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1963. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Louis XIV, en coupant court à ce qui nous semble aujourd’hui des chimères et à ce qui n’était pas tout à fait invraisemblable alors, faisait l’œuvre de la monarchie et en même temps de la France. […] Maintenant, je le sais, tout le monde est plus ou moins homme de lettres ; ce n’est plus une classe proprement dite ; on les traite avec la rudesse et le positif qui règnent dans les relations ordinaires de la vie, et eux-mêmes ils semblent s’être dès longtemps appliqué ce régime universel. […] Il sembla tout d’abord y justifier le vœu de sa respectable et sainte mère, laquelle ne voyait dans les grandeurs du surintendant qu’une occasion de fautes et de chutes, et qui, en apprenant son arrestation à Nantes, se jeta à genoux en s’écriant : « C’est à présent, mon Dieu, que j’espère du salut de mon fils ! 

1964. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Mais ce que j’ai fait, et ce que j’aurais fait en tout état de cause, j’ai beaucoup lu et feuilleté Beaumarchais, qui est l’homme le moins discret quand il parle de lui-même, et il me semble qu’à le bien écouter dans ses aveux et ses confidences familières, on en sait déjà presque assez. […] C’est un homme de quarante ans, dont tout jusque-là peut sembler équivoque, même l’esprit. […] L’incident dont je parle et qui lui servit de champ de bataille quand tout lui semblait enlevé, était celui-ci : prisonnier au For-l’Évêque, et devant, selon l’usage, solliciter ses juges, il avait obtenu la permission de sortir durant trois ou quatre jours, accompagné d’un agent.

1965. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Mais cet ensemble un peu disparate, même les petites comédies par lesquelles il préludait à un genre plus élevé, auraient peu mérité, ce semble, les honneurs du recueil, s’il n’y avait pour clef de voûte la comédie des Deux Gendres, la meilleure comédie en cinq actes et en vers qu’on ait donnée sous l’Empire. […] Le moment était des plus favorables ; à cette fin de 1811, la paix de l’Empire était ou semblait profonde ; les esprits, reposés depuis des années, n’attendaient qu’une occasion pour dépenser leur trop-plein de santé et de force. […] On semblait rejeter sur lui le tort de ces imitations : « M. 

1966. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il semblait qu’en touchant à l’alexandrin nous dévalisions la diligence des saines lettres françaises et détournions les mandats-poste des romanciers feuilletonistes ! […] Il semble qu’une prosodie complète bien faite serait lourde à porter. […] Dans le détail ils semblent surtout accentuer nos libertés, et c’est en ce sens que leur apport compte.

1967. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Tout compte fait, il me semble qu’ils ne peuvent être que très utiles. […] C’est ici, ce me semble bien, que Nietzsche a erré. […] La Bruyère a très bien indiqué pourquoi l’on a honte de pleurer au théâtre, tandis que l’on n’a point honte d’y rire : « Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse surtout en un sujet faux et dont il semble que l’on soit là dupe ? 

1968. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Appliquée à Michelet, l’épithète peut sembler comique, mais elle est exacte et sincère ; car Michelet se croit sérieusement prêtre, le prêtre vrai des temps nouveaux. […] Il a des façons diplomatiques et discrètes de s’exprimer qui ne semblent rien, et qui sont tout ; car elles n’éconduisent pas seulement Dieu, elles le font oublier. […] Or, voici un échantillon de celui qu’il a obtenu : « … Dès l’origine, àtâtons, — dit-il, — la vie, en cherchant la force, semblait confusément rêver la future création d’un axe central qui serait l’être un et remplacerait le mouvement.

1969. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Dans cette alliance de deux termes que nous semblons considérer comme égaux, ce que nous voulons c’est le triomphe de l’Église sur la France. […] Il semble apparaître enfin au jour, mais c’est pour tenter de reconquérir la vie qui lui échappe, qu’il sent s’éloigner de lui, et pour la possession de laquelle il luttera, plein d’une rage sourde, jusqu’à ses derniers instants. […] La race française ondoyante, incertaine — je n’ose dire indifférente — semble trop souvent hésiter devant le but à poursuivre.

