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1350. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Quand on vient, comme moi, de lire les écrits du Condorcet révolutionnaire, non pas les écrits recueillis dans cette édition de famille, et les seuls dont M.  […] » Quand on voit, au seul point de vue moral, de telles métamorphoses, on maudit les révolutions, on les redoute, non pas pour sa vie, mais pour son propre caractère ; on se demande si l’on n’aurait point en soi quelque travers, quelque fausse vue ou quelque passion maligne, quelque fanatisme caché, qu’elles se chargeraient de développer ensuite et de mettre en lumière pour notre abaissement et notre honte. […] voilà ce que Condorcet seul pouvait imaginer. […] Il croyait tenir la clef du bonheur des hommes et des races futures ; il distribuait et prêtait volontiers cette clef à tous ; mais quand on a une telle confiance dans la justesse d’une seule de ses propres vues, qui embrasse l’avenir du monde, on peut être ensuite facile et sans trop de prétentions sur le reste : la vanité, sous un air de bienveillance, a en nous un assez bel et assez haut endroit où se loger. […] Orateur, il avait un langage abstrait, terne et monotone comme son débit ; journaliste, il ne rencontre jamais un trait brillant, jamais une image vive ni une étincelle ; la précision et une certaine ironie froide sont, en ce genre, les seules qualités qu’on puisse lui trouver.

1351. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Mais, d’après ces seuls traits, on fait plus qu’entrevoir l’idéal qu’elle n’était pas fâchée de présenter de sa beauté, ou, si vous voulez, le correctif de sa laideur. […] On lui imputerait trop à elle seule ce qui était le travers du temps. […] Mais qu’un homme entre, un seul, et non pas même des plus distingués, cette même conversation va se relever et devenir tout d’un coup plus réglée, plus spirituelle et plus agréable. Bref, les plus aimables femmes du monde, quand elles sont un grand nombre ensemble et qu’il n’y a point d’hommes, ne disent presque jamais rien qui vaille, et s’ennuient plus que si elles étaient seules. […] Il y a toute une leçon de goût dans ce seul rapprochement des noms.

1352. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Cent boutiquiers de Gênes me feraient moins, d’impression sur ce qui convient ou ne convient pas dans leur patrie, que la seule maison Brignole. […] Prenons-le par les seuls côtés qui nous touchent. […] M. de Maistre sent, avec l’instinct des grands esprits, que, s’il est un seul instant mis en mesure de s’expliquer devant cet autre grand esprit, Napoléon, il sera compris, et, dans tous les cas, apprécié et déchiffré. […] Dans le vrai, je suis mort en 1798 (époque à laquelle il a quitté le pays), les funérailles seules sont retardées. […] M. de Maistre, comme un homme qui parle seul et de loin, et dont la voix monte pour être entendue, prête à la vérité même l’air du paradoxe et l’accent du défi.

1353. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il demanda à le voir seul ; il l’entretint longuement des malheurs publics, et il cherchait jour sensiblement à une ouverture. […] Militaire et homme du drapeau, il donna accès, dès le premier jour, au sentiment civil : c’est là son seul crime. […] Bourrienne nous le montre dans le salon, dînant seul à part sur un petit guéridon, et devenu le héros du jour. […] Son imagination, en ces matières, lui faisait tableau, et il était incapable par lui-même de ces lentes économies de détail qui seules assurent le succès des grandes entreprises particulières. […] Car, ne l’oublions pas, une transaction alors, dans une affaire si mal engagée, était la seule solution possible.

1354. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Adressons, avant tout, nos remerciements à la Société de l’histoire de France, qui, au milieu des circonstances pénibles où les lettres ont passé depuis 1848, n’a pas désespéré un seul instant de la patrie, je veux dire des études historiques sérieuses, et qui n’a pas fait trêve à ses publications. […] Sitôt qu’il était seul avec ses confidents, j’affectais de sortir par respect, et, quand je me trouvais obligé d’y rentrer, c’était toujours avec tant de circonspection que ma manière d’agir plaisait fort à mon maître, et ne donnait aucun ombrage à nos deux favoris (Sarasin et un M. de Chemerault). […] On ne songeait alors qu’à ce divertissement, auquel moi seul je prenais peu de part. […] C’est le seul présent qu’il lui ait fait, excepté un diamant de deux mille écus qu’il lui avait donné à Bordeaux, le second jour qu’il l’avait vue. […] Il n’eut que la seule satisfaction de faire changer quelque chose, ce qui n’était pas contentement pour lui.

