Ces deux îles jetées aux deux extrémités de la terre, L’une aux mers d’Annibal, l’autre aux mers de Vasco, ces deux îles que le poète décrit si sombres et si terribles, où Napoléon a pu naître et mourir, où son ombre revient régner dans les tempêtes, et où viendront, à l’appel de son ombre, tous les peuples de l’avenir, ces deux îles sont le symbole de la fortune de Napoléon.
« Être véridique, dit Nietzsche, c’est mentir avec le troupeau. » Il y a un mensonge de groupe négatif qui consiste à taire ou à dissimuler ou à nier une vérité fâcheuse ou gênante pour le groupe ou encore à ne présenter qu’un aspect des choses, l’aspect favorable aux visées du groupe et à laisser l’autre dans l’ombre. […] Il y a l’idéologie solidariste qui consiste à voiler l’antagonisme foncier qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité qui les relie ; solidarité réelle assurément, mais qui n’est qu’un des côtés du tableau : côté qu’on se plaît à mettre seul en lumière, en laissant l’autre côté dans une ombre prudente.
Alors on rit de voir le propriétaire passer en recommandant aux ombres, avec de grands gestes un peu grinçants, de ne pas crier et de se montrer de bonne compagnie. […] » L’incohérence n’est pas rare : « Jamais je n’y consentirai en ce moment. » Ni l’incorrection la plus ignorante ou la plus étourdie : « Ils nous ont dit qu’il ne fallait pas convoiter le bien d’autrui, se montrer charitables, ne pas tenir aux choses. » Partout flottent des ombres d’idées banales et l’expression, qui n’est pas plus vivante, ne parvient pas à saisir un seul de ces fantômes.
Ô vous toutes qui l’avez aimé, et dont quelques-unes sont mortes en le nommant, Ombres adorables, Lucile, dont la raison s’est d’abord troublée pour lui seul peut-être, et vous, Pauline, qui mourûtes à Rome et qui fûtes si vite remplacée, et tant de nobles amies qui auraient voulu, au prix de leur vie, lui faire la sienne plus consolée et plus légère ; vous, la dame de Fervaques ; vous, celle des jardins de Méréville ; vous, celle du château d’Ussé ; levez-vous, Ombres d’élite, et venez dire à l’ingrat qu’en vous rayant toutes d’un trait de plume, il ment à ses propres souvenirs et à son cœur.
Sous le tranquille azur du plus doux des climats, Une humble maisonnette aux bords de la Dumas ; Une humble maisonnette aux persiennes blanches, Sous un réseau fleuri de liane et de branches, Où je puisse, à midi, rêvant au bruit des eaux, Mêler ma poésie aux rimes des oiseaux ; À droite, une rizière où le bengali chante ; D’un vieil arbre à mon seuil l’attitude penchante, Où, tous les ans, viendront les martins au bec d’or Suspendre leurs doux nids et couver leur trésor ; Un jardin clos d’un mur où rampe la raquette ; Une ruche, et des fleurs dont l’oiseau vert becquette La poudreuse étamine et l’odorant émail ; Des buissons d’orangine aux perles de corail ; Un parterre où toujours j’aurai de préférence Des roses du Bengale et des muguets de France ; Une verte tonnelle à l’ombre des lilas, Dont la fleur m’est si douce et meurt si vite, hélas ! […] L’étendue est immense, et les champs n’ont point d’ombre, Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ; La lointaine forêt, dont la lisière est sombre, Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
On parle des barbues à la normande et des canetons à l’orange de Mennechet, et des lèvres murmurent des noms de rues infâmes, avec des clignements d’yeux de matous amoureux… On arrive au cimetière, un cimetière tout plein de senteurs d’aubépine, et dominant la ville, ensevelie dans une ombre violette, qui la fait ressembler à une ville d’ardoise. […] Un toupet en escalade, fait comme de cheveux en fil d’archal, un œil sans couleur, triangulairement voilé par l’ombre d’une profonde arcade sourcilière, et dans cet œil un regard d’aveugle.