1970. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Paul a cinquante ans environ ; il est un peu courbé, maladif et maigre ; ses traits sont amincis, et tirés par l’habitude de la réflexion, et ses beaux yeux noirs, pleins de pénétration et d’ardeur, semblent ordinairement voir autre chose que ce qu’il regarde. […] Il n’a qu’une allure et qu’une faculté ; ni les choses ni les idées ne semblent le toucher, à moins qu’il n’y trouve une vue d’ensemble ; alors elles le touchent jusqu’au cœur. […] Mais s’il n’a pas la fonction pour cause, il est peut-être la cause de la fonction ; et parmi les fonctions, il faut voir si l’on ne peut pas dériver de lui la seule qui semble encore primitive comme lui, à savoir la décomposition.

1971. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « [Avertissement de l'auteur] » p. 1

[Avertissement de l'auteur] Il a semblé plus commode et même assez piquant de ranger de suite et de réunir en un même volume les divers portraits de femmes qui étaient disséminés dans les cinq tomes des Critiques et Portraits ; on y a ajouté trois ou quatre articles, avec le soin d’excepter toujours les vivants.

1972. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Ledent, Richard »

Mais on ne peut pas dire non plus qu’elle revête le caractère d’étrangeté que l’auteur semble avoir voulu lui donner.

1973. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 289

Les Places qu'il a remplies semblent avoir trop fait oublier son mérite littéraire.

1974. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Bien plutôt il semble que l’un et l’autre aient trouvé là un tonique, Chateaubriand l’occasion de son « Bonaparte et moi ». […] Mais le prestige de sa personne reste plus grand que ne semble le comporter la lecture qu’on fait de ce qui survit. […] En donnant pour le testament moral du père de lord Nelvil un extrait des papiers de Necker, il semble que Mme de Staël ait voulu naturaliser anglaise sa sagesse genevoise. […] Le vers de La Fontaine : « Les délicats sont malheureux », semble avoir été fait pour Joubert. […] Elle semble déléguée à la plus puissante explosion de vie qu’il y ait eu dans la suite des générations françaises.

1975. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Besnus, Émile (1867-1897) »

Henri Degron Qu’ajouter, sinon dire de relire ses poèmes empreints du charme triste qui semble prédestiné à ceux qui vont partir, et ces pages d’une beauté sûre d’un écrivain déjà maître de sa langue, qui sont Un portrait du duc d’Albe, et les Trianons d’automne.

1976. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Buffenoir, Hippolyte (1847-1928) »

Il aime à évoquer de leur tombe les stoïciens fameux dans l’histoire ; il salue en eux les représentants de l’énergie et de la volonté humaine, et, en les glorifiant, il lui semble glorifier ses propres ancêtres.

1977. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Millien, Achille (1838-1927) »

Achille Millien est, ce me semble, un des plus sincères, des plus franchement agrestes.

1978. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 469

Il semble qu’on préfere l’éclat pétillant & passager d’un feu d’artifice, à cette chaleur vive, mâle & soutenue, qui doit être l’ame des Ecrits, & dont la privation les fait mourir presque en naissant.

1979. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 205

Les Journalistes en ont parlé successivement avec des éloges que le Public semble avoir justifiés, par l’accueil qu’il a fait à cette Collection.

1980. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Préface » p. 

Soucieux de conserver tout ce qu’a produit ce rare esprit, nous n’avons pas cru devoir nous laisser arrêter par les considérations qui l’auraient arrêté lui-même, et il nous a semblé que, prise isolément, chacune des études que nous présentons aujourd’hui offrait un assez haut intérêt pour honorer encore la mémoire d’Émile Hennequin et pour entretenir les regrets de ceux qui ont vu disparaître avec lui une des plus belles intelligences et l’un des plus purs talents de la jeune génération.

1981. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Elle semble occupée sans cesse à retirer à elle les êtres qu’elle a produits. […] Dans les descriptions, les odeurs se mêlent à propos aux couleurs, signe de délicatesse et de sensibilité qu’on ne trouve guère, ce me semble, chez un poëte moderne le plus prodigue d’éclat63. — Des groupes dignes de Virgile peignant son Andromaque dans l’exil d’Épire ; des fonds clairs comme ceux de Raphaël dans ses horizons d’Idumée ; la réminiscence classique, en ce qu’elle a d’immortel, mariée adorablement à la plus vierge nature ; dès le début un entrelacement de conditions nobles et roturières, sans affectation aucune, et faisant berceau au seuil du tableau ; dans le style, bien des noms nouveaux, étranges même, devenus jumeaux des anciens, et, comme il est dit, mille appellations charmantes  ; sur chaque point une mesure, une discrétion, une distribution accomplie, conciliant toutes les touches convenantes et tous les accords ! […] Sa réputation étant au comble, sa vie domestique semblait d’ailleurs s’asseoir et s’embellir par un mariage plein de promesses. […] L’auteur d’Anacharsis et Bernardin eussent tout à fait convenu, ce semble, à orner ce qu’on appela un moment le trône restauré et paternel. […] La meilleure compagnie me semble mauvaise si j’y rencontre un important, un envieux, un médisant, un méchant, un perfide… » (Préambule de l’Arcadie.)

