Dans ces récits où rien n’est particulièrement saillant, on goûte tout d’abord un bon sens agréable, une plaisanterie modérée, une bonne langue.
Ailleurs, ayant à parler de Fontanes, il dira : « M. de Fontanes, qui restait fort amoureux du passé et était ce qu’on eût appelé dans le jargon moderne un grand réactionnaire… » J’avoue que ce dédain de la langue courante m’impatiente un peu riiez Tocqueville : car enfin le mot de réaction ne pouvait exister sous Louis XIV, puisqu’il n’y avait pas lieu au mouvement des partis, qui a motivé l’introduction du mot ; il fallait la Terreur et Thermidor, le Directoire et Fructidor, 1815 et les Cent-Jours, pour qu’il naquît et s’autorisât : à choses nouvelles il faut des mots nouveaux ; et quand l’emploi en est modéré, comme dans les exemples que je cite, quand l’usage les accepte et les consacre, c’est le fait d’un dégoût ou d’une timidité extrêmes de s’en priver ou de ne s’en servir qu’en s’en excusant de cette façon… Tangens maie singula dente superbo.
Je la citerai ici pour montrer à M. de Balzac un excellent modèle en certaines parties de lui-même, et pour dédommager le lecteur de ces querelles de langue par une plus gracieuse image.
Au nombre des torts de langue imputés à Lucain, M.
Le livre fut à l’instant traduit dans toutes les langues, en espagnol, portugais, italien, danois ; il y eut jusqu’à six traductions différentes en allemand.
Il avertit en un endroit son frère cadet qu’il lui parle des livres sans aucun égard à la bonté ou à l’utilité qu’on en peut tirer : « Et ce qui me détermine à vous en faire mention est uniquement qu’ils sont nouveaux, ou que je les ai lus, ou que j’en ai ouï parler. » Bayle ne peut s’empêcher de faire ainsi ; il s’en plaint, il s’en blâme, et retombe toujours : « Le dernier livre que je vois, écrit-il de Genève à son frère, est celui que je préfère à tous les autres. » Langues, philosophie, histoire, antiquité, géographie, livres galants, il se jette à tout, selon que ces diverses matières lui sont offertes : « D’où que cela procède, il est certain que jamais amant volage n’a plus souvent changé de maîtresse, que moi de livres. » Il attribue ces échappées de son esprit à quelque manque de discipline dans son éducation : « Je ne songe jamais à la manière dont j’ai été conduit dans mes études, que les larmes ne m’en viennent aux yeux.
Je n’oublierai jamais que Lemonnier lui ayant dit qu’il était nécessaire qu’il fît voir sa langue, et le lit n’étant ouvert que de façon à laisser approcher à la fois l’un deux, il la tira d’un pied appuyant ses deux mains sur ses yeux, que la lumière incommodait, et la laissa tirée plus de six minutes, ne la retirant que pour dire après l’examen de Lemonnier : « À vous, Lassonne » ; et puis : « À vous, Bordeu » ; et puis : « À vous, Lorry », etc. ; et puis, et puis, enfin jusqu’à ce qu’il eût appelé l’un après l’autre tous ses docteurs, qui témoignaient chacun à leur manière la satisfaction qu’ils avaient de la beauté et de la couleur de ce précieux et royal morceau.
Tout ce qu’on sait, c’est que les Étrusques, d’abord conquis, ont adouci les Romains et donné à leurs mœurs et à leur langue ce raffinement prématuré qui fait l’élégance des races.
Fabre se souvient d’une langue qu’il a sue, voilà tout.
Et si son nom est encore livré aux vaines disputes des hommes, s’il est malaisé de déterminer l’étendue et les limites de son génie, c’est peut-être que son cas ressemble assez à celui de Ronsard ; c’est que son œuvre n’est pas toute dans ses livres ; c’est qu’il a eu (non pas seul, mais plus qu’aucun autre) la gloire de rajeunir l’imagination d’un siècle et de renouveler une langue, et que, par conséquent, nous ne pouvons pas savoir au juste ce que nous lui devons… Pourquoi lui ?
Quant à la critique littéraire proprement dite, j’estime qu’elle devrait s’exercer d’abord dans le sens d’un renfort scrupuleux de ce merveilleux instrument de précision et de probité qu’est la langue française ; elle devrait en outre, ou plutôt en conséquence, s’attacher à identifier exactement les tendances et inspirations réelles des œuvres, en d’autres termes à remettre de l’ordre dans le Dictionnaire, bouleversé par un siècle et plus de romantisme.
Même naturel dans les deux ouvrages, avec plus d’éclat dans Cicéron, par le bonheur d’une langue plus colorée et plus sonore ; avec plus de finesse et de saillies dans Voltaire.
La timidité n’a jamais été son faible ; il s’est toujours moqué des coups de langue ; mais, jadis, il craignait du moins les coups de bâton.
1° Nous savons une science ou une langue, etc. ; elles existent en nous à l’état latent, tant que nous n’en faisons pas usage.
Lionnette n’est point dépravée, sa fierté la sauve de la corruption ; et pourtant elle parle, dans cette cruelle scène, la langue du vice hystérique.
La plupart des médecins voudraient qu’on défendît d’écrire en langue vulgaire sur la médecine.
* * * — Toute la valeur du romantisme, ça été d’avoir infusé du sang, de la couleur dans la langue française, en train de mourir d’anémie, — quant à l’humanité qu’elle a créée, c’est une humanité de dessus de pendule.
