Je cherche avant tout à rendre sincèrement dans la langue la plus simple de mes impressions. […] Des formes les plus bizarres, on arrive aux formes les plus simples ; de la langue la plus coloriste, à la langue la plus crue. […] Un grand écrivain n’est pas celui qui écrit le plus correctement ; c’est celui qui a le sentiment le plus prononcé de la langue ; un esprit laborieux peut se lancer à la recherche des origines de notre langue, en côtoyant le marais des langues étrangères auxquelles elle a été demander du secours quelquefois, mais les véritables écrivains sont ceux qui se contentent de boire à la source de ce ruisseau clair, murmurant sur les cailloux, et qui n’est autre que la langue française. […] Champfleury lui-même a jeté sa langue aux chiens. […] Les utopistes, les mystiques, ont l’habitude de déranger la langue.
D’un côté, une langue faite, une manière libre, gracieuse, alerte et vive, une agilité élégante, un heureux badinage ; de l’autre, de l’effort, de la subtilité, du sentiment alambiqué en quête de l’image, une obscurité fréquente et qu’il n’est donné qu’aux érudits d’expliquer et d’éclaircir. […] Mais le critique littéraire a un autre devoir que celui qui lit pour son plaisir ; il se préoccupe de la suite, de l’avenir de la langue et de la poésie. […] On y trouverait trois ou quatre très jolis et naïfs sonnets, mais, en général, c’est moins bien que Du Bellay ; c’est à la fois moins poétique et d’une langue beaucoup moins facile. […] Le mouvement de la Renaissance était si vif, si puissant et si sincère, que ceux qui s’y inspiraient directement devenaient poètes dans la langue des Anciens. […] On n’est tout à fait soi, tout à fait original, que dans sa langue ; on n’atteint que là à ce qui est proprement la signature du poète, la particularité de l’expression.
Au fond il n’y a ni mythologie, ni langues, mais seulement des hommes qui arrangent des mots et des images d’après les besoins de leurs organes et la forme originelle de leur esprit. […] Une langue, une législation, un catéchisme n’est jamais qu’une chose abstraite ; la chose complète, c’est l’homme agissant, l’homme corporel et visible, qui mange, qui marche, qui se bat, qui travaille ; laissez là la théorie des constitutions et de leur mécanisme, des religions et de leur système, et tâchez de voir les hommes à leur atelier, dans leurs bureaux, dans leurs champs, avec leur ciel, leur sol, leurs maisons, leurs habits, leurs cultures, leurs repas, comme vous le faites, lorsque, débarquant en Angleterre ou en Italie, vous regardez les visages et les gestes, les trottoirs et les tavernes, le citadin qui se promène et l’ouvrier qui boit. […] Si la conception générale à laquelle elle aboutit est une simple notation sèche, à la façon chinoise, la langue devient une sorte d’algèbre, la religion et la poésie s’atténuent, la philosophie se réduit à une sorte de bon sens moral et pratique, la science à un recueil de recettes, de classifications, de mnémotechnies utilitaires, l’esprit tout entier prend un tour positiviste. […] Il y a là une force distincte, si distincte qu’à travers les énormes déviations que les deux autres moteurs lui impriment, on la reconnaît encore, et qu’une race, comme l’ancien peuple aryen, éparse depuis le Gange jusqu’aux Hébrides, établie sous tous les climats, échelonnée à tous les degrés de la civilisation, transformée par trente siècles de révolutions, manifeste pourtant dans ses langues, dans ses religions, dans ses littératures et dans ses philosophies, la communauté de sang et d’esprit qui relie encore aujourd’hui tous ses rejetons. […] Consulter, pour voir cette échelle d’effets coordonnés : Renan, Langues sémitiques, 1er chapitre. — Mommsen, Comparaison des civilisations grecque et romaine, 2e chapitre, 1er volume, 3e édition
L’érudition était énorme, la science des langues, très solide. […] Je suis tombé de surprise quand je me suis trouvé en présence de cette langue si simple, sans construction, presque sans syntaxe, expression nue de l’idée pure, une vraie langue d’enfant. […] L’idée me vint dès lors plus d’une fois qu’un jour j’enseignerais à cette même table, dans cette petite « Salle des langues », où j’ai en effet réussi à m’asseoir, en y mettant une dose assez forte d’obstination. […] L’homme ne doit savoir littérairement que deux langues, le latin et la sienne ; mais il doit comprendre toutes celles dont il a besoin pour ses affaires ou son instruction. […] Ils parlent deux langues inintelligibles, si la grâce de Dieu n’intervient entre eux comme interprète.
