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1895. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

On doit en conclure, ce me semble, qu’il possède, cette rare intensité du sentiment, cette ardeur intérieure, cette puissance de volonté, cette foi qui subjuguent, émeuvent et entraînent. » Et il termine son article par le fameux serment : « Si telle est cette religion (« le beau est horrible, l’horrible est beau ») je suis fort loin de la professer ; je n’en ai jamais été, je n’en suis pas, je n’en serai jamais… Je lève la main, et je le jure : Non credo ! 

1896. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Ils lui diront le nouvel évangile et que l’heure est enfin sonnée où doit régner la religion de la joie.

1897. (1904) En méthode à l’œuvre

D’autre part, ce sont des spéculations mystérieuses où, comme hanté des vieilles religions philosophiques de l’Orient, le poète trouve les formes des vérités naturelles et éternelles, qu’il accorde avec les données de notre science moderne.

1898. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On parle du discours de Clemenceau, à la fin duquel l’orateur était très fatigué… Une conversation générale, où l’on entend la voix tendre du gros Spuller, disant à Berthelot : « Il a trouvé dans le cerveau de notre grand ami, une finesse… » Et les apartés se taisent, et l’on écoute Spuller parlant de son grand ami mort, avec un peu de la religion d’un amoureux.

1899. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Trois ou quatre rêveurs, enivrés d’utopies antisociales, vinrent achever la terreur des esprits faibles en lançant des axiomes contre la propriété dans un pays où la propriété est la religion du sol.

1900. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Nous sommes en Grèce, dans la Grèce européenne, et le culte de ce dieu, bizarre encore, et qui le sera toujours du reste, le culte de ce dieu oriental qui s’appelle Dionysos, qui s’appelle Bacchus aussi, le culte de ce dieu vient d’être introduit dans la Grèce, et les filles de Minée, qui sont pour la vieille religion ancestrale, se refusent au culte de ce dieu étrange ; elles restent chez elles pendant les fêtes consacrées à Bacchus, pendant les premières dionysiaques et pour user le temps, tout en filant ou dévidant, elles proposent de se conter des histoires, et, comme ce sont des jeunes filles, elles se content des histoires d’amour.

1901. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

., page 106), le libérateur de l’Église, le héros de la religion ?

1902. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Une telle langue convenait à des âges religieux (les religions veulent être révérées en silence, et non pas raisonnées).

1903. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

C’est peut-être, en somme, une œuvre excellente que de propager dans la multitude une histoire de la Révolution accommodée à la Tive-Live ou à la Plutarque, et qui finit par prendre des airs d’Évangile ; où la Révolution apparaît comme un drame surnaturel et mystique, où tous les personnages, jusqu’aux cuistres et aux coquins, se transforment en prophètes d’une religion nouvelle, apportant au monde la liberté, l’égalité et fraternité. […] Vous n’y trouverez pas cet horrible jeune Horace, ce prêtre sans entrailles de la religion de la patrie ; ce sectaire chez qui le sentiment le plus tendre et le plus généreux affecte les formes et parle le langage de la superstition la plus féroce et la plus étroite, et qui sert Rome de la même façon qu’un sacrificateur sans sexe et sans famille servirait quelque monstrueuse et cruelle idole. […] Quand certaines visions me sont étalées, je comprends les contorsions, les frémissements de Michelet, et la malédiction épileptique jetée par lui au moyen âge, à sa religion, à son âme cruelle, dans la préface de l’Histoire de la Révolution. […] L’amour de la patrie est sa religion et son tout.

1904. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Il se décora sur-le-champ du cordon de l’Aigle-Noir et abjura la religion catholique avec les blasphèmes les plus terribles, entre les mains de deux prétendus pasteurs protestants. […] Je crois que vous vous entendriez très bien avec une maîtresse qui n’aurait pas de religion. […] Il y a, comme cela, des millions d’êtres, parmi nous, pour qui nulle morale et nulle religion n’est advenue, quoiqu’ils suivent ingénument certains rites sociaux, et qui doivent être tout à fait inutiles à la réalisation des « fins de l’univers », si toutefois l’univers a des fins. […] Beau triomphe pour la religion, et bien consolant ! […] Une Trinité y rayonne : la Religion, l’Amour et l’Argent.

1905. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il est bien évident que Sophocle est le plus grand des grands prêtres de la religion hellénique, sacer interpresque deorum. […] Il fallait baigner toute la pièce dans une atmosphère de religion cruelle, formidable et du reste unanimement acceptée en un tremblement universel. […] Trissotin est l’intrigant de lettres qui vient dans une maison exploiter un travers pour pêcher une dot, comme Tartuffe est l’intrigant de religion qui vient dans une maison exploiter un travers pour pêcher une dot. […] Il a toutes les idées bourgeoises, avec quelque largeur, à la rencontre, mais sans en dépasser les limites, et il a passé toute sa vie : 1° à exprimer les idées bourgeoises (anticléricalisme, morale pratique très modérée, très mesurée et aussi peu idéaliste que possible ; subordination de l’homme à la femme, femme maintenue dans l’ignorance, etc.) ; — 2° à défendre les bourgeois contre leurs propres défauts : avarice, manie du bel esprit, tendance à sortir de leur sphère, abandonnement aux charlatans, soit de médecine, soit de religion — et (3°) à défendre les bourgeois contre leurs ennemis. […] Ce sont les hypocrites de religion, qui, en caressant les sentiments pieux qu’ils peuvent avoir, ou en exploitant leurs terreurs de mort prochaine (« Vous vous attirerez quelque méchante affaire »), exercent une domination sur eux et leur subtilisent leur argent.

