ne saurait avoir devant soi un Saint-Évremond, l’eût-on déjà lu vingt fois, sans être tenté de le parcourir encore et sans repasser d’un coup d’œil rapide ce qu’il y a de principal en lui, ce qui le fait original avec distinction entre Montaigne et Bayle. […] Les opinions politiques, — on les imprime tous les matins, quand on ne les débite pas du haut d’une tribune. Les opinions religieuses, — on les débite aussi, et, dans tous les cas, elles ont perdu l’obligation et l’attrait du mystère.
Beaucoup de ses opinions d’aujourd’hui ont leur origine et leur racine en ce temps : seulement il s’est attaché à contredire depuis et à combattre sous toutes les formes ce qu’il avait à son début trop entendu affirmer. […] Ceci soit dit pour les personnes qui, parce qu’on modifie son opinion sincèrement sur quelques points, sont si prêtes, dans leur jeune ardeur, à faire de vous des gens qui abjurent et des réactionnaires. […] Si vos opinions lui semblent se rapprocher des siennes, il vous en félicite ; si vous avez parlé avec chaleur du bon goût, il vous en remercie. […] Grâce à part, au milieu de toute son apparence et de sa réalité de sens et de raison, il a bien, il est vrai, du convenu, des opinions qui ne sont pas nées en lui dans leur originalité ; il a, dans ses développements, des habitudes littéraires qui font que la phrase domine un peu et amplifie et achève parfois l’idée. […] Les opinions de M.
Loin donc de ceux qui ont quelque valeur personnelle, toutes les dénominations d’esclaves et de factieux, de conspirateurs et d’anarchistes, prodiguées aux simples opinions ; les actions doivent être soumises aux lois : mais l’univers moral appartient à la pensée ; quiconque se sert de cette arme, méprise toutes les autres, et l’homme qui l’emploie est par cela seul incapable de s’abaisser à d’autres moyens. — Plusieurs ouvrages de très bons auteurs renferment des raisons en faveur de l’hérédité modifiée, ou comme en Angleterre, c’est-à-dire, composant deux branches du gouvernement, dont le troisième pouvoir est purement représentatif ; ou comme à Rome, lorsque la puissance politique était divisée entre la démocratie et l’aristocratie, le peuple et le sénat ; il faudrait donc déduire tous les motifs qui ont fait croire que la balance de ces intérêts opposés, pouvait seule donner de la stabilité aux gouvernements ; que l’homme qui se croit des talents, ou se voit de l’autorité, tendant naturellement, d’abord aux distinctions personnelles, et ensuite aux distinctions héréditaires, il vaut mieux créer légalement ce qu’il conquerra de force. […] parce qu’une conspiration, un homme, peuvent s’emparer tout à coup de la citadelle d’un petit État, et par cela seul changer la forme de son gouvernement, tandis qu’il n’y a qu’une opinion qui remue à la fois trente millions d’hommes, que tout ce qui n’est produit que par des individus, ou par une faction qui n’est point ralliée au mouvement public, est étouffé par la masse qui se porte sur chaque point. Il ne peut pas y avoir d’usurpateur dans un pays où il faudrait que le même homme ralliât l’opinion à lui, depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées ; l’idée d’une constitution, d’un ordre légal consenti par tous, peut seule réunir et frapper à distance. […] Car, il faut bien se le répéter, l’on est maintenant opposé sur ce point seul, le reste des opinions despotiques et démagogiques sont des songes exaltés ou criminels, dont tout ce qui pense s’est réveillé. […] Le public aussi, dont on avait éprouvé la faveur, perd toute son indulgence ; il aime les succès qu’il prévoit, il devient l’adversaire de ceux dont il est lui-même la cause ; ce qu’il a dit, il l’attaque ; ce qu’il encourageait, il veut le détruire : cette injustice de l’opinion fait souffrir aussi de mille manières en un jour.
