C’était une puissance d’invention dévoyée, déshonorée ; de basse origine et de bas étage, je le veux bien ! Mais c’était une puissance enfin comme les femmes n’en sauraient avoir — pas plus qu’elles n’ont le quelque chose qu’il faut avoir pour faire des vers, disait le grand Corneille, le vieux Romain !
V Cette puissance dans la critique de M. Hello serait franchement et chaudement admirée — je n’en doute pas — si elle y était seule, et si elle n’avait pas à côté d’elle une autre puissance, qui paraît aux sagesses de ce siècle une infirmité.
Il est dans ce temps-ci un autre homme que Champagny qui a commis le même oubli et la même faute, dans un livre important comme le sien, et attestant, comme le sien, des facultés pleines de puissance. […] Seulement, pourquoi n’a-t-il pas compris également, poussé par la logique de ses idées, que la famille donnant d’abord, comme à Rome, l’organisation politique, c’était une inexorable conséquence que l’institution politique se moulât sur la famille, sur cette énergique unité de la puissance paternelle, et que la racine de toute monarchie, pour un temps donné, était là ?
Ainsi les morts emportent avec eux la puissance… Elle se retire des Pyrénées, et les royaumes abandonnés ne seront plus désormais que des provinces tributaires. […] Ce pouvoir politique qui se prouve par les tombeaux, ces morts qui emportent la puissance, ces royaumes qui tombent parce qu’ils n’ont plus de cendres à fournir à leurs caveaux funéraires, tout cela nous touche comme la vraie beauté.
L’histoire existait en puissance et on pourrait dire en chantier. […] Douillet, une publication du même genre, l’Académie, c’est plus qu’une puissance, c’est une infaillibilité !
Buffon, on le savait, avait des collaborateurs, et ce n’était là ni une infirmité ni une pauvreté de son génie, mais, au contraire, une puissance de plus. […] C’est ainsi que vécut Buffon, c’est ainsi qu’entre la société et la nature, mais plus loin de l’une que de l’autre, il atteignit cette vieillesse qui devait être longue et qui lui alla mieux que la jeunesse, tant ce grand esprit d’ordre et de paix majestueuse paraissait plus grand dans le rassoiement de sa puissance par ces dernières années voisines de la mort, qu’au temps de la virilité !
Il se tient si loin de la forge aux réputations, il fait si peu antichambre dans les boutiques où nous brassons la renommée ; moitié aigle et moitié colombe, c’est un esprit si haut et si chaste dans la solitude de sa province, qu’on est obligé de rappeler qu’à vingt-trois ans il achevait son ouvrage de L’Unité spirituelle, trois volumes, étonnants d’aperçus, malgré leurs erreurs, et qui donnaient du moins la puissance de jet et le plein cintre de cet esprit qui s’élançait, et que plus tard il s’élevait d’un adorable Traité de la douleur, jusqu’à cette Restauration française, l’ouvrage le plus fort d’idées qu’on ait écrit sur notre époque. […] La Raison, c’est ce qui nous est resté du rayon divin après la grande rupture de la Chute ; l’intelligence, c’est la puissance de l’homme, le résultat, soit du hasard, soit du mystère de sa contingente organisation.
Mais l’audace ne fait pas toujours la puissance, et le malheur est que, quand elle ne la fait pas, l’audace est déconsidérée. […] Pelletan, démocrate, protestant, hégélien plus ou moins, le sachant ou sans le savoir, a trahi la philosophie, la seule puissance dont il relève, car si M.
Est-ce que la civilisation généralisera jamais assez son être pour que les grands coups de tonnerre de l’histoire retentissent plus en lui et réveillent plus d’écho que ces tout petits événements qui tiennent dans les dix pouces de sa poitrine et ne font pas de bruit, à ce qu’il semble, mais qui seuls ont la puissance de faire palpiter plus vite sa tempe et son cœur ? […] Oubli déplorable de la meilleure portion de son génie, l’auteur de la Famille dogmatise ainsi quand il s’agit de nous refaire, avec une puissance de poésie nouvelle, ce poème de la maison de Gray dont il parle dans son épigraphe.