Les tyrans s’appellent la frontière, l’ornière, la routine, la cécité sous forme de fanatisme, la surdité et la mutité sous forme de diversité des langues, la querelle sous forme de diversité des poids, mesures et monnaies, la haine, résultante de la querelle, la guerre, résultante de la haine.
D’abord pour des raisons littéraires : La Fontaine a une langue très difficile, et croyez-en un vieux professeur, il n’y a pas d’auteur où l’on fasse plus de contre-sens que dans La Fontaine.
Cette dose de bizarrerie qui constitue et définit l’individualité, sans laquelle il n’y a pas de beau, joue dans l’art (que l’exactitude de cette comparaison en fasse pardonner la trivialité) le rôle du goût ou de l’assaisonnement dans les mets, les mets ne différant les uns des autres, abstraction faite de leur utilité ou de la quantité de substance nutritive qu’ils contiennent, que par l’idée qu’ils révèlent à la langue.
De plus, les mots sont empruntés à la langue de tous ; leur arrangement est d’un suprême artiste.
Elle a paru dans cette langue, sous le titre de Life and Consciousness, dans le Hibbert Journal d’octobre 1911 ; elle a été reproduite dans le volume des Huxley memorial lectures publié en 1914.
« Il n’y avait pas, en effet, une race d’immortels, avant que l’Amour eût tout rapproché, et que des uns mêlés avec les autres fussent nés le Ciel, l’Océan, la Terre et la race incorruptible des dieux immortels ainsi nous sommes les plus anciens de tous les êtres divins. » Ce qui suit cette étrange cosmogonie, ce qui s’y mêle d’allégories fantasques et de parodies bouffonnes, ne pourrait parfois se traduire ; mais il suffisait de retrouver ici, au début solennel de ce cantique, la majesté des hymnes grecs, dans ce hardi langage où le moqueur public d’Athènes, maître de tous les tons de la lyre, se joue des caprices de son génie et des perfections de sa langue, tour à tour sublime et bouffon, grave et licencieux, mais toujours poëte et s’égalant aux plus grands poëtes, soit qu’il les raille, soit qu’il les imite.
Racine rapporte naïvement lui-même le principal argument dont se servirent ses amis : Ce n’est pas , lui dirent-ils, une comédie qu’on vous demande ; on veut seulement voir si les bons mots d’Aristophane auront quelque grâce dans notre langue. […] Ces injures avaient, alors, dans la langue grecque, plus de noblesse qu’elles n’en peuvent avoir aujourd’hui dans aucune espèce de traduction ; elles sont éloquentes sans être ignobles ; elles sont même naturelles dans la bouche d’un jeune homme fougueux cruellement outragé devant toute l’armée. […] La langue, la versification, la poésie, la logique, l’éloquence, n’ont pas fait un pas en avant depuis cent trente ans ; que dis-je ? […] Clytemnestre, en parlant des dispositions de l’armée grecque, après avoir dit qu’elle est séditieuse,, pleine d’audace pour le mal, ajoute comme correctif, mais utile quand elle veut bien l’être ; correctif ridicule et niais dans nos mœurs et dans notre langue, mais qui, pour les Grecs, adoucissait ce qu’il y avait de trop dur dans le reproche fait à leur armée. […] Le récit de Théramène, l’un des plus beaux morceaux de poésie qui existe dans notre langue, a été vivement attaqué comme un ornement ambitieux.
C’est : « D’où vient que d’un soin si cruel », qu’il trouve douteux, tout en l’excusant immédiatement par dix exemples de la meilleure langue classique. […] C’est tout ; et autant dire que le puriste abbé d’Olivet a trouvé le style et la langue d’Iphigénie quasi irréprochables. […] Trouvez-vous d’une très bonne langue « menacer des refus » ? […] Ceci est d’une langue douteuse ou plutôt un peu négligée. […] Aussi bien ils portaient tous, dans la langue du temps, des titres glorieux.
53 Il accepte au premier mot. « Avec ses amis il ne fait pas cérémonie. » Il est exact à l’heure dite ; il n’est pas venu, « il a couru. » Il se répand en compliments, loue très fort la politesse « de la cigogne, trouve le dîner cuit à point », passe sa langue sur ses lèvres, « se réjouit à l’odeur de la viande » déjà toute coupée, et qu’il croit friande. « Bon appétit surtout, renards n’en manquent point. » Panurge était, comme lui, toujours prêt à dîner, « ayant nécessité urgente de se repaître, dents aiguës, ventre vide, gorge sèche, appétit strident. […] Une grenouille approche et lui dit en sa langue Venez me voir chez moi, je vous ferai festin.
On ne voit sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord, ni la vivacité grimacière du Midi ; leur visage a, comme leur caractère, quelque chose de la candeur du vrai peuple de saint Louis ; leurs cheveux châtains sont encore longs et arrondis autour des oreilles comme les statues de pierre de nos vieux rois ; leur langage est le plus pur français, sans lenteur, sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie. […] « Les étrangers ont bien voulu en traduire les mots par les mots de leur langue, et leurs pays m’ont ainsi prêté l’oreille.
Elles ne la quittaient pas de l’œil, tant elles l’aimaient ; et quand, assise sur son tabouret de bois à trois pieds, elle se mettait à traire, la grande Blanche ou la petite Rœsel se retournaient sans cesse pour lui donner un coup de langue, ce qui la fâchait plus qu’on ne peut dire. […] » Et, levant le coude, ils claquèrent de la langue, comme une bande de grives à la cueillette des myrtilles.