Il appuie son opinion par une telle variété d’exemples, qu’il est aisé d’apercevoir que, bien que le but de Landino, sous le nom d’Alberti, fût d’établir les purs dogmes du platonisme, c’est-à-dire que la contemplation abstraite de la vérité constitue seule l’essence du vrai bonheur, Laurent avait élevé des objections auxquelles l’ingénuité du philosophe, dans la suite de l’entretien, n’ôte presque rien de leur force. Le jour suivant, Alberti, continuant de traiter le même sujet, explique à fond la doctrine de Platon sur le but et la véritable destination de la vie humaine, et il s’attache à l’éclaircir par les opinions des plus célèbres sectateurs de ce philosophe. […] Quoi qu’on puisse penser de l’exactitude d’un pareil jugement, il est certain qu’il y a dans ce poëme beaucoup de passages qui paraissent fortement appuyer cette opinion. […] Il était devenu en quelque sorte l’arbitre du bon ton ; et ceux qui avaient les mêmes goûts et les mêmes opinions que lui, étaient sûrs d’avoir part à la gloire et aux applaudissements publics qui semblaient s’attacher à toutes les actions de sa vie. […] Il ne fallait qu’un événement pour passionner l’enthousiasme de ce peuple et du sang pour sacrer cette monarchie de l’opinion.
Mais, l’œil toujours fixé sur Genève, il y surveillait tous les mouvements de l’opinion populaire. […] Les plus jeunes lui servaient de sténographes, corrigeaient les épreuves de ses nombreux écrits, lui apprenaient les bruits de la cité, les propos des libertins, tous les mouvements de l’opinion. […] C’est un exposé de toute la doctrine, sous la forme d’une brève réponse aux reproches qu’on lui faisait, 1° d’être nouvelle ; 2° de n’avoir été confirmée par aucun miracle ; 3° de contredire l’opinion des Pères et la coutume ; 4° d’être ou un schisme dans l’ancienne Église, ou une Église paraissant au monde pour la première fois. […] Car il est remarquable qu’il se querelle avec toutes les opinions anciennes du même ton qu’avec les opinions de son temps, et qu’il n’est pas moins amer envers les morts qu’envers les vivants.
L’historien doit suivre avec soin ces changements d’opinion sur telle ou telle façon d’agir ; il doit aussi distinguer les particularités morales propres à chaque classe sociale. […] Dans ce qui reste après cette grave amputation, l’écrivain est condamné au perpétuel dilettantisme, qui jongle avec les opinions et dit tour à tour blanc et noir ; impassible, il risque de composer des ouvrages qui ont le froid et le poli de la glace ; détache de la lutte des idées, il est réduit au souci exclusif de la forme ; forcé de s’abstenir en toute question qui touche à la vie profonde de la nation, il s’abâtardit en une sorte de veulerie et de lâcheté intellectuelles ; il en arrive à fabriquer de jolis riens, des bibelots de décadence, flacons ciselés où ne demeure plus une goutte de liqueur, plus un atome de parfum ni de pensée. […] Le danger est alors qu’elle introduise cette préoccupation de moraliser les gens dans des genres qui ne s’y prêtent pas ; qu’elle dénature les faits pour les accommoder au but qu’elle poursuit ; qu’elle fausse la vérité historique pour soutenir une thèse ; qu’elle fausse, au théâtre ou dans le roman, la vérité psychologique, en vue d’aboutir à tel dénouement, dans l’intention de rendre sympathique ou antipathique telle opinion ou tel personnage. […] J’aurais bien à dire sur le fil un peu léger qu’il établit entre l’acte commis par un jeune détraqué et la doctrine du savant austère qui fut son inspirateur sans le savoir ; j’estime qu’il calomnie le déterminisme en lui reprochant de supprimer la distinction du bien et du mal ; je crains qu’il ne conseille une chose de valeur morale très douteuse, quand il invite l’homme qui croit avoir trouvé une vérité psychologique contraire aux opinions reçues à ne pas la divulguer, de peur des conséquences qu’elle pourrait entraîner. […] ; lecteurs ou spectateurs tendent à incliner dans le sens où l’auteur a penché lui-même, et ils y sont entraînés d’autant plus volontiers que celui-ci, au lieu d’asséner ses opinions, laisse à moitié deviner le fond de sa pensée.
Je lui demande quel âge à son fils, et je calcule à part moi à quelle époque ce fils paraîtra dans le monde et fera l’opinion. […] Car ces jeunes gens prennent leurs opinions toutes faites dans le Constitutionnel, le Courrier français, la Pandore, etc. […] De tout temps il y a eu une petite divergence entre l’opinion du public et les arrêts de l’Académie. […] Après un coup si fatal, ce corps qui ne peut avoir d’existence que par l’opinion, a eu la maladresse de laisser échapper toutes les occasions de la reconquérir. […] Le Parisien ne respecte que l’opinion de sa société de tous les jours, il n’est dévoué qu’à son ameublement d’acajou.
