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312. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Les Mémoires pour servir à l’Histoire de Madame de Maintenon ont plus réussi à le rendre célebre, que les injures de M. de Voltaire à le rendre odieux. Quand même il seroit vrai que, dans ses Mémoires, M. de la Beaumelle n’a pas toujours eu l’exactitude historique & la discrétion convenable, on ne peut lui refuser une maniere de raconter vive, intéressante, pittoresque, énergique.

313. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Cousin n’a donc pas lu les Mémoires de madame d’Aulnoy sur la cour d’Espagne ? […] Madame d’Aulnoy, qui a créé Le Prince gracieux, est souvent un Tacite qui s’ignore, et elle a des portraits, dans ses Mémoires, — comme celui, par exemple, de la grande camerera-mayor, la duchesse de Terra Nuova, — d’un terrible aussi sombre que si les plus sinistres peintres de l’Espagne y avaient passé !

314. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Sainte-Beuve n’a pas laissé de Mémoires, il n’avait pas le temps d’en faire, mais les traits répandus à profusion dans ses Écrits, et qui touchent à sa physionomie de près, formeraient un Recueil qui deviendrait aisément un volume de Mémoires. […] Ils portaient en général sur des ouvrages historiques, sur des mémoires relatifs à la Révolution française, sur des ouvrages aussi de poésie et de pure littérature. […] Si, né dans sa mort même, Ma mémoire n’eut pas son image suprême, Il m’a laissé du moins son âme et son esprit, Et son goût tout entier à chaque marge écrit. […] — Comme s’il y avait de plus nobles noms que ceux de ces braves jeunes hommes à consacrer dans la mémoire nationale ! […] Cette publication doit compter en dernier lieu dans sa Bibliographie. — Son dernier article, et qu’il n’a pas achevé, a été sur les Mémoires de M. le comte d’Alton-Shée, son cousin.

315. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il serait à désirer pour sa mémoire que quelques-uns de ceux qu’on connaît, et qui ont été imputés à sa jeunesse, ne fussent point de lui. […] Le prince de Montbarrey, qui était alors directeur au même ministère, explique dans ses Mémoires comment cette place nouvelle fut créée par le ministre à l’effet de l’amoindrir ; car on le craignait comme opposé aux réformes : M. de Saint-Germain, dit-il, fit choix pour cette place de M.  […] Un homme doué d’une médiocre intelligence, qui a quelque mémoire et de l’application, peut acquérir une grande réputation, surtout s’il a une physionomie imposante ou spirituelle… Mais il faut distinguer pour l’élévation du génie l’homme d’État d’avec l’homme propre aux affaires. […] Il débuta décidément dans les lettres par une ingénieuse supercherie : les Mémoires d’Anne de Gonzague, princesse palatine, parurent en 1786. […] Je sais du moins à coup sûr, par un passage des Mémoires de Tilly, que M. de Meilhan quand il écrivait des billets doux, employait du papier à vignettes et parfumé : cela suffit à mon exactitude.

316. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Mais il n’y a en somme qu’une œuvre de Marmontel qui appartienne aujourd’hui à ce que j’appellerais la littérature vivante : ce sont ces Mémoires si naïfs, où il nous décrit sa carrière de beau gars limousin lancé à travers la plus libre société qui fût jamais, où il promène avec un si parfait contentement de soi-même sa robuste médiocrité parmi les cercles les plus distingués de ce siècle intelligent : corps, esprit, moralité, tout est solide, massif, insuffisamment raffiné chez ce paysan parvenu de la littérature. […] Il a laissé des Mémoires (édit. […] Lucas-Montigoy, Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau, écrits par lui-même, par son père, par son oncle et par son fils adoptif, Paris, 1834, 8 vol. in-8. […] II ; les Correspondances et les Mémoires du temps ; Mémoires de Marmontel, Correspondance de Voltaire, etc.

