S’il tombe dans quelques grands crimes, il faut que ce soit involontairement, qu’il y soit poussé par la violence de sa passion ou par la force des mauvais conseils, et que nous puissions le plaindre, quoique coupable. […] Qu’un amant mécontent de sa maîtresse s’emporte jusqu’à dire qu’il ne perd pas beaucoup en la perdant, et qu’elle n’est pas trop belle ; voilà déjà le dépit poussé assez loin. […] Nos ouvrages dramatiques et nos bons romans sont pleins de traits de cette espèce ; et les Français ont en ce genre poussé très loin la science du cœur. […] L’avantage des incidents, bien ménagés et enchaînés avec adresse les uns aux autres, est de promener l’esprit d’objets en objets, de faire renaître sans cesse sa curiosité, et d’ajouter aux émotions du cœur, la nouvelle force que leur donne la surprise ; d’amener l’âme par degrés jusqu’au comblé de la terreur ou de la pitié ; si l’action est comique, de pousser le ridicule ou l’indignation jusqu’où ils peuvent aller. […] Un demi-tyran serait indigne d’être regardé ; mais l’ambition, la cruauté, la perfidie, poussées à leur plus haut point, deviennent de plus grands objets.
Leur mémoire n’y est pas moins durable que celle des Archimède et des Newton, parce qu’ils poussèrent comme eux leurs travaux aussi loin qu’ils pouvaient aller. […] On pourrait pousser ces parallèles plus loin, mais suspendons-les, et remarquons seulement que, dans tous les genres, la prose retrace le réel, et que les vers le traduisent par les figures, et le mêlent à l’imaginaire. […] Je ne présume pas toutefois qu’il soit possible de pousser la recherche des limites de l’art jusqu’à circonscrire la carrière que s’ouvrent les éminents génies. […] Poussez la pitié trop loin, elle cause un déchirement de cœur qui rend cette passion désagréable ; forcez la mesure de la terreur, vous arrivez à l’horrible, et vous passez ce juste point qui est le terme du beau, nécessaire à la peinture poétique du bon. […] Ce sens donné à la version me paraît meilleur et plus d’accord avec les lois théâtrales que dicte le discernement du philosophe ; car, ainsi que je l’ai dit en ma seconde séance, poussez la pitié trop loin, elle cause un déchirement de cœur qui rend son effet désagréable ; forcez la mesure de la terreur, vous outrepasserez ce juste point qui est le terme du beau , nécessaire à la peinture poétique du bon.
Il pousse la barbarie jusqu’à reprocher à cette pauvre femme de ne pas mourir. […] Mais le plus terrible de tous les critiques, c’est l’abbé d’Aubignac, pédant brutal, qui pousse la grossièreté jusqu’à refuser à Pauline le titre d’honnête femme. […] Enfin, Corneille pousse la bonhomie jusqu’à regarder comme des agréments dans la tragédie de Heinsius sur le martyre des innocents, les anges qui bercent l’enfant Jésus ; il approuve l’auteur d’avoir ajouté ce trait d’imagination à ce qu’il a trouvé dans l’Évangile. […] c’est pousser un peu loin l’austérité. […] Ce qui est évident, c’est que la critique de Voltaire est aussi fausse que dure : il pousse la chicane jusqu’à demander : Si les deux fils de Cléopâtre veulent tuer Rodogune, qui sera roi ?
— N’a-t-il pas été poussé par la misère ? […] Nous aussi, nous sommes poussés l’un vers l’autre. […] Ne me pousse pas jusqu’au péché ! […] Pour le plaisir, et parce qu’il sent en lui une force invincible qui le pousse. […] Brunetière a poussé son récent scepticisme.
On a sarclé toute la flore naturelle, et ce qu’on a semé à la place dans un terrain mal préparé et mal nettoyé n’a pu pousser faute d’eau et de soleil. […] Songez au malheureux qui, après avoir poussé pendant dix heures un morceau de bois sous les dents cruelles d’un scie circulaire, s’en vient, ayant soupé vaguement, écouter un monsieur qui l’entretient de la sainteté de la justice ! […] Ce plaisir est pour beaucoup dans le goût des voyages ; il pousse même aux voyages factices, dont les chevaux de bois sont le type. […] Il la poussait la nuit, « Cataut, ! […] Elle se donne par sentiment et acquiert très vite le goût précieux de la sensualité, car tout ce qui l’entoure, mœurs, art, littérature, la pousse à une vie païenne, mais relevée d’un peu de rêverie.
Elle poussait un gémissement, murmurait quelques sons, hurlait, c’était au point qu’on n’a pas daigné siffler. […] Je l’ai montré à la jeune personne, qui poussa un grand cri et s’évanouit en s’enfuyant à toutes jambes, de sorte que pas un des vélocipèdes que j’ai envoyés à sa poursuite n’a pu la rattraper, et j’ignore ce qu’elle a pu devenir. […] Enfin, départ pour Séville, arrêt à Cordoue où il pousse des aloès et des cactus et où il fait chaud. […] Il en fait la remarque, ce grand poète, et pousse la bonté jusqu’à demander à voir mon atelier et à me dire, en partant, de lui faire signe lorsque j’aurai quelque nouveau tableau à voir. […] Mais elle a l’amour de tous les arts véritables poussé à un point extrême, presque fou si l’on veut !
Alors chacun apporte son travail ou son délassement, et on se querelle, on se pousse, on se serre pour que tout le monde tienne sur la grande table. […] Où sont les poètes que l’école classique a poussés contre lui ? […] Louise. — Tandis que l’œuvre de la critique devrait être de pousser à la production et de semer la vie avec la confiance. […] Est-ce l’opinion ou les lois humaines qu’il faut détester pour avoir poussé Marguerite à ce crime ? […] Est-ce l’indifférence du ciel qui abandonne cette faible victime à Méphistophélès, et la voix effrayante des prêtres catholiques qui la pousse au désespoir ?
Et nos Français les y rencontraient ; ou bien d’Avignon ils se laissaient aller à pousser quelque pointe dans le royaume, parfois jusqu’à Paris. […] Mabillon, petit paysan champenois, n’avait personne à pousser, ne tenait à rien. […] Aucun intérêt donc ne le pousse : mais, dans ce lointain passé, il revoit cette pétaudière, et ce souvenir le fait bondir. […] Les sociétés les plus diverses, les écoles les plus opposées, concourent alors à pousser la comédie hors de la libre gaîté dans la décence spirituelle. […] Aussi Destouches, en rapportant tout à l’idée morale, fut-il poussé tout doucement, et sans s’en douter, vers l’emploi du pathétique.
Enfin, quoique n’ayant pas grade pour siéger en Sorbonne ni pour être juge dans le tournoi, nous ferons à notre manière notre argumentation, et nous pousserons une ou deux pointes, dont l’auteur en définitive, tout à la riposte et armé d’esprit comme il esth, n’aura pas à s’effrayer ni à se plaindre.
S’il a voulu railler le jargon pittoresque à la mode et pousser à bout ce travers littéraire d’aujourd’hui qui paraîtra bientôt aussi inconcevable que le bel esprit de Mercutio, ou celui des Précieuses, ou celui encore de Crébillon fils, son pastiche a de quoi faire illusion, et il épuise le genre.
Les premiers cris de vengeance qui s’élevèrent furent poussés contre Fouquier-Tinville et Lebon, et il faut avouer que, si dans les révolutions les victimes expiatoires servaient à apaiser les hommes ou les dieux, le choix ne pouvait tomber sur des têtes plus maudites.
Par exemple, près de Liancourt, le duc de la Rochefoucauld avait un terrain inculte ; « dès le commencement de la Révolution800, les pauvres de la ville déclarent que, puisqu’ils font partie de la nation, les terrains incultes, propriété de la nation, leur appartiennent », et tout de suite, « sans autre formalité », ils entrent en possession, se partagent le sol, plantent des haies et défrichent. « Ceci, dit Arthur Young, montre l’esprit général… Poussées un peu loin, les conséquences ne seraient pas petites pour la propriété dans ce royaume. » Déjà, l’année précédente, auprès de Rouen, les maraudeurs, qui abattaient et vendaient les forêts, disaient que « le peuple a le droit de prendre tout ce qui est nécessaire à ses besoins » On leur a prêché qu’ils sont souverains, et ils agissent en souverains.
Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations.
Cette dernière curiosité est bien parente de celle qui pousse le paisible badaud, en l’âme de qui sommeille une sanguinaire canaille, dans les baraques des dompteurs, qui sont après tout mangeables.
Tout à coup, il poussa un cri terrible 1191, où les uns entendirent : « Ô Père, je remets mon esprit entre tes mains !
Or, ce passage, je l’ai précisément cité moi-même dans l’Art d’écrire, pour établir qu’il ne faut pas pousser les choses trop loin et qu’on ne doit jamais reculer devant certaines répétitions.
C’est une belle couleur de victime. » Comme les causeurs charmants dont le monde a gardé la mémoire, Rivarol, Boufflers, et surtout ce prince de Ligne, auquel elle fait penser sans cesse, elle pousse la gaieté jusqu’à la folie et même quelquefois jusqu’à la bêtise, ce genre de bêtises dont le prince de Ligne écrivait : « Je me les dis tout bas, pour me faire rire tout haut », et qu’il se disait tout haut aussi, l’indisciplinable aimable homme !
Rappelez-vous donc ces vers d’un bon sens immortel ; Et qui diantre les pousse à se faire imprimer ?
C’était de l’habitude sans doute ; mais, quand on réfléchit aux mille délicatesses dont se compose la moralité humaine, que penser de l’homme qui s’est fait un besoin d’abattre tous les jours un troupeau qu’on pousse à ses pieds, de ce roi qui n’a jamais porté l’épée militaire et qui s’en va, les mains noircies par sa forge, faire de tels carnages dans ses forêts ?
« Il avait découvert — dit Mirabeau avec cette cruelle ironie qu’ont parfois entre eux tous ces voluptueux sans pitié — une maladie pour laquelle les médecins lui devaient des remerciements, car on la croyait tout à fait perdue. » Mais il avait sur le cœur une bien autre lèpre, et ce fût celle-là qui le poussa à cet horrible suicide de dix-huit coups de rasoir, dont sa main enragée se hacha le cou… Quant à sa gloire, elle est légère.
Il faut être juste : la philosophie, qui se moque des hypocrites religieux et qui a les siens, les révolutions, qui ont détruit les grandes fortunes et rendu la vie si exiguë, ne devaient-elles pas arriver à ce résultat de nous pousser l’imagination, de toute la force de l’ennui enragé qu’elles ont créé pour les peuples modernes, vers le temps passé des grandes existences et des plaisirs largement conçus et splendidement réalisés ?
Ce volume-ci a beau brusquer les faits pour les faire aller plus vite ; il a beau les pousser, les presser et les entasser ; ou ils résistent par leur masse même à cette rapidité que l’auteur est tenu de leur imprimer, s’il veut remplir les conditions de son programme ; ou ils ne résistent pas, et alors ils passent trop vite sous les yeux pour former cette chose de discernement et de renseignement qu’on appelle une histoire.
Par exemple, maintenant que j’ai lu Segretain, je connais mieux Henri de Guise, cet ambitieux non par lui-même, mais par influence de famille, trop négligemment et fièrement grand pour être ambitieux, s’il n’avait pas eu des parents qui le poussaient vers le pouvoir comme les mauvais Génies de son génie, et qui, pour le faire roi, auraient été forcés de le porter à bras, lui et son cheval, jusqu’au milieu du chœur de la cathédrale de Reims !
Elles martyrisent l’honnête femme dont la vertu leur déplaît ; et, font-elles touchée à mort, elles poussent ce cri de vipère : “Ah !
Mais, pour la nôtre, il importe de constater que c’est la France, plus qu’aucune autre, qui a le plus vivement poussé à cette gloire de Goethe, qui n’est pas seulement une gloire allemande, mais une gloire de l’esprit humain1.
Michelet avait les lèvres trop fines, pour que l’éclat de rire que pousse parfois Carlyle aux plus tristes ou aux plus terribles instants de l’Histoire pût s’y étaler à l’aise et y retentir.
Il reparut pour mourir et pour chanter, du fond de sa prison, ce dernier chant du cygne assassiné, qui a été le plus magnifique cri d’aigle qui ait jamais été poussé, de cette force-là, parmi les hommes !
Il en avait l’unique souci pour les faits, qu’il poussait devant lui dans leur confusion infinie, et son indifférence presque sceptique pour les principes et les conclusions.