Quelle est la méthode propre de cette dernière ? […] Mais puisque chacun d’eux est une force et qui domine la nôtre, puisqu’il a une nature qui lui est propre, il ne saurait suffire, pour lui donner l’être, d’en avoir le désir ni la volonté. […] C’est une force qui a sa nature propre ; pour que cette nature soit suscitée ou altérée, il ne suffit pas que nous y trouvions quelque avantage. […] En vertu de ce principe, la société n’est pas une simple somme d’individus, mais le système formé par leur association représente une réalité spécifique qui a ses caractères propres. […] Plus généralement, la vie professionnelle sera tout autre suivant que le milieu propre à chaque profession sera fortement constitué ou que la trame en sera lâche, comme elle est aujourd’hui.
ce n’est pas à vous qu’il faut dire que cet homme, si homme entre tous, n’était pas un sauvage ni un désordonné, qu’il ne faut pas le confondre (parce qu’il a été parfois énergique ou subtil à l’excès, et qu’il a donné ou dans les grossièretés ou dans les raffinements de son temps) avec les excentriques et les fous pleins d’eux-mêmes, ivres de leur propre nature et de leurs œuvres, — ivres de leur vin. […] Non, la tradition nous le dit, et la conscience de notre propre nature civilisée nous le dit encore plus haut, la raison toujours doit présider et préside en définitive, même entre ces favoris et ces élus de l’imagination ; ou si elle ne préside pas constamment et si elle laisse par accès courir la verve, elle n’est jamais loin, elle est à côté qui sourit, attendant l’heure prochaine et l’instant de revenir. […] Grâce à cette divulgation de pièces diplomatiques, ce que quelques érudits seuls possédaient autrefois, ce qui était le domaine propre d’un Foncemagne, d’un père Griffet, a été mis à la disposition de tous. […] [NdA] Je choisis, entre mes leçons à l’École normale où j’ai eu l’honneur d’être maître de conférences pendant quatre années (1857-1861), celle dont le sujet est le plus général, et qui est la plus propre, en effet, à montrer comment j’entendais mon devoir de professeur, très distinct du rôle de critique ; le critique s’inquiétant avant tout, comme je l’ai dit, de chercher le nouveau et de découvrir le talent, le professeur de maintenir la tradition et de conserver le goût.
Corneille, qui savait l’espagnol, a eu sous les yeux, quand il composa son Cid, le drame de Guillem de Castro, en trois journées, la Jeunesse du Cid ou plus exactement les Prouesses du Cid, et il l’a imité, il l’a modifié avec goût, il l’a réduit et accommodé selon le génie de notre nation et le sien propre. […] Ce roi, pour se l’attacher, lui fit même épouser sa propre cousine Chimène, fille de Diego, comte d’Oviedo. […] C’est alors que le Cid joua au plus fin et se ménagea un jeu à part ; trompant également le roi Mostaïn, dont il était l’allié, et le roi Alphonse appelé l’Empereur dont il continuait de se dire le vassal, il ne songea, à la tête de son armée, qu’à pousser ses propres affaires, comme le plus osé et le plus habile des trois larrons. […] Il est piquant, dans ce récit à sa louange, de l’entendre se proclamer par sa propre bouche Mon Cid.
Je crains qu’on ne se trompe beaucoup sur l’utilité dont je puis être : je suis propre à bien peu de chose, si à quelque chose. […] L’infâme conduite des Alliés n’est pas propre à ranimer l’espérance de tout homme qui voit un peu au-delà du moment actuel ; ils travaillent comme de concert à détrôner le monarque qu’ils nous ont rapporté sur leurs sanglantes baïonnettes. […] Le genre humain tout entier marche à grands pas vers sa destruction ; il est dans le travail de l’agonie, et, comme un malheureux blessé à mort, il se débat et se roule dans son propre sang. » Qu’il y ait quelques amères vérités mêlées et broyées dans cette peinture apocalyptique, on ne le saurait nier ; mais comment faire le départ du vrai et du chimérique ? […] Mais en même temps (car les extrêmes s’appellent et se touchent), pour échapper aux épouvantes infinies de ses propres conjectures, il se rangeait d’autant plus comme un humble enfant et en véritable aveugle sous la houlette du saint homme auquel il s’était abandonné.