1355. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

C’est sur cette différence même et sur elle seule que peut se fonder la distinction du sujet et de l’objet, du moi et du non-moi, où se trouve encore une nouvelle preuve de la volonté. […] Sans doute, quand nous essayons de nous représenter le vouloir, nous n’y parvenons qu’en l’incorporant dans un objet, — désir de telle chose, vouloir de tel mouvement, — car nous ne pouvons vouloir à vide ; mais cette présence nécessaire d’un objet, qui seul donne à la volonté une détermination représentable, n’empêche pas la volonté même d’être avant tout nécessaire. […] Mais la conception populaire de la volonté comme d’une faculté en opposition avec l’intelligence vient elle-même de ce sentiment obscur d’un tout continu de réactions, qui forment à chaque instant une seule réaction d’ensemble en un sens déterminé. […] Notre vie est une seule et même histoire interne, variée par tous les concours ou conflits extérieurs qu’elle rencontre. […] De ce que l’effort mental et cérébral, à lui seul, ne suffit pas pour déterminer tel mouvement de telle partie du corps, pas plus qu’un seul point ne détermine une ligne, en résulte-t-il que la représentation d’une impression purement périphérique y suffise, sans un élément central et cérébral qui a pour corrélatif l’intensité du vouloir, du désir et de l’effort ?

1356. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La manière d’élever cent étudiants dans une école est précisément l’inverse de la manière d’en enseigner un seul à côté de soi. […] Il est encore deux points de vue sous lesquels on peut embrasser la science universelle, points de vue très-généraux, l’homme et la nature, l’homme seul et l’homme en société. […] Que, comme je l’ai insinué plus haut, la chose qui va bien dans la spéculation, va mal dans la pratique, et que l’ordre de l’enseignement prescrit par l’âge, par l’utilité plus ou moins générale des élèves, le seul qui soit praticable dans une éducation publique, est aussi le seul qui s’accorde avec l’intérêt général et particulier. […] Ce plan n’offre qu’une seule difficulté, c’est que la liaison d’une science avec celle qui la précède, son enchaînement naturel avec celle qui la suit et dont elle faciliterait l’enseignement, lui désigne une place, et que la raison d’utilité plus ou moins générale lui en fixe une autre. […] C’est le seul cas où nous nous soyons permis de nous écarter de notre principe général, la raison d’utilité.

1357. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Ici, le cocher seul distingue le noble du roturier. […] Son grand désespoir est de n’avoir pas eu un seul oncle guillotiné sous la Terreur : Il ne s’en consolera jamais. […] Son pantalon effiloché se répand en lambeaux sur des bottes crevées ; et le crayon seul de Gavarni pourrait analyser sa redingote qui montre la corde — que son cou revendique. — Repoussant et repoussé, il fait, quand il passe, le vide autour de lui. […] Et, les jours de musique, Monleau récolte à lui seul plus de coups de chapeau qu’Adolphe Maillet n’en prodigue aux équipages armoriés. […] Et de ce nombre, je serais fort en peine de détacher un seul homme de lettres.

1358. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Seule notre âme est parfois une cathédrale qù nous pouvons prier ensemble. » Else Lasker-Schulerae  : « Je suis né à Thèbes en Egypte, quoique je vinsse au monde à Elberfeld en Rhénanie. […] Seul ce qu’un homme construit a une langue ; pour former l’homme : et seule cette œuvre a une valeur. […] Même la guerre qui a broyé beaucoup de ces poètes, n’est jamais décrite avec réalisme… » Résumons : La matérialité des faits est considérée comme secondaire, seules importent les grandes directives qui régissent la vie. […] On dit couramment qu’en France, tout ce qui a de la valeur ne peut subsister, que seule la médiocrité triomphe. […] André Germain, alors directeur du Double Bouquet où il avait accueilli dès 1913 des poèmes de Benoit, sera le seul acheteur en 1914 de Diadumène premier recueil du futur auteur de L’Atlantide.

