Van Bever Il débuta en 1892, avec les Chauves-souris, clairs-obscurs, recueil de sensations savamment interprétées.
C’est avec ses sensations qu’il construit ses perceptions, c’est-à-dire qu’il situe dans l’espace et hors de lui, à l’occasion de ses propres modifications, des causes imaginées, matérielles et sensibles, de ces changements où il se possède.
Quand il n’existait pas encore, l’homme livré à ses jeunes sensations qui lui révélaient le monde dans sa verdeur première n’avait pas d’autre souci que d’imiter naïvement ce qu’il voyait. […] Aussi, à le juger seulement par les œuvres qu’il a données en France, on peut le définir hardiment le système qui reproduit de la réalité ce qui relève le plus directement de la sensation, c’est-à-dire le côté extérieur et matériel des hommes et des choses. […] Mais celles-là aussi, si dispersées qu’elles paraissent, ne sont en général que pour ramener l’art à la reproduction exacte de la nature et à la traduction directe de la sensation. […] Car du moment que l’art analyse la sensation en même temps que le sentiment, il est fatalement conduit à replacer l’homme dans un certain milieu dont il subira l’influence. […] Il perd de vue le monde des pensées, grisé par tous les philtres de la sensation, et son ivresse capiteuse peut aller jusqu’à la débauche des mots chez Victor Hugo, des couleurs chez Delacroix, des sons chez Wagner.
La sensation de rouge et la sensation de jaune, impliquant tout un mécanisme nerveux et cérébral en même temps que certaines dispositions spéciales de la conscience, sont des créations de la vie, qui se sont produites, mais qui auraient pu ne pas se produire ; et s’il n’y avait jamais eu, ni sur notre planète ni sur aucune autre, des êtres éprouvant ces deux sensations, la sensation d’orangé eût été une sensation simple ; jamais n’y auraient figuré, comme composantes ou comme aspects, les sensations de jaune et de rouge. […] Mais c’est de quoi chacun de nous a la sensation immédiate. […] J’ai isolé du tout de la vie intérieure cette entité psychologique que j’appelle une sensation simple. […] Si j’y trouvais quelque changement, je dirais qu’il n’y a pas là une sensation unique, mais plusieurs sensations successives ; et c’est à chacune de ces sensations successives que je transporterais alors l’immutabilité attribuée d’abord à la sensation d’ensemble. […] Il obtient ainsi des sensations et des idées.
Jacques Madeleine nous donne en vers précis, trop précis, parfois jusqu’à la sécheresse, de jolies sensations de forêt.
. — Lorély, souvenirs d’Allemagne, contenant : Lorély ou Loreley ; la Fée du Rhin ; À Jules Janin ; Sensations d’un voyageur enthousiaste ; Souvenirs de Thuringe ; Scènes de la vie allemande ; Léo Burckart ; Rhin et Flandre (1852). — Les Illuminés ou les Précurseurs du socialisme (1852). — Petits châteaux de Bohême, prose et poésies (1853). — Les Filles du feu (1854). — Promenade autour de Paris (1855). — Misanthropie et repentir, drame en 5 actes, en prose, de Kotzebue, traduction (1855). — La Bohême galante (1856). — Le Marquis de Fayolle, avec M.
Je recommande également au lecteur les pièces : Au bal, la Tombe, le Jardin, fusées fébriles de sentiment mondain ou sensations de la vie de tous les jours.
Il a écrit à la loupe, il a rendu visibles des mondes sur un brin d’herbe, il a miniaturé le cœur humain ; il a été le Rembrandt des demi-jours et des demi-nuances, li a efféminé le style à force d’analyser la sensation.
La musique de Mozart I La parole n’est pas le seul mode de communiquer la pensée, le sentiment ou la sensation d’homme à homme ; chaque art a son langage, sa poésie et son éloquence. […] Les feuilles dentelées du pin parasol, tantôt secouées, tantôt caressées par le vent de mer, rendent des hurlements, des gémissements, des plaintes inarticulées, des soupirs, des respirations et des aspirations mélodieuses qui parcourent en un instant toutes les notes de l’air, et qui font rendre à l’âme, par consonance, toutes les notes de la sensation, depuis l’infini des bruits jusqu’à l’infini des silences. […] La musique est ainsi une association et une combinaison de bruits pour produire une sensation ; cette sensation produit à son tour en nous une impression, une pensée, un sentiment, une passion. […] Quant à moi, je ne sais pas au juste à quel degré d’exaltation, d’ivresse ou d’héroïsme, ne me porterait pas la musique, si je ne m’en sevrais par sobriété de sensation.