Pellisson, lorsque celui-ci vint à la Trappe après sa conversion, non pas comme un bon livre, mais comme un livre fort propre et bien relié ; que dans les deux premières années de sa retraite, avant d’être religieux, il avoit voulu relire les poètes, mais que cela ne faisoit que rappeler ses anciennes idées, et qu’il y a dans cette lecture un poison subtil caché sous des fleurs qui est très-dangereux, et qu’enfin il avoit fallu quitter tout cela. » Quand vint la lutte sérieuse, Rancé, on le voit, n’hésita point ; le culte charmant résista peu en lui à cet endroit ; aussi il n’était que scoliaste et non poëte, il étouffa plus aisément sa colombe, qui n’était que celle d’Anacréon. […] Un jour qu’il se promenait avec son ami l’évêque de Comminges (Gilbert de Choiseul), dans le diocèse de ce dernier et à un endroit fort solitaire, d’où l’on découvrait d’assez près les hautes montagnes des Pyrénées, l’évêque, remarquant l’attention avec laquelle Rancé considérait ces lieux sauvages, y soupçonna du mystère : « Apparemment, monsieur, lui dit-il, vous cherchez quelque lieu propre à vous faire un ermitage. » Rancé se prit à rougir et n’en disconvint pas. — « Si cela est, repartit l’évêque, vous ne pouvez mieux faire que de vous adresser à moi ; je connois ces montagnes, j’y ai passé souvent en faisant mes visites : j’y sais des endroits si affreux et si éloignés de tout commerce, que, quelque difficile que vous puissiez être, vous aurez lieu d’en être content. » Rancé, avec sa vivacité naturelle, prenant cette parole à la lettre, pressait déjà M. de Comminges de les lui montrer : « Je m’en garderai bien, lui répondit le prélat en souriant, ces endroits sont si tentants, que, si vous y étiez une fois, il n’y auroit plus moyen de vous en arracher. » C’était en vain que cet évêque aimable et d’autres amis conseillaient à Rancé, jusque dans son repentir, « cette juste médiocrité qui fut toujours le caractère de la véritable vertu. » Cette médiocrité était précisément ce qu’il y avait de plus contraire à son humeur et de plus insupportable à ses pensées. […] Je me plais à le dire ici comme je ne manquerai pas de le répéter ailleurs, si le coup de la Grâce pure, de ce qu’on appelle de ce nom, est quelque part évident, c’est dans la pénitence présente ; sur ce front de Rancé la foudre d’en haut a parlé seule et par ses propres marques. […] Les pensées en sont remplies, les figures ménagées, les mots propres et choisis, les expressions nettes et les périodes harmonieuses. » Les traductions qu’il donne des Pères et qui sont presque continuelles dans son texte ont surtout suavité et largeur ; enfin il suffit de gravir, on recueille une abondance de miel au creux du rocher.
Il l’avait conclu à l’avance, il l’avait déterminé du dehors, pour les points essentiels, avec cette géométrie transcendante d’une doctrine sainte aux mains du génie ; il en avait induit les diversités d’erreurs et de vices avec les propres données de son cœur, moyennant cette double corruption qui se remue ici-bas en tout esprit et en toute chair, orgueil et volupté. […] Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ? […] Le style de l’Essai sur l’indifférence, qui s’est épuré, affermi encore, s’il se peut, dans les deux écrits subséquents de l’auteur (la Religion considérée dans ses rapports, etc., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active.
Le pays de Vaud, pour m’y borner en ce moment, eut pourtant un développement ancien, suivi, tantôt plus particulier et plus propre, tantôt plus dépendant du nôtre, et réfléchissant, depuis deux siècles, la littérature française centrale, mais, dans tous les cas, resté beaucoup plus distinct que celui d’une province en France. […] Mais jusqu’ici j’ai dit plutôt en quoi la littérature du pays de Vaud suivait et reflétait la nôtre ; je n’ai pas assez fait sentir ce qui lui est propre, original, ce qui la marque un peu plus elle-même en la laissant française. […] Monnard, dans lequel il discute les avantages qu’il y aurait à étudier et à analyser la langue et la littérature maternelles comme on étudie les langues anciennes, est tout d’abord propre à faire ressortir les qualités de grammairien analytique et de rhéteur, de Quintilieu et de Rollin accompli, que possède M. […] Vinet sur les mots et leurs divers accidents me donnent occasion d’en glisser une qui m’est propre sur le français du canton de Vaud : c’est qu’on trouve dans ce canton, comme dans les divers pays où l’on parle français hors de France, des restes nombreux d’expressions et de locutions anciennes qui ont dès longtemps disparu en France même et au cœur de notre culture ; des mots du xvie siècle : volée, par exemple, tout à fait dans la même acception que chez Estienne Pasquier quand il parle des poëtes de la volée de Ronsard ; le peuple dit : Il s’est pensé, pour il a pensé ; il s’y fait beau, pour il fait beau (le s’y dans ce cas n’est peut-être que cy pour ici).
En d’autres termes, il se fera une antiquité à son image, sans y penser, et dès lors l’admiration qu’il a pour elle ne le gênera plus : elle le guidera à la satisfaction de ses propres instincts et de son goût original. […] Mais alors que doit penser Boileau de sa propre poésie, dont la caractéristique est précisément d’exprimer avec vigueur des choses particulières dans leur particularité même ? […] Par sa sensibilité toujours frémissante, le poète nous révèle les profondeurs mystérieuses et les passivités latentes de notre propre être : ses émotions individuelles sont la confession de l’humanité. […] La Fable est un répertoire de figures et d’images dont le sens est fixé, et qu’on emploie pour éviter la sécheresse de l’expression propre.
Le calvinisme n’est pourtant pas une invention qui lui soit propre. […] L’un, épicurien, exagérant trop souvent les excès du dernier du troupeau, au visage enjoué et fleuri, chargé sur la fin de sa vie de tout l’embonpoint qu’il reprochait aux moines, un Démocrite riant de son propre rire ; l’autre, une sorte de stoïcien chrétien, petit et maigre de corps, au visage pâle, exténué, où la vie ne se révélait que dans le regard, représentant l’esprit de discipline jusqu’au point où il devient tyrannie, de même que Rabelais représente l’esprit de liberté jusqu’au point où il devient licence. […] Mélanchthon avait senti l’excellence de cette méthode ; mais il ne l’appliqua pi un corps de discours si serré et si plein, ni à des doctrines qui lui fussent propres. […] Ce défaut, plus redoutable que l’humeur dans les hommes qui ont puissance sur les autres, est non moins propre à notre nation que cet esprit logique, dont il n’est que l’exagération.
La langue est la bonne langue, mais refroidie, et d’un habile homme qui connaît la valeur des mots plutôt que d’un écrivain qui se les rend propres par l’imagination et le sentiment. […] Plus attaché à la terre que Fénelon, plus attentif à ses propres sensations, les impressions de son enfance écoulée sur les rivages du lac de Genève, les souvenirs des beautés alpestres, le mettent plus habituellement en présence de la nature, et il se plaît dans la solitude qui nous fait contracter des amitiés avec la fleur du buisson. […] Vint ensuite, pour achever la restauration classique, l’Itinéraire, qui menait le lecteur comme en pèlerinage au double berceau des deux antiquités, à travers tous les souvenirs propres à les lui rendre plus augustes et plus familières. […] Quel ne fut pas mon chagrin en voyant, à chaque rature, la pensée s’éloigner du vrai et les mots de leur sens propre, et tout le morceau jeter de vains rayons qui m’éblouissaient en me laissant l’âme vide !
N’était-il pas assez dur de ne servir à rien dans l’âge où l’on est propre à tout ? […] Par exemple, dans ses Mémoires, il a l’air de dire qu’il ne comptait pas en 1814 sur l’étranger ; qu’il espérait toujours en un mouvement national qui eût dispensé les Alliés d’entrer à Paris et qui eût délivré les Français par leurs propres mains. […] C’est là le propre des poètes, et c’est aussi leur charme quand ils le font simplement, avec naturel, avec innocence ; mais quand ils affectent de le faire au milieu des graves devoirs qu’ils se sont imposés par ambition, je les arrête et je les trouve en ceci très petits et même coupables. […] On y verra, dans un contraste frappant, la différence des procédés d’un homme d’État véritable et de ceux d’un homme politique littéraire, l’un apportant aux choses toute discrétion et maturité, et l’autre se hâtant de divulguer avant l’heure tout ce qu’il croit propre à le rehausser, sans souci aucun des convenances de gouvernement ou de celles qui concernent les personnes.
Elle est propre au dernier point, et l’air qu’elle souffle est plus pur que celui qu’elle respire… On remarquera ce mot de propre qui revient assez souvent chez Bussy, qu’on n’emploierait plus à présent, mais qui se disait alors avec convenance et dans le sens antique (simplex munditiis). […] dans cette indigne histoire ou chronique scandaleuse de son temps, n’avait-il pas trouvé moyen de mettre, à côté de Mme d’Olonne et de Mme de Montglat, sa propre cousine, cette charmante Mme de Sévigné elle-même ! […] La correspondance que Bussy entretint pendant son long exil avec un nombre assez considérable d’amis, hommes et femmes, restés pour lui attentionnés et fidèles, a du prix pour l’histoire du temps, et il ne lui manque, pour être tout à fait intéressante, que de trouver un éditeur, un Walckenaer ou un Monmerqué qui en répare le texte, y restitue, s’il est possible, bien des noms propres marqués par de simples et impatientantes étoiles, et qui donne des éclaircissements sur les personnages.
Ce regard, d’une pureté inoubliable, qui interroge à l’horizon, non pas leur propre destinée, mais celle de la patrie, comment le rendre sensible ? […] Le soir, une cuisine de campagne, une immense cuisine de Lorraine, bien propre, un grand feu dans la vaste cheminée. […] On ne peut lire sans une admiration qui va jusqu’à la douleur, telle lettre où l’enfant laisse voir comment il vient d’être bouleversé par une première communion de village, et puis s’interrompt, étant remonté aux tranchées, pour réclamer des siens le calme et l’énergie ; — telle autre lettre de charmante gratitude, où cet enfant qui donne sa vie s’inquiète du bien-être qu’il doit aux petites sommes que lui envoient les siens et dont il craint que le modeste foyer ne souffre ; — cette lettre enfin pour la fête de son père, à qui il écrit, oublieux de son propre sacrifice : « Croyez bien que je comprends la peine que doit éprouver un père en voyant partir pour le grand inconnu de la guerre un fils de vingt ans, qu’il a élevé à force de travail, de souci, d’économie… » Et toute la suite. […] Nous l’avions déjà lu, mais ces deux-ci le disent d’après leur expérience propre.
Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés ; s’appuyer et se pencher ainsi est le propre d’un être conscient. […] Placée au confluent de la conscience et de la matière, la sensation condense dans la durée qui nous est propre, et qui caractérise notre conscience, des périodes immenses de ce qu’on pourrait appeler, par extension, la durée des choses. […] La matière s’enroule autour d’elle, la plie à son propre automatisme, l’endort dans sa propre inconscience.
» Combien de fois ne forma-t-il point là-dessus, d’avance, un système de vie paisible et solitaire : J’y faisais entrer une maison écartée, avec un petit bois et un ruisseau d’eau pure au bout du jardin ; une bibliothèque composée de livres choisis, un petit nombre d’amis vertueux et de bon sens, une table propre, mais frugale et modérée. […] On y verra un exemple de plus de cette grâce, de ce tour coulant qu’il portait volontiers dans sa propre apologie comme en tout, et de cette manière de se soumettre sans s’abaisser : Monseigneur, Ma disgrâce ne m’a pas rendu importun. […] Mais, si huit mois d’éloignement et de silence peuvent vous paraître une satisfaction suffisante, je me flatte, monseigneur, que votre bonté achèvera de se laisser toucher en considérant que mon caractère est tout à fait exempt de malignité, que, dans plus de quarante volumes que j’ai donnés au public, il ne m’est rien échappé qui soit capable d’offenser, et que l’accident même qui fait mon crime n’a été qu’un aveugle sentiment de charité et de compassion pour un malheureux camarade d’école que j’ai voulu secourir dans sa misère après l’avoir aidé longtemps de ma propre bourse… M. le curé de Saint-Sulpice et Mlles de Raffé du Palais-Bourbon, qui l’ont assisté aussi à ma recommandation, ne me refuseront pas ce témoignage.
Dans son éloge de M. de Lamure, Vicq d’Azyr parlant des succès de ce professeur de Montpellier, raconte que lorsqu’on félicitait M. de Lamure déjà vieux sur l’intérêt de ses cours, celui-ci répondait : « C’était dans ma jeunesse qu’il fallait m’entendre. » Et Vicq d’Azyr à ce propos, ramené de quatorze ans en arrière à ses propres souvenirs, ne peut s’empêcher de s’écrier : Combien, en effet, cette jeunesse dont on se méfie tant n’a-t-elle pas opéré de prodiges ! […] On voit bien, par ces appels éclairés et éloquents, le genre d’impulsion et d’initiative qui est propre à Vicq d’Azyr. […] Il y a bien des années que, lisant de suite ce recueil des notices historiques de Vicq d’Azyr, simple étudiant alors et en chemin d’être médecin moi-même, mais hésitant encore entre plusieurs velléités ou vocations, il m’a été donné d’en saisir le doux intérêt et le charme ; en passant de l’un à l’autre de ces personnages, je sentais varier mes propres désirs ; chacun d’eux me disait quelque chose ; l’idée dominante que l’auteur avait en vue et qu’il exprimait dans la vie de chacun de ces savants m’apparaissait tour à tour et venait me tenter, même lorsque cette idée dominante n’était que des plus modestes : car il y a cela de particulier dans la touche de Vicq d’Azyr, qu’une sorte de sympathie y respire et que le coloris léger n’y dérobe jamais le fonds humain.
On y voit Junot, « malheureusement moins sensé que brave », et à qui une blessure reçue au front n’était pas propre à rendre l’équilibre ; de l’avis de Ney quand il est avec Ney, de l’avis de Reynier quand il est avec celui-ci, et devant Masséna pourtant, n’osant contredire. […] Toutefois, n’oublions pas qu’on est ici avec Napoléon, non seulement le plus grand guerrier et héros des temps modernes, mais un des hommes qui ont le plus traduit et livré leur propre nature par des paroles. […] Si je ne savais combien il aime Raphaël, je ne verrais pas trop ce que vient faire Raphaël en cet endroit : Voulait-il peindre une Vierge, ce beau génie, dit-il, cherchait dans les trésors de son imagination les traits les plus purs qu’il eût rencontrés, les épurait encore, y ajoutait sa grâce propre, qu’il puisait dans son âme, et créait l’une de ces têtes ravissantes qu’on n’oublie plus quand on les a vues.
Nulle part cet atticisme (ne vous en en étonnez pas) ne s’offre dans de meilleures conditions, avec ses qualités propres et sincères, que chez les vieilles femmes qui ont du bon sens et du monde, et qui ont eu le temps de se débarrasser des faux goûts et des fausses expressions que la mode avait mis en circulation dans leur jeunesse. […] J’ai dit qu’en France, à en juger par l’histoire de notre société, les femmes d’un certain âge sont plus propres à ce genre de perfection que les hommes ou que les plus jeunes femmes : ces dernières en effet ont volontiers le travers d’épouser les modes jusque dans les choses de l’esprit, et de les porter d’abord à l’excès. […] Voltaire, dont notre Révolution eût fait le désespoir (car jamais esprit ne fut à la fois plus aristocratique et plus libéral), excitait ses disciples de Cour à mêler aux discussions littéraires l’examen de l’état social de leur époque ; ce puissant intérêt, tout nouveau pour des esprits légers, les élevait à leurs propres yeux, en même temps qu’il ouvrait à leur curieuse ardeur un champ inconnu et sans bornes.
Ses débuts sont faits ; il est à cette cour, sur le pied où il a su s’y mettre en vertu de son propre caractère et de son mérite. […] C’est ainsi qu’il pense en tous sens, même en avant, et de droite et de gauche, surtout de haut ; au risque de tirer parfois sur ses propres troupes. […] [NdA] Cependant l’éditeur a passé d’un extrême à l’autre, en n’indiquant même pas à qui les lettres sont adressées, en ne mettant aucune note qui serait de nature à éclaircir le texte, en laissant de simples initiales aux noms propres là où il coûtait bien peu de les donner en entier (par exemple, tome ii, page 218), et quand il les donne, en permettant à l’imprimeur d’écorcher ces noms de diplomates très connus (tome ii, page 278 et ailleurs).
Elle ne le dit peut-être pas en propres termes, mais elle force tout lecteur à le dire : — une brute bizarre et bigarrée de folie. — Dès l’enfance, il parut si mal élevé qu’on crut que son gouverneur, le grand maréchal Brummer, Suédois de naissance, dès qu’il vit que le prince n’était point destiné au trône de Suède, mais à celui de Russie, changea de méthode et s’appliqua à lui gâter le cœur et l’esprit de propos délibéré : le maréchal en était bien innocent et n’en pouvait mais ; la nature de l’élève suffisait de reste à tous ses vices. […] Mon amour-propre et ma vanité gémirent tout bas, mais j’étais trop fière pour me plaindre ; je me serais crue avilie si on m’avait témoigné de l’amitié que j’aurais pu prendre pour de la pitié. » C’est là un trait de son caractère, et qui est le propre de toutes les âmes fières : elle n’aime pas à être plainte ni à se plaindre ; la seule idée d’être ou de paraître malheureuse lui est insupportable. […] « Une vingtaine d’années plus tard il me prit fantaisie, nous dit Catherine, de lui demander ce qui, dans ce temps-là, l’avait pu porter ainsi à venir partager l’ennui et l’insipidité de notre séjour à Rajova, tandis que sa propre maison fourmillait tous les jours de toute la meilleure compagnie qui se trouvât à Moscou.
Après tout ce qui a été dit sur Halévy, compositeur, je n’aurais rien, je le crois bien, à ajouter pour mon propre compte, quand bien même je m’y connaîtrais. […] Les trois premiers furent pris dans l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ou dans la classe de l’Institut qui y répondait : Halévy fut le premier que l’Académie des Beaux-Arts eut l’idée de se choisir dans son propre sein, et elle eut la main heureuse. […] Parés de leurs propres mains d’un laurier toujours vert, ils chantent le cantique de leur gloire et s’en enivrent à petit bruit.
Je conçois pour un poème des champs et de la nature, comme source d’inspiration principale et propre à animer le tout, deux ou même trois façons générales de voir et de sentir, trois esprits différents, et je les définirai par des noms antiques et immortels : l’esprit d’Hésiode, celui de Lucrèce, celui de Virgile. […] moi, en revanche, je leur donnerai un mal auquel tous tant qu’ils sont prendront plaisir, en embrassant leur propre malheur. » Et ce mal, c’est la femme. […] C. de Lafayette ne s’attribue en rien cette supériorité dont il ne peut s’empêcher cependant d’avoir conscience, et il n’en fait pas honneur à son propre talent ; il aime à la rapporter à des maîtres, à des devanciers qu’il nomme et que parfois même il exagère un peu (nous avons le droit de le remarquer).
Indépendamment du cercle entier des saisons qui se déroulent sous nos yeux dans ce tableau varié de l’idylle, et où chaque saison, y compris l’hiver, passe tour à tour en offrant les scènes qui lui sont propres, des incidents romanesques ou mythologiques viennent retarder ou exciter la marche légère de l’action. […] Son style, qui a été tant vanté, est peut-être ce qui mérite moins de l’être : c’est un style de sophiste tel qu’il était…, qui lient de l’orateur et de l’historien, et qui n’est propre ni à l’un ni à l’autre, plein de métaphores, d’antithèses et de ces figures brillantes qui surprennent les simples et qui flattent l’oreille sans remplir l’esprit. […] On ne voit agir, en fait de divinités, que Pan et les Nymphes : on n’en nomme guère d’autres, et on voit en même temps que ces divinités suffisent aux besoins des bergers. » — « Et cependant, ajoutait Goethe, obéissant a la suggestion de son interlocuteur et continuant la pensée d’Eckermann ou plutôt la sienne propre, cependant, avec toute cette mesure, là se développe un monde tout entier : nous voyons des bergers de toute nature, des laboureurs, des jardiniers, des vendangeurs, des mariniers, des voleurs, des soldats, de nobles citadins, des grands seigneurs et des esclaves. » C’est tout ce dialogue qui manque, pour le dire en passant, dans la page de préface ajoutée à ta présente édition, où elle fait d’ailleurs une si digne et si magistrale figure.
La considération dont jouissait son père lui ouvrait tous les accès : il sut bientôt se faire compter par son propre mérite. […] Dans toute la première partie de la campagne, qui se termine à la victoire d’Hastenbeck, le maréchal d’Estrées lutte contre les difficultés qui naissent de la nature du pays, du défaut des subsistances, et du propre désordre de son armée, surchargée d’officiers généraux inutiles, d’équipages fastueux et parasites. […] Chabanon a écrit un mot qui est la critique de Grandisson et des romans trop vertueux : « Depuis Aristote tout le monde a senti et répété que l’humanité dépeinte devient plus intéressante par ses faiblesses mêmes. » (Lettre de Chabanon à Mme de La Briche après la lecture des Mémoires manuscrits de cette ; dame). — Si quelqu’un a jamais paru propre à faire mentir ce mot, ç’a été le comte de Gisors.
Les facultés innées qu’on a exercées beaucoup et qu’on arrête brusquement au milieu de la carrière, après les premiers instants donnés au délassement et au repos, se réveillent et recommencent à désirer le genre de mouvement qui leur est propre. […] Despréaux me l’a dit ainsi, l’ayant appris du curé d’Auteuil, qui l’assista à la mort ; car elle est morte à Auteuil, dans la maison d’un maître à danser, où elle étoit venue prendre l’air. » On a besoin de croire, pour excuser ce ton de sécheresse, que Racine voulait faire indirectement la leçon à son fils, et condamner ses propres erreurs dans la personne de celle qui en avait été l’objet. […] comme le mot propre est habilement évincé !
Récemment encore156 « les phénomènes de chaleur, d’électricité, de lumière, assez mal définis en eux-mêmes, étaient produits par autant d’agents propres, de fluides doués d’actions spéciales. […] Au contraire, l’autre point de vue, qui est la perception extérieure, est indirect : il ne nous renseigne en rien sur les caractères propres de son objet ; il nous renseigne simplement sur une certaine classe de ses effets. […] Pour les sens et l’imagination, la sensation, la perception, bref la pensée n’est qu’une vibration des cellules cérébrales, une danse de molécules ; mais la pensée n’est telle que pour les sens et l’imagination ; en elle-même, elle est autre chose, elle ne se définit que par ses éléments propres, et, si elle revêt l’apparence physiologique, c’est qu’on la traduit dans une langue étrangère, où forcément elle revêt un caractère qui n’est pas le sien.
Il a cherché le mot propre, le mot fort, avec une opiniâtreté méticuleuse. […] Il a essayé, selon ses propres paroles, « de civiliser la doctrine en la dépaysant des collèges et la délivrant des mains des Pédants290 » ; à ceux qui n’étaient pas des savants, et ne lisaient latin ni grec, aux femmes, il a offert la substance de l’antiquité. […] Richelieu l’avait fait conseiller d’État et historiographe de France, sans peut-être se montrer disposé à utiliser les talents de Balzac dans les grands emplois auxquels celui-ci se serait estimé propre.
Il avait encore une certaine grossièreté de sentiment moral et des instincts de mauvais sujet qui lui appartenaient bien en propre et à quoi correspondait, dans son style, un goût marqué pour les grossièretés de langage. […] Élégie tant que vous voudrez, mais élégie souverainement dramatique. » Puis ce sont des rapprochements de noms et d’idées propres à troubler les esprits timides « On pourrait admirer, au troisième acte de Ma camarade, une psychologie racinienne. » — « Pour l’élan du geste il n’y a eu de nos jours, avec Thérésa, que Rachel, et encore ! […] C’est le triomphe du « sens propre », suspect à M.