1982. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Ses archives sont enterrées ; il faut pour les dégager des recherches dont il n’est pas capable ; elles subsistent pourtant, et aujourd’hui l’histoire les remet en lumière  Quand on le considère de près, on trouve que, comme la science, il a pour source une longue accumulation d’expériences : les hommes, après une multitude de tâtonnements et d’essais, ont fini par éprouver que telle façon de vivre ou de penser était la seule accommodée à leur situation, la plus praticable de toutes, la plus bienfaisante, et le régime ou dogme qui aujourd’hui nous semble une convention arbitraire a d’abord été un expédient avéré de salut public. […] À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits. […] La sape que celui-ci pratique au pied des murailles semble plus bornée, mais n’en est que plus efficace, et la machine de destruction qu’il emploie est aussi une idée neuve de la nature humaine. […] L’élégance lui déplaît, le luxe l’incommode, la politesse lui semble un mensonge, la conversation un bavardage, le bon ton une grimace, la gaieté une convention, l’esprit une parade, la science un charlatanisme, la philosophie une affectation, les mœurs une pourriture. […] Il est dans la nature de l’égalité de s’accroître ; c’est pourquoi l’autorité des uns a grandi en même temps que la dépendance des autres, tant qu’enfin, les deux conditions étant arrivées à l’extrême, la sujétion héréditaire et perpétuelle du peuple a semblé de droit divin comme le despotisme héréditaire et perpétuel du roi. — Voilà l’état présent, et, s’il change, c’est en pis. « Car423 toute l’occupation des rois ou de ceux qu’ils chargent de leurs fonctions se rapporte à deux seuls objets, étendre leur domination au dehors, et la rendre plus absolue au dedans. » Quand ils allèguent un autre but, c’est prétexte. « Les mots bien public, bonheur des sujets, gloire de la nation, si lourdement employés dans les édits publics, n’annoncent jamais que des ordres funestes, et le peuple gémit d’avance, quand ses maîtres lui parlent de leurs soins paternels. » — Mais, arrivé à ce terme fatal, « le contrat du gouvernement est dissous ; le despote n’est maître qu’aussi longtemps qu’il est le plus fort, et, sitôt qu’on peut l’expulser, il n’a point à réclamer contre la violence ».

1983. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

J’ai été comme ébloui ; j’ai cru sentir la voûte du ciel s’écrouler sur moi, le plancher manquer sous mes pieds, le soleil et la nuit se confondre et entrer pêle-mêle, comme sous un coup de marteau, dans ma tête ; je n’ai pas eu le temps de respirer, j’étais essoufflé, ou plutôt il m’a semblé que j’étais poussé par une main puissante à travers des espaces incommensurables, tantôt répugnants, tantôt délicieux, tantôt par force, tantôt par plaisir ; ici affreuse stérilité, là fécondité prodigieuse, hurlements affreux d’un côté, musique caressante de l’autre ; allant où je ne voulais pas aller, m’arrêtant où je ne voulais pas m’arrêter, mais allant toujours, comme si la poigne du Juif errant m’eût déraciné de terre pour me contraindre à le suivre jusqu’en enfer ; en un mot, Monsieur, ce livre m’a souvent révolté, toujours entraîné, et je suis arrivé au bout en maudissant la route ; mais, comme la roue précipitée sur une pente d’abîmes où il lui est impossible de s’arrêter, j’étais moulu quand j’ai été au fond. […] À présent que je suis de sang-froid, Monsieur, me répondit Baptistin, le forçat de l’amour, que sa cousine attendait à la geôle de sa maison de détention pour le récompenser de tant de malheur souffert pour elle, et qui achevait entre l’espérance et l’amour ses dernières semaines de captivité ; à présent que je suis de sang-froid, il me semble que le héros de M.  […] Hugo ; pour essayer de s’en rendre compte, il faut rêver ce qu’il y a de plus violent en présence de ce qu’il y a de plus doux… Mais quelle était sa pensée, il eût été impossible de le deviner… La seule chose qui se dégageât clairement de son attitude et de sa physionomie, c’était une étrange indécision : il semblait près de briser ce crâne ou de baiser cette main ; sa casquette dans la main gauche, sa massue dans la main droite, ses cheveux hérissés sur sa tête farouche… » Heureusement l’évêque dormait ; le forçat Valjean emporte résolument le panier d’argenterie, et se sauve en escaladant la fenêtre avec un trésor de plus et un crime (mais un crime inutile) de moins. […] « Il semblait mourir parce qu’il le voulait ; il y avait de la liberté dans son agonie ; les jambes étaient immobiles, les ténèbres le tenaient par là, les pieds étaient morts et froids, la tête vivait de toute la puissance de la vie, et paraissait en pleine lumière. […] Il semblait que ce fut une sorte de rite pour lui de se préparer au sommeil par la méditation en présence des grands spectacles du ciel nocturne.