1359. (1887) Essais sur l’école romantique

Hugo est-il le seul et le premier qui ait tenté cette hardie concurrence avec la Bible ? […] J’ai peur que ma définition soit la seule chose qui reste de cette querelle, précisément parce qu’elle est vague. […] Et s’il y a une seule phrase de ce genre dans ma déclaration, tout cela valait-il que j’en fisse le sacrifice ? […] Seules, les études sur M.  […] C’est donc avec son imagination toute seule, sans frein, sans contrôle, sans intelligence des convenances de l’art, que M. 

1360. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 529

Le bon Soldat, le Baron de la Crasse, sont les seules Comédies de Poisson qui soient restées au Théatre, mais elles ne sont pas les seules qu’on puisse lire avec plaisir.

1361. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

On fait venir sept maris, et les sept noces se célèbrent en un seul festin où les vins, dit le poëte, valaient mieux que ceux de Cana. […] La faculté la plus inventive, c’est la raison, parce que la raison seule nous découvre la vérité, la seule source des littératures qui ne s’épuise pas. […] Le poète, à peine seul veut retourner au bouton. […] Resté seul, il se lamente, il gémit sur le prix dont il a payé les premières faveurs de l’amour. […] Pénélope et Lucrèce seront citées, sinon comme les seuls, du moins comme de très-rares exemples de la fidélité conjugale.

1362. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Il n’y a plus sur les planches, un seul acteur, une seule actrice. […] Une femme seule pouvait le faire, et je l’engage à écrire un volume, où sa préoccupation soit de faire avant tout, une œuvre de femme. […] Le collectionneur chinois le possède, pour en jouir, et s’en délecter, lui tout seul, la porte fermée, dans une heure de repos, de tranquillité, de recueillement amoureux. […] J’emporte de là une sécheresse de bouche, que l’eau de mer d’une douzaine d’huîtres peut seule rafraîchir. […] C’est le seul milieu, où un semblant de fantastique se mêle à la vie réelle.

1363. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Camille Mauclair a dit des Rosny qu’ils étaient les seuls romanciers sociologues. […] Les seuls romans qui essaient de rendre la manière de vivre d’une époque parmi son décor propre sont ceux de M.  […] Cette renaissance, ils l’avaient prévue, eux qui furent — en un temps de naturalisme vulgaire — les seuls et derniers apôtres du romanesque et les créateurs du roman préhistorique. […] Le Chinois, pris seul, est ici dessiné avec une habileté saisissante. […] Les mauvais instincts seuls font agir les hommes.

1364. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

— sont les seuls noms anciens demeurés sur les devantures de boutiques de bric-à-brac. […] C’était un très grand acteur, engagé à jouer pour une société, une société seule. […] Daudet me dit, que la seule crainte qu’il éprouve pour moi, c’est que la fin de mes tableaux, sans effet théâtral, ne déroute le public. […] Mais la scène à faire, êtes-vous bien sûr que vous êtes le seul, l’unique voyant, patenté et breveté de cette scène ? […] C’est en mon seul nom que je vous écris, mais nous étions foule à vous acclamer à la troisième de Germinie.

1365. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Dans mon dessein de montrer de tout temps en lui l’homme de travail et d’étude, je noterai, à cette date de 1812, une seule particularité qui me semble caractéristique. […] Ce n’est point en trempant sa plume dans la couleur vénitienne, c’est avec la seule correction du dessin français et l’espèce de réflexion raisonnable qui s’y mêle, qu’il a exposé cette suite de tableaux. […] On a, dans les Mémoires de Napoléon, un récit de ce même accident, de cette catastrophe définitive ; elle est retracée avec une rapidité et avec une certitude péremptoire que lui seul, l’acteur principal et le conquérant, pouvait se permettre. […] Daru, aurait désiré qu’une plus grande part y fût faite à l’histoire des sciences et des lettres dans la personne des Bretons célèbres ; mais le même critique se montrait, en revanche, peu disposé à admettre la réalité du noble combat des Trente, que l’historien maintenait de tout son pouvoir comme étant vrai en vertu de la tradition seule, comme devant l’être et le paraître par la beauté même de l’action. […] Enfin, les revers, les chagrins sont venus ; peu de vies en sont exemptes : j’ai dû alors au goût et à l’habitude du travail les seuls remèdes que l’on puisse opposer soit au vide de l’âme qui suit souvent la perte du pouvoir, soit aux épreuves qui vous frappent dans la vie de ceux que l’on aime.

