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1126. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

III La Rolande que voici, ce roman écrit par des chroniqueurs, est une chronique encore, et non point uniquement par le fait de cette tyrannie de l’habitude ou du métier, qui s’imprègne malgré soi, si vite et si profondément, sur la pensée. […] Ils n’ont pas, en peignant leur monstrueuse Rolande, cet accent profond qui, dans la pensée des lecteurs, sépare le peintre de son modèle ; ils n’ont pas cette manière de poser leur personnage qui n’a pas même besoin de paroles, qui n’est qu’un souffle de la plume, mais un souffle vengeur, en exposant des abominations… Certes ! […] Fervaques, le balzacien, ne s’est donc pas rappelé la manière de son maître, cette pensée du profond Balzac, planant éternellement sur les drames qu’il raconte, en ses romans sublimes ? […] L’homme, qui a dans sa tête de grandes pensées et dans sa vie de grandes actions, peut rester célibataire, comme Dieu. […] Les manières mêmes, par lesquelles ce monde régnait encore plus que par la pensée, en a-t-il conservé la supériorité tranchée, incontestable, personnelle, qui lui appartenait comme son écusson ?

1127. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Dardées par ce visage net et par cette bouche expressive, les pensées prenaient un corps, devenaient visibles, pénétraient dans l’auditeur, le domptaient, le possédaient, le livraient aux coups de théâtre, aux effets de style, aux mouvements de passion, aux surprises de méthode. […] Les heures de la nuit s’écoulaient, et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et, dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles ! En vain je m’attachais à ces croyances dernières comme un naufragé aux débris de son navire ; en vain, épouvanté du vide inconnu dans lequel j’allais flotter, je me rejetais pour la dernière fois avec elles vers mon enfance, ma famille, mon pays, tout ce qui m’était cher et sacré ; l’inflexible courant de ma pensée était plus fort : parents, famille, souvenirs, croyances, il m’obligeait à tout laisser ; l’examen se poursuivait, plus obstiné et plus sévère à mesure qu’il approchait du terme, et il ne s’arrêta que quand il l’eut atteint. […] Ce moment fut affreux, et, quand vers le matin je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire. […] Il pensait avec précision et ne pouvait rendre avec précision sa pensée.

1128. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

On s’en aperçoit à l’expression du visage, éclairé parfois d’illuminations subites, mais plus souvent inquiet et souffrant, comme d’un homme fatigué par la contention d’une pensée opiniâtre, et qui attend. […] Au bout d’un quart d’heure, l’embarras de sa parole et de sa pensée disparaît ; il a saisi son idée ; il la possède et il est possédé par elle. […] Cela fait, il se livre à sa sensation ; il exprime comme s’il était seul ; il en jouit ; sa pensée atteint d’elle même au style le plus noble ; et, pour en peindre l’élan, l’ampleur et la magnificence, il faudrait la comparer à quelque eau impétueuse qui tout à la fois monte, bouillonne et resplendit. […] Par exemple, considérant la société à Rome, vous y distinguez la faculté très générale d’agir en corps, avec une vue d’intérêt personnel, faculté instituée en partie par des dispositions primitives102, mais principalement par cette circonstance que Rome, dès sa naissance, fut un asile, ennemi de ses voisins, composé de corps ennemis, où chacun était absorbé par la pensée de son intérêt, et obligé d’agir en corps. […] La matière et la pensée, la planète et l’homme, les entassements de soleils et les palpitations d’un insecte, la vie et la mort, la douleur et la joie, il n’est rien qui ne l’exprime, et il n’est rien qui l’exprime tout entière.

1129. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il y a là un jeu de Verlaine, parant de costumes amusants des pensées à lui, et nullement un pastiche des temps éteints, ni un air de flûte. […] Une école nouvelle, de même qu’elle apporte une esthétique, contient une modification de la pensée même et des besoins de civilisation de l’époque qui la perçoit. […] Dans certaines qui sont d’un Rimbaud fort jeune, quelques menues tares, non dans la parfaite technique symétrique, mais en des détails adventices à la pensée. […] Par la construction logique de la strophe se constituant d’après les mesures intérieures et extérieures du vers qui, dans cette strophe, contient la pensée principale ou le point essentiel de la pensée. […] Les arts graphiques et la pensée des philosophes se fussent éjouis de cette ville-asile, de ce havre de tranquillité.

