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1657. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Je descendis un jour dans les mines du Laurium, inépuisables en merveilles, et qui donnent encore un pur métal à des races fatiguées et barbares, après avoir prodigué aux belles filles et aux dieux rayonnants de la Grèce libre des bijoux et des idoles d’argent. […] C’étaient des stalactites qui semblaient rehaussées d’un semis de perles ; des blocs de quartz pur, taillés à facettes comme des diamants, ou d’étranges végétations, qui se ramifiaient en branches de rubis et en aigrettes d’émeraudes. […] Pas un cirrus, pas une de ces effilochures de nuages que les marins appellent des queues de chat ne rayait la coupole radieuse du ciel, où le soleil semblait se dilater, se réjouir dans un éther absolument pur. […] Elle a commencé par se laisser aimer fort méchamment ; elle a répondu aux avances du candide Pierre, lequel ignore la biographie de cette dame et la croit pure. […] Mais, en même temps que cet exemple l’engageait à aimer le passé de notre pays, la science paternelle l’habituait à la recherche sincère et désintéressée, au culte pur de la vérité.

1658. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

À chaque instant de notre vie nous y revenons ; il faut une contemplation bien intense, presque une extase, pour nous en arracher tout à fait et nous le faire oublier pendant quelques minutes ; alors même, par une sorte de choc en retour, nous rentrons avec plus d’énergie en nous-mêmes ; nous revoyons en esprit toute la scène précédente, et, mentalement, vingt fois en une minute, nous disons : « Tout à l’heure j’étais là, j’ai regardé de ce côté, puis de cet autre, j’ai eu telle émotion, j’ai fait tel geste, et maintenant je suis ici. » — En outre, l’idée de nous-mêmes est comprise dans tous nos souvenirs, dans presque toutes nos prévisions, dans toutes nos conceptions ou imaginations pures. — De plus, toutes nos sensations un peu étranges ou vives, notamment celles de plaisir ou de douleur, l’évoquent, et souvent nous oublions presque complètement et pendant un temps assez long le monde extérieur, pour nous rappeler un morceau agréable ou intéressant de notre vie, pour imaginer et espérer quelque grand bonheur, pour observer à distance, dans le passé ou dans l’avenir, une série de nos émotions. — Mais ce nous-mêmes, auquel, par un retour perpétuel, nous rattachons chacun de nos événements incessants, est beaucoup plus étendu que chacun d’eux. […] La conception pure qui, réprimée par la série des souvenirs, avait d’abord été enrayée dans son évolution, achève de se développer selon sa tendance hallucinatoire. […] Qu’il s’agisse d’un corps, de nous-mêmes, d’un autre être animé, que l’opération s’appelle perception extérieure, acte de connaissance, souvenir, induction, conception pure, toujours notre opération est un bloc dont les molécules sont des sensations et des images jointes à des images, celles-ci agglutinées en groupes partiels qui s’évoquent mutuellement. — Un couple s’est formé par l’agrégation de deux molécules ; à celui-là s’est attaché un autre couple, à leur tout un autre tout, et ainsi de suite, tant qu’enfin ce vaste composé que nous appelons l’idée d’un individu, l’idée de cet arbre, de moi-même, de ce chien, de Pierre ou de Paul, s’est établi. — Soit une bille d’ivoire à deux pieds de nous.

1659. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« La situation est agréable, dit-il, l’air pur ; la Chartreuse s’élève sur un monticule au milieu de la plaine, entourée de toute part de fontaines non rapides et bruyantes comme celles de Vaucluse, mais limpides et courantes, à pente douce avec un petit volume d’eau. […] « J’habite un coin écarté de la ville, vers le couchant ; je donne peu d’heures au sommeil, car c’est une mort anticipée ; dès que je m’éveille je passe dans ma bibliothèque ; j’aime de plus en plus la solitude et le silence, mais je suis causeur avec mes amis ; mes amis partis, je redeviens muet… Dès que j’ai senti les approches de l’été, j’ai pris une maison de campagne fort agréable à une heure de Milan, où l’air est extrêmement pur ; j’y suis en ce moment. […] « C’est toi que je vis autrefois, animée d’une honnête et pure flamme, errer parmi les pelouses et les violettes, marchant non comme une simple femme, mais comme se meuvent les anges, fantôme de celle qui ne me fut jamais si présente qu’aujourd’hui !