1366. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Et nous aussi, nous avons vu comme on tombe dans une révolution, et comme on en sort ; comment tous, et les derniers, et les plus distingués, y poussent à l’envi, comment plusieurs même aimeraient à y rester, mais comment un seul, inspiré de plus haut, vous en retire. […] Ici, dans le Génie du christianisme, il reparaissait tout autre ; bien que les couleurs brillantes et poétiques donnassent le ton général, et qu’il s’attachât à émouvoir ou à charmer plutôt qu’à réfuter, il prenait l’offensive sur bien des points : il s’agissait, au fond, de retourner le ridicule dont on avait fait assez longtemps usage contre les seuls chrétiens ; le moment était venu de le rendre aux philosophes. […] Ainsi, dans ces derniers mémoires, racontant sa présentation à Versailles et sa présence à l’une des chasses royales, Chateaubriand veut que dans les deux circonstances Louis XVI ne lui ait parlé qu’une seule fois pour lui dire un mot insignifiant : ici, dans une note de l’Essai, il remarque que Louis XVI lui a parlé deux fois, et il écrit même de sa main en marge les mots très courts que le roi lui adressa dans les deux occasions ; mais ces mots, dont il ne reste que quelques lettres, ont été arrachés par un ongle irrité. […] Quoi qu’il en soit, la sincérité de l’émotion dans laquelle Chateaubriand conçut la première idée du Génie du christianisme est démontrée par la lettre suivante écrite à Fontanes, lettre que j’ai trouvée autrefois dans les papiers de celui-ci ; dont Mme la comtesse Christine de Fontanes, fille du poète, possède l’original ; et qui, n’étant destinée qu’à la seule amitié, en dit plus que toutes les phrases écrites ensuite en présence et en vue du public. On me permettra de la donner ici tout entière : c’est un titre essentiel ; c’est la seule réponse victorieuse qui se puisse opposer aux notes marginales qu’on invoque, et dont j’ai cité quelques-unes, du fameux exemplaire de l’Essai.

1367. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Cela est vrai surtout des époques où l’écriture était chose à part et réservée aux seuls clercs. […] Pour ce seul respect, suis-je après à l’échanger (à l’obtenir par échange). […] Le rusé Turenne (le futur duc de Bouillon) s’éclipsa sous prétexte d’un voyage, et laissa d’Aubigné porter seul le poids de la périlleuse consultation. […] Le prince de Condé meurt empoisonné et le laisse seul à la tête du parti protestant, exposé à toutes les perfidies et à toutes les haines. […] Un Alexandre, c’est un héros d’Homère qui s’élance tout formé et d’un seul jet des mains de Philippe et d’Aristote, et qui conquiert le monde en faisant trois pas comme un jeune dieu.

