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1357. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Les peaux décolorées par les fards, les yeux cerclés de vert ou de bleu, les sangs pauvres et les nerfs détraqués des races vieillies, les humeurs fantasques précédant les maladies mentales, les vierges d’une perversité précoce, les vices qui s’épanouissent comme des moisissures sur le fumier des sociétés en décomposition, toutes les dépravations savantes des civilisations faisandées, ont naturellement la séduction des choses rares pour le décadent qu’horrifient les simples amours comprises de tout le monde. […] * *  * Cette maladive manie de se séparer du reste des hommes n’empêche pas le décadent d’aimer le bifteck saignant, de recourir, quand il a besoin de protection, aux agents de cette société qu’il dédaigne, d’avoir un tailleur qui l’habille à la dernière mode et de pratiquer sans effort les règles de la civilité puérile et honnête dans ses rapports avec ses contemporains. […] Il y compare la société à une grande horloge à trois aiguilles.

1358. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Rien ne s’y montre de l’époque que ce qui en fut le plus aimable : l’esprit, plus charmant alors qu’en aucun autre âge de la société française ; un peu de La Rochefoucauld, un peu de Mme de Sévigné, avec le naturel qui les avait faits amis ; la galanterie tendre et ingénieuse, qui est la forme de l’amour dans notre pays. […] Dans cette société de quatre amis, qu’il peint au 1er livre des Amours de Psyché, d’où l’on avait banni, dit-il, « la conversation réglée et tout ce qui sent sa conférence académique », on se souvient qu’il est Polyphile, l’amateur de toutes choses87. […] C’est au plus bel âge de la langue, et pour le plaisir secret d’une société où les mœurs générales étaient graves, que notre poète les a écrits.

1359. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

— Nous avons eu, à Paris, une exécution de la scène des Floramyes de Parsifal, par la société chorale de la Concordia. […] Dans ces écrits il a examiné l’art d’abord, sous tous les points de vue possibles, absolus et contingents, et ensuite le monde — l’état, la religion, la société, etc. — Au point de vue exclusif de l’artiste, donnant ainsi une théorie complète du monde, non point philosophique, mais artistique. […] Le 259 la statue a été découverte au milieu d’une grande affluence, des corps d’état et des sociétés littéraires et artistiques.

1360. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Quelques années après, M. de Latouche, de société avec M.  […] Après les succès d’Ourika et d’Édouard, la duchesse de Duras avait lu, à quelques personnes de sa société, une nouvelle intitulée Olivier, dont on parlait assez mystérieusement. […] [NdA] L’épigramme de Millevoye est adressée À un lecteur de société ; la voici : Vos vers tant lus, tant relus, Ont fait émeute au Parnasse ; Publiez-les donc, de grâce, Afin qu’on n’en parle plus.

1361. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ici, la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf, ou aussi grosse que le bœuf, est tout simplement le bourgeois gentilhomme ; c’est tout simplement celui qui veut sortir de sa sphère et qui se gonfle pour atteindre les dimensions d’un autre personnage de la société. […] Par exemple, dans le dernier livre, il y a une société hétéroclite et bizarre, du corbeau, de la gazelle, de la tortue et du rat ; et il faut avouer que c’est de la plus haute fantaisie que de les mettre ainsi ensemble. Il tenait cela des Indiens, chez qui c’est une idée religieuse, une idée très ancienne que l’on trouve dans leurs plus vieux poèmes, que les animaux font des sociétés les uns avec les autres même lorsqu’ils sont d’espèces différentes.

1362. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Les industries de main, les métiers matériellement utiles, passent, aux yeux de Proudhon et dans une société bien faite, très avant les inutilités aristocratiques de la pensée. — Mais que Michelet en soit venu là ! […] Cet ennemi du Christianisme, pour instituer sa société révolutionnaire a rabâché le Christianisme, dont il méconnaît l’esprit, la vie, la puissance immortelle. […] Et guenille de païen, ne l’est-il pas encore, quand il affirme que la régénération d’un peuple est attachée impérieusement à l’imitation du théâtre des glorieuses Sociétés antiques, et que, pour remoraliser la France, il faut que nous nous mettions tous à jouer la comédie ?