Antiquité grecque, connaissance des langues et des littératures étrangères, philologie comparée, histoire reprise aux sources, philosophie et science du beau : M. […] Jusque dans la dernière crise, il s’est montré courageux et résigné avec simplicité ; et, si je ne craignais d’altérer la tristesse de cette impression, j’ajouterais à l’appui d’une de vos remarques que, jusque dans les suprêmes douleurs, je l’ai vu sensible à l’impropriété de quelques mots qui blessaient la pureté de la langue. » — L’homme de goût fut le dernier à mourir en lui. […] c’est un type romain, et vous avez beau le trouver charmant et ne pas vous lasser de l’aller entendre, de lui faire des compliments dans sa langue et de recevoir les siens, gardez-vous de lui dire que la critique littéraire est jusqu’à un certain point une branche de la philosophie et de la critique historique ; que le divin Dante tient quelquefois du barbare (sans en être moins étonnant et moins intéressant, tant s’en faut !) […] C’est un bâtiment parfaitement accommodé pour une cinquantaine de cours de diverses facultés. — Je n’ai que l’embarras du choix tous sont ouverts sans nulle façon. — Sur la même place est un grand bâtiment dit Muséum qui est le casino des professeurs et des étudiants, des bourgeois et des étrangers, immense collection de journaux où règne le silence dans les salons de lecture, et qui contient une bibliothèque libéralement servie, des salles de conversation paisible, un vaste salon de concerts, institution des plus honorables (j’omets la fameuse bibliothèque de Heidelberg qui est à la disposition du public). — Enfin je me trouve ici sollicité par une prodigieuse envie de tout lire, de tout entendre, de tout voir et de tout dire, — de m’emparer de la langue la plus familière, de tous les cours, de tous les professeurs, de tous les journaux, de tous les livres, de tous les paysages et de toutes les montagnes.
Ces maudits alexandrins ont toujours fait dans notre langue l’office de justaucorps. Sitôt qu’on les endossait, on devenait roide ; l’étiquette vous prenait ; vous vous retranchiez tous les mouvements prompts et abandonnés ; vous deveniez digne ; vous ne parliez plus la langue ordinaire ; vous vous réduisiez à un certain nombre de mots et de tours approuvés ; les autres étaient écartés comme familiers et roturiers ; vous deveniez un personnage de représentation ou d’antichambre, à la longue un mannequin. […] Rabelais seul avait « la tête épique », et serait le poëte national par l’espèce des idées et la grandeur des conceptions, si la folie de l’imagination, l’énormité de l’ordure et la bizarrerie de la langue ne l’avaient réduit à un auditoire d’ivrognes ou d’érudits. […] Nous ne savons marcher qu’au signal d’autrui sous un chef, et dans les compartiments du grand établissement latin qui, par l’Eglise, l’Etat, le droit, la langue, la foi, les lettres, nous enrégimente et nous mène depuis dix-huit cents ans.
Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ». Il s’était créé un style à part qui devait lui aliéner le commun des lecteurs, une langue qui s’adressait à tous les sens, pleine d’onomatopées, d’artifices typographiques, où les adverbes, des majuscules imprévues, se mettaient à chevaucher follement la phrase, où des incidentes répétées revenaient avec l’obsession du leitmotiv ; une langue musicale et orchestrée. […] Le Cardonnel ne se fit pas prier et nous régala de plusieurs poèmes où s’affirmait déjà sa maîtrise ; celui-ci, entre autres, d’une impression intense et neuve, d’une langue délayée, sans arêtes, aux contours imprécis comme un brouillard de rêve : VILLE MORTE Lentement, sourdement, des vêpres sonnent Dans la grand’paix de cette vague ville ; Des arbres gris sur la place frissonnent, Comme inquiets de ces vêpres qui sonnent.