C’est ainsi qu’il s’amuse à épouvanter ceux qui s’aventurent dans son domaine d’obscurité car la nuit appartient au guinné et il interdit l’ombre comme d’autres interdisent l’espace. […] Ce mot signifie surtout : ombre.
« Il n’y aura donc plus à s’y tromper : les Décadents sont une chose, les symbolistes sont l’ombre de cette chose ; les premiers sont pour le progrès, avec l’avenir, les seconds voudraient rétrograder jusqu’au Moyen Age, ils vivent avec le passé. […] Pour moi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute ; comme je l’ai déjà dit : « La littérature de demain ne sera ni naturaliste, ni psychologique, ni symboliste, ni romane, elle sera sociale.
En fait, dans le nouvel Empire allemand, les anciens pouvoirs locaux ne sont plus que des ombres ; en Angleterre aussi les groupements traditionnels se dissipent et s’effacent. […] Mais quand l’État romain couvre tout de son ombre, l’institution du patronage s’étiole.
Il n’y a plus là ombre de la vieille et saine religion gallicane et de cette modération qui marquait ses mœurs comme ses idées.
Il appartient en effet à cette école du Producteur, qui, pour n’avoir plus d’organe officiel, ne subsiste pas moins, se continuant et peut-être se propageant dans l’ombre.
En un temps où on est las de toutes les sensations et où il semble qu’on ait épuisé les manières les plus ordinaires de peindre et d’émouvoir, en un temps où les larges sentiers de la nature et de la vie sont battus, et où les troupeaux d’imitateurs qui se précipitent sur les traces des maîtres ne savent que soulever des flots de poussière suffocante, lorsqu’on avait tout lieu de croire que le tour du monde était achevé dans l’art, et qu’il restait beaucoup à transformer et à remanier sans doute, mais rien de bien nouveau à découvrir, Hoffmann s’en est venu qui, aux limites des choses visibles et sur la lisière de l’univers réel, a trouvé je ne sais quel coin obscur, mystérieux et jusque-là inaperçu, dans lequel il nous a appris à discerner des reflets particuliers de la lumière d’ici-bas, des ombres étranges projetées et des rouages subtils, et tout un revers imprévu des perspectives naturelles et des destinées humaines auxquelles nous étions le plus accoutumés.
Écrivain, poëte, conteur avant tout, il a obéi, dans le cours de sa longue et laborieuse carrière, à une vocation facile, féconde, indépendante des questions flagrantes, étrangère aux luttes du présent, amoureuse des siècles passés, dont il fréquentait les ruines, dont il évoquait les ombres, y recherchant toute tradition pour la raviver et la rajeunir.
Je ne prends donc plus à cet égard ombre de détermination, surtout négative ; je laisse ma série ouverte, heureux d’y ajouter à chaque propos (toujours avec soin), le plus qu’il me sera possible, et de ces Portraits, puisque la veine s’y mêle, je ne dis même plus : Je n’en ferai que cent25.
Si la mémoire ne fournit pas assez, si l’on veut étoffer les lieux communs qu’on a ramassés, on pratique l’art de délayer : on apprend à répéter en dix lignes ce qu’on a dit en deux, sans y ajouter l’ombre d’une idée ; et quelquefois on y acquiert une malheureuse facilité.
Il écrit l’Histoire des Girondins, renverse un trône, gouverne la France pendant quatre mois — puis rentre dans l’ombre.
Assise à l’ombre d’un chêne, couronnée de fleurs qu’elle avait cueillies sur la montagne, elle se contentait de peindre les scènes qui l’environnaient.
On verra le peu qu’il faut de largeur à l’erreur pour tenir tant d’esprits sous son ombre.