1363. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ce qui est comique pour tel peuple, pour telle société, pour tel homme, peut ne pas l’être pour tel autre. […] Son exemple doit apprendre à ses imitateurs à ne pas ménager le vice, & à traiter un méchant homme sur le théatre comme il doit l’être dans la société. […] Est-ce dans le cours tranquille de la société ? […] On le disoit de lui dans la société, son caractere n’a fait que passer dans ses fables. […] Ce n’est même qu’à ce titre que les talens en général nous semblent avoir droit d’entres en société de gloire avec les vertus, & la société devient plus intime à mesure qu’ils concourent plus directement à la même fin.

1364. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Cet homme, tout rempli d’urbanité et d’indulgence, appartient à l’ancienne société française. […] » Que vous étiez une mouche admirable à faire bourdonner cette grande ruche qu’on appelle la société, ami Diderot ! […] « Celui-là qui, dans la société, a le malheureux talent de plaire à tout le monde, n’a rien qui lui appartienne et qui le distingue des autres hommes. […] Vous les voyez grands sur la scène, parce que, dites-vous, ils ont de l’âme ; moi je les vois petits et bas dans la société parce qu’ils n’en ont point. […] En même temps il s’expose, ce qui arrive en effet, à ce que Cidalise et Araminte, qui sont de la même société et qui se rencontreront dans les mêmes salons, reconnaissent, au premier coup d’œil, cette substitution de bijoux.

1365. (1897) Aspects pp. -215

Il se terre sous bois dans la société de bûcherons. […] De par elle, la société tapie derrière ses codes, ses procédures et ses traités étouffe l’individu avec des formes affreusement douceâtres. […] C’est pourquoi nos sociétés sont bâties en dépit du bon sens. […] Zola, parfois banales et assommantes, extraites, dirait-on, d’un guide Conti quelconque. — Puis Pierre entre en relations avec la société romaine. […] Eekhoud a décrit des existences de vagabonds, de révoltés, d’aberrés sexuels ; bref il note l’état d’âme de tous ceux que la société actuelle dévie et déforme.

1366. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

En applaudissant vivement à l’expression de ce reproche qui atteignait en partie la belle société, il est évident que le public académique prenait tout haut l’engagement de ne plus retomber dans pareille faute.

1367. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand !

1368. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

L’histoire générale des sciences & des arts demanderoit une société savante, capable de tout connoître & de tout apprécier.

1369. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

C’est toute l’étendue du ciel sous l’horizon le plus élevé ; c’est la surface d’une mer ; c’est une multitude d’hommes occupés du bonheur de la société ; ce sont des édifices immenses, et qu’il conduit à perte de vue.

1370. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Il y avait déjà un siècle et demi que sur le continent, dans l’affaissement et la dissolution universelle, une nouvelle société s’était faite et de nouveaux hommes avaient surgi. […] Que diriez-vous d’une société qui, pour toute littérature, aurait l’opéra et ses fantasmagories ? […] C’est le domsday-book qui, enserrant cette jeune société dans une discipline rigide, a fait du Saxon l’Anglais que nous voyons aujourd’hui. […] C’est un patronage effectif que celui de ces Saxons, restés debout ; car ils ne sont point isolés ; des mariages communs, comme jadis ceux des patriciens et des plébéiens à Rome, ont, dès l’abord, uni les deux races135 ; le Normand, beau-frère d’un Saxon, se défend lui-même en défendant son beau-frère ; dans ces temps de troubles surtout, et dans une société armée, les parents, les alliés, sont obligés de se serrer les uns contre les autres pour faire ferme. […] La Renaissance et la Réforme, qui sont les deux explosions nationales, sont encore lointaines, et la littérature du temps va garder jusqu’au bout, comme la haute société anglaise, l’empreinte presque pure de son origine française et de ses modèles étrangers.

