Au moment où les fruits sont le plus parfaits et le plus savoureux, il ne faut pas que l’arbre se dégoûte d’en produire.
Racine, ce peintre de l’amour, dans ses tragédies, sublimes à tant d’autres égards, mêle souvent aux mouvements de la passion des expressions recherchées qu’on ne peut reprocher qu’à son siècle : ce défaut ne se trouve point dans la tragédie de Phèdre ; mais les beautés empruntées des anciens, les beautés de verve poétique, en excitant le plus vif enthousiasme, ne produisent pas cet attendrissement profond qui naît de la ressemblance la plus parfaite avec les sentiments qu’on peut éprouver.
Stuart Merrill en ses Petits poèmes d’automne, donnèrent de si parfaits exemples, veulent, pour s’épanouir, des parterres clos sous les fines brumes d’avril, le calme des crépuscules ou la candeur indécise du petit jour.
On lira la pièce intitulée : À Francis Jammes, si parfaite, et à notre sens une des plus remarquables de la jeune poésie.
Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]
Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.
Or, s’il en était ainsi, si la science ne constituait qu’un intérêt de second ordre, l’homme qui a voué sa vie au parfait, qui veut pouvoir dire à ses derniers instants : « J’ai accompli ma fin », devrait-il y consacrer une heure, quand il saurait que des devoirs plus élevés le réclament ?
« C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.
Dès que les vers latins font plus d’impression sur nous que les françois, il s’ensuit donc que les vers latins sont plus parfaits et plus capables de plaire que les vers françois.
La Rochefoucauld, qui eut plus que personne qualité pour la juger, nous a dit déjà, et je répète ici ce passage trop essentiel au portrait de Mme de Longueville pour ne pas être rappelé : « Cette princesse avoit tous les avantages de l’esprit et de la beauté en si haut point et avec tant d’agrément, qu’il sembloit que la nature avoit pris plaisir de former en sa personne un ouvrage parfait et achevé ; mais ces belles qualités étoient moins brillantes, à cause d’une tache qui ne s’est jamais vue en une personne de ce mérite, qui est que, bien loin de donner la loi à ceux qui avoient une particulière adoration pour elle, elle se transformoit si fort dans leurs sentiments, qu’elle ne reconnoissoit plus les siens propres. » La Rochefoucauld ne put d’abord se plaindre de ce défaut, puisqu’il lui dut de la conduire. […] Au reste, s’il a observé évidemment d’après elle, elle aussi semble avoir conclu d’après lui ; l’accord est parfait. […] « Enfin, tout son extérieur, sa voix, son visage, ses gestes étoient une musique parfaite ; et son esprit et son corps la servoient si bien pour exprimer tout ce qu’elle vouloit faire entendre, que c’étoit la plus parfaite actrice du monde.
Au milieu d’eux le secrétaire d’ambassade de Naples, Galiani, un joli nain de génie, sorte de « Platon ou de Machiavel avec la verve et les gestes d’arlequin », inépuisable en contes, admirable bouffon, parfait sceptique, « ne croyant à rien, en rien, sur rien497 », pas même à la philosophie nouvelle, défie les athées du salon, rabat leurs dithyrambes par des calembours, et, sa perruque à la main, les deux jambes croisées sur le fauteuil où il perche, leur prouve par un apologue comique qu’ils « raisonnent ou résonnent, sinon comme des cruches, du moins comme des cloches », en tout cas presque aussi mal que des théologiens. « C’était, dit un assistant, la plus piquante chose du monde ; cela valait le meilleur des spectacles et le meilleur des amusements. » Le moyen, pour des nobles qui passent leur vie à causer, de ne pas rechercher des gens qui causent si bien ! […] Les souverains, au milieu de leur magnificence et au plus fort de leurs succès, l’appellent chez eux pour goûter une fois dans leur vie le plaisir de la conversation libre et parfaite. […] D’autant plus que, jusqu’au dernier moment, la théorie ne descend pas des hauteurs, qu’elle reste confinée dans ses abstractions, qu’elle ressemble à une dissertation académique, qu’il s’agit toujours de l’homme en soi, du contrat social, de la cité imaginaire et parfaite. […] Le sacrifice est voté par acclamation ; ils viennent d’eux-mêmes l’offrir au Tiers-état et il faut voir dans les procès-verbaux manuscrits leur accent généreux et sympathique. « L’ordre de la noblesse du bailliage de Tours, dit le marquis de Lusignan545, considérant que ses membres sont hommes et citoyens avant que d’être nobles, ne peut se dédommager, d’une manière plus conforme à l’esprit de justice et de patriotisme qui l’anime, du long silence auquel l’abus du pouvoir ministériel l’avait condamné, qu’en déclarant à ses concitoyens qu’elle n’entend plus jouir à l’avenir d’aucun des privilèges pécuniaires que l’usage lui avait conservés, et qu’elle fait par acclamation le vœu solennel de supporter dans une parfaite égalité, et chacun en proportion de sa fortune, les impôts et contributions générales qui seront consenties par la nation. » — « Je vous le répète, dit le comte de Buzançais au Tiers-état du Berry, nous sommes tous frères, nous voulons partager vos charges… Nous désirons ne porter qu’un seul vœu aux états et, par là, montrer l’union et l’harmonie qui doivent y régner.