1660. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

. — Je quitte à regret une époque si calme et si pure pour entrer dans celle des agitations ; elle me revient quelquefois comme dans un vague et doux rêve, avec ses nuages d’encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. […] XXXIII Cependant, si nul n’aspirait à la possession d’une préférence avouée, un grand nombre, et parmi les hommes les plus éminents des deux régimes royaliste ou républicain, briguaient à l’envi la faveur d’une respectueuse intimité dans la maison de la jeune femme célèbre ; même quand le cœur n’espère pas de se consumer au feu d’un regard trop pur, il aime à emporter la douce chaleur qui émane de ce foyer vivant qu’on appelle une jeune femme. […] Juliette n’était pas insensible à ces vives déclamations du cœur d’un frère du maître des armées ; elle n’acceptait de ces sentiments que le seul sentiment qu’elle pouvait rendre, l’amitié ; mais, dès l’âge de dix-huit ans, on voyait poindre dans ses réponses et dans sa réserve cet art naturel qui fut celui de sa vie : rester pure en paraissant émue, tout promettre et ne rien tenir.

1661. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

La grande manufacture d’horlogerie avait alors son centre dans cette Suisse, où la vie pastorale s’unit depuis le moyen âge à la vie industrielle, lui conservant les mœurs pures, tout en accroissant la modeste richesse des familles. […] proscription des nourrices, qui donnent un lait salubre et pur au lieu du lait appauvri ou fiévreux des femmes du monde. Le lait de l’hôpital et le vagabondage de l’enfant sans mère et sans père lui paraissaient-ils donc plus sains et plus purs que le sein maternel de Thérèse ?

1662. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Mais, sans sortir de la littérature pure, il est un genre qui a souvent pâti de l’humeur intolérante des hommes au pouvoir. […] Quand un peuple est appelé à décider s’il doit s’engager dans une guerre, changer son système d’impôts, reviser sa Constitution légale, il ne songe guère à se passionner pour une pure question d’art, à discuter la propriété d’un mot ou le mérite d’une combinaison de rimes. […] Il n’a certes pas manqué d’hommes qui, aimant mieux obtenir le succès que le mériter, se sont abaissés au niveau d’une foule ignorante au lieu de travailler à l’élever jusqu’aux purs sommets de l’idéal humain.

1663. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

On aboutit à « une culture de pure forme », suivant l’expression du Père Beckx ; on fait des rhétoriciens brillants, des virtuoses de la phrase et de l’éloquence académique. […] Celuy donc qui. voudra complaire Tant seulement au populaire, Celuy choisira les erreurs Des plus ignorants bateleurs… Et Jehan de la Taille, en tête des Corrivaux, fait cette profession de foi : « Vous y verrez non point une farce ni une moralité ; nous ne nous amusons point en chose ni si basse ni si sotte, et qui ne montre qu’une pure ignorance de nos vieux Françoys… Aussi avons-nous grand désir de bannir de ce royaulme telles badineries et sottises… » C’était dur pour les pauvres auteurs du moyen Age. […] Les hommes mêmes qui à distance nous paraissent en matière littéraire les plus conservateurs du monde, les plus purs représentants-de la tradition et de l’autorité, ont commencé par être violemment novateurs, par se frayer leur voie à grands coups rudes et souvent injustes.

1664. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

La musique, pure de tout concept concret, répond, évidemment, à ce côté de la conscience qui est tourné vers le dedans. […] Les austères séquences du contre-point pur s’étaient retirées, devant le goût nouveau d’une Eurythmie stable, dont le schème facile semblait répondre à la direction exclusive de la musique vers l’euphonie italienne. […] Ensuite, tourmenté du désir de plus savoir, Wotan s’unit à Erda : les Walküres naquirent, Brünnhilde, Forte par Wotan, Sage par Erda, esprit de Wotan et d’Erda, essence pure de la Divinité. — Brünnhilde se sépara de Wotan : la Divinité, condamnée, se détruisait : le Dieu s’abdiqua, par la désobéissance, châtiée, de Brünnhilde.

