C’est que Flaubert ne se faisait pas une idée de ce que sont des natures abstraites. […] Sans doute, mais on n’est fort qu’en contrariant la nature. […] Gottofrey, avait donné à ma nature docile un pli ineffaçable. […] D’un autre côté, j’ai trouvé une bonté extrême dans la nature et dans la société. […] Il ne dépendrait que de moi de croire que la nature a plus d’une fois mis des coussins pour m’épargner les chocs trop rudes.
Car Rabelais est comme la nature. […] La philosophie de la nature est toujours à refaire. […] Ses orgies sont les saintes orgies de la nature. […] Ne pensez pas nous réconcilier avec la nature. […] La nature t’est douce ; sois douce à la nature.
Le traducteur de Grotius a mis aussi en françois le Droit de la nature & des gens, par Puffendorff, in-4°. deux volumes. […] On peut, à quelques égards, porter le même jugement des Principes du Droit de la nature & des gens, traduit par M. […] L’ouvrage le plus récent sur le droit de la nature & des gens, est celui de Mr.
Nous-même, nous n’avions pas attendu le jour fatal pour essayer de caractériser cette veine si abondante et si vive, cet esprit si souple et si coloré, ce merveilleux talent de nature et de fantaisie191. […] De toutes ses vicissitudes, de tous ses travaux, de tous ses essais, de toutes ses erreurs même, il était résulté à la longue, chez cette nature la mieux douée, un fonds unique, riche, fin, mobile, propre aux plus délicates fleurs, aux fruits les plus savoureux. […] Non, il peut y avoir dans le rôle que je viens de tracer beaucoup de talent littéraire sans doute, mais l’esprit même, l’inspiration qui caractérisent cette nature particulière n’y est pas. […] Il était de ces natures excellentes qui, comme les vins généreux, s’améliorent et se bonifient encore en avançant. […] Il faut lui savoir gré pourtant, un gré sérieux, d’avoir, en plus d’une circonstance, opposé aux abus littéraires cette expression franche, cette contradiction indépendante qui, dans une nature de conciliation et d’indulgence comme la sienne, avait tout son prix.
La nature, qui est la même dans l’antiquité et dans le xviie siècle (puisque c’est sur cette identité que se fonde l’imitation des anciens), ne peut être aussi qu’une nature générale. […] La nature pittoresque, aussi, n’est pas objet de-littérature. […] L’homme est remis dans la nature, soumis à ses lois ; c’est avant tout un animal, ayant des sens et des sensations ; et la sensation est la source visible d’où tout est sorti, les idées de l’individu, et par suite les institutions de la société. […] Des réalités, des morceaux de nature entrent dans l’esprit de l’homme ; des images, des sensations s’infiltrent dans la littérature.
Décadence de la tragédie : ni nature ni vérité. […] Or, en même temps, la condition des gens de lettres se relève ; la considération dont ils jouissent les introduit et les enferme dans le monde ; leur champ d’observation se trouve par là singulièrement restreint, et le rideau des bienséances sociales s’interpose entre leur œil et la nature. […] On n’a plus à regarder la nature : il suffit de connaître Racine, Corneille et Quinault. […] La qualité des matériaux lui est indifférente : il prend à La Calprenède, à Corneille, à Racine, des situations, des caractères, des sentiments ; il amalgame des lieux communs, il invente des férocités ou des héroïsmes sans exemple ; peu lui importe ; jamais il n’a jeté un regard vers la nature. […] Il était à craindre que, la vérité mise à part et la nature, la tragédie n’eût plus d’autre objet que de présenter d’ingénieuses applications des règles.