Exiger du critique qu’il sache le latin et le grec, c’est peut-être un pédantisme ; passons-lui ce point, s’il peut, sans posséder leur langue, assez connaître les anciens pour les respecter et les aimer. […] Pénétré de leur mérite, il n’exigera pas que tous leur ressemblent ; mais à travers les variétés de langues, de mœurs et de génie, il reconnaîtra plus sûrement la beauté éternelle dont leurs ouvrages exposent à notre étude le portrait le plus achevé. […] Pour la langue, ma théorie est celle de Martine : Quand on se fait entendre, on parle toujours bien. […] La langue française est sans contredit une des plus obscures, si j’en juge par certains ouvrages que je comprends peu.
» (Une des plus belles pages de la langue que nous parlons !) […] C’est l’agonie du désespoir sur qui pèse un monde, et à qui un poète sublime a donné une langue semblable à celle de Job lui-même : la langue du grain de sable pensant perdu dans le monceau des hommes, des déserts et des eaux. […] Ici et ailleurs, lorsque Victor Hugo dépeint l’homme, il invente une langue surhumaine pour hurler les lamentations de l’humanité. […] Parce que tout homme trouve en lui le discernement prompt et sûr qui fait admettre ou rejeter une pensée fausse, surtout en matière sociale, et que tout homme porte en lui le goût qui fait discerner le propre et le sale dans la langue comme dans la nature. […] parce que le mot est digne, noble, mémorable, parce qu’il exprime héroïquement, quoique simplement, le qu’il mourût de Corneille, parce qu’il mérite d’être inscrit en lettres d’or sur les étendards de la patrie, Victor Hugo, qui croit avoir trouvé mieux dans la langue canaille du peuple, substitue à cette belle langue militaire un mot de faubourg, un mot plus abject, et plus qu’un mot de faubourg, un mot de latrines qui répond par une brutalité laconique, par une bestiale réplique, à une proposition généreuse faite en bons termes à ces braves mourants, et il en fait le plus beau mot (textuel) qu’un Français ait jamais dit, et il s’extasie sur le génie populaire de ce mot.
Théophile Gautier y trouvait une qualité, qu’il nous reconnaissait seuls posséder : une langue littéraire parlée. Et pour moi une langue nouvelle, c’est presque l’unique renouvellement dont est susceptible le théâtre. Une langue, où il n’existera plus de morceaux de livres, plus de phraséologie où passera le mot d’auteur, et où cependant le public sentira que c’est un lettré qui a fabriqué les paroles sortant de la bouche des acteurs, voilà la révolution à tenter ! […] C’est qu’il ne s’agit pas de la supprimer et que le talent serait de la remplacer, celle-ci ou toute autre du même genre, par un équivalent apportant une note poétique, lyrique, idéale, de la même valeur, et un équivalent pris dans le vrai de la langue d’un amoureux. […] Nous rêvions une suite de larges et violentes comédies, semblables à des fresques de maîtres, écrites sur le mode aristophanesque, et fouettant toute une société avec de l’esprit descendant de Beaumarchais, et parlant une langue ailée, une langue littéraire parlée que je trouve, hélas !
Déjà, sans doute, ma langue était enchaînée par l’imprécation du redoutable Dourvasa ! […] IX Par une métaphore qui doit être bien naturelle à l’homme, puisqu’elle se retrouve dans les langues modernes comme dans cette langue primitive, les littérateurs indiens donnent aux différentes impressions morales produites par les genres divers de leur poésie, le nom de goût ou saveur ; ils y ajoutent l’assimilation des différents genres de littérature aux différentes teintes de couleurs qui affectent diversement les yeux. […] Ils s’y servent même de deux langues mortes, le sanscrit, dialecte sacré réservé aux acteurs qui représentent les héros ou les dieux, et une autre langue antique aussi, mais non sacrée, réservée aux femmes qui représentent les héroïnes du drame. […] Le scrupule des langues modernes jette un voile sur ces épanchements des deux époux. […] Telles étaient les représentations scéniques de l’Inde primitive, pendant que le reste de l’Asie, à l’exception de la Chine, l’Afrique, l’Europe, la Grèce, Rome et les Gaules balbutiaient encore la langue de la philosophie, de la poésie et des arts ; quoi qu’en ait dit Voltaire, le jour moral s’est levé en Orient comme le jour céleste.