1130. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Nous lui devons beaucoup pour avoir voulu soumettre la pensée à la méthode ; l’ordre des scolastiques n’était qu’un désordre. […] Qui pouvait dire comment s’éveillerait la pensée humaine ? […] Utile et sans récompense, j’ai trouvé déjà dans cette pensée une noble consolation. […] Pensées de Vico sur. […] Pensées détachées.

1131. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

On remet sa pensée à coups de fouet sur la piste ; on recherche l’insomnie pour avoir les bonnes fortunes des fièvres de la nuit ; on tend à les rompre sur une concentration unique toutes les cordes de son cerveau. […] — une pensée machinale et qui se répète sans cesse au dedans de vous. […] Je suis sorti de là, rasséréné, délivré de l’horrible pensée qu’elle avait eu l’avant-goût de la mort, la terreur de son approche. […] * * * — Le tourment de l’homme de pensée est d’aspirer au Beau, sans avoir jamais une conscience fixe et certaine du Beau. […] » Sainte-Beuve a ainsi un petit ânonnement qui le mène d’une pensée à une autre, et lie sa parole. « Hum !

1132. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

une pensée ? […] Lorsque nous abordons, en ce moment, cette masse poétique, savez-vous quelle incroyable évocation se fait tout à coup dans la pensée ? […] Et, à travers tout cela, pas un mot venant du cœur, des entrailles, d’un sentiment ou d’une pensée quelconque. […] — et que rien n’est spontané et naturel dans Gœthe, cet acteur d’opéra, toujours devant une glace, et dont la pensée fixe fut, toute sa vie, d’ajouter à son éducation première et à ses effets de renommée. […] Quoique la pensée de Gœthe, quand elle n’est pas une bêtise, carrée ou sphérique, d’un poids énorme, ne soit guères qu’une espèce de fumée intellectuelle qui ressemble plus à de la pensée qu’elle n’en est réellement, il y a dans ses critiques d’art, sinon de grandes lueurs, au moins, ici et là, parfois de l’étincelle.

1133. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Aucun souci, aucune mauvaise pensée ne troublent leurs âmes. […] Les choses auxquelles le réaliste soumet sa pensée, il est obligé, lui idéaliste, de les soumettre à ses facultés pensantes. […] Il pardonne le commun, voire même le bas dans la pensée et les actions, mais non l’arbitraire et l’excentrique. […] Mais quant à ta pensée, elle est toute faite dans les livres d’histoire et de poésie. […] On n’écrit cependant que pour convaincre, que pour transmettre des idées, le style est le véhicule de la pensée.

1134. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Y en a-t-il qui ait peuplé sa pensée enfantine de songes aussi funèbres ? […] Dans son cœur, profondément dans les liens de sa pensée, il soupirait secrètement après ce cher homme !  […] La suite des pensées dans le visionnaire n’est pas la même que dans le raisonneur tranquille. […] Pêle-mêle ici, les idées s’enchevêtrent ; tout d’un coup, par un souvenir brusque, le poëte, reprenant la pensée qu’il a quittée, fait irruption dans la pensée qu’il prononce. […] Les plus habiles entre les érudits qui savent l’anglo-saxon reconnaissent l’obscurité de cette pensée.

1135. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il n’avait jamais conçu la pensée de tromper personne ; feindre lui aurait paru une demi-duplicité. […] Les bruits de chaque jour l’interrompaient à peine, et, sans s’arrêter, les paroles ont coulé dans le moule qu’avait creusé ma pensée. […] Il peut encore, si son cœur ne se soulève pas trop violemment, courber et amoindrir sa pensée, et cesser de chanter pour écrire. […] Il y a tel mot qui peut aller jusqu’à un schelling ; la pensée n’a pas cours sur la place. […] Allez, nobles pensées écrites pour tous ces ingrats dédaigneux, purifiez-vous dans la flamme et remontez au ciel avec moi !