1906. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

« Je te dirai le fin mot, à toi seul : c’est par religion que je veux absolument me marier… Il faut enfin ordonner sévèrement son inutile existence, selon les lois établies, divines ou humaines ; et, d’après ma doctrine, les humaines sont divines. […] Et un peu plus loin, devançant, cette fois, les meilleures formules de Renan :     … Et dût ce noble instinct, sublime duperie, Sacrifier en vain l’existence à la mort, J’aime à jouer ainsi mon âme avec le sort ; À dire, en répandant au seuil d’un autre monde Mon coeur comme un parfum et mes jours comme une onde :     « Voyons si la vertu n’est qu’une sainte erreur, L’espérance un dé faux qui trompe la douleur ; Et si, dans cette lutte où son regard m’anime, Le Dieu serait ingrat quand l’homme est magnanime. » D’autres pièces traduisent et enseignent la religion en esprit et en vérité, ce que nous avons appelé le néo-christianisme, et qui est en effet l’Évangile encore, mais appliqué à un état de civilisation fort différent de celui où vécurent les pêcheurs et les vagabonds de Galilée. […] Il est, dans son fonds et dans son tréfonds, le poète religieux ; autrement dit le Poète, puisque la poésie, reliant le visible à l’invisible et la fantasmagorie du monde au rêve de Dieu, est religion dans son essence.

1907. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

On a longtemps, en France, fait de la presse une religion. Toute religion a ses saints, comme elle a ses damnés ; et je veux, pour rasséréner vos yeux et parfumer votre esprit, faire passer devant eux une calme, une sereine figure, celle du véritable journaliste. […] Louis Veuillot est un libre penseur, un louveteau dont la religion a fait un chien de garde !

1908. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Mais La Fayette (et voilà ce qui importe), en allant au-delà, n’était plus le même ; il sortait de l’esprit de sa ligne, de sa fidélité à ses serments, de sa religion publique ; il tombait dans la classe des hommes à 18 brumaire. […] Ce qu’elle m’a laissé de recommandations est dans le même sens, me priant de lire, pour l’amour d’elle, quelques livres, que certes j’examinerai de nouveau avec un véritable recueillement : et appelant sa religion, pour me la faire mieux aimer, la souveraine liberté, de même qu’elle me citait avec plaisir ce mot de Fauchet : « Jésus-Christ mon seul maître. »  —  On a dit qu’elle m’avait beaucoup prêché ; ce n’était pas sa manière

1909. (1927) André Gide pp. 8-126

Et Anthime jette à Julius cette phrase : « Non, mais vraiment vous en parlez trop à votre aise, vous à qui, vrai ou faux, tout profite… » Ainsi la même révélation qui ramène Julius à la religion, en détourne définitivement Anthime, dont les douleurs au surplus ont reparu, l’efficacité du miracle étant épuisée. […] Ce serait une thèse bien contestable, attendu que les passions ont fait des victimes parmi les fidèles de toutes les religions.

1910. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Max Millier qui, pour acclimater ici les études sanscrites, a été forcé de découvrir dans les Védas l’adoration d’un dieu moral, c’est-à-dire la religion de Paley et d’Addison. […] Une faculté magnifique apparaît, source du langage, interprète de la nature, mère des religions et des philosophies, seule distinction véritable, qui, selon son degré, sépare l’homme de la brute, et les grands hommes des petits : je veux dire l’abstraction, qui est le pouvoir d’isoler les éléments des faits et de les considérer à part.