Il prêcha hardiment la guerre à la nature, la totale rupture avec le sang. « En vérité, je vous le déclare, disait-il, quiconque aura quitté sa maison, sa femme, ses frères, ses parents, ses enfants, pour le royaume de Dieu, recevra le centuple en ce monde, et, dans le monde à venir, la vie éternelle 876. » Les instructions que Jésus est censé avoir données à ses disciples respirent la même exaltation 877. […] Méprisant les saines limites de la nature de l’homme, il voulait qu’on n’existât que pour lui, qu’on n’aimât que lui seul. « Si quelqu’un vient à moi, disait-il, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple 884. » — « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple 885. » Quelque chose de plus qu’humain et d’étrange se mêlait alors a ses paroles ; c’était comme un feu dévorant la vie à, sa racine, et réduisant tout à un affreux désert. […] » Deux anecdotes, du genre de celles qu’il ne faut pas accepter comme historiques, mais qui se proposent de rendre un trait de caractère en l’exagérant, peignaient bien ce défi jeté à la nature. […] Il était, si on peut le dire, totalement hors de la nature : la famille, l’amitié, la patrie, n’avaient plus aucun sens pour lui. […] Son tempérament, excessivement passionné, le portait à chaque instant hors des bornes de la nature humaine.
Excepté le fatalisme, qui n’a pas le droit d’enseigner et qui n’en saurait avoir la prétention sans inconséquence, il n’y a que trois philosophies qui veulent se partager l’empire de la nature humaine en l’expliquant. […] Rivarol disait, avec la belle voix d’or de son esprit : « La grandeur de nos facultés dépend de Dieu, mais de nous dépend leur harmonie. » Quel que soit donc celui des trois systèmes sur la nature humaine que l’on adopte, il est d’observation indéniable qu’il y a au fond de nous-mêmes une tendance prononcée à nous croire le centre de tout, à ne juger les choses que par rapport à nous, à traverser incessamment et dans tous les sens le plan de l’ordre avec mépris, et même les armes à la main. […] Si c’est une nécessité, en effet, de purifier la nature humaine des souillures du vice originel, il ne s’agit pas de s’en faire accroire. […] Quand madame d’Alonville, qui a de l’esprit et qui aime à faufiler de la tapisserie de caractères, nous a parlé de la bienveillance, de l’égoïsme, de l’orgueil, de la vanité, du devoir d’être de son temps, de la grâce d’être jeune, de l’avantage d’être timide (quand on a vingt ans), de la susceptibilité, du loisir contraire à l’ordre de la nature, de l’esprit de conversation, de la réprobation de l’épigramme, des horreurs du jeu, de la Bourse (enfin !) […] Se souvient-on de ce qu’on possède par nature ?
Mais la nature voluptueuse du créole s’imprégna en lui de bonne heure de la philosophie régnante, et tout d’abord cette philosophie semblait, en effet, n’être venue que pour donner raison à cette nature ; l’accord entre elles était parfait. Tandis pourtant que la nature, sans arrière-pensée, n’aurait eu que sa mollesse, sa tendre et gracieuse nonchalance, la philosophie avait son venin ; il se déclare chez Parny en avançant. […] la Nature et Parny. […] Cette attention inaccoutumée qu’il accordait à des chants populaires et primitifs nous avertit de remarquer que les Études de la Nature avaient paru dans l’intervalle et cinq ou six ans après la publication de ses élégies. […] Enfin, nous citerons encore la riche peinture de cette même vue d’après nature, par M.
Mais la peinture en est chargée de couleurs mélodramatiques fausses, parce que le mélodrame n’a rien de commun avec la nature. […] « La nature humaine se transforme-t-elle ainsi de fond en comble et tout à fait ? […] « Dans cette situation, Jean Valjean songeait, et quelle pouvait être la nature de sa rêverie ? […] « La nature visible existait à peine pour lui. […] Mais, encore une fois, pourquoi cette sainteté dans ce scélérat de nature et dans ce sournois de vertu, ce Jean Valjean ?
Pourquoi la nature n’est-elle injuste et marâtre que pour moi ? […] — C’est comme si tu nous disais : Que pensez-vous de la nature ? […] Et comme aussi son âme plus isolée est prompte à se rattacher et à s’incorporer à la nature ! […] La nature est tout, c’est elle seule qui pense et qui parle ! […] Il n’y a que ceux-là qui savent le dire, parce que c’est la nature qui parle à leur place.