Partout le souffle est vibrant, la langue sonore, le rythme mouvementé et varié. […] Il a voulu seulement sur ce fond constant, éternel, et qui pourra servir bien souvent encore, tracer quelques caractères intéressants et jeter quelques beaux discours d’une brillante facture et d’une langue riche… Je serais donc content des « beaux discours », n’était qu’il y en a de trop et qu’ils sont trop longs.
Il se fit connaître par ses vers, langue sacrée et universelle alors de cette société italienne raffinée. […] » La poésie en langue vulgaire, c’est-à-dire en italien, faisait partie principale des élégances de cette société. […] Grâce à ce disciple, digne adorateur de ce maître, ce dithyrambe de l’amour et du souvenir sera bientôt rajeuni dans la langue d’André Chénier. […] Le vers enferme le vers, et le mot presse le mot ; c’est le sens, c’est le sentiment, c’est presque la musique du sonnet, mais ce n’est pas la langue : le français est trop viril pour ainsi pleurer. […] ce n’est ni la langue ni le vers du poète de Vaucluse !
Sa langue est comme ses peintures, exacte en perfection, mais timide. […] Dans les endroits relevés sa langue est vigoureuse, mais toujours modeste. […] Cette langue, si hardie, si colorée dans Bossuet, si saine, si exacte dans Bourdaloue, Massillon l’a gâtée. […] Sans insister sur ce que le génie de la langue trouverait à y redire, on se heurte, dans Massillon, à deux défauts communs à tous les rhéteurs dans toutes les langues, l’impropriété spécieuse et la fausse précision. […] On s’imagine que beaucoup de finesse doit se cacher sous des termes qui expriment plusieurs choses à la fois, et que c’est la langue qui a fait faute à l’auteur.
Ne dirait-on pas des figures détachées de l’Arc de triompher Cette influence des arts qui s’adressent à la vue s’est fait sentir non seulement à l’imagination des auteurs, mais à la langue littéraire elle-même. […] C’est peu à peu que le coloris est rentré dans la langue. […] La mode tout d’abord enrichit la langue de termes nombreux dont la destinée est diverse. […] Il sied encore de ne pas oublier les divertissements de toute espèce qui se lient d’une façon étroite à l’histoire de la langue et de la littérature. […] Les écoliers, du reste, en fait de mots prêtés à la langue courante, n’ont rien à envier aux écolières.
La langue que Victor Hugo avait cependant enrichie de si nombreuses expressions laudatives, semblait pauvre aux journalistes, du moment qu’elle était appelée à traduire leur admiration pour « le plus gigantesque penseur de l’univers », on recourut à l’image. […] La bourgeoisie, souveraine maîtresse du pouvoir social, voulut avoir une littérature qui reproduisit ses idées et ses sentiments et parlât la langue qu’elle aimait : la littérature classique élaborée pour plaire à l’aristocratie, ne pouvait lui convenir. […] Un peuple de mots, de néologismes, d’expressions, de tournures et d’images, venues de toutes les provinces et de toutes les couches sociales, envahirent la langue polie, élaborée par deux siècles de culture aristocratique. […] Ils réussirent en partie ; et imitant les précieuses de l’hôtel Rambouillet, ils châtrèrent la langue parlée et écrite de plusieurs milliers de mots, d’expressions qui ne lui ont pas encore été restitués. […] L’honneur d’avoir dans ce siècle, non pas créé, mais consacré littérairement la langue romantique appartient à Chateaubriand, qui fut le maître de Victor Hugo.