1984. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

C’est ce qui lui permettra, persécuté et vaincu dans ses opinions dogmatiques, d’étendre à travers la société son autorité morale, à tel point qu’il semblera avoir, aux yeux de la postérité, la direction du mouvement catholique dans la lutte contre l’irréligion. […] La logique de la doctrine séduisit l’esprit du savant : il se jeta dans le jansénisme avec tout l’emportement de sa fougueuse nature ; et pour première marque de son application à la théologie, il dénonça à l’archevêque de Rouen un certain frère Saint-Ange, dont la philosophie ne lui semblait pas orthodoxe. […] Une grande question semble avoir dès lors fortement préoccupé son intelligence : il cherchait une certitude, et si vraiment, comme le disaient les théologiens, il n’y en avait pas hors de la vérité revélée. […] D’abord la casuistique semble y être enveloppée dans la condamnation des casuistes : c’est en méconnaître l’innocence, la légitimité, la nécessité ; la casuistique est l’art d’appliquer les principes de la science morale, elle est nécessaire toutes les fois qu’il s’agit de passer de la théorie à la pratique, de la loi universelle aux cas particuliers : dans tous les conflits de devoirs, et dans les situations complexes, elle seule éclaire l’homme. […] Il n’était ni fou ni malade ; il n’a jamais été plus lui-même, plus maître de sa raison et conscient de ses actes, que lorsqu’il a semblé envahi de la folie religieuse349.

1985. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Huet, qui le qualifie d’esprit merveilleusement doué pour la poésie, et qui trouve dans ses poèmes « des pensées sublimes3 », — ce qui n’est pas d’un ennemi, ce semble, — déclare qu’il eût jugé autrement Homère et Virgile, « s’il se fût appliqué à acquérir une plus parfaite connaissance de l’antiquité et de lui-même. » Ainsi le premier adversaire de l’antiquité classique est un homme d’esprit qui parle des anciens sans les connaître, et s’ignore lui-même ; un poète qui est à lui-même son propre idéal ; un chrétien, s’il le fut sincèrement, qui n’a ni l’humilité ni la charité. […] Il y a tout un Achille que Boileau ne semble pas avoir plus connu que Perrault ; il y a le fils qui donne au souvenir de son père des larmes plus précieuses que celles que Boileau aime à lui voir verser pour un affront ; il y a l’ami de Patrocle, plus fidèle à l’amitié qu’à la colère ; il y a un sage aimable qui apaise les disputes parmi les hommes et console les vaincus ; il y a un homme qui, dans la solitude de sa tente, a beaucoup pensé sur le bien et le mal, sur la vie, sur la destinée, sur lui-même, le premier type de cette mélancolie que l’âme d’Homère a connue avec tous les sentiments qui sont de l’homme. Une idée trop étroite de l’unité du caractère, dans les personnages épiques, semble avoir caché à Boileau et à Perrault le véritable Achille. […] Ils semblaient comme préposés à la garde du temple que Lamotte avait violé deux fois, la première fois par sa traduction abrégée, la seconde par son Discours sur Homère. […] Il n’est pas le père du genre, mais le genre semble fait pour lui.