Cet ascétisme passionné, cette dureté pour lui-même, ce détachement de toutes les affections, témoignent d’une nature tendre et sympathique. […] Lui aussi a sacrifié la nature au devoir ; lui aussi est l’homme tel qu’il devrait être, le héros dont le grand Corneille a tracé l’idéal. […] Le bon père jésuite qui trahit sa société sans le savoir, qui professe honnêtement une méchante morale, sera toujours bien plus dans la nature que Gorgias, lequel, après tout, n’est pas dupe de sa fausse rhétorique. […] Ce n’est plus l’esprit curieux dont parle Arnauld, mais l’ardent solitaire qui sentait, dans son cœur et dans sa foi, les blessures faites par ces odieuses maximes à la nature, à la raison, à la piété. […] Kenelm Digby, gentilhomme anglais, auteur d’un traité sur La nature et les opérations de l’âme ; 1644.
Après cette courte annonce qui avertit qu’on va traiter de la nature humaine, il faut une annonce plus longue et qui peigne d’avance avec le plus d’éclat possible cette nature humaine dont on va traiter. […] Cet objet lui-même a beau être abstrait, obscur, déplaisant, contraire à la poésie ; le style répand sur lui sa lumière ; de nobles images, empruntées aux spectacles simples et grands de la nature, viennent l’illuminer et le décorer. […] Il y a dans cet air et dans cette végétation, dans cette imagination et dans ce style, un entassement et comme un empâtement de teintes noyées ou éclatantes ; elles sont ici la robe chatoyante et lustrée de la nature et de l’art. […] On comprenait que l’homme n’est point une poupée élégante, qu’un petit-maître n’est pas le chef-d’œuvre de la nature, et qu’il y a un monde en dehors des salons. […] En dépit de lui-même, il reste homme de salon et d’académie ; après avoir dit des douceurs aux dames, il en dit à la nature et déclame en périodes limées à propos de Dieu.
Nature de la croyance. — III. […] Pour comprendre comment se produit l’affirmation ou la croyance, il faut donc chercher : 1° la nature du lien entre nos représentations, 2° la nature du lien qui unit nos représentations aux objets. […] Dans la pensée comme dans la nature, il n’y a rien de vraiment indéterminé et tout est particulier. […] Plus un rapport est à la fois simple et constant, plus il est voisin d’une loi de la nature. […] De même, le physicien ne peut interpréter la nature que s’il a assez d’imagination pour construire des expériences ou des hypothèses.
Ainsi que le professeur Owen l’a remarqué, il n’y a pas dans la nature de plus grande anomalie qu’un oiseau qui ne peut voler ; et cependant il en est un certain nombre qui sont dans ce cas. […] La nature du lien de corrélation entre les modifications simultanées de deux ou de plusieurs organes est fréquemment très difficile à découvrir. […] Je donnerai deux exemples de ce fait, les premiers que je trouve inscrits sur ma liste, et comme les différences y sont de nature fort étrange, leur connexion avec la loi que je pose ne saurait être accidentelle. […] Or, c’est sans aucun doute ce que nous offre la nature. […] — Convenons d’abord que notre ignorance concernant les lois de la nature est encore profonde.
Il n’est que de savoir de quelle étoffe nous a fabriqués la nature. […] Des fleurs sauvages, des simples et qui suivent la nature. […] Il associe la nature au drame de ses personnages. […] Nous apprenons à connaître l’homme dans ce qu’il a de plus général, dans sa nature et dans les lois de cette nature, dans ses traits essentiels et qui ne changent pas. […] Le sourire de la Nature est sans pensée.
Sa nature tout indépendance, liberté et sympathie, est incapable d’imposer à la vie un vaste système de formules : tandis que Taine classe, M. […] Délivré de son fol amour par le voyage et par la nature, il écrit ces strophes exquises et si fines ! […] La nature a manifesté par toi son originalité toute-puissante et t’a départi mieux. […] Il se tourne vers le Tsar, car, dit-il, « je n’ai point de pays, moi, je suis le fils irrésistible de la Nature et de la Force ». […] Peu importe la nature de la forme dans laquelle elles sont énoncées, pourvu que cette forme ne soit ni bizarre ni médiocre.