Tantôt le long des pins, séjour d’ombre et de paix. […] Ils frissonnent sous l’œil du maître, Son ombre les rend malheureux ; Ces enfants n’auraient pas dû naître. […] Poussez l’effrayant cri de l’ombre : Exterminons ! […] Régal perpétuel des oreilles et des yeux, son style est toujours en fête ; aucune ombre ne l’obscurcit ; jamais note mal en unisson avec les autres ne vient trahir une âme à qui l’émotion puisse faire oublier le juste rapport des sons musicaux. […] N’en déplaise au critique que je citais plus haut, la Tentation de saint Antoine, comme œuvre dramatique, n’a pas même une ombre d’existence.
——— Lors, sous l’ombre fine de sa léonine crinière argentée, Clovis Hugues fit courir le calame. […] Scène II LES MÊMES et, lumineuse toutefois, l’Ombre de MISTRAL farandolant sur un merveilleux portrait du Comte (par Whistler). […] …………………………… (L’Ombre de Mistral, muette toujours, se résorbe dans les rais du soleil.) […] DE HEREDIA ; UN ANGLAIS Le ciel, malade — sa teinte verte, de crépuscule en témoigne — vomit le soleil par-delà l’horizon. — Emy les plates-bandes glisse l’ombre de Marceline Desbordes-Valmore qui tresse une couronne faite d’hortensias, d’ailes de chauves-souris et de soucis ; elle en adorne le chef des Odeurs suaves. — « Mauves » trémolos de courlis et de « vieux » rossignols. […] Charles Morice voulut bien nous donner ces vers inédits : Le grand arbre autrefois fier de sa frondaison, L’arbre mort maintenant, vert seulement de lierre, Jette d’un geste aigu l’ombre inhospitalière D’un écueil sur la mer de glèbe et de gazon.
Comme ce silence et cette ombre sont plus près de la création. […] Quand la lumière même se tait, c’est cela l’ombre. […] Elle n’y introduit pas l’ombre d’invention d’exercice propre. […] Et on ne considérait jamais que son ombre portée. […] Et on ne parlait jamais que de son ombre portée.
Et, quoiqu’ils soient tout près de nous et marqués des traits les plus vivants et les plus modernes, ils font songer, je ne sais comment, aux âmes en peine, aux ombres damnées qui errent dans les pâles bosquets de myrte, à la porte des Champs-Élyséens. […] Et l’on peut adorer une femme tout en observant ses attitudes, et se noyer dans ses yeux tout en y poursuivant l’ombre de ses pensées secrètes. […] Enfin, pour leur épargner jusqu’à l’ombre d’un effort, certains morceaux d’éloquence ou de philosophie un peu austères leur seraient lus par les meilleurs diseurs de la Comédie-Française ou des Variétés : M. […] L’Épopée, de Caran d’Ache, est, en effet, une épopée muette, en trente tableaux, dont les personnages sont des ombres chinoises. […] Nous reconnaissons immédiatement l’ombre de l’Homme à l’oreille cassée.
mais à travers les cascatelles coquettes des alexandrins académiques, j’ai vainement cherché l’ombre ou le retentissement d’un événement, si petit qu’il fût. […] Dans ce roman confus et bruyant qui ne dure pas moins de six heures, montre en main, il serait facile de découvrir les éléments d’une douzaine de tragédies ; mais il est impossible de saisir l’ombre d’une tragédie faite. […] Ne laissez dans l’ombre aucune des émotions que vous avez pénétrées ; mettez à nu le cœur saignant dont vous savez les souffrances. […] Or voici tous les renards qui reviennent dans l’ombre à la file, se cachant : P. — derrière T. — V. — derrière M. — Eia ! […] À ces conditions, peu à peu les sens épuisés reprendront leur activité première, les désirs éteints se ranimeront, le regard, en se baignant dans l’ombre, retrouvera sa clarté.