1665. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Poème immense qui commence par une pastorale dans un ciel terrestre, qui se poursuit par des épithalames comme le Cantique des cantiques, par des élégies dans les Psaumes de David, par des odes dans les versets des prophètes, par une tragédie dans l’holocauste d’une victime pure sur le Golgotha, et dans des apothéoses dans le ciel final des esprits ! […] Après avoir été longtemps la Gaule semi-barbare sous ses druides, caste sanguinaire dont un système historique faux veut faire aujourd’hui une académie de platoniciens ; après avoir succombé sous les Romains, le flot des races orientales et des émigrations du Nord l’envahit, et la mélange d’un sang plus pur et plus raffiné que le sang gaulois. […] Le vers est reconstruit grand comme celui d’Homère, pur comme celui de Virgile.

1666. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

On y renonça par respect pour leur pudeur ; mais Mme de Maintenon, qui ne renonçait pas à son plan d’amuser le roi, supplia Racine de composer exprès pour Saint-Cyr quelques-uns de ces chefs-d’œuvre irréprochables où la sévérité de son génie n’éclaterait que dans l’expression de passions pures et de sentiments pieux adaptés à l’âge, au lieu et à la sainteté de ces jeunes âmes. […] …………………………………………………… …………………………………………………… Mais, tandis qu’un grand roi venge ainsi mes injures, Vous qui goûtez ici des délices si pures, S’il permet à son cœur un moment de repos, À vos jeux innocents appelez ce héros ; Retracez-lui d’Esther l’histoire glorieuse, Et sur l’impiété la foi victorieuse. […] Relevez, relevez les superbes portiques Du temple où notre Dieu se plaît d’être adoré ; Que de l’or le plus pur son autel soit paré, Et que du sein des monts le marbre soit tiré.

1667. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Et, en effet, la raison a beau se débattre en ricanant, ce mystérieux scarabée, inconnu à toutes les classifications scientifiques, qui, gros comme une noix d’hickory, brille et pèse comme un lingot d’or pur ; cet insecte, peut-être diabolique, qui porte sur le dos et les ailes l’image d’une tête de mort, l’emblème de cette mort qu’il semble donner avec une piqûre ; l’analogie inexplicable de la figure tracée sur ses ailes avec cette autre tête de mort, clouée à la branche sèche du tulipier ; l’état de charme consumant dans lequel Legrand est tombé depuis qu’il a touché le scarabée, cet état qui n’est que le pressentiment, l’annonce intérieure, la soif qui révèle la source d’un trésor caché qu’il finit par découvrir aux pieds même de ce tulipier : tout cela saisit l’esprit, l’attire, le fixe, le harcèle, oh ne sait pourquoi ! […] Le spiritualisme apparent de l’inspiration d’Edgar Poe est du matérialisme, passé au filtre d’un esprit poétique, mais l’Amérique, la nation matérialiste par excellence, ne pouvait pas avoir un fils plus pur. […] On n’a jamais, que je sache (et même Émile Hennequin, qui s’est si généreusement croisé pour la justification de sa mémoire), assez insisté sur le spiritualisme d’Edgar Poe, de ce poète suprêmement idéal et pur, condamné par le sort de sa naissance et de sa vie à des besognes américaines indignes de la hauteur et de la beauté de sa pensée, qu’il eût dû garder inviolée et qui ne le fut pas toujours… On est bien obligé de le reconnaître, en présence de ses œuvres : Edgar Poe a trop souvent ployé et abaissé son propre génie sous le despotisme du génie américain, lequel n’a de goût et de passion que pour ce qui l’étonne, et qui préfère à tous les sentiments de l’âme, dans les choses de l’esprit, la force presque musculaire de la difficulté vaincue et de la contorsion réussie.