1911. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Cette vertueuse couple d’amans étoient près de monter au sommet de leur heureux désir et contentement, par l’étroit et saint lien du mariage dont ils alloient joindre leurs corps et esprits, quand le destin s’y opposant fit qu’icelui sieur Du Peyrat fut tué aux premières guerres civiles, à Beaurepaire en Dauphiné, combattant pour le service du Roi et la défense de la Religion Catholique ; aux nouvelles de laquelle mort, l’éplorée Clémence se serra le cœur de regret et de douleur extrême qu’elle eut d’une telle perte, de sorte que peu de jours après elle décéda de cette vie. » Un autre écrivain, contemporain de cette charmante jeune fille qui mourut d’aimer loyalement, nous apprend qu’elle fut portée en terre, découverte avec le chapeau de fleurs en la tête, témoin de sa pudicité virginale , et que les poètes Maurice Scève et Claude de Taillemont lui firent de doctes épitaphes. […] On parla de marier les jeunes gens, mais, à la fin, tout s’est rompu sur le différent de la religion. […] « Quant à sa religion, dit Goujet, il est sûr qu’il a toujours été sincèrement ennemi des nouvelles opinions et très attaché à la foi de l’Église catholique. » Les mercenaires allemands qui désolaient alors le pays, étaient pour notre poète, non seulement de désagréables pillards, mais de méchants hérétiques. […] « Comme nous allions, raconte-t-il, vers la porte du quai, nous rencontrâmes, au détour d’une petite rue, le Saint-Sacrement que le prêtre apportait à un malade ; nous fûmes assez surpris à cette cérémonie, car nous étions huguenots, Clitiphon et moi, mais lui surtout avec une opiniâtreté invincible, ce qu’il témoigna très mal à propos en cette rencontre ; car tout le monde se mettant à genoux en l’honneur de ce sacré mystère, je me rangeai contre une maison, nu-tête et un peu incliné, par une révérence que je croyais devoir à la coutume reçue et à la religion du prince (Dieu ne m’avait pas encore fait la grâce de me recevoir au giron de son Eglise), Clitiphon voulut insolemment passer par la rue où tout le monde était prosterné, sans s’humilier d’aucune apparence de salut.

1912. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Ses conclusions sur l’honneur, seule vertu humaine encore debout, seule religion, dit-il, sans symbole et sans image au milieu de tant de croyances tombées ; les espérances qu’il fonde sur ce seul appui fixe de l’homme intérieur, sur cette île escarpée (disait Boileau), solide encore, selon M. de Vigny, dans la mer de scepticisme où nous nageons ; cet acte de foi en désespoir de cause sied à notre poëte.

1913. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

« Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien : qu’il est toujours bon de se connoître tel qu’on est, quand même il n’y auroit que cet avantage de n’être point trompé dans la connoissance qu’on peut avoir de soi-même.

1914. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il devient « vizir. » Le chat est l’hypocrite de religion, comme le renard est l’hypocrite de cour.

1915. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

La religion y conduit en un jour, la philosophie n’y conduit que par une longue vie, par le malheur et par la mort.

1916. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Il s’était retiré, avec sa pieuse fille, dans un petit et obscur appartement de la rue des morts à Paris, la rue Mazarine ; il y vivait de misère et de souvenirs dans cette résignation courageuse et gaie que la religion donne à ceux qui, comme lui, n’ont rien qui les rattache à la terre, excepté l’ordre de Dieu, qui ne les relève pas encore de leur consigne d’honnêtes gens.

1917. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

LXVIII On pouvait encore mener doucement sa pauvre vie et bénir Dieu et la Madone dans cette condition ; je devenais vieille, Antonio était infirme, mais patient ; le temps coulait, comme l’eau de la source, entraînant sans bruit les feuilles mortes comme les années comptées dans sa course ; les enfants s’aimaient, ils étaient gais ; un frère quêteur du couvent de San Stefano leur avait appris, en passant, leur religion ; ils étaient aussi obéissants à moi qu’au vieil Antonio, et nous confondaient tellement dans leur tendresse, que la fille ne savait pas si elle était ma fille ou celle d’Antonio, et que le garçon ne savait pas dire s’il était mon fils ou celui du vieillard.

1918. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

— « … Nous sommes partis et revenus avec M. de Lamennais qui nous a ramenés jusqu’à la porte… Je te laisse à juger si l’on a parlé progrès, religion, liberté, avenir humanitaire !

1919. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Ce qui est admirable, c’est que, portant dans son esprit cette négation et dans son cœur ce désespoir, — et croyant, dans le fond, à moins de choses encore qu’un Sainte-Beuve, si vous voulez, ou un Renan, — Alfred de Vigny ait fait toute sa vie, avec une exactitude attentive, les gestes de son rôle social : gentilhomme accompli ; très bon officier ; royaliste intransigeant ; fidèle, sous Louis-Philippe, à la branche aînée ; respectueux de la religion ; homme du monde peu répandu, mais fort convenable en discours : de sorte que ceux de sa caste purent croire que, sauf dans ses vers (mais des vers, n’est-ce pas ?

1920. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Ô souffrant du Désir, du double Désir, du Mystique et du Charnel, souffrant des mystérieuses aspirations de l’Ange et de la Bête, ô souffrant des Concupiscences et des Religions, charnel et mystique homme, Amfortas, ainsi tu te lamentes, et nous, avec toi, nous vivons le grand Désir sans fin des vies multiples.

1921. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il avait pu se persuader que les mœurs de la cour, les mœurs générales, ne pouvaient pas avoir tort, et que la dissolution, grand péché contre la religion, n’était qu’un tort d’opinion à l’égard de la société : cette opinion irréfléchie était pardonnable à un jeune homme qui n’était pas et ne pouvait encore être un grand moraliste.

1922. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Un père n’a jamais donné un nom à son fils ; le fils l’a toujours reçu de la société, ou de la religion, ce qui est la même chose.

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