Il parle, il est vrai, la meilleure des langues, et comme un roi qui méritait d’avoir Pellisson pour secrétaire et Racine pour lecteur. […] Il nous est donc permis de nous flatter que notre ouvrage explique les termes, développe les beautés, découvre les délicatesses que vous doit une langue qui se perfectionne autant de fois que vous la parlez ou qu’elle parle de vous. » Louis XIV méritait en partie ce compliment, en tant que parlant avec justesse et propriété la plus parfaite des langues ; on dit qu’il contait à ravir ; mais cette noble et régulière politesse manquait de saillie, de relief, d’images, d’imprévu, de ce qui fait la grâce et la popularité de la langue de Henri IV. […] En quelques endroits, il m’a semblé que l’auteur n’était pas encore assez rompu à cette langue française, qu’il manie d’ailleurs avec une ingénieuse finesse.
C’est de ce sentiment d’aristocratie chez les nobles, de supériorité exclusive chez les habitants de la cité, que dérive l’éminent caractère des écrits des Romains, de leur langue, de leurs mœurs, de leurs habitudes, la dignité. […] Il y a dans leur langue une autorité d’expression, une gravité de son, une régularité de périodes, qui se prête à peine aux accents brisés d’une âme troublée, aux saillies rapides de la gaieté. […] Le peuple romain était une nation déjà célèbre, sagement gouvernée, fortement constituée avant qu’aucun écrivain eût existé dans la langue latine. […] Les sectes philosophiques de la grande Grèce avaient eu des rapports continuels avec Rome ; la langue latine avait emprunté beaucoup de mots et de règles grammaticales du grec éolique, que les colonies avaient transporté dans la grande Grèce. […] Mais quel est le poète original, dans la langue latine, qui ait mérité quelque réputation avant Cicéron ?
La langue. […] On concevra facilement quel instrument il lui a fallu pour écrire une pareille œuvre, et l’on se demandera comment la langue de Marot a pu suffire à une si prodigieuse tâche. Mais Rabelais n’a pas été plus exclusif en fait de langue que systématique en philosophie : placé au croisement du moyen âge et de l’antiquité, il a usé des facilités de son temps : s’il se moquait après Geoffroy Tory des écoliers limousins qui déambulent les compites de l’urbe que l’on vocite Lutéce, il a usé copieusement, hardiment du latinisme dans les mots, dans la syntaxe, dans la structure des phrases : il a été savoureusement archaïque, utilisant la saine et grasse langue de Villon et de Coquillard : il a été enfin Tourangeau, Poitevin, Lyonnais au besoin et Picard, appelant tous patois et tous dialectes à servir sa pensée. […] Despériers, très savant en grec et en latin, collabore avec Olivetan pour la Bible française (1535), avec Dolet pour les Commentaires de la langue latine (1536).
La langue de l’enfant, en apparence plus simple, est en effet plus compréhensible et plus resserrée que celle où s’explique terme à terme la pensée plus analysée de l’âge mûr. Les plus profonds linguistes ont été étonnés de trouver, à l’origine et chez les peuples qu’on appelle enfants, des langues riches et compliquées. […] Les langues présentent un développement analogue. Prenons une famille de langues, qui renferme plusieurs dialectes, la famille sémitique par exemple. Certains linguistes supposent qu’à l’origine il y avait une seule langue sémitique, dont tous les dialectes sont dérivés par altération ; d’autres supposent tous les dialectes également primitifs.
M. de Bonnières, dans ce coquet volume, a tenté de ressusciter la jolie langue et la charmante allure de style des conteurs du xviiie siècle. […] En vers français, il présente de légendaires anecdotes de Fées, de Saints, de Rois, Héros divers, que, sur un fond changeant, J’ai de mes mains vêtues d’or et d’argent, Et que ma voix, afin de mieux vous plaire, Ne fait parler qu’en une langue claire.
Dans cette importante discussion, tout est appuyé sur les preuves les plus incontestables ; on cite, dans les Langues originales, les passages qui viennent au secours des assertions ; on les traduit le plus souvent en faveur de ceux qui n’entendent pas les Langues savantes.
Chénier renouvela cette tentative, en se servant de la langue de Racine. […] Dans la langue française, l’amplification donnait de meilleurs résultats. […] Quant à sa langue, personne malheureusement n’en exprimera jamais la qualité incomparable. […] La bouche était demeurée ouverte, et on voyait sa langue au fond de son gosier. […] C’est un des plus grands écrivains de la langue française.