1136. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Sully Prudhomme et François Coppée, c’est qu’il n’aimait pas seulement pour leur mérite propre la rime ingénieuse, l’épithète rare et le rythme savant ; il les trouvait lui aussi, mais pour les subordonner à une pensée qui était l’objet de son principal effort. Cette pensée, il voulait la revêtir de grâce et de charme, sachant bien que le but de la poésie c’est, avant tout, de satisfaire le besoin de la beauté ; mais il pensait, sans le dire, que le travail de la forme pour elle, même, permis aux arts plastiques, risque de réduire la poésie au rôle de simple amusement… Vers la lumière respire le bonheur partagé, mérité et permis.

1137. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Villemain n’eut pas de plus constante pensée que de faire rendre aux couvents grecs les chefs-d’œuvre qu’ils pouvaient receler encore, et, si cette investigation, conçue et dirigée par lui, prouva que les chefs-d’œuvre inédits sont devenus bien rares, elle rendit au moins à la science des textes de première importance pour l’histoire de l’esprit humain. […] Ainsi soutenu par tous les enseignements du passé, en communion littéraire et philosophique avec ce que l’humanité a produit de bon et de beau, il tenait tête aux défaillances du présent ; il en dominait les tristesses, et, sans dissimuler ses craintes, il accueillait toute pensée d’avenir.

1138. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 448-452

L’Histoire de la Félicité, entre autres, est un Ouvrage où l’imagination, les traits ingénieux, les portraits originaux, les pensées saillantes, fourmillent, & amusent le Lecteur en l’intéressant. […] Il a encore la gloire d’avoir été le Conservateur de ses pensées & de ses sentimens, en résistant à la contagion de la maladie philosophique.

1139. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Celle-ci n’est occupée que du plaisir de voir croître ses fleurs ; celle de La Grenée a d’autres pensées. […] Vous n’avez ni cette variété de pensées, ni cette chaleur, ni ce terrible qui convient à un peintre de batailles.

1140. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

Elle en est à sa première pensée. […] Il me semble que ma pensée est plus neuve, plus rare et plus énergique que celle de Falconet.

1141. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

C’est la pensée des Danaïdes, qui fuit à mesure qu’elle se remplit. […] Elle déborde la psychologie sur un point essentiel, qui est le formulaire de la pensée. […] La verbalisation de la pensée nous apparaît alors comme ne détachant de celle-ci que l’écorce. […] La pensée que l’on remuait encore les masses avec ces antiques balivernes m’enchantait. […] Il y a toute raison d’admettre que la pensée est diffuse à travers l’organisme, qu’elle commande.

1142. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Décidément ce Jules Simon a un charme, une grâce, faite d’une certaine délicatesse de la pensée, jointe à la douceur de la parole. […] Oui, l’œuvre de Gavarni fait sourire la pensée, et ne fait pas froid dans le dos, comme le comique macabre de Forain. […] Alors il s’est mis à chercher une seconde traduction de sa pensée, qui avait raté. Enfin toujours, pour rendre cette chienne de pensée, il avait mis au bas du dessin : Nous avons eu tort d’ôter nos bottines… y a pas de tire-boutons : traduction dernière de sa pensée, qu’il avouait trouver tout à fait inférieure. […] le lieu enchanteur, resté dans ma pensée, et que, de crainte de désenchantement, je n’ai jamais voulu revoir depuis !

1143. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Le docteur Joulin ne veut pas de cette parole jetée en avant tout d’abord : « sans lui adresser un dernier adieu. » Mais si l’on est plein de son objet, si tous les assistants n’ont qu’une seule et unique pensée, personne ne se trompe quand on dit lui de prime abord ; on en aie droit, on en a le besoin. […] « Vous avez désiré et vous désirez encore… » : voilà la pensée entière, la phrase au complet, dont le second membre est resté sous-entendu. […] » Ce mot, dans ma pensée, a une intention : il dit un peu plus que se souvenir.