1986. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Il y a là, semble-t-il, un vice essentiel à l’homme, qui provient de ses contradictions intimes et jamais résolues, et dont il ne se défera jamais tant qu’il restera homme. […] Et l’on ne peut dire encore où aboutira cette transformation qui part de la famille de la cité antique et semble actuellement se diriger vers l’amour libre et la socialisation de l’enfant. […] Il semble que si un être doit arriver quelque part à un état social très supérieur — peut-être cela s’est-il produit, mais nous n’en savons rien — ce ne sera pas l’homme et ce ne sera pas sur cette terre. […] Il semble bien qu’on puisse distinguer une tendance confuse et assez maladroite à briser peu à peu les anciens groupes sociaux pour en constituer de plus systématisés, comme une substitution irrégulièrement progressive d’une association systématique à des associations par contiguïté et ressemblance. […] À plus forte raison semble-t-elle incapable de conduire le monde à l’harmonie absolue, à ce terme de l’existence où l’existence, ayant atteint son but à son tour, se supprimerait aussi elle-même.

1987. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Leurs leçons de bonté et de moralité, qui me semblaient la dictée même du cœur et de la vertu, étaient pour moi inséparables du dogme qu’ils enseignaient. […] Cette vie m’apparaissait comme la seule noble, toute profession lucrative me semblait servile et indigne de moi. […] Ce qui constitue l’essence du talent, le désir de montrer la pensée sous un jour avantageux, leur eût semblé une frivolité, comme la parure des femmes, qu’ils traitaient nettement de péché. […] La peur de sembler un pharisien, l’idée, tout évangélique du reste, que l’immaculé a le droit d’être indulgent, la crainte de me tromper si, par hasard, tout ce que disent les professeurs de philosophie n’était pas vrai, ont donné à ma morale un air chancelant. […] Virgile lui semblait faire partie de la culture intellectuelle d’un prêtre au moins autant que la Bible.

1988. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Elles me semblent être de grandes pertes de temps pour mon cher directeur, que j’ai crainte d’amuser. Je plains les heures qu’il doit employer à les lire, et il me semble qu’il devrait me faire cesser d’écrire ces niaiseries et ces impertinences tout à fait insupportables. » Mais, chez Olier, comme chez presque tous les mystiques, à côté du rêveur bizarre, il y avait le puissant organisateur. […] Criblé de rhumatismes, il semblait cumuler en sa personne toutes les façons dont un corps peut être contrefait. […] Un éternel fieri, une métamorphose sans fin, me semblait la loi du monde. […] Jusqu’en 1865, je ne me suis figuré l’île de Chio que par ces trois mots de Fénelon : « l’île de Chio, fortunée patrie d’Homère. » Ces trois mots, harmonieux et rythmés, me semblaient une peinture accomplie et, bien qu’Homère ne soit pas né à Chio, que peut-être il ne soit né nulle part, ils me représentaient mieux la belle (et maintenant si malheureuse) île grecque que tous les entassements de petits traits matériels.

1989. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il nous semblait voir les grands portraits de Versailles descendre de leurs cadres, avec l’air de génie qu’ils ont reçu du génie des peintres. […] Ce père, homme hautain, vivait, depuis l’avènement de Louis XIV, retiré dans son gouvernement de Blaye, à la façon des anciens barons, si absolu dans son petit État que le roi lui envoyait la liste des demandeurs de places avec liberté entière d’y choisir ou de prendre en dehors, et de renvoyer ou d’avancer qui bon lui semblait. […] En respectant son titre, on se respecte ; les bassesses semblent une roture, et l’on se défend de la séduction des vices comme des empiétements des parvenus. […] L’impression que laisse sa vengeance contre Noailles est accablante ; il semble que lié et fixe, on sente crouler sur soi l’horrible poids d’une statue d’airain. […] Quand il peint les liaisons de Fénelon et de madame Guyon, en disant que « leur sublime s’amalgama », cette courte image, empruntée à la singularité et à la violence des affinités chimiques est un éclair ; quand il montre les courtisans joyeux de la mort de Monseigneur, « un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer, un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux qui les distinguait malgré qu’ils en eussent », cette expression folle est le cri d’une sensation ; s’il eût mis « un air vif, des regards étincelants », il eût effacé toute la vérité de son image ; dans sa fougue, le personnage entier lui semble pétillant, entouré par la joie d’une sorte d’auréole.

1990. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « [Préface] »

Depuis, elle s’est répandue dans le public où il semble qu’elle a rencontré moins d’adversaires que d’amis.

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