Aucun autre système n’est aussi conforme à notre nature. […] J’ai dit qu’on pouvait étudier à nu le type du métaphysicien en sa personne ; il est juste d’ajouter que ce type, entier et accompli de tout point dans une nature telle que celle de Kant, est fragile et fuit par bien des côtés chez Maine de Biran. […] C’est la cause qui m’a rendu psychologue de si bonne heure. » Doué par la nature de la faculté d’aperception interne, il ne tient pas à lui qu’on ne croie que cette aptitude qu’il a est due à une maladie ou à une manie. […] Mais ces subtilités sont celles d’une nature élevée, délicate ; ces tourments sont d’une noble espèce, et l’humanité a de tout temps estimé ceux qui y furent sujets et qui se sont montrés capables de ces belles croix. […] Ce sentiment de pitié ou de compassion réfléchie du moi sur lui-même est encore assez doux à éprouver, en tant qu’il constate une nature supérieure à celle qui pâtit, quoiqu’elle lui soit intimement jointe.
De sorte que voilà un nouvel ensemble différent de l’autre par les dimensions, mais pareil en nature, partant soumis aux mêmes règles, poétique au même titre, et atteignant la beauté par les mêmes lois. […] 192 Cet enchaînement des mots donne à la phrase une régularité qui n’est pas dans la nature. […] La nature a des formes moins rigoureusement savantes, moins uniformément calculées. […] Encore aujourd’hui, sous tant de raisonnements accumulés, la nature sympathique persiste. […] Ces mots si particuliers et si pittoresques, ces tournures si simples, ce mètre si imitatif et si varié, cette exacte imitation de la nature n’ôtent pas à son style la liaison et l’unité, qui rendent l’art supérieur à la nature.
Dans la nature, toute la représentation est symbolique car l’âme s’y certifie et, comme je voudrais le dire, toutes choses convergent au but unique. […] Par l’adjonction d’un emblème, un fait de nature ou un symbole se change en allégorie, puisqu’il devient la représentation explicite d’une idée, grâce au sens conventionnel de l’emblème. […] On le comprend bien, l’œuvre d’art exclusivement formiste n’est un symbole qu’au même titre que les diverses images de la nature. […] L’œuvre n’est plus fondée sur une analogie intrinsèque ; le sens et les images sont artificiellement juxtaposés au lieu qu’ils soient unis par la nature. […] C’est que M. de Régnier cherche le plus souvent ses formes dans la légende qui, pour le Poète, est aussi la Nature, — tandis que M.
Ce sont comme des êtres de nature très différente, entre lesquels manque une unité de mesure. […] Il n’a pas à s’occuper du beau dans la nature non plus que dans les différents arts. […] C’est assez qu’il rapproche les œuvres de même nature, soit simultanées, soit successives. […] En tous ces cas, pour des motifs divers, son œuvre est de nature à satisfaire l’esprit. […] Une œuvre littéraire (cela ressort de sa nature est chose à la fois individuelle et sociale ; elle interprète, elle traduit un être humain à des êtres humains.
Il commencera à chercher à reconnaître le nombre, la nature et l’intensité des émotions que cette lecture suscite, à les classer ; il se trouvera alors arrêté court par une difficulté qui ne semble encore avoir été aperçue par aucun esthéticien. […] Ces considérations aideront à comprendre la nature exacte des divers moyens d’expression artistique, la suggestion, l’expression, le symbolecs. […] Entre personnes ressentant faiblement ou fortement de l’émotion à propos d’une œuvre, il n’existe que bien rarement des désaccords sur la nature et la cause de cette émotion. […] La subjectivité dans l’appréciation des œuvres d’art affecte, en majeure partie, le degré mais non la nature du sentiment qu’elles provoquent. […] Que le sentiment esthétique que peut causer une chose utile, est de même nature que le sentiment de plaisir qu’elle donne au moment où on en a besoin ; b).