1144. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Cette brièveté de la vie, dont Horace mêle sans cesse le souvenir à ses peintures les plus riantes, cette pensée de la mort, qu’il ramène continuellement à travers toutes les prospérités, rétablissent une sorte d’égalité philosophique, à côté même de la flatterie. […] Lorsque je parlerai de la littérature des modernes, et en particulier de celle du dix-huitième siècle, où l’amour a été peint dans Tancrède, La Nouvelle Héloïse, Werther et les poètes anglais, etc., je montrerai comment le talent exprime avec d’autant plus de force et de chaleur les affections sensibles, que la réflexion et la philosophie ont élevé plus haut la pensée. […] Mais je dois présenter ici quelques réflexions sur les causes de la supériorité des anciens dans le genre de l’histoire, et je crois que ces réflexions prouveront que cette supériorité n’est point en contradiction avec les progrès successifs de la pensée.

1145. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Je vois tout le monde entrer dans les restaurants, moi je ne peux pas ; alors je monte dévorer mes petites provisions dans ma chambre ou je vais sur un banc caché du Luxembourg… Puis, très souvent, au crépuscule, en rentrant, je m’accoude à ma petite croisée et je rêve, sans pensée, regardant Notre-Dame et les toits et les cheminées. […] Première partie : ce seront les sanglots de la pensée, du cerveau, de la conscience de la terre. […] C’est une autobiographie de mon organisme, de ma pensée, transportée à un peintre, à une vie, à des ambitions de peintre, mais un peintre penseur, Chenavard pessimiste et macabre.

1146. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

L’aperception empirique, dit Kant, donne l’unité au contenu des sensations, l’aperception transcendantale est une forme pure : c’est la conscience que toutes nos représentations, pour être pensées, doivent être en relation avec le je pense ; c’est la condition fondamentale de toute connaissance. […] Nous avons vu que Spencer admet une association spontanée de chaque état de conscience avec la classe, l’ordre, le genre, la variété des états de conscience antérieurs et semblables ; cette association est un acte de pensée qui ne peut jamais manquer dans un être doué de cerveau ; elle enveloppe la reconnaissance même de chaque état de conscience : c’est grâce à elle que les changements intérieurs, au lieu d’être une pure succession de changements sans lien, deviennent une combinaison de changements organisés et conscients de leurs rapports. […] Ce n’est pas sans raison qu’on a comparé l’inspiration de l’artiste à un souffle qui entraîne toutes ses pensées : ce souffle est un sentiment dominateur, un désir déterminé et déterminant.

1147. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Milton ne vous entretient ni de batailles, ni de jeux funèbres, ni de camps, ni de villes assiégées ; il retrace la première pensée de Dieu, manifestée dans la création du monde, et les premières pensées de l’homme au sortir des mains du Créateur. […] mais se fût-il élevé à ces pensées, s’il n’eût connu la religion de Jésus-Christ ?

1148. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Après plus de mille ans de pensées ; de jugements, d’admiration, auxquels il a forcé le monde, Charlemagne n’a pas encore d’historien qui l’ait pris tout entier, de détail et d’ensemble, et nous l’ait véritablement montré ce qu’il fut ; Cromwell non plus, en Angleterre, — Cromwell, dont le profond génie tenta le génie pénétrant de Montesquieu. […] C’est une variété d’historien qui nous fait comprendre à merveille ce qu’il y avait de plus intime et de plus profond dans la pensée politique de Napoléon. […] cela est certain, malgré la préoccupation éternelle que Napoléon a imposée à toutes les têtes de notre époque, on avait pourtant presque oublié le fond de la pensée du grand organisateur, interrompu à moitié de son œuvre.

1149. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Rabelais, Regnard, Voltaire, Beaumarchais, ce n’est pas de cette lignée d’esprits que descend l’auteur des Français de la décadence ; mais s’il n’est pas leur descendant, s’il est apparenté à d’autres, il est cependant trop du même pays pour ne pas savoir quelle force la plaisanterie donne à la pensée et quelle fortune c’est pour un homme que de la manier avec supériorité. […] Le Traité du Prince et L’Esprit des Lois, dépassés, jugés, presque méprisés, dans leur fond, à cette heure, grâce à notre éducation et à notre expérience politiques, sont encore vivants par leur forme, qui, si elle n’est pas immortelle, mettra du moins plus de temps à mourir… Et s’il en est ainsi pour les œuvres de Machiavel et de Montesquieu, qui eurent leur jour de nouveauté et de profondeur dans la pensée, à plus forte raison pour un livre inférieur à ceux-là, pour un recueil, écrit au jour le jour, d’observations piquantes, — je le veux bien !  […] , et la crudité brusque, et l’atrocité dans l’ironie, et la morsure que l’on refait dans la morsure ; et, par-dessus tout, la chose la plus profondément et la plus essentiellement anglaise : je veux dire l’exagération qui va jusqu’à l’impossible et l’extravagant, dans la pensée, avec le froid qui contracte, le froid le plus glacé, dans l’expression.