Elle y échappe par sa passion même… et c’est là justement ce qui fait la poésie d’Armelle et ce qui la rend incompréhensible aux esprits désorientés dans l’horizon où cette poésie aurait toute sa puissance… « Ce n’est pas sur mon bras perdu qu’il faut pleurer, — disait Saint-Hilaire à son fils, au coup de canon qui, avec son bras, emportait Turenne, — c’est sur ce grand homme qui n’est plus ! […] Du Clésieux est un poète à la voix pleine, harmonieuse, étendue, mais qui chante dans un medium dont il ne sort jamais par ces éclats si magnifiques dans Lamartine, qui, en sa qualité de génie poétique absolu, ayant tous les dons, a aussi le don de peindre avec des puissances, des délicatesses et des chastetés de pinceau véritablement raphaélesques, et quoique le musicien soit bien au-dessus du peintre dans son génie.
Mais le volume que voici nous le révèle intégralement dans toutes ses puissances poétiques et la variété de ses inspirations. […] Saint-Maur est le plus vrai des poètes comme il était le plus vrai des hommes, et c’est sa vérité qui fait sa puissance.
Et, en effet, le Traité de l’Amour 1 est peut-être, de tous les livres de cet homme singulier qui s’appelait et qui ne s’appelait pas Stendhal, celui-là qui doit le moins convenir à la pensée contemporaine, malgré le magnétisme d’un titre dont chaque lettre semble une puissance. […] « Après tout, — reprend Limayrac, — cette mauvaise fortune du livre de l’Amour n’est qu’apparente ; car, lorsqu’il aura conquis la popularité qui ne peut lui faire défaut et qui aura été longue à venir seulement, il ne l’aura pas achetée par des concessions, et il sera populaire en conservant sa qualité superfine. » Pour notre compte, nous ne savons pas si un esprit superfin comme Stendhal-Beyle, de cette saveur et de ce haut goût, sera jamais populaire, mais ce que nous savons, c’est qu’il a résolu le problème le plus difficile dans les lettres, comme dans les arts, comme dans la politique, et qui consiste à exercer une grande puissance sans avoir une grande popularité.
II Or, c’est la vérité que M. de La Madelène a voulu exprimer, la vérité locale, qui n’est jamais que locale en matière de paysan, la vérité des mœurs, des traditions et du langage d’une contrée entre toutes les autres, la vérité étroite, exacte, mais vivante cependant, car M. de La Madelène est un artiste qui a puissance de vie, et l’analyse chez lui double l’action sans l’étouffer. […] Il les connaît, il les agite, il les remue et les penche, il leur ouvre le sein, il les décompose, et avec une puissance bien supérieure à celle qu’il possède, et dont il fait preuve quand il n’a affaire qu’à l’homme seul.
Dans les tableaux fantastiques de Brueghel le Drôle se montre toute la puissance de l’hallucination. […] Je ne puis le comprendre ni en déterminer positivement la raison ; mais souvent nous trouvons dans l’histoire, et même dans plus d’une partie moderne de l’histoire, la preuve de l’immense puissance des contagions, de l’empoisonnement par l’atmosphère morale, et je ne puis m’empêcher de remarquer (mais sans affectation, sans pédantisme, sans visée positive comme de prouver que Brueghel a pu voir le diable en personne) que cette prodigieuse floraison de monstruosités coïncide de la manière la plus singulière avec la fameuse et historique épidémie des sorciers.
Ainsi, dans l’oraison funèbre de Henriette d’Angleterre, il dit, en parlant des princes, « Qu’ils s’imaginent avoir un ascendant de raison comme de puissance ; qu’ils mettent leurs opinions au même rang que leurs personnes, et qu’ils sont bien aises, quand on a l’honneur de disputer avec eux, qu’on se souvienne qu’ils commandent à des légions ». […] Il peint la terre sous l’image d’un débris vaste et universel ; il fait voir l’homme cherchant toujours à s’élever, et la puissance divine poussant l’orgueil de l’homme jusqu’au néant, et pour égaler à jamais les conditions, ne faisant de nous tous qu’une même cendre.
En voici une qui me semble sublime par la puissance de la structure et par la hauteur de la vérité. […] Par cette invention d’huissiers et de bonnets, un rang est fondé, une puissance instituée, la succession fixée, et la monarchie sauvée. […] La puissance venait avec l’argent ; avec l’argent et la puissance, le noble achetait ou usurpait les terres voisines. […] Que va-t-il faire de cette puissance énorme ? […] Si grande que fût leur puissance ou si ingénieux que fût leur mécanisme, leur puissance s’est affaissée et leur mécanisme s’est déconcerté lorsqu’elle s’est retirée d’eux.