Dans l’Aminta du Tasse, comme dans les Églogues de Virgile, le poète paraît d’autant plus parfait qu’il est moins tendu ; il semble se complaire à racheter la simplicité du sujet par l’inimitable perfection des images, des sons et des vers. […] On accuse la fortune d’être hostile aux grands génies littéraires, poétiques, artistiques : nous n’admettons pas qu’un grand don de l’esprit soit une hostilité ou une malédiction de la fortune ; nous conviendrons plutôt que les grandes imaginations, quand elles ne sont pas en équilibre parfait avec les autres facultés du bon sens et du raisonnement, portent leur malheur en elles-mêmes. […] … Je suis trop cruellement tourmenté.… Je ne vois qu’une manière de me rendre la paix de l’âme et de tranquilliser mes pensées.… Et je conjure Votre Seigneurie, par l’ancienne amitié qui exista entre nous, par la grande affection qu’elle me porte et par sa charité chrétienne, d’agir envers moi, dans cette affaire, avec la même franchise qu’Elle m’a toujours montrée ; présentez ma supplique au cardinal de Pise ou à tout autre cardinal attaché à l’inquisition, et ne vous laissez dissuader par personne de présenter ma supplique, sous prétexte que je ne suis pas en parfaite santé d’esprit.… Mais présentez ma supplique au cardinal de Pise.… Employez toute votre influence, toute votre autorité à Rome ! […] Je me tus et je suivis en silence ; il se retournait fréquemment et m’examinait de la tête aux pieds, comme pour deviner qui j’étais ; sentant qu’il était convenable de satisfaire jusqu’à un certain point sa curiosité, je lui dis : C’est la première fois que je vois ce pays, car quoique, dans un voyage en France, j’aie traversé autrefois le Piémont, c’était par une autre route ; mais je ne saurais regretter d’avoir pris celle-ci, car le pays est très beau et il est habité par des gens d’une parfaite courtoisie.
Étant, en effet, entré avec le sérieux et la docilité la plus parfaite dans les principes de mes maîtres, envisageant comme eux toute profession bourgeoise ou lucrative comme inférieure, basse, humiliante, bonne tout au plus pour ceux qui ne réussissent pas dans leurs études, il était naturel que je voulusse être ce qu’ils étaient. […] Ses relations avec Mme la duchesse de Dino, et surtout avec sa fille, dont il avait fait l’éducation religieuse, sa parfaite entente avec M. de Quélen, les protections aristocratiques qui, dès le début de sa carrière, l’avaient entouré et l’avaient fait accepter dans tout le faubourg Saint-Germain comme quelqu’un qui en est, le désignaient pour une œuvre de tact mondain plutôt que de théologie, où il fallait savoir duper à la fois le monde et le ciel. […] J’ai vu M. de Quélen ; il m’a laissé l’idée du parfait évêque de l’ancien régime. […] Composée de deux éléments en apparence inconciliables, la maison avait une parfaite unité.