1668. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Dans le dessin qui représente l’ébranlement du Temple, dessin composé comme un grand et magnifique tableau, — gestes, attitudes d’histoire — on reconnaît le génie de Decamps tout pur dans cette ombre volante de l’homme qui enjambe plusieurs marches, et qui reste éternellement suspendu en l’air […] Blanchard Ceci est autre chose, — c’est plus sérieux, ou moins sérieux, comme on voudra. — C’est un compromis assez adroit entre les purs coloristes et les exagérations précédentes. […] Bartolini comme le morceau capital du salon de sculpture. — Nous savons que quelques-uns des sculptiers dont nous allons parler sont très-aptes à relever les quelques défauts d’exécution de ce marbre, un peu trop de mollesse, une absence de fermeté ; bref, certaines parties veules et des bras un peu grêles ; — mais aucun d’eux n’a su trouver un aussi joli motif ; aucun d’eux n’a ce grand goût et cette pureté d’intentions, cette chasteté de lignes qui n’exclut pas du tout l’originalité. — Les jambes sont charmantes ; la tête est d’un caractère mutin et gracieux ; il est probable que c’est tout simplement un modèle bien choisi3. — Moins l’ouvrier se laisse voir dans une œuvre et plus l’intention en est pure et claire, plus nous sommes charmés.

1669. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Le métaphysicien Malebranche, dans sa jeunesse et avant d’avoir trouvé sa vocation, avait voulu s’appliquer à l’histoire ecclésiastique ; il commença par lire Eusèbe et d’autres chroniqueurs : « Mais les faits, dit Fontenelle, ne se liaient point dans sa tête les uns aux autres ; ils ne faisaient que s’effacer mutuellement. » Au contraire, prenez un pur historien, Tillemont : tout enfant, dès l’âge de douze ans, il ne peut se détacher de Tite-Live ; dès qu’il l’a ouvert, il ne peut se résoudre à le fermer qu’il n’en ait lu tout un livre. […] Cet écuyer, témoin du bon accueil que lui font le roi et les seigneurs, et le sachant d’ailleurs historien, l’accoste à dessein et offre de lui raconter le voyage et la conquête du roi Richard II en Irlande, et la soumission des quatre rois irlandais, lesquels semblaient alors aux Anglais de purs sauvages : « Messire Jean, dit Henri Crystède, avez-vous point encore trouvé personne en ce pays ni en la Cour du roi notre sire, qui vous ait dit ni parlé du voyage que le roi a fait en cette saison en Irlande, et de la manière dont quatre rois d’Irlande, grands seigneurs, sont venus en obéissance au roi d’Angleterre ? 

1670. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Hamlet, Werther, Childe Harold, les Renés purs, sont des malades pour chanter et souffrir, pour jouir de leur mal, des romantiques plus ou moins par dilettantisme : — la maladie pour la maladie. […] Les critiques mêmes de profession, pour peu qu’ils fussent élégants, ne s’informaient pas assez à l’avance de tout ce qui pouvait donner à leur jugement des garanties d’exactitude parfaite et de vérité ; on en sait plus qu’eux aujourd’hui sur bien des points dans les sujets où ils ont passé ; on a sous la main toutes les ressources désirables ; sans parler de la biographie, la bibliographie, cette branche toute nouvelle, d’abord réputée ingrate, cette science des livres dont on a dit « qu’elle dispense trop souvent de les lire », et que nos purs littérateurs laissaient autrefois aux critiques de Hollande, est devenue parisienne et à la mode, presque agréable et certainement facile, et le moindre débutant, pour peu qu’il veuille s’y appliquer deux ou trois matinées, n’est pas embarrassé de savoir tout ce qui concerne le matériel des livres et le personnel de l’auteur dont il s’occupe pour le moment.

1671. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Un petit poème burlesque, imité du Lutrin et intitulé Le Goupillon, une pure fleur artificielle. […] A propos de l’Électre de Sophocle, il rencontre un vers qui est tout entier ou presque tout entier en monosyllabes : sur ce, il remarque et note tous les vers qu’il connaît, composés également de monosyllabes : « Racine, dans Phèdre : Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.

1672. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Nous sommes ici à l’époque chevaleresque, tout à la fin du xiie  siècle ou au début du xiie  ; un siècle entier s’est écoulé depuis la mort du Cid ; un idéal s’est créé à son sujet : il est devenu une figure noble et pure, et même douce autant que fière, un modèle de chevalerie en cette civilisation féodale. […] D’accord avec Martin Antolinez, il va préparer deux coffres : « Remplissons-les de sable, dit-il, afin qu’ils soient bien pesants ; recouvrons-les de cuir, et clouons-les bien : le cuir de couleur rouge, et les clous bien dorés. » Ce sont ces deux coffres de si belle apparence qu’il donnera aux Juifs en dépôt comme s’ils contenaient de l’or pur, et sur lesquels il leur empruntera six cents marcs.