Il est impossible de méconnaître dans les chants du poète la puissance et l’animation ; mais cette puissance étonne plutôt qu’elle ne charme. […] Hugo, on ne peut contester sa puissance. […] Alexandre VI, à peine assis sur le trône pontifical, conçut un projet pareil à celui de Louis XI, de Ferdinand V et de Henri VIII ; il voulut élever sa puissance sur les ruines de l’aristocratie. […] Je ne veux pas le nier, il y a dans l’architecture de ces idées une singulière puissance. […] juger l’habileté, le bonheur ou la puissance de leurs études ?
Boschot s’y révèle poète philosophe, et l’on voit bien, d’abord, qu’il a beaucoup lu Sully Prudhomme et Alfred de Vigny, ensuite et surtout qu’il est capable par lui-même d’une pensée forte, pénétrante et triste… Mais ce n’en est pas moins un poète cher au cœur et d’une singulière puissance d’émotion.
Ensuite viendront le tigre, l’ours « et les autres puissances » ; puis les magistrats, le clergé, les médecins, et tous les officiers publics ; puis les bourgeois, les petites gens, les bêtes de bas étage, « la racaille qui n’a ni panaches ni aigrettes. » La fable a l’ampleur d’une Iliade. […] Du haut de sa puissance, il voit tous les êtres comme des vermisseaux. […] Il plie le dos, se tait, et se retire avec cette maxime qu’il faut tâcher de n’avoir pas affaire aux puissances. […] Mais aussitôt que don Coursier se dit malade, il tombe en puissance de médecin, et l’Hippocrate improvisé l’endoctrine en l’appelant « mon fils. » Ce ton paternel et magistral n’empêche pas la servilité des manières ni l’emphase du programme. […] Par ce trait de magnificence Le prince à ses sujets étalait sa puissance.
Ils renvoient donc à mon corps, comme ferait un miroir, son influence éventuelle ; ils s’ordonnent selon les puissances croissantes ou décroissantes de mon corps. […] Je ne comprends pas, je ne comprendrai jamais qu’il y puise la miraculeuse puissance de se transformer en représentation des choses, et je tiens d’ailleurs cette hypothèse pour inutile, comme on le verra tout à l’heure. […] Plus grande est la puissance d’agir du corps (symbolisée par une complication supérieure du système nerveux), plus vaste est le champ que la perception embrasse. […] Par là on éliminerait de la matière toute virtualité, toute puissance cachée, et les phénomènes de l’esprit auraient une réalité indépendante. […] Nous ajouterons maintenant : puisque la perception pure nous donne le tout ou au moins l’essentiel de la matière, puisque le reste vient de la mémoire et se surajoute à la matière, il faut que la mémoire soit, en principe, une puissance absolument indépendante de la matière.
» Quand Teste était jeune, il mesurait la puissance de l’homme à ce qu’il aurait, lui Teste, voulu faire. […] Simplement le mot puissance a tourné sur lui-même. Il ne désigne plus l’existence puissante, mais l’existence en puissance, celle des mathématiques, « l’illusion d’un travail immense qui tout à coup deviendrait possible ». […] Puissance de tout. La puissance testienne, à forme d’algèbre, comporte l’ostinato rigore de Léonard ; la puissance amiellienne, à forme d’intuition, implique au contraire un Ce n’est pas la peine de… La première-prend place dans la colonne de mots qui commence par vertu, la seconde dans la colonne de mots où il y a virtualité.
. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles.
Ce qui le préserve parfois de cette peste du siècle, et ce qui, par moments, le rend enchanteur, c’est la puissance d’artiste consommé qui lui fait tout à coup retrouver son cœur sous les vapeurs noires de son esprit.
Manuel, En voyage, nous montre le talent du poète sous ses trois aspects : sentimental, populaire, patriotique, avec sa triple puissance d’élégie, de narration et de lyrisme.
Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place, — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de la Chanson des gueux , Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore… Quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité… C’est dans de tels vers et par de tels vers que Laurent Pichat, l’athée et le démocrate, reconquiert son blason de poète.