317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

La mémoire seule pouvoit s'enrichir par les faits ; l'esprit y acquéroit peu de lumieres ; les mœurs y gagnoient encore moins. […] Il a su, malgré ces obstacles, la traiter de la maniere la plus intéressante, en la rapprochant, en quelque sorte, de nous ; en y développant les révolutions de nos mœurs ; en opposant, avec autant de justesse que de précision, les usages actuels à ceux de l'ancien temps ; en donnant aux matieres qu'il présente, une netteté, un ordre, un souffle de chaleur & de vie qui subjuguent l'attention & gravent profondément les objets dans la mémoire.

318. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il veut bien, dans ses espèces de Journaux anecdotiques ou de Mémoires, accorder des éloges à son général, mais il les gâte d’un mot, qui de la part d’un aide de camp est perfide. Il indique fort nettement qu’il ne tenait qu’au maréchal de Saxe, ce jour-là, d’achever la défaite des Alliés : « Mais, ajoute-t-il, le maréchal, ne voulant pas finir la guerre, s’arrangeait pour ne gagner les batailles qu’à demi. » Nous retrouvons un écho de ces mêmes bruits dans les Mémoires de d’Argenson : c’était le thème des envieux du maréchal, du parti Conti, de tous les prétendus nationaux se faisant arme de tout contre un étranger. […] Les esprits s’échauffent, on blâme le général de sa lenteur ; il ne saurait partir trop tôt pour se précipiter dans un labyrinthe qu’il prévoit ; l’on parle, l’on écrit des mémoires, l’on se communique ses idées, comme si celui qui est chargé de la conduite de cette campagne n’en était pas occupé ; enfin, on veut le faire marcher ; on brigue, on cabale à cet effet. » Je ne dis pas que Valfons y ait mis tant de malice. […] Il lui en touchait un mot dès l’année 1746, puis encore dans ses lettres du 10 janvier et du 10 mars 1767, et il lui en parle en des termes qui ne sont point parfaitement d’accord avec ce que dit l’auteur de la Notice sur la Vie de Favart en tête des Mémoires de ce dernier. […] (Voir aussi les Mémoires du duc de Luynes, tome VIII, page 298.)

319. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

La chronique de Villehardouin n’est pas une histoire, ce sont des Mémoires : l’homme s’y peint, mais aussi, en regardant l’homme, on connaît le livre. […] Mais à défaut d’« histoires » digues de ce nom, les Mémoires abondent : la voie ouverte par Villehardouin ne sera plus désertée, et l’aptitude de nos Français à ce genre d’ouvrage, dont les raisons au reste ne sont pas difficiles à trouver, commence à se marquer avec éclat. […] Après cinquante ans, il voit encore la toile peinte en bleu, qui revêtait le pavillon du soudan d’Égypte, la cotte vermeille à raies jaunes d’un garçon qui est venu en Syrie lui offrir ses services : quand il s’attendait à avoir la tête coupée, il entend la confession de son compagnon sans qu’il lui en reste un mot dans la mémoire, mais il voit le caleçon de toile écrue d’un Sarrasin, et ce caleçon toute sa vie lui restera devant les yeux. […] Il a dicté ses Mémoires dans les dernières années de sa vie, entre 1207 sans doute et 1212.Éditions de la Conquête de Constantinople : Blaise de Vigenère, Paris, 1585 ; Du Cange, Paris, 1657 ; de Wailly, Paris, Didot, 1872 ; Bouchet, Paris, Lemerre, 1892. — À consulter : Hanotaux : Revue historique, IV, 74-100, Debidour, les Chroniqueurs, t.  […] Paris, Joinville utilisa, en 1303, des mémoires personnels qu’il avait rédigés peu après 1070 ; voilà pourquoi il parle tant de lui dans une vie du saint roi.

320. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Sa vie aventureuse et romanesque a prêté à des Mémoires apocryphes fabriqués de son vivant, et qu’il put lire lui-même en haussant les épaules de pitié : Ce sont de pauvres gens, écrivait-il à son frère (26 septembre 1741), que ces prétendus historiens, qui sans doute payent leurs hôtes et s’habillent à mes dépens. […] Mais à quoi bon des mémoires du comte de Bonneval ? […] Aujourd’hui, quand on veut savoir de lui ce qui est authentique, on doit se borner à lire le Mémoire sur le comte de Bonneval, rédigé par le prince de Ligne, et dont le savant bibliographe Barbier a donné une nouvelle édition en 1817. […] Bonneval, devenu le pacha Osman, ne donna pas sur les oreilles au prince Eugène ; il fit des mémoires très nets et très bien motivés sur les changements de tactique à introduire dans les armées du sultan ; il proposa des projets d’alliance et de guerre : mais tout cela échoua dans les intrigues du sérail et devant l’apathie musulmane. […] » Casanova, cet homme d’esprit libertin dont on a d’abondants et curieux Mémoires, alla faire visite à Bonneval à Constantinople, dans le quartier de Péra, avec une lettre d’introduction que lui avait donnée le cardinal Acquaviva : Dès que je lui eus fait tenir ma lettre, je fus introduit dans un appartement au rez-de-chaussée, meublé à la française, où je vis un gros seigneur âgé, vêtu à la française, qui, dès que je parus, se leva, vint au-devant de moi d’un air riant, en me demandant ce qu’il pouvait faire à Constantinople pour le recommandé d’un cardinal de l’Église romaine.

321. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Je puiserais dans sa correspondance, dans ses mémoires, dans ses préfaces. […] Je ne retrouve dans ma mémoire ni les traits, ni la stature de ce rival. […] Très justement il décharge la mémoire du charmant chroniqueur de la lourde réputation d’historien que la tradition lui inflige. […] Je voudrais ne parler que d’elle, ne paraître occupé que de sa mémoire. […] C’est dans les Mémoires du baron de Mèneval, secrétaire du portefeuille de Napoléon Premier Consul et Empereur, intitulés : Mémoires pour servir à l’histoire de Napoléon Ier depuis 1802 jusqu’en 1815, qu’il faut la chercher.

322. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Un autre savant, le docteur Lélut (de l’Institut), s’est aussi fait une place dans la science par ses belles études sur la physiologie de la pensée, et il a publié récemment un intéressant ouvrage sur ce sujet, suivi de quelques mémoires spéciaux pleins de faits curieux. […] Lélut, surtout les mémoires qui y sont joints, comme une des sources les plus précieuses à consulter pour les philosophes physiologistes et les physiologues philosophes. […] Cette Société publie des annales trimestrielles, où se trouvent de nombreux mémoires dignes du plus haut intérêt.

323. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

À la tête, ils rapportaient toutes les connaissances, et comme elles étaient chez eux toutes d’imagination, ils placèrent dans la tête la mémoire, dont les Latins employaient le nom pour désigner l’imagination. […] En effet, l’imagination n’est que le résultat des souvenirs ; le génie ne fait autre chose que travailler sur les matériaux que lui offre la mémoire. […] Aussi les poètes théologiens dirent que la mémoire (qu’ils confondaient avec l’imagination) était la mère des muses, c’est-à-dire des arts.

324. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Ces mémoires sont la lie du vase, cuvée et versée, du cœur aigri de ce grand homme du siècle. — Nous disons grand, nous ne disons pas bon. — Ces mémoires protesteraient contre l’épithète. […] IX Ce fut le temps où il acheva ses Mémoires politiques, commencés, retouchés, polis, raturés, comme sa situation, pendant toute sa vie politique. […] Ses Mémoires parurent : ils étonnèrent le monde par l’esprit de ses jugements sur les hommes et sur les choses de son temps. […] « Je vois encore dans le miroir de ma mémoire, si fidèle pour les images helléniques, ce petit tableau tel qu’il m’est apparu à Scio. […] Je fais comme si vous n’aviez jamais su la marche du poème, ou plutôt comme si vous aviez oublié ces étranges aventures datant de trois mille années, pour prêter votre mémoire à des faits plus récents.

325. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

Par malheur il n’en est point absolument ainsi ; ce qu’on recueille dans de gros volumes n’est pas sauvé par là même, et ce qui reste dans des feuilles éparses n’est pas tellement perdu que cela ne pèse encore après vous pour surcharger au besoin votre démarche littéraire et, plus tard, votre mémoire (si mémoire il y a), de mille réminiscences traînantes et confuses.

326. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

. — Les Mémoires d’outre-tombe (1849). […] Auguste Dorchain Le maître prosateur d’Atala et des Mémoires s’était cru d’abord destiné à la poésie… De ses rares poésies lyriques — vous parler d’un Moïse applaudi chez Mme Récamier, mais sifflé au théâtre — on n’a retenu que quelques stances gracieuses.

327. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Cet Auteur a publié récemment des Mémoires politiques & militaires, pour servir à l’Histoire de Louis XIV & de Louis XV, qu’il a composés sur les Pieces originales, recueillies par un Duc de Noailles, qui fut Maréchal de France & Ministre d’Etat. Ces Mémoires forment six volumes, qu’on eût pu réduire à trois, sans leur rien faire perdre du côté de l’intérêt.

328. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Elle entendait seulement l’élève dérouler sa déclinaison avec une rapidité vertigineuse et ne parut pas autrement surprise d’une si prodigieuse mémoire. […] Paul Margueritte, écrivant, comme sous une dictée de sa mémoire, jusqu’à des nuances d’impressions, de sensations venues inconsciemment pour le plus souvent. […] C’est une lecture très attachante que celle de ces Mémoires qui évoquent tant de souvenirs et de réflexions. […] J’ai signalé plus haut le sentiment d’humanité qui, contrairement aux habitudes militaires du temps, apparaît souvent dans les Mémoires du général Paulin. […] Mémoires Le deuxième volume des Mémoires du général Lejeune est consacré en majeure partie à la relation des guerres d’Espagne et de la campagne de Russie.

329. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

La mémoire peut s’arrêter là. […] Ce dernier moment achève la mémoire. […] Voilà donc l’explication de la mémoire. […] Mémoire imaginative. […] Elle soulage la mémoire.

330. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Dans un appendice à son second tome, il se plaint de n’avoir point reçu tous les renseignements et mémoires qu’il espérait, « quoiqu’il n’y ait province en France, dit-il, où nous n’ayons fait voyager ». […] La mémoire de votre père et les prières de votre roi depuis trois heures sont-elles évanouies, avec la révérence qu’on doit aux paroles d’un ami mourant ? […] Henri IV s’en irrita plus d’une fois ; d’Aubigné nous le dit dans ses Mémoires, et raconte même comment, en une dernière circonstance, il évita de bien peu la Bastille. […] Sans se dissimuler quelques exagérations de ton et les jactances ou les fougues de pinceau, elle reconnaît en lui la force, la conviction, l’honneur, ce qui rachète bien des défauts et des faiblesses ; elle l’accepte volontiers, malgré les contradictions et les disparates, comme le représentant de ce vieux parti dont il avait le culte et dont il cherche à rehausser la mémoire.

331. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Est-ce pour faire amende honorable, pour faire pénitence d’avoir publié les charmants Mémoires inédits de Fléchier sur les Grands-Jours, que le même savant éditeur nous donne aujourd’hui les Lettres de Rancé ? Le fait est que ces agréables Mémoires, dont nous avons rendu compte dans ce journal en nous y complaisant249, qui ont été lus ici de chacun avec tant d’intérêt et qui ont singulièrement rajeuni et, pour tout dire, ravivé la renommée sommeillante d’un grave prélat, ont causé dans le pays d’Auvergne un véritable scandale. […] Nous savions bien que le succès des Mémoires de Fléchier avait été grand ; nous ne nous doutions pas qu’il eût été tellement à point et de circonstance. […] »— Et quelle délicatesse encore dans cet autre mot qui décèle une tendresse d’âme subsistante sous la dure écorce : « Ce seroit une chose bien douce d’être tellement dans l’oubli, que l’on ne vécût plus que dans la mémoire de ses amis ! 

332. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Elles peuvent se rapporter au passé, par la mémoire ; à l’avenir par l’anticipation. Nous connaissons le mécanisme de la mémoire. Quant « à l’anticipation de l’avenir, elle consiste dans la même série d’associations, avec cette différence que, dans la mémoire, l’association des états de conscience qui convertit l’idée en mémoire va du conséquent à l’antécédent, c’est-à-dire à reculons ; tandis que dans le cas d’anticipation, l’association va de l’antécédent au conséquent, c’est-à-dire en avant46. » Quand une sensation agréable est conçue comme future, mais sans qu’on en soit certain, cet état de conscience s’appelle espoir ; si l’on en est certain, il s’appelle joie.

333. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Il avait oublié de même celles qu’il avait écrites sur le Rhin quand, l’an passé, elles lui sont forcément revenues en mémoire par un petit enchaînement de faits nécessaires à déduire ici. […] De la part des grands écrivains, et il est inutile de citer ici d’illustres exemples qui sont dans toutes les mémoires, ces sortes de confidences ont un charme extrême ; le beau style donne la vie à tout ; de la part d’un simple passant, elles n’ont, nous le répétons, de valeur que leur sincérité. […] Ces lettres ont été écrites au hasard de la plume, sans livres, et les faits historiques ou les textes littéraires qu’elles contiennent çà et là sont cités de mémoire ; or la mémoire fait défaut quelquefois Ainsi, par exemple, dans la Lettre neuvième, l’auteur dit que Barberousse voulut se croiser pour la seconde ou la troisième fois, et dans la Lettre dix-septième il parle des nombreuses croisades de Frédéric Barberousse.

334. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Sa plume & sa mémoire y avoient moins de part que son cœur. […] in-4°. un recueil de Factum & de Mémoires. […] Deux d’entr’eux, au nom de tous, protégent la mémoire du mort & essuyent les larmes de la famille. […] Il nous a donné la collection de ses Plaidoyers & de ses Mémoires en plusieurs vol. […] N’importe ; il sçait qu’il a des yeux & de la mémoire, il se flatte que cela réussira.

335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Les Mémoires de l’Académie dont il étoit Membre, contiennent plusieurs de ses Dissertations sur divers sujets qui ont rapport à la vie privée des Romains. […] Une preuve certaine que nous dégénérons en tout, c’est qu’on remarque, en lisant les Mémoires de cette Académie, que plus on s’éloigne des temps de sa fondation, plus les Dissertations deviennent foibles, maigres, stériles ; cependant, en matiere d’érudition, le progrès du temps doit augmenter les richesses : tout dépend de savoir les recueillir, les digérer, & les mettre en œuvre.

336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Huet, Evêque d’Avranches, c’est au beau sexe qu’il faut en attribuer l’honneur ; & voici les preuves qu’il en donne : « Madame de la Fayette négligea si fort la gloire qu’elle méritoit, qu’elle laissa sa Zaïde paroître sous le nom de Segrais ; mais lorsque j’eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savoient pas la vérité, se plaignirent de ce trait, comme d’un outrage fait à sa mémoire. […] Comment imaginer, après cela, qu’il ait eu la malhonnêteté de se donner pour l’Auteur d’un Ouvrage qu’il n’avoit pas fait, & sur-tout d’un Ouvrage composé par une femme dont le nom avoit paru à la tête d’autres Productions moins estimées & moins estimables, telles que la Princesse de Montpensier, les Mémoires de la Cour de France, & Henriette d’Angleterre ?

337. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Le premier président Groulard du parlement de Normandie, dans ses curieux Mémoires, nous a montré à quel point elle était véritablement traitée par Henri IV en princesse, et présentée dès 1596 aux plus graves magistrats comme une personne à qui l’on devait hommage : Le jeudi 10 octobre 1596, Mme la marquise de Montceaux arriva à Rouen, logea à Saint-Ouen en la chambre dessus celle du roi. — Le vendredi 11, je la fus saluer, et le dimanche encore après, en ayant eu commandement du roi par les sieurs de Sainte-Marie-du-Mont et de Feuquerolles. […] Sully a beaucoup parlé de Gabrielle dans ses Mémoires, et les pages en ont été fort commentées. […] [NdA] Ce qu’il y a de plus compromettant se trouve dans les Nouveaux mémoires de Bassompierre, publiés en 1802, p. 175 et suivantes. Ces Nouveaux mémoires sont moins à mépriser que ne le disent MM. Petitot, Michaud et Poujoulat, qui n’ont pas jugé à propos de les comprendre dans leurs « Collections des mémoires relatifs à l’histoire de France ».

338. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

J’en voudrais donner aujourd’hui un exemple en m’occupant d’un personnage qui a été médiocrement remarqué jusqu’ici44, qui n’a été qu’un homme de société et très secondairement en scène, qu’on a rencontré un peu partout, nommé çà et là dans les mémoires du temps, et dont la figure assez effacée n’a guère laissé de souvenir qu’à ceux qui l’ont connu de plus près. […] Ce que je veux dans cet article, n’est que de faire littérairement, et à l’aide des mémoires de Lassay, le commentaire et la démontstration (sauf correctif) du portrait que Saint-Simon a donné de lui ; je laisse donc avant tout parler le maître. […] Toutes les religions se tiennent, et celle envers Dieu venant à lui manquer ne faisait qu’annoncer que son culte pour la mémoire de Marianne allait finir. […] [NdA] Dans le contrat qu’on peut lire dans les Mémoires du marquis de Beauvau, les père et mère de Marianne sont ainsi désignés : « très noble personne Claude Pajot, et Élisabeth Souard, demeurants au palais d’Orléans », c’est-à-dire au Luxembourg. […] [NdA] Un doute me vient au sujet du Mont-Canisy ; je ne suis pas certain qu’à cette date Lassay en eût la jouissance, non plus que de ses autres terres de Normandie, et l’on peut même inférer le contraire d’après un mémoire qu’il rédigea dans le cours de ses démêlés et procès avec son père.

339. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

En redevenant ainsi poète mâconnais, il ne se doutait pas qu’il travaillait peut-être plus sûrement pour sa mémoire que s’il fût resté poète à Versailles, comme perdu et noyé parmi tous ces demi-dieux et ces naïades ; car en étant d’un lieu et d’une cité particulière, et en y laissant sa tradition, il a trouvé, après plus d’un siècle, des investigateurs curieux et presque des fidèles pour en recueillir le souvenir, et il a eu cet honneur que M. de Lamartine, tout jeune, entendant réciter de ses vers marotiques a fait un dizain à sa louange et un peu à son imitation. […] Sénecé vécut assez pour voir paraître bien des mémoires sur le xviie  siècle et sur l’ancienne Cour. Chose singulière, ou plutôt chose ordinaire et assez commune aux vieillards, il prétendait n’y rien reconnaître de ce qu’il avait vu, à tel point que les mémoires de Retz (1717), en raison de deux ou trois erreurs de fait qu’il y relevait, lui semblaient un roman fabriqué par quelque homme de lettres de Hollande. Il disait la même chose des mémoires de Gourville, sous prétexte que « le style de ce livre était trivial et n’avait rien du tout de cette politesse que Gourville s’était acquise par un grand usage du monde. » S’il s’était borné à dire que le premier éditeur (1724) avait pu les retoucher à tort çà et là, il aurait dit juste ; mais il allait bien plus loin, et il les déclarait hardiment un livre apocryphe. […] En somme, il n’a pas trop à se plaindre de son sort, même comme poète, puisque après plus d’un siècle on le réimprime en y ajoutant de l’inédit, et que la postérité (car c’est bien ainsi que nous nous appelons par rapport à lui) s’occupe, ne fût-ce qu’un instant, de sa mémoire.

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