Dans les querelles littéraires qui s’étaient élevées durant les dernières années, l’opinion de M. Andrieux ne pouvait être douteuse ; cette opinion lui était dictée par ses antécédents, ses souvenirs, la nature de son goût, les qualités qu’il avait, et aussi par l’absence de celles qu’il n’avait pas ; mais sa bienveillance naturelle ne s’altérait jamais, même en s’aiguisant de malice ; il embrassait peu les innovations, il raillait de sa vois fine les novateurs, mais comme il aurait raillé M.
OPINIONS. […] J’ai trouvé que l’École des vieillards ne manquait ni de vérité ni de force, et que la confession de Louis XI à François de Paule était une scène singulièrement dramatique ; et j’ai goûté, dans les Poésies posthumes, le rythme berceur et le charme gris des Limbes… Je n’avais pas lu Une famille au temps de Luther, mais j’en avais d’avance une assez bonne opinion, et je comptais que la représentation serait pour le moins intéressante.
Cette lettre, en dépit de l’admiration que nous professions pour le Maître, ne modifia en rien nos idées sur la rime, non plus que notre opinion sur « l’affreux Voltaire ». […] Paul Verlaine eut le courage de son opinion.
Soit inconstance naturelle et besoin de nouveauté, soit réaction du présent, toujours en révolte contre un passé dominateur, les contraires se succèdent sans cesse dans les sentiments et dans les opinions de la partie désœuvrée de la nation française. […] Quand une nation se repose après une révolution ou après de grandes dissensions, le parti victorieux s’applique encore quelque temps après la victoire à exercer une espèce de vengeance morale sur les opinions qui régnaient avant le combat ; il réprouve tout le système des anciennes idées, des anciens principes en morale, en littérature, en philosophie, même dans les arts.
Page 468, ci-dessus, Diderot a ajouté en note à son manuscrit : « Voyez les dernières pages de cet ouvrage où j’expose les raisons d’une opinion qui peut être contredite. » Voici ces dernières pages, qui nous paraissent n’être autre chose qu’un fragment d’une lettre adressée probablement à la princesse Daschkoff : … M. le prince Orloff est mon voisin. […] Nous avons peut-être pris l’un et l’autre en nous-mêmes la diversité de nos opinions.
Mais, sans traiter cette opinion d’extravagante, j’avoue que je n’y trouve point de vraisemblance. […] Il chargea sa mémoire de toutes les folles opinions répanduës de son tems ; et faute d’intelligence, ou par un fol amour du merveilleux, il en outre encore le ridicule et l’absurdité. […] Les moeurs, les opinions des peuples sont différentes ; et ces moeurs, ces opinions fondent pour eux un merveilleux particulier et des vraisemblances différentes : ainsi un poëme pourroit être excellent dans un pays, qui feroit pitié ailleurs, parce que des choses réputées grandes en ce pays-là seroient jugées petites dans un autre. […] Découvrons-en s’il se peut les raisons, et voyons comment ils ont pû plaire et intéresser pour se soûtenir jusqu’à nous dans l’opinion des hommes. […] C’est du moins dans cette opinion que j’ai traduit Homere.
La saine philosophie écarte radicalement, il est vrai, toutes les questions nécessairement insolubles : mais, en motivant leur rejet, elle évite de rien nier à leur égard, ce qui serait contradictoire à cette désuétude systématique, par laquelle seule doivent s’éteindre toutes les opinions vraiment indiscutables. […] Malgré sa tendance anti-anarchique, l’école théologique s’est montrée, de nos jours, radicalement impuissante à empêcher l’essor des opinions subversives, qui, après s’être développées surtout pendant sa principale restauration, sont souvent propagées par elle, pour de frivoles calculs dynastiques. […] D’une part, en effet, il démontre que les principales difficultés sociales ne sont pas aujourd’hui essentiellement politiques, mais surtout morales, en sorte que leur solution possible dépend réellement des opinions et des mœurs beaucoup plus que des institutions ; ce qui tend à éteindre une activité perturbatrice, en transformant l’agitation politique en mouvement philosophique. […] On doit, il est vrai, reconnaître, en général, que l’introduction de toute règle morale a dû partout s’opérer d’abord sous les inspirations théologiques, alors profondément incorporées au système entier de nos idées, et aussi seules susceptibles de constituer des opinions suffisamment communes. […] D’irrécusables expériences ont d’ailleurs prouvé, en même temps, sur une vaste échelle, au sein des masses populaires, que le prétendu privilège exclusif des croyances religieuses pour déterminer de grands sacrifices ou d’actifs dévouements pouvait également appartenir à des opinions directement opposées, et s’attachait, en général, à toute profonde conviction, quelle qu’en puisse être la nature.