1673. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Boileau, vieux, discourait volontiers à tout propos, un peu abruptement, et parlait seul à la façon d’un Royer-Collard ; mais les sujets étaient circonscrits ; il se renfermait dans la poésie et les Lettres pures. […] Je lui avais bien dit que, pour vérifier sa critique, on irait à Bayle et qu’on resterait sur Bayle sans retourner à sa critique : c’est ce qui m’est arrivé, car l’article censuré m’amuse, puis me mène au suivant, et j’oublie M. l’abbé… » Marais n’est pas précisément un esprit fort ; il a des principes de religion ; ce n’est pas un pyrrhonien pur : il trouve précisément dans Bayle comme un moyen terme à son usage.

1674. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

  J’ai dit que Marais était un pur classique à sa date, et il est bon, sur ce point, de bien s’entendre. […] On sait l’affreuse histoire de Mme de Tencin, cette femme d’esprit et d’intrigue, qui a fait des romans de pur sentiment : un jour, le soir du 6 avril 1726, un de ses anciens amants, un M. de La Fresnaye, à qui elle avait voulu (il paraît bien) extorquer ou soustraire des sommes considérables, va chez elle furieux, hors de lui, se met sur un canapé et se loge quatre balles dans le cœur, dont il meurt sur le coup ; « Le canapé en frémit ; la dame en gémit : on avertit le premier président et le procureur général du Grand-Conseil, qui le font enterrer, la nuit, en secret, et le lendemain chacun conte l’histoire à sa manière, et il y en a cent.

1675. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Nous ne croyons en général à ce venin qu’après y avoir regardé de très-près ; mais, dans le cas présent, il n’y a pas lieu même au doute : M. d’Aleth, à l’époque où Rancé le consulta, n’avait pas encore pris parti dans les querelles du temps ; il conseilla à Rancé la soumission pure et simple : celui-ci n’eut pas de peine à obéir. […] Je me plais à le dire ici comme je ne manquerai pas de le répéter ailleurs, si le coup de la Grâce pure, de ce qu’on appelle de ce nom, est quelque part évident, c’est dans la pénitence présente ; sur ce front de Rancé la foudre d’en haut a parlé seule et par ses propres marques.

1676. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Un peu d’eau pure au pauvre voyageur, il ne fait que rendre témoignage sincère d’une impression éprouvée par lui à cet âge de rêves épiques, lorsque, attendant l’heure d’aborder son Clovis, l’auteur futur des Clefs du Paradis et du Concordat de 1817 traitait en dithyrambe le Déluge, le Jugement dernier, le Rétablissement du Culte. […] Cette parcelle ignée en effet, cet esprit pur qui, à peine éclos, se loge dans une bulle hermétique de cristal que la reine Mab a soufflée, c’est toute sa chanson, c’en est le miroir en raccourci, la brillante monade, s’il est permis de parler ce langage philosophique dans l’explication d’un acte de l’âme, qui certes ne le cède à aucun en profondeur.

1677. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Avant de quitter le château paternel, Arthur aimait sa cousine Hélène, pauvre, mais belle, digne et pure, et qui elle-même l’aimait. […] Il a raison ; mais encore, comme le cadre de ce règne est partout à l’entour, il vient un moment où l’épisode sauvage y va heurter ; si loin qu’on soit du centre, la révolte, avant d’expirer, passe à une certaine heure sous un brillant balcon, et sur ce balcon sont trois hommes du pur grand siècle, Bâville, Villars et Fléchier.

1678. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Il appuie son opinion par une telle variété d’exemples, qu’il est aisé d’apercevoir que, bien que le but de Landino, sous le nom d’Alberti, fût d’établir les purs dogmes du platonisme, c’est-à-dire que la contemplation abstraite de la vérité constitue seule l’essence du vrai bonheur, Laurent avait élevé des objections auxquelles l’ingénuité du philosophe, dans la suite de l’entretien, n’ôte presque rien de leur force. […] On ne sait point ici dire le contraire de ce qu’on pense : dans ces estimables et paisibles retraites, au milieu de l’air pur qui vous environne, on ne voit point le sourire sur la bouche de celui dont le cœur est rongé de chagrins ; le plus heureux parmi vous est celui qui fait le plus de bien, et la sagesse suprême ne consiste pas à savoir déguiser et dissimuler la vérité avec le plus d’artifice. » Cependant le berger ne paraît point convaincu de la supériorité que le poëte accorde à la vie champêtre, et, dans sa réponse, il présente avec beaucoup de force les peines et les nombreux travaux auxquels elle est inévitablement exposée.