Charles Guérin, avec le Cœur solitaire, le Semeur de Cendres et l’Homme intérieur a écrit la plus parfaite des œuvres de sensibilité qui, depuis Samain, Verlaine et Musset, ait gémi, près de nos cœurs. […] Klingsor est un orfèvre et un musicien, mieux même un orfèvre musicien, car il parfait des harmonies avec les nuances des mots ; nul plus sûrement que lui ne sait équilibrer les rythmes impairs. […] L’art parfait, la noblesse idéologique des Bijoux de Marguerite et du Sang de la Sirène sont dignes des plus nobles poètes de France : Mais le sang a voilé mes yeux, et rien ne luit Dans ces antres de pourpre, où l’éternelle nuit Du Sort à jamais se prolonge. […] Les premiers vers de ce jeune homme égalaient les Noces corinthiennes, les derniers sont personnels et parfaits.
Elle convient sans doute à des cas élémentaires, théoriques, parfaits, où le comique est pur de tout mélange. […] Si régulière que soit une physionomie, si harmonieuse qu’on en suppose les lignes, si souples les mouvements, jamais l’équilibre n’en est absolument parfait. […] Mais l’automatisme parfait sera, par exemple, celui du fonctionnaire fonctionnant comme une simple machine, ou encore l’inconscience d’un règlement administratif s’appliquant avec une fatalité inexorable et se prenant pour une loi de la nature. […] Le corps vivant nous semblait donc devoir être la souplesse parfaite, l’activité toujours en éveil d’un principe toujours en travail.
» Je ne puis indiquer en courant tout ce qu’il y a de parfait de manière et de bien saisi dans les observations et les propos de monde jetés à travers52. […] Si dans bien des scènes, dans celle par exemple de la marquise de Villars et du chevalier Des Préaux, on peut s’étonner de retrouver la phraséologie amoureuse moderne, il en est d’autres, telles que la conversation des filles d’honneur de la reine, où une couleur suffisamment appropriée se joue en parfaite bonne grâce. […] Sue au contraire a toujours, avec une convenance parfaite, essuyé la critique sans la braver ; il n’y a jamais en aucune préface riposté avec aigreur ; homme du monde et sachant ce que valent les choses, il a obéi à son talent inventif d’écrivain et de conteur sans faire le grand homme à tout propos.
Sitôt que le gouvernement sort de cette humble attitude, il usurpe, et les constitutions vont proclamer qu’en ce cas l’insurrection est non seulement le plus saint des droits, mais encore le premier des devoirs Là-dessus la pratique accompagne la théorie, et le dogme de la souveraineté du peuple, interprété par la foule, va produire la parfaite anarchie, jusqu’au moment où, interprété par les chefs, il produira le despotisme parfait. […] Au contraire, par la donation complète que chacun fait de soi, « l’union est aussi parfaite que possible » ; ayant renoncé à tout et à lui-même, « il n’a plus rien à réclamer ».
En cet état, il ne se confond plus avec les choses ; nous pouvons l’en distinguer, et, aussitôt après, par un juste retour, conclure sa présence pendant la santé et la raison parfaites ; il suit de là que, pendant la raison et la santé parfaites, c’est lui que nous prenons pour une chose subsistante autre que nous et située hors de nous. […] N… se met à l’écart pour mieux écouter et pour mieux entendre ; il questionne, il répond ; il est convaincu que ses ennemis, à l’aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus intimes pensées… Du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facultés intellectuelles sont d’une intégrité parfaite, il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit, le même savoir, la même facilité qu’avant sa maladie… Rentré dans son pays, M.
Surtout la métrique française, délicate, serait d’emploi intermittent : maintenant, grâce à des repos balbutiants, voici que de nouveau peut s’élever, d’après une intonation parfaite, le vers de toujours, fluide, restauré, avec des compléments peut-être suprêmes. […] Le temps a parfait l’œuvre : et qui parle, entre nous, de scission ? […] La vérité si on s’ingénue aux tracés, ordonne Industrie aboutissant à Finance, comme Musique à Lettres, pour circonscrire un domaine de Fiction, parfait terme compréhensif.