Mais telle n’est point l’opinion de Flaubert et de son école. […] Montrez-moi une idée morale, un jugement, une opinion, — même politique ! […] Et il en est de même de toutes les opinions de Flaubert. Pour les choses d’art, dont il doit être beaucoup plus préoccupé que des choses sociales et de gouvernement, il exprime des opinions opposées sans qu’on puisse présumer la sienne, et il les exprime comme il décrit les masques d’un bal masqué et leurs costumes. […] Instantanément célèbre par Madame Bovary et par l’absurde procès fait à ce livre et qui en doubla la célébrité, Gustave Flaubert a toujours été, dans l’opinion, à la hauteur où son roman de Madame Bovary l’avait placé.
La marche a été longue depuis le commencement du monde, et la renommée n’a cessé de produire les opinions magnifiques que l’on a conçues jusqu’à nous de ces antiquités que leur extrême éloigneraient dérobe à notre connaissance. […] Le même axiome renferme toutes les idées qu’on s’est formées jusqu’ici du droit naturel des gens ; droit qui, selon l’opinion commune, serait sorti d’une nation pour être transmis aux autres. […] Cet état dont, selon l’opinion unanime des politiques, sortirent les peuples et les cités, l’histoire profane n’en fait point mention, ou en dit à peine quelques mots confus. […] Cet axiome termine par le fait la grande dispute à laquelle a donné lieu la question suivante : le droit est-il dans la nature, ou seulement dans l’opinion des hommes ? […] Grotius, Selden et Pufendorf devaient fonder leurs systèmes sur cette base, et se ranger à l’opinion des jurisconsultes romains, selon lesquels le droit naturel a été ordonné par la divine Providence.
Il faut l’en croire ; pourtant il en garda toujours le ton ; il y avait contracté son pli, l’habitude de crier, de ferrailler comme dans une autre salle d’escrime ; d’imposer son opinion d’une « voix de gourdin », comme dit Grimm. […] L’opinion qu’on a de moi à cet égard vient de ce que, dans la conversation, j’ai un tour et un style à moi, qui n’ayant rien de peiné, d’affecté ni de recherché, est à la fois singulier et naturel. […] Il s’abandonnait chaque jour au même mouvement, pour lui facile, au même entrain sans cesse répété ; il ne se renouvelait pas, il ne grandissait pas : « Il n’est pas rare, disait-il, qu’on prenne dès la première entrevue l’opinion qu’on a de mon esprit. » Et en effet, c’est que, dans sa verve improvisatrice mondaine, il donnait d’abord sa mesure ; il jetait à tous venants ce qu’il avait de mieux, ce qu’il avait de plus original et de plus vif. […] Le Français, selon lui, a un mérite distinctif : « Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le cœur se corrompe et que le courage s’altère. » Il voudrait voir l’éducation publique se réformer et s’appliquer mieux désormais aux usages et aux emplois multipliés de la société moderne ; il prévoit à temps ce qui serait à faire, et, connaissant le train du monde, il craint toutefois qu’on ne le fasse pas à temps : « Je ne sais, dit-il, si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer et hâter les progrès par une éducation bien entendue. » Duclos veut une réforme en effet, et non point une révolution.
» On avait voulu l’indisposer, sous prétexte de changement d’opinion, contre un de ses amis, alors ministre (M. […] Je ne suis pas entêté de mes opinions politiques à ce point. » Parmi ses correspondants illustres, deux surtout, par le contraste, appellent le regard : Lamennais, Chateaubriand. […] Ce dont il convient de le louer résolument, c’est d’avoir mis toujours l’intérêt de la France au-dessus de son opinion individuelle : « J’ai, disait-il à Lamennais, une conscience méticuleuse qui m’empêche d’être homme de parti, comme il faut l’être ; je ne suis qu’homme d’opinion.