1371. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Faute d’ennemis, il s’en prend à la société et lui fait la guerre. […] Seul contre tous, contre une société armée, debout, invincible, même au bon sens, même à la conscience, c’est alors qu’il ressentait dans tous ses nerfs tendus la sensation grandiose et terrible vers laquelle involontairement tout son être se portait. […] Il vivait dans l’heureuse société de Venise, encore exempte de colères politiques, où le souci paraissait une sottise, où l’on traitait la vie comme un carnaval, où le plaisir courait les rues, non pas timide et hypocrite, mais déshabillé et approuvé. […] » Admirables moralistes, vous êtes devant ces deux fleurs, en jardiniers patentés, tenant en main le modèle de floraison visé par votre société d’horticulture, prouvant que le modèle n’a point été suivi, et décidant que les deux mauvaises herbes doivent être jetées dans « le feu » que vous entretenez pour brûler les pousses irrégulières. […] Dans cette large carrière ouverte, le plébéien souffrait de sa médiocrité et le sceptique de son doute ; le plébéien, comme le sceptique, atteint d’une mélancolie précoce et flétri par une expérience prématurée, livrait ses sympathies et sa conduite aux poëtes, qui disaient le bonheur impossible, la vérité inaccessible, la société mal faite, et l’homme avorté ou gâté.

1372. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Car ce consentement, qui suffit pour former et conserver les sociétés, ne suffit plus s’il s’agit d’établir la supériorité d’un poète sur un autre. […] La société nouvelle, en autorisant toutes les espérances excite toutes les énergies. […] Une société fondée sur l’initiative de M.  […] Là il se partagea entre la diplomatie, les arts et la belle société. […] Les sociétés humaines lui inspirent un insurmontable dégoût.

1373. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

À une époque où les gens de lettres forment une vaste société liée par les plus étroits rapports, juger ses amis, ses confrères, ses égaux ! […] Il est douteux qu’aujourd’hui la société comme il faut lui passât le ruban d’Agnès et la grande scène du Tartufe. […] Pour l’ordinaire, lorsque la mort intervient sur le théâtre, elle atteint le méchant, qu’elle met hors d’état d’achever son crime, elle venge la société et soulage la conscience publique. […] Faire de Vernouillet un des rois de l’époque lui semble la plus cruelle mystification dont il puisse bafouer la société actuelle. […] Dans la première de ses deux pièces, sa pensée est bien claire : il réclame pour les hommes d’intelligence la prédominance que prend le capital dans la société moderne.

1374. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Et c’est là un premier épisode de la lutte d’Alceste contre la société. […] La société n’admet pas que l’on ait de ces délicatesses prudes. […] « Alceste n’entend pas l’amitié comme la société. […] Il veut à lui seul contraindre la société à renoncer à ses hypocrisies. […] Il l’était devenu en considérant combien la société ressemblait peu à son idéal.

1375. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

  Quels que soient les avantages de l’homme sur tous les autres Êtres de la nature, il a besoin que l’instruction développe les facultés de son ame, féconde son esprit, touche son cœur, fixe ses idées morales & physiques, lui démontre la nécessité d’obéir à la raison, lui apprenne à connoître la justice, à se la rendre à lui même & aux autres, en domptant ses passions & en évitant les actions nuisibles à la société : de-là naîtra l’amour de la sagesse, fondé sur le sentiment lumineux du vrai, du juste ; sentiment qui seul peut lui servir de guide pour marcher constamment dans le sentier de la vertu, & le détourner de la voie du vice. […] parce qu’ils osent combattre la vérité par des argumens puisés dans les sources impures du mensonge, & qu’ennemis nés de la société ils se plaisent à jeter le trouble dans les ames foibles, pour les abandonner ensuite au tourment affreux du doute ou du désespoir ! Enfin parce qu’eux-mêmes, punis d’avance par les reproches secrets de leur propre conscience, cachent en faux braves l’inquiétude qui les dévore, & fiers de leurs vaines lumières, ne cherchent à les répandre que pour éblouir & pour égarer les victimes qu’ils surprennent ; semblables à ces feux trompeurs, dont la funeste clarté ne sert pendant la nuit, qu’à augmenter la terreur de celui qui voyage, & à redoubler l’horreur de l’obscurité ; il faudra bannir de l’univers toute vertu & toute vraie science, rompre tous les liens de la société, vivre esclaves de l’ignorance & de nos passions, abjurer en un mot pour toujours les droits sacrés de l’humanité ! […] Ils formoient entre eux une société de Savans, où régnoit le goût de la bonne Littérature & de la saine Philosophie. […] Ils ont chassé les Ris du Théâtre & même de la société, en changeant journellement nos mœurs.