1368. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Despréaux, qui savait en quelles mains était alors le sceptre véritable, haussait les épaules quand il voyait les prétentions de ce Pindare égaré ; et le seul jour que Santeul parut à Versailles devant le roi pour y réciter ou y hurler des vers, Despréaux fit contre lui une épigramme. […] Il y a des hommes qui ne savent être qu’une chose, que de bonne heure une seule idée et une seule fumée remplit, et en qui une faculté irrésistible agit dès la jeunesse avec la force, la sagacité et aussi l’aveuglement d’un instinct. […] J’ai déjà nommé du Périer, un des grands poètes latins de ce temps-là, et aujourd’hui tout à fait oublié ; il était neveu de cet autre du Périer, le seul connu, parce qu’une belle ode de notre Malherbe a couronné son nom : Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle ! […] Le Fleuve irrité se met donc à tout détruire et à renverser la pompe, espérant du même coup anéantir les vers ; mais les vers sortent seuls victorieux du naufrage : Fulcra domus cecidere, simul domus omnis, eodem Superabat demens evertere carmina fluctu : Sola sed eversis manserunt carmina tectis. […] Au reste, sans être Santeul, on comprend la joie, l’enivrement presque légitime qui devait inonder son cœur lorsque lui, fragile, mais croyant et fidèle, perdu dans la foule, il entendait le chœur entier des lévites et de l’assistance entonner quelqu’une de ces hymnes aux nobles accents, dont l’une au moins, le Stupete gentes, a été comme touchée du souffle sacré et mérite, ce me semble, de vivre. — Dans ce vent soudain sorti du sanctuaire, et qui tend aujourd’hui à tout balayer de Santeul et à n’y rien laisser de sa mémoire, s’il était permis de faire entendre un humble vœu littéraire, je demanderais grâce pour une seule hymne de lui, et pour celle-là.

1369. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Le malheur du prince Guillaume, son tort, était d’avoir désespéré trop tôt, d’avoir cru trop aisément à la ruine de la patrie et à l’impossibilité d’une victoire, de s’être laissé paralyser par cette idée qu’il n’y avait pas d’issue ; mais la trempe ne se donne pas, et ce fut la trempe seule du caractère de Frédéric qui fit alors le salut de cette patrie. […] Vous avez eu de la confiance en moi lorsque l’histoire de vos amours vous obligeait à recourir à moi comme le seul capable de vous satisfaire ; mais dans aucune autre occasion vous ne m’avez témoigné la moindre confiance. […] Il nous a jetés dans cette cruelle guerre ; la valeur des généraux et des soldats peut seule nous en tirer. […] Par ceci, vous aurez seul la gloire d’avoir porté le dernier coup à l’obstination autrichienne, et d’avoir jeté les premiers fondements de la félicité publique qui sera une suite de la paix. […] Un jour, la paix faite, Frédéric, ayant réuni ses généraux à un repas, discourut sur les événements si multipliés et si mélangés de cette guerre ; il distribua librement à chacun la part de l’éloge et du blâme, sans s’épargner lui-même, et termina en ces mots : « Saluons, messieurs, le seul général qui, pendant cette guerre, n’a pas fait une seule faute. » Et se tournant vers le prince Henri : « À votre santé, mon frère ! 

1370. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire. […] Le matin, en s’éveillant dans son cabinet, mon ami jouissait de la belle vue ; puis il travaillait jusqu’à une heure avant le dîner qu’il passait le plus souvent à se promener seul avec moi. […] Le seul reproche fondé qu’on pût faire à l’aimable bailli de Nyon était d’apporter dans l’exercice de ses fonctions officielles une distraction souvent prodigieuse, dont il était ensuite le premier à rire, et que ses administrés attribuaient respectueusement à la variété, à la profondeur de ses études économiques, métaphysiques, historiques, tandis qu’elle tenait surtout à son humeur. […] Une seule ici suffira. […] Cette Suisse italienne, conquise peu à peu et par portions, et sujette de la Suisse libre, mais sujette non d’un seul, mais de plusieurs États souverains, offrait alors l’assemblage monstrueux de toutes les corruptions et de tous les abus.

1371. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Quoique le récit de Mme Lenormant soit net et spirituel, j’eusse préféré pourtant les lettres mêmes de Mme de Staël toutes seules, mises dans l’ordre des dates et complètes. […] Elle aime Paris, la société, la conversation, elle ne peut s’en passer ; comme à Mme Du Deffand, dès qu’elle est seule ou peu entourée, le fantôme de l’ennui se dresse à ses yeux et l’épouvante ; elle est vulnérable par là plus qu’on ne peut dire : Clorinde, même quand elle combat, se retrouve tout à coup plus faible qu’une Herminie. […] La seule chose qui ennuie, c’est la volubilité tout à fait extraordinaire de sa langue ; il faut se transformer tout entier en un appareil auditif pour pouvoir la suivre. […] Mme Lenormant, en citant cette lettre, en use et en abuse un peu, ce me semble, quand elle en conclut que Schlegel a dû, sous peine d’inconséquence, mourir catholique, et en donnant à entendre que le soin seul de sa position comme professeur à l’université de Bonn le rejeta ensuite dans la profession extérieure du protestantisme. […] Mme de Staël n’avait pas parlé seule, car elle admettait bien la réplique, mais elle avait tout animé, tout élevé et monté à son propre ton, à son degré d’enthousiasme : une électricité avait fait oublier l’autre.