Par mes bienfaits, j’enchaînerai leurs cœurs ; par tes leçons sublimes, tu les épureras ; par mes soins, je contiendrai les vices ; par ta force divine, tu feras germer les vertus ; j’encouragerai les arts, tu formeras les mœurs ; je ferai respecter la justice, tu en inspireras l’amour ; tu parleras quand les Loix se tairont ; & si jamais l’oubli des saints devoirs, si l’ivresse de la puissance pouvoit jamais m’égarer moi-même, alors tonne du haut des Cieux, remplis mon ame d’un effroi salutaire, rappelle-moi à mes sermens ; & que, traîné devant ton Tribunal, je reconnoisse qu’en toi seule les Princes ont un Juge, & les Peuples un vengeur ».
Ces dogmes, les voici : Un Dieu unique ; Une triple essence en Dieu, la puissance, la sagesse, la bonté ; Le Dieu créateur de la nature ; Le Verbe, la Pensée, la Parole divine, en grec le Logos, modèle ou type de cette création ; Une hiérarchie de dieux secondaires créés et subordonnés au Dieu unique ; Ces dieux secondaires, ou ces anges, ces démons, ces esprits, chargés de diriger les astres et de présider aux phénomènes de l’univers ; Un fils de Dieu, qui est la lumière ; La pensée de Dieu se reflétant dans l’homme, qui est l’image de son Créateur ; La parenté de l’homme et de Dieu par la raison. […] Comment une œuvre si vicieuse et si malfaisante peut-elle émaner de la sagesse, de la puissance et de la bonté suprêmes ? […] La philosophie humaine ne s’éleva jamais plus haut par la seule puissance du raisonnement. […] D’ailleurs, sa théorie, infiniment plausible, d’une hiérarchie de puissances célestes, d’une échelle incessante d’êtres, agents de la divinité créatrice, dans les astres, dans les éléments, sur la terre, sur les âmes, cette théorie n’était nullement en contradiction avec le Dieu exclusif et souverain que sa raison découvrait et adorait au-dessus de toutes ces divinités d’emprunt. […] Voici cette philosophie : Un Dieu suprême, unique, parfait, dont l’existence est un mystère et se démontre par soi-même ; Une hiérarchie d’êtres émanés de lui, et investis plus ou moins de sa sagesse, de sa puissance, de sa bonté, créant et gouvernant, sous son regard, les astres, les mondes, les âmes ; L’âme, ou l’esprit, distinct de la matière, mais mû par la volonté de Dieu, dans l’homme ou dans d’autres êtres pensants ; La matière périssable, l’âme immortelle ; La vertu, exercice de l’âme pendant la vie, pour conquérir une vie plus parfaite par sa victoire sur les sens.
V Rassurés sur la toute-puissance du charlatanisme dont ils fascinaient l’Europe, ils se mirent alors à intimider les Espagnols américains du golfe du Mexique, à menacer la Havane de conquérir Mexico, à affecter le militarisme de Napoléon, à imposer des lois à ces nombreux démembrements de la puissance espagnole qui naissaient à la liberté au milieu des orages. […] L’Angleterre, la France, la Russie, l’Autriche, la Prusse, l’Espagne, ne leur parurent plus que des comparses laissées par leur outrecuidance, sous condition, au rang des puissances pour applaudir à leurs exploits et pour saluer leur bannière étoilée promenée pendant vingt-cinq ans de port en port sur leur frégate nomade et à peu près unique, la Constitution. […] XIII En partant de ce principe, devenu aujourd’hui un fait, que le continent américain est la propriété collective du genre humain, et non de l’union déchirée d’une seule race sans titre et sans droit, du moins sur l’Amérique espagnole et sur la race latine, mère de toute civilisation, le principe de protection de l’Europe et de son indépendance, du moins dans ses dix-sept États républicains de l’Amérique du Sud, découle évidemment pour nous et pour toutes les puissances de l’ancien monde. […] Enfin le commerce, qui nous nécessite une marine et des matelots, population flottante, incalculable comme nombre d’hommes nourris sous la voile, plus incalculable encore comme élément de notre puissance nationale. […] Pour moi, je ne cessais de le regarder avec ravissement, et je me demandais comment la Nature avait pu le douer d’un sens aussi réfléchi et d’une telle puissance.