A cette époque succède l’époque pastorale, où nous trouvons l’amour des vertes prairies, de l’ombre donnée par les arbres, de tout ce qui rend la vie agréable et confortable. […] Et il n’y a pas l’ombre d’un doute sur son histoire. […] C’est un vivant tableau de l’Irlande dans la dernière moitié du dix-huitième siècle, tableau où les lumières sont souvent fausses, les ombres exagérées, mais ce n’en est pas moins un tableau. […] Et comme il allait et venait parmi ces choses, une figure qui semblait presque aussi pâle que l’Adonis de la tapisserie, debout, immobile comme la statue de l’amour blessé, se détacha de l’ombre devant son regard. […] Il était pareil à un homme qui lutte de vitesse avec son ombre, qui fait du bruit pour qu’on n’entende pas l’écho.
Le soleil était si ardent, que l’ombre légère de ces arbres sans feuillages faisait déjà du bien. […] Il y a parmi eux de vrais talents, mais ils ne peuvent me pardonner l’ombre que je jette sur eux. […] Le bois en est tendre. » Je vis alors qu’il y avait chênes et chênes, et j’appris beaucoup de détails sur la nature différente du même bois, suivant son exposition ; je vis que les fibres des arbres se dirigent toujours vers le soleil, et que si un arbre est exposé d’un côté au soleil, de l’autre à l’ombre, le centre des fibres n’est plus le centre de l’arbre ; le côté le plus large est du côté du soleil ; aussi les menuisiers et les charrons, s’ils ont besoin d’un bois fin et fort, choisissent plutôt le côté qui a été exposé au nord. […] XVII Pendant qu’ils déjeunaient à l’ombre, Eckermann et lui, Eckermann lui demande pourquoi le petit coucou est nourri par des oiseaux qui ne l’ont ni conçu ni élevé ?
Je vis cette ombre s’étendre au loin autour de moi et marquer partout mon néant 49 … Ici un découragement moral s’empara de lui et le fit peu à peu déchoir de cette hauteur vertueuse où il n’est pas donné à la jeunesse stoïque de se maintenir : Il n’y a qu’un principe de vices pour un homme bien né et à qui la raison a parlé, disait-il à ceux de sa famille avec qui il s’épanchait, c’est l’ennui, le dégoût des circonstances auxquelles il est soumis, c’est le néant du cœur ; au nom de Dieu, ne me laissez pas plus longtemps exposé à cet état. […] [NdA] C’est la même idée qu’a rendue admirablement Virgile au livre second des Géorgiques, vers 65, quand il peint les rejetons de l’arbre qui restent stériles tant qu’ils sont trop près, étouffés et comme brûlés sous l’ombre maternelle : Nunc altae frondes et rami matris opacant, Crescentique adimunt foetus uruntque ferentem 50.
Voici une traduction ou imitation en français d’une des plus citées, et dans laquelle on verra qu’il essaye de combattre et de réfuter sa propre terreur, de se rassurer contre ses craintes habituelles : Dans un chemin mystérieux L’esprit de Dieu voyage, Sur les flots, dans l’ombre des cieux, Tout voilé par l’orage. […] En voici une, par exemple : Le rossignol et le ver luisant Un rossignol qui, tout le long du jour, avait réjoui le village de son chant et n’avait suspendu ses notes ni au crépuscule ni même lorsque la soirée fut finie, commença à ressentir autant qu’il le pouvait les appels aigus de la faim ; lorsque, regardant avidement à l’entour, il avisa tout à coup au loin sur la terre quelque chose qui brillait dans l’ombre, et il reconnut le ver luisant à son étincelle.
Chauvelin est un personnage politique important, qui ne s’était jamais complètement dégagé, dans l’histoire, de l’ombre du cardinal de Fleury, et que l’on doit à d’Argenson, aujourd’hui, de bien connaître. […] et l’observation est de d’Argenson répliquant au ministre : ces petits hommes chétifs d’apparence, et qu’on croirait énervés par le luxe, vérifient à l’instant par leur exemple ce que Voltaire disait des courtisans français dans La Henriade : La paix n’amollit point leur valeur ordinaire ; De l’ombre du repos ils volent aux hasards… Ils sortent du sein de la mollesse pour aller aux combats comme des lions.