En définitive, l’éclectisme est une idée grande et sage, très-appropriée à l’esprit de notre temps et à la nature des choses ; mais cette idée elle-même a ses limites, et il importe, tout en en appréciant la valeur, d’en mesurer la portée. […] Le métaphysicien au contraire prétend représenter la nature des choses. […] Ils n’ont point de valeur en eux-mêmes, et représentent seulement les divers degrés de notre science de la nature. […] Sans aborder ni même effleurer ici l’examen de ce grand système, contentons-nous de faire remarquer qu’il n’est encore lui-même, comme tous ceux qui l’ont précédé, qu’un point de vue pris dans la nature des choses ; et ce point de vue, si large qu’on veuille le supposer, n’est lui-même qu’un côté de la réalité, qu’un éclectisme supérieur doit corriger et compenser par d’autres points de vue que l’hégélianisme a trop sacrifiés. […] Leurs systèmes sont théoriquement compréhensifs ; mais ils ne sont larges que par esprit de système, au lieu de l’être par nature et avec ingénuité ; ils touchent à tout, mais ils enchaînent tout.
Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M. […] Mais d’ordinaire tant de causes nous échappent dans les événements humains ; et de celles que nous entrevoyons, un si grand nombre sont inappréciables de leur nature, que leur liaison avec les effets reste nécessairement indéterminée ; que d’un fait à un autre on ne peut assigner souvent d’autre rapport que celui d’être venu avant ou après, et qu’alors ce qu’a de mieux à faire l’historien est de s’en tenir scrupuleusement à l’empirisme d’une narration authentique. De ces causes cachées qui déconcertent nos raisonnements en pareille matière, et en compromettent si fréquemment la certitude, les plus réelles se rapportent à la nature même de l’homme et à sa spontanéité d’action. […] Et qu’on ne dise pas que c’est là imaginer un pur système, et soumettre la nature humaine à des calculs auxquels elle ne se plie pas.
La science se dégrade, du moment où elle s’abaisse à plaire, à amuser, à intéresser, du moment où elle cesse de correspondre directement, comme la poésie, la musique, la religion, à un besoin désintéressé de la nature humaine. […] La Grèce tirait des poèmes, des temples, des statues de son intime spontanéité, pour épuiser sa propre fécondité et satisfaire à un besoin de la nature humaine. […] On était poète ou philosophe, parce que cela est de la nature humaine et qu’on était soi-même spécialement doué dans ce sens. […] Le remède, en un mot, n’est pas d’exciter chez tous un appétit que tous ne pourront satisfaire, mais de détruire cet appétit ou d’en changer l’objet, puisque aussi bien cet objet ne tient pas à l’essence de la nature humaine, qu’au contraire il en entrave le beau développement.
Il est difficile de ne pas rester confondu d’étonnement, lorsqu’en ouvrant les Pensées du philosophe chrétien, on tombe sur les six chapitres où il traite de la nature de l’homme. […] S’il considère la nature humaine en général, il en fait cette peinture si connue et si étonnante : « La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se regarde, c’est son corps, etc. » Et ailleurs : « L’homme n’est qu’un roseau pensant, etc. » Nous demandons si, dans tout cela, Pascal s’est montré un faible penseur ? […] Les insultes que nous avons prodiguées par philosophie à la nature humaine ont été plus ou moins puisées dans les écrits de Pascal. […] Pascal, Bossuet, Fénélon, ont vu plus loin que nous, puisqu’en connaissant comme nous, et mieux que nous, la nature des choses, ils ont senti le danger des innovations.
Il ne voit rien de noble dans la nature ; tout s’y opère par d’impurs moyens de corruption et de régénération. […] Si l’incrédule se trouve ainsi borné dans les choses de la nature, comment peindra-t-il l’homme avec éloquence ? […] Et néanmoins rendons justice à ce grand peintre de la nature : son style est d’une perfection rare. […] On dirait même que l’impiété, qui rend tout stérile, se manifeste aussi par l’appauvrissement de la nature physique.
Quel sujet cependant pour un grand maître par le charme et la variété des natures ! […] Il rêve, il se promène, il se rappelle ou les modèles qu’il a vus, ou les phénomènes de la nature, ou les passions du cœur humain, en un mot les expériences qu’il a faites, c’est-à-dire qu’il devient savant. Un même homme a le tact sur certains objets, et la science sur d’autres ; ce tact est préparé par des qualités que la nature seule donne. […] Travaillez à présent, suez sang et eau, étudiez la nature, épuisez-vous de fatigue, faites des poëmes sublimes avec vos pinceaux, et pour qui ?