La beauté suprême des lettres françaises, dans Molière comme dans Bossuet, qu’est-ce autre chose que l’expression parfaite des vérités de la philosophie chrétienne ? […] La troisième objection en particulier inspire à Calvin une réponse pleine d’éloquence, où l’on voit une première application parfaite de la méthode antique aux idées qui ont le plus profondément remué la société moderne. […] Calvin en donna le premier modèle, et l’on a pu voir à ses effets pendant plus de soixante ans, et depuis lors à l’empreinte dont il a marqué tous ceux qui ont étudié Calvin, combien cet instrument a eu de puissance et comment il l’a tirée de sa parfaite conformité avec l’esprit français.
Elle lui dit adieu avec une austérité qui n’exclut pas un reste de presse, mais qui interdit toute espérance à celui qu’elle appelle Trop malheureux et trop parfait amant. […] Louis XV s’abandonne à ses passions avec une désinvolture parfaite et une entière sécurité de conscience. […] Puis Philippe de Comynes raconte avec une sérénité parfaite, sans un mot de blâme, sans un cri d’indignation, les trahisons, les perfidies, dont abonde l’histoire contemporaine, les trafics de conscience dont il a été le témoin et le complice en qualité de conseiller du roi Louis XI.
La robe de satin à ramages laisse place dans l’échancrure de la poitrine à plusieurs rangs de ces nœuds qu’on appelle, je crois, des parfaits contentements 41, et qui sont d’un lilas très clair. […] II, p. 508, 3e édition), décrivant le pastel de La Tour, il m’est arrivé de dire : « La robe de satin à ramages laisse place dans l’échancrure de la poitrine à plusieurs rangs de ces nœuds qu’on appelle, je crois, des parfaits contentements… » Or, on m’assure que j’ai été mal informé et que ce genre de nœuds s’appelle une échelle de rubans ; c’est là le terme qu’il faudrait substituer à celui de parfaits contentements, si en effet les connaisseurs en toilette sont d’accord là-dessus : et je les laisse juges.
C’est du parfait Tibulle retrouvé sans y songer, et la flûte de Sicile n’a rien fait entendre de plus doux. […] Il y a de lui quelques petites pièces qui seraient de parfaites épigrammes au sens antique : Vers gravés sur un oranger… Au gazon foulé par Eléonore… Réflexion amoureuse…, mais surtout les vers Sur la mort d’une jeune fille, le chef-d’œuvre des modernes épigrammes à inscrire sur une tombe : Son âge échappait à l’enfance ; Riante comme l’Innocence, Elle avait les traits de l’Amour.
En parlant de l’amour de la gloire, je ne l’ai considéré que dans sa plus parfaite sublimité ; alors qu’il naît du véritable talent, et n’aspire qu’à l’éclat de la renommée. […] La connaissance parfaite des hommes doit amener, ou à s’affranchir de leur joug, ou à les dominer par la puissance.
Un parfait épicurien est nécessairement un homme de sens très rassis. […] En somme, il y a trois vies dignes d’être vécues (en dehors de celle du parfait bouddhiste, qui ne demande rien) : la vie de l’homme qui domine les autres hommes par la sainteté ou par le génie politique et militaire (François d’Assise ou Napoléon) ; la vie du grand poète qui donne, de la réalité, des représentations plus belles que la réalité même et aussi intéressantes (Shakespeare ou Balzac), et la vie de l’homme qui dompte et asservit toutes les femmes qui se trouvent sur son chemin (Richelieu ou don Juan).
Pourtant, il fallait nier quelque chose À l’œuvre parfaite où tu mis ton sceau. […] Il vous citera toujours un ouvrage très court, un sonnet, ou la Symphonie en blanc majeur, qui est exquise, ou Fatuité, qui est magnifique, ou Pastel, qui est d’un sentiment délicat et d’une exécution parfaite.
Paul Verlaine s’affirme davantage aujourd’hui dans un petit volume homogène et artistique, parfait d’un bout à l’autre, par la conception et l’exécution. […] Mais, non plus, il ne lui est jamais arrivé de rien soutenir de parfait.
À l’origine même des sociétés il n’y a jamais eu de parfait conformisme, de complète absorption de l’individualité, de parfaite soumission à la discipline du groupe115.