Ce n’est pas la première fois que de grands seigneurs russes se distinguent par leur facilité à emprunter, à manier la langue et la rime françaises. […] Les modèles qui l’ont introduit dans la langue qui n’est pas la sienne et sur lesquels il s’est façonné, ne resteront-ils pas présents à ses yeux et ne lui imposeront-ils pas à chaque instant leur empreinte ? […] Voici, par exemple, une petite pièce qui a un bouquet d’anthologie chrétienne, autant qu’en un genre tout contraire une petite épigramme de l’anthologie grecque peut sentir son Hymette et son Musée : Le pèlerin Regardant une étoile au ciel épanouie, Un jeune homme marchait ; son léger manteau bleu Diminuait toujours : ce manteau, c’est la vie, Le voyageur c’est l’âme, et l’étoile c’est Dieu, Mais les essais de vers blancs, qui terminent le volume, ne sont pas heureux ; mais on n’échappe jamais tout à fait, dans cette langue française adoptive, à des accents du premier terroir.
C’est un ineffable mélange de la langue de la politique et de celle du journalisme, de l’administration et de la science, dans ce qu’elles ont de plus solennellement inepte. […] Dans quelle langue rédige-t-il sa correspondance familière ? […] Ces inventions de fou dialecticien parlant constamment la langue d’un président des quatre classes de l’Institut un jour de gala, cela me fait la même espèce de plaisir que les cabrioles d’un clown à favoris et en habit noir, mais un plaisir dix fois plus intense, d’autant que les choses de l’esprit sont au-dessus de celles de la matière.
Or, cette règle préside à la transformation des langues ; nos ancêtres, au moyen âge, adoucissent pigmentum en piment, axilla en aisselle, spiritum en esprit ; qu’est-ce autre chose qu’un procédé inconscient pour rendre la prononciation plus facile ? […] Il voit que les œuvres de Rousseau, qui sont les premières à prêcher en langue française l’amour des champs, paraissent de 1750 à 1760 ; il constate que les Anglais, Thomson, par exemple, ont exprimé les mêmes sentiments plus de vingt ans auparavant. […] Les querelles de religion ont pu renforcer le pouvoir de l’Église, le désir d’unité religieuse. « La folle du logis » s’est si bien donné carrière dans les œuvres de Scarron, de Bergerac, de Saint-Amand que le besoin d’une discipline pour la langue et d’un code pour la littérature a pu se faire sentir impérieusement.
Ne devoit-il pas craindre de soulever contre lui, non seulement ses Compatriotes, mais encore tous les Peuples éclairés de l’Europe, qui ne s’applaudissent de leurs progrès dans notre Langue, qu’à proportion qu’ils sentent mieux les beautés originales de ces mêmes Fables qu’il cherche à dépriser ? […] Descartes, Corneille, Montesquieu, les deux Rousseau, Crébillon, Maupertuis, M. le Franc, seroient déchus depuis long-temps de leur célébrité, si on eût souscrit à cette formule qui lui est si familiere : un homme qui s’exprime ainsi, mérite-t-il…. formule qui ne vient jamais qu’après l’exposition de quelques fautes légeres contre la Langue, & presque inévitables dans les Ouvrages de génie. […] Sans chercher à pénétrer les motifs de l’Auteur de l’Art Poétique, on pourroit assurer que ce Poëme cesse d’être complet, puisqu’il n’y dit rien de la Fable, genre le plus capable de faire honneur à notre Parnasse & à notre Langue.
Cette ombre de faveur & la gloire réelle d’être nommé le père de la langue françoise, le maître & le modèle de l’éloquence, acharnèrent contre lui de petits écrivains avides d’un peu d’or & de fumée. […] Elle portoit, entr’autres choses, qu’il avoit rétabli la pureté de la langue françoise. […] Il étoit fils de Nicolas Goulu, professeur royal en langue Grecque, le même qui, selon Théodore Agrippa d’Aubigné, ne vouloit point que sa femme prît en pension ceux qui étudioient aux loix, mais bien les petits grimaux .