1679. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

En effet elle est souvent attendrissante, et parfois pathétique : c’est vraiment ce que nous appelons le drame, avec toute la variété de tons et de dénouements que ce mot comporte, avec la variété de sujets, qui tantôt sont historiques, tantôt légendaires, tantôt de pure imagination, et tantôt d’origine religieuse. […] C’est le type inférieur de l’esprit français dans sa pure vulgarité.

1680. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Mais la plus pure, la plus noble âme, à qui Mme de Sablé ait adressé le manuscrit des Maximes, Mme de Schomberg, se déclarait impuissante à contredire des vérités, que son indulgente bonté n’aurait pas toute seule découvertes. […] Toutes mondaines d’origine, elles manifestent le pur génie du monde et sa naturelle direction.

1681. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

La Bruyère la voit fondée sur la naissance, idolâtre de l’argent, dont il annonce le règne ; les femmes coquettes, menteuses, perfides, êtres d’instinct, meilleures ou pires que les hommes, dominant dans les salons, et y imposant l’esprit l’utile et banal, attirant autour d’elles l’essaim des fats et des ridicules ; les financiers, partis de bas, durs, sans scrupules comme sans pitié, méprisables absolument ; la ville, rentiers, marchands, magistrats, commençant à échanger les fortes vertus bourgeoises pour les airs et les vices de la cour ; la cour, abjection et superbe, férocité et politesse, où le mobile unique est l’intérêt ; les grands, extrait de la cour dont ils manifestent le vice dans sa plus pure et naturelle malice, sans âme, sans esprit, tout à l’orgueil et au plaisir, bien pires que le peuple ; le souverain — mais ici La Bruyère ne voit plus. […] Dans les chapitres de la tragédie et de la comédie, il parle du théâtre très librement, avec une réelle largeur d’esprit pour un archevêque : je le juge un peu sévère dans sa critique de nos tragédies où il trouve trop de pompe, des sentiments faux, de la fade galanterie, et un abus monotone des peintures de l’amour ; mais il est à noter qu’il admet Phèdre, et ne blâme qu’Aricie et Hippolyte ; au fond, il a raison dans son goût pour la vérité humaine et la pure passion des tragédies antiques.

1682. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Avant 1755, la littérature pure tient une grande place dans la vie de Voltaire ; il est alors la gloire poétique de la France, l’auteur de la Henriade, de Zaïre et de Mérope. […] Il fait ses études à Louis-le-Grand, chez les Jésuites, où il a pour préfet des études l’abbé d’Olivet : on pourra juger de quelle prise la Société saisit les esprits, si l’on songe que Voltaire même gardera toujours des sentiments de respect et d’amitié pour ses anciens maîtres ; et jamais il ne se défera des principes littéraires qu’ils lui ont donnés, de leur goût étroit et pur.

1683. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Partout ailleurs, les prêtres qu’on a mis au théâtre ou dans le roman, se ramènent à deux types, l’un et l’autre de vérité très superficielle, sinon de pure convention : le mauvais prêtre aux allures de Tartufe, souvent incroyant, toujours hypocrite, tantôt cupide et tantôt débauché, le prêtre comme se le représentent deux cent mille électeurs à Paris, l’homme noir, et, pour tout dire en un mot, le jésuite ; et, d’autre part, le bon prêtre, charitable, tolérant, indulgent, bon vivant à l’occasion, volontiers libéral et républicain, bref, le curé de Béranger et du Dieu des bonnes gens. […] Or l’abbé Célestin rencontre à Lignières une fille très pieuse, très pure et très innocente, Marie Galtier, une de ces pastoures à qui la sainte Vierge apparaît quelquefois.

1684. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Quelques-uns des paysages qui viennent ensuite sont de purs chefs-d’œuvre. […] C’est une joie absolument pure que de lire de tels vers.

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