D’abord, des sensations d’une vivacité singulière, et puissamment exprimées : Oh ! […] Ailleurs, la sensation devient subtile, sans perdre de sa force. […] Ailleurs encore, une sensation accidentelle ne fournit au poète qu’une épithète, et cela suffit pour faire tableau. […] Parce qu’il sentait avec une violence douloureuse, il a tout rapporté à la sensation, et donné le plaisir pour but à la vie. […] Grillparzer a dit que la source de toute poésie était dans la vérité de la sensation.
Sortir, c’est faire effort, ne plus se soucier de l’humidité ni du froid, braver le malaise et les sensations désagréables. […] Lorsque, par un jour demi-serein, on sort dans la campagne et qu’on arrive sur une hauteur, les yeux éprouvent une sensation unique et un plaisir qu’ils ne connaissaient pas. […] Il sait s’ennuyer ; ou plutôt il ne s’ennuie pas ; son train ordinaire, ce sont les sensations ternes, et l’insipide monotonie de la vie machinale n’a rien qui doive le rebuter. […] L’on comprend vite pourquoi, sous cette obligation de lutter et de s’endurcir, les sensations fines disparaissent, pourquoi le goût s’émousse, comment l’homme devient disgracieux et roide, comment les dissonances, les exagérations viennent gâter le costume et les façons, pourquoi les mouvements et les formes finissent par être énergiques et discordants à la façon du branle d’une machine.
Tel est le public : quand il est à bout d’une veine, il aime à en changer, et il adopte vite l’auteur à qui il est redevable d’une série de sensations nouvelles. […] Feuillet a prouvé dans plus d’une de ses compositions, notamment dans Dalila, et par la bouche de sa Leonora, de son Carnioli (une de ses plus heureuses créations), qu’il savait comprendre la passion, l’art à outrance, la frénésie de la sensation et du plaisir, et qu’il n’était nullement inférieur et insuffisant à les mettre en scène par d’émouvants personnages ; mais il est vrai aussi que, cette excursion faite, cette aventure épuisée et accomplie, il a son chez-lui préféré, sa ligne naturelle et sa voie dans laquelle il aime à rentrer, son inclination tracée et bien distincte.
Cet examen de ses propres sensations, fait par celui-là même qu’elles dévorent, refroidirait l’intérêt, si tout autre qu’un homme de génie voulait le tenter. […] » En commençant la lecture de la Messiade, on croit entrer dans une atmosphère sombre où l’on se perd souvent, où l’on distingue quelquefois des objets admirables, mais qui vous fait éprouver constamment une sorte de tristesse dont la sensation n’est pas dépourvue de quelque douceur.
qu’il est beau ce sentiment qui, dans l’âge avancé, fait éprouver une passion peut-être plus profonde encore que dans la jeunesse ; une passion qui rassemble dans l’âme tout ce que le temps enlève aux sensations ; une passion qui fait de la vie un seul souvenir, et dérobant à sa fin tout ce qu’a d’horrible, l’isolement et l’abandon, vous assure de recevoir la mort, dans les mêmes bras qui soutinrent votre jeunesse, et vous entraînèrent aux liens brûlants de l’amour. […] Tout n’est pas amour dans la jalousie comme dans le regret de n’être plus aimé ; la jalousie inspire le besoin de la vengeance, le regret ne fait naître que le désir de mourir : la jalousie est une situation plus pénible, parce qu’elle se compose de sensations opposées, parce qu’elle est mécontente d’elle-même ; elle se repent, elle se dévore, et la douleur n’est supportable que lorsqu’elle jette dans l’abattement.
Elle ne produit que des critiques impressionnistes, disant leur sensation, évitant les arrêts, faisant tout pour garder un ton courtois et léger. […] Ils constateraient, parmi ceux qui écrivent, les auteurs d’agrément et ceux qui ont apporté véritablement une idée, une sensation ou une forme que l’on ignorait avant eux.
Notre puissance de sentir, qui est limitée, s’use et s’épuise par la sensation même, et cela d’autant que la sensation est plus vive et plus durable.
Du moment que la pensée est obligée de s’arrêter sur des circonstances particulières aussi désagréables, on a droit de s’étonner lorsqu’on entend tout à coup cette femme matérialiste déclamer contre l’abjecte nature des sensations, et faire appel à une pureté surnaturelle : « … Vous trouveriez ce que vous appelez un bonheur, dit-elle à son amant ; mais ce bonheur serait une faute pour vous ! […] Si elle est matérialiste, elle ne doit point avoir tant de mépris pour la matière et pour les sensations.