1376. (1920) Action, n° 2, mars 1920

La société est tout. […] Apte à saisir, en bon reporter, tout ce qui caractérise un homme, une société, une ville ou un pays, René Arcos a peint des fresques étonnantes de fraîcheur, de vie et de sincérité. […] Sa sensibilité exacerbée nourrit sa révolte contre la société et il prône la responsabilité de l’individu dans une société libertaire. […] Sa thèse, parue en 1912, porte sur l’Antinomie entre l’individu et la société. […] Il publie avant la première guerre mondiale des satires de la société wilheminienne.

1377. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

J’ai eu cette bonne fortune d’assister à une représentation de l’Abraham, devant la société protestante de Paris : à la scène le défaut essentiel apparaît beaucoup mieux qu’à la lecture ; il y a là une douleur poignante, mais pas de conflit dramatique ; la volonté de Dieu est indiscutable et insondable ; sans rapport, pour nous, avec les caractères ; Abraham s’y soumet aussitôt « avec obéissance » ; Isaac de même ; il n’y a qu’un court instant de lutte morale, et cette lutte est extériorisée, donc affaiblie, par le personnage de Satan. […] Quoi qu’il en soit, cette forme spéciale fut l’idéal de tous les théoriciens du xviie  siècle ; voulue ostensiblement par Richelieu, elle eut la faveur de la société lettrée, fut cultivée par une quantité de poètes de talent qui y mirent tout leur art, et quel est le résultat de cet effort immense ? […] À y regarder de près, le siècle fut extraordinairement riche en individualités ; mais les plus grands esprits se soumirent spontanément à la discipline de la raison universelle ; ils sacrifièrent à la société, à un idéal d’autorité, non pas leur vigueur, mais leurs petites « opinions particulières » ; ce n’est pas lâcheté, c’est, je le répète, un sacrifice. […] Il me semble être surtout un grand seigneur dilettante, très élégamment paradoxal ; si vraiment « les Maximes sont comme le testament moral de la société précieuse » (Lanson), je les mettrais malgré leur date (1665) parmi les « documents » qui expliquent la fin de cette période, juste avant Fontenelle, et préparant La Bruyère qui, lui, fut un artiste, quoique incomplet. […] On a dit (dans une intention de critique) que l’Émile est le roman de l’éducation, comme le Contrat social est le roman de la société humaine ; romans ?

1378. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

La société d’Auteuil florissait encore. […] J’ai retrouvé ici les jeunes gens qui appartiennent comme moi à la société que vous savez. […] A partir de 1816, la petite société philosophique qui se réunissait chez M., de Biran avait pris plus de suite, et l’émulation s’en mêlait. […] Ampère savait mieux les choses de la nature et de l’univers que celles des hommes et de la société.

1379. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Toute la fortune de mon aïeul ne dépassait pas cinq mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils emportait les deux tiers, trois mille trois cents livres ; restait mille six cent soixante-six livres pour les trois cadets, sur laquelle somme l’aîné prélevait encore le préciput »  Cette fortune qui s’émiette et s’anéantit, ils ne savent ni ne veulent la refaire par le négoce, l’industrie ou l’administration : ce serait déroger. « Hauts et puissants seigneurs d’un colombier, d’une crapaudière et d’une garenne », plus la substance leur manque, plus ils s’attachent au nom  Joignez à cela le séjour d’hiver à la ville, la représentation, les dépenses que comportent la vanité et le besoin de société, les visites chez le gouverneur et l’intendant : il faut être Allemand ou Anglais pour passer les mois tristes et pluvieux dans son castel ou dans sa ferme, seul, en compagnie de rustres, au risque de devenir aussi emprunté et aussi hétéroclite qu’eux66. […] La cour est un grand salon permanent, où « l’accès est libre et facile des sujets au prince », où ils vivent avec lui « dans une société douce et honnête, nonobstant la distance presque infinie du rang et du pouvoir », où le monarque se pique d’être un parfait maître de maison75. […] Chateaubriand, Mémoires, I, 14, 15, 29, 76, 80, 125. — Lucas de Montigny, Mémoires de Mirabeau, I, 160. — Comptes rendus de la société du Berry : Bourges en 1753 et 1754, d’après un journal à la main (aux Archives nationales), écrit par un des parlementaires exilés, 273. […] Comptes rendus de la société du Berry, Bourges en 1753 et 1754, 273.