1372. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Foucault, nous dit sans aucun embarras le panégyriste académique, fut le seul intendant qui ne demanda point de troupes réglées : il aimait beaucoup mieux pouvoir concerter avec les missionnaires qu’ils avaient principalement à traiter dans leurs controverses, se chargeant de prêcher en son particulier les raisons d’État, et de procurer aux ministres de quelque mérite et à la noblesse indigente des grâces convenables. […] Cousin, qui traite avec tant de dédain les Relations d’Elie Benoît pour des époques antérieures, et qui, du haut de son esprit, a déclaré cet utile et modeste historien « une très-médiocre intelligence », serait obligé ici de convenir qu’il doit y avoir quelque chose de très-vrai dans ce fonds d’horreurs où un intéressé seul pouvait nous faire pénétrer77 : c’est chose si désagréable en effet que d’avoir à s’appesantir sur des atrocités ; cela même semble contraire au bon ton et au respect qu’on a pour soi et pour ses lecteurs. […] Il n’eut besoin que de montrer les troupes, en déclarant que le roi ne voulait plus souffrir qu’une seule religion dans ses États ; et l’hérésie parut tomber à ses pieds. […] Il avait sous, les yeux, en écrivant, l’original même de la Relation de Foucault faite pour être mise sous les yeux du roi : « Il n’y est parlé ni de violences ni de dragonnades ; on n’y entrevoit pas qu’il y ait un seul soldat en Béarn : la conversion générale paraît produite par la Grâce-divine. » Foucault, dans ses Mémoires, est plus explicite, et je dois dire que tout ce qu’on y lit à ce sujet est fait pour confirmer bien plus que pour réfuter les reproches de ses accusateurs. […] Croira qui voudra qu’il a tenu la main, comme il en prenait l’engagement, à ce qu’il n’y eut aucune violence : « Le 18 avril 1685, j’ai demandé à M. de Louvois des ordres en blanc pour faire loger une ou plusieurs compagnies dans les villes remplies de religionnaires, étant certain que la seule approche des troupes produira un grand nombre de conversions ; que je tiendrai si bien la main à ce que les soldats ne fassent aucune violence, que je me rendrai responsable des plaintes qu’il en pourrait recevoir.

1373. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Si c’est là en effet le dernier mot de l’incrédulité, il faudra désormais autant et plus de foi pour croire à ces conséquences dites philosophiques ou historiques, à ces conjectures écloses et nées d’un seul cerveau, qu’à nous, chrétiens, pour continuer de croire à la tradition, à l’Église, au miracle visible d’un établissement divin toujours subsistant, au majestueux triomphe où l’évidence est écrite, au consentement universel tel qu’il résulte du concert des premiers et seuls témoins… » J’abrège. […] Son clergé plus instruit, plus discipliné, plus belliqueux ; ses fidèles plus soumis et marchant en armée comme un seul homme ; des auxiliaires sur les ailes, jusque dans la jeunesse dorée ou dans le monde bohème, par ton et par genre ; le tout présentait un ensemble imposant et une ligne rangée qui défiait l’adversaire et qui semblait provoquer le combat. […] Renan en détache un seul ; et véritablement, tel qu’il me semble le connaître, je ne me figure pas qu’il l’ait espéré ni qu’il le désire3. […] Il poursuivra avec vigueur son œuvre, son exposition désormais plus appuyée, plus historique et scientifique ; tous les cris et les clameurs ne le feront pas dévier un seul instant de son but. […] C’est un de ces ouvrages qui n’ont pas besoin de recommandation et qui font leur chemin tout seuls.

1374. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Elles paraissent enfin aujourd’hui, et, au lieu d’un seul volume, l’auteur, comme pour nous payer de l’arriéré, nous en donne deux ; et il y a joint encore un dernier volume de prose. […] Il ne s’est point hâté ; une seule fois, il a saisi au vol l’heure rapide pour sa Marie Stuart. […] Il faut l’entendre nous raconter sa vie, et en prose d’abord ; car sa prose a du naturel et de la grâce : « C’est là que j’ai passé, dit-il, loin des distractions et des entraînements du monde, de 1808 à 1816 ou 17, bien des semaines ou des mois de la belle saison et de l’automne, quelquefois avec un ami, le plus souvent tout seul, et alors dans une solitude si profonde, si complète, que je demeurais des jours entiers sans faire usage de la voix. […] Et rend visible aux yeux une éternelle nuit ; Et d’instant en instant la goutte d’eau qui tombe De cette immense tombe Est seule tout le bruit. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !

1375. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Les deux derniers volumes sont dignes des premiers, et l’auteur dans sa méthode originale et sûre, qui consiste à ne marcher qu’avec des pièces d’État, et, en grande partie, des pièces toute neuves, n’a point faibli un seul instant. […] Il faut reconnaître que la paix selon Louvois et la paix selon l’Europe ne signifiaient point une seule et même chose : Louvois avait une façon d’entendre et de pratiquer la paix qui n’était véritablement qu’à lui. […] La Diète de Ratisbonne, prise à tout instant pour juge et harcelée de réclamations, ne savait qu’opposer un veto impuissant, réserver les droits, se plaindre et demander, que la France voulût bien produire une bonne fois toutes ses prétentions : c’était, disait-elle, le seul moyen pour elle de couper court d’un seul coup à « ce chancre de prétentions que la France proposait sans cesse, et qui ne pourrait être qu’irrémédiablement contagieux pour l’Empire. » On en vint même, dans cette guerre de chicane, jusqu’à soupçonner que, parmi les titres qu’on produisait à l’appui du droit de la France, tous les parchemins n’étaient pas aussi vieux qu’on le disait. […] Louvois voulait même, s’il se pouvait, éviter d’y mettre la cognée proprement dite ; il désirait que l’arbre tombât de lui-même sans secousse, sans un coup donné, sans effort ni assaut retentissant, et à la seule vue du bûcheron. […] N’oublions pas d’ailleurs (c’est le seul point que je puisse ajouter au récit complet de M. 

1376. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

L’amour-propre seul serait une cause suffisante d’erreur. […] Armand Lefebvre n’est point arrivé à ce résultat, je le répète, en vertu d’une idée favorite et préconçue, mais par la seule étude des faits. […] A ce prix, on brisait plus sûrement que par les armes le faisceau de la coalition récente, et l’on conjurait les chances des coalitions futures ; on n’avait plus affaire qu’à une seule ennemie, l’Angleterre ; enfin on divisait les difficultés, les périls. […] Dans la condition où l’Europe se trouvait alors, l’Angleterre et l’Autriche devaient finir par entraîner la Prusse et la Russie, ce qui mettait la France dans l’impérieuse nécessité d’être, à elle seule, plus forte que les quatre grandes monarchies ensemble, ou de subir leur loi. […] Qu’un seul jour nous fussions vaincus ou à demi vaincus, qu’un seul instant la fortune des armes hésitât, et tous nos ennemis cachés ou publics se lèveraient à la fois et fondraient sur nous.

1377. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Pour se soutenir, il lui fallait sa chopine d’eau-de-vie par jour ; c’était sa ration, son manger et son boire, la seule nourriture qu’il digérât » (p. 430). […] La mort seule avait arrêté les pieds » (p. 565). […] Le savant s’efface devant l’expérience, laissant agir les seules forces naturelles, il ne réapparaît que pour en constater les résultats. […] Un seul exemple fera comprendre la nature du reproche que nous sommes en droit de faire à M.  […] Nous préférons nous en être tenu à l’analyse des œuvres sincères, comme susceptibles seules d’être, à leur tour, sincèrement commentées.

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