Avant personne, il emploie des phrases qui copient et reproduisent la sensation, et c’est pour cela que des stylistes contemporains consommés le reconnaissent comme leur maître et lui donnent ce nom. […] Il ne ressemble ni à Balzac, ni à Flaubert ; et bien que disciple de Diderot, il ne lui emprunte que le coloris et l’art d’exprimer les sensations. […] La méthode des Goncourt s’essaie à obtenir des résultats analogues : ils écrivent de telle sorte que les mots produisent de vives sensations chromatiques et c’est en cela que consiste leur indiscutable originalité. […] Je me hâte d’ajouter que les Goncourt n’ont pas seulement de la valeur comme maîtres puissants du coloris et comme interprètes rares de la sensation. […] L’idée éveillée subitement au choc de la sensation, — cela est indubitable, — parle un langage beaucoup moins artificiel que celui que nous employons en la formulant au moyen de la parole.
Dès le lendemain donc il se rend à Karency, et s’introduit dans le château pour y voir la princesse ; mais, avide qu’il est de sensations fortes, il n’est point assez ému en la voyant ; il semble pressentir que celle qu’il a vue n’est qu’une fausse Agnès.
S’il est au bord de la mer, Charles nous parlera sans doute de brise, de vagues et de rochers, il y verra dans ma extase des images et comme des symboles de son amour, il interprétera éloquemment toutes ses sensations au profit du sentiment unique qui l’anime ; mats il ne retracera ni la plage même sur laquelle il est assis, ni la grève qui est en face ; il ne localise jamais : ou bien encore, ce seront des forêts et leurs ombrages, des prairies et des fleurs ; mais nulle part le rocher de Meillerie, nulle part le bosquet de Clarens.
« C’est ainsi que je me serais offert aux yeux de l’observateur, non comme un écrivain, non comme un poëte, mais comme un exemple des sensations et des idées d’un homme qui n’a reçu d’autres leçons que celles du malheur.
Et quelle différence encore de la sensation de l’homme ordinaire à celle du philosophe ?
» Octobre Ayant ouvert un livre de Gerdy : Physiologie philosophique des sensations, je pense au beau travail qu’il y aurait pour un Michelet, au lieu de mettre sa pensée sur l’Insecte ou l’Oiseau, de prendre, comme sujet d’étude, ce petit monde inconnu : l’Enfant, et de raconter, avec des observations mitoyennes à la médecine, mais planant au-dessus, l’éveil successif de ses sensations et l’éclairage, petit à petit, de la rose intellectuelle de son cerveau. […] Et me voilà matérialiste… * * * Mais, si je me mets à penser que mes idées sont le choc de sensations, et que tout ce qu’il y a de surnaturel et de spirituel en moi, ce sont mes sens qui battent le briquet, — aussitôt je suis spiritualiste.
Parce que des vibrations venues de loin ont impressionné l’œil et l’oreille, se sont transmises au cerveau ; là, dans le cerveau, l’excitation est devenue sensation auditive ou visuelle ; la perception est donc intérieure au corps et ne s’élargit pas. […] Il en est qui se traduisent par ce que nous appelons des sensations, d’autres par des souvenirs ; il en est, sans aucun doute, qui correspondent à tous les faits intellectuels, sensibles et volontaires : la conscience s’y surajoute comme une phosphorescence ; elle est semblable à la trace lumineuse qui suit et dessine le mouvement de l’allumette qu’on frotte, dans l’obscurité, le long d’un mur. […] C’est bien, en effet, par un sentiment comparable à la sensation de vertige que la folie débute dans beaucoup de cas.
Ici, devant l’exposition de Carrière au Champ-de-Mars, cette sensation se renouvelle. […] Sensation bienfaisante ou pénible ? […] Mon esprit était calme et c’était une sensation presque physique. […] Ses nerfs exaspèrent chaque sensation jusqu’à la souffrance, et sa mort prochaine, dont le secret reste enfermé dans son cœur, lui interdit de se plaindre. […] Se défera-t-il jamais de ce je ne sais quoi de factice qui nuira à l’intégrité de la sensation ?
J’avoue que je partage tout à fait, après ces lectures, la sensation de lassitude qu’éprouva M. le professeur Koschwitz. […] La recherche des sensations fines les condamne à être de médiocres reproducteurs des races futures. […] Pour le moment, il a mieux aimé, dans ce voyage à sa terre de prédilection, fuir le temps présent, afin d’éviter la tristesse des malentendus politiques, et ses Sensations d’Italie sont surtout des sensations d’histoire, de nature et d’art. […] Ils en ont rapporté aussi des acquisitions personnelles qu’on ne peut évaluer, des notions qui sont inappréciables, et une provision de sensations qu’il faut leur envier. […] On le voit à sa chaleur de cœur et à la fraîcheur toute neuve de ses sensations.
Il y a dans cette partie du récit une sobriété de style et une simplicité de tour qui est du tact par opposition à l’abondance même des sensations.
Il a de même donné d’un peu longues, un peu insistantes, mais intéressantes sensations sur les vitres où meurt le soir, sur les malades à la fenêtre ; c’est souvent ténu, aigu et délicat.