1380. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Micawber, à l’instigation de sa femme, prend la résolution de jeter le gant à la société, la sommant de lui donner une position digne de ses talents. […] La morale de Dickens élaborée en système ou réduite à ce que l’auteur l’a faite, à quelques aspirations vers un état de bonté et de simplicité inoffensives, à quelques condamnations précipitées de ce qu’il y a de dur dans l’homme et la société, est fausse et inutile comme toutes celles qui sont issues de vœux, d’un idéal, de plus de générosité que d’expérience. […] IV L’œuvre qui est ainsi moralisante, qui juge, approuve et désapprouve, en vertu de considérations purement sentimentales, la société et les hommes, qui tantôt les dépeint en caricatures outrées, comiques ou monstrueuses, tantôt en indications disconnexes et mystérieuses, qui jamais ne les analyse et ne les donne à connaître, pas plus qu’elle ne décrit les lieux, ne ménage les développements humoristiques et personnels, les indications au lecteur, les exubérances, les prosopopées, les partis pris du style, qui procède par épisodes au gré d’une composition singulièrement lâche et mal faite, révèle chez l’écrivain que nous étudions une organisation mentale nettement accusée, simple et une, assez rare chez les hommes de lettres, fréquente au contraire chez les hommes ordinaires, chez les hommes d’action et qu’il sera intéressant d’étudier en un exemplaire parfait. […] Les sentiments qui l’ont ému ne sont guère que des nuances de l’aversion et de l’approbation ; ils versent dans la terreur, cet étonnement devant la réalité qui est une des affections de l’inintelligence ; ils poussèrent l’écrivain à quantités d’indignations déraisonnables, le firent se moquer et s’apitoyer, s’indigner et s’effrayer d’une quantité de choses qui n’en valaient pas la peine, l’engagèrent enfin à donner de tout, de la société, des institutions, des caractères, des vertus nécessaires, des actes répréhensibles, un jugement, sans réflexion, tout de premier mouvement, tel qu’en pourrait porter un enfant ou une femme émue.

1381. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Quoique Napoléon soit encore bien près de nous, quoique l’empreinte de ses pas soit encore marquée sur la face entière de l’Europe, cependant la société au milieu de laquelle nous vivons se sépare profondément de la société consulaire et impériale. […] Il va droit à sa maîtresse, et ne s’arrête pas à maudire la société qui les sépare. […] Une société qui se prétend le premier corps littéraire de France, qui devrait réunir l’élite des écrivains, se prête servilement aux caprices des salons. […] Au moins ces trois grands noms dominaient la société française, parce qu’ils la comprenaient. […] Que sont les poètes dans les sociétés modernes ?

1382. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Je cours sur ces audaces finales qu’on entrevoit assez, et que déplore le poète tout en les racontant et les dénonçant comme le signe d’une société perdue et d’un siècle désespéré. Certes elle était malade, en effet, et en danger de se dissoudre, cette société finissante du Moyen Âge, qui engendrait ce dernier Roman de Renart comme peinture et expression d’elle-même : pourtant elle avait des ressources encore, de la force héroïque et des exemples à opposer tout à côté à cette corruption des subtils et des lâches.

1383. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

J’ai indiqué tout à l’heure sans honte le coin de la rue de la Huchette, où il signait volontiers ses engagements avec le libraire ; le même jour peut-être ou le lendemain, l’abbé Prévost était à L’Isle-Adam, dans les jardins du prince de Conti, au milieu d’une société délicieuse. […] L’abbé Prévost a l’apologie persuasive : ici le cas était léger ; M. de Maurepas se laissa fléchir, et le fugitif, en retrouvant sa place auprès du prince de Conti, reprit sa même vie, ses mêmes sociétés faciles, et ses habitudes plus que jamais laborieuses.

1384. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Et qu’on me permette ici une réflexion générale qui s’applique à cette époque et à beaucoup d’autres : il y a, dans les divers états de la société et aux divers degrés de la civilisation, des facultés nécessaires et des talents qui, répandus par la nature sur certains hommes, diffèrent beaucoup moins qu’on ne suppose de ces mêmes talents, développés à des époques en apparence plus favorisées. Ainsi la poésie, ainsi l’éloquence, sont des dons naturels qui, du temps de Villehardouin et de Quènes de Béthune, n’étaient pas moins réels ni de près, peut-être, moins frappants qu’ils ne le seront à des âges de société plus en vue.

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