1150. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

La réforme est le commencement de la libre pensée, mais elle n’en est que le commencement. […] Puritain contre les évêques, indépendant contre les presbytériens, il fut toujours le maître de sa pensée et l’inventeur de sa croyance. […] Le même génie laisse deux fois la même empreinte, dans la pensée, puis dans la forme. […] Les phrases sont immenses : il lui faut des périodes d’une page pour enfermer le cortége de tant de raisons enchaînées et de tant de métaphores accumulées autour de la pensée commandante. […] Les dames anglaises apprendront par son exemple à reconnaître sur le visage de leur mari « quand il va aborder d’abstruses pensées studieuses. » Leur sexe ne monte pas si haut.

1151. (1885) L’Art romantique

Et l’analyse du sujet, quand vous vous approchez, n’enlèvera rien et n’ajoutera rien à ce plaisir primitif, dont la source est ailleurs et loin de toute pensée secrète. […] Derrière la vitre d’un café, un convalescent, contemplant la foule avec jouissance, se mêle, par la pensée, à toutes les pensées qui s’agitent autour de lui. […] Ce qui les rend précieuses et les consacre, c’est les innombrables pensées qu’elles font naître, généralement sévères et noires. […] Je veux expliquer ma pensée. […] Très légitimement, le poëte laisse errer sa pensée dans un dédale enivrant de conjectures.

1152. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Que va-t-il faire et quelle pensée la statue va-t-elle par sympathie communiquer aux spectateurs ? Une pensée qui pour nous est presque nulle, parce qu’elle est d’un autre âge et appartient à un autre moment de l’esprit humain. […] Tel assemblage de brèves et de longues est forcément un allegro, tel autre un largo, tel autre un scherzo, et imprime non-seulement à la pensée, mais au geste et à la musique, ses inflexions et son caractère. […] Suivons une de leurs processions, celle des grandes panathénées, et tachons de démêler les pensées et les émotions d’un Athénien qui, mêlé au cortège solennel, venait visiter ses dieux. […] Sa pensée flotte partout entre la cosmologie et la mythologie.

1153. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Nodier, Charles (1780-1844) [Bibliographie] Pensées de Shakespeare, extraits de ses ouvrages (1801). — Le Dernier Chapitre de mon roman (1803). — Le Peintre de Salzbourg, suivi des Méditations du cloître (1803). — Les Essais d’un jeune barde (1804). — Les Tristes, ou les Mélanges, tirés de la tablette d’un suicidé (1806). — Stella ou les Proscrits (1808). — Archéologie ou Système universel et raisonné des langues (1816). — Questions de littérature légale ; plagiat, supercheries (1812). — Dictionnaire de la langue écrite (1813). — Histoire des sociétés secrètes de l’armée (1815). — Jean Sbogar (1818). — Thérèse Aubert (1819). — Adèle (1820). — Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (1820). — Smana ou les Démons de la nuit (1821). — Bertram ou le Château de Saint — Aldobrand (1821). — Trilby ou le Lutin d’Argail (1822). — Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (1829). — Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux (1830). — La Fée aux miettes, roman imaginaire (1832). — Mademoiselle de Marsan (1832). — Souvenirs de jeunesse (1839). — La Neuvaine de la Chandeleur ; Lydie (1839). — Trésor des fèves et fleur des pois ; le Génie bonhomme ; Histoire du chien de Brisquet (1844). […] Philoxène Boyer Charles Nodier, qui joua les mille et un personnages de la vie du lettré, aima les vers par-dessus tous les